M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très juste !
Mme Michèle André. Le déficit public a plus que doublé au cours des dix dernières années. La dette a augmenté de 30 % pendant le dernier quinquennat, passant de 64 % du PIB à plus de 90 % en 2012.
Ce déficit et cette dette ont été légués par des gouvernements de droite qui ont dirigé notre pays pendant dix ans et qui ont accru la dette publique de 860 milliards d’euros. Ils représentent ce qui pourrait, en quelque sorte, être qualifié, pour parodier Rudyard Kipling, de « fardeau des gouvernements de gauche ». Je dis « des gouvernements », parce que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’est, hélas, pas le premier gouvernement socialiste à devoir se colleter avec ce type d’héritage de la droite.
Et quid de la suppression précipitée de la taxe professionnelle, dont les collectivités locales doivent assurer le « service après-vente », bousculées par un désordre innommable et acculées à un « bricolage péréquationnel » permanent, dont nous entendons parler à longueur de séance ?
Rappelons que le déficit public de la France s’élevait, à la fin de l’année 2011, à 5,2 % du PIB, et qu’il devrait s’établir à 4,1 % à la fin de cette année et à 3,6 % à la fin de l’année prochaine. Cette amélioration ne serait-elle pas le résultat des mesures judicieuses et courageuses prises en moins d’un an et demi par le Gouvernement ?
Si la France, aux dires mêmes de la Commission européenne, devrait échapper à la récession en 2013 et si la croissance de l’économie française devrait même être plus importante que celle qui avait été anticipée par le ministère de l’économie et des finances, ne serait-ce pas grâce aux efforts sans précédent fournis par ce gouvernement pour redresser les comptes publics ? Poser ces questions, c’est y répondre.
Après avoir expliqué l’orientation qui guide le présent projet de budget et l’impératif qui le conduit, j’en viens à son objectif.
Ce dernier se présente sous un triple aspect.
Le premier aspect provient de ce que le Gouvernement a décidé de soutenir résolument l’investissement productif des entreprises, d’abord, en instaurant le CICE et en entamant une œuvre de longue haleine, consistant à réformer l’imposition des entreprises afin que les petites et moyennes entreprises profitent particulièrement de cette imposition et que soient aidés leurs efforts de recherche, accrues leurs capacités d’innovation et, par voie de conséquence, pour qu’elles se développent.
En effet, tout doit être mis en œuvre pour que les PME s’étoffent et deviennent les entreprises de taille intermédiaire qui font tant défaut à l’économie française.
J’ajoute que ce n’est pas un hasard si les investissements bénéficient actuellement, en France, de conditions de financement favorables : le sérieux budgétaire du Gouvernement français n’y est, évidemment, pas étranger, pas plus que les initiatives en faveur de la compétitivité des entreprises, ou la simplification de l’environnement réglementaire desdites entreprises.
Le deuxième aspect de l’objectif budgétaire est le soutien à la consommation des ménages, notamment par le rétablissement de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu qui avait été instaurée voilà deux ans, et par une forte hausse de la décote et du revenu fiscal de référence, pour éviter que les revenus modestes des actifs, comme des retraités, ne rentrent dans l’impôt.
Rappelons que, après l’entrée de 3,3 millions de foyers fiscaux dans l’impôt en 2010, le gel du barème de l’impôt sur le revenu a rendu imposables 3,1 millions de foyers fiscaux, et 2,9 millions en 2012. Sans commentaire ! Était-ce notre œuvre ?
En 2014, la revalorisation de la décote de 5 % permettra de redistribuer 900 millions d’euros de pouvoir d’achat aux ménages.
La consommation de ceux-ci se voit également soutenue par l’encadrement des loyers, des commissions bancaires et des tarifs de l’énergie. Elle bénéficiera aussi de la pause fiscale annoncée par le Président de la République – et nous voulons y croire.
Enfin, le troisième aspect de l’objectif budgétaire tient à l’orientation des efforts vers un meilleur financement des principales priorités du Gouvernement, à savoir l’emploi, l’éducation, le logement, la solidarité, la sécurité et la justice.
Après l’orientation, l’impératif et l’objectif caractérisant le présent projet de loi de finances, examinons la stratégie que ce texte incarne. Cette stratégie a pour principe de base la conjugaison fine de la maîtrise des dépenses publiques et de la stabilisation des prélèvements obligatoires.
Le point de départ de cette conjugaison est le parti pris par le Gouvernement de fonder ce projet de budget sur une prévision de croissance prudente de 0,9 % en 2014 – contre 0,1 % en 2013 –, chiffre correspondant aux estimations de la Commission européenne.
L’objectif de maîtrise des dépenses publiques n’avait encore jamais été atteint. En 2014, le Gouvernement met en œuvre le contrôle de ces dépenses.
Cet effort sans précédent se traduira par 15 milliards d’euros d’économies, dont 9 milliards d’euros sur les dépenses de fonctionnement de l’État, pour un tiers, et sur les dépenses des collectivités locales mais aussi des opérateurs de l’État. Par ailleurs, 6 milliards d’euros doivent être économisés sur les dépenses sociales.
L’effort sur les dépenses représentera 80 % de l’effort de réduction des déficits, alors que cette diminution des déficits a concerné, cette année, pour 33 % la baisse des dépenses et pour 66 % l’augmentation des impôts.
Ce renversement de tendance est le signe d’une capacité remarquable du Gouvernement à adapter sa politique budgétaire aux nécessités économiques et sociales, en même temps qu’aux contraintes résultant des engagements pris envers nos partenaires européens, en particulier ceux de la zone euro.
La stabilisation des prélèvements obligatoires devrait enfin être réalisée. En effet, ces prélèvements n’augmenteront que de 0,15 % du PIB, dont 0,1 % au titre de la lutte contre la fraude fiscale, soit 2 milliards d’euros. Les prélèvements ne subiront, en fait, qu’une hausse de 0,05 % avec le projet de budget pour 2014. Et avec le projet de budget pour 2015, il est prévu des prélèvements obligatoires avoisinant 0 %.
Cette stabilisation, notons-le, mes chers collègues, intervient avec une année d’avance, alors que le programme de stabilité des finances publiques présenté au printemps 2013 prévoyait une augmentation de la pression fiscale de 0,3 point de PIB pour 2014.
En ces temps étonnants où certains brandissent de façon indécente des arguties fiscales, rappelons que, après avoir creusé les déficits à grands coups de cadeaux fiscaux accordés aux plus aisés, le gouvernement Fillon s’était vu obligé, pour essayer de corriger ses bévues initiales, de créer quarante taxes entre 2010 et 2012 et de ponctionner en catastrophe les Français de 30 milliards d’euros !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous devriez nous remercier !
Mme Michèle André. Le gouvernement de gauche a bien été obligé, dans un premier temps, de prendre les mesures nécessaires pour faire face à la situation désastreuse dans laquelle il a trouvé le pays.
M. Vincent Delahaye. Ce sont les dépenses qu’il faut diminuer !
Mme Michèle André. Si ce gouvernement n’avait pas pris ses responsabilités dès le printemps 2012,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Vincent Delahaye. Lesquelles ?
Mme Michèle André. … c’est rapidement à 6 % du PIB que se serait élevé le déficit public ! Qu’aurait été alors l’attitude des instances européennes et des marchés financiers ?
Heureusement, le Gouvernement s’est attaqué à des réformes en profondeur, notamment fiscales : nouvelle tranche d’imposition, impôt de solidarité sur la fortune, réforme de la fiscalité du capital non réinvesti, suppression de l’imposition forfaitaire annuelle. Et ce n’est pas fini, comme vous le savez.
Après l’effort de redressement des comptes publics et de l’économie, viendront la recherche de la stabilisation de prélèvements obligatoires plus égalitaires et la diminution équilibrée de la dépense publique.
Le projet de loi de finances pour 2014 est fidèle à la direction indiquée par le chef de l’État et à la voie fixée par le Gouvernement. Le groupe socialiste du Sénat s’en réjouit et le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Organisation de la discussion
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’indique aux membres de la commission des finances qu’une motion de renvoi à la commission du présent projet de loi de finances a été déposée par le groupe de l’UMP. Comme l’an dernier, je vous propose d’en débattre à l’issue de la discussion générale.
À cette fin, la commission des finances pourrait se réunir – sauf surprise brièvement – pour examiner la motion et décider de la position à adopter, soit à la suspension de la séance, soit au terme de la discussion générale, si nous décidions de ne pas interrompre nos travaux.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le ministre de l’économie et des finances n’a fait qu’un petit tour ce matin au Sénat, traitant cette assemblée et le débat du projet de loi de finances avec beaucoup de légèreté. Monsieur le ministre chargé du budget, je regrette d’autant plus son absence que les critiques que je vais formuler s’adressent davantage à lui qu’à vous-même. Je déplore une telle attitude.
L’an dernier, à la même époque, l’agence de notation Moody’s dégradait la note de la France d’un cran. Le Gouvernement déclarait alors que cette décision venait sanctionner la politique qui avait été conduite par ses prédécesseurs. Soit !
Cette année, l’agence Standard and Poor’s dégrade la note de la France mais, aux dires du Gouvernement, c’est qu’elle est mal informée et ne prend pas en compte les réformes en cours.
M. Roger Karoutchi. Ah, ces agences…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut lire le New York Times !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce que constate néanmoins très clairement l’agence, c’est que l’approche économique et fiscale du Gouvernement ne permet pas d’augmenter substantiellement les perspectives de croissance de moyen terme après des hausses de fiscalité sans baisse significative de la dépense publique.
Elle signale aussi que la politique menée depuis le mois de novembre 2012 n’a pas permis de réduire significativement le risque d’un chômage à plus de 10 % jusqu’en 2016 et que, en conséquence, l’acceptation de toute nouvelle réforme fiscale ou micro-économique devient plus difficile.
Si ce n’est pas tenir compte de la situation sociale actuelle de notre pays, c’est que je ne sais pas lire, monsieur le ministre !
Certes, on peut toujours porter une appréciation sur la qualité des travaux et sur la manière de procéder des agences de notation. J’ai moi-même une opinion en tant que vice-présidente de la mission d’information du Sénat sur ce sujet.
Mais là n’est pas aujourd’hui le problème. Et, au lieu d’ergoter sur les analyses de Standard and Poor’s, comme le fait le Gouvernement,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vous qui les citez !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … il serait certainement plus constructif de considérer cette dégradation de la note française comme un nouvel avertissement, après les réserves formulées à l’égard de votre politique économique par le FMI, l’OCDE et la Commission européenne.
Il y a là une convergence d’analyses qui devrait au moins vous faire douter du bien-fondé de certains de vos choix, comme la hausse massive de la fiscalité.
Quand arrêterez-vous, monsieur le ministre, de rendre les autres responsables à votre place ?
Mme Michèle André. Pas tout de suite !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quand nous proposerez-vous une politique économique lisible et cohérente ?
Telle n’est malheureusement pas la perspective qu’offre le projet de loi de finances pour 2014 dont nous entamons aujourd’hui la discussion et qui provoque dans nos rangs de vives inquiétudes.
Je traiterai d’abord d’une question de méthode.
Comme l’an passé, nous discutons d’un texte complètement vidé de sa substance par rapport à sa présentation en conseil des ministres. En témoignent la disparation de la taxe sur l’excédent brut d’exploitation, la suspension de la taxe carbone, le non-financement à terme du CICE du fait de la disparition de cette fiscalité écologique, ou encore le report de la majoration de la taxation sur les terrains non bâtis.
En conséquence, vous en êtes réduits à courir après des recettes nouvelles en cours de navette parlementaire, et à manipuler, avec dextérité d’ailleurs, les possibilités offertes par le gel des crédits. On a vraiment l’impression que le Gouvernement gère les finances publiques à la petite semaine, dans une unique optique : augmenter les recettes.
C’est là un signe d’impréparation et de manque d’anticipation qui pose aussi la question de la sincérité des textes initialement présentés et de la bonne information du Parlement.
Au-delà de la méthode, nous nous interrogeons également sur votre approche macroéconomique et sur le message que vous délivrez à ce titre.
Compter sur le retour de la croissance ne constitue pas, monsieur le ministre, une politique économique, même si vos projections pour 2013 et 2014 correspondent à celles de la majorité des économistes. À ce stade, on constate une sortie de récession, mais pas une perspective de croissance solide et durable.
Vous semblez d’ailleurs quelque peu optimiste pour les années suivantes, en termes tant de croissance du PIB que de renforcement du pouvoir d’achat, donc de la consommation des ménages, qui passerait de 0,3 % en 2013 à 0,8 % en 2014.
Nous aimerions être aussi confiants que vous quant à la réduction du chômage et nous doutons que les hausses d’impôts qui se profilent garantissent un tel niveau de consommation.
Nous avons déjà beaucoup parlé des hausses d’impôts après l’annonce de la « pause fiscale ». Quelle incroyable contradiction entre votre discours et la réalité !
Je ne m’attarderai pas sur ce point, mais permettez-moi de rappeler que ladite « pause fiscale » se traduira pour les ménages français, en 2014, par des augmentations de prélèvements d’environ 12 milliards d’euros.
Les entreprises ne sont pas non plus épargnées, alors que la lisibilité et la stabilité fiscale participent de tout écosystème favorable à l’investissement productif.
Enfin, les annonces de baisse des dépenses publiques nous laissent sceptiques. En 2013, la dépense publique a dérapé, atteignant 1,7 % de croissance en volume au lieu des 0,9 % prévus, et votre objectif pour 2014 est de 0,4 %. C’est très ambitieux, alors que l’on sait la difficulté à engager et à tenir cette réduction de la dépense publique et que vous continuez d’augmenter les dépenses – emplois d’avenir, extension de la couverture maladie universelle complémentaire, retraite à 60 ans, etc.
En outre, nous constatons que les baisses promises sont faiblement documentées et ne constituent pas une politique globale de réforme de l’État.
Monsieur le ministre, nous déplorons dans votre projet de loi de finances pour 2014 un double discours, un non-discours et un pari.
Vous tenez en effet un discours macroéconomique à l’égard des autorités européennes selon lequel vous arriverez à respecter l’équilibre des comptes publics en 2015. Mais vous n’engagez pas les réformes nécessaires. La Commission n’est pas dupe, comme le montre son analyse du projet de loi de finances pour 2014, dans laquelle elle souligne fort diplomatiquement et de façon argumentée une marge de manœuvre très réduite pour tenir les objectifs de 2015.
Vous avez tenté de faire croire aux Français que la crise était définitivement terminée et qu’il n’y aurait plus de hausses d’impôts, mais le masque est vite tombé.
Vous avez un non-discours, c’est-à-dire l’absence de politique économique adaptée à la situation.
Enfin, vous faites le pari du retour à la croissance. Nous pensons, monsieur le ministre, que vous prenez là un grand risque : celui d’hypothéquer l’avenir.
Nous estimons que les alertes des différentes institutions internationales devraient retenir votre attention et vous donner l’occasion de définir le cap du redressement économique de notre pays.
Or le présent projet de loi de finances ne présente ni stratégie, ni méthode, ni cohérence, et il est en opposition complète avec votre discours de sérieux. Je pourrais être encore plus sévère en parlant de revirements et de reniements. Mais la situation de notre pays exige la responsabilité.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’irresponsabilité, c’était avant !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Notre pays a besoin d’une vraie politique de compétitivité et de baisse de charges pour ses entreprises, comme l’a conseillé M. Gallois, d’ailleurs.
Notre pays a besoin de dynamiser sa croissance potentielle et de réduire sa dette publique, alors que celle-ci devrait atteindre un record en 2014 et s’élever à 95,1 % du PIB, selon vos chiffres, voire 96 % en 2015, selon la Commission européenne.
Notre pays a besoin d’adapter son modèle, comme l’ont fait avant nous, dans des circonstances similaires, l’Allemagne, la Suède, ou encore le Canada. Pour cela, le recentrage des interventions de l’État doit devenir une réalité. La réduction des déficits est un impératif si vous ne voulez pas être obligé de relever le niveau de la fiscalité en 2015, d’autant que la politique monétaire mondiale pourrait devenir moins expansionniste.
Monsieur le ministre, nous vous demandons simplement de réagir et de prendre conscience de la gravité de la situation ; il y va de la crédibilité de notre pays vis-à-vis de nos partenaires européens et de la stabilité de notre État. Même si le Premier ministre vient de tenter de le faire en annonçant une remise à plat de la fiscalité, cette annonce est l’aveu que, dans la situation fiscale et budgétaire actuelle, l’exécutif a épuisé toutes les solutions.
Mme Michèle André. Franchement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est la cacophonie fiscale ! Certes, les déficits ne dérapent pas dans les prévisions que vous faites, mais, aujourd’hui, nous sommes au bout de l’impasse : l’argent ne rentre pas dans les caisses et il n’y a pas de quoi boucher les trous.
Ce constat est d'ailleurs confirmé par le projet de loi de finances rectificative, dont j’ai pris rapidement connaissance hier. Les recettes chutent de 11,2 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale : il manque 3,1 milliards d'euros pour l’impôt sur le revenu, 3,8 milliards d'euros pour l’impôt sur les sociétés et 5,6 milliards d'euros pour la TVA, ces pertes n’étant contrebalancées que par une petite hausse – 1,7 milliard d'euros – des recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF. Voilà la réalité ! Le problème est là, et vous pouvez faire toutes les propositions que vous voulez : l’argent ne rentre pas dans les caisses et, je le répète, il n’y a pas de quoi boucher les trous.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, comme les autres membres de mon groupe, je ne voterai pas le projet de loi de finances tel qu’il nous est présenté, principalement parce que les choix de politique économique qu’il suppose, notamment la continuité des augmentations de prélèvements et une baisse hypothétique des dépenses publiques, ne constituent pas le chemin approprié pour retrouver une meilleure notation et respecter nos engagements européens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Roger Karoutchi. Bravo !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant la première année du quinquennat, le Gouvernement a bâti sa politique sur l’axiome selon lequel la baisse de la dépense était plus récessive que l’augmentation des impôts. C’était peut-être vrai dans la vision, maintenant dépassée, d’une économie hexagonale ; ce ne l’est plus dans le cadre actuel de l’Union européenne, et encore moins dans celui de la mondialisation.
M. Jean-Pierre Caffet. Ah bon ? Pourquoi ?
M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd’hui, les Français considèrent que, en matière d’impôts, trop, c’est trop, d’autant plus qu’ils constatent que la dette ne cesse d’augmenter. Le Premier ministre avait annoncé que seuls 10 % des Français seraient touchés par la hausse des impôts, mais tous nos concitoyens s’estiment frappés. Ils refusent donc tout nouvel impôt. Les sondages de popularité sont le reflet d’un désaveu absolu du pouvoir.
Si la situation n’était pas aussi grave, je dirais que le Premier ministre fait du Raymond Devos sans le savoir, affirmant sans rire que ce serait moins bien si c’était pire. M. le ministre de l’économie et des finances abuse de la méthode Coué et de propos incantatoires sur la confiance. Sa volonté d’optimisme serait louable si elle n’était inquiétante, tant elle est dépourvue de réalisme. En un an, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 16,5 %. Monsieur le ministre, lisez les pages d’annonces légales des journaux locaux ; allez sur le terrain à la rencontre des artisans et des patrons de PME : ils vous feront part de leur malaise et de leur très grande inquiétude.
Vous affirmez que le projet de loi de finances pour 2014 repose à 80 % sur les efforts faits dans le domaine des dépenses qui représentent 9 milliards d'euros d’économies. Mais telle n’est pas la réalité des chiffres. Les dépenses passeront en effet de 279,8 milliards d'euros en 2013 à 290,4 milliards d'euros en 2014 si l’on prend en compte – et il le faut – les 12 milliards d'euros du nouveau programme d’investissements d’avenir. Encore ces chiffres n’intègrent-ils pas les dettes et pensions.
Vous annoncez une pression fiscale accrue de 3 milliards d'euros. Là encore, telle n’est pas la réalité des chiffres. La première partie de votre projet de loi de finances prévoit une augmentation très forte, avec 3,5 milliards d'euros d’impôt sur le revenu, 6 milliards d'euros de TVA et 2,5 milliards d'euros d’impôt sur les sociétés en plus, ainsi que différentes mesures de rendement budgétaire. Au total, cela représente entre 12,5 et 13,5 milliards d'euros d’impôts supplémentaires.
Les collectivités territoriales doivent participer à l’effort général ; soit ! La dotation globale de fonctionnement, la DGF, est donc réduite de 1,5 milliard d'euros. Mais que l’État donne l’exemple ! Pour être juste et accepté, l’effort doit être partagé par tous.
Les juges de paix de nos finances sont unanimes. La Cour des comptes, le Commissariat général à la stratégie et la prospective, ou encore le Conseil d’analyse économique nous alertent sur une situation très inquiétante et vous font des recommandations objectives et pragmatiques que vous vous entêtez à ignorer.
Vous soulignez que le Haut Conseil des finances publiques a considéré que vos prévisions de croissance – 0,1 % pour 2013 et 0,9 % pour 2014 – étaient « plausibles ». Mais n’oubliez pas, si vous voulez être objectif, qu’il a jugé que vos prévisions d’emploi étaient optimistes : elles surestiment les cotisations sociales et les recettes de la contribution sociale généralisée, la CSG, et sous-estiment les dépenses d’assurance chômage.
La Commission européenne a validé votre projet de loi de finances pour 2014. Ouf ! Mais elle vous avertit que « la politique fiscale en France a atteint les limites de l’acceptabilité ». N’ignorez pas ses mises en garde sur la fiscalité, l’emploi et l’échec de la formation professionnelle. Vous avez ratifié le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, qui prévoit une convergence et une coordination en matière fiscale. C’est très bien, car cette convergence et cette coordination sont indispensables, mais nous faisons le contraire. Où est la cohérence ? De plus, nous devons respecter notre signature.
L’OCDE, qui exprime des réserves sur la compétitivité française, préconise une réforme de la fiscalité et du marché du travail, et relève, à propos de notre système fiscal, de « nombreuses distorsions et exemptions qu’il est impératif de rationaliser ».
Les annonces contradictoires du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’économie et des finances déconcertaient ; maintenant, elles exaspèrent les Français. Le ministre de l’économie et des finances ayant parlé d’un « ras-le-bol fiscal », on espérait qu’il y mettrait fin. Il n’en est rien. La litanie est désespérément longue : recul sur la taxation à 15,5 % des produits d’épargne, la hausse étant finalement limitée à certains contrats d’assurance-vie ; suspension de l’écotaxe face à la fronde des Bonnets rouges ; revirements sur la TVA, qui constituent à eux seuls un roman-feuilleton.
Mentionnons également la transformation par l’Assemblée nationale, à cause des protestations, de la taxe sur l’excédent brut d’exploitation en augmentation de l’impôt sur les sociétés, dont le taux pourrait désormais atteindre 38 %. C’est le taux le plus élevé de l’Union européenne, alors que les marges de nos entreprises sont les plus médiocres au sein de l’Union, puisqu’elles s’établissent à 28 %.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, il faut le remarquer !
M. Aymeri de Montesquiou. Louis Gallois a souligné que la rentabilité des entreprises françaises était la plus faible de l’Union européenne. Alors que le Royaume-Uni baisse le taux de l’impôt sur les sociétés jusqu’à 23 %, et que ce taux s’élève à 30 % en Allemagne et en Espagne, et à 31,4 % en Italie, la France taxe encore davantage les entreprises ! Elle va tuer toute leur capacité d’investissement ; l’investissement a d'ailleurs chuté de 0,6 % ce trimestre. Comment les entreprises pourraient-elles investir et devenir compétitives avec cette stérilisation fiscale ? Vous tuez tout potentiel de compétitivité !
Consternante, aberrante, stupide, la taxe à 75 % rapporterait peu et coûterait beaucoup en image et en renoncement à investir dans notre pays. Invalidée par le Conseil constitutionnel en raison de son caractère confiscatoire, elle a été non pas abandonnée, mais transférée sur les entreprises. C’est atterrant ! Qui aura envie de s’implanter en France ? Les investisseurs américains étaient 53 % à vouloir investir dans notre pays voilà deux ans ; ils ne sont plus guère que 16 % aujourd'hui.
Je vous exhorte, comme j’exhortais déjà le précédent gouvernement, à prendre des mesures de bon sens, en faisant preuve de lucidité et de courage ; le nom de Pierre Bérégovoy me vient à l’esprit. Prenez exemple sur des pays comparables au nôtre qui, dans une situation analogue, ont réussi à redresser leurs comptes publics en tranchant dans les dépenses. La Suède, la Belgique, le Canada, ou encore la Nouvelle-Zélande l’ont fait. La Suède, dont le modèle d’État-providence n’a rien à envier au nôtre, a su se remettre en question et se réformer en profondeur, en adoptant une nouvelle vision du service public et un taux de TVA à 25 % afin de ne plus faire peser sur les seules entreprises le poids des cotisations sociales.
Lisez la presse internationale : les journaux soulignent tous l’incohérence et l’absurdité de votre politique fiscale. Vous donnez une image désastreuse à l’extérieur de nos frontières, celle d’un pays arrogant et incapable de se remettre en question dans un contexte d’urgence, à cause d’un dogmatisme archaïque. Vous donnez également une image stérilisante à l’intérieur, celle d’un pays qui tue l’envie d’entreprendre et fait fuir ceux qui sont à l’origine de la création de richesses.
Vous avez hérité d’une situation difficile, …