M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation de l’examen du permis de conduire. L’exposé des motifs est limpide : il s’agit de sauver des vies.
Le nombre des blessés et des tués sur la route, s’il est en constante baisse depuis de nombreuses années, reste trop élevé. Le bilan provisoire pour le premier semestre de 2013 fait état de plus de 32 000 blessés et de 1 440 tués sur nos routes.
Les auteurs de la présente proposition de loi le rappellent, les premières minutes qui suivent un accident sont décisives. Selon les estimations disponibles, ce sont de 250 à 350 vies qui pourraient être sauvées chaque année si les témoins présents sur les lieux d’un accident possédaient la connaissance des gestes de premiers secours. Qui pourrait alors ne pas voter une mesure dont la finalité est incontestable ?
Toutes les études en la matière montrent que les Français sont mal et peu formés aux gestes de premiers secours. Le rapport de notre collègue Catherine Troendlé cite à cet égard un chiffre édifiant : selon une enquête menée par la Croix-Rouge en 2013, seulement 55 % des personnes interrogées indiquent que leur premier geste en cas d’accident serait d’avertir les secours. Dans le même sens, 50 % des personnes interrogées ne savent pas dûment placer un triangle de signalisation, et donc protéger les lieux de l’accident.
Toutefois, si l’amélioration de la formation de nos concitoyens aux gestes de premiers secours apparaît comme une nécessité évidente, une lecture attentive du texte initial soulève de nombreuses questions et nous conduit à être pour le moins réservés quant à l’opportunité de l’adopter.
D’abord, cela a été dit à de nombreuses reprises, les dispositions prévues par ce texte relèvent non pas du domaine de la loi, mais bien de celui du règlement. C’est d’ailleurs ce motif qui avait conduit au rejet par l’Assemblée nationale d’une proposition similaire l’année dernière. Nous sommes attachés au respect de la Constitution et nous devons être vigilants à ne pas outrepasser, si louable l’intention des auteurs du texte soit-elle, les prérogatives que celle-ci nous donne.
Ensuite, il existe des dispositifs généraux de formation aux premiers secours.
La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a créé une obligation de sensibilisation des candidats au permis de conduire à la formation aux premiers secours. Cette obligation est restée lettre morte, faute de décret d’application. Le groupe écologiste estime qu’il convient de faire appliquer la loi existante avant d’en élaborer une nouvelle, en favorisant ainsi l’inflation législative.
Enfin, le permis de conduire est déjà un Graal suffisamment difficile à atteindre pour que la mise en place de ces mesures ne vienne pas compliquer davantage encore l’obtention de ce qui représente pour beaucoup un sésame pour l’emploi et l’autonomie.
Pour toutes ces raisons, il aurait été difficile d’adopter le texte en l’état. Je veux donc saluer ici le travail de Mme la rapporteur, qui a su entendre ces griefs et nous proposer un texte plus en phase avec la réalité de notre société.
En effet, l’adoption du texte dans sa version initiale, qui prévoyait l’instauration d’une épreuve supplémentaire au permis de conduite, aurait probablement eu pour conséquence une augmentation du coût et des délais d’obtention du permis de conduire.
Le texte tel qu’amendé par la commission revient sur l’instauration de cette troisième épreuve ; nous nous en félicitons. Il instaure, en revanche, une obligation, pour les examinateurs, de s’assurer que les candidats maîtrisent les actes simples mais fondamentaux consistant à alerter les secours, à sécuriser et à baliser la zone de l’accident et, si nécessaire, à accomplir les gestes de secours de base.
Considérant que cette mesure est bénéfique, le groupe écologiste votera le texte tel qu’issu des travaux de la commission des lois.
J’aimerais toutefois rappeler qu’il faut également que cette formation, tellement nécessaire, soit mise en œuvre de manière effective dans le cadre de l’école et du travail, afin que les connaissances en matière de premiers secours de l’ensemble de nos concitoyens soient approfondies et réactualisées tout au long de la vie. (Applaudissements sur diverses travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne devrions pas débattre de cette proposition de loi, puisque l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière dispose déjà que les candidats au permis de conduire doivent être sensibilisés, dans le cadre de leur formation, aux notions élémentaires de premiers secours.
Je connais bien ce dossier, porté par Didier Burggraeve – qui fut conseiller municipal de Lys-lez-Lannoy, commune de mon département du Nord –, au côté de notre ancienne et regrettée collègue Dinah Derycke et de bien des parlementaires du Nord de toutes tendances. On doit d’ailleurs la rédaction de l’article 16 de la loi de 2003 à l’adoption de deux amendements identiques présentés par les députés du Nord Patrick Delnatte et Francis Vercamer.
Une fois encore, nous sommes confrontés à un problème d’application des lois, puisque le décret en Conseil d’État qui devait fixer les modalités d’application de la réforme de 2003 n’a jamais été pris.
Mes chers collègues, je vous épargnerai mes commentaires sur l’obligation, pour l’exécutif, de prendre en compte la volonté du législateur et sur les risques de l’interprétation d’une compétence liée en un pouvoir discrétionnaire. Ces questions sont trop connues pour que l’on s’y attarde et elles concernent tous les gouvernements, par-delà les alternances.
Notre collègue Jean-Pierre Leleux a donc remis l’ouvrage sur le métier avec cette proposition de loi relative à l’introduction d’une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.
Le travail de la commission des lois et celui de notre rapporteur Catherine Troendlé ont permis d’adoucir les aspérités qui auraient pu mener, une fois de plus, à une impasse.
Nous avons sur toutes les travées de cet hémicycle, du moins je l’espère, le souhait d’aboutir enfin à un texte législatif clair permettant d’envisager, après confirmation par l'Assemblée nationale, la formation de tous nos concitoyens usagers de la route aux gestes qui sauvent. La mise en œuvre de ceux-ci est de nature à permettre le maintien en vie de blessés en situation de détresse qui, sinon, décèdent avant l’arrivée des secours.
Chacun se félicite des progrès accomplis ces dernières années grâce à la politique de sécurité routière. Menée sur le long terme, cette politique résulte d’une volonté sans faille des pouvoirs publics, qui n’ont pas hésité à prendre des mesures d’abord impopulaires pour parvenir à diviser par plus de quatre la mortalité sur la route depuis 1972, alors même que le nombre de véhicules et le trafic ont plus que doublé.
Certes, des améliorations demeurent indispensables et des progrès sont encore possibles.
On glose beaucoup, par exemple, sur l’abaissement de 90 à 80 kilomètres à l’heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes départementales, mesure qui n’est pas jugée unanimement pertinente.
En tout état de cause, l’adoption de la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen permettrait d’économiser bien des vies, tant d’ailleurs sur la route que dans la vie quotidienne, sans présenter de véritables inconvénients. Jamais un « bilan coûts-avantages », pour employer cette expression chère aux spécialistes de droit public, ne m’est apparu aussi satisfaisant !
Faisons cependant justice des critiques habituelles qu’inspire cette réforme. Aux côtés des pesanteurs administratives, elles expliquent largement le retard de sa mise en œuvre.
Tout d’abord, un tel dispositif relèverait de la compétence du pouvoir réglementaire, et non de celle du législateur. Loin de moi l’idée de m’affranchir des fourches caudines des articles 34 et 37 de notre Constitution, mais je crois que, même pour les tenants les plus convaincus de la rationalisation du parlementarisme, l’idée fondamentale consistait bien à donner au législateur la maîtrise de l’essentiel sans l’encombrer de l’accessoire, fût-il lui-même fort important. Or, quoi de plus essentiel, mes chers collègues, que d’épargner des vies humaines et d’éviter autant que faire se peut la répétition de ces drames qu’ont connus trop de familles, trop de parents, trop de conjoints, trop d’enfants ?
On nous dit encore de laisser cette responsabilité aux bons soins de l’éducation nationale. Mais le bilan de l’action de celle-ci en ce domaine s’avère souvent – pas toujours, il est vrai – bien décevant ! Le pourcentage d’enfants d’une classe d’âge donnée initiés aux gestes qui sauvent demeure infime. De surcroît, le temps qui sépare cette formation du moment où celle-ci pourra servir dans la dure réalité risque de compromettre l’efficacité, voire la pertinence, des interventions. Dès lors, une telle formation ne peut être sanctionnée que dans le cadre de l’examen du permis de conduire, les candidats étant amenés à prendre sur la route des responsabilités nouvelles.
Enfin, on objecte parfois qu’une telle mesure engendrera un coût supplémentaire alors même que le permis de conduire est déjà fort onéreux pour beaucoup de nos concitoyens. Cependant, toutes les estimations financières s’avèrent largement rassurantes, et ce surcoût ne saurait être comparé au coût de bien des infractions au code de la route ou des remises à niveau qui permettent à ceux qui veulent préserver leur droit de conduire de récupérer quelques précieux points. En outre, cet effort supplémentaire doit être mis en regard des vies épargnées, des handicaps évités ou minimisés.
Faut-il encore, pour ceux qui resteraient à convaincre, faire un peu de droit comparé ? En Autriche, par exemple, 40 000 personnes sont formées chaque année aux gestes de premiers secours, depuis 1971, dans le cadre de la préparation du permis de conduire. L’Allemagne, la Suisse, le Danemark ont adopté avec succès des dispositifs similaires.
En cette période d’échéances électorales successives où l’on ne nous épargne pas les sondages, permettez-moi, mes chers collègues, de vous livrer quelques chiffres propres à vous faire rêver ! Selon une enquête réalisée pour la Croix-Rouge française en septembre dernier, sur la base d’un échantillon de 1 020 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, 69 % de nos compatriotes aimeraient suivre une formation aux gestes qui sauvent adaptée aux accidents de la route, 91 % estiment important de connaître ces gestes de premiers secours, 94 % pensent que les Français ne les connaissent pas suffisamment, et 98 % souhaitent que la formation aux premiers secours lors de la préparation du permis de conduire revête un caractère obligatoire, les 2 % restants se partageant équitablement entre « avis contraires » et « sans opinion » !
Par conséquent, en adoptant la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Leleux, que je remercie de sa détermination, de sa persévérance et de sa patience, notre assemblée ne risque guère de heurter l’opinion. Mes chers collègues, ne boudons pas ce plaisir supplémentaire ! En ce qui le concerne, le groupe UMP apportera son plein soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc de la commission. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous avons tous ici un même objectif : celui de réduire le nombre des victimes d’accidents de la route. Pour l’atteindre, il est essentiel que tout citoyen sache réagir en pareille situation, ce qui pour l’heure n’est absolument pas le cas.
En effet, plusieurs études ont démontré que les Français ont encore quelques lacunes dans la pratique des gestes qui sauvent, notamment en cas d’accidents routiers, et que certaines personnes présentes sur les lieux préfèrent rester passives, par ignorance ou par peur d’aggraver les blessures des victimes. Cette carence est d’autant plus préjudiciable que les secours mettent, en moyenne, treize minutes pour parvenir sur le lieu de l’accident en milieu urbain, et entre vingt et trente minutes en rase campagne.
Indiscutablement, l’apprentissage des gestes de premiers secours est la condition sine qua non pour une prise en charge en amont des victimes, qui permettra de secourir, voire de sauver, un proche ou toute personne victime d’un accident, en attendant l’arrivée des secours.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que l’on y pense, puisque la proposition de loi « cinq gestes qui sauvent », déposée en 1967, visait déjà à inculquer la conduite à tenir en présence d’un accident dans la rue ou sur la route, sur la base de mots-clés : « alerter », « baliser », « ventiler », « comprimer » et « sauvegarder ». Elle a été repoussée puis ce projet a été abandonné par les nouveaux pouvoirs publics au début des années quatre-vingt. Par la suite, plusieurs autres propositions de loi et des amendements allant dans ce sens ont été déposés, mais ils sont restés lettre morte.
Introduire une obligation de formation aux premiers secours dans le cadre de la préparation du permis de conduire me paraît donc judicieux et indispensable, d’autant qu’il s’agit de ne retenir que les gestes essentiels de survie que tous les usagers de la route devraient connaître, apprendre au moyen d’exercices et mémoriser jusqu’à ce qu’ils deviennent des réflexes. En effet, la rapidité d’action et d’exécution des gestes de premiers secours est déterminante, en amont de l’intervention des professionnels.
De surcroît, au regard de la loi de modernisation de la sécurité civile, tout citoyen doit être un acteur de celle-ci ! À cet égard, l’initiation aux cinq gestes qui sauvent permettra de toucher automatiquement un public nombreux, qui ne suivrait pas spontanément une formation entière de prévention et secours civiques de niveau 1, ou PSC 1.
Conscient de l’enjeu, j’ai mis en place depuis quelques années déjà, en ma qualité de maire de la ville du François, en Martinique, une formation de ce type, dans le cadre d’un plan pluriannuel de constitution de ressources de première intervention. Ce dispositif repose sur le volontariat. À ce jour, près de 500 citoyens de ma ville, de tous âges, ont acquis le PSC 1.
J’envisage d’ailleurs d’interpeller le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur ce sujet, car j’estime nécessaire, voire indispensable, que tous nos enseignants soient formés à ces premiers gestes, à tous les niveaux de la scolarité. Dans ma ville, ils sont très fortement incités à suivre les cours que nous dispensons gratuitement. Cet acquis sera particulièrement précieux dans le cadre de la gestion d’une crise, en cas de survenance d’une catastrophe naturelle, telle qu’un séisme ou un cyclone, phénomènes qui représentent une menace majeure dans nos territoires ultramarins.
À terme, la mise en œuvre de cette mesure garantirait à coup sûr la présence, dans chaque famille, d’une personne rompue aux gestes de premiers secours. L’adjonction d’un module qui leur soit consacré dans la formation au permis de conduire me semble donc une nécessité particulièrement impérieuse.
De plus, l’obligation de suivre une telle formation en vue de la conquête du précieux « papier rose » existe déjà dans des pays européens tels que l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse et le Danemark, qui subordonnent l’attribution du permis de conduire à la réussite à un examen de secourisme. Ce ne serait donc pas une innovation.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je voterai cette judicieuse proposition de loi ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez tout d’abord excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur, retenu par d’autres obligations.
En écoutant l’ensemble des orateurs, en lisant le rapport de Mme Troendlé, j’ai pu constater à nouveau à quel point la cause de la sécurité routière transcende tous les clivages.
Comme M. Barbier, je pense qu’un virage décisif a été pris lors du second mandat de Jacques Chirac, sous votre impulsion, monsieur le président Raffarin.
M. Jean-Claude Lenoir. Oui !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Sans vouloir faire de jeu de mots déplacé, je dirai qu’on est alors passé à la vitesse supérieure en matière de sécurité routière. Depuis, les pouvoirs publics n’ont pas relâché la pression sur les automobilistes : depuis une quinzaine d’années, tous les gouvernements successifs – le vôtre, monsieur Raffarin, ceux de François Fillon, celui de Jean-Marc Ayrault, celui de Manuel Valls aujourd'hui – ont choisi de faire de la sécurité routière un axe majeur de leur action. Cet après-midi, je constate que cette cause fédère l’ensemble des sensibilités politiques représentées au Sénat.
Le dispositif qui vous est aujourd'hui présenté, après l’examen du texte par la commission des lois, a le mérite d’éviter l’écueil de l’instauration d’une troisième épreuve à l’examen du permis de conduire, mesure dont le coût aurait été très élevé.
Il s’agit, plus simplement et, sans doute, plus efficacement, d’instituer une obligation de formation aux notions élémentaires de premiers secours. On s’étonne même qu’il ait fallu attendre aussi longtemps un tel texte ! La commission des lois du Sénat s’est ralliée à l’unanimité à cette proposition raisonnable.
L’article unique du texte n’entre pas dans les détails de cette formation, mais votre rapport, madame Troendlé, en esquisse les grands traits. Le Gouvernement souscrit à vos objectifs, dont certains sont partiellement satisfaits. Je pense notamment aux programmes de formation à la conduite pour les enseignants ou à l’inclusion de questions sur le thème des premiers secours dans l’épreuve théorique du permis de conduire. Cela étant, ces dispositions doivent être renforcées, et les mesures présentées vont dans ce sens.
Par conséquent, le Gouvernement réserve un accueil très favorable à ce texte, sous réserve, bien sûr, de l’examen des amendements.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire
Article additionnel avant l’article unique
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. J. Boyer, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué pour les cycles 3 des écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association, un permis piéton.
Il comprendra également une formation aux premiers secours, ainsi que les connaissances élémentaires des véhicules terrestres à moteur.
Cet amendement a été retiré.
Article unique
Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de la route est complété par un article L. 221-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-3. – Les candidats à l’examen du permis de conduire sont formés aux notions élémentaires de premiers secours en cas d’accident de la circulation.
« Cette formation est sanctionnée dans le cadre de l’examen du permis de conduire.
« Le contenu de cette formation et les modalités de vérification de son assimilation par les candidats sont fixés par voie réglementaire. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi, sur l'article.
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. L’article unique de la proposition de loi est extrêmement simple, à l’image de la mesure de bon sens qu’il prévoit : comme l’a dit M. le secrétaire d’État, elle aurait déjà dû être adoptée depuis longtemps.
Pour être simple, cette mesure n’en permettra pas moins à la France de rattraper son retard par rapport à ses partenaires européens et de répondre à une attente de nos concitoyens, qui, comme l’a indiqué Jean-René Lecerf, la jugent à plus de 95 % absolument nécessaire.
En effet, lorsqu’un accident de la route se produit, les premiers à arriver sur les lieux sont d’autres conducteurs. Il importe donc d’enseigner aux usagers de la route ces gestes très simples permettant de secourir, voire de sauver, les victimes. Comme l’a dit Mme Benbassa, entre 250 et 350 vies pourraient être ainsi sauvées chaque année. Pour notre pays, l’adoption du texte entraînerait donc une nouvelle réduction du nombre de tués sur les routes.
Encore faut-il, cependant, que le conducteur qui arrive sur le lieu de l’accident ne cède pas à la panique, qu’il ait été formé aux gestes à accomplir et même, en quelque sorte, conditionné, par le biais d’automatismes, de moyens mnémotechniques.
Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui tend à rendre obligatoire une formation aux gestes de premiers secours.
Certains orateurs ont évoqué les « cinq gestes qui sauvent ». Ce sont d'abord des gestes d’alerte – prévenir les secours et baliser –, mais également des gestes élémentaires de survie. À cet égard, je sais les craintes que peut susciter la perspective de l’intervention d’un témoin dont la formation n’aurait pas été suffisante.
Je tiens à remercier la commission des lois, son président, Jean-Pierre Sueur, et sa rapporteur, Catherine Troendlé, d’avoir accompagné notre démarche en évitant l’écueil d’un renvoi au domaine réglementaire et, surtout, en ayant l’intelligence et la sagesse d’écarter l’instauration d’une troisième épreuve à l’examen du permis de conduire, pour lui substituer la présentation d’une simple attestation délivrée par une association agréée en matière de protection civile.
Sans entrer dans le domaine réglementaire, j’aimerais cependant que l’article définisse mieux le périmètre de la formation ; j’y reviendrai dans un instant en présentant les amendements que nous avons déposés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Leleux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Gournac, Lefèvre et Gaillard, Mme Giudicelli, Mlle Joissains, M. Cointat, Mmes Duchêne, Sittler, Deroche et Férat et MM. Pierre, Couderc, B. Fournier, Pinton et P. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
Cette formation
insérer les mots :
aux gestes de survie comprenant, outre l’alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Depuis trente ans, la traduction réglementaire et législative de la volonté que nous formulons a connu un certain nombre d’échecs, et je sais que la prudence commande de ne pas empiéter sur le domaine du pouvoir réglementaire.
Toutefois, il me semble que, pour parvenir à une rédaction reflétant les intentions exprimées par les différents orateurs, il conviendrait de faire référence dans le texte « aux gestes de survie comprenant, outre l’alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes ». Cette formulation recouvre les cinq gestes décrits dans tous les ouvrages de vulgarisation du secourisme, notamment dans ce livre tout récemment paru, Les premiers secours pour les nuls. (L’orateur brandit le livre.)
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Gournac, Lefèvre et Gaillard, Mlle Joissains, M. Cointat, Mmes Duchêne, Sittler et Férat, MM. Pierre, Couderc, B. Fournier, Pinton et P. Leroy et Mmes Giudicelli et Deroche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
Cette formation
insérer les mots :
aux gestes de survie
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Il s'agit d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces amendements tendent à définir la formation aux premiers secours que la proposition de loi vise à instaurer.
Cependant, les différents responsables que j’ai pu auditionner, notamment ceux des sapeurs-pompiers et le président du SAMU, ont tous souligné que procéder à la ventilation des accidentés de la route n’était pas forcément opportun. En tout état de cause, il me semble préférable de laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir le contenu de cette formation, afin de pouvoir l’adapter en fonction des avancées des techniques et des connaissances médicales, qui évoluent régulièrement.
Si le principe d’une formation obligatoire aux notions élémentaires de premiers secours doit nécessairement figurer dans la loi, y définir aussi précisément le contenu de cette formation risquerait donc, à mon sens, d'être contre-productif.
Par conséquent, je demande le retrait des amendements nos 2 rectifié bis et 3 rectifié ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Même avis, pour les raisons fort bien exposées par Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je comprends qu’il faille prendre des précautions, mais je souligne que, dans tous les textes en vigueur ailleurs en Europe, l’apprentissage de ce que l’on appelle les gestes de survie est inclus dans la formation aux premiers secours. Nous risquons d’accroître notre retard dans ce domaine par rapport à nos voisins.
Très franchement, si l’on n’apprend aux futurs conducteurs qu’à alerter et à baliser les lieux de l’accident, des blessés pourront mourir d’une régurgitation alors que le geste qui sauve est extrêmement simple : il suffit d’ouvrir légèrement la bouche de la victime et d’enlever tout ce qui peut gêner la respiration. Libérer les voies respiratoires ou opérer une compression pour stopper une hémorragie externe ne présente absolument aucun danger. L’enseignement de ces gestes figure dans toutes les formations aujourd'hui dispensées en Europe en vue de l’obtention du permis de conduire.
Je ne présume pas du contenu du futur décret d’application, mais j’aurais aimé que la loi dispose que la formation comprendra l’apprentissage de ces gestes de survie. Sinon, nous ne ferons aujourd'hui qu’un petit pas dans la bonne direction, qui restera insuffisant…
Je maintiens donc les amendements nos 2 rectifié bis et 3 rectifié.