M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement porte spécifiquement sur le football. Plusieurs clubs professionnels sont concernés par le dispositif de la taxe exceptionnelle sur les rémunérations supérieures à 1 million d’euros. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe d’égalité devant l’impôt. Cependant, il y aurait iniquité fiscale, et dès lors sportive, si un club établi à l’étranger participait à notre championnat national, en en retirant les fruits médiatiques et financiers, sans être soumis à une taxe à laquelle sont assujettis tous ses concurrents.
M. Philippe Dallier. Des noms, des noms !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En conséquence, cet amendement vise à assujettir tous les clubs sportifs professionnels affiliés à une fédération française, même ceux qui sont établis à l’étranger, à la taxe à 75 %.
À cette fin, l’amendement tend à créer une nouvelle taxe spécifique aux clubs sportifs professionnels dont le régime est calqué sur celle qui est proposée par le Gouvernement, mais dont l’élément déclencheur est non plus le lieu d’établissement du siège social, mais l’affiliation à une fédération sportive française.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ils ne devront s’acquitter de cette taxe spécifique que s’ils n’ont pas payé la taxe de droit commun, dont, en pratique, à notre connaissance, seule l’AS Monaco n’est pas redevable.
Par ailleurs, pour assurer l’effectivité du recouvrement de la taxe, la Ligue de football professionnel sera chargée de la collecter et de la reverser au Trésor. En effet, au travers de la Direction nationale du contrôle et de la gestion, la DNCG, elle dispose de toutes les informations individuelles sur les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 nécessaires pour établir le montant dû par chacun, y compris l’AS Monaco.
Il s’agit, mes chers collègues, d’un amendement d’équité sportive, visant à éviter que la création de la taxe à 75 % ne se traduise par une aggravation du déséquilibre fiscal entre les clubs français de football et celui du Rocher.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cet amendement vise à étendre la taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations à la totalité des clubs sportifs professionnels, dont l’AS Monaco.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition pour les raisons suivantes.
Tout d’abord, la taxe exceptionnelle s’appliquera de manière générale à toutes les structures exploitant une entreprise en France. Il n’est pas envisagé de faire une exception pour les clubs sportifs.
Ensuite, mettre en place des règles spécifiques pour taxer le seul club qui n’est pas établi en France nous semble une solution compliquée. Comme vous le mentionnez expressément dans l’objet de votre amendement, vous voulez contribuer à corriger le déséquilibre financier entre les clubs français et l’AS Monaco, qui n’a pas son siège social en France et n’est donc pas soumise à l’impôt. La loi fiscale dispose pour l’ensemble des contribuables et il ne serait pas totalement légitime de l’utiliser pour traiter une situation particulière. La difficulté soulevée doit, à nos yeux, être réglée au sein de la Ligue de football professionnel, à qui il appartient d’examiner les conditions de la participation de ce club au championnat français.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
Il est difficile de régler cette situation par la loi fiscale et il nous semble plus prudent de s’en remettre à la médiation ouverte par la Ligue de football professionnel pour trouver le moyen de mettre tous les clubs sur un pied d’égalité au regard de la loi fiscale. Si l’AS Monaco était le seul club exempté de cette taxe, cela lui donnerait un avantage compétitif par rapport aux autres, même si ce n’est pas parce que l’on a onze joueurs payés plus de 1 million d’euros que l’on est certain de gagner, comme en témoigne le classement actuel du championnat de France.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. J’avoue ne pas bien comprendre la réponse du Gouvernement. Il y a un problème d’équité et d’égalité. L’amendement présenté par la commission des finances, tendant à modifier le fait générateur de la taxe, me paraît pertinent : je le voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme l’a souligné M. le ministre, la disposition, en l’état actuel des choses, s’appliquerait à une seule équipe professionnelle de très haut niveau. Cependant, rien ne dit que, demain, elle ne concernera pas d’autres sports. Qui sait si certaines de nos fédérations sportives ne vont pas chercher à attirer d’autres clubs ayant leur siège social hors de nos frontières ?
En tout cas, cette question a suscité de très nombreuses réactions depuis que la commission des finances l’a évoquée. Cela témoigne qu’il importe de veiller à l’équité sportive, d’où le dépôt de cet amendement.
Je ferai remarquer en outre que la médiation en cours porte non pas sur le cas de tel ou tel club, mais sur les conditions générales d’application de la taxe au football. Il nous semble donc pertinent de traiter le cas précis de l’AS Monaco au travers de cet amendement.
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Certes, Monaco a un régime fiscal avantageux, mais il procède d’une convention fiscale internationale : il revient donc aux gouvernements d’envisager une éventuelle révision.
Par ailleurs, j’observe que les stades sont pleins lorsque l’AS Monaco joue à l’extérieur, comme à Nantes hier soir, parce qu’elle offre un spectacle de grande qualité et aligne une belle équipe, avec de nombreuses vedettes. Les recettes profitent à tous les clubs du championnat. Le club de Brest en bénéficierait également s’il était resté en Ligue 1, monsieur le rapporteur général !
En réalité, monsieur le ministre, si l’on regarde bien les choses, que veulent réellement les présidents des autres clubs ? Que l’AS Monaco achète ses joueurs un peu plus souvent sur le marché français, et moins à l’étranger. Tel est le point essentiel !
Ne tombons donc pas dans le panneau. Il serait sage, monsieur le rapporteur général, de laisser le Gouvernement, la Ligue de football professionnel et Monaco trouver des solutions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-4.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Un but pour le rapporteur général ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-449, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le produit de la taxe est affecté au Centre national pour le développement du sport, en vue du financement des projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir la compétition sportive dénommée « UEFA Euro 2016 » ainsi que des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci, dans les limites fixées par l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Le présent amendement a pour objet de flécher une partie du montant de la taxe exceptionnelle de solidarité acquitté par les clubs professionnels vers le Centre national de développement du sport, dont le budget est fragilisé par sa mission de financement des infrastructures sportives de l’Euro 2016.
En effet, comme le soulignaient nos collègues Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly dans leur excellent rapport d’information sur le financement public des grands stades, c’est l’État, et non le CNDS, qui doit financer ces infrastructures. À tout le moins, celui-ci devrait se voir rembourser l’intégralité des dépenses ainsi créées. Or, pour 160 millions d’euros de dépenses estimées, il ne lui a été alloué que 120 millions d’euros de ressources nouvelles. Ce déficit de 40 millions d’euros affecterait directement l’exercice des missions premières du CNDS, c’est-à-dire le soutien au sport amateur. Or ce dernier, par ses missions à la fois éducatives, citoyennes et sportives, contribue pleinement au renforcement du lien social, à l’animation et à l’aménagement du territoire.
C’est pourquoi, sur la proposition de notre collègue Jean-Marc Todeschini, la commission des finances a complété ce financement à hauteur de 24 millions d’euros, par l’augmentation du prélèvement spécifique sur les jeux de loterie et paris sportifs. Cependant, il manque encore quelques millions d’euros pour compenser intégralement les dépenses. Par conséquent, cet amendement, et celui qui le complète, à l’article 31, prévoient d’affecter au CNDS une partie du produit de la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances a souhaité solliciter la sagesse du Sénat…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle est grande !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … sur cet amendement qui vise à prélever, sur les 40 millions d’euros de taxe qui vont être payés par les clubs de football professionnels, 8 millions d’euros pour le CNDS, donc pour le sport amateur. Cela nous paraît être une très bonne idée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quelle déception…
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il est proposé d’affecter une ressource supplémentaire au CNDS, moins, à nos yeux, en faisant contribuer les clubs de football professionnels qu’en retirant une recette au budget général pour l’affecter à cet organisme.
Or le CNDS fait l’objet d’un plan de redressement dont la mise en œuvre est en cours et qui vise à recentrer ses interventions. Il s’agit de concentrer ses actions sur le développement du sport pour tous, notamment, en ciblant plus précisément la correction des inégalités d’accès à la pratique sportive pour tous les publics. L’enjeu est que le CNDS retrouve une situation financière saine, au bénéfice de ce qui aurait dû rester son cœur de mission. Pour cela, le Gouvernement, par ailleurs engagé dans un mouvement général de réduction de ses taxes, lui garantit une stabilité des taxes qui lui sont affectées.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Afin de connaître le résultat de ce match entre la commission et le Gouvernement (Sourires.), je mets aux voix l'amendement n° I-449.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote sur l'article.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, il ne vous aura pas échappé que notre groupe n’a pas déposé d’amendements sur cet article. Ce n’est, de notre part, ni une marque de désintérêt ni l’effet d’un coup de fatigue, mais la conséquence d’une position que je vais brièvement développer.
L’examen de l’article 9 a surtout été l’occasion d’un débat un peu biaisé sur l’économie du sport professionnel.
Les critères retenus dans le projet de loi, la définition du périmètre des revenus imposables : tout cela peut très bien répondre et correspondre à une nécessité de justice et de « redistribution », mais pourquoi ce souci du détail et de l’équité se limite-t-il aux rémunérations de caractère exceptionnel, dépassant le million d’euros, pour une contribution tout aussi exceptionnelle ?
Cette taxe constitue une espèce de fusil à seulement deux coups, qui ne s’appliquera qu’en 2013 et en 2014 et à un nombre extrêmement réduit de contribuables, dont quelques sportifs professionnels et, peut-être, quelques hauts cadres dirigeants d’entreprise.
L’intention est sans doute bonne. Il nous semble toutefois que cet article 9 a motivé une bonne part du débat actuel, biaisé, quelque peu mal ficelé, sur la fiscalité. Nous avons l’impression que la dimension symbolique du dispositif s’est retournée contre les tenants de celui-ci, même si tous les Français ne sont pas des footballeurs.
Nous ne voterons pas cet article, parce que nous pensons que les critères définis pour la contribution exceptionnelle devraient être généralisés et, sur le fond, assortis d’un taux d’imposition intégré au barème de l’impôt sur le revenu lui-même.
Nous devrions, dans le cadre de la réforme fiscale en profondeur dont on nous parle depuis quelques jours, nous pencher sur cette question. L’assiette de la contribution exceptionnelle est plutôt bien conçue et il serait peut-être intéressant de la transposer à l’impôt sur le revenu.
M. Francis Delattre. Ah, la bonne nouvelle ! (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)
Article 10
I. – Au deuxième alinéa du I de l’article 235 ter ZAA du code général des impôts, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10,7 % ».
II – Le présent article est applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois, sur l'article.
M. Louis Duvernois. L’article 10, qui porte sur la surtaxe exceptionnelle d’impôt sur les sociétés, est un pis-aller qui témoigne avec force de l’amateurisme du Gouvernement.
Devant le tollé qu’a déclenché l’éventualité d’une taxation de l’excédent brut d’exploitation, vous nous proposez désormais une surtaxe d’impôt sur les sociétés de 10,7 %.
Cette proposition est le reflet d’une certaine vision : vous construisez une réforme de la fiscalité des entreprises fondée sur la recette fiscale minimale que vous comptez percevoir.
Vous n’avez aucune vision d’ensemble ! Le niveau d’impôt que l’on souhaite prélever sur un secteur de la vie nationale ne peut être à ce point indépendant de l’évolution de notre économie.
Dans la conjoncture actuelle, mettre en place une surtaxe d’impôt sur les sociétés est dangereux. L’instauration d’une telle surtaxe aboutira, pour les entreprises concernées, à mettre en place un taux facial de 38 %, qui ne peut que nous disqualifier dans un contexte de concurrence accrue.
Il faut savoir que le taux moyen européen de l’impôt sur les sociétés est de 24 %, et que la France remporte déjà très largement la palme de l’impôt sur les sociétés le plus élevé. Dès lors, est-il vraiment judicieux de prendre le risque d’aggraver encore notre manque de compétitivité fiscale ?
De plus, fixer le seuil à 250 millions d’euros de chiffre d’affaires aboutit à taxer, au-delà des grandes entreprises, les sociétés intermédiaires dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions et 1 milliard d’euros.
En réalité, ce sont bien elles qui supporteront le coût d’une telle mesure, car les très grandes entreprises parviennent fort bien à réduire l’assiette de leur imposition au travers de nombre de stratégies d’optimisation fiscale.
Dès lors, une telle mesure va encore accentuer l’érosion de l’assiette de l’impôt sur les sociétés en France. Non seulement elle ne rapportera pas les 2,5 milliards d’euros espérés, mais elle aura un effet désastreux sur l’image de notre pays.
Nous ne pourrons donc que voter contre cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-374 est présenté par MM. Delattre, du Luart, de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-458 est présenté par MM. Delahaye, Maurey, Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° I-374.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, il vient d’être brillamment défendu par mon collègue Louis Duvernois.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-458.
M. Vincent Delahaye. Je l’ai déjà dit, la pression fiscale sur les entreprises est déjà très forte et a beaucoup augmenté ces dernières années. En particulier, le taux de l’impôt sur les sociétés est nettement plus élevé en France que dans les autres pays européens. C’est un handicap pour l’économie française et la création d’emplois dans notre pays.
Il ne paraît donc nullement opportun de faire supporter aux entreprises une surtaxe, fût-elle temporaire, d’autant que le temporaire, en matière de fiscalité, a souvent vocation à durer…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’article 10 est déterminant pour le maintien de l’équilibre budgétaire en 2014, et donc de la trajectoire de nos finances publiques.
Je ne peux être que défavorable à ces amendements identiques, puisque leur adoption entraînerait une dégradation du solde budgétaire de 2,5 milliards d’euros, et donc une aggravation supplémentaire du déficit. Nous nous opposons, dans la logique de nos précédentes prises de position, à la suppression d’une recette.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est bien sûr défavorable.
Je rappelle que cette mesure concernera environ 1 500 entreprises et qu’elle prolonge l’initiative de créer une surtaxe exceptionnelle d’impôt sur les sociétés prise par le précédent gouvernement en 2011.
Afin de concourir à la réduction des déficits publics et au rétablissement de l’équilibre de nos comptes publics, nous proposons la mise en œuvre d’une mesure d’un rendement attendu de 2,5 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien.
Si vous supprimez cette recette, il faudra nous dire quelles mesures d’économie vous comptez prendre en compensation, à moins que vous n’ayez renoncé à réduire les déficits publics… Pour mémoire, la mesure de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux que vous aviez adoptée n’a rapporté que 500 millions d’euros d’économies par an.
Il faut avoir une vision d’ensemble du dispositif. À cette mesure, qui concernera les entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, s’ajoute une disposition de soutien aux entreprises de taille plus modeste : la suppression de l’impôt forfaitaire annuel qui touchait les entreprises réalisant plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Notre volonté est de réduire les déficits publics sans affecter la compétitivité globale de nos entreprises. En regard de cette mesure qui rapportera 2,5 milliards d’euros, nous avons prévu, outre le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, une baisse de l’ordre de 4,5 milliards d’euros des impositions pesant sur les entreprises, au travers de la non-reconduction ou de la diminution du rendement de certaines mesures. Au total, le solde est positif, pour les entreprises françaises, qu’elles soient petites ou grandes, à hauteur d’environ 12 milliards d’euros.
J’insiste sur le fait que ce budget est le plus favorable aux entreprises que l’on ait vu depuis des années. Proposer la suppression de l’article 10 ne prend pas en compte la réalité de la situation : je vous invite à apprécier la stratégie du Gouvernement dans sa globalité. Nous sommes impatients de savoir comment vous comptez remplacer cette perte de 2,5 milliards d’euros de recettes, car l’élaboration du contre-budget de l’UMP nous a semblé quelque peu laborieuse jusqu’à présent ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Notre groupe votera contre ces deux amendements identiques et contre l’amendement n° I-375 à venir, qui participe de la même philosophie.
L’article 10 a été introduit après le retrait du nouvel impôt sur les sociétés que devait constituer la taxation de l’excédent brut d’exploitation.
M. Philippe Dallier. C’était une mauvaise idée !
M. Éric Bocquet. Il s’agit de majorer de plusieurs points la contribution exceptionnelle des grandes entreprises au redressement des comptes publics pour trouver une recette équivalente. Dans les faits, cela revient à porter de 33,33 % à 38 % environ le taux de l’impôt sur les sociétés que doivent acquitter les plus importantes entreprises, contribution sociale sur les bénéfices comprise.
Outre que, dans le passé, de telles mesures ont déjà été prises – je pense, par exemple, à la surtaxe « Juppé », en 1995, que tous les parlementaires de l’actuelle opposition avaient votée sans sourciller –,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En sourcillant !
M. Éric Bocquet. … il convient, dans cette affaire, de raison garder.
Le rendement attendu de la mesure, sans application du moindre dispositif correctif, est d’environ 2,5 milliards d’euros, c’est-à-dire un peu plus d’un millième du PIB. Il paraît donc inapproprié de parler ici d’impôt confiscatoire, de matraquage fiscal…
Au demeurant, la question du taux facial des impôts est assez factice : en matière de fiscalité des entreprises, la seule chose qui compte, c'est le rapport entre le chiffre d’affaires et l’imposition supportée.
Nous l’avons dit lors de la discussion générale, il faut six jours d’activité à une entreprise moyenne soumise à l’impôt sur les sociétés pour s’acquitter de ses impôts. On peut considérer qu’il lui faudra quinze heures de plus pour payer la surtaxe prévue à l’article 10 : rien qui apparaisse insurmontable !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous avez demandé à connaître nos propositions ; je voudrais vous répondre en évoquant une activité spécifique de la Marne et de quelques départements voisins : la production de champagne, qui représente un chiffre d’affaires de 4,2 milliards d’euros par an, réalisé pour moitié à l’export, et contribue fortement au solde positif de la balance commerciale de la région Champagne-Ardenne.
La surtaxe pèsera lourdement sur les maisons de champagne et pourrait contribuer à mettre à mal leur activité, comme je vais tenter de vous le démontrer.
D’une part, ces entreprises ne peuvent bénéficier du CICE, car des conventions collectives très sociales font que les salaires minimaux y dépassent le seuil de 2,5 fois le SMIC.
D’autre part, les maisons de champagne relèvent d’un modèle économique particulier, dans la mesure où, en raison de la durée de vieillissement des vins, qui varie entre vingt-deux et quarante-trois mois, le financement des stocks représente bien plus d’une année de chiffre d’affaires, ce qui entraîne des répercussions importantes sur la déduction des frais financiers.
S’ajoutent à cela la surtaxe d’impôt sur les sociétés et l’augmentation récemment décidée des cotisations sociales sur les emplois saisonniers, qui se traduit par des centaines de milliers d’euros supplémentaires de charges pour les entreprises de champagne faisant appel à des vendangeurs.
Au final, tout cela cumulé, les calculs montrent, monsieur le ministre, que votre surtaxe représentera 100 % du résultat courant avant impôts. Ce sera donc un impôt confiscatoire !
Vous allez pénaliser des secteurs entiers de l’économie. Il faut être très attentif aux répercussions des mesures proposées. Je voterai ces amendements de suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Monsieur le ministre, nous n’avons peut-être pas de propositions qui vous agréent, mais nous allons essayer de vous donner quelques repères…
Premièrement, en une année, on a enregistré 170 000 chômeurs supplémentaires ! Goodyear, Alcatel, La Redoute, Natixis, Doux, Fagor ont annoncé, en une seule journée, la destruction de 4 000 emplois.
Grâce au ciel, tout le monde s’accorde à dire que ce sont les entreprises qui créent les emplois durables du secteur marchand. Or vous ne trouvez rien de mieux à faire que créer une surtaxe d’impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Deuxièmement, en matière de compétitivité, le rapport Gallois invite à conforter les PME-PMI réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires et capables d’exporter. En France, nous avons moins de 1 000 entreprises qui exportent durablement, alors que les Allemands en ont 5 000. Or l’écart porte précisément sur les entreprises que vous proposez de surtaxer.
Monsieur le rapporteur général, vous avez oublié une notion importante. Le taux nominal de l’impôt sur les sociétés est aujourd’hui de 37 % pour les entreprises touchées par la surtaxe. C’est le record en Europe ! Ce taux est de 12 % en Irlande, de 15 % en Allemagne et de 24 % au Royaume-Uni.
Troisièmement, quels sont les pays qui aujourd’hui nous prennent des parts de marchés ? Ce ne sont plus la Chine ni même l’Allemagne, mais l’Espagne, l’Italie et même le Portugal.
Une mesure telle que la surtaxe d’impôt sur les sociétés est totalement incohérente avec le discours que vous tenez : d’un côté, vous enfumez l’opinion publique avec la création du CICE, supposée permettre 10 milliards d’euros d’allégements de charges l’année prochaine ; de l’autre, vous surtaxez les entreprises.
J’ajoute que les fameux allégements de charges au titre du CICE vont être largement étalés dans le temps – on parle maintenant de 2015, de 2016, de 2017 –, tandis que la surtaxe d’impôt sur les sociétés s’appliquera dès l’année prochaine. Voilà l’intérêt de la manœuvre.
Votre discours est totalement contradictoire. En créant le CICE, vous reconnaissez que le niveau des charges pesant sur les entreprises entrave notre compétitivité et la création d’emplois, mais, dans le même temps, vous imposez aux entreprises un nouveau prélèvement : vous reprenez d’une main ce que vous faites mine de donner de l’autre. Comment voulez-vous que les chefs d’entreprise s’y retrouvent ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Représentant le Gouvernement dans la discussion budgétaire depuis ce matin seulement, vous n’avez peut-être pu suivre les échanges que nous avons eus lors de la discussion générale et de l’examen des premiers articles du texte, monsieur le ministre.
N’étant parlementaire que depuis 2011, je ne me sens pas comptable de ce qui s’est passé avant cette date. Ce qui nous intéresse, c’est l’avenir et ce que nous pouvons faire aujourd'hui pour nos entreprises, pour nos enfants, pour l’emploi, pour le pays.
Notre stratégie de redressement budgétaire s’appuie principalement sur la réduction de la dépense, et non sur l’alourdissement de la fiscalité.
Il a été question d’une « pause fiscale », mais on ne la voit pas venir du tout. En revanche, ce que l’on voit venir, pour 2014, c’est un alourdissement de la fiscalité à hauteur de 10 milliards à 12 milliards d’euros pour les entreprises mais aussi les ménages, à travers le relèvement de la TVA, la remise en cause du quotient familial et un certain nombre d’autres dispositions. Nous sommes opposés à cette stratégie.
Jean Arthuis a dit que nous devions revenir sur les 35 heures. Au niveau européen, la France approuve la hausse du temps de travail hebdomadaire et le recul de l’âge de la retraite : pourquoi le Gouvernement n’applique-t-il pas ces mesures en France ? Nous ne comprenons pas très bien cette incohérence. C’est une première question, à laquelle nous n’avons pas obtenu de réponse.
Par ailleurs, on demande cette année un gros effort aux collectivités territoriales, en réduisant leurs dotations au moment même où on leur impose des dépenses supplémentaires, par exemple au travers de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, pour ne citer qu’elle.
Pour notre part, nous sommes certains que si l’État s’imposait les mêmes efforts que ceux qu’il demande aux collectivités locales, en réduisant réellement ses dépenses, et non en modérant leur augmentation, comme il nous est proposé au travers du présent projet de loi de finances, nous parviendrions à rétablir quelque peu la situation budgétaire. Nous souhaiterions que le Gouvernement s’engage dans cette direction.
Nous sommes donc opposés à tout alourdissement de la fiscalité des entreprises. Demain, on pourra toujours pleurer sur la multiplication des plans sociaux et sur la poursuite de la progression du chômage en dépit de la promesse du Président de la République et du Premier ministre d’inverser la courbe : les décisions que le Gouvernement aura imposées seront responsables de la situation économique catastrophique de notre pays !