M. Jacques Chiron. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce programme d’économies suscitait alors votre enthousiasme sans réserve, et vous trouvez aujourd'hui absolument insupportable que nous proposions de réduire les dotations aux collectivités territoriales de 1,5 milliard d’euros sur un an ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Nous n’avons pas proposé de pacte !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pardonnez-moi de vous le dire, mais il m’est difficile de considérer que votre argumentation soit fondée sur la bonne foi. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-François Husson. On vous en ressortira, des arguments comme celui-là !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’admettrais parfaitement votre argumentation si M. Le Maire, chargé du projet de l’UMP, et M. Copé n’avaient pas fait les annonces dont je viens de donner lecture et que vous retrouverez aisément sur internet. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Husson. Et l’engagement n° 54 du candidat Hollande ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends que cela vous agace, mais telle est la réalité !
Par ailleurs, aux termes de votre raisonnement, les dépenses de l’État diminuant de 1,5 milliard d’euros tandis que les dotations aux collectivités locales baissent de 1,5 milliard d’euros, l’État ne ferait donc finalement aucun effort, celui-ci reposant entièrement sur les collectivités locales.
Ce raisonnement n’est pas plus de bonne foi que le premier.
L’augmentation tendancielle des dépenses de l’État est de 7,5 milliards d’euros par an.
M. Albéric de Montgolfier. Et les collectivités, alors ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dans le même temps, nous réalisons – État et collectivités territoriales – 9 milliards d’euros d’économies, d’où une diminution de 1,5 milliard d’euros de la dépense de l’État. Cette économie de 9 milliards d’euros est rendue possible par des efforts très importants consentis par l’État, au travers de ses administrations centrales, de ses opérateurs et de ses participations, ainsi que, je le reconnais, par les collectivités territoriales, à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Mais si, monsieur de Montgolfier, nous n’avions mis à contribution que les collectivités territoriales, les dépenses de l’État auraient non pas diminué de 1,5 milliard d’euros, mais augmenté de 6 milliards d’euros ! En la matière, il faut donc être extrêmement précis, comme vous m’y invitiez avec raison.
Enfin, plusieurs intervenants, notamment MM. Mercier et Germain, estiment qu’il n’est pas possible de continuer ainsi sans engager une réforme en profondeur des collectivités territoriales et mettre en place un pacte sincère entre celles-ci et l’État.
Oui, nous diminuons de 1,5 milliard d’euros la dotation globale de fonctionnement des collectivités locales, mais le pacte de confiance et de responsabilité vise à corriger les déséquilibres qui s’étaient accumulés depuis des années et faisaient l’objet de revendications récurrentes de la part des élus.
Monsieur Mercier, vous tenez toujours des propos rigoureusement exacts, avec le talent et la violente modération qui vous appartiennent. (Sourires.) Aussi n’hésitez pas à me corriger si ce que je vais dire n’est pas juste.
M. Jean-François Husson. Verbalement ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Trois dépenses contraintes des départements connaissent une augmentation très importante : le RSA, la PCH – la prestation de compensation du handicap – et l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. Elles n’ont cessé d’évoluer de façon très dynamique, tandis que les dotations et les recettes fiscales des départements diminuaient, notamment les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, dont on sait qu’ils augmentent beaucoup en période de croissance et baissent fortement en période de crise.
Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, des présidents de conseil général nous ont dit que, si nous ne faisions rien pour remédier à ce considérable effet de ciseaux, leurs départements ne pourraient plus faire face. Nous avons alors discuté avec les présidents de conseil général des moyens de commencer à rétablir la situation financière des départements. Cette réflexion a débouché sur la prise de deux dispositions.
En premier lieu, nous avons délégué aux départements 827 millions d’euros de frais de gestion adossés à des impôts locaux.
En second lieu, nous avons pris la décision, à votre demande,…
M. Michel Mercier. Sûrement pas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … d’ouvrir aux départements la possibilité de relever le taux des DMTO de 0,7 point, pour le faire passer de 3,8 % à 4,5 %.
Un certain nombre de parlementaires et de présidents de conseil général ont estimé que ces mesures n’étaient pas suffisantes, eu égard à la mise en place de la péréquation, et qu’il fallait consolider l’ensemble. Pourtant, lorsque nous avons signé le pacte de confiance et de responsabilité avec les collectivités locales, à Matignon, le 16 juillet dernier, des présidents de conseil général, de droite comme de gauche, ont remercié le Gouvernement d’avoir pris ces mesures de correction,…
M. Michel Mercier. Non !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qu’ils attendaient depuis longtemps. Il s’agissait à leurs yeux d’un progrès significatif, bien qu’encore insuffisant.
Pour ce qui concerne les régions, nous avons en effet, au terme d’une négociation là encore très longue, substitué à la DGD, la dotation générale de décentralisation, des ressources d’un montant équivalent. Mais, contrairement à la DGD, qui était depuis longtemps figée, ces ressources sont extraordinairement dynamiques, puisqu’elles augmentent annuellement de 4 % à 6 %.
Vous avez dit, monsieur Mercier, que l’on ne pouvait pas continuer à demander des efforts aux collectivités locales sans engager une réforme de structures.
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez absolument raison ! Dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2015, j’ai bien l’intention de formuler, avec Mmes Lebranchu et Escoffier, des propositions à cet égard. On doit pouvoir garantir aux collectivités locales qui mutualisent, se rassemblent et réalisent des efforts de gestion le maintien des dotations, voire leur augmentation,…
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … tandis que les autres seraient davantage mises à contribution. En tant que ministre chargé du budget, je ferai en sorte que ces propositions soient structurelles, de manière que nous puissions aller plus loin dans les économies.
Voilà ce que je tenais à vous dire, non pas pour créer des polémiques, mais simplement pour rappeler la réalité des chiffres.
M. Albéric de Montgolfier. Mes chiffres sont tirés d’un document émanant de votre ministère !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je n’ai pas les mêmes que vous, monsieur de Montgolfier. Le document en ma possession indique que le total des dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions passera de 79,4 milliards d’euros à 78 milliards d’euros en 2014. Il y aura donc bien une diminution de 1,5 milliard d’euros environ. Je suis prêt à examiner le document dont vous disposez, monsieur le sénateur, et je vous dirai alors pourquoi nos chiffres diffèrent.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais revenir sur quelques chiffres simples. N’étant pas vraiment capable d’entrer dans toutes les subtilités de M. le ministre, j’ai procédé à une banale règle de trois.
L’effort de 1,5 milliard d’euros tient à une réduction de l’ensemble des concours de l’État aux collectivités territoriales, notamment de la dotation globale de fonctionnement. Concernant la DGF, la baisse est de 3,6 %. Si l’on considère l’enveloppe normée, soit une base de 60 milliards d’euros, le recul est de 2,5 %.
Pour 2013, l’ensemble des dépenses de l’État représente 371,9 milliards d’euros. Si j’applique le ratio de réduction le plus modeste, à savoir 2,5 %, la baisse devrait atteindre 9 milliards d’euros pour que l’effort soit proportionné à celui qui est demandé aux collectivités territoriales. Mais, monsieur le ministre, ces 9 milliards d’euros correspondent non pas à un freinage par rapport à une tendance, mais à des économies en espèces sonnantes et trébuchantes.
C’est là que nos raisonnements divergent. Vous dites additionner les efforts demandés à l’État et aux collectivités territoriales, mais il se trouve que, dans le cas de ces dernières, l’effort est une réduction des dotations, en espèces sonnantes et trébuchantes,…
M. René-Paul Savary. Tout à fait !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … tandis que celui qui est demandé aux services de l’État correspond à un ralentissement de la progression. En d’autres termes, il s’agit d’une réduction par rapport aux services votés, pour reprendre l’ancienne terminologie budgétaire. Les décisions antérieures, la législation existante conduisaient à une augmentation de la dépense que vous réduisez de 9 milliards d’euros.
En termes nominaux, la réduction de l’ensemble de la dépense de l’État, transferts aux collectivités territoriales compris, n’est que de 1,4 milliard d’euros, alors qu’elle devrait être de 9 milliards d’euros, si l’on voulait respecter la règle de la proportionnalité des efforts.
Oserai-je ajouter que ce chiffre de 1,4 milliard d’euros est sujet à caution, parce qu’il provient d’une modification de la norme de dépenses sur laquelle je m’étais permis d’insister lors de mon intervention liminaire ? En effet, l’État a transféré –d’ailleurs opportunément – aux régions et aux départements des ressources qui étaient jusqu’à présent inscrites dans la norme de dépenses, pour un montant équivalent, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.
Pardonnez-moi ce raisonnement simpliste, arithmétique, presque de cuisinière (Exclamations amusées.), mais il reste que, d’un côté, les collectivités locales subissent une réduction de leurs dotations de 2,5 %, et, de l’autre, la dépense de l’État régresse beaucoup plus faiblement, à hauteur de 1,4 milliard d’euros sur 371,9 milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. CQFD !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce raisonnement très efficace, monsieur le président de la commission des finances, reflète votre talent, mais il est complètement vicié. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Je vais m’en expliquer.
M. le président de la commission des finances considère que la diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales correspond à une réduction des dépenses de celles-ci. Eh bien non ! Nous diminuons certes de 1,5 milliard d’euros les recettes des collectivités locales, mais leurs dépenses ont crû de 4 % à 5 % l’année dernière, pour un volume global de l’ordre de 200 milliards d’euros. Votre argumentation est très habile, monsieur Marini, mais elle ne correspond donc pas à la réalité ! (M. André Reichardt proteste.) Il faut être très rigoureux sur ce sujet. Les dépenses des collectivités locales avaient déjà progressé de 3,6 % en 2012 et de 3,1 % en 2011, tandis que celles de l’État, grâce aux efforts des gouvernements successifs, ont connu une augmentation trois fois moins rapide.
Monsieur le président de la commission des finances, il est donc faux d’assimiler une diminution des recettes des collectivités territoriales résultant d’une réduction de leur dotation globale de fonctionnement à une régression de leurs dépenses. À la vérité, ces dernières continuent d’augmenter.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les collectivités sont donc irresponsables ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. De surcroît, lorsque vous comparez l’effort des collectivités territoriales à celui de l’État, vous rapportez la baisse de 1,5 milliard d’euros des dotations aux dépenses des collectivités territoriales hors endettement, tandis que vous rapportez l’évolution des dépenses de l’État à l’ensemble de celles-ci, charge de la dette et pensions comprises. Vous fondez donc votre comparaison sur des assiettes différentes.
Monsieur le président de la commission des finances, votre raisonnement est très habile, mais il ne tient pas !
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, sur l’article.
M. Charles Guené. À vrai dire, je suis un peu ennuyé, car la joute entre M. le ministre et M. le président de la commission des finances m’a enlevé l’un de mes arguments ! (Exclamations amusées.)
M. Jean-François Husson. On peut le répéter !
M. Charles Guené. Je regrette que M. le ministre et nos collègues de la majorité nous prêtent une hostilité de principe à tout effort des collectivités territoriales. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Nous savons que des efforts sont nécessaires, même si nous ne les envisageons pas de gaieté de cœur.
Le raisonnement de M. le président de la commission des finances m’a paru assez convaincant, mais il faut admettre, monsieur le ministre, que vous vous êtes vous aussi montré habile.
M. Charles Guené. Si nous reconnaissons que des efforts sont nécessaires, nous déplorons que le Gouvernement agisse sans concertation.
Par ailleurs, M. Germain m’a surpris : d’habitude si mesuré, il a prétendu que la réforme de la taxe professionnelle avait encore aggravé la situation.
Mme Michèle André. C’est une certitude !
M. Charles Guené. Si je demandais à M. le ministre son avis sur ce point, je ne suis pas sûr qu’il serait d’accord avec notre collègue. En tout cas, pour avoir suivi cette réforme de très près, je puis vous assurer que, s’il en est une qui a été préparée dans la concertation, c’est bien celle-là ! Du reste, le Gouvernement n’a pas trop à s’en plaindre : l’État acquittait une très large part de la taxe professionnelle, et il serait très embarrassé s’il devait encore assumer cette charge aujourd’hui !
À l’heure où l’on annonce une grande réforme fiscale, je crois que, dans ce domaine, nous avons fait notre part du travail, et je trouve un peu incongru que l’on nous en fasse le reproche.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Guené, la réforme de la taxe professionnelle a fait l’objet d’une concertation si approfondie que nous avons tous appris son lancement un dimanche soir, à 20 heures, en regardant la télévision… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Roland Courteau et Martial Bourquin. Bravo !
M. Francis Delattre. Parlez-nous du big-bang fiscal !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Elle a été tellement bien préparée que le Parlement a dû la récrire totalement !
M. Jacques Chiron. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, il est exact que des réunions de concertation ont eu lieu, pendant plus d’un an, entre les départements et le Gouvernement.
Si les départements éprouvent un sentiment de déception, c’est parce que, à l’issue de la réunion de juillet dernier, il avait été envisagé de leur ouvrir la possibilité d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux, mais sous la responsabilité de l’État, afin que celui-ci répartisse le produit du prélèvement supplémentaire dans le cadre d’une péréquation verticale.
Or, à présent, c’est une péréquation horizontale que le Gouvernement nous propose : un prélèvement serait opéré sur les départements bénéficiant des plus fortes recettes au titre des DMTO, au bénéfice de ceux qui sont moins favorisés. En termes d’euros sonnants et trébuchants, les départements ne s’y retrouvent pas forcément, d’où leur déception.
Pour reprendre le mot de M. le président de la commission des finances, j’ai fait ma cuisine pour préparer les orientations budgétaires de mon département.
La dotation de solidarité, qui s’élève au total à 476 millions d’euros, représente un prélèvement de 4,2 millions d’euros pour un département moyen comme la Marne, le trentième de France pour la population.
Le transfert aux départements de 827 millions de frais de gestion des DMTO se traduira, pour la Marne, par une recette supplémentaire de 5,5 millions d’euros.
Le relèvement du taux des droits de mutation à titre onéreux pendant deux ans devrait rapporter, d’après les informations dont je dispose aujourd’hui, 2,3 millions d’euros après péréquation.
En faisant la somme de ces différents termes, il apparaît que mon département bénéficiera d’un surcroît de recettes de 3,7 millions d’euros, mais les charges supplémentaires qu’il devra supporter – au titre des transports scolaires, du financement de la CNRACL ou du service départemental d’incendie et de secours, des cotisations des élus… – sont bien supérieures à ce montant, sans parler de l’augmentation de 1 % à 2 % par mois des dépenses liées au RSA, qui n’est pas du tout compensée. En 2012, dans mon département, il nous manquait 42 millions d’euros pour financer les allocations de solidarité, et ce chiffre sera beaucoup plus élevé cette année. L’an prochain, bien entendu, le compte n’y sera pas, les 3,7 millions d’euros de recettes supplémentaires étant très insuffisants.
Les départements ne demandaient pas une compensation intégrale des allocations de solidarité, mais une prise en compte. Or les petits départements auront davantage de recettes, alors qu’ils ont moins de charges, tandis que les gros départements seront davantage ponctionnés qu’ils ne recevront de recettes : ils auront donc moins pour faire plus, sachant que le coût des allocations de solidarité s’accroît !
Dans ces conditions, monsieur le ministre, vos mesures de correction sont insuffisantes pour desserrer l’étau budgétaire des départements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, vous m’avez invité à vous corriger : amicus Cazeneuve, sed magis amica veritas !
Oui, vous êtes habile, très habile, trop même : vous venez, une fois de plus, de nous en faire la démonstration.
À vous entendre, nous n’avons rien compris à votre démarche. C’est un fait que je n’ai pas participé à vos réunions de concertation : il y manquait d’ailleurs des centristes pour rendre celle-ci un peu plus solide, un peu plus vraie. Mais vous avez choisi votre public ; c’est ainsi !
Vous avez constamment mélangé crédits budgétaires et péréquation. (M. le ministre délégué le conteste.) Bien sûr que si ! Toutes les mesures relatives aux droits de mutation à titre onéreux ne vous coûtent rien, puisque vous prenez à certains départements pour donner aux autres. L’État ne verse pas un centime !
Mme Michèle André. Ça s’appelle la péréquation !
M. Michel Mercier. Quant au transfert aux départements des frais de gestion, la recette sera nulle pour le Rhône.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les prélèvements opérés au titre de la péréquation représentent des pertes de recettes pour nos collectivités territoriales, qui viennent s’ajouter à la réduction des dotations. Ne croyez-vous pas que nous sommes arrivés au bout de la péréquation telle que vous la pratiquez ? Croyez-vous que vous pourrez encore longtemps opérer des prélèvements sur certaines collectivités territoriales au profit d’autres ?
M. Jean-François Husson. Il ne le croit pas, mais il l’espère !
M. Michel Mercier. Pour ma part, je crois que des réformes structurelles sont nécessaires.
L’année prochaine, monsieur le ministre, c’est M. Collomb qui dénoncera le montant des prélèvements opérés sur sa métropole au titre de la péréquation. Comme il est de votre parti, vous l’écouterez davantage que moi, encore que le pauvre ne soit guère écouté dans vos rangs ! (Sourires.)
À la vérité, nous savons tous que nous sommes arrivés au bout de la péréquation. Cette année, plus de 50 millions d’euros auront été prélevés à ce titre sur le budget du département du Rhône.
Monsieur le ministre, pour que les dépenses des collectivités territoriales cessent d’augmenter beaucoup plus vite que celles de l’État, la solution la plus efficace serait que celui-ci cesse d’alourdir les charges des collectivités territoriales, comme il le fait en prenant des mesures en faveur des fonctionnaires de catégorie C, très nombreux dans les collectivités territoriales, ou en revalorisant le RSA deux fois par an.
Je m’arrête là, puisque j’importune manifestement M. le rapporteur général, lui qui parlait pourtant beaucoup quand il était dans l’opposition ! Cela étant, nous allons lui faire grâce de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances : il pourra ainsi se reposer ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, sur l'article.
M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, après avoir entendu le président du conseil général d’un des tout premiers départements de France, vous allez maintenant entendre celui du quatre-vingt-quinzième ou quatre-vingt-seizième…
Monsieur le ministre, vous avez mis en place une démarche courageuse, qui va permettre d’instaurer une vraie péréquation, en prélevant sur ceux qui ont le plus pour donner un peu à ceux qui ont le moins.
Certes, la péréquation exige des efforts de la part de certains. Vous avez réussi, en transférant aux départements 827 millions d’euros de frais de gestion et en instituant un prélèvement de 0,35 point sur les DMTO – j’espère qu’il sera porté à 0,7 point dans les années à venir –, à rééquilibrer les choses pour faire en sorte que le reste à charge par habitant s’inscrive dans une fourchette beaucoup plus raisonnable. Celui-ci variait en effet, selon les départements, entre 40 et 150 euros par habitant, voire davantage, ce qui n’était pas supportable.
Il est vrai que les gouvernements successifs ont pris des décisions certes généreuses et nécessaires, mais qui pèsent sur les budgets des départements. Je pense en particulier aux trois allocations de solidarité, le RSA, l’APA et la PCH.
Pour ma part, je salue l’effort qui a été fait. Il va dans le bon sens. Il faudra poursuivre dans cette voie, monsieur le président du conseil général du Rhône !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-111, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 1613-1. – À compter de l’année 2014, la dotation globale de fonctionnement est calculée par application à la dotation globale de fonctionnement inscrite dans la loi de finances pour l'année précédente d'un indice faisant la somme du taux prévisionnel, associé au projet de loi de finances de l'année de versement, d'évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, pour la même année et de la moitié de la croissance prévue du produit intérieur brut marchand. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une hausse du taux de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement tend tout simplement à substituer au texte actuel de l’article 24 une définition plus générale de la progression de la dotation globale de fonctionnement, fondée sur la prise en compte de la hausse des prix à la consommation et de la croissance économique. Nous avons choisi de ne pas nous référer à la hausse des prix dits du « panier du maire », telle qu’elle fut calculée pendant un temps.
Cette formule n’a évidemment rien d’exceptionnel, puisque le texte que nous vous proposons est celui de la réforme Charasse de 1989, qui substitua la DGF à un prélèvement sur les recettes de TVA, en général adapté aux besoins dans le cadre du collectif de fin d’année.
Pour 2014, l’application de la formule que nous avons retenue aboutirait à une majoration de la DGF de 1,75 % par rapport à 2013. Le montant de la DGF atteindrait ainsi 42 231 760 000 euros, selon le calcul que nous avons fait en préparant notre amendement à l’article 30. Une telle somme permettrait d’établir une juste répartition des ressources entre dotation forfaitaire, dotations de solidarité et péréquation.
Nous proposons par ailleurs d’abandonner la logique de l’enveloppe normée du pacte de stabilité ; il faudra bien s’y résoudre un jour. Cela fait en effet bientôt dix-neuf ans que, d’une manière ou d’une autre, les concours de l’État sont « encadrés » par le biais d’un présumé « pacte ». Le pouvoir d’achat des collectivités s’en trouve chaque année un peu plus réduit.
Que la croissance soit en panne ou non, que la récession menace ou que l’économie reparte, ces dix-huit dernières années ont été marquées par des coups de rabot successifs, qui n’ont pas permis, soulignons-le, de résoudre les problèmes d’inégalité de ressources entre collectivités.
Il faut sortir de cette situation : cet amendement appelle à une réflexion approfondie sur la place des collectivités locales dans la vie de la nation, sur les moyens qu’on veut leur donner et sur les missions qu’on leur confie.
C’est grâce à ses collectivités territoriales que la France a pu surmonter la crise de 2008 : il ne faudrait pas l’oublier.
M. le président. L'amendement n° I-542, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Remplacer le montant :
880 349 451 €
par le montant :
837 725 174 €
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le présent amendement vise à dégager les marges de manœuvre budgétaires nécessaires à l’augmentation de 25 millions d’euros des crédits de la dotation de développement urbain, la DDU, et de 15 millions d’euros des moyens du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire. Il tend également à prendre en compte l’actualisation des montants de la dotation pour transfert de compensation d’exonération de fiscalité directe locale.
Afin de permettre la mise en œuvre de ces mesures destinées à renforcer le soutien aux territoires urbains sensibles et aux territoires ruraux, dans le respect des engagements réciproques de l’État et des collectivités inscrits dans le pacte de confiance et de responsabilité conclu le 16 juillet dernier, le présent amendement gage la perte de recettes induite pour l’État par les mesures précitées par une réduction du prélèvement sur recettes dit « des variables d’ajustement ».