M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, votre comparaison entre les conseils de territoire à 300 000, 400 000 ou 500 000 habitants qui seraient formés dans le Grand Paris et la métropole lyonnaise ne vaut pas : elle n’est pas pertinente !
C’est justement parce que je n’ai jamais imaginé que le découpage du département de la Seine-Saint-Denis en quatre ou cinq plaques d’intercommunalités nous aiderait à régler nos problèmes que, depuis 2007 et 2008, je plaide pour la métropole du Grand Paris. En effet, que ce soit en matière de transport ou de politique de peuplement, c’est bien évidemment à l’échelle métropolitaine qu’il faut raisonner, et certainement pas à l’échelle des conseils de territoire. En coupant la Seine-Saint-Denis en quatre ou cinq morceaux, vous n’aurez rien changé. Il faut réfléchir à une échelle plus large.
C’est pourquoi j’affirme qu’il faut inventer, pour ce territoire si particulier de la métropole du Grand Paris, une organisation qui lui soit adaptée.
La compétence de la politique de la ville serait donc ramenée au niveau du conseil de territoire. Mais, en fait, tout dépend du sujet évoqué : si l’on parle de financement et d’accompagnement des communes avec des outils qu’elles ne sont pas capables de se payer, il ne peut évidemment pas être question de les laisser seules ; s’il s’agit d’opérationnel, d’actions concrètes, alors, j’en suis persuadé, le maire et les services de la ville seront toujours ceux qui agiront.
Telle est l’articulation que nous devons élaborer. Elle doit être la plus pertinente et la mieux adaptée aux territoires. J’attends vos propositions, monsieur le ministre, lorsque vous présenterez votre amendement, mais il faut trouver une solution sui generis pour le Grand Paris. La comparaison avec la métropole de Lyon ne vaut pas si le périmètre des contrats de ville est rapproché de celui des conseils de territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Ce débat est important. J’ai comparé le Grand Paris à la métropole de Lyon à propos de la taille des communes. Vous avez expliqué que le seuil de 400 000 habitants n’était pas pertinent. Or, à Lyon, une agglomération qui compte 1,2 million d’habitants, il l’est.
Néanmoins, connaissant la réalité de la région d’Île-de-France, je souhaiterais que, au moment de l’application de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, le préfet de région – à mon sens, il est le seul à pouvoir le faire – décide, en fonction des conseils de territoire nouvellement créés, quel sera le bon périmètre, éventuellement plus large ou plus étroit.
L’amendement que je présenterai tout à l’heure visera la métropole d’Aix-Marseille-Provence, dont la mise en place est compliquée. En effet, l’unité entre la ville de Marseille, le secteur d’Aix et le bassin de Fos-sur-Mer est encore moins visible que dans la région d’Île-de-France. La métropole est à construire, et, pour y parvenir, aucun frein de nature politique ne doit s’y opposer. Par ailleurs, au regard des événements qui ont lieu à Marseille, les problèmes sont tels que nous serons peut-être obligés de nous concentrer sur des endroits bien précis de cette ville.
Mon amendement tend donc à laisser cette souplesse au préfet de région, afin que celui-ci puisse, lors de l’application de la loi, décider du périmètre des conseils de territoires. À un moment, j’avais pensé que les bons périmètres en région d’Île-de-France pourraient être ceux des CDT, les contrats de développement territorial, car ils ont pour objet la construction collective d’un bassin de vie entre des intercommunalités, voire des communes, qui se sont regroupées autour d’un projet commun. C’est cet aspect qui me semblait le plus important, mais depuis lors, le projet de loi relatif aux métropoles a été débattu. Or le périmètre des CDT ne sera pas forcément identique à celui des conseils de territoire.
M. Philippe Dallier. Il n’y en a pas partout !
M. François Lamy, ministre délégué. C’est pourquoi je souhaite, à ce stade, laisser au préfet de la région d’Île-de-France la souplesse nécessaire pour qu’il puisse, en fonction des situations qu’il connaît, déterminer des périmètres pertinents et cohérents au titre de la politique de la ville.
Ces périmètres doivent être non pas microscopiques, mais à l’échelle de nos futures actions dans d’autres intercommunalités situées hors de la région d’Île-de-France et comprenant, grosso modo, soit un bassin de vie avec un ou plusieurs centres, soit des bassins de vie multipolaires. Ainsi, le choix d’un périmètre cohérent favorisera le désenclavement, le développement économique ou les politiques de peuplement.
Certes, d’aucuns pourraient considérer qu’une sorte de chèque en blanc est accordé au préfet. En réalité, on sait que le préfet de région, quelle que soit sa personnalité, a toujours à cœur de trouver les bons périmètres en lien avec les élus.
Il me semble important de conserver cette souplesse pour éviter qu’une commune ne se retrouve exclue ou qu’un conseil de territoire ne soit pas cohérent avec les bassins de vie, ce qui empêcherait de mettre en place la politique de la ville la plus harmonieuse et la plus solide possible.
M. le président. Monsieur Dallier, l'amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié est retiré.
L'amendement n° 31, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Au début de cet alinéa
Insérer les mots :
Sur la base d’un projet de territoire coproduit et partagé à l’échelle intercommunale,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Comme cela a déjà été rappelé, l’article 5 prévoit les modalités de mise en œuvre de la politique de la ville par des contrats de ville conclus à l’échelle intercommunale. Les signataires de ces contrats sont, d’une part, l’État et ses établissements publics, et, d’autre part, les communes et EPCI à fiscalité propre concernés.
Mes chers collègues, l’amendement que je vous propose est assez simple : il tend à prévoir que le contrat de ville s’appuie sur un projet territorial de cohésion. En outre, ce dernier devra être coproduit à l’échelle de l’intercommunalité par tous les partenaires signataires, chacun devant ensuite mettre en œuvre le projet de territoire dans le cadre du contrat, au regard de ses compétences.
M. le président. Le sous-amendement n° 87, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 31
Compléter cet amendement par quatre alinéas ainsi rédigés :
et remplacer les mots :
Leurs signataires
par les mots :
Les signataires du contrat de ville
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 31.
M. Claude Dilain, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 31, car il paraît pertinent et même indispensable de se doter d’un projet de territoire, mais sous réserve de l’adoption de son sous-amendement n° 87, qui vise à apporter une rectification rédactionnelle ; afin d’éviter certaines complications, il s’agit de remplacer « leurs signataires » par « les signataires du contrat de ville ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 31, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 87.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Vandierendonck et Delebarre, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le représentant de l'État dans le département chargé de conduire pour le compte de l'État la négociation des contrats de ville s'appuie notamment sur les dispositions des conventions d'objectifs passées entre les différents ministères et le ministère chargé de la politique de la ville pour mobiliser les crédits de droit commun en faveur des quartiers prioritaires, y compris les crédits des budgets opérationnels de programmes qui ne sont pas placés sous sa responsabilité directe.
La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Je peux facilement poursuivre l’explication de ma collègue Valérie Létard : il faut élaborer un projet de territoire, y associer toutes les parties prenantes et octroyer au préfet délégué à la ville, lorsque cela se justifie, des prérogatives déconcentrées lui permettant de mobiliser prioritairement le droit commun des différents services déconcentrés, en l’adaptant si nécessaire.
Dans la pratique, nous le savons tous ici après quelques heures de vol (Sourires.), le niveau de déconcentration connaît tout de même quelques failles s’agissant de la responsabilité et de l’autorité directe que les préfets peuvent exercer sur certains services déconcentrés.
Mon cher collègue, souvenez-vous du rapport de la Cour des comptes de juillet 2012 sur la politique de la ville, avec les zooms des chambres régionales des comptes. Plusieurs exemples extrêmement précis montraient que l’on gagnerait à étendre l’autorité déconcentrée des préfets chargés de la politique de la ville, notamment en ce qui concerne certains ministères. Je citerai la protection judiciaire de la jeunesse, mais je pourrais aussi évoquer à titre d’exemple certains services qui relèvent du ministère de l’éducation nationale. Les pouvoirs des préfets et sous-préfets doivent donc être confortés.
D’une manière générale, aucun maire de gauche, du centre ou de droite ne critiquera l’ANRU, mais tous reconnaissent que la machine est trop centralisée. Par conséquent, abaissons les seuils, proposons des avenants, simplifions et apportons davantage de souplesse. Tout le monde s’en trouvera gagnant.
Au demeurant, jamais un ministre n’a été aussi loin dans sa façon de mobiliser le droit commun. Si je me permets d’insister sur ce point après mon intervention lors de la discussion générale, c’est parce que nous touchons à un problème réel, qui explique que beaucoup trop de dossiers remontent aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Je ne reprendrai pas l’expression de « crainte révérencieuse » employée tout à l'heure par M. René Vandierendonck, mais c’est avec cette disposition d’esprit que je suis une nouvelle fois contraint de ne pas émettre un avis favorable sur son amendement (Sourires.), et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il me semble que la mobilisation des budgets opérationnels relève plus du règlement que de la loi. Ensuite, je ne suis pas sûr que cette mesure ne soit pas déjà satisfaite, puisque vous faites vous-même allusion à des conventions signées. Or il paraît difficile d’imaginer qu’un préfet ne les exécute pas.
Par conséquent, à regret, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Vous avez des trémolos dans la voix ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Je suis très sensible aux préoccupations de M. René Vandierendonck, qui partage d’ailleurs l’avis de l’ensemble des parlementaires et élus engagés dans la politique de la ville.
L’objectif est bien celui-là : ces conventions doivent pouvoir être déclinées ensuite sur le terrain, avec toutes les difficultés auxquelles nous risquons d’être confrontés. Néanmoins, il est vrai que ces conventions ne sont pas des actes juridiquement opposables et que nous sommes en train de faire la loi. Autant je pense qu’une vigilance politique très forte est nécessaire sur l’application et la déclinaison de ces contrats, autant je souhaite apporter la souplesse nécessaire à l'échelle locale.
J’irai même plus loin, monsieur le sénateur, au sujet de ces conventions. Je sais les contraintes des différents ministres, qui ont de nombreux dossiers à gérer, et pas uniquement ceux de la politique de la ville. Certains sont allés plus vite que d’autres, car leurs administrations étaient déjà culturellement prêtes à accepter la territorialisation d’une partie des crédits ou des moyens humains. Pour d’autres, dont je tairai les noms, le fait même de pouvoir décliner des moyens différents en fonction des territoires ne fait pas encore partie du logiciel de leurs administrations. C’est pourquoi certaines conventions ont été signées, car elles permettent des avancées, mais ne sont pas suffisamment précises ou concrètes, contrairement à d’autres.
Quoi qu’il en soit, les préfets auront à cœur de mettre en œuvre ces conventions. En outre, le Premier ministre s’était engagé en édictant une circulaire en ce sens au mois d’octobre dernier.
Les dispositions de cet amendement ne relevant malheureusement pas de la loi, je suggère à son auteur de le retirer.
M. le président. Monsieur Vandierendonck, l'amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?
M. René Vandierendonck. Je n’avais d’autre ambition que de susciter la réflexion du titulaire du pouvoir réglementaire ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 32, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
et dans le cadre défini par ce dernier, de la mise en œuvre des actions de portée intercommunale. Ces actions portent sur les quartiers prioritaires ou sur des publics prioritaires.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement a un double objet.
En premier lieu, dans le cadre du contrat de ville, il est nécessaire de préciser que l’EPCI met en place les actions de portée intercommunale, volet qui sera défini en tenant compte des échelles d’intervention et de la répartition des compétences entre les niveaux communal et intercommunal.
En effet, si la commune reste évidemment le territoire privilégié pour l’action de proximité, il n’en est pas moins nécessaire que l’intercommunalité puisse agir conjointement à la fois des actions concernant plusieurs quartiers prioritaires et sur des publics prioritaires. Pour l’illustrer, j’ai cité lors de la discussion générale deux exemples qui se rencontrent sur mon territoire : l’accompagnement des femmes victimes de violence et les dispositifs de réussite éducative qui sont d’ores et déjà gérés sous forme de groupements d’intérêt public à l’échelle communautaire, à la demande des communes, qui n’avaient pas la capacité de les porter seules.
Par ailleurs, cet amendement a un second objet : introduire la notion de public prioritaire dans les actions menées, lesquelles pourront alors être ciblées sur les quartiers prioritaires, mais aussi sur ces publics cibles.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et, dans le cadre défini par ce dernier, de la mise en œuvre des actions relevant de ses compétences et de celles de portée intercommunale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. En vertu de l’alinéa 5 de l’article 5, l’EPCI est « compétent en matière de politique de la ville » et chargé « du diagnostic du territoire, de la définition des orientations, de l’animation et de la coordination du contrat de ville ». Toutefois, rien n’est précisé concernant les actions relevant de ses compétences ou de portée intercommunale que l’établissement public de coopération intercommunale pourrait mener.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à apporter cette précision. Si cela va sans dire, cela va mieux en le disant… Je demanderai aux auteurs des trois autres amendements, qui seraient satisfaits par l’adoption de cette disposition, de s’y rallier.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par MM. Bécot, Buffet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 43 est présenté par M. Collomb.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il contribue par ses compétences à la mise en œuvre des actions définies par le contrat de ville.
La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 6.
M. Michel Bécot. Comme M. le rapporteur vient de le souligner, les intercommunalités mettent elles-mêmes en œuvre des actions définies par le contrat de ville, mais les communes concourent à l’élaboration de ce document, à la définition de ses orientations et à sa coanimation. Aussi, cet amendement vise à préciser l’articulation entre les EPCI et les communes. Cela étant, cette proposition va peu ou prou dans le même sens que l’amendement que vient de présenter M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 43 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 32, 88 et 6 ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Je demande aux auteurs des amendements nos 32 et 6 de bien vouloir les retirer, au profit de l'amendement n° 88 de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. À mon sens, l’amendement n° 88 de M. le rapporteur tend à opérer une bonne synthèse. En conséquence, j’invite la Haute Assemblée à s’y rallier.
M. le président. Madame Létard, l’amendement n° 32 est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Si la première partie de cet amendement est reprise par M. le rapporteur, sa seconde partie tend à préciser que les actions menées peuvent porter sur des quartiers ou des publics prioritaires.
Je le répète, lorsqu’on élabore des politiques de réussite éducative, lorsqu’on lutte contre les violences intrafamiliales, on ne s’arrête pas à la porte des quartiers. Un diagnostic territorial est bel et bien mené lors de la rédaction de nos contrats de ville. Là est tout l’intérêt de ces publics prioritaires !
Dans le ressort du tribunal de grande instance du Valenciennois, par exemple, les violences intrafamiliales constituent un problème majeur, concernant au premier chef les publics et les quartiers prioritaires. Il s’agit d’un sujet capital pour mon territoire, dont le tribunal de grande instance compte parmi les plus violemment touchés par ce problème.
Cette réalité converge pleinement avec la géographie prioritaire. Faute de la prendre en compte, on laisse de côté un sujet essentiel. Je le répète, il ne faut pas s’arrêter aux seuls quartiers prioritaires ! Aujourd’hui, une dynamique est engagée. Des publics, victimes de ces difficultés, pourraient être accompagnés et alertés. Pourquoi s’interdire d’agir ?
Mes chers collègues, ces contrats de ville seront élaborés sous le regard de ces représentants de l’État que sont les préfets et les sous-préfets. Ils ne pourront donner lieu à aucun abus. La précision apportée via cet amendement permet simplement de continuer à traiter des problèmes qui sont aujourd’hui pris en compte. Si l’on ne précise pas les dispositions en ces termes, peut-être, demain, ne sera-t-il plus possible de mener de telles politiques !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Madame Létard, vous avez tout à fait raison, mais c’est précisément la force de ce texte que de ne pas s’arrêter aux frontières géographiques des territoires prioritaires.
M. Claude Dilain, rapporteur. M. le ministre cite souvent cet exemple : un collège situé hors du périmètre défini par le carroyage, mais accueillant, notamment par le biais de dérogations, un grand nombre de collégiens qui en sont issus, pourra bénéficier des aides publiques.
On peut le dire, la politique de la ville péchait jusqu’à présent par sa rigidité. Tous les acteurs concernés se sont, en la matière, heurtés à cette difficulté : on souhaite créer une crèche, mais, si elle n’est pas sise sur le territoire visé, on ne peut pas la financer, etc.
Peut-être M. le ministre précisera-t-il ce point. J’indique d’ores et déjà que, en l’état actuel du texte, on peut très bien mener des actions au bénéfice d’un public prioritaire sans se cantonner au quartier géographiquement défini. À mon sens, madame Létard, votre amendement est donc déjà satisfait. C’est même, par définition, la force du présent texte !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Madame Létard, à mon tour, je tiens à vous apporter quelques précisions.
La carte des quartiers prioritaires n’est qu’un des aspects de la politique de la ville. Comme les actuelles ZUS, ces territoires doivent bénéficier de régimes d’exonération, d’exemptions, ou de bonifications pour les fonctionnaires qui y travaillent. Toutefois, si la politique de la ville est menée non au niveau des seuls quartiers, mais à l’échelle intercommunale, c’est parce que les politiques doivent s’appliquer sur l’ensemble du territoire,…
M. Claude Dilain, rapporteur. Bien sûr !
M. François Lamy, ministre délégué. … pour cibler efficacement les publics relevant des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Ces considérations seront reprises dans le cadre réglementaire accompagnant le présent texte, notamment dans les instructions communiquées aux préfets et dans la méthodologie proposée pour la rédaction des contrats de ville. Pour citer à mon tour l’exemple de l’éducation, il est évident qu’un collège ou qu’une école en difficulté n’est pas nécessairement situé à l’intérieur d’un quartier prioritaire. Par ailleurs, une ligne de bus à haut niveau de services, un tramway traversant une agglomération tout entière et rejoignant un quartier prioritaire concernent, bien entendu, des publics particuliers.
En présentant la méthodologie de découpage des quartiers prioritaires, j’ai indiqué – en citant, notamment, l’exemple d’Amiens – que l’on passerait bientôt du quartier réglementaire au quartier vécu. Dès lors, dans le cadre des contrats de ville, se poseront les questions suivantes : au-delà du quartier prioritaire stricto sensu, où les habitants de ce dernier se rendent-ils pour s’éduquer, se former, se cultiver ? Où vont-ils pour trouver un emploi ? Où se situent leurs établissements de santé ? Il s’agit bien d’une démarche globale.
Il n’y a donc aucun désaccord entre nous, bien au contraire. Le présent texte a pour but de définir des quartiers prioritaires, partant des publics prioritaires. De surcroît, l’ensemble des politiques publiques doivent concerner les publics de ces quartiers, et permettre de prévenir les « effets trottoir » que l’on a pu déplorer au cours des dernières années.
M. le président. Madame Létard, qu’en est-il en définitive de l’amendement n° 32 ?
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, sur le fond, je suis persuadée que nous sommes d’accord.
Je le répète, la première partie de mon amendement est reprise par M. le rapporteur.
Toutefois, j’exprime l’inquiétude suivante : aujourd’hui, des politiques visent des publics prioritaires à la suite de diagnostics territoriaux. Or, en limitant aux seuls quartiers prioritaires des dispositifs qui, jusqu’à présent, permettaient d’accompagner d’autres publics selon des priorités définies à la suite d’un diagnostic territorial, plusieurs populations risquent d’être exclues du dispositif global. Elles ne bénéficieront plus d’aucun outil de suivi dans le cadre de politiques de prévention, en matière de délinquance ou de santé.
Je vous l’assure, de nouvelles inégalités vont se faire jour. Un fossé se creusera entre les actions menées aujourd’hui et celles qui seront conduites demain, car les politiques transversales ne pourront plus être assurées de la même manière. Certains publics seront toujours accompagnés, d’autres ne pourront plus l’être, et il n’y aura pas de mesures de substitution.
En conséquence, je maintiens mon amendement, monsieur le président, afin qu’il soit mis aux voix.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Madame Létard, qu’il n’y ait aucune ambiguïté : le ministre de la ville est chargé des habitants qui relèvent des quartiers prioritaires,…
M. Claude Dilain, rapporteur. Tout à fait !
M. François Lamy, ministre délégué. … et la politique de la ville tend à réduire ces concentrations de pauvreté que constituent les quartiers prioritaires.
M. le rapporteur l’a déjà souligné, je ne suis ni le ministre en charge de l’exclusion, ni le ministre de la justice, ni le ministre de l’intérieur, de l’éducation ou de la santé. Il s’agit là des politiques de droit commun.
Mme Valérie Létard. Mais un certain nombre d’actions sont actuellement menées via la politique de cohésion sociale !
M. François Lamy, ministre délégué. Dans ce cadre, les contrats de ville tendent à répondre aux besoins des habitants de ces quartiers prioritaires, qui y résident mais qui se rendent aussi à l’extérieur, pour leurs activités quotidiennes.
À l’heure actuelle, de nombreuses administrations avancent qu’il n’y a pas de problème : la politique de la ville permet de financer les centres de l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, qui, au-delà des quartiers prioritaires, concernent bien entendu des jeunes résidant sur l’ensemble du territoire. Elle soutient également les écoles de la deuxième chance. Il reste que ce système est quelque peu contradictoire. Mon ministère en vient à financer des actions qui ne visent qu’une minorité de citoyens relevant de la politique de la ville ! Or son rôle est précisément de venir en complément des politiques de droit commun.
Ce malentendu est à l’origine de notre désaccord. Le jour où ces concentrations de pauvreté n’existeront plus, il n’y aura plus de quartiers prioritaires de la politique de la ville et toutes les actions publiques relèveront du droit commun. Néanmoins, pour l’heure, ma mission est de me pencher avant tout sur ces quartiers, où la pauvreté suscite tant de phénomènes insupportables pour la cohésion sociale de notre République.
Si vous songez à des problèmes relevant d’autres politiques publiques, je vous invite à vous adresser aux ministres concernés,…
Mme Valérie Létard. Mais, jusqu’à présent, ces actions relevaient des CUCS !
M. le président. Monsieur Bécot, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Michel Bécot. Oui, je le maintiens, monsieur le président.