M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’examen par le Sénat et le vote bloqué demandé par le Gouvernement voilà deux semaines, le présent texte a finalement assez peu changé. Certains des amendements adoptés par le Sénat avaient pourtant fait l’objet d’un large consensus au sein de cet hémicycle.
Je ne reviendrai pas sur le recours au vote bloqué. Sur ce sujet, le président de notre groupe, M. Jacques Mézard, a parfaitement exprimé la position du RDSE lors de la première lecture.
Dans le texte tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, nous regrettons le maintien de la clause de désignation prévue à l’article 12 ter. Cette disposition, censurée par le Conseil constitutionnel, et qui revient sous la forme d’un amendement, ne nous semble pas bonne.
De la même façon, vous avez choisi de reconduire l’affectation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au fonds de solidarité vieillesse. Cette contribution, instituée par le PLFSS pour 2013, devait pourtant alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour financer la future réforme de la dépendance. De surcroît, l’année dernière, vous nous aviez assurés, madame la ministre, que cette contribution serait effectivement affectée, après 2013, à la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.
Certes, les députés ont restitué à la CNSA 100 millions d’euros, dont une partie devrait servir à financer les actions destinées à la restructuration des services d’aide et d’accompagnement à domicile. On ne peut toutefois se satisfaire de ces timides avancées, alors que le produit de la CASA devrait rapporter près de 640 millions d’euros.
Enfin, nous ne pouvons que regretter l’absence de réforme structurelle, que vous appeliez pourtant de vos vœux, le 23 septembre dernier, lors de la présentation de la feuille de route de la stratégie nationale de santé. Nous considérons donc que ces mesures d’ajustement sont insuffisantes.
En revanche, nous sommes satisfaits de la nouvelle rédaction de l’article 8, qui recentre le dispositif prévu sur les seuls gains issus des contrats d’assurance vie multisupports exonérés de l’impôt sur le revenu.
Nous saluons également les mesures relatives à la contraception des mineures. En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a en effet adopté un amendement visant à garantir l’anonymat de ces jeunes filles. C’est une bonne chose.
S’agissant du sevrage tabagique, notre collègue Robert Tropeano, en première lecture, avait proposé un remboursement intégral. Vous avez été à l’écoute de cette proposition, madame la ministre, et nous vous en remercions.
M. Roland Courteau. C’est bien de le faire remarquer !
M. Alain Bertrand. Votre réponse va dans le sens de nos attentes.
Enfin, nous nous félicitons d’un amendement que vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Il s’agit de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les personnes âgées de plus de soixante ans, complémentaire que vous portez de 500 à 550 euros, soit une augmentation de 10 %. Nous savons bien que les tarifs des complémentaires ont tendance à augmenter avec l’âge. Ce petit coup de pouce est donc une excellente chose, puisqu’il devrait compenser ce phénomène.
Concernant justement les retraités modestes, le Premier ministre s’est très récemment engagé à revaloriser en 2014 le minimum vieillesse à deux reprises, le 1er avril et le 1er octobre. C’est là aussi une très bonne mesure. Néanmoins, le report de la revalorisation des retraites touchera de plein fouet, par effet de seuil, les personnes dont le niveau des pensions se situe juste au-dessus du minimum vieillesse. Sur ce point aussi, madame la ministre, il faudra faire un effort, car la précarité des retraités est une réalité que nous ne pouvons ignorer.
Selon un rapport de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, publié voilà deux jours, les futures générations de retraités pourraient subir une recrudescence du taux de pauvreté. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de la nouvelle lecture du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Madame la ministre, mes chers collègues, dans ces conditions, le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, ne s’opposera pas à l’adoption de cette ultime version du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. En revanche, il votera à l’unanimité contre l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
Mes chers collègues, nous voulons, nous aussi, sauver la sécurité sociale et le système de santé publique à la française. Nous estimons que c'est en soutenant les bonnes initiatives prises par le Gouvernement, puisqu’il y en a, que nous pourrons y parvenir, même si – c'est le jeu de la démocratie ! –nous sommes critiques sur certains points, qui ne correspondent pas à ce que nous aurions souhaité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après le rejet par le Sénat, en première lecture, de la partie « recettes » de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et après une commission mixte paritaire infructueuse, nous voici à nouveau réunis, en nouvelle lecture, pour discuter des finances de notre système de protection sociale.
Comme nous l’avions signalé en première lecture, ce PLFSS contient de nombreux objectifs généraux, que nous soutenons, et plusieurs mesures concrètes qui représentent des avancées, qu’elles concernent l’offre de soins de premier recours, la promotion des génériques, le recours à l’expérimentation pour tester de nouvelles méthodes innovantes ou encore l’élargissement de l’expérience concernant les nouveaux modes de rémunération.
Par ailleurs, nous avons suivi avec la plus grande attention les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, où nos collègues ont eu la chance de pouvoir examiner les quatre parties du texte, et donc de discuter des dépenses.
Notre groupe se félicite notamment du fait que l’Assemblée nationale ait remanié l’article 15 bis sur les boissons énergisantes, afin de se prémunir contre une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, et qu’elle ait renforcé le dispositif prévu à l’article 44 au sujet de la dispense d’avance de frais, hors ticket modérateur, pour les consultations et examens biologiques préalables à la prescription de la contraception destinée aux mineures d’au moins quinze ans, en garantissant notamment l’anonymat des jeunes filles qui y auront recours.
J’ai également une pensée pour les bénéficiaires de l’ACS, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, âgés de plus de soixante ans, qui sont souvent condamnés, malgré les aides annexes mises en places par certains centres communaux d’action sociale ou caisses primaires d’assurance maladie, à payer un lourd reste à charge sur leur complémentaire santé.
Un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale permettra de revaloriser leur aide de 50 euros. Ce geste sera très utile pour les personnes concernées.
Cependant, cette mesure ne peut être qu’une toute première étape. À l’heure actuelle, en effet, 70 % des personnes qui pourraient recevoir l’ACS n’en bénéficient pas, car elles n’y recourent pas ou ne parviennent pas à aller au bout des démarches pour l’obtenir. Cette situation est préoccupante.
Aussi ne pouvons-nous pas nous satisfaire de cette simple augmentation et faudra-t-il, de manière urgente, réfléchir à une simplification de l’accès à cette aide.
Notre groupe a déposé plusieurs amendements en ce sens, qui tendent notamment à instituer une automaticité réelle entre le bénéfice de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ou de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et l’obtention de l’ACS, sans aucune démarche supplémentaire pour le bénéficiaire. Nous le savons, de la sorte, nous irions dans le sens d’une amélioration de la santé publique, du désengorgement des CPAM et d’un allégement de la charge de travail de leurs personnels.
Mais puisque le temps ne me permet pas de développer davantage ces points, je voudrais exprimer notre lourde déception.
Lourde déception que des amendements adoptés en première lecture au Sénat sur les retraites chapeaux, les clauses de désignation, le covoiturage ou encore les données sociales des entreprises n’aient pu être retenus du fait du déroulement de la procédure.
Lourde déception que le Gouvernement, en première lecture, n’ait émis d’avis favorable sur aucun de nos cinquante amendements.
Lourde déception que certains amendements fondamentaux pour la santé publique de nos citoyens n’aient bénéficié parfois que des douze voix écologistes, alors qu’ils portaient sur des sujets aussi importants que le diesel, l’huile de palme, l’aspartame ou encore le mercure dentaire, et que certains avaient été adoptés l’an dernier par le Sénat. Mes chers collègues, quand ces scandales sanitaires éclateront, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas !
Lourde déception que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 n’engage toujours pas des changements plus importants. La prévention, qu’elle soit sanitaire ou sociale, c’est du bon sens. Personne ne vous dira qu’il y est opposé ! Pourtant, PLFSS après PLFSS, force est de constater que c’est toujours pour l’année prochaine !
Mme Chantal Jouanno. Oui !
Mme Aline Archimbaud. Quand passerons-nous aux actes ? Dans un débat budgétaire, cela signifie faire des arbitrages différents. Ce n’est pas en continuant à fermer les yeux sur les dangers de certains produits, comme les perturbateurs endocriniens, les particules fines, les OGM, le mercure dentaire, les ondes électromagnétiques, la radioactivité, l’amiante ou encore certains médicaments, que nous y parviendrons.
Lourde déception, enfin, qu’aussi peu des propositions contenues dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre fin septembre dernier soient reprises, et ce malgré l’ouverture d’esprit dont vous avez fait preuve, monsieur le rapporteur général.
Ce rapport fait des propositions qui sont à notre portée immédiate, pour mettre en œuvre des simplifications administratives drastiques et urgentes concernant des millions de nos concitoyens et permettant d’améliorer l’accès à des droits, comme la couverture maladie universelle complémentaire, l’aide médicale d’État et l’ACS. D’autres sont relatives au tiers payant, à la limitation des dépassements d’honoraires et, plus généralement, à la diminution des inégalités d’accès à la santé.
Madame la ministre, vous me répondrez certes qu’une grande loi de santé publique est en cours de préparation. Nous l’attendons, mais nous ne comprenons pas pourquoi des mesures urgentes ne sont pas dès à présent mises en œuvre. Je le redis, de telles mesures sont à notre portée et elles sont très attendues, notamment par de nombreux professionnels de la santé et du travail social, comme nous avons pu le constater tout long des 240 auditions que nous avons menées.
Les écologistes veulent eux aussi réduire les déficits sociaux. Nous estimons, nous aussi, que c'est une nécessité absolue. On le sait, le renoncement aux soins lié aux inégalités d’accès à ces soins et la faiblesse de la politique de prévention coûtent à l’assurance maladie des sommes colossales. Pourquoi n’en tirons-nous pas les conclusions qui s’imposent dans les arbitrages financiers ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous épargnerai de longs discours, même si certains de mes propos risquent d’être redondants avec ceux que j’ai prononcés lors de la première lecture. Il n’est toutefois pas inutile de répéter pour finir, un jour peut-être, par être entendu…
Le texte que nous examinons ce matin est, en effet, la copie quasi conforme de celui que nous avons rejeté voilà quelques jours. Je regrette que les amendements adoptés par le Sénat sur l’initiative de M. le rapporteur général n’aient même pas été retenus. Je pense notamment, à cet égard, à la baisse du taux de la cotisation versée par les établissements hospitaliers au titre du financement du fonds pour l’emploi hospitalier.
Seul l’article 8 a été modifié substantiellement, comme notre assemblée l’avait demandé. En effet, sous la pression des associations d’épargnants, le Gouvernement propose que la suppression des taux historiques s’applique aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. Alors que le Premier ministre vient d’annoncer une remise à plat de la fiscalité, il n’est à notre avis pas cohérent de taxer les ménages à hauteur de 400 millions d’euros sur ce seul produit d’épargne.
À l’occasion de cette nouvelle lecture, je souhaite revenir sur certaines mesures qui n’ont malheureusement pas été modifiées.
Il s’agit notamment, à l’article 9, du mode de financement des mesures de revalorisation des retraites agricoles, que vous faites peser uniquement sur les agriculteurs, contrairement à la promesse du Président de la République de le faire porter par la solidarité nationale.
Il en est de même de l’élargissement de l’assiette des prélèvements sociaux qui s’applique aux exploitants agricoles et du déplafonnement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au RSI, le régime social des indépendants, même si la hausse est lissée sur deux années. Ces mesures participent de la même logique : toujours plus de prélèvements.
En outre, en instaurant une troisième tranche dans l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires due par les grossistes-répartiteurs – c’est l’article 12 bis –, vous risquez de compromettre l’approvisionnement des pharmacies d’officine et de mettre en péril un pan entier de la distribution des produits de santé en les concentrant entre les mains de ces professionnels.
S’agissant de l’article 12 ter qui introduit de façon détournée l’équivalent des « clauses de désignation », vous vous entêtez et passez outre les décisions du Conseil constitutionnel.
En effet, le Conseil a rappelé par deux décisions des 13 juin et 18 octobre 2013 que « les clauses de désignation portent à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ».
Cette clause de recommandation se transformera d’autant plus en désignation que le choix d’un autre organisme assureur sera fiscalement sanctionné. Je rappelle que le forfait social passera de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés.
Nous sommes donc toujours convaincus que cette mesure porte atteinte à la liberté contractuelle.
Par ailleurs, pour la deuxième année consécutive, vous prévoyez de reverser le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse. Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement pur et simple des fonds dédiés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.
Comble du comble, le texte voté mardi dernier par les députés consacre seulement 30 millions d’euros sur les 100 millions envisagés au financement d’actions consacrées à l’aide et l’accompagnement à domicile.
Ce détournement de plus de un milliard d’euros depuis 2013 nous fait douter de la volonté du Gouvernement de mener à bien une réforme à la hauteur des enjeux démographiques et financiers liés au vieillissement de la population.
Quant à l’article 22 relatif aux modalités de recouvrement des cotisations au régime social des indépendants, il n’apportera guère de remèdes aux problèmes rencontrés par les petites entreprises et les professions indépendantes. L’important est d’entreprendre rapidement une réforme de fond du RSI, dont le fonctionnement a été qualifié par la Cour des comptes de « catastrophe industrielle ». C’est pourquoi nous nous félicitons que la MECCS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, ait retenu notre proposition d’y travailler dans les prochains mois, en désignant comme corapporteurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy.
J’en viens aux mesures relatives aux dépenses.
Nous sommes évidemment favorables à l’amélioration de l’accès à l’ACS, mais la méthode que vous utilisez pose, là encore, des problèmes. Comment l’appel d’offres sera-t-il mené et qui décidera des contrats qui seront choisis ? En créant des « contrats dédiés à l’ACS », puisque les bénéficiaires seront obligés d’y recourir, vous complexifiez le système et vous risquez de stigmatiser ces populations, ce qui ne réglera pas le problème du non-recours de nombre de bénéficiaires potentiels à cette aide.
En outre, déterminer un plafond au-delà duquel les organismes complémentaires ne doivent pas assurer la prise en charge, c’est prendre le risque de créer un prix de référence pour tous les produits. Pourtant, les équipements d’optique et dentaires sont, nous le savons tous, des produits de santé qui répondent aux besoins individuels de chaque assuré. Ils sont, par essence, tous différents.
Fixer un tel plafond compromettra l’accès des assurés à l’innovation et à la qualité. Or les enjeux économiques et l’impact social d’une mauvaise vision ou d’une mauvaise dentition sont importants.
Pourquoi n’avez-vous pas choisi de mettre en œuvre la labellisation qui avait été prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ?
S’agissant des mesures concernant l’hôpital, je veux revenir sur la tarification hospitalière qui, j’en suis convaincu, doit être repensée. Néanmoins, s’attaquer à ce problème, comme vous le faites, par la mise en œuvre de tarifs dégressifs de remboursement en fonction du nombre d’actes réalisés est, je l’ai déjà dit, une fausse bonne idée. Elle constitue une nouvelle régulation par les volumes qui risque, dans les faits, de fortement pénaliser les établissements choisis par les patients pour la qualité de leurs médecins et de leurs plateaux techniques. Au final, les patients seront les premières victimes puisqu’ils verront leurs interventions repoussées, voire déprogrammées, pour éviter que l’établissement ne dépasse son volume d’actes.
J’en viens à la création d’un collège des financeurs chargé d’évaluer les modèles économiques des coopérations soumises par les professionnels de santé dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.
Ajouter au système déjà complexe prévu par la loi une étape supplémentaire risquerait de décourager les professionnels, alors que leur premier objectif est de soigner. Ils risqueraient de ne parvenir à se mettre en adéquation avec leurs obligations administratives que grâce à l’appui des agences régionales de santé.
Ce collège des financeurs ne doit pas devenir un nouveau verrou bloquant les initiatives de terrain.
À ce titre, nous regrettons que vous n’ayez pas repris la proposition que ma collègue Catherine Génisson et moi-même vous avions soumise, visant à limiter le rôle de ce collège à la mise en place de modèles médico-économiques que les professionnels auraient pu reprendre dans l’élaboration de leurs projets.
Enfin, je veux brièvement revenir sur une mesure concernant le médicament : la promotion des médicaments biologiques similaires, à travers l’autorisation de la « substitution » en initiation de traitement par le pharmacien. Ce dispositif soulevant de nombreux problèmes, il nous semble indispensable d’attendre les conclusions du groupe de travail sur les biosimilaires mis en place dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé.
En conclusion, j’ose le dire, madame la ministre, votre projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas à la hauteur des enjeux. Il consiste presque uniquement à assommer de nouveaux prélèvements les retraités, les agriculteurs, les indépendants, les familles, et j’en oublie sans doute ! En procédant de la sorte, non seulement vous compromettez l’avenir de notre pays, mais vous n’avez même pas la garantie de susciter des recettes supplémentaires.
Monsieur le rapporteur général, si aucune des propositions majeures formulées par le Sénat n’a été retenue, ce serait en raison d’une « coalition disparate », avez-vous dit.
À chacun sa façon de défendre les options qu’il préconise pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À chacun d’assumer ses responsabilités !
M. Alain Milon. Il se trouve que notre groupe arrive à la même conclusion que d’autres, mais quelle honte y aurait-il à cela ?
Vous avez également regretté que le Sénat soit tenu au silence. Je ne suis pas d’accord : parce que les Françaises et les Français apprécient les élus qui réfléchissent et qui proposent davantage que les élus suivistes, ils sauront, sur ce texte, préférer l’attitude du Sénat à celle de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Mme Chantal Jouanno. En effet !
Mme Michelle Meunier. Ce n’est pas sûr !
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour filer la métaphore de notre collègue Alain Milon, je vais tenter de ne pas vous « assommer » par une intervention trop longue !
Par le jeu de la navette parlementaire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 fait à nouveau escale au Sénat, sans que le climat semble avoir changé depuis la première lecture.
Cette deuxième lecture du PLFSS aurait dû permettre une confirmation et un approfondissement du texte en examen. Hélas ! il n’en sera pas ainsi, car seuls nos collègues de l’Assemblée nationale auront pu contribuer à son amélioration. En effet, devant notre Haute Assemblée, la discussion a été écourtée en première lecture, stoppée même par le rejet de la partie relative aux recettes, nous empêchant d’échanger sur le volet relatif aux dépenses, la quatrième partie. C’est particulièrement regrettable, et on le regrette sur toutes les travées de cet hémicycle. J’ai néanmoins tout lieu de craindre qu’il en sera de même aujourd’hui.
Comme je l’ai fait lors de la réunion de la commission des affaires sociales mardi dernier, je tiens aujourd'hui à rappeler un certain nombre de points, avant que cette triste page de l’histoire, au Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne soit définitivement tournée.
Ces points sont autant de vérités, si ce n’est d’évidences, que nos collègues de l’opposition, mais aussi d’une fraction de la majorité sénatoriale, se refusent à entendre, les uns, parce qu’ils ont la mémoire courte ou sélective, ou par positionnement tactique – « puisque nous sommes dans l’opposition, opposons-nous » –, la mauvaise foi leur servant la plupart du temps de viatique; les autres, victimes d’un illusionnisme utopique qui les égare inexorablement dans une idéologie désespérée et désespérante du « toujours plus », souvent enveloppée dans une posture de type « plus à gauche que moi, tu meurs ».
Mme Laurence Cohen. Au moins, nous, nous sommes à gauche !
M. Dominique Watrin. Oui, au moins, nous sommes à gauche !
M. Jacky Le Menn. Je reprendrai succinctement quelques-uns de ces points.
Premièrement, on n’appréhende un budget qu’en examinant la globalité des recettes et des dépenses. Son appréciation ou son rejet, lequel peut être tout à fait légitime et même s’imposer, ne trouve de cohérence qu’à l’issue d’une analyse complète, et non au milieu du gué. C’est pourtant ce qui s’est passé, au Sénat, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette année comme l’année dernière.
Deuxièmement, le contexte économique dans lequel ce budget social s’inscrit ne peut être ignoré, pas plus que ne peut être occultée la politique économique et sociale d’ensemble qui le sous-tend.
À cet égard, démarquons les paramètres dans lesquels le présent PLFSS trouve sa place.
Tout d’abord, réaffirmons avec force que le contexte est celui d’une économie en voie de redressement, mais encore marquée par les conséquences de la crise, laquelle n’est bien évidemment pas terminée.
La stratégie de retour à l’équilibre repose sur un effort renouvelé de maîtrise des dépenses sociales, porté par des réformes d’ampleur concernant l’ensemble des branches de la sécurité sociale, dans un souci de modération de la pression fiscale et sociale pesant sur les entreprises et les ménages. En l’occurrence, le texte contient bien des réformes, et des réformes de structure, n’en déplaise à ceux qui ne les ont pas encore repérées. Que ces derniers se rassurent, nous continuerons à les aider à y voir plus clair…
Ainsi, la réforme de la branche famille et celle des retraites posent les bases d’une trajectoire crédible de retour à l’équilibre.
Pour ce qui est de la branche famille, les mesures affectant ses comptes visent à recentrer les prestations sur les publics les plus fragiles, dans un objectif de justice, mes chers collègues. Par exemple, le complément familial sera progressivement majoré de 50 % pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté, une première majoration intervenant à compter du 1er avril 2014. N’est-ce pas une mesure de gauche, chers collègues du groupe CRC ?
S’agissant de la réforme des retraites, qui nous a longuement occupés il y a quelques semaines,…
Mme Catherine Procaccia. Pas si longuement !
M. Jacky Le Menn. … nous rappelons avec détermination qu’elle vise à assurer l’équilibre des régimes de retraite de base à l’horizon 2020 et à maintenir cet équilibre à l’horizon 2040, conformément aux recommandations de la Commission pour l’avenir des retraites.
Pour sauvegarder un système de retraite que de nombreux pays nous envient, les mesures assurant l’équilibre d’ici à 2020 doivent concerner les actifs, les employeurs et les retraités. Ces mesures visent à faire face au défi que constitue, à long terme, l’allongement de l’espérance de vie, lequel, vous en conviendrez, mes chers collègues, est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, en proposant une évolution progressive de la durée d’assurance pour l’obtention d’une retraite à taux plein. Nous devons tirer les conséquences de cette réforme sur le plan budgétaire et, en l’occurrence, dans le PLFSS.
En ce qui concerne l’assurance maladie, qui, comme le rappelait voilà quelques instants Mme la ministre, doit rester le pilier du financement de la prise en charge des soins de nos concitoyens, Mme Touraine ainsi que le ministre chargé du budget ont longuement insisté, en première lecture comme aujourd’hui, sur la nécessité de concentrer sur cette branche le maximum des efforts consentis pour redresser les comptes en 2014. Notre rapporteur général, Yves Daudigny, que je remercie à nouveau du remarquable travail qu’il a conduit, avec ses collaborateurs de la commission des affaires sociales, a relayé cette nécessité.
Cette nécessité est de l’ordre de l’évidence, et je ne comprends toujours pas pourquoi on continue à la nier sur certaines travées. En effet, la branche famille est la plus déficitaire. Ses comptes se sont fortement dégradés, avec un déficit qui devrait avoisiner, cette année, les 7,7 milliards d’euros, soit 57 % du déficit du régime général, contre 44 % en 2012. La réponse face à cette situation dangereuse doit être courageuse. C’est cette voie du courage politique que le Gouvernement a choisi de suivre, et nous l’approuvons.
La difficulté de l’exercice, que l’on ne peut nier, oblige à un effort important de maîtrise des dépenses de santé sans que soient pour autant sacrifiés les crédits affectés, en équité, mes chers collègues, par le biais de l’ONDAM, au financement des besoins de nos concitoyens en matière de santé ou de soins et sur le plan médicosocial. Comment certains peuvent-ils sans mauvaise foi énoncer autant d’incongruités – j’en ai encore entendu avant-hier en commission des affaires sociales – sur le taux de progression de cet ONDAM ? Ce dernier évolue bien au-delà du taux d’augmentation du PIB, et sa progression de 2,4 % dans le présent PLFSS permettra plus de 4 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires.
Nonobstant cette évolution positive de l’ONDAM, la maîtrise des dépenses de santé sera poursuivie, comme l’ont expliqué, tour à tour, Mme la ministre et notre rapporteur général, notamment en première lecture. Cette maîtrise s’accompagne du déploiement de la stratégie nationale de santé, qui doit permettre d’améliorer l’organisation des soins et de renforcer son efficience, et fait largement consensus parmi les acteurs du monde de la santé.
Parmi les mesures mettant en œuvre cet objectif de meilleure maîtrise des dépenses de santé, je relève notamment, dans ce budget, le développement de la chirurgie ambulatoire et des actes de télémédecine ; le développement de nouveaux modes de tarification adaptés à une approche reposant sur le parcours de soins, mesures concernant en particulier, cette année, la radiothérapie et l’insuffisance rénale chronique ; la pose des premiers jalons d’une évolution en profondeur de la tarification à l’activité, reprenant de nombreuses préconisations issues des travaux conduits, en 2013, par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat ; enfin, un certain nombre de mesures spécifiques favorisant une meilleure organisation des soins de proximité et qui ne peuvent, à ce titre, vous avoir échappé, mes chers collègues.
L’an prochain, le Sénat sera amené à examiner un grand projet de loi de santé publique, qui comportera évidemment, madame Jouanno, un important volet relatif à la prévention, dans le prolongement du développement de la stratégie nationale de santé. Nous examinerons les implications budgétaires de ce texte dans les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, nous maintenons, avec le présent PLFSS, le cap fixé depuis le début de la législature, celui de la sauvegarde financière et de la reconstruction de notre protection sociale.
Cependant, nous faisons aussi la démonstration que les contraintes qui s’imposent à nous n’entraînent, de notre part, ni renoncement ni immobilisme.