M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation des outre-mer.

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Nomination des membres d’une mission d’information

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté une liste de candidats pour la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame :

M. Gilbert Barbier, Mme Patricia Bordas, MM. Martial Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Mme Caroline Cayeux, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Yves Daudigny, Marc Daunis, Mme Michelle Demessine, MM. Jean Desessard, Philippe Dominati, Daniel Dubois, Mmes Anne Emery-Dumas, Frédérique Espagnac, M. Gaston Flosse, Mme Colette Giudicelli, MM. Francis Grignon, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Chantal Jouanno, M. Dominique de Legge, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Didier Marie, Jean-Jacques Mirassou, Aymeri de Montesquiou, Jackie Pierre, Jean-Pierre Plancade, Hervé Poher, Charles Revet, Dominique Watrin membres de la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.

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Débat sur l’épargne populaire

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’épargne populaire, organisé à la demande du groupe UDI-UC.

La parole est à Mme Françoise Férat, au nom du groupe UDI-UC.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’épargne populaire peut recouvrir deux notions : d’une part, elle désigne l’épargne réglementée dont les conditions de fonctionnement sont fixées par les pouvoirs publics ; d’autre part, elle peut désigner l’épargne répandue largement auprès de la population. Bien évidemment, notre propos se concentrera essentiellement sur l’épargne réglementée.

L’épargne réglementée constitue encore et toujours un élément incontournable dans la structure de l’épargne nationale. En France, nous épargnons en moyenne de 15 % à 16 % de nos revenus, ce qui représente plus de 4 262 milliards d’euros. Cet effort général de préparation de l’avenir est l’un des plus importants en Europe et dans le monde. Il y a certes les titres financiers, l’assurance vie et les dépôts bancaires, mais il y a aussi l’épargne populaire. L’épargne réglementée représente près de 10 % de cette masse considérable, soit 415 milliards d’euros : c’est plus que la dépense annuelle de l’État ; c’est l’équivalent de près de cinq années de déficit public.

Ne soyons pas effrayés par ces montants vertigineux. Ce sujet concerne l’ensemble de nos concitoyens. En effet, l’épargne réglementée est la question populaire par excellence : il existe plus de 95 millions de livrets d’épargne réglementée en France, et le phénomène concerne aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. On ouvre un livret A pour les nouveaux-nés ou pour garder une épargne disponible à toute heure. On ouvre un livret d’épargne populaire, un LEP, lorsque l’on est en situation de fragilité financière. On ouvre un livret de développement durable, un LDD, ou un plan d’épargne logement, un PEL, pour préparer son avenir. Tous nos concitoyens sont concernés.

Au-delà de son indéniable fonction intégratrice et sociale, l’épargne populaire permet, grâce au travail de la Caisse des dépôts et consignations, de corriger les imperfections du marché. L’épargne populaire est l’un des outils incontournables du financement à long terme et de la réalisation de projets dans les secteurs a priori délaissés par l’initiative privée ; je pense bien évidemment au logement social.

Or, depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et le décret du 18 septembre 2012, le paysage et les pratiques de l’épargne populaire ont été profondément bouleversés. Nous sommes passés d’une épargne concentrée dans les mains de certains établissements – la Caisse d’épargne, La Poste ou le Crédit mutuel – à une épargne diffuse, répandue universellement dans l’ensemble des banques et dont les plafonds de versement ont récemment doublé.

Ces réformes avaient pour objet de répondre non seulement à une demande croissante d’investissement dans le logement social, mais aussi à de nouvelles missions conférées à la gestion de l’épargne populaire. Ainsi, le financement de l’économie ou du développement durable se sont imposées comme de nouvelles exigences collectives auxquelles les pouvoirs publics ont dû s’adapter.

Le Parlement n’a pas vraiment eu l’occasion de dresser un bilan de ces différentes réformes depuis 2008. Tel est donc l’objet de ce débat demandé par le groupe UDI-UC : il s’agit de faire le point sur la profonde mutation que l’épargne populaire a connue ces dernières années.

Près de six ans après l’entrée en vigueur du premier volet de cet important chantier législatif, il est temps de dresser un premier bilan et de tracer les contours de cette nouvelle épargne populaire qui se dessine sous nos yeux. Ce débat doit également nous permettre de relayer auprès du Gouvernement quelques inquiétudes qui sont remontées du terrain.

Tout d’abord, un premier constat chiffré : en 2008, le pays comptait 50 millions de livrets ; en 2013, il y en a plus de 64 millions.

Cette croissance majeure a des causes spécifiques. Je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, revenir succinctement sur les grandes étapes qui ont conduit à cette profonde évolution.

Revenons quelques années en arrière : au 1er janvier 2008, le paysage de l’épargne populaire restait structuré par une idée simple. Les livrets réglementés permettent aux plus modestes d’épargner et à tout le monde de garder une réserve de précaution ou de trésorerie parfaitement liquide. Cette épargne permettait de financer soit le logement social, soit le logement pour ceux qui étaient les principaux bénéficiaires de ces produits.

Ce paysage était néanmoins fragmenté, comme le montre l’exemple du livret A : on comptait alors un peu plus de 24 millions de livrets A ouverts auprès des caisses d’épargne et 21,1 millions auprès de la Banque postale, ainsi que 5,6 millions de livrets bleus ouverts auprès du Crédit mutuel. Cela représentait un encours total de l’ordre de 140 milliards d’euros, soit environ 4 % de l’épargne totale des Français.

Pourtant, les analyses de Michel Camdessus, dans son rapport de 2007, laissaient présager une rupture dans le financement du logement social à l’horizon 2012. Plusieurs années de collecte modeste avaient alors suffi à laisser présager le pire. Il fallait agir ; c’est ce que le législateur a fait.

Ainsi, la loi de modernisation de l’économie a considérablement étendu le réseau de distribution des produits réglementés, puisque, depuis l’entrée en vigueur de ce texte, l’ensemble des établissements bancaires sont compétents en la matière. Cette extension du réseau, même si elle répondait aussi à un problème de concurrence entre banques pointé par les institutions européennes, est parvenue à atteindre son objectif : la croissance du nombre d’ouvertures de livrets a permis de lever des fonds considérables et de pérenniser le financement du logement social.

Une nouvelle avancée majeure est intervenue en 2012 : prenant acte des objectifs du Gouvernement en matière de construction de logements sociaux – de l’ordre de 500 000 par an –, le décret du 18 septembre 2012 a ouvert la voie au doublement du plafond de versement des livrets réglementés.

Cette réforme semble avoir « dopé » la collecte en 2012 et en 2013. Aujourd’hui, le seul livret A profite, d’après les données émanant de la Caisse des dépôts et consignations, à près de 64 millions de personnes. En un peu moins de six ans, ce produit d’épargne a donc gagné 14 millions de bénéficiaires supplémentaires, soit un peu plus de 2 millions par an, pour un encours total lui-même en progression : il atteignait 266 milliards d’euros à la fin de 2013. C’est 126 milliards d’euros de plus qu’en 2007, soit une croissance de près de 90 % en six ans. Ce montant est d’ailleurs en augmentation régulière, avec une collecte nette de 28,3 milliards d’euros pour les livrets A et les LDD au 31 décembre de l’année dernière.

Plus spécifiquement, ces quelque 415 milliards d’euros d’épargne populaire se décomposent de la manière suivante : 64 millions de livrets A, pour un encours de 266 milliards d’euros, ce qui en fait le produit phare de l’épargne populaire ; 10 millions de LEP, pour 48 milliards d’euros d’encours, soit des montants stables depuis 2002, ce dont il faut se féliciter ; 25 millions de LDD, pour un encours de 101 milliards d’euros.

La présentation de ces quelques chiffres montre à quel point le paysage de l’épargne populaire a changé ces dernières années. Elle a gagné en superficie, notamment grâce au travail des nouveaux distributeurs, et en profondeur, par le doublement des plafonds.

Néanmoins, l’épargne populaire semble aujourd’hui avoir à relever deux défis majeurs pour conserver la confiance de nos concitoyens : le défi de la stabilité et celui de la visibilité.

En matière de visibilité, il s’agit de préciser aujourd’hui quelles sont les finalités de l’épargne populaire. Le livret A et le LDD ont cette particularité de répondre non seulement à l’intérêt de l’épargnant, mais aussi à celui de la banque gestionnaire et de la collectivité.

En effet, la mission initiale de la Caisse des dépôts et consignations était de financer la dette de l’État par l’épargne nationale au sortir des guerres napoléoniennes. Une fois la situation assainie, la Caisse des dépôts et consignations est devenue le fer de lance des pouvoirs publics dans la préparation de l’avenir. Je profite de ce débat pour saluer le sérieux et le professionnalisme de cette institution, reconnus de tous.

On assimile avec raison l’épargne populaire au logement social, mais l’équation comporte aujourd’hui de nouvelles variables.

Il existe maintenant, tout d’abord, une variable sociale : l’épargne populaire reste inégalement abondée dans l’ensemble du territoire, ce qui montre qu’il y a peut-être encore des progrès à faire dans la mise en valeur du droit au compte et de l’accessibilité bancaire. D’une manière générale, près de 80 % des dépôts sont concentrés sur 20 % des livrets. Sur les 64 millions de livrets A, l’encours de 29,2 millions est inférieur à 150 euros et celui de 5,9 millions, qui sont inactifs depuis plus de dix ans, est inférieur à 30 euros. L’ensemble de ces livrets peu alimentés représente néanmoins un encours de 833 millions d’euros, sur un total de 266 milliards d’euros.

Sur le plan géographique, on retrouve un phénomène similaire : le nord de la France, notamment les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie, ainsi que la Corse, sont les régions les moins engagées dans l’épargne populaire. Inversement, la collecte est d’autant plus dynamique que le niveau de vie est élevé ; c’est le cas en Île-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela signifie simplement que l’épargne populaire reflète les inégalités qui traversent notre société.

Guizot encourageait tout un chacun à s’enrichir par le travail et par l’épargne, conseil qui reste, mes chers collègues, d’une brûlante actualité. Si cet effort reste vital pour la nation, il ne tient qu’à nous de faire en sorte que, à l’avenir, il demeure un gage de progrès social pour tous. L’épargne populaire doit donc participer à la croissance et à la prospérité.

Le financement de l’économie est ainsi devenu une priorité nationale. C’était déjà l’esprit du rapport thématique de la Cour des comptes de juillet 2012 ; c’est également l’esprit qui a présidé à la création de la Banque publique d’investissement ; c’est l’esprit qui inspire désormais la gestion d’une partie de l’épargne populaire.

En 2013, 20,7 milliards d’euros de prêts nouveaux sur fonds d’épargne ont été accordés, contre moins de 5 milliards d’euros par an au début des années 2000, et des efforts importants sont réalisés en ce moment même. Ces prêts sont au service de la satisfaction de besoins d’intérêt général de long terme et accompagnent les politiques publiques et le développement économique. Ils pallient également la carence du marché dans le financement à long terme du secteur public local. Nous savons tous, en tant qu’élus locaux, combien nous en avons besoin en cette époque de baisse des dotations aux collectivités.

Depuis juillet dernier, le Gouvernement et la Caisse des dépôts et consignations ont décidé de franchir une étape supplémentaire en mettant à disposition des réseaux bancaires une enveloppe de 30 milliards d’euros centralisés par les fonds d’épargne de la Caisse, à raison de 10 milliards d’euros sur le LEP et de 20 milliards d’euros sur le livret A et le LDD. Ces ressources permettront aux banques de prêter davantage pour le financement de l’économie, principalement au bénéfice des petites et moyennes entreprises.

La construction d’une politique durable du développement s’inscrit en filigrane dans les objectifs du logement social et du financement de l’économie. Le LDD, bien que moins dynamique que les autres produits de l’épargne populaire, selon l’Observatoire de l’épargne réglementée, autorise le financement de projets d’avenirs et la construction de logements selon les normes environnementales les plus abouties.

Je m’interroge néanmoins. Le fonds d’épargne centralise 65 % des sommes versées sur livrets A et LDD et 50 % des sommes alimentant le LEP : il y a donc une masse de 170 milliards d’euros, collectés par les banques au titre de l’épargne populaire, qui ne transite pas par le mécanisme de transformation de la Caisse des dépôts et consignations, alors que ces sommes doivent normalement servir les mêmes objectifs que celles qui sont centralisées par la Caisse. De quelles garanties disposons-nous sachant que la seule obligation des banques est celle d’une transmission d’information à l’Observatoire de l’épargne réglementée ? Comment ces sommes sont-elles gérées ? Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point et dresser un premier bilan de l’utilisation de cette nouvelle enveloppe de 30 milliards d’euros ?

Même si un équilibre a été trouvé entre la mutation rapide des contours de l’épargne et l’évolution de ses usages collectifs, on a pourtant pu observer avec regret un phénomène de décollecte entre septembre et novembre 2013, avec une déperdition de près de 1 milliard d’euros.

Bien qu’impressionnante, cette somme doit être mise en regard des encours que j’ai déjà cités. Ce phénomène reste néanmoins symptomatique des craintes de nos épargnants.

La première de ces craintes tient à la rentabilité du placement. En effet, comment assurer une rémunération compétitive de ces titres d’épargne dès lors que le volume des encaisses augmente ? Le rapport Duquesne du 19 septembre 2012 a ainsi préconisé de revoir le mode de calcul de la rémunération des livrets A et de poursuivre la politique de relèvement du plafond de 25 % en 2015 et en 2016.

Dans le même temps, l’assurance vie a retrouvé un attrait certain, notamment à la suite des annonces faites lors de la publication du rapport de Karine Berger, puis après l’entrée en vigueur de la dernière loi de finances rectificative. L’assurance vie devient de plus en plus attractive et pourrait capter une partie des sommes a priori destinées à l’épargne populaire. Je ne doute pas que cette tendance se trouvera renforcée lorsque le Parlement aura adopté la proposition de loi relative aux contrats d’assurance vie en déshérence de Christian Eckhert, texte dont le pendant au Sénat était la proposition de loi qui avait été déposée par notre collègue Hervé Maurey et que j’avais cosignée.

En outre, la création de nouvelles catégories d’assurance vie en faveur du développement économique ne pourra que jouer contre les livrets, réglementés certes, mais dont les taux d’intérêt tendent à baisser à mesure que l’inflation stagne.

La deuxième de ces craintes tient aux signaux contradictoires envoyés par le Gouvernement aux épargnants. Ainsi, après avoir martelé pendant des mois qu’il fallait soutenir la consommation, il a fait voter la loi sur le déblocage de l’épargne salariale pour répondre à cette exigence.

L’effort d’épargne des Français est impressionnant, mais il n’est pas illimité. On ne peut pas les encourager le matin à verser de l’argent sur leur livret A pour soutenir le logement social, leur rappeler que leur LDD participe à la sauvegarde de l’environnement à midi et leur enjoindre de consommer le soir. Cette multiplication des signaux et des espoirs fondés en l’épargne populaire nuit à la dynamique de celle-ci, pourtant relancée en 2008.

Il faut revenir à la pratique traditionnelle des Français en matière d’épargne, s’agissant particulièrement du livret A. Hormis les mineurs, dont l’épargne sera convertie en permis de conduire à leur majorité, les placements servent de « poire pour la soif » ou de caisse en cas de « coups durs ». La facilité de virement et d’utilisation permet de mettre de côté pour financer les séjours de vacances, pour remplacer un appareil électroménager qui tombe en panne ou pour avoir des liquidités s’il faut réparer la voiture ou changer la chaudière. N’oublions pas que la consommation dépend des besoins !

Enfin, une crainte s’élève progressivement depuis plusieurs semaines quant aux appétits que l’État pourrait manifester en période de disette budgétaire.

En effet, comme je l’ai déjà dit, la mission historique de la Caisse des dépôts et consignations était de participer au financement de l’État. Cette mission ne risque-t-elle pas de revenir sur le devant de la scène à l’occasion de la grave crise budgétaire que nous traversons ?

L’hypothèse de taxation des comptes d’épargne, déjà évoquée rapidement par le FMI, puis presque mise en œuvre lors de la crise chypriote du printemps 2013, semble avoir laissé des traces dans les choix effectués par les épargnants. La proposition d’assujettissement de nombreux produits d’épargne à des hausses complexes de prélèvements sociaux lors de la discussion du dernier PLFSS semble avoir achevé de convaincre de nombreux épargnants que les livrets réglementés ne resteraient plus longtemps la forteresse inexpugnable de l’épargne quotidienne. De grandes incertitudes sont apparues et ont causé manifestement le phénomène de l’automne dernier.

La fiscalisation, ou du moins la création de prélèvements sociaux ou de ponctions sur ces produits, viderait les livrets réglementés de leur substance et nous priverait de l’un des atouts économiques majeurs de notre pays. L’épargne nationale, notamment l’épargne populaire, est un levier majeur de notre force économique. Nous disposons de produits sains, robustes et accessibles à tous.

C’est en partie grâce à l’existence de cette manne financière que l’État conserve la confiance de ses créanciers, en dépit de la dégradation de notre note souveraine. Toutes les agences de notation s’accordent à reconnaître qu’un pays qui prépare son avenir, c’est un pays qui épargne et qui rassure ses créanciers. Une épargne populaire saine, c’est un gage de crédibilité pour l’État, c’est un gage de sécurité pour ceux qui financent notre endettement.

Fiscaliser de plus en plus l’épargne réglementée pourrait avoir pour effet néfaste de faire sortir cet actif du circuit économique et d’alimenter les matelas ou les bas de laine. Les plus joueurs tenteront de convertir cette épargne en pièces de monnaie et de jouer à l’oncle Picsou. Plus sérieusement, on en conviendra, cela ne serait vraiment pas profitable à l’économie !

Il serait particulièrement dommageable de consommer, par des prélèvements, l’effort de l’ensemble de la population en faveur de l’avenir. Ce serait affaiblir de surcroît la Caisse des dépôts et consignations et compromettre l’accomplissement des différentes missions des fonds d’épargne. Je crois fermement qu’il s’agit d’une limite, d’une ligne rouge à ne pas franchir, sauf à plonger dans des eaux troubles et inconnues.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Françoise Férat. Pour conclure ce rapide bilan, mes chers collègues, je dirai que les réformes de l’épargne populaire engagées ces dernières années ont, semble-t-il, été une véritable réussite, si l’on fait exception du « trou d’air » observé il y a quelques mois.

Le Parlement doit tout de même jouer un rôle dans cette affaire. La Caisse des dépôts et consignations est un acteur incontournable de la gestion de l’épargne populaire. Cette institution étant placée sous la protection du Parlement, ne pourrions-nous pas convenir ensemble, pour l’avenir, d’organiser autour de son président, à l’image de la remise solennelle en séance publique du rapport annuel de la Cour des comptes, une séance, annuelle également, dédiée à l’épargne populaire et aux activités de la Caisse des dépôts et consignations ? Cette démarche solennelle donnerait plus de corps à ce dispositif fondamental pour notre économie et notre solidarité. Les parlementaires non membres de la commission des finances pourraient ainsi appréhender ces enjeux plus aisément.

Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter aux quelques questions que j’ai soulevées. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

(M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de le préciser Françoise Férat, les finalités de l’épargne populaire ont considérablement évolué dans le temps.

Les premières opérations d’épargne populaire remontent au XIXe siècle, lorsque, en pleine révolution industrielle, il fallait permettre aux populations qui venaient exercer des métiers nouveaux et commençaient à gagner un peu d’argent d’accéder à la banque. C’est ainsi que les caisses d’épargne ont été créées en 1818 et se sont développées ensuite, au service de l’intérêt public que représentait l’accès des classes populaires à l’épargne. À l’époque, ce mouvement accompagnait celui de la scolarisation et la formation à l’épargne se faisait dans les écoles, les premières caisses d’épargne ayant été créées autour d’instituteurs qui sensibilisaient les enfants à l’épargne, afin que ceux-ci apprennent ensuite à leurs parents comment gérer leur argent.

M. Charles Revet. C’était simple et efficace !

M. Joël Guerriau. Du financement de la dette publique jusqu’au financement de l’économie, un objectif est resté constant depuis plus d’un siècle : le financement du logement social.

Cette priorité donnée au logement social est l’esprit même de l’épargne populaire. C’est un cercle vertueux : l’épargne accessible aux plus modestes permet de financer à long terme la construction des logements sociaux. L’épargne populaire s’est ainsi imposée comme le vecteur historique de la solidarité entre des générations successives de locataires. Cette boucle vertueuse ne peut fonctionner que si sont réunies deux conditions sur lesquelles je centrerai mon propos : le progrès dans l’accessibilité bancaire et le droit au compte, ainsi que l’efficience du financement du logement social.

L’épargne populaire n’est véritablement populaire que lorsqu’elle peut devenir la chose de chacun. Aussi l’accessibilité bancaire et le respect du droit au compte sont-ils des principes essentiels pour que l’épargne populaire continue de jouer son rôle social.

D’importants progrès ont été réalisés depuis 2008. La loi de modernisation de l’économie, dite LME, en permettant la diffusion de l’épargne réglementée à toutes les banques a contribué à mettre l’épargne populaire à la portée de tous.

Je tiens notamment à souligner le rôle pivot joué depuis six ans par la Banque postale en la matière, puisque celle-ci doit respecter des obligations qui ne s’imposent pas aux autres banques. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la Banque postale doit ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande, effectuer gratuitement et sans limite les opérations de dépôt et de retrait à partir de 1,5 euro – au lieu de 10 euros pour les autres établissements bancaires –, accepter les domiciliations de virements et de prélèvements de certaines opérations, notamment au profit des minima sociaux, octroyer gratuitement et sans limite des chèques de banque ou encore effectuer gratuitement des virements sur le compte à vue du titulaire du livret A.

Les derniers chiffres mis à disposition par l’Observatoire de l’épargne réglementée font état du succès remporté par cette politique volontariste. À la fin de l’année 2012, la Banque postale disposait de plus de 19 millions de livrets A sur les 64 millions qui existent en France. Or près de 54 % de ces livrets présentent un encours inférieur à 150 euros. Le livret A étant ouvert à tous, il reflète l’état de la société française, avec ses inégalités, au travers de la collecte de l’épargne populaire.

Il existe néanmoins des produits destinés à faciliter l’accessibilité bancaire et réservés à ceux de nos concitoyens qui connaissent les situations financières les plus fragiles : je pense notamment au livret d’épargne populaire.

Le nombre de LEP ouverts est resté stable depuis 2002, alors que la crise a durement frappé nos concitoyens. Les critères d’éligibilité au LEP sont effectivement restrictifs, dès lors qu’il faut nécessairement être exonéré de l’impôt sur le revenu pour pouvoir en bénéficier. Or le LEP est rémunéré plus généreusement que le livret A, le taux servi étant supérieur de 0,5 point.

L’effet redistributif du LEP devrait être amplifié à la suite de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu. Un important débat sur ce sujet a eu lieu à l’Assemblée nationale, pendant l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013 : l’éventualité d’ouvrir l’accès au LEP à plus de 7 millions de foyers supplémentaires en retenant comme critère le revenu fiscal de référence, et non plus l’impôt effectivement payé, avait alors été évoquée.

L’accessibilité bancaire est donc l’une des vocations de l’épargne populaire. Elle l’enrichit tant en alimentant ses encours qu’en lui donnant une vocation sociale, et donc finalement populaire.

En ce qui concerne le financement du logement social, le rapport Camdessus de 2007 était relativement pessimiste quant à sa pérennité. C’était avant la relance de la dynamique de la collecte par la loi de modernisation de l’économie de 2008.

Les objectifs de financement ont-ils été remplis six années après l’amorce de ces réformes ? À en croire le dernier rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée, les capacités des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations sont devenues excédentaires par rapport aux objectifs fixés.

Le régime de centralisation des encaisses mis en place par la LME de 2008 et définitivement entré en vigueur en 2011 permet désormais aux fonds d’épargne de disposer de près de 65 % de l’ensemble de la masse de l’épargne réglementée, soit plus de 255 milliards d’euros à la fin de l’année 2012. Ce levier a permis à la Caisse des dépôts et consignations de démontrer, une fois de plus, que la politique de soutien au logement social constitue le cœur de ses activités.

Le montant des prêts signés en 2012 au profit du logement social et de la politique de la ville s’est élevé à 14,9 milliards d’euros. Ces crédits ont été consentis sous forme de prêts directs, à hauteur de 12,4 milliards d’euros, ou indirects, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, via le refinancement d’établissements bancaires consentant des prêts locatifs sociaux, des prêts locatifs intermédiaires et des prêts sociaux location-accession.

Au-delà du caractère abstrait de ces chiffres, l’effort d’épargne trouve une traduction concrète au service de la collectivité. Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations a ainsi financé, en 2012, d’après les données les plus fermement établies, la construction ou l’acquisition de plus de 105 000 logements, au lieu de 120 761 en 2011, et a contribué au financement de la réhabilitation de plus de 210 000 logements.

Parmi ces 105 000 logements, plus de 22 000 relèvent de l’habitat spécifique. Nous parlons ici de centres d’hébergement, de résidences ou de foyers d’accueil. Cet effort historique de la Caisse répond ainsi à des besoins non couverts par le marché du logement.

Il est certain que ces résultats, s’ils sont probants, ne sont pas au niveau des objectifs fixés par le Gouvernement lors de la présentation, en 2013, du « plan d’investissement pour le logement », qui prévoyait la construction de 150 000 logements sociaux par an. Or, depuis le début des années 2000, il est apparu comme une constante que ces plans ont toujours contribué à tirer la construction et l’évolution du parc locatif social vers le haut.

Ce parc, qui compte actuellement 4 400 000 logements, croît en moyenne de 1,5 % par an, selon les données fournies par la Caisse. En 2011, la croissance nette du parc a été de l’ordre de 73 000 logements, avec plus de 100 000 logements produits et 27 000 logements sortis du parc. Parmi ces derniers, 19 000 ont été démolis, mais 8 000 ont été vendus aux particuliers.

La politique du logement social appuyée par l’épargne populaire, c’est certes la construction, mais c’est aussi l’entretien, la rénovation, la modernisation ainsi que l’accompagnement des locataires vers l’accession à la propriété – n’oublions pas non plus l’adaptation des logements pour les personnes handicapées.

De nombreux efforts restent à fournir. La décollecte observée à l’automne dernier, couplée à la crise du mal-logement, tend à remettre en cause la boucle vertueuse de l’épargne populaire. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment du Parlement, de veiller à ce que l’épargnant puisse toujours contribuer, par son effort, à cette grande entreprise de progrès social qui profite aux banques, à l’État, à la collectivité, mais aussi, et surtout, aux épargnants eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)