M. Philippe Dallier. Tant mieux !
M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est plutôt une bonne chose !
M. Christian Favier. On met ainsi le pied dans la porte pour forcer le passage en ce domaine comme dans celui de l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains, et donc également des conseillers des territoires.
Avec cette dernière mesure, les communes ne seront plus que des arrondissements de la métropole, ne disposant que de pouvoirs très limités.
Une nouvelle fois, le Sénat n’a pas été entendu !
Enfin, les conférences territoriales de l’action publique, souhaitées par le Sénat comme simples lieux de dialogue et de concertation entre les différentes collectivités territoriales sur un même territoire, redeviennent ce que le Gouvernement souhaitait et que notre Haute Assemblée avait refusé, c’est à dire des instances où sont conclues des conventions organisant les modalités de l’action commune pour telle ou telle compétence.
Là encore, le Sénat n’a pas été entendu !
Certes les mots « schémas prescriptifs » ont disparu, mais l’objectif demeure et la loi le met en œuvre. Ce sera avec d’autres mots, mais toujours avec les mêmes contraintes. Pour que les choses soient plus claires encore, le texte précise que ces conférences ne sont pas de libre administration : elles seront présidées par le président de la région, alors que le Sénat, on s’en souvient, voulait que cette conférence élise librement son président en son sein. Cette présidence ès qualités attribue à la personne et à la fonction un rôle et une place inédits dans l’architecture de nos institutions locales en lui confiant le pouvoir de convocation des autres élus.
Mais cette présidence ès qualités confère aussi une place nouvelle à la région, la transformant en échelon de pilotage de toutes les politiques publiques sur son territoire.
Sur ce point aussi, le Sénat n’a pas été entendu !
Si l’on s’arrêtait sur tous les articles qui restaient encore en discussion, la liste serait longue des mesures ne correspondant pas aux propositions portées par notre assemblée.
Les initiateurs de ce texte et les parlementaires qui les soutiennent n’ont pas cessé de bousculer nos travaux, de faire avancer ce texte dans la précipitation.
Dès la première lecture, nous avions demandé le renvoi en commission, tant les délais d’examen avaient été courts. La même précipitation a été de mise pour la deuxième lecture. Quant au texte qui nous est aujourd’hui soumis, réécrit, nous n’avons pas pu en disposer vingt-quatre heures avant la séance – il n’était toujours pas disponible hier, à seize heures -, ce qui est le moins que l’on puisse demander !
Les rapporteurs diront que les discussions en CMP ont été riches et fructueuses, puisqu’un accord a été trouvé, à la manière des miraculeuses synthèses des congrès de certains partis.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans d’autres partis, le miracle est permanent !
M. Roger Karoutchi. Veuillez laisser l’orateur s’exprimer ! (Sourires.)
M. Christian Favier. Certes, il y a eu accord, mais en oubliant les principales préoccupations soulevées par le Sénat et les nombreux amendements qu’il avait adoptés.
Dans ces conditions, nous espérons que notre Haute Assemblée ne se déjugera pas et qu’elle refusera d’adopter un texte contenant des mesures qu’elle a par deux fois rejetées.
Nous regrettons cette précipitation pour faire adopter ce texte avant la trêve de Noël. Prenons le temps d’une troisième lecture sur un projet de loi dont on voit bien qu’il bouleverse nos institutions locales. Le Sénat ne pourrait que sortir grandi d’avoir respecté notre démocratie républicaine ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Roger Karoutchi. Dans la mesure, mais ferme, cher Jean-Jacques Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur – il est rare que je salue les rapporteurs,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est mérité !
M. Jean-Jacques Hyest. … mais, au vu des énormes efforts consentis pour essayer de rapprocher des points de vue aussi éloignés sur un certain nombre de sujets, qu’il s’agisse du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale, cette mention est méritée –, il y a plusieurs manières d’envisager ce texte.
On constate des lacunes et des étrangetés, des mesures dont certaines seront inapplicables et sur lesquelles le législateur devra revenir. D’autres dispositions, il faut le souligner, nous satisfont.
Je ne rappellerai pas combien nous étions hostiles au Haut Conseil des territoires.
M. Philippe Kaltenbach. Vous avez été entendu !
M. Jean-Jacques Hyest. Cette hostilité était très largement partagée sur toutes les travées de cet hémicycle.
Je pense que les députés ont compris qu’il posait problème quant au rôle constitutionnel du Sénat. Exit ce Haut Conseil ; tant mieux !
Je n’ai rien contre la conférence territoriale de l’action publique, à condition qu’il s’agisse d’un lieu de dialogue et non de décision, ce qui aurait pu poser un problème de tutelle et donc de constitutionnalité. Le rôle qui lui a été finalement dévolu est intéressant, tant la coopération entre les divers niveaux de collectivités se révèle indispensable.
Je suis toujours admiratif devant certaines postures. La loi de 2010 supprimait la clause de compétence générale, laquelle – je le rappelle – ne figure pas dans la Constitution. Cette clause de compétence générale, en réalité, est déterminée par la loi. D’ailleurs, nous sommes obligés d’adopter des lois pour attribuer des compétences aux divers types de collectivités ou d’intercommunalités ! Dès lors, le rétablissement de cette clause implique que nous examinions, à l’avenir, une nouvelle loi sur les compétences. Je vous l’annonce, mes chers collègues, nous allons retrouver les difficultés que nous avions rencontrées avec la loi de 2010 ou la loi dite « Raffarin », en matière de développement économique, par exemple, ou encore – quelle chose merveilleuse ! – de tourisme.
Sur la question de l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains, je suis en désaccord total avec les propos de Mme Lipietz. Nous parlons d’intercommunalité, ma chère collègue, et non pas de supra-communalité !
M. Alain Richard. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. En la matière, la position du Sénat, formulée dans l’excellent rapport intitulé Des territoires responsables pour une République efficace et lors des états généraux de la démocratie territoriale, a été réaffirmée. Certes, il est prévu d’étudier si tout cela peut changer en 2020, mais, pour l’instant, nous en restons là et c’est très bien !
Par ailleurs, je pense qu’il était important de rappeler que les compétences propres du bloc communal étaient réduites à rien ou presque. S’occuper des petits oiseaux peut intéresser un maire et son conseil municipal, mais cela me paraît tout de même un peu limité ! (Mme Isabelle Debré rit.) Le renforcement des compétences a été approuvé par la commission mixte paritaire, ce dont je me réjouis. Nous craignions, en effet, qu’il n’y ait pas d’avancée sur ce point.
Nos collègues ont également beaucoup travaillé sur la question de la gestion des milieux aquatiques et de la lutte contre les inondations. Certains élus, d’ailleurs, n’ont pas attendu que nous adoptions des lois pour agir dans ce domaine. (M. Louis Nègre marque son approbation.) Leur action, je le reconnais, est assez efficace. Cependant, je pense qu’une loi est nécessaire pour inciter les autres à lutter efficacement – enfin ! –contre les inondations. Cette disposition faisait craindre à certains élus l’apparition de nouvelles taxes, mais je pense que la solution trouvée n’est pas mauvaise.
M. Louis Nègre. Vous êtes bon élève, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Hyest. J’en viens à la question de la dépénalisation du stationnement ou, plus exactement, de la fixation par les collectivités du montant de ce que l’on appelait – nous verrons le nom qui sera choisi à l’avenir – les « amendes ». L’idée n’est pas mauvaise et répond à une volonté très forte, exprimée par bon nombre d’élus. Cependant, vous voudrez bien m’en excuser, mes chers collègues, il ne faudrait pas qu’elle aboutisse à ce que les habitants des périphéries ne puissent plus accéder au centre-ville de certaines collectivités. Cette mesure suppose donc que l’on offre des capacités de stationnement dans les centres-villes, sous peine de les tuer ! (M. Alain Richard marque son approbation.) Si des élus irresponsables ne pensent qu’à disposer de plus de ressources par ce biais, ils occasionneront de gros dégâts !
J’essaie, mes chers collègues, de mesurer de façon objective les conséquences de l’adoption de cette mesure. Certaines décisions, en effet, peuvent paraître tout à fait bonnes, mais elles peuvent parfois avoir des effets pervers. Il va falloir, notamment, que l’on nous explique ce que vont pouvoir faire les petites communes, dont les amendes de police étaient, jusqu’alors, mutualisées.
J’en viens, enfin, aux métropoles.
Je ne ferai pas de commentaire particulier sur la métropole de Lyon. À mon sens, le système est abouti. Je signale tout de même qu’une collectivité est supprimée. On reconnaît l’existence du fait métropolitain dans la grande agglomération de Lyon et on décide donc clairement de reconcentrer les compétences, afin de ne pas les démultiplier, ce qui mènerait à de grandes absurdités.
En ce qui concerne la métropole de Marseille, nous avons affaire à une fusion d’intercommunalités. Le processus n’est pas aisé, mais, les intercommunalités ayant à peu près les mêmes compétences, il obéit à une logique, que renforce la dynamique de l’agglomération.
Reste le cas de Paris…
M. Roger Karoutchi. Où il n’y a pas de logique !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut très bien se référer au rapport du Sénat, qui défend la création d’« une nouvelle collectivité du Grand Paris, en remplacement des quatre départements actuels de Paris et de la petite couronne, à l’horizon 2020 ».
M. Philippe Kaltenbach. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout ce que l’on est en train de faire revient, mes chers collègues, à détruire les intercommunalités ! Voilà la question ! Peut-être aurait-il été possible de faire autrement ?
M. Claude Dilain. Certes, mais nous allons le faire quand même !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut aussi choisir de suivre l’exemple de Lyon. Je rappelle, à ce titre, que Paris cumule déjà les compétences du département et de la commune.
M. Philippe Kaltenbach. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Les élus au Conseil de Paris se réunissent alternativement en formation de conseil général ou municipal, ce qui peut présenter certains intérêts, au nombre desquels ne figure pas nécessairement, cela dit, la bonne gestion de la collectivité.
Il y a cependant une logique. Le Gouvernement souhaitait, au départ, créer un syndicat mixte et juger, ensuite, de ses progrès. D’ailleurs, les travaux de Paris Métropole allaient dans ce sens.
M. Claude Dilain. Cette idée a été rejetée !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, et une solution intermédiaire a été trouvée, mais peut-être n’aurait-on pas dû la rejeter totalement la première idée,…
M. Claude Dilain. Ah ?
M. Jean-Jacques Hyest. … dans l’attente de la grande réforme.
M. Claude Dilain. C’est l’arroseur arrosé !
M. Jean-Jacques Hyest. Soyons honnêtes, mes chers collègues, la solution retenue a quelque chose d’hybride, elle me semble complexe et aura des effets sur la grande couronne. Sur ce dernier point, on nous explique benoîtement que la grande couronne devra encourager les regroupements pour faire face à la métropole de Paris.
M. Roger Karoutchi. Oui, mais avec qui ?
M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’ira pas sans poser quelques problèmes. Le présent projet de loi n’a pas dit un mot, par exemple, du sort réservé aux villes nouvelles. Les syndicats d’agglomération nouvelle existent encore, mes chers collègues ! Ils sont très importants dans le département de Seine-et-Marne, par exemple. Pourtant, ils ne sont pas visés par la loi.
Effectuer des regroupements supposerait de supprimer les établissements publics administratifs, ou EPA, et les syndicats mixtes. Dans tous les cas, il importe de faire entrer les villes nouvelles dans le droit commun à brève échéance. Sans cela, mesdames les ministres, vous n’arriverez pas à bâtir quelque chose de structuré. En la matière, le seuil a été fixé à 200 000 habitants, même s’il est vrai que des dérogations sont possibles, pour tenir compte des réalités.
M. Philippe Kaltenbach. Exactement !
M. Alain Richard. Oui, ce seuil a été assoupli !
M. René Vandierendonck, rapporteur. Et cela n’a pas été facile !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes, mais les dérogations dépendent, en réalité, de la souplesse des préfets !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe est divisé sur cette question. Les questions propres à l’agglomération parisienne, notamment, rencontrent beaucoup d’hostilité…
Mme Catherine Procaccia. « Beaucoup » est un euphémisme !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est le moins que l’on puisse dire, même si tel n’est pas toujours le cas d’autres points de ce texte.
Cependant, quelles que soient les insatisfactions que ce texte fait naître, il me semble important, malgré tout, que le Sénat, sur ce sujet, ne laisse pas le dernier mot à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. Roger Karoutchi. Mais si ! On le lui laisse !
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il faut « faire confiance à l’intelligence des territoires ». Combien de fois, monsieur le rapporteur, nous avez-vous rappelé cette exhortation, titre du rapport d’Yves Krattinger, réalisé au nom de la mission commune d’information présidé par Claude Belot ?
Le présent texte, qui, je l’espère, va être adopté par le Sénat, émane tout entier de cette intelligence des territoires, et de la capacité de leurs élus à la traduire dans la loi. Nous sommes, mes chers collègues, de sensibilités politiques différentes, nous appartenons à groupes politiques différents. Surtout, nous sommes tous profondément marqués par notre expérience territoriale.
M. Gérard Collomb. La vision que nous nous faisons de l’organisation de notre pays et la façon dont nous pensons que doit être structurée son administration sont profondément marquées par notre expérience locale et territoriale.
Pourtant, mes chers collègues, nous sommes parvenus à surmonter ces différences de jugement et d’appréhension, pour bâtir, petit à petit, une vision commune de l’organisation de notre pays. Nous sommes allés au-delà des réalités particulières, pour bâtir ensemble un texte à même de les dépasser, de les transformer, un texte d’intérêt général. Cela a largement été rendu possible par l’écoute, mais aussi par l’habileté, de notre rapporteur.
M. Alain Richard. Très bien !
M. Gérard Collomb. Cela a aussi été rendu possible par la capacité du président de la commission des lois à entendre et à comprendre les différentes opinions. Il a réussi à en faire une synthèse, que l’on ne peut qualifier de « molle », puisqu’elle intègre, en effet, les points de vue particuliers pour mieux les dépasser et répondre à l’intérêt général.
À entendre les différentes interventions, émanant de toutes les travées, je crois que l’on peut dire que nous y sommes parvenus. Au départ, un certain nombre de fractures existaient entre nous, mes chers collègues : entre les tenants du département et ceux qui, au fond d’eux-mêmes, n’en voyaient plus l’utilité ; entre les défenseurs de l’urbain et les élus du monde rural, qui affirmaient haut et fort que l’on ne pouvait y déployer la même organisation qu’ailleurs ; entre ceux, enfin, qui veillaient jalousement à l’intangibilité des régions et pensaient que le texte sur les métropoles portait, d’une certaine manière, atteinte à leur autorité, et les autres.
Mes chers collègues, c’est de ces considérations que nous avons fait litière. Le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dont beaucoup ne donnaient pas cher au départ, est aujourd’hui devant nous. C’est un texte dense et cohérent, qui fera date, j’en suis sûr, dans l’histoire de l’organisation administrative de notre pays.
Il respecte les équilibres entre départements, régions et nouvelles métropoles. Il articule bien les relations entre les communes et les métropoles, en permettant à ces dernières de s’affirmer sans jamais donner l’impression de vouloir faire disparaître les premières. Sur certains points, je pense aux pouvoirs de police, par exemple, les termes en ont été pesés au trébuchet.
Une fois ce texte adopté, quatorze métropoles seront constituées. Leur émergence était fondamentale. Ce sont elles qui peuvent porter la France de demain, parce qu’elles sont fortes de leurs pôles universitaires, de leurs pôles d’excellence économique, de leurs grandes infrastructures. Elles le peuvent parce qu’elles sont reliées, par nos autoroutes, par le train ou par l’avion, aux autres grandes métropoles.
Cependant, penser l’émergence de ces territoires n’empêche pas de vouloir que la France des petites villes ou de la ruralité aille de l’avant. C’est pour permettre à ces parties de notre territoire de pouvoir se développer que nous avons imaginé la notion de « pôle d’équilibre territorial et rural ».
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Gérard Collomb. Un certain nombre de petites ou de moyennes communes, étaient, à juste titre, préoccupées par l’absence de responsabilité identifiée pour la gestion des milieux aquatiques. Nous avons commencé à y remédier. Sur ce point, nous le disions avant-hier, Gérard Collomb et Pierre-Yves Collombat ont désormais le même intérêt. (Sourires.) C’est que, madame la ministre, nous avions oublié une chose dans le projet de loi, un détail : toute la France était concernée par la gestion des milieux aquatiques, sauf la métropole de Lyon… (Mme la ministre rit.) J’espère que nous aurons l’occasion de corriger cette erreur ! Nous avons d’ailleurs commencé à y remédier.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. L’accord Collomb-Collombat…
M. Gérard Collomb. Même combat ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … est historique quand on connaît le passé !
M. Gérard Collomb. Dans cette réorganisation administrative de notre territoire, trois métropoles à statut particulier sont apparues.
D’abord, la création de la métropole de Lyon s’est faite dans un quasi-consensus.
Ensuite, la gestation de la métropole Aix-Marseille-Provence a été un peu plus douloureuse, mais je reste persuadé qu’une telle création était nécessaire. Elle permettra à un territoire qui a naturellement beaucoup d’atouts, qui a une riche histoire et qui peut rayonner demain dans toute la Méditerranée de repartir de l’avant.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !
M. Gérard Collomb. On l’a bien vu, « Marseille capitale européenne de la culture » était la préfiguration du Marseille qui change. Nous qui aimons cette ville sommes fiers de la voir changer !
Enfin, il y avait l’Île-de-France, territoire compliqué, territoire fractionné et, pourtant, si essentiel pour tout notre pays. Cela a été rappelé, l’Île-de-France représente 42 % de la production française. Comment aurait-on pu se désintéresser d’un tel territoire ?
En première lecture, le Sénat avait laissé un blanc, le texte présenté alors se caractérisant plus par l’addition de refus que par une véritable vision du territoire.
M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !
M. Gérard Collomb. Entre-temps, et au gré des navettes, une nouvelle version est apparue.
Certes, et Jean-Jacques Hyest l’a rappelé, le dispositif retenu peut présenter un certain nombre de lacunes. Notre collègue a souligné combien cette formule pouvait se heurter à des intercommunalités venant d’être créées. Mais elle a au moins le mérite d’exister. (M. Claude Dilain acquiesce.) C’est une base de départ pour une construction future. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Je suis bien placé pour savoir qu’une communauté urbaine – c’est le cas de la mienne, qui date des années soixante – se crée par tâtonnements, par approximations, par progrès successifs… Tout ne se fait pas au premier jour. Je suis persuadé que tel sera le cas pour l’Île-de-France.
Certains, dans notre Haute Assemblée, estiment qu’il s’agit d’une avancée positive, mais que nous ne sommes pas allés assez loin, notamment sur l’élection au suffrage universel direct.
M. Ronan Dantec. Pour le moment !
M. Gérard Collomb. Pour ma part, je prends acte de ce qui nous est annoncé dans la loi : en 2020, une élection au suffrage universel direct se tiendra dans toutes les métropoles.
Mme Hélène Lipietz. Peut-être !
M. Gérard Collomb. Certes, nous n’avons pas défini de mode de scrutin, parce que nous n’étions peut-être pas encore capables d’y parvenir. Quoi qu’il en soit, il existe une volonté commune d’avancer en vue des prochains renouvellements et de l’échéance de 2020. C’est, me semble-t-il, un grand progrès par rapport à l’intercommunalité du passé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, la Haute Assemblée va, je l’espère, permettre une avancée déterminante en adoptant le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Cher Louis Nègre, d’autres étaient allés plus vite. Aujourd’hui, un certain nombre de métropoles rejoignent la ville qui avait été précurseur ; je m’en réjouis, car cette évolution est fondamentale pour notre pays.
À mon sens, nous avons tous ici conscience des défis que notre pays doit relever. Au-delà des divergences qui peuvent nous séparer, nous faisons à peu près tous le même constat.
D’abord, le monde est en mutation extrêmement rapide – tout change. Ensuite, son équilibre se modifie : nous voyons bien aujourd’hui comment l’Europe peut connaître un certain nombre de difficultés face à l’émergence de régions du monde en plein bouillonnement, en plein développement. Enfin, il y a ce déficit abyssal de notre pays. Face à ces phénomènes, nous ne pouvons pas rester immobiles.
Pour ma part, je n’ai jamais cru que l’on pouvait résoudre les problèmes de déficit en essayant de réduire les dépenses de 10 % ou de 15 % de manière uniforme. À mes yeux, on ne pourra pas procéder ainsi.
M. Gérard Collomb. En revanche, il faut essayer de reconstruire notre administration et de repenser – ce que nous venons de faire – nos territoires, pour qu’ils fonctionnent mieux dans leur diversité. Monsieur Favier, il est des endroits où l’existence du conseil général s’impose, et d’autres où elle relève peut-être moins de l’évidence… (M. Christian Favier s’exclame.)
Il faut également conforter nos villes, petites et moyennes – nous nous en sommes donné les moyens –, et faire émerger les métropoles, trois ou quatre grandes villes qui permettront à notre pays de tenir la comparaison en Europe. C’est, me semble-t-il, ce que nous avons fait dans le cadre du présent projet de loi.
À l’instar des collègues avec lesquels nous avons corédigé ce texte en commission ou en séance, jour après jour, nuit après nuit, je suis extrêmement fier et heureux d’avoir contribué à ce qui, après coup, sera perçu comme une révolution dans le mode de gestion de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je commencerai en évoquant ma déception, qui n’a pas varié depuis la parution du texte initial.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Louis Nègre. J’étais déjà intervenu le 30 mai dernier pour m’inquiéter du fait que ce texte ne constituait malheureusement pas l’acte III de la décentralisation à la française.
Je suis un Girondin dans un État hyper-centralisé, où nombre de décisions continuent à remonter inutilement à Paris.
Mme Hélène Lipietz. C’est bien vrai !
M. Louis Nègre. Si nous devons continuer à agir dans le cadre d’une République une et indivisible, nous manquons, comme d’habitude, d’audace. On ne nous fait pas assez confiance, à nous les élus.
En effet, nombre de pays européens qui nous entourent ont, je le constate, permis à leurs régions d’adopter, dans un contexte clairement délimité, des lois régionales. Nous en sommes loin.
Le principe de subsidiarité, dont nous reprochons régulièrement à l’Europe la non-application, pourrait déjà s’exprimer utilement au niveau national. Ce projet de loi a donc en définitive une envergure restreinte, d’où le qualificatif de « petit bonus » que je lui ai décerné.
De plus, au-delà du manque de vision et d’ambition de ce projet de loi, je regrette également un manque de cohérence au niveau de certaines politiques publiques essentielles et je me pose la question : « Où est passée ma gauche ? »
En effet, le fait de maintenir la compétence « transports » à la région Île-de-France tout en transférant par ailleurs la compétence « habitat et hébergement » à la métropole du Grand Paris me paraît étrange. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) En effet, la doxa socialiste a toujours, à juste raison d’ailleurs, lié étroitement ces deux compétences, monsieur Karoutchi.
Les deux institutions pourront donc légalement mener des politiques divergentes. Les habitants de l’Île-de-France risquent ainsi de souffrir d’éventuels dysfonctionnements dans ces deux domaines, pourtant cruciaux pour leur qualité de vie.
Cela étant dit, je me félicite des conclusions favorables de la commission mixte paritaire. Je tiens à souligner la grande écoute de notre rapporteur René Vandierendonck, ainsi que le travail considérable qu’il a accompli. Je le félicite personnellement de son action positive.
Je constate avec satisfaction que le Haut conseil des territoires a été utilement supprimé. De même, le suffrage universel supra-communal, que d’aucuns réclamaient, n’a pas été retenu. Ces deux éléments sont cruciaux, tant pour la représentativité du Sénat que pour la pérennité des communes.
Sur ce dernier point, je relève avec plaisir que la commission mixte paritaire a, sur proposition du Sénat, redonné au bloc communal l’organisation des services publics de proximité, l’aménagement de l’espace, le développement local, sans oublier la fameuse compétence « mobilité durable », qui faisait déjà l’objet d’un large consensus.
De même, la création, positive, d’un schéma régional d’intermodalité visant à assurer une cohérence plus forte des services de transport public, s’équilibre par la nécessaire collaboration avec les autorités organisatrices de la mobilité, dans le respect de leurs compétences respectives.
Cependant, au-delà de la modernisation de l’action publique territoriale, ce texte vise principalement à « l’affirmation des métropoles » ! C’est une avancée sensible pour notre pays.
Cette vision mutualisée de certaines compétences des collectivités locales ne pourra qu’améliorer l’attractivité économique de ces dernières, leur compétitivité et, par voie de conséquence, la création d’emplois.
Ces métropoles permettront d’élaborer un projet d’aménagement et de développement ambitieux au sein d’un espace de solidarité.
Nous le constatons d’ailleurs avec le succès remarquable de la métropole de Nice Côte d’Azur, créée par Christian Estrosi. Que cette nouvelle institution, à travers l’article 33, ait été validée par le Gouvernement et qu’elle ait pu servir d’exemple, comme vient de l’indiquer fort élégamment notre collègue Gérard Collomb, pour définir le cadre juridique, les compétences et le fonctionnement des nouvelles métropoles constitue pour nous un profond motif de satisfaction. Je suggère même que les conférences métropolitaines prévues à la section 4 de l’article 31 puissent s’inspirer davantage de Nice Côte d’Azur, où la conférence des maires se réunit très régulièrement pour traiter de manière consensuelle les grands dossiers de cette institution.
J’évoquerai enfin quatre points représentant à mes yeux de profondes et positives innovations.
D’abord, je salue la reprise par le Gouvernement et le Sénat de mon amendement sur la participation à la gouvernance et à l’aménagement des gares, qui permettra une meilleure coordination des différentes institutions publiques concernées sur ce sujet très sensible.