Mme Isabelle Debré. Absolument !
Mme Annie David. Aussi, bien que la possibilité juridique d’amender ce texte existe, pour notre part, nous n’avons pas souhaité l’utiliser puisque nous ne savons pas comment il sera finalement transposé dans la loi.
Cette situation nous renvoie directement au fond : ce projet de loi nous semble insatisfaisant pour répondre aux besoins des gestionnaires d’établissements recevant du public, et aux attentes des personnes en situation de handicap.
Ainsi, le seul fait d’instaurer des délais supplémentaires pour réaliser les mises aux normes d’accessibilité sur les constructions existantes peut ne rien résoudre si aucun financement solidaire n’est prévu ou si aucune péréquation entre les plus riches et les plus modestes des villes n’est instaurée. Dans ces conditions, le risque est grand de nous retrouver, dans trois ou six ans, dans une situation d’inachèvement identique à celle que nous connaissons aujourd’hui.
Par ailleurs, le délai de neuf ans apparaît comme excessif et le caractère contraignant des agendas d’accessibilité n’est pas assez affirmé. J’en veux pour preuve les déclarations du Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui, dans son avis, déplore avec vigueur « l’absence de sanction pour non-dépôt d’Ad’AP », « l’absence de sanction pour inexécution des Ad’AP dans le domaine des transports », et souligne « le recul dommageable qu’est de rendre facultatif l’élaboration d’un PAVE – plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics – pour les communes les moins peuplées ».
En outre, il appartiendra au préfet, et à lui seul, de décider de la validation ou non des agendas. Or, ces agendas permettant de geler les sanctions, il nous semble regrettable que le projet de loi d’habilitation ne prévoie pas expressément que la décision du préfet soit éclairée par un avis du comité départemental de l’accessibilité, de telle sorte que la voix des personnes en situation de handicap soit entendue, et ce d’autant que le projet de loi d’habilitation ne pose aucun critère précis sur la qualité des Ad’AP pour qu’ils soient recevables par le préfet.
Aussi, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma chère Claire-Lise Campion, bien que nous trouvions les Ad’AP tout à fait positifs, ces inquiétudes sont pour nous trop fortes. Avec mes collègues du groupe CRC, nous nous trouvons devant un choix difficile à faire : celui qui consiste à opter pour la moins mauvaise solution.
En effet, compte tenu de la non-réalisation d’une grande partie des dispositifs d’accessibilité, si la loi de 2005 s’applique, la quasi-totalité des opérateurs, qu’ils soient publics ou privés, sont susceptibles de se voir infliger des pénalités non négligeables au 1er janvier 2015, sans pour autant qu’existent de véritables perspectives de réalisation.
Or, j’y faisais allusion tout à l’heure, nombre de collectivités et d’acteurs ont véritablement pris à leur compte les dispositions de la loi de 2005 au prix d’efforts importants. Toutefois, beaucoup n’ont pu aller au bout souvent pour des raisons financières, mais aussi pour des raisons d’ingénierie. Pour ces collectivités et ces acteurs privés qui ont eu à cœur de répondre aux besoins et aux attentes suscitées légitimement par la loi de 2005, la possibilité d’aller au bout de leurs engagements au-delà de janvier 2015 – mais bien sûr dans des délais véritablement raisonnables – sans se voir infliger de pénalités serait sans doute une bonne chose.
Néanmoins, les collectivités ou les opérateurs privés qui n’ont à aucun moment fait le choix de l’accessibilité se verront octroyer les mêmes possibilités de repousser les échéances et de se soustraire aux pénalités, ce qui me semble plutôt injuste. Je pose donc la question : quel message voulons-nous envoyer aux collectivités vertueuses et aux personnes en situation de handicap, qui n’ont d’autres attentes que de pouvoir vivre et évoluer librement dans la ville, travailler, se déplacer, partir en vacances de manière indépendante et sécurisée ? Quelle image de l’avenir projetons-nous alors que, dans le même temps, se dessine la loi visant à adapter la société au vieillissement et prônant l’autonomie des personnes ?
Environ 16 % de la population serait aujourd’hui directement concernée par les mises aux normes d’accessibilité. Peut-être ce chiffre paraît-il encore trop faible aux yeux de certains pour rendre ces normes indispensables, mais demain, il sera doublé. Faut-il alors encore attendre pour réaffirmer le caractère universel de telles mesures et se donner les moyens de les mettre en œuvre ?
Il nous semble donc difficile de voter en l’état un projet de loi d’habilitation, qui ne fixe de manière claire ni les obligations des opérateurs ni le calendrier, qui ne prévoit ni pénalités pour ceux qui s’y soustraient ni financements – pas plus qu’en 2005 – à la hauteur de ces enjeux de société autres que ceux provenant d’un fonds dédié, alimenté par d’hypothétiques amendes et sanctions financières.
Cela constituerait une renonciation à une loi d’égalité à laquelle nous ne pouvons nous résoudre, un déni des personnes en situation de handicap et la non-reconnaissance des réalisations faites par certaines de nos collectivités.
Mes chers collègues, de retour d’une mission en Espagne avec une délégation de la commission des affaires sociales, nous avons constaté que l’accessibilité était une réalité dans une grande ville comme Madrid. Les Espagnols ont pu le faire, donnons-nous les moyens d’y parvenir également.
Tout cela, mes chers collègues, conduit mon groupe à s’abstenir sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public – les ERP –, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
Le contexte qui nous amène à recourir à l’ordonnance, vous le connaissez : les échéances fixées par la loi de 2005 sont très proches, 2015 c’est demain. Or le constat est partagé par tous les acteurs : des délais et des aménagements seront nécessaires pour réussir l’objectif ambitieux de cette loi.
En effet, la loi de 2005, combien louable dans ses intentions, n’a pas été accompagnée par une volonté politique et des moyens suffisants permettant d’éviter ce constat.
Organiser de manière systématique l’accès des personnes handicapées au droit commun, adapter ce dernier ou le compléter par des dispositifs spécifiques afin de garantir, en toutes circonstances, une réelle égalité d’accès aux soins, au logement, à l’école, à la formation, à l’emploi et reconnaître ainsi la pleine citoyenneté des personnes handicapées est sans aucun doute l’objectif qui doit guider l’ensemble de nos politiques.
Cependant, dès la discussion de cette loi, nous émettions des doutes sur les moyens qui l’accompagnaient et sa faisabilité. Nous n’avions pu la voter en l’état, estimant qu’elle était également insuffisante dans sa définition du handicap. Ces doutes se sont confirmés à chaque bilan.
Ainsi, en 2006, nous constations les retards pris et dénoncions une loi d’affichage. Nous notions que le délai de six ans pour établir un diagnostic de l’existant était excessif et ne laissait que quatre ans pour engager les travaux, ce qui n’était évidemment pas suffisant. Nous relevions parallèlement l’absence de nombreux textes d’application et l’existence de fortes pressions pour élargir les dérogations. Nous préconisions une incitation par les pouvoirs publics à anticiper les dates butoirs par le biais des commissions communales d’accessibilité, outil de planification idéal, nous semblait-il, pour les travaux à entreprendre.
En 2010, cinq ans après la promulgation de la loi, nous prenions acte que nous étions loin du résultat escompté, en particulier sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui : l’accessibilité n’était toujours pas généralisée dans chacun des domaines de la vie sociale. Ce retard était manifestement à mettre en lien avec le manque d’incitation de l’État qui laissait les acteurs de terrain face à des difficultés inextricables. Nous constations encore des mouvements récurrents de va-et-vient entre la loi d’accessibilité et les tentatives de dérogations réglementaires du Gouvernement qui plongeaient les offices publics de l’habitat dans la plus grande confusion et introduisaient des incertitudes juridiques telles qu’il en résultait un gel des programmes de construction.
Enfin, en 2012, si 99 % des textes d’application étaient publiés, le sérieux retard du chantier était confirmé. Nous déplorions alors l’absence criante de données sur l’état d’avancement de la mise en accessibilité, la loi ne prévoyant pas de remontées d’information obligatoires de la part des acteurs publics ou privés concernés.
Cependant, malgré cela, de réels progrès étaient salués, témoignant d’une dynamique enclenchée, en dépit des défauts manifestes de structuration de cette loi, je le répète, ambitieuse.
Cette dynamique, cet élan, ce regard différent porté sur le handicap ne doivent pas être freinés, mais doivent être accompagnés avec volonté et réalisme pour que 2015 marque une étape fondatrice dans la prise en compte du handicap dans la citoyenneté.
C’est pourquoi, s’appuyant sur le bilan de septembre 2012 et les conclusions montrant que les échéances fixées ne pourraient être tenues, le Premier ministre a demandé à notre collègue Claire-Lise Campion de faire le point sur l’état d’avancement de l’accessibilité et de rechercher des solutions pour répondre aux attentes et aux espoirs soulevés.
Après un travail remarquable – plusieurs fois souligné – que je tiens particulièrement à saluer ici, Claire-Lise Campion a remis, en mars 2013, son rapport intitulé « Réussir 2015 », rapport riche en enseignements qui a ouvert ensuite les deux chantiers de concertation définis lors du Comité interministériel du Handicap, réuni le 25 septembre 2013. Six mois pour agir, six mois intenses pour Claire-Lise Campion, qui a beaucoup donné de sa personne pour rencontrer élus, usagers et associations.
Le premier chantier a concerné la mise en œuvre des agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, proposition phare du rapport. Ce dispositif dérogatoire, temporaire, permettra d’éviter la multiplication des procédures judiciaires, sans renoncer à la date butoir de 2015.
Le second chantier visait à ajuster les normes d’accessibilité afin de les adapter à l’évolution des techniques, aux besoins et contraintes identifiés lors des nombreuses rencontres ayant alimenté ce riche et précieux travail.
Les chiffres sur l’état d’avancée de la mise en accessibilité, aujourd’hui à peu près connus, même s’il reste des zones d’ombre, obligent à l’adaptation. Si tous les établissements recevant du public, construits depuis 2005, sont accessibles et si 86 % des préfectures, 40 % des lycées, 60 % à 90 % des transports urbains, sont accessibles, force est de constater que le retard est cependant important.
Concernant les ERP de l’État, 37 % des 10 000 établissements, pour 90 % de cinquième catégorie, ont effectué leur diagnostic d’accessibilité, mais le nombre d’ERP ayant mené les travaux de mise en accessibilité n’est pas communiqué. Le coût total de ces travaux est estimé à 3,6 milliards d’euros ; c’est beaucoup !
Au 1er juillet 2012, sur les 300 000 ERP des collectivités territoriales, 74 000, répartis sur les 23 000 communes, n’avaient pas encore effectué leur diagnostic. Le coût global est estimé à 16,8 milliards d’euros. Pour les petites communes, cette charge est quasiment insurmontable. Le montant moyen des travaux se situe à 73 000 euros par ERP pour les communes de plus de 3 000 habitants, soit 5 % du budget annuel d’une commune de 4 000 habitants. Sachant que ces communes ont en moyenne un parc de onze ERP, la charge pourrait atteindre 55 % de leur budget d’équipement. Au-delà de l’impact financier, les faibles capacités techniques des petites communes sont un frein supplémentaire à l’établissement des diagnostics et à la mise en accessibilité.
En ce qui concerne les transports, le rapport de 2012 de l’Obiaçu révèle que seuls 15 % des schémas directeurs d’accessibilité n’ont pas été initiés. Toutefois, l’importance des coûts et la multiplication des acteurs expliquent que la chaîne de déplacements sans interruption est loin d’être effective contrairement à ce qui était préconisé dans le concept d’accessibilité universelle. D’ailleurs, devant l’importance du poids financier, un consensus s’est dégagé pour concentrer les travaux dans un premier temps sur les gares et les trajets les plus fréquentés.
Ainsi, devant l’ampleur et la complexité de ce qui reste à faire, il est nécessaire de recourir à l’ordonnance pour réussir 2015 et rester dans les temps imposés par la loi. En effet, dans le cadre de la concertation, les Ad’AP doivent être opérationnels à la rentrée, afin de permettre aux propriétaires et aux gestionnaires d’établissements recevant du public et de transports urbains et interurbains de faire connaître avant le 31 décembre 2014 leur intention de recourir à un Ad’AP. Les dossiers déposés devront faire l’objet d’une validation par les préfets, date à laquelle s’ouvrira la période sur laquelle courra l’Ad’AP. Dans l’éventualité où le dépôt d’un Ad’AP ne pourrait être effectué avant le 31 décembre, les maîtres d’ouvrage devront s’engager, dans les mêmes conditions, à entreprendre la démarche au plus tard douze mois après la publication de l’ordonnance, délai qui sera décompté de la durée de l’Ad’AP.
L’accessibilité est actée : rouvrir le débat pourrait être l’occasion de revenir sur des acquis, ce qui retarderait d’autant la mise en place d’un outil cohérent et opérationnel, et qui a trouvé un équilibre entre les attentes légitimes des usagers et des associations d’un côté, et les difficultés rencontrées par les maîtres d’œuvre de l’autre, lesquels doivent tenir compte de toutes les formes de handicap.
Le vaste travail mené lors de la concertation garantit le réalisme et la pertinence des choix qu’il fallait faire pour que, enfin, la loi de 2005 s’applique et que les retards soient comblés. Plus de 120 personnes ont participé aux réunions, au cours desquelles la qualité d’écoute réciproque a permis de comprendre les besoins et les contraintes. Cette méthode a été saluée par tous, et elle le mérite !
Ainsi, dans ce contexte, recourir à l’ordonnance, c’est faire preuve de volonté politique et affirmer la nécessité que l’accessibilité ne reste pas un vœu pieux et devienne une réalité du quotidien, pour le confort de tous.
Maintenant, passons aux actes et permettons au Gouvernement d’avancer pour le bien de tous. Il ne faudrait pas que, lors des prochains bilans que nous dresserons, nous fassions les mêmes constats qu’aujourd’hui. Dès lors, la mise en conformité avec la loi de février 2005 doit être accélérée. C’est ce que permettent l’outil et le cadre proposés dans ce texte, car ils prennent en compte les réalités de chacun.
En outre, le caractère irréversible de l’Ad’AP a contribué à rassurer les associations, même si celles-ci restent parfois sur la réserve ou dans l’expectative, ce qui est bien normal au vu des enjeux et de l’accumulation des retards.
Le présent projet de loi va apporter à la loi de 2005 la sécurité juridique qui lui manquait : les préconisations issues du rapport « Réussir 2015 » et des concertations vont, nous en sommes convaincus, sauver la loi, et non pas l’enterrer ou la reporter sine die, comme certains le craignent ou comme d’autres, peut-être, l’espèrent.
Ainsi, des contrôles seront mis en place tout au long de la mise en œuvre de l’Ad’AP, à la fin de la première année puis au terme de chaque période de la planification validée.
Des sanctions pourront se déclencher en cours d’Ad’AP, chaque fois que des manquements seront identifiés. Les ressources émanant des sanctions pécuniaires viendront alimenter un fonds d’accessibilité universelle tourné à la fois vers la recherche et le développement et vers les subventions des travaux d’accessibilité.
En fin d’Ad’AP, une attestation remise par un bureau de contrôle technique viendra valider la mise en conformité.
Dans le domaine du transport, des sanctions seront fixées pour inciter à la formation des personnels et pour accroître l’accessibilité du parc des autobus et des cars.
Face à la situation que nous avons évoquée, si l’Ad’AP entraîne la suspension de la sanction pénale, il représente surtout, pour les gestionnaires d’établissements recevant du public, la possibilité de se mettre en conformité avec la loi, certes dans un délai plus long, mais ils s’y mettent, et d’aller au bout d’une démarche qui est actuellement en panne.
Parallèlement à l’outil de planification, moteur de l’action, la concertation a aussi permis des avancées significatives sur le chantier normatif. Ainsi, aujourd’hui, nous allons prendre en compte tous les handicaps, ce qui complète la loi de 2005.
Il me semble que les associations représentant les personnes en situation de handicap ne peuvent qu’apprécier que la sécurité des déplacements, le repérage dans l’espace, la formation des personnels d’accueil et l’information des usagers et des citoyens sur les questions d’accessibilité soient améliorés, grâce au registre d’accessibilité, notamment, mais aussi à l’intégration des contraintes topographiques et à la possibilité d’utiliser des solutions novatrices.
Le libre accès des lieux ouverts au public pour les chiens guides d’aveugles, inscrit dans la loi depuis 1987, sera réaffirmé et élargi.
En outre, les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité, auxquelles sont intégrées les associations, voient leur rôle renforcé puisqu’elles deviennent, de fait, un renfort administratif dans la gestion des Ad’AP. Elles deviennent également paritaires, en réunissant associations et représentants du secteur des ERP.
Certes, les délais annoncés n’ont pas fait l’objet d’un consensus, mais je crois que chacun, au fond, en comprend et en admet la nécessité, le réalisme et le pragmatisme.
Certains s’insurgent contre le délai supplémentaire de neuf ans, au plus, pour la mise en conformité. Ce délai ne correspond évidemment pas à la réalité de tous les établissements puisque, par exemple, 80 % des établissements recevant du public sont de cinquième catégorie, et auront donc seulement trois ans pour se mettre en conformité avec la loi.
En effet, trois durées d’Ad’AP ont été arrêtées par la concertation : trois ans au maximum pour les ERP de cinquième catégorie et les transports urbains, six ans au plus pour les ERP de première à quatrième catégories et les Ad’AP de patrimoine, c’est-à-dire ceux qui portent sur plusieurs établissements, et neuf ans pour les ERP de patrimoine complexe et les transports ferroviaires.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui en procédure accélérée débouchera donc sur la mise en place des Ad’AP, qui permettront aux acteurs publics et privés qui ne seraient pas en conformité avec les règles au 1er janvier 2015 de s’engager sur un calendrier prévisionnel de travaux, précis et encadré. Ces Ad’AP lèveront ainsi le risque pénal sur toute la durée de l’agenda, à condition bien sûr que celui-ci soit respecté.
Le présent texte autorise également l’évolution d’un certain nombre de normes relatives à l’accessibilité, afin de les simplifier mais aussi de les actualiser, sur la base de propositions fondées sur les retours d’expérience. L’actualisation des normes est particulièrement liée à une meilleure prise en compte de toutes les formes de handicap.
En outre, ce texte permettra le recrutement de 1 000 ambassadeurs de l’accessibilité, afin d’aider les collectivités territoriales à faire face aux échéances et à la finalisation de leurs projets d’accessibilité, avec des outils financiers adaptés, en lien avec Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, et c’est très important, le texte marquera le lancement d’une grande campagne nationale d’information et de sensibilisation aux enjeux de l’accessibilité ; Mme la rapporteur l’a souligné tout à l’heure à l’adresse de Mme la secrétaire d’État.
Notre volonté d’une société où chacun a sa place est plus que jamais affirmée ; les mesures que nous voulons engager en témoignent, car elles vont encourager nos concitoyens à trouver et à mettre en œuvre les meilleures solutions juridiques, techniques et financières, dans un secteur porteur de projets, de travaux et d’emplois. Comme l’a indiqué Mme la secrétaire d’État, elles contribueront ainsi à ce que la France atteigne l’objectif de l’accessibilité pour tous.
Par conséquent, je ne doute pas, mes chers collègues, que vous votiez en faveur de ce texte, qui garantit enfin la réalité de l’accessibilité universelle, nécessité que le vieillissement de la population auquel nous sommes confrontés rend tous les jours plus pressante.
Bien entendu, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, moins d’un an avant l’échéance fixée pour la mise en application de la loi dite « Handicap » de 2005, le Gouvernement présente un projet de loi l’habilitant à prendre par ordonnance les dispositifs de mise en œuvre de l’accessibilité des établissements recevant du public, les fameux ERP.
Entre la volonté de permettre l’accessibilité de tous et la réalité du bâti, en particulier du bâti ancien, il y a parfois un ravin infranchissable. C’est le cas, sur lequel je voudrais m’arrêter un instant, des cabinets des professionnels de santé.
Je m’étonnais que certains médecins baby boomers de mon département, pourtant en pleine forme, me parlent de retraite obligée en 2015 pour des raisons administratives, lorsque j’ai découvert – je l’avoue, avec retard – que l’accessibilité s’appliquait à tous, quel que soit l’immeuble, et même s’il s’agit d’un immeuble collectif.
Les professionnels concernés ont donc découvert, comme moi, à la suite de la question orale que j’ai posée le 19 février ici même, la mise en place d’un dispositif ad hoc, les fameux agendas d’accessibilité programmée, ainsi que l’existence d’un guide en ligne pour la mise aux normes de leurs locaux classés ERP.
Mais ces Ad’AP, me disent-ils, ne répondent pas à des questions très basiques. Quid, par exemple, des immeubles anciens en copropriété ? Qui supportera le financement : le professionnel seul ou toute la copropriété ? Si les autres copropriétaires refusent de cofinancer la mise aux normes, que se passera-t-il ? La copropriété sera-t-elle soumise à une obligation de dépenses ? Si la loi Duflot est rentrée dans moult détails, celui-ci, en supposant que c’en soit un, ne semble pas avoir été évoqué.
Certes, une exemption pour conséquences excessives sur l’activité est prévue. Mais il est question de santé et d’accès à la santé, et non pas d’activité commerciale. J’ai du mal à imaginer comment les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité feront pour établir un barème. S’appuieront-elles sur les déclarations fiscales du professionnel de santé, ou bien sur les statistiques de la CNAM, pour décider des dérogations ? Tout cela soulève de vraies interrogations.
J’ai donc déposé un amendement sur ce thème, dont le dispositif reprend les trois types d’exception qui existaient déjà dans la loi de 2005 pour les locaux professionnels situés dans du bâti ancien. Je veux parler de l’impossibilité technique, de la préservation du patrimoine, et de la disproportion économique. L’idée est de ne pas exempter tous les professionnels de santé de cette obligation, même si j’affirme qu’il existe des moyens plus simples pour permettre l’accès à la santé des personnes handicapées, comme l’obligation pour tout professionnel d’effectuer les actes médicaux à domicile sans frais supplémentaires pour le patient.
Il est vrai que certains actes supposent un équipement difficilement déplaçable – passer une radiographie, une IRM, bénéficier de soins dentaires ou ophtalmologiques, et je dois en oublier –, mais, quand un local ne peut être mis aux normes, la visite à domicile semble être un élément à même de combler une petite partie de la disproportion économique subie par les professionnels de santé, disproportion qui ne sera jamais mesurable.
Mes chers collègues, vous le savez, le principal risque de ces normes, en matière de santé, réside dans la fermeture anticipée de certains cabinets de professionnels. Ce risque est d’autant plus avéré que ceux qui devaient prendre leur retraite dans trois ou quatre ans, et qui se sont renseignés sur le sujet à la suite de la question orale que j’ai posée au Gouvernement sur la procédure administrative, ont été effrayés par la complexité administrative.
Le choc de simplification, ce n’est pas pour eux, et pas dans cette procédure !
Dans mon département, le Val-de-Marne, qui est pourtant très urbain, cela aurait des conséquences pour 15 % à 20 % des seuls cabinets médicaux. L’arrêt d’activité de ces professionnels ne fera qu’accroître la désertification médicale, en particulier dans les zones les plus sensibles en milieu urbain ; cela aura également, je n’en doute pas, une influence en milieu rural. En plus, la désertification sera accentuée par l’impossibilité de trouver un successeur : personne ne reprendra un cabinet qui ne sera pas aux normes et qui sera soumis aux mêmes contraintes en termes de copropriété.
Il ne faudrait donc pas oublier la réalité de la démographie médicale sous couvert de donner une nouvelle dynamique à la mise en accessibilité : le nombre de médecins devrait fondre de près de 8 % d’ici à 2017. Je ne dispose pas de statistiques sur les autres professionnels de santé, mais ils sont tous concernés. Et songez qu’en cas de déménagement de ces professionnels de santé, les personnes handicapées auront des distances plus longues à parcourir.
Pour rester sur le sujet des déplacements, je pense plus particulièrement aux personnes atteintes de handicaps visuels accompagnées de leur chien guide. Je les défends avec cœur depuis mon entrée au Sénat, et plus encore depuis la loi de 2005. Le premier amendement que j’ai déposé en tant que sénateur visait d’ailleurs à permettre la gratuité des chiens guides d’aveugles dans tous les transports. Au demeurant, ces chiens d’assistance sont refusés, selon les associations, dans près d’un quart des cas, y compris à l’hôpital. Pourtant, le chien permet à son maître d’accéder à tous les bâtiments, qu’ils soient anciens ou neufs.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais également que vos ordonnances prévoient des locaux sécurisés dans lesquels les aveugles pourraient laisser leur chien sans inquiétude de garde ou de vol quand ils vont se faire soigner ou pratiquer une activité sportive au sein des équipements prévus à cet effet. Les associations ne demandent pas des locaux spécifiques. Il suffit d’un bureau fermé à clé où le chien peut rester pendant que son maître, par exemple, fait du sport, va à la piscine ou reçoit les soins requis.
Dans cet esprit, et à ma demande, le bureau du Sénat a autorisé la création d’un espace de détente pour les chiens guides dans le jardin du Luxembourg. Nous l’avons inauguré le 16 octobre dernier avec certains de nos collègues, dont Jean-Noël Cardoux, ainsi, me semble-t-il, que Catherine Deroche.
Madame la secrétaire d’État, j’espère que, dans les ordonnances, vous saurez tenir compte de la légitime inquiétude des professionnels de santé en activité et faire en sorte que vos Ad’AP ne soient pas pour eux un nouveau parcours du combattant, situation que la loi sur le handicap visait précisément à régler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)