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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. J’avais indiqué à la secrétaire d’État qui m’a répondu mon intention de faire un rappel au règlement pour mettre un certain nombre de choses au point.
Monsieur le secrétaire d’État, votre attitude lors de votre arrivée dans l’hémicycle m’a renforcé dans ma volonté d’intervenir. Je considère en effet que le Gouvernement fait preuve d’une désinvolture tout à fait inadmissible dans ses relations avec le Parlement. Votre retard, qui nous a obligés à suspendre la séance pour attendre votre arrivée, en est un bon exemple : le Gouvernement n’a pas la courtoisie qu’il devrait avoir à l’égard du Parlement, en particulier du Sénat.
Je trouve également invraisemblable qu’une secrétaire d’État chargée du numérique réponde à une question adressée au ministre de l’intérieur.
Mon rappel au règlement s’inscrit dans la même logique.
Lors de son entrée en fonctions, l’actuel gouvernement ne comprenait aucun ministre chargé des relations avec le Parlement. Résultat : pendant huit jours, les services du Sénat et de l’Assemblée nationale ne savaient plus à qui s’adresser, et les sénateurs comme les députés ont été dans l’impossibilité de poser leurs questions écrites. C’est ainsi qu’aucune question écrite de sénateur ne figure au Journal officiel du 3 avril. C’est donc bien une carence gouvernementale qui a mis les parlementaires dans l’impossibilité d’exercer correctement leur mandat. Des dispositions auraient pu être prises, me semble-t-il, lors du changement de gouvernement pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de discontinuité.
Toujours à propos des relations entre le Gouvernement et le Parlement, les changements continuels d’ordre du jour deviennent indécents. Je pense notamment au projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dont l’examen a été déplacé deux fois en quinze jours dans le calendrier parlementaire. Et, samedi dernier, l’agenda a une nouvelle fois été modifié ! C’est tout à fait incorrect ! On annonce un premier changement aux parlementaires, qui doivent alors adapter leur agenda en conséquence, puis, une fois qu’ils l’ont fait, on leur annonce un nouveau changement.
Monsieur le secrétaire d’État, il serait tout de même souhaitable que le Gouvernement traite le Parlement avec un peu plus d’égards.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je précise que M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes nous avait fait connaître son heure d’arrivée et qu’il était même en avance par rapport à l’horaire annoncé.
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Questions orales (suite)
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
pénalisation de la négation des génocides
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, auteur de la question n° 675, adressée à M. le Premier ministre.
M. Hervé Marseille. Mon collègue Masson vient de souligner que certaines questions n’avaient pas pu être posées. Pour ma part, je vais insister sur les réponses qui n’ont pas été apportées aux questions posées.
Voilà près d’un an, j’avais adressé au Premier ministre d’alors une question écrite sur la pénalisation de la négation des génocides. Ayant procédé à une relance et n’ayant toujours pas obtenu de réponse, il me faut aujourd'hui transformer ma question écrite en question orale pour espérer obtenir enfin une réponse. Je ne puis que regretter à mon tour un tel manque de considération à l’égard des parlementaires.
Les promesses datent du mois d’avril 2012 ; depuis lors, rien ! Des promesses ont encore été formulées lors de la visite officielle du chef de l’État en Turquie au mois de janvier dernier ; depuis lors, toujours rien ! Le Président de la République s’exprimait à cette occasion de la manière suivante : « Le travail de mémoire est toujours douloureux, mais il doit être fait. Ce que nous avons à mener […], c’est la réconciliation à travers la recherche de ce qui s’est produit et la reconnaissance de ce qui s’est fait. »
Deux ans après les faits, je me permets de rappeler quelques éléments.
Le 24 avril 2012, M. François Hollande, candidat à la présidence de la République, s’exprimait devant la statue de Komitas à l’occasion de la quatre-vingt-dix-septième commémoration du génocide arménien. À cette occasion, et après avoir rappelé les conditions de la censure par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 23 janvier 2012, il s’était engagé à prendre « une initiative au lendemain de l’élection présidentielle ». Il garantissait qu’il tiendrait bon en dépit des pressions et qu’il finirait par obtenir la pénalisation de la négation des génocides, en particulier du génocide arménien.
Les attentes sont nombreuses, et elles sont fondées. Malheureusement, l’attente est bien longue !
Lui président, il s’engageait à être présent chaque 24 avril pour « participer à l’hommage et pour partager le combat de la recherche de la vérité et de la justice ». Or, le 24 avril 2013, il n’a pas été en mesure de tenir son engagement, étant absent lors de la quatre-vingt-dix-huitième commémoration du génocide arménien.
Aujourd’hui, après quasiment deux ans, aucun projet de loi tendant à pénaliser la négation des génocides n’a été présenté.
Au mois de janvier dernier, à l’occasion d’une conférence de presse conjointe avec M. Abdullah Gül, Président de la République de Turquie, le Président français s’engageait de nouveau à la présentation par son gouvernement d’un projet de loi pour transposer en droit interne la décision-cadre européenne de 2008 prévoyant la pénalisation de l’apologie, la négation et la banalisation grossière publique des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.
J’observe que le Président de la République n’a pas précisé le calendrier. Au demeurant, cette démarche repose sur le même fondement que la proposition de loi qui avait été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale par notre collègue députée Valérie Boyer.
Nous approchons du 24 avril, date à laquelle de nombreux élus vont se retrouver avec les représentants de la communauté arménienne dans les cérémonies de commémoration de ce triste anniversaire, dont le retentissement sera d’autant plus fort que nous approchons de 2015, année du centenaire du génocide.
Par conséquent, j’aimerais savoir, d’une part, pourquoi ma question est restée sans réponse – c’est un manque de considération à l’égard non seulement du travail des parlementaires, mais également des attentes de la communauté arménienne – et, d’autre part, à quelle date sera déposé le projet de loi promis par le Président de la République.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la pénalisation de la négation du génocide arménien. Je suis là pour vous répondre.
L’engagement du Président de la République est clair : toutes les victimes ont le droit à la protection de leur mémoire. Les négationnistes doivent être combattus, et leurs propos et actions doivent être sanctionnés.
Je crois que nul ne peut douter de la plus totale détermination du Gouvernement et du Président de la République à lutter avec la plus grande fermeté dans ce domaine.
Notre responsabilité est de choisir des voies juridiques qui respectent les principes fixés par notre Constitution et par le droit européen. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont déterminé à cet égard un cadre particulièrement strict.
Perdre de vue cette exigence serait prendre le risque de faire naître de nouvelles contestations et d’ouvrir de nouveaux espaces aux tentations négationnistes. Il n’en est pas question. C’est pourquoi je puis vous assurer que le Gouvernement est déterminé à poursuivre le travail nécessaire pour mobiliser toutes les ressources de notre droit et les procédures offertes par le droit européen à cette fin.
Comme vous le savez sûrement, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu récemment un arrêt qui constitue un élément nouveau dans ce dossier complexe. Nous en évaluons la portée et les conséquences. Nous n’entendons pas, en effet, nous placer en contravention avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce principe, vous en conviendrez, ne peut pas être mis en cause.
Au-delà, nous avons la conviction que chaque commémoration doit être l’occasion de faire progresser le travail de mémoire, d’avancer dans la réconciliation et de refermer les plaies du passé. C’est la raison pour laquelle le Président de la République, alors en déplacement officiel en Chine, a tenu à se faire représenter par le ministre de l’éducation nationale lors des cérémonies du 24 avril 2013.
Nous poursuivons le travail, en lien avec les associations représentant les Arméniens de France, en vue de la commémoration du centenaire du génocide arménien. « Participer à l’hommage et partager le combat de la recherche de la vérité et de la justice », telle reste bien la volonté du Président de la République et du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse, mais je ne suis pas plus avancé qu’avant de poser ma question.
Je me réjouis de la détermination – c’est bien le moindre – du Président de la République et d’apprendre que le Gouvernement est au travail. Je rappelle qu’il s’agissait d’une promesse. Je rappelle également qu’il y a eu un texte. Tous les éléments sont donc bien connus depuis deux ans.
Encore une fois, j’espère que nous saurons bientôt quand le Gouvernement déposera un projet de loi allant dans le sens souhaité par tous les Arméniens de France.
M. le président. Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 642, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Henri Tandonnet. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la contractualisation dans le secteur des fruits et légumes.
Dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt que nous examinons actuellement au Sénat, le Gouvernement est revenu à l’article 7 sur la contractualisation qui a été mise en place dans le domaine laitier et dans celui des fruits et légumes par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Si un rapport sur la contractualisation dans le secteur laitier a été publié en juillet 2012, tel n’a pas été le cas concernant le secteur des fruits et légumes. Or il serait important de disposer d’informations sur le taux de contrats proposés par les acheteurs et sur ceux qui sont signés par les producteurs ainsi que sur ce que les contrats ont apporté, ou peuvent apporter, pour garantir l’équilibre de la négociation entre les agriculteurs et leurs différents acheteurs. De même, il serait essentiel de présenter les principales difficultés rencontrées par les acteurs économiques dans l’application du dispositif et, le cas échéant, les solutions mises en œuvre pour les régler.
Dans le secteur des fruits et légumes, deux décrets d’application ont été publiés, l’un en 2010, l’autre en 2011. Deux cas de figure existent donc aujourd’hui pour les acheteurs en fruits et légumes, en fonction de l’endroit où les achats sont effectués.
D’abord, dans le cadre des relations commerciales avec les producteurs situés sur les carreaux de producteurs des marchés de gros, un amendement essentiel, visant à reconnaître à nouveau les spécificités de ce mode de commercialisation, a été adopté au cours de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Ensuite, dans le cadre des relations commerciales avec les producteurs qui vendent leur production sur l’exploitation, les acheteurs doivent proposer aux producteurs des contrats contenant une série de clauses obligatoires et d’une durée minimale de trois ans. L’absence de proposition est sanctionnée par une amende de 75 000 euros. Cependant, un nombre important de producteurs qui se voient proposer ces contrats les refusent systématiquement.
Je souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement pour répondre aux difficultés des ventes de production sur les exploitations agricoles. Je vous demande également, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir effectuer un bilan de l’application de la contractualisation dans le secteur des fruits et légumes.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’agriculture, qui répond en ce moment même à des questions orales à l’Assemblée nationale. Étant une élue du sud de la France, où la question que vous soulevez se pose de manière aiguë, j’y suis particulièrement sensible.
Dans le secteur des fruits et légumes comme dans le secteur laitier, le recours au décret pour rendre obligatoire la contractualisation est justifié à la fois par l’absence d’un accord interprofessionnel et par les crises successives qui ont affecté le secteur. Toutefois, aucun contrat ne semble avoir été conclu, même si les propositions écrites de contrats formels selon le cadre fixé par le décret ont été faites par des acheteurs. C’est bien la preuve que, malgré les ajustements opérés par les décrets publiés en 2011 et 2012, le dispositif instauré en 2010 n’est pas adapté au secteur des fruits et légumes. La principale difficulté est la durée minimale de trois ans pour les contrats, cette durée étant peu compatible avec la saisonnalité et les modalités de production et de commercialisation de la majorité des fruits et légumes frais.
L’article 7 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, actuellement en discussion au Sénat, prévoit de nouvelles dispositions afin de promouvoir une contractualisation plus adaptée. Le projet de loi apporte davantage de souplesse en matière de durée des contrats : la durée minimale pourra être ajustée aux différents modes de commercialisation.
Les interprofessions restent au cœur du dispositif de la contractualisation : l’interprofession des fruits et légumes frais, l’INTERFEL, pourra entamer de nouvelles discussions sur l’opportunité de conclure un accord interprofessionnel, comme cela a été le cas dans le secteur ovin. Cet accord pourra fixer une durée minimale de contrat adaptée, en tenant compte de la diversité des productions et des modes de commercialisation, dans le respect du nouveau cadre réglementaire de l’Union européenne, auquel nous sommes tenus. Une fois étendu ou homologué par les pouvoirs publics, cet accord suspendra l’application du décret.
Le ministre de l’agriculture reste bien évidemment à votre entière disposition pour échanger plus avant avec vous sur ce sujet si vous le souhaitez.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse et je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle.
Les Pyrénées-Orientales, dont je sais que vous êtes originaire, et le Lot-et-Garonne sont deux départements très impliqués dans la production de fruits et légumes. Dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avons obtenu que la commission retienne un amendement relatif au problème de la vente sur les carreaux dans les marchés d’intérêt national ; j’espère que cet amendement sera également retenu dans la version finale du texte. Le marché des fruits et légumes est très volatil. Il est donc très difficile à contractualiser sur le long terme. J’espère que l’INTERFEL apportera des solutions, avec le concours du ministère de l’agriculture.
incohérence de l'application de la réglementation européenne en matière d'enrichissement des vins
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 639, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Michel Teston. Madame la secrétaire d'État, permettez-moi à mon tour de vous féliciter de votre nomination.
L’organisation commune de marché, l’OCM, vitivinicole, entrée en vigueur le 1er juillet 2008, permet l’enrichissement des vins par addition de saccharose – c’est la chaptalisation –, de moût concentré, dit MC, ou de moût concentré rectifié, dit MCR, ou encore par des techniques soustractives. La chaptalisation est toutefois soumise à des restrictions géographiques : elle est interdite dans le sud de la France, en Italie, en Espagne et au Portugal. Elle peut cependant être autorisée exceptionnellement, à titre dérogatoire, par l’État membre lorsque les conditions climatiques sont reconnues comme défavorables.
Pour le sud de la France, ces restrictions géographiques sont définies sur la base du ressort des cours d’appel. Les dispositions nationales en matière d’enrichissement ont été modifiées par le décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 et l’arrêté du 24 juillet 2012. Depuis la récolte 2012, les autorisations d’enrichissement sont délivrées par les préfets de région. Pour la récolte 2013, le département de l’Ardèche, qui dépend de la cour d’appel de Nîmes, a été le seul département de la région Rhône-Alpes dans lequel la chaptalisation a été interdite.
Je m’interroge donc sur la cohérence des modalités d’application par la France de la réglementation européenne.
D’une part, ces modalités d’application donnent lieu à des distorsions de concurrence entre les zones de production : le périmètre d’autorisation ne pouvant être restreint à une aire géographique AOP ou IGP, les producteurs ardéchois d’AOC côtes-du-Rhône n’ont pas été autorisés cette année à enrichir leurs vins par addition de saccharose, alors que les producteurs d’AOC côtes-du-Rhône voisins – drômois, ligériens ou rhodaniens – ont pu le faire.
D’autre part, pour les départements dans lesquels la chaptalisation est interdite, ces modalités d’application engendrent des coûts supplémentaires importants : non seulement l’enrichissement par ajout de MC ou de MCR est beaucoup plus coûteux, mais, en outre, l’aide octroyée à titre transitoire pour compenser cette différence de coût a été supprimée le 31 juillet 2012. L’union des coopératives viticoles ardéchoises indique que, pour la récolte 2013, le coût de l’enrichissement par ajout de MC ou de MCR s’est élevé à 500 000 euros ; c’est un coût près de trois fois supérieur à celui d’un enrichissement par addition de saccharose.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'État, que vous m’indiquiez s’il est envisageable de modifier les modalités d’application par la France des règles européennes en matière d’autorisation de l’enrichissement des vins, notamment s'agissant du zonage, afin de supprimer les différences de coût entre viticulteurs voisins produisant sous la même appellation.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, qui m’a chargée de vous répondre. Je vous remercie de votre question, qui m’intéresse tout particulièrement en tant qu’élue des Pyrénées-Orientales.
Votre beau département produit lui aussi du vin. Comme vous l’avez rappelé, la réglementation communautaire permet aux États membres, lorsque les conditions climatiques sont défavorables – ce qui est relativement rare dans nos départements respectifs et dans le sud de la France en général ; voilà pourquoi nous avons du bon vin –, d’autoriser l’enrichissement des vins par ajout de MC ou de MCR sur tout le territoire de l’Union européenne. En revanche, le recours à l’enrichissement par sucrage à sec des vins, ou chaptalisation, n’est permis que dans les pays du nord de l’Europe et dans le nord de la France.
Pour les vingt-sept départements du sud de la France, dont le vôtre, dans lesquels la chaptalisation est interdite, la réglementation communautaire en vigueur prévoit une dérogation lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. Par ailleurs, le règlement OCM de 2008 a décidé la suppression de l’aide à l’enrichissement par ajout de MC ou de MCR à compter des vendanges 2012. Les opérateurs concernés étaient donc informés depuis 2008 de cette suppression.
À la suite de la campagne 2013, les représentants nationaux des viticulteurs ont demandé aux ministres en charge de l’agriculture et de la consommation la réintroduction de l’aide communautaire à l’enrichissement des vins par ajout de MC ou de MCR et l’harmonisation des décisions d’autorisation d’enrichissement au niveau national. En réponse, il a été convenu avec les professionnels de la filière vitivinicole d’intégrer la problématique de l’enrichissement des vins à la réflexion stratégique menée par la filière à la demande de Stéphane Le Foll ; cette réflexion doit s’achever en juin 2014. La France disposera ainsi d’une stratégie d’ensemble cohérente et partagée par toute la filière, qui lui permettra, le cas échéant, de présenter des demandes d’évolution de la réglementation communautaire à l’automne 2014.
En parallèle, la rénovation du dispositif d’autorisation d’enrichissement des vins a été engagée afin, d’une part, de renforcer la coordination interrégionale – vous y avez fait allusion – et, d’autre part, de mettre à la disposition des préfets de région des lignes directrices permettant d’harmoniser le cadre de décision au niveau national.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
Vous avez fait référence au groupe de travail mis en place par FranceAgriMer à la demande du ministre de l’agriculture. Il est important que ce groupe de travail présente des propositions équilibrées, et il serait bon que celles-ci soient formulées avant la récolte 2014. En effet, il n’est pas cohérent que, lorsqu’un État autorise à titre dérogatoire l’enrichissement des vins au motif que les conditions climatiques ont été défavorables, certains producteurs d’une appellation puissent enrichir leur vin par addition de saccharose tandis que d’autres sont obligés d’utiliser du MC ou du MCR, dont le coût est près de trois fois plus élevé.
Je souhaite que le groupe de travail publie rapidement ses propositions – vous avez parlé du mois de juin –, afin que des mesures soient prises avant la récolte 2014.
handicapés et insertion professionnelle
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question n° 606, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Muguette Dini. Madame la secrétaire d'État, je vous souhaite moi aussi la bienvenue au Sénat. Je me réjouis de vous poser une question sur un sujet qui relève directement de vos compétences. Je souhaite en effet vous interpeller sur le respect des droits des étudiants handicapés à la compensation des conséquences de leur handicap lors des épreuves écrites et orales des examens et concours, ainsi que sur le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique.
Je tiens à évoquer le cas d’un jeune déficient visuel de vingt-cinq ans. Depuis mai 2011, son père m’alerte sur les difficultés rencontrées par son fils ; je crains qu’il ne soit malheureusement qu’un cas parmi tant d’autres. Ce jeune adulte est né avec une malformation des yeux qui provoque notamment une sévère malvoyance. Épaulé par sa famille, il a suivi une scolarité normale jusqu’à l’obtention d’une maîtrise de mathématiques fondamentales et d’un master « mathématiques et métiers de l’enseignement ».
En 2011, cet étudiant a suivi une préparation au concours du CAPES privé et une préparation aux écrits de l’agrégation externe. Il a toutefois rencontré d’énormes difficultés et souvent de vraies réticences lorsqu’il s’est agi d’obtenir les aménagements indispensables aux épreuves écrites et orales de ces concours.
Je suis intervenue auprès du ministre de l’enseignement supérieur de l’époque afin que les plans élaborés par cet étudiant lui-même conformément à l’esprit de la loi, en considération de ses besoins de compensation, soient mis en place par le président du jury. Cependant, lors des épreuves écrites, le fait que ces dispositifs aient été incorrectement appliqués a provoqué un effondrement inattendu, dû au stress, de sa vision, et il s’est trouvé dans l’impossibilité de terminer ses épreuves. Il a ainsi été privé d’une partie de ses droits à la compensation des conséquences de son handicap, qui est prévue par l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles.
En février dernier, il a posé sa candidature auprès des rectorats des académies de Créteil et de Versailles pour un recrutement en qualité de professeur de mathématiques bénéficiaire de l’obligation d’emploi. Aux termes des textes réglementaires relatifs au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, sa demande est parfaitement recevable. Il se heurte cependant à une interprétation restrictive des textes par les rectorats. En dépit de toutes les lois que nous avons votées, cet étudiant handicapé n’a toujours pas trouvé de réponse à ses questions.
Madame la secrétaire d'État, je connais votre engagement sur ces sujets. Que prévoyez-vous de faire pour que tous ces freins disparaissent, pour que toutes ces discriminations cessent ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous remercie très sincèrement de votre question, qui témoigne de votre investissement personnel sur les questions sociales. Je suis heureuse que mon baptême du feu se fasse au Sénat avec vous, puisque, comme vous l’avez souligné, il s’agit de la première question concernant mon domaine de compétences.
Vous le savez, le Gouvernement est déterminé à mener une politique volontariste en matière d’inclusion des personnes en situation de handicap. Le comité interministériel du handicap s’est réuni pour la première fois en septembre dernier et a fixé une feuille de route, dont deux des priorités sont l’accès à l’enseignement supérieur et l’accès à l’emploi.
Comme vous l’avez dit, des lois existent dans notre pays pour permettre l’accès des étudiants porteurs d’un handicap aux études et aux examens, puis à un emploi. Malheureusement, il y a encore des freins et, à cet égard, l’histoire que vous venez de raconter me confirme l’existence d’un plafond de verre pour certaines catégories de citoyens.
Permettez-moi de rappeler l’état du droit en la matière. Depuis 2005, les étudiants handicapés se sont vu reconnaître un droit à compensation, ainsi que vous l’avez précisé, pour être accueillis dans les établissements d’enseignement supérieur au même titre que l’ensemble des étudiants.
En 2011, une circulaire en date du 27 décembre a rendu possible l’aménagement des examens et concours de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur. Des documents ont été produits à cet effet, sur l’accueil en 2008, puis sur l’accompagnement de l’étudiant en 2012, afin de rappeler les aménagements qui peuvent être proposés, ainsi que la procédure à suivre. Chaque établissement définit ainsi les modalités de contrôle des connaissances des étudiants concernés en fonction de leurs besoins propres. Ceux-ci, ainsi que les aménagements en résultant, sont consignés dans un plan d’accompagnement de l’étudiant handicapé, lequel couvre à la fois la scolarité et la vie étudiante.
Le comité interministériel du handicap a programmé plusieurs mesures que je compte bien mettre en œuvre avec mes collègues du Gouvernement : d’abord, s’attacher à l’élaboration de ce qu’on appelle le GEVASUP, c’est-à-dire le guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées adapté à l’environnement des étudiants ; ensuite, mettre en œuvre l’accompagnement des établissements de l’enseignement supérieur.
Madame la sénatrice, votre témoignage fait parfaitement ressortir la nécessité de cette démarche. Il importe d’accompagner ces établissements en faisant changer les mentalités pour qu’ils puissent définir leur stratégie d’accessibilité en prenant en compte l’ensemble du parcours des étudiants, de la procédure d’admission à l’orientation professionnelle, en passant par la scolarité, les examens, la vie universitaire et les stages.
Le comité a également posé le principe d’une « charte handicap » du ministère de l’enseignement supérieur et de la conférence des présidents d’université, laquelle sera déclinée dans d’autres secteurs. C’est ce qui a été fait le 11 février dernier entre le CSA et les écoles de journalisme et d’audiovisuel, avec le soutien des chaînes de télévision et de radio. C’est aussi ce que nous ferons avec le réseau des écoles de service public.
En outre, le portail admission post-bac, qui a été mis en place par Geneviève Fioraso pour l’orientation et l’inscription des étudiants, sera rendu accessible dès 2015. Dans ce cadre, un ensemble de questions-réponses sur l’aménagement des examens et des cursus sera élaboré et diffusé.
Enfin, le comité de pilotage interministériel pour faciliter l’accès des étudiants handicapés à l’enseignement supérieur a été rétabli. Il veillera notamment à la bonne diffusion des règles relatives à l’aménagement des examens.
Par ailleurs, dans la fonction publique, l’emploi de personnes en situation de handicap est un objectif visé par le Gouvernement. Le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique a pour objet de favoriser le recrutement et le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques. Comme dans le secteur privé, vous le savez, les personnes en situation de handicap doivent représenter 6 % au minimum des effectifs. Force est de constater que des efforts sont encore à réaliser dans les trois fonctions publiques, puisque, malgré une légère hausse par rapport à 2011, le taux d’emploi de personnes handicapées en 2012 n’y était que de 4,39 %.
Je tiens tout de même à souligner la réussite particulière de ces politiques d’inclusion dans les ministères sociaux, puisque le taux y est de 6,71 %. Une convention vient d’ailleurs d’être signée avec un centre de rééducation professionnelle et sociale afin d’accueillir, en qualité de stagiaires, des personnels en situation de handicap.
Pour conclure, je souhaite aussi vous signaler que l’agenda social de la fonction publique prévoit l’engagement de négociations sur le handicap, lesquelles porteront notamment sur la gestion des reclassements et sur le maintien dans l’emploi. J’y serai bien sûr particulièrement attentive.