M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement est, en effet, très simple : il vise à prendre en compte les certificats de qualification professionnelle, les fameux CQP, interbranches dans le cadre du compte personnel de formation.
Cette précision ne me semble pas inutile. J’émets donc, au nom de la commission, un avis favorable.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Avec ce premier amendement présenté par le groupe UMP, nous commençons bien !
En effet, si l’on peut déduire de la rédaction actuelle de l’article L. 6314-1 du code du travail, qui vise les certificats de qualification professionnelle, sans autre précision, que les deux types de certificats sont visés, cet amendement tend à apporter une confirmation bienvenue, qui permet d’éviter toute erreur d’interprétation.
L’avis du Gouvernement est donc favorable. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, je ne suis pas sûre que nous commencions si bien que cela ! En effet, nous pensons que la volonté d’étendre les formations qualifiantes éligibles au CPF aux certificats de qualification professionnelle interbranches pose un problème.
Actuellement, les CQP n’ont pas de niveau reconnu par l’État qui leur permette d’être prises en compte à l’extérieur de la branche. Il s'agit donc de formations professionnelles qui ne sont pas « exportables » dans d’autres branches professionnelles, ce qui réduit leur portée et leur intérêt, particulièrement si l’on considère que la formation doit être un tremplin pour permettre aux salariés de réorienter leur propre vie professionnelle.
Parfois, les CQP s’apparentent à des formations « maison », dont l’intérêt est plus important pour les employeurs que pour les salariés. Si elles peuvent se justifier au regard des besoins d’une entreprise donnée, elles ne présentent que peu d’intérêt pour les salariés sur le plan de la formation tout au long de la vie.
Nous ne voterons donc pas cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-1-... – Le compte personnel de formation est ouvert aux salariés des trois fonctions publiques. Des accords entre l’État et les collectivités d’une part et les partenaires sociaux d’autre part en assurent la mise en œuvre.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le projet de loi ne prévoit pas pour l’instant que les fonctionnaires des trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale – puissent bénéficier du compte personnel de formation.
C’est dommage, mais il semble, monsieur le ministre, que vous en soyez conscient. (M. le ministre acquiesce.)
D'ailleurs, vous avez déclaré, lors de votre audition par la commission des affaires sociales du Sénat, après l’avoir fait devant celle de l’Assemblée nationale, que, si le CPF n’est pas pour l’instant ouvert aux fonctions publiques, « le Gouvernement va engager des négociations avec les partenaires sociaux pour qu’il en soit ainsi. Il y a des carrières qui alternent passages dans le public et le privé. La portabilité n’est pas encore effective à cet égard. Elle a vocation à le devenir. Quant au cas des indépendants, il nécessitera des négociations avec les partenaires sociaux. »
Vous exprimez donc bien le souhait que le compte personnel de formation soit ouvert à l’ensemble de la fonction publique. Toutefois, ayant engagé la procédure accélérée sur le projet de loi, vous n’avez pas eu le temps de rencontrer l’ensemble des syndicats de la fonction publique pour mettre en application cette ouverture. Cela dit, la gentillesse avec laquelle vous avez expliqué qu’il était nécessaire d’achever l’examen du texte avant la fin du mois de février m’empêche de critiquer le recours à la procédure accélérée, quand bien même je serais tenté de le faire… (Sourires.)
Monsieur le ministre, traiter la fonction publique à part, en ne lui ouvrant pas dès maintenant le CPF, donne l’impression d’un texte quelque peu décousu. C’est dommage, d’autant que le passage entre le public et le privé est aujourd'hui beaucoup plus fréquent, comme vous l’avez vous-même expliqué, et qu’il est même encouragé.
Cet amendement vise donc simplement à poser dès aujourd'hui le principe que le compte personnel de formation est ouvert à la fonction publique. Bien sûr, monsieur le ministre, la définition des modalités de l’application de ce principe vous revient, par décret, après discussion avec les syndicats de la fonction publique !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement a un grand mérite : celui de nous rappeler le caractère universel du compte personnel de formation.
C’est un droit ouvert à tous puisque, à terme, un fonctionnaire qui quittera la fonction publique pour le privé pourra être accompagné de son compte personnel de formation. Toutefois, le présent texte vise à modifier les dispositions du code du travail, lequel n’a pas vocation à organiser le statut des fonctionnaires.
Je vous assure que l’ouverture de ce droit aux fonctionnaires sera consacrée ultérieurement, dans le cadre qui convient, et ne puis donc que vous inviter à retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, vous avez en partie répondu à la question que vous aviez vous-même posée.
Comme vous le savez, le compte personnel de formation a une vocation universelle. Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, il concerne la totalité des salariés du privé. Cependant, deux grandes catégories de travailleurs ne sont pas encore concernées à cet instant : les indépendants et les fonctionnaires.
Pour ce qui concerne les entrepreneurs indépendants, il faudra, à terme, mettre en place le droit au CPF. Cela nécessitera une négociation particulière avec les partenaires sociaux. Cette négociation va s’ouvrir, sous la houlette de la ministre chargée de ces questions.
S'agissant des fonctionnaires, cette façon de procéder, en deux temps, a toujours existé. Ainsi, avant d’être applicable à la fonction publique, après les négociations menées au sein de cette dernière, le DIF, le droit individuel à la formation, n’a d'abord concerné que les seuls salariés.
Monsieur Desessard, le problème, ce n’est pas le recours à la procédure accélérée. Il est naturel de traiter les fonctionnaires à part, ne serait-ce que parce qu’ils relèvent d’un code différent de celui des salariés du privé. Comme vous le savez aussi, les dispositions concernant la fonction publique ont un caractère législatif plus large que celles qui concernent les salariés du privé, raison pour laquelle nous ne pourrions d'ailleurs pas étendre le CPF aux fonctionnaires par décret : le dispositif devra être décrit plus précisément encore dans le code de la fonction publique.
Oui, la fonction publique sera concernée, non pas aux calendes grecques – il est dommage que Mme Procaccia ne soit pas là… (Sourires.) –, mais très rapidement néanmoins, puisque ce chantier est d'ores et déjà inscrit à l’agenda social : il est prévu que le Gouvernement et les organisations syndicales en discutent dans les semaines qui viennent. Je pense que nous aurons à nous prononcer sur ces dispositions d’ici à la fin de l’année.
Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait de votre amendement.
Par ailleurs, pour conquérir plus encore votre bienveillance, et pour vous montrer combien mes services travaillent rapidement, j’en profite pour vous indiquer que, d’après la Fédération de la formation professionnelle, ce sont entre 75 000 et 80 000 salariés en équivalents temps plein – pardon pour cette approximation – qui travaillent dans le domaine de la formation professionnelle.
Mme Chantal Jouanno. Pour 60 000 organismes ?
M. Michel Sapin, ministre. Aussi, madame Jouanno, on peut penser qu’un certain nombre des 60 000 organismes que vous évoquez n’emploient qu’un seul salarié !
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 26 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous remercie de la rapidité de votre réponse, de la précision de vos chiffres et de la qualité de votre argumentaire en ce qui concerne ma proposition.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
L'amendement n° 292, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
ou accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles
II. - Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« III. - Un décret précise les conditions dans lesquelles le compte personnel de formation des travailleurs handicapés accueillis dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles fait l’objet d’abondements en heures complémentaires. »
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour suivre avec beaucoup d’attention l’ensemble des débats parlementaires, vous savez que je me suis engagé, à l’Assemblée nationale, à proposer une rédaction plus adaptée et plus précise des dispositions concernant les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, que l’un d’entre vous a évoqués dans la discussion générale.
Il convient d’expliciter le bénéfice du compte personnel de formation des travailleurs handicapés accueillis dans les ESAT. Ces travailleurs sont des actifs – cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant…
Un décret est indispensable pour préciser les conditions dans lesquelles les financements spécifiques existant pour la formation de ces travailleurs, qui font l’objet de dispositifs particuliers, pourront venir abonder le CPF, au-delà du plafond de cent cinquante heures. Pendant la période passée en ESAT, le contrat de soutien ne permet pas d’acquérir des heures inscrites au compte, mais il peut fédérer des abondements spécifiques de différents financeurs.
En conséquence, il est proposé de supprimer la mention des travailleurs en ESAT à l’alinéa 16 de cet article. En effet, cette mention n’est pas nécessaire pour préciser que ces travailleurs ont droit à disposer d’un compte personnel de formation, et elle n’est pas suffisante pour prévoir les modalités spécifiques applicables à ces derniers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de cohérence juridique.
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 16, deuxième phrase
Après les mots :
ne peut être mobilisé qu’
insérer les mots :
à l’initiative et
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L'alinéa 16 de l'article 1er prévoit que le compte personnel de formation ne peut être mobilisé qu'avec l'accord de son titulaire, précisant ensuite – je cite – que « le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute ».
En premier lieu, ne faut-il pas rappeler que le compte personnel de formation, parce qu'il est censé garantir l'autonomie de choix du salarié dans la mobilisation de ses heures de formation, doit être mobilisable non pas avec l'accord, mais sur l'initiative du salarié ?
Rappelons aussi, par ailleurs, que le compte personnel de formation constitue un dispositif censé être entièrement au bénéfice du salarié. Il doit donc permettre à ce dernier d'acquérir des droits mobilisables quand il le souhaite pour avoir accès à une formation qualifiante et, surtout, d’être à l’initiative de cette formation – il s'agit là d’un point très important.
Bien que l'article 1er prévoie que l'accord de l’employeur n’est plus nécessaire dès lors qu'il s'agit d'une formation en dehors du temps de travail, nous regrettons que cet accord conditionne encore la réalisation de formations pendant le temps de travail.
Le projet de loi est présenté comme devant mener le salarié vers plus de qualification ; pour autant, la rédaction de cet alinéa semble suspendre ce droit à l'initiative de l’employeur.
Or nous savons tous que, dans leur emploi, les salariés sont souvent soumis à des pressions, qui pourraient les faire renoncer à leurs droits. Qu'en est-il en particulier des salariés les plus précaires, qui ont le plus besoin de formation, mais qui ne se sentent pas toujours légitimes pour en demander une à leur patron ? Le compte personnel de formation n'est-il pas censé être une opportunité pour ces personnes ?
Dans une période qui fragilise les salariés, nous ne pourrions les en blâmer. Toutefois, si, comme nous le défendons, le texte prévoyait que le compte de formation peut être seulement mobilisable par l'employé et non par l'employeur – celui-ci dispose déjà, dans le champ de ses prérogatives, du plan de formation –, le salarié ne subirait aucune pression et serait libre de mobiliser son droit à la formation quand il le souhaite et pour la formation de son choix.
En effet, l'avantage principal du compte personnel de formation est qu'il offre à la personne la faculté élargie de peser réellement sur son projet de formation et de l'orienter à sa guise, de manière à s'améliorer dans son métier ou à se former dans un autre secteur s'il souhaite réorienter sa carrière professionnelle.
C'est son choix, et le compte personnel de formation doit ainsi relever de l'initiative personnelle. C'est pourquoi nous défendons, au travers de cet amendement, l’attribution de l'initiative de la formation au salarié et non à l'employeur.
Je sais que nous avons eu ce débat en commission et que l’on nous a reproché d'être redondants, mais cela vaut peut-être mieux que de maintenir dans le texte initial une contradiction. En effet, on nous dit à l’alinéa 16 que le salarié peut suivre, sur son initiative, une formation, et il est précisé ensuite que le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire, ce qui semble signifier, au contraire, que l’initiative ne revient pas au salarié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, il me semble pourtant que l’alinéa 16, c’est – passez-moi l’expression – ceinture et bretelles !
Vous voulez être certain que le CPF n’est mobilisé qu’à l’initiative du salarié. Soyez rassuré à cet égard : la première phrase de l’alinéa 16 l’exprime explicitement, en précisant : « À son initiative ». On ne fait qu’indiquer ensuite, ce qui va de soi, je vous le concède, que c'est avec l’accord exprès du titulaire du compte. Toutefois, de mon point de vue, répéter une fois encore « à son initiative » ne renforcerait pas le texte.
Je vous demanderai donc de retirer cet amendement ; à défaut, j’exprimerai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Dans notre esprit, il s'agit non pas de renforcer le texte, mais de lever une contradiction qui est nette : dire « à l’initiative », ce n’est pas comme dire « avec l’accord ». Ou alors, monsieur le rapporteur, il faut supprimer la phrase qui pose problème !
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Vial, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il veille à garantir l’équité d’informations délivrées auprès des jeunes sur les formations professionnelles permettant un choix de poursuite d’études en apprentissage ou par la voie scolaire.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Dans la discussion générale, nous avons longuement parlé, les uns et les autres, de l'apprentissage, des problèmes auxquels il est confronté et, surtout, de la dévalorisation dont il fait l’objet dans l’esprit du grand public et des parents depuis de nombreuses années.
Cet amendement est une déclaration d’intention, mais aussi de clarification sur les voies de formation qui s'offrent au titulaire d’un compte personnel de formation. Nous voudrions lancer un message pour mettre fin à la dévalorisation symbolique de l’apprentissage dans le système d’orientation et garantir un minimum de neutralité dans la présentation de l’apprentissage auprès des jeunes.
En effet, même si cela n’est pas la règle, on peut constater dans certaines académies que l'apprentissage est en quelque sorte considéré comme une voie de garage, un vœu de recensement, à l’instar du redoublement ou du choix d’un établissement hors académie. En gros, quand on ne sait pas vraiment quoi faire d’un élève, on l’oriente vers l'apprentissage…
Dans d’autres académies, sur les fiches destinées à enregistrer le choix d’orientation de l’élève, on procède à des sur-cotations ou à des sous-cotations, selon que l’élève choisit la voie professionnelle et l’apprentissage. D’autres académies, encore, ne mentionnent pas l’apprentissage comme un choix possible d’orientation.
Certes, je sais bien que M. le rapporteur nous a indiqué en commission qu’un tel amendement n’avait pas grand lien avec le compte personnel de formation, mais je ne suis pas tout à fait d’accord : il n’y a pas que l’apprentissage pour les jeunes qui sortent des écoles et qui sont orientés ; il existe aussi un apprentissage de haut niveau, qui peut conduire à des masters.
Compte tenu de la dévalorisation que j’ai soulignée au début de mon propos, je crois que plus on affirmera que l'apprentissage est une voie d’excellence dans la formation des jeunes, plus on contribuera à le réhabiliter dans l’esprit du grand public et des parents.
Mes chers collègues, si vous adoptiez un tel amendement, vous feriez donc œuvre utile en faveur de l'apprentissage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Notre collègue Jean-Noël Cardoux souhaite mettre à profit le compte personnel de formation pour informer les jeunes sur les formations professionnelles par apprentissage.
Je comprends son intention, mais il n'y a pas d’articulation entre cette disposition et le compte personnel de formation, qui, par nature, est destiné à tous les actifs. Le lien avec la formation initiale et avec l’apprentissage ne me semble pas évident. Il faudrait en effet avoir exercé une activité professionnelle pour accumuler des droits.
Ne nous trompons pas sur l’objet du CPF, qui n’est pas un outil d’information. Il me semble donc que les auteurs de cet amendement pourraient reporter leur proposition à l’article 12, qui vise le service public régional de l’orientation et le conseil en évolution professionnelle. Si une ouverture est possible, c'est là qu’elle se situe.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je souhaiterais persuader M. Cardoux que nous avons la même préoccupation que lui, mais que l’emplacement du texte où il veut introduire cet amendement n’est pas, selon nous, le plus approprié.
Nous pourrons revoir cette question à l’article 12 : vous y avez déposé des propositions d'amendement auxquelles je me déclarerai favorable, afin de faciliter l’orientation et l’information pour tout ce qui relève de l’alternance et de l'apprentissage.
Simplement, le lien avec le compte personnel de formation est un peu artificiel : le CPF ne finance pas l’apprentissage, qui est alimenté par un autre dispositif ; on ne va pas, si je puis dire, « pomper » les droits au compte personnel pour financer l'apprentissage.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
, que celle-ci résulte du terme d’un contrat, d’un licenciement, d’une démission ou de la conclusion d’une rupture conventionnelle
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’alinéa 17 de l'article 1er, dans sa rédaction actuelle, précise que le salarié peut garder le bénéfice des heures de formations inscrites sur son compte personnel de formation « en cas de perte d'emploi ».
Pour nous, le texte ainsi rédigé est insuffisant, car nous ne sommes pas certains qu’il couvre aussi les salariés ayant fait le choix de démissionner. En effet, cette notion de « perte d'emploi » présuppose qu'il s'agit d'une rupture du lien contractuel indépendante de la volonté du salarié. Autrement dit, seuls les salariés qui seraient involontairement privés de leur emploi pourraient prétendre au bénéfice de la portabilité du compte personnel de formation.
C'est du moins une question que nous posons, et nous craignons que les salariés qui souhaitent démissionner puissent se trouver désavantagés par cette rédaction.
En effet, la démission du salarié est souvent motivée par un désir d'évolution en termes de carrière, soit dans sa branche, soit dans un secteur différent. À ce titre, il a d'autant plus besoin des heures de formation dûment acquises, qui lui permettront d'accompagner son changement de poste ou de favoriser sa reconversion professionnelle. Le salarié qui démissionne doit donc pouvoir bénéficier, comme le salarié licencié, de la portabilité de ses heures de formation.
Le projet de loi prévoit à juste titre, dans l'exposé des motifs, l'universalité du compte personnel de formation, qui doit être accessible à tous les salariés à partir de quinze ou seize ans, et ce jusqu'à la retraite, quels que soient les changements de statuts.
Pour que cette portabilité soit effectivement universelle, il semble donc qu’il faille inscrire clairement dans la loi que la portabilité demeure effective pour les salariés qui n'auraient pas perdu leur emploi, mais qui auraient mis, de manière volontaire, un terme à celui-ci.
L'amendement que nous défendons vise donc à préciser le texte en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous sommes ici dans le domaine de la sémantique et des précisions rédactionnelles. Monsieur Watrin, vous souhaitez indiquer dans le projet de loi que les heures inscrites sur le compte personnel de formation restent acquises dans tous les cas de rupture d’un contrat de travail.
Je veux vous rassurer sur ce point : cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi ; les heures de formation inscrites sur le compte demeureront acquises, selon les termes de l’alinéa 17, « en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire ». Cela correspond aussi bien à un licenciement ou à une rupture conventionnelle qu’à une démission ; que la perte d’emploi résulte d’une initiative du salarié ou de l’employeur ne change rien.
Mes chers collègues, le spectre des situations possibles est entièrement couvert, et je vous invite donc à retirer votre amendement ; sinon, mon avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je ne veux pas répéter l’argumentation de M. le rapporteur, qui me paraît très pertinente.
Monsieur Watrin, vous aurez la preuve a contrario de la justesse de nos propos lorsque nous vous demanderons de repousser des amendements visant à affirmer, par exemple, que le salarié serait privé du droit aux heures de formation en cas de faute lourde. Dans tous les cas, on conserve son compte personnel de formation et on peut l’utiliser quelle que soit la cause de la perte d’emploi ou du changement de situation professionnelle.
Le texte du projet de loi satisfait totalement votre amendement, et j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 192 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. La précision que j’attendais a été apportée au cours de la séance et figurera donc au Journal officiel.
Aussi, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 192 est retiré.
L'amendement n° 75 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Vial, Reichardt, Mayet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cependant, en cas de faute lourde, les heures portées au crédit du compte personnel de formation au titre de l’exécution du contrat de travail qui a donné lieu à licenciement pour ce motif sont débitées du compte.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à débiter du compte personnel de formation les heures qui y sont inscrites en cas de faute lourde du salarié. Cela correspond tout simplement à la retranscription des dispositions de l’ANI du 14 décembre dernier, donc à la volonté des partenaires sociaux, et au rétablissement de ce qui existait pour le DIF.
Un amendement similaire, semble-t-il, a été présenté à l’Assemblée nationale ; il a été rejeté, monsieur le ministre, au motif qu’il serait difficile de déterminer quelles heures devraient être ainsi soustraites du CPF. Selon moi, c’est tout simple : il s’agit des heures inscrites au compte personnel de formation au titre du contrat de travail qui a été rompu pour faute lourde.
Je rappelle que la faute lourde, dans la gradation des sanctions qui peuvent être infligées à un salarié, est de loin la plus importante. Excédant la faute grave, elle est peu souvent mise en application.
Dans un souci d’équité, il serait bon de rétablir cette disposition pour le compte personnel de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, j’aimerais vous convaincre ! (Sourires.)
Vous avez raison : cette disposition était prévue dans l’ANI, mais elle est contraire à l’esprit du compte personnel de formation. Ce compte, nous l’avons indiqué à de multiples reprises, est attaché à la personne et non à son statut professionnel. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un salarié a pu commettre une faute à un moment donné de son parcours qu’il doit perdre les droits qu’il a acquis auparavant par son travail. Ses droits doivent justement le suivre tout au long de sa vie active pour respecter l’esprit du dispositif.
Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?