M. Thani Mohamed Soilihi. La Guyane et Mayotte ont fait de très gros efforts afin de rattraper leur retard et de mettre place une gestion des déchets conforme à la réglementation. À telle enseigne que, la semaine dernière, le syndicat d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte s’est vu attribuer la Marianne d’or.
Ces efforts ont été accomplis dans un contexte particulier, puisque ces départements sont désavantagés par rapport aux collectivités de métropole, qui ne connaissent pas un contexte réglementaire et fiscal aussi contraignant. En outre, ces territoires, qui figurent parmi les plus vastes intercommunalités de France, ont des caractéristiques très particulières, telles que le déficit d’infrastructures routières ou de législation sur les voies navigables.
Le niveau élevé du taux moyen de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, rend compte de l’importance des contraintes qui pèsent sur les usagers par rapport aux collectivités de métropole. Ces contraintes menacent les équilibres financiers de ces collectivités et, à terme, la paix sociale.
Ainsi, la TGAP représente 14 euros par habitant en Guyane contre 5 euros par habitant sur le territoire national, alors même que le PIB par habitant est deux fois inférieur à celui de la métropole. Le budget de cette taxe représente entre 50 % et 100 % des recettes de la TEOM, dans un contexte où les taux de TEOM sont très largement supérieurs à la moyenne nationale.
Pour les communes non accessibles par voie routière, les difficultés liées à l’exploitation des sites induisent des surcoûts de traitement et compliquent la mise en œuvre de solutions, ce qui rend nécessaire la modulation de la TGAP.
À Mayotte, la fiscalité locale n’est qu’embryonnaire et ne sera effective qu’au 1er janvier 2014. Les premières recettes de la TEOM, aujourd’hui nulles, ne seraient envisageables qu’à compter de 2015.
Par ailleurs, dans un contexte de grande précarité sociale – le PIB par habitant est plus de quatre fois inférieur à la moyenne nationale française –, le nombre de foyers imposables à la TEOM est très faible, induisant des taux de TEOM insoutenables pour équilibrer les budgets de la gestion des déchets ménagers à Mayotte.
Il faut noter en outre que la TGAP n’a jamais été appliquée à Mayotte, tout jeune département. Il est donc proposé une mise en place progressive.
Il est manifeste que ces territoires font face à des difficultés majeures de mise en place des structures de gestion des déchets, qui se traduisent par un fort investissement sur les mises aux normes des décharges, mais aussi par une absence quasi totale d’intervention des éco-organismes pour développer les structures de tri sélectif.
Il en résulte que, lorsqu’en métropole, après valorisation, seulement 30 % des déchets ménagers et assimilés sont stockés et donc soumis à TGAP, en Guyane, ils sont stockés à plus de 90 %, voire à 100 % pour les communes les plus isolées, et à 100 % à Mayotte.
Une modulation de la TGAP permettrait de rétablir un niveau juste de participation par habitant équivalent au niveau national. Par ailleurs, pour les communes non accessibles par voie terrestre en Guyane – et, pour Mayotte, à partir de 2015 –, une TGAP de 3 euros par tonne permettrait de prendre en compte l’incapacité structurelle à assurer sur ces territoires un niveau de recyclage équivalent à ceux de métropole.
Enfin, je tiens à préciser que, si l’effet de cette minoration de la TGAP est significatif pour les communes d’outre-mer, il ne l’est que très faiblement pour les finances publiques, puisque ne sont concernées qu’entre 100 000 et 120 000 tonnes de déchets, soit un écart compris entre 2 millions d’euros et 2,4 millions d’euros avec les recettes de 2012. L’effet est même nul à Mayotte, où la TGAP n’était pas applicable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à moduler les tarifs de la TGAP sur les déchets ménagers en faveur de Mayotte et de la Guyane, deux territoires dont les spécificités ne sont pas prises en compte par le tarif actuel. La commission a estimé que l’objectif des auteurs de cet amendement était tout à fait compréhensible compte tenu des spécificités de la Guyane et de Mayotte, tout en s’interrogeant sur la constitutionnalité de leur proposition au regard du principe d’égalité devant l’impôt. Néanmoins, ces interrogations sont peut-être superflues. À la lumière des utiles précisions qu’apportera le Gouvernement, la commission pourrait émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre préoccupation et est conscient des efforts qu’ont engagés les collectivités de Guyane et de Mayotte pour mettre en place une gestion des déchets conforme à la réglementation, mais également des difficultés financières que suscite la TGAP.
Au regard des investissements importants à réaliser dans ces deux départements, je vous propose de mettre en place un dispositif transitoire jusqu’au 31 décembre 2018, l’objectif étant d’en revenir au régime général à compter de 2019.
Le Gouvernement aurait souhaité émettre un avis favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement tendant à établir un échelonnement différent de celui que vous proposez aux sixième et septième alinéas du tableau inscrit dans votre d’amendement. Ce sous-amendement n’ayant pas été déposé, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Il déposera dans la suite de la discussion un amendement visant à intégrer les dispositions prévues initialement dans ce sous-amendement.
M. le président. Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° I-177 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.
L’amendement n° I-148 rectifié, présenté par Mme Sittler et MM. Billard, Reichardt, Grignon, Revet, Cornu et G. Bailly, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2 de l’article 266 decies du code des douanes, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les personnes mentionnées au I de l’article 266 sexies sont autorisées à déduire des cotisations de taxe dues au titre de leurs installations situées dans la zone surveillée par un observatoire départemental ou régional des déchets, les contributions ou dons de toute nature qu’elles ont versés à celui-ci dans les douze mois précédant la date limite de dépôt de la déclaration. Cette déduction s’exerce dans la limite de 171 000 euros ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues. »
II. – Les pertes de recettes résultant pour l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) et pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à Mme Esther Sittler.
Mme Esther Sittler. Les observatoires départementaux et régionaux des déchets ont pour mission d’étudier et de déterminer la nature, la quantité, le flux et les filières de traitement des déchets au niveau local. Leur financement est aujourd’hui assuré par l’ADEME, par les collectivités locales et par l’État. Or, les charges augmentant et les subventions restant fixes, il est important pour ces organismes d’assurer leur pérennité en élargissant leurs sources de financement.
Le présent amendement vise donc à étendre le dispositif applicable aux observatoires de la qualité de l’air, c’est-à-dire à permettre les dons des entreprises aux observatoires en échange d’une déduction de la TGAP dont elles sont redevables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à permettre aux entreprises redevables de la TGAP sur les déchets ménagers qui font des dons aux observatoires départementaux et régionaux des déchets de les déduire de leur cotisation de TGAP.
Ce souhait a paru pouvoir être partagé par nos collègues de la commission des finances. Toutefois, des questions de faisabilité et de mise en œuvre se posent certainement, or la commission ne dispose pas des éclairages nécessaires sur les conséquences d’une telle décision. La commission a donc souhaité recueillir l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous souhaitez donc étendre la possibilité offerte aux redevables de la TGAP-émissions polluantes de déduire du montant de la TGAP due les contributions ou dons de toute nature versés aux organismes de surveillance de la qualité de l’air, aux redevables de la TGAP-déchets au titre des contributions ou dons qu’ils feraient aux observatoires départementaux ou régionaux des déchets. Vous précisez qu’il s’agit de maintenir et d’améliorer le suivi du traitement des déchets effectué par ces observatoires.
Le Gouvernement n’est toutefois pas favorable à votre proposition. En effet, celle-ci aboutirait à une baisse de financement pour l’ADEME qui investit elle-même pour l’amélioration de la gestion et du traitement des déchets.
Enfin, le comité pour la fiscalité écologique que j’ai évoqué tout à l’heure, comme l’a fait également M. le rapporteur général, mène depuis cette année une réflexion approfondie sur le traitement et la gestion des déchets. Il semble donc préférable d’intégrer votre proposition aux sujets de réflexion du comité avant toute modification législative.
La porte n’est donc pas fermée, mais je souhaiterais apporter une réponse analogue à celle que j’ai faite tout à l’heure aux propositions du sénateur M. Jean-Vincent Placé. En effet, le comité de la fiscalité écologique qui se consacre à une réflexion extrêmement pointue sur la fiscalité des déchets accueillera une série de propositions et les examinera. Plutôt que d’ajouter des strates successives et d’agir de manière peut-être un peu désordonnée, il nous semble préférable de nous en remettre aux conclusions de ce comité qui nous proposera une appréciation globale et cohérente en matière de fiscalité des déchets. Ces conclusions permettront, selon moi, de satisfaire la demande générale d’une fiscalité lisible, la plus simple possible, et par conséquent beaucoup plus efficace.
M. le président. Madame Sittler, l’amendement n° I-148 rectifié est-il maintenu ?
Mme Esther Sittler. Non, je le retire, monsieur le président.
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour défendre les observatoires de la qualité de l’air. Nombre de maladies découlent de la pollution de l’air, aussi il est important que ces observatoires continuent leur travail. J’espère donc que, lors des discussions futures, vous aurez à cœur de souligner l’importance du rôle des observatoires de l’air dans notre pays.
M. le président. L’amendement n° I-148 rectifié est retiré.
Article 23
À la fin du III de l’article 235 ter ZE du code général des impôts, le taux : « 0,50 % » est remplacé par le taux : « 0,539 % ».
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, sur l’article.
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, l’article 23 est très attendu par un certain nombre de collectivités territoriales et organismes publics touchés par ce qu’il est convenu d’appeler le problème des « emprunts toxiques ».
Il s’agit en effet de proposer une augmentation mesurée de la taxe sur les risques systémiques payée par le secteur financier afin de pourvoir au fonds de soutien d’un montant de 100 millions d’euros en 2014 et destiné à être prorogé durant quinze ans, dont la création doit faire l’objet, en principe, de l’article 60.
Il faut souligner qu’il s’agit de la première intervention d’ampleur de l’État dans ce dossier, ce dont je me félicite.
Je voudrais rappeler ici que 1 400 collectivités territoriales et plusieurs dizaines d’organismes publics, tels que des hôpitaux ou des organismes de gestion de l’habitat social, se sont vu proposer, entre 2002 et 2008, des emprunts spéculatifs, pour un total qui avoisine, encore aujourd’hui, 14 milliards d’euros. Le taux d’intérêt de certains de ces emprunts a explosé, pour s’envoler à 10 %, voire 15 % ou même 30 % dans certains cas. D’autres sont susceptibles de connaître une évolution équivalente dans les années à venir.
Il s’agit là d’un scandale susceptible de faire augmenter significativement les impôts locaux des collectivités concernées. Ce scandale est étroitement lié à celui de la banque Dexia, puisque cette dernière est responsable de deux tiers des ventes des produits concernés.
M. Albéric de Montgolfier. Qui en était l’actionnaire ?
M. Maurice Vincent. Le sauvetage de cette banque, qui est en cours, a déjà coûté 7 milliards d’euros à l’État et ce n’est pas terminé. Ce sauvetage et la nationalisation de Dexia expliquent que l’État se retrouve aujourd’hui détenteur de 9 milliards d’euros de créances toxiques, en attente de remboursement des collectivités territoriales, à travers la Société de financement local, la SFIL, et la société « résiduelle » Dexia.
Sur l’ensemble de ces produits, le risque de perte avoisine 5 milliards d’euros pour la SFIL et Dexia, et sans doute 2 milliards d’euros pour les autres banques.
Je sais qu’un certain nombre de parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, estiment que les maires et les élus locaux concernés sont responsables de ce qui leur arrive. Je voudrais, une nouvelle fois, essayer de les convaincre qu’ils se trompent.
Comme l’ont montré pratiquement tous les rapports publiés aussi bien par l’Assemblée nationale que par la Cour des comptes, ainsi que les nombreux ouvrages consacrés à la dérive de la banque Dexia, en réalité, à quelques exceptions près évidemment – car il en existe toujours –, nos collègues ont été victimes de produits spéculatifs, pour avoir tout simplement fait confiance à leur banque traditionnelle, qu’ils consultaient et mobilisaient parfois depuis plus de vingt ans.
La taxe prévue à l’article 23 permettra donc de créer ce fonds de soutien qui est bienvenu et qui permettra de franchir, je l’espère, un premier pas, sans pour autant résoudre le problème dans son ensemble. Je veux malgré tout saluer sa création et surtout rappeler l’importance que nous accordons au décret d’application qui doit suivre pour une utilisation plus juste et plus efficace de ce fonds.
Je souligne également que plusieurs hôpitaux et CHU sont actuellement exclus de ce fonds de soutien, ce qui pose inévitablement un problème qui vient d’ailleurs d’être souligné par la Fédération hospitalière de France. En effet, les malades pourront être indirectement mis à contribution dans le cadre de l’équilibre budgétaire des hôpitaux, afin de payer ces taux d’intérêt très excessifs. Il faudra, à mon sens, revenir un jour ou l’autre sur ce point.
Enfin, je rappelle notre perplexité et notre opposition au principe de la validation législative, elle aussi prévue à l’article 60, qui doit accompagner la création de ce fonds. Dans sa rédaction actuelle, elle nous semble excessive et nous exposerons notre position lors de l’examen de l’article 60.
L’article 23, qui nous occupe aujourd’hui, est donc une première étape, mais il restera beaucoup à faire pour sortir de ces deux scandales extrêmement importants, dont le coût est inéluctable, car les paris qui ont été pris sont perdus ; il n’y a aucun espoir de voir se retourner la conjoncture, ou plus exactement les indices sur lesquels se sont fondées ces décisions.
Je suggère, pour le futur, que l’effort demandé au système bancaire et financier soit accru, pour des raisons qui tiennent à la justice – en s’inspirant du principe « pollueur-payeur » en quelque sorte –, et pour préserver les capacités d’investissement des collectivités territoriales, mais aussi, désormais, de l’État, car elles sont, comme vous le savez, déterminantes pour la croissance future de notre pays. Je ne pense pas que les services publics doivent, en définitive, subir les conséquences de dérives graves de notre système financier.
M. le président. L’amendement n° I-379, présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. L’article 60 du projet de loi de finances pour 2014, monsieur le ministre, crée un fonds de soutien aux collectivités en difficulté du fait des produits structurés. Il s’agit là d’un vrai sujet. Cela a été dit à l’instant, de nombreux rapports se sont penchés sur cette question et certains ont proposé des solutions – je pense notamment au rapport d’un collègue d’Eure-et-Loir, Jean-Pierre Gorges, député-maire de Chartres.
Néanmoins, la solution consiste-t-elle à faire contribuer toutes les banques, y compris celles qui n’ont pas distribué ce type de produits, à la réparation d’une faute commise par certaines d’entre elles ?
Je remarque d’ailleurs que les banques qui ont le plus distribué ce type de produits sont des banques dont l’État était actionnaire majoritaire : l’État détenait 44 % du capital de Dexia, 75 % de la Société de financement local ; or ces deux sociétés sont celles qui ont le plus proposé les produits exotiques qui créent aujourd’hui des difficultés aux collectivités territoriales.
La question qui se pose est celle de savoir qui doit assumer cette responsabilité. Je pense d’abord qu’existe, dans un certain nombre de cas, une responsabilité de la collectivité. Mon collègue parlait à l’instant de communes en difficulté. Je veux bien reconnaître que, lorsqu’une commune ne dispose pas des compétences en interne et se fait « avoir » par une banque, elle n’a pas forcément les moyens de vérifier le taux effectif global et la qualité du produit. En revanche, le conseil général du département de la Seine-Saint-Denis, qui est l’un de ceux qui ont eu le plus recours à ce type de produit, compte plusieurs milliers de collaborateurs : on ne peut pas croire que sa direction financière n’était pas avertie du risque pris en utilisant des produits structurés.
Je suis président de conseil général. Lorsque l’on me propose des produits à 1,40 %, mais dont le taux est indexé sur l’évolution de devises étrangères comme le franc suisse, je n’ai pas besoin d’avoir fait de très longues études pour penser qu’il existe un risque. (M. Roger Karoutchi rit.) Une collectivité aussi importante que le conseil général de Seine-Saint-Denis, compte tenu du nombre de ses collaborateurs, aurait dû, selon moi, pouvoir prendre un peu de recul pour évaluer le risque qu’elle prenait. Par ailleurs, cette collectivité a gagné de l’argent, car les taux ont été extrêmement bas pendant un certain temps ; le problème est survenu, évidemment, au moment où les taux sont remontés. Il nous faut donc, premièrement, nous demander s’il existe une responsabilité de la collectivité.
Deuxièmement, qu’en est-il des banques ? En effet, les banques qui ont contribué à distribuer ce genre de produits exotiques doivent assumer leur responsabilité, mais dans le cadre d’une relation contractuelle. La banque qui a fauté doit éventuellement rembourser ou revenir à un taux normal. Si elle a vendu un produit illégal, la banque doit évidemment rembourser – Éric Doligé parlait ainsi de banques qui ont distribué des produits via des filiales aux îles Caïman, ce qui est totalement illégal.
Pour autant, incombe-t-il à l’ensemble du système bancaire, y compris à des sociétés qui n’ont pas distribué ce genre de produits, de payer ? La réponse est non, et c’est la raison pour laquelle notre groupe considère qu’il n’y a pas lieu d’instaurer par l’article 23, tel qu’il est proposé, une responsabilité collective.
Il est tout à fait déresponsabilisant de faire payer ceux qui n’ont pas distribué de produits exotiques. En revanche, ceux qui ont fauté doivent, dans le cadre d’une relation contractuelle, voire dans le cadre de contentieux devant les juridictions, rembourser ou du moins revenir à un taux normal. Encore une fois, ce que vous proposez revient à déresponsabiliser et à attribuer une prime à la mauvaise gestion. Sanctionnons les banques qui ont distribué ces produits, mais ne sanctionnons pas l’ensemble du système bancaire par un relèvement du taux de la taxe systémique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On peut souscrire assez largement aux arguments employés par M. de Montgolfier concernant ce qui s’est passé lors de la crise financière. Je songe aux dérives constatées, aux excès maintes fois dénoncés et aux comportements tout à fait erratiques des banques quant aux produits mis sur le marché.
Pour autant, doit-on renoncer aujourd’hui à créer un fonds pour soutenir les collectivités qui ont souscrit ces emprunts structurés ? À mon sens, la réponse est non. En effet, il faut prendre en compte non seulement la responsabilité de ceux qui, hier, étaient à la tête de ces établissements, mais aussi celle des superviseurs et celle des pouvoirs publics, qui auraient peut-être pu jeter un œil plus attentif sur les pratiques des banques à cette époque-là. En matière de diagnostic, il est sans doute possible d’aller plus loin encore que ce qu’a indiqué M. de Montgolfier !
Toujours est-il que la situation actuelle est simple : certaines collectivités sont placées face à d’énormes difficultés, à cause de ces produits qu’elles ont été conduites à souscrire. En conséquence, le Gouvernement propose la création d’un fonds de soutien alimenté, d’une part, par une dotation de l’État d’un montant de 50 millions d’euros et, de l’autre, par une participation des banques – elle aussi d’un montant de 50 millions d’euros – assurée via le relèvement de la taxe de risque systémique.
Avec l’adoption d’un tel amendement, le fonds de soutien ne tiendrait plus, dans la mesure où il serait privé d’une des deux sources financières permettant son fonctionnement.
M. Vincent Delahaye. On cherche des économies, en voici une !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, on renoncerait à reconnaître la responsabilité des banques dans ce qui s’est produit ! Or, si l’on demande à ces dernières d’apporter la moitié des moyens nécessaires au fonctionnement de ce fonds de secours, c’est bien à la suite d’une défaillance du système bancaire.
M. Albéric de Montgolfier. C’est une responsabilité individuelle et non collective !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On me répond que toutes les banques ne se sont pas révélées défaillantes, ce qui est vrai.
M. Roger Karoutchi. Eh bien, dans ce cas ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Néanmoins, si l’on décide de se lancer à la chasse aux responsabilités en examinant les banques une à une, on se heurtera vite à un obstacle : parmi les établissements qui ont distribué des prêts à caractère toxique, figurent également des banques étrangères ! Voilà la difficulté !
Certes, il n’est pas totalement satisfaisant de partir du principe selon lequel le système bancaire, dans son ensemble, doit subir une ponction de 50 millions d’euros. Toutefois, dans ces conditions, c’est la moins mauvaise des solutions. Je le répète, celle-ci revient à faire financer pour moitié le fonds de solidarité par le système bancaire, qui n’a pas su répondre de manière satisfaisante aux exigences éthiques ni observer les règles élémentaires qui auraient dû être appliquées à l’époque.
Ainsi, on ne peut qu’être défavorable à cet amendement, qui tend à empêcher la mise en œuvre de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. En présentant l’avis du Gouvernement sur l’amendement de M. de Montgolfier, j’apporterai quelques éléments de réponse à M. Vincent.
Cet article établit le financement du fonds d’aide aux collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques, créé par l’article 60 du présent projet de loi de finances, qui figure dans sa seconde partie. Ce dispositif est abondé par les banques à hauteur de 50 millions d’euros par an. J’indique que ce dispositif court sur quinze ans, et que ce fonds pourra être doté jusqu’à 1,5 milliard d’euros, à parité entre le système bancaire et l’État. C’est là une contribution tout à fait substantielle.
Monsieur de Montgolfier, j’ai bien entendu vos arguments. Mais, en suivant votre raisonnement, plus aucune banque ne serait en définitive mise à contribution ! En effet, si on souhaitait limiter ce financement aux seuls établissements qui ont développé un encours important en matière de prêts toxiques, on se heurterait d’emblée à cet obstacle : personne n’est en mesure d’établir de telles statistiques.
Il faut commencer par regarder ce qu’il est possible de faire. Interrogez-vous vous-même ; interrogez les spécialistes de la fiscalité et les acteurs bancaires : ils vous répondront qu’un tel exercice de calcul serait parfaitement vain.
Une autre piste reviendrait à ne taxer que les banques prêtant aux collectivités territoriales.
M. Albéric de Montgolfier. Mais non !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Toutefois, vous en conviendrez, il serait pour le moins curieux d’asseoir le financement de ce fonds sur une taxe limitée à ces acteurs, sachant que ce sont précisément eux qui permettent aux collectivités d’investir !
Enfin, il est possible de s’appuyer sur la notion de risque systémique, c’est-à-dire sur la capacité d’un certain nombre de banques à prendre des risques susceptibles, le cas échéant, de faire vaciller l’ensemble du système économique. C’est sur cette base que nous avons décidé de mettre en œuvre cette taxe. Il s’agit là, pour les banques, d’une taxe de responsabilité correspondant non seulement à la réparation d’une faute commise par certaines d’entre elles, mais aussi à la préparation de l’avenir. Du reste, vous en conviendrez avec moi, il serait également assez curieux que le Gouvernement entreprenne de juger, sous un angle moral, les collectivités ou les banques qui auraient « fauté », sans voir très bien comment faire, et affirme qui des deux est le plus responsable !
En définitive, le débat est le même que pour le crédit à la consommation. Sur ce sujet, j’ai été très frappé d’entendre certains affirmer qu’il fallait avant tout responsabiliser l’emprunteur. L’attitude du Gouvernement est tout autre. Dans un cas comme dans l’autre, elle revient à considérer que les responsabilités du prêteur et de l’emprunteur sont souvent équivalentes et que le premier ne peut pas toujours s’abriter derrière la responsabilité du second.
Face à ce qui a constitué une défaillance majeure du système bancaire, nous considérons que ce dispositif apporte une solution durable. Il permettra d’aider les collectivités territoriales qui ont eu à subir ces emprunts très sensibles ou ces prêts toxiques. En définitive, votre solution conduirait à exempter les banques de tout concours.
Plutôt qu’une usine à gaz aboutissant à l’absence totale de taxe pour le système bancaire, nous préférons mettre en œuvre une contribution modeste,…