M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en première lecture, la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur visant à instaurer un schéma régional des crématoriums.
L’étude de certaines pratiques permet de saisir les évolutions de notre société. Les rites et usages liés à la fin de vie, partagés à divers degrés par tous ses membres, en reflètent une facette importante. Ils révèlent des réalités et des constantes d’ordre religieux, spirituel, idéologique, culturel et social.
En France, nous assistons depuis un quart de siècle à une augmentation de la crémation dans les pratiques funéraires. Longtemps marginale, elle représente aujourd’hui plus de 30 % des obsèques, voire 50 % dans les grandes agglomérations.
Serions-nous en train de vivre une révolution anthropologique, appelée à progresser jusqu’à devenir la nouvelle norme ? Les rites funéraires sont manifestement soumis à des évolutions que l’on se doit de comprendre.
Autorisé en France depuis 1889, l’acte de brûler le corps d’une personne décédée, puis de recueillir ses cendres, s’est transformé en un usage funéraire répandu. Cette pratique a été encouragée par la levée de l’interdit de l’Église catholique en 1963, mais surtout par une diminution du nombre de pratiquants et de croyants en France, au départ de tradition chrétienne, la crémation étant interdite dans le judaïsme et en islam.
On observe que, dans les pays où la tradition catholique est davantage ancrée historiquement et socialement, la crémation est beaucoup moins pratiquée. Ainsi le taux de crémation est-il de 8,5 % en Italie. À l’inverse, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, relève, dans un rapport, que l’effritement des pratiques religieuses françaises « joue un rôle dans la baisse de l’inhumation au profit de la crémation ». Cette évolution ne se double pas pour autant d’un complet abandon du rite puisque 80 % des cérémonies sont réalisées dans un lieu de culte. Toujours selon le CRÉDOC, « la ritualisation ne disparaît pas, elle prend des formes nouvelles ».
Au regard des évolutions de notre société, les pratiques funéraires se trouvent en quelque sorte allégées et libérées des contingences communautaires ou sociales d’autrefois.
Les auteurs de cette proposition de loi font un constat clair : les crématoriums sont en nombre insuffisant et leur implantation géographique ne correspond pas aux besoins de la population. Il importe aujourd’hui de s’assurer d’une répartition plus équilibrée des équipements sur l’ensemble du territoire par une rationalisation de la répartition géographique des crématoriums. Cette rationalisation permettrait également d’éviter la création de crématoriums trop proches les uns des autres et n’atteignant pas un seuil de rentabilité suffisant.
La proposition de loi prévoit d’instaurer un schéma régional des crématoriums. Ce dernier aurait une valeur prescriptive. Le schéma serait arrêté par le préfet de région, après avis du conseil régional et des intercommunalités compétentes en la matière. En revanche, chaque décision d’autorisation devrait être précédée d’une enquête publique.
Ce schéma régional des crématoriums serait révisé tous les cinq ans afin d’être adapté aux besoins de la population.
Par ailleurs, je me félicite que, sur l’initiative du rapporteur, M. Lecerf, un amendement visant à prendre en compte les exigences environnementales liées à la pollution émise par les crématoriums ait été adopté.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe écologiste soutiendra ce texte, qui nous met en phase avec les développements que connaît notre société en matière de rites funéraires. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’offrir, pour ce qui est de la crémation, un dispositif mieux adapté à la population.
En 2005, nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf avaient déposé deux propositions de loi visant déjà à faire évoluer la législation funéraire. La loi de 2008 qui en a résulté a permis de renforcer les contrôles de qualification des professionnels et de développer la formation dans le secteur funéraire, mais aussi et surtout d’accompagner l’essor de la crémation en comblant certaines lacunes juridiques, notamment concernant le statut des cendres des défunts.
Depuis cette loi, les communes ou les EPCI compétents de plus de 2 000 habitants sont notamment obligés de créer un site cinéraire.
La proposition de loi visant à instaurer un schéma régional des crématoriums présentée par M. Jean-Pierre Sueur s’inscrit dans la continuité de la législation précédente. Elle résulte du constat que les équipements de ce type se trouvent en nombre insuffisant sur le territoire. En outre, leur implantation géographique est parfois inadaptée, ce qui pénalise de nombreuses familles endeuillées.
La France dispose de moins de deux crématoriums par département en moyenne, alors que l’évolution des rites funéraires depuis trente ans se traduit par une augmentation du recours à la crémation. Aujourd’hui, plus de 30 % des obsèques donnent lieu à crémation, contre 1 % en 1980.
Si l’on compare deux régions similaires par leur population, Aquitaine et Midi-Pyrénées, qui comptent environ trois millions d’habitants chacune, on constate de grandes disparités : la région Aquitaine dispose de près de deux fois plus de crématoriums que sa voisine ; certains départements de la région Midi-Pyrénées sont même totalement dépourvus de tels équipements.
Une rationalisation de l’implantation des crématoriums paraît donc pleinement justifiée pour permettre une accessibilité accrue à cette pratique funéraire.
La mise en place d’un schéma régional des crématoriums permettrait également de diminuer les coûts pour les familles et les professionnels des secteurs aujourd’hui dépourvus de ces installations.
Ainsi, sur le fond, on ne peut qu’être en accord avec cette proposition de loi. Elle tend à répondre aux préoccupations des familles, mais aussi à adapter nos infrastructures à une mutation profonde observée dans le choix des funérailles.
Cependant, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur les conséquences de ce texte. Ce sont les communes et les intercommunalités compétentes qui sont chargées de créer et de gérer les crématoriums et les sites cinéraires. Dans un contexte de baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales, la question de la capacité des communes de certains départements à assurer et assumer un tel service peut se poser dans un avenir relativement proche. Notre rapporteur a d'ailleurs souligné que, dans certains cas, les collectivités se trouvaient exposées à un risque financier non négligeable, la rentabilité des crématoriums n’étant pas toujours assurée.
Je salue l’introduction, par la commission, de considérations environnementales dans la proposition de loi, tant la France est en retard en la matière. En effet, à l’heure actuelle, rares sont les crématoriums dotés d’un système de filtrage limitant l’émission de polluants. Je rappelle que, aux termes de l’arrêté du 28 janvier 2010, qui découle de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, tous les crématoriums devront être pourvus d’un système de filtrage avant 2018. Cet impératif environnemental se traduira cependant par une hausse des coûts pour les communes. Dans le contexte de baisse des dotations aux collectivités territoriales que j’évoquais, les citoyens et les familles endeuillées devront certainement en supporter la charge.
Je salue également la modification prévoyant que la révision du schéma régional ait lieu tous les six ans, et non plus tous les cinq ans. Cela permettra de faire coïncider la durée du schéma avec celle du mandat des élus communaux et intercommunaux. Personnellement, je pense qu’un délai plus long aurait pu être retenu, étant donné le temps nécessaire pour mener à bien un tel projet.
Quoi qu’il en soit, il faut saluer le travail entrepris depuis de nombreuses années par nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf afin d’adapter notre législation à l’évolution des rituels funéraires dans notre société. Le législateur a vocation à s’atteler à des réformes liées à l’évolution de la société. La proposition de loi que nous examinons participe évidemment de cette approche. Le groupe UDI-UC la votera, car elle va dans le bon sens et tend à apporter une réponse concrète aux familles endeuillées. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ceux qui ont pris la parole avant moi l’ont dit : aujourd’hui, le choix de la crémation s’est fortement développé, et il est bon de veiller à ce que chaque citoyen ait accès à ce service, quel que soit le lieu où il vit. Il nous faut donc créer les conditions d’un tel accès.
À cet effet, notre collègue Jean-Pierre Sueur nous invite, par cette proposition de loi, à créer un schéma régional de plus ; c’est du moins ainsi que nous pourrions prendre ce texte de prime abord. Nous nous sommes dans un premier temps interrogés sur l’opportunité de ce schéma supplémentaire. En effet, en 2008, lors des débats sur la proposition de loi relative à la législation funéraire, l’idée d’un schéma avait été abandonnée. Nos collègues députés avaient préféré maintenir le système existant, toujours en vigueur, en invitant cependant le Gouvernement à inciter les préfets à réaliser des enquêtes publiques détaillées.
Cependant, le problème du faible nombre de crématoriums dans certaines zones géographiques perdure. La nécessité de fournir aux familles un équipement peut donc justifier la solution proposée quand le mécanisme des enquêtes publiques a échoué. Notre collègue Jean-René Lecerf démontre en effet, dans son rapport, que, aujourd’hui encore, dans plusieurs secteurs géographiques, le nombre de crématoriums, parce qu’il est insuffisant, ne permet pas de satisfaire les demandes des familles dans des conditions convenables ; certains de nos collègues ont évoqué les départements vides de tout service de crématorium. Il en découle des délais d’attente trop longs pour les familles et des contraintes liées à des déplacements longs et coûteux ainsi qu’à la conservation du corps jusqu’à la crémation.
L’exemple de la Loire, qui a été cité, illustre ces difficultés. Dans ce département, dont je suis issue, la crémation représente 40 % des funérailles, un chiffre supérieur à la moyenne nationale. Pourtant, il n’existe que trois crématoriums dans le département : un dans le sud, à Saint-Étienne, et deux dans le nord, qui sont très proches l’un de l’autre puisqu’ils se trouvent à Roanne et à Mably. Ces deux derniers crématoriums – l’un est public, l’autre est en gestion déléguée – se partagent le territoire roannais, alors même qu’un seul équipement pourrait suffire puisqu’ils ne sont utilisés aujourd’hui qu’à la moitié de leur capacité. En revanche, dans le centre du département, on ressent un manque : les habitants du secteur sont obligés d’aller à Roanne ou à Saint-Étienne s’ils souhaitent incinérer leurs défunts, ce qui entraîne un coût supplémentaire, notamment pour le transport du corps.
Au vu de ces difficultés, l’élaboration d’un schéma régional peut se révéler un outil intéressant. Néanmoins, il faut rester vigilant, car les crématoriums constituent des équipements coûteux. Le risque financier encouru par les communes est réel, puisque, au terme d’une délégation de service public ou en cas de faillite du délégataire, la charge de l’équipement leur incombe. Par exemple, 500 000 euros devront être déboursés d’ici à 2018 pour chacun des crématoriums de Roanne et de Mably afin de respecter des normes bien précises en matière de filtration des fumées. C’est un décret de septembre 2008 relatif à la hauteur de la cheminée des crématoriums et aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère qui impose ces travaux.
Si ces normes environnementales sont importantes – dans ce domaine comme dans les autres, nous n’avons pas pour objectif de négliger les normes qui protègent –, se pose la question du maintien de deux crématoriums dans une zone où un seul suffirait.
Ces difficultés de financement existent dans bien d’autres collectivités ; elles sont importantes. Nous n’allons pas ouvrir maintenant le débat sur le financement des collectivités territoriales ; monsieur le secrétaire d'État, nous serons amenés à nous revoir dans les semaines à venir pour débattre plus largement du devenir des collectivités, et nous poserons alors beaucoup plus fortement la question. Néanmoins, je tiens à souligner dès à présent que le financement des collectivités territoriales pose problème. C’est une réalité dont il faut tenir compte.
La proposition de loi n’imposant pas expressément l’ouverture de crématoriums, on peut s’interroger. J’ai pris l’exemple du nord de la Loire, mais je peux aussi prendre celui de la Lozère, qui a également été cité, car ce département ne dispose d’aucun crématorium. Ce n’est pas parce que l’on aura constaté qu’il y a un crématorium de trop dans la Loire que l’on en ouvrira un en Lozère, où pourtant les populations n’ont pas du tout accès à ce service. C’est la limite de ce schéma régional des crématoriums. Il représente certes une contrainte, mais n’a pas de caractère prescriptif et ne règle pas la question du financement. On peut toutefois penser que la proposition de loi aura un fort pouvoir d’incitation.
L’élaboration du schéma par le conseil régional, qui impliquera la saisine d’autres collectivités, puisque la région n’est pas forcément la collectivité pertinente, permettra le débat.
Par l’intermédiaire du préfet, l’État aura donc le pouvoir d’inciter à l’ouverture d’un crématorium dont les collectivités locales assumeront seules le coût et les risques financiers. Il faudra bien avoir tout cela en tête au moment de l’élaboration des schémas.
En dépit de cette importante remarque, la proposition de loi contribuera, nous n’en doutons pas, à une meilleure prise en compte de l’évolution des traditions funéraires dans notre pays ; c'est pourquoi nous la voterons. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien écouté les uns et les autres, mais je serai bref dans ma réponse.
Une fois n’est pas coutume, je reprendrai, en guise de conclusion provisoire de ce débat, les propos d’un membre du groupe CRC, en l’occurrence Cécile Cukierman : encore un schéma. Oui, encore un schéma, mais la voie est étroite, et c’est au Sénat, à l’Assemblée nationale, au Gouvernement de la trouver, entre la nécessité d’organiser les territoires, y compris dans le domaine funéraire, et le souci de ne pas alourdir la gestion des collectivités territoriales par trop de schémas et trop de normes.
Quant à la question du financement des crématoriums et, plus généralement, des finances locales, je vous confirme que nous aurons l’occasion de nous revoir prochainement pour en débattre.
Mme Cécile Cukierman. Je ne suis pas sûre que vous reprendrez mes propos à ce moment-là ! (Sourires.)
M. André Vallini, secrétaire d'État. Nous verrons ! (Nouveaux sourires.)
Je rejoins la préoccupation de Robert Tropeano, qui a exprimé son inquiétude quant au coût des crématoriums. La proposition de loi n’impose ni aux communes ni aux EPCI de créer des crématoriums. Il s’agit simplement d’organiser les implantations au niveau régional. Cela devrait atténuer vos inquiétudes, que je comprends, monsieur le sénateur.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis rendu compte, en vous écoutant, que la sagesse de la Haute Assemblée, à laquelle le Gouvernement s’en était remis par ma voix, était largement partagée sur toutes les travées cet après-midi.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à instaurer un schéma régional des crématoriums
Article 1er
Après l’article L. 2223-40 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2223-40-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-40-1. – I. – Un schéma régional des crématoriums est établi dans chaque région. Il a pour objet d’organiser la répartition des crématoriums sur le territoire concerné, afin de répondre aux besoins de la population, dans le respect des exigences environnementales. Il précise à ce titre, par zones géographiques, en tenant compte des équipements funéraires existants, le nombre et la dimension des crématoriums nécessaires.
« II. – Le schéma est élaboré par le représentant de l’État dans la région, en collaboration avec ceux des départements qui la composent.
« Le projet de schéma est adressé pour avis au conseil régional, au conseil national des opérations funéraires, ainsi qu’aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et aux communes de plus de 2 000 habitants compétents en matière de crématoriums. Ceux-ci se prononcent dans un délai de trois mois après la notification du projet de schéma. À défaut, leur avis est réputé favorable.
« Le schéma est arrêté par décision du représentant de l’État dans la région. Il est publié.
« III. – Le schéma est révisé tous les six ans. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bertrand, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut prévoir moins d’un crématorium par département.
Cet amendement n’est pas soutenu.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’amendement n° 1 ne sera pas soutenu, mais Alain Bertrand m’en a parlé. Dans la mesure où j’ai la possibilité, avec votre permission, monsieur le président, de m’exprimer à tout moment, je tiens à dire à notre collègue que nous comprenons totalement sa préoccupation.
Comme je l’ai souligné précédemment, quatre départements dans notre pays ne disposent d’aucun crématorium. Le cas de la Lozère est particulier ; il mérite vraiment l’attention. Les familles sont obligées de se rendre dans un département voisin, ce qui peut entraîner de très longs temps de transport, dans des conditions difficiles, la situation psychologique étant ce qu’elle est dans ces circonstances.
Sur le fond, nous prenons en compte cette préoccupation.
Pour ma part, je ne doute pas que les schémas des régions dans lesquelles se trouvent les quatre départements qui ne disposent d’aucun crématorium recommanderont la création d’un tel équipement comme étant particulièrement précieuse et utile.
Sur la forme, comme l’a indiqué M. le rapporteur en commission ce matin, il n’est évidemment pas possible d’imposer la création d’un crématorium. Il faut qu’une commune décide d’en créer un ou de recourir à une délégation de service public. Cependant, le fait que nous insistions ici sur l’intérêt de la suggestion d’Alain Bertrand, que nous disions qu’il nous paraîtrait naturel que le préfet et le conseil régional veillent à ce que la situation des territoires soit prise en compte, aidera sans nul doute à répondre à la légitime préoccupation de notre collègue.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Vandierendonck, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'évaluation des besoins de la population tient compte, le cas échéant, de ceux des populations immédiatement limitrophes sur le territoire national ou à l'étranger.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à préciser que le schéma régional des crématoriums prend en compte la dimension transfrontalière des besoins dans les régions concernées. René Vandierendonck pensait particulièrement à la Belgique, mais il va de soi que nous pensons également à l’Allemagne, à la Suisse, à l’Italie ou encore à l’Espagne, bref, là où la problématique transfrontalière est pertinente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement visait initialement à imposer au préfet de prendre en compte les besoins de la population sans réduire celle-ci à la seule population du département ou de la région, en intégrant la dimension transfrontalière.
La question soulevée était tout à fait pertinente, mais elle aurait aussi pu être posée à propos de zones frontalières avec une autre région. C’est la raison pour laquelle j’ai suggéré une légère rectification de l’amendement, pour qu’il puisse viser toutes les situations dans lesquelles la population concernée s’étend à celle des territoires limitrophes. Cette recommandation ayant été suivie, l’avis de la commission est tout à fait favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. L’objet de cet amendement est de préciser que le schéma régional des crématoriums prendra en compte la dimension transfrontalière des besoins dans les régions concernées.
L’amendement pose la question de la situation particulière que peuvent rencontrer les habitants des régions transfrontalières, soumis à des contraintes juridiques lorsque le décès ne se produit pas dans le pays d’origine du défunt.
Néanmoins, il sera sans doute difficile, pour le préfet de région, de déterminer avec précision les besoins des populations concernées par cette dimension transfrontalière, notamment ceux des personnes qui sont domiciliées à l’étranger. Je pense, en particulier, aux personnes vivant dans un établissement de soins, un établissement pour personnes âgées ou une résidence secondaire, pour lesquelles les données fiables manqueront à l’évidence.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je trouve assez réjouissant d’avoir à débattre d’un tel amendement dans le cadre de la discussion d’un texte aussi sérieux… (Exclamations amusées.)
Finalement, la coopération transfrontalière pourra s’organiser plus vite en matière de crématoriums qu’en termes de réponse aux besoins économiques ou à d’autres sujets de préoccupation plus habituels : je trouve que c’est un très bon signal ! (Sourires.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 2, présenté par M. Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
en collaboration avec
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
les représentants de l’État dans les départements qui la composent.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement rédactionnel particulièrement bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Vandierendonck, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le corps d’une personne décédée dans un pays frontalier doit être rapatrié dans une commune française située dans un rayon maximum de cinquante kilomètres du lieu de fermeture du cercueil, son transport s’effectue dans un cercueil répondant aux normes en vigueur dans le pays de mise en bière. Le permis d’inhumer ou de crématiser, délivré par l’autorité compétente en France, tient lieu de laissez-passer.
Un décret précise les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a déjà été longuement défendu lors de la discussion générale. Il s’agit de simplifier la législation pour les transports transfrontaliers de corps sur quelques kilomètres. Il s’agit en fait d’un amendement d’appel à la négociation de conventions bilatérales, en particulier entre la France et la Belgique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à répondre à une situation que nous savons douloureuse et incompréhensible pour les familles : il n’est pas toujours possible de procéder à la crémation en France des personnes décédées sur le territoire d’un État étranger qui avaient émis un tel vœu.
En effet, le cercueil utilisé pour le transport du corps contient parfois, conformément aux prescriptions locales, des éléments métalliques, comme le zinc, qui le rendent impropre à la crémation en France, compte tenu de la nature de nos équipements. Il faut donc ouvrir le cercueil scellé pour placer le corps dans un nouveau cercueil, démarche qui est d’une infinie complexité pour les familles, voire quasiment impossible à réaliser.
Les auteurs de l’amendement proposent d’imposer que le transport s’effectue dans un cercueil conforme aux normes françaises de crémation, ce qui revient à imposer à des autorités étrangères, qui seules sont habilitées à organiser les conditions initiales de ce transport, le respect de la réglementation française. Prévoir une telle exigence n’est pas du ressort de la loi, c’est pourquoi M. Leconte a indiqué qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
Il est préférable de s’en remettre aux négociations engagées par le Gouvernement. Je proposerai par conséquent aux auteurs de l’amendement de retirer celui-ci, au bénéfice des explications que M. le secrétaire d’État voudra bien nous donner.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Deux accords internationaux signés et ratifiés par la France, l’arrangement de Berlin de 1937 et l’accord de Strasbourg de 1973, régissent les transports internationaux des corps des personnes décédées.
Lorsque le pays de destination du corps est signataire de l’un ou de l’autre de ces deux textes, des formalités administratives allégées spécifiques sont appliquées. Les principales difficultés tiennent aux prescriptions techniques applicables aux cercueils utilisés pour procéder au transport des corps, qui soit sont métalliques, soit contiennent du zinc, ce qui les rend incompatibles avec la crémation.
L’objet de cet amendement est d’alléger les contraintes pesant sur les transports de corps entre deux pays frontaliers pour permettre aux personnes qui en avaient émis le souhait d’être incinérées en France.
Sur ce point, je souhaite vous assurer que le Gouvernement est conscient des difficultés posées par le transport transfrontalier de corps. Les ministères de l’intérieur, des affaires étrangères et de la décentralisation travaillent depuis plusieurs mois en vue d’élaborer des projets d’accords bilatéraux avec l’Espagne et avec la Belgique. Ils n’ont pas eu connaissance de difficultés particulières avec le Luxembourg, mais le travail ainsi réalisé pourrait servir de base de discussion pour l’élaboration d’autres conventions bilatérales avec les pays signataires de l’arrangement de Berlin, à savoir l’Allemagne et l’Italie, ou de l’accord de Strasbourg, c’est-à-dire, outre l’Espagne et la Belgique, Andorre, le Luxembourg et la Suisse.
S’agissant du projet de convention bilatérale avec l’Espagne, il porte notamment sur le cas particulier de l’hôpital franco-espagnol de Puigcerdà, construit dans le cadre d’un groupement européen de coopération territoriale pour augmenter l’offre de soins dans la vallée de Cerdagne, de part et d’autre de la frontière franco-espagnole.
Toutefois, les autorités espagnoles et françaises travaillent en parallèle sur un projet d’accord de coopération judiciaire, qui relève d’une compétence plus spécifique des ministères de la justice en France et en Espagne.
Le ministère des affaires étrangères a indiqué à nos services que le volet relatif au transport de corps ne pourrait intervenir que dans un second temps, compte tenu du climat politique actuellement tendu entre Madrid et Barcelone.
S’agissant du projet de convention bilatérale avec la Belgique, les autorités belges se sont montrées favorables à la signature d’un accord bilatéral avec la France, qui concernerait le gouvernement du Royaume de Belgique, le gouvernement de la Région wallonne, le gouvernement de la Région flamande et le gouvernement de la Région Bruxelles-capitale. Dans la perspective d’une conclusion prochaine, les services du ministère des affaires étrangères et la direction générale des collectivités locales du ministère de l’intérieur finalisent en ce moment un projet de convention.
Le Gouvernement regrette de ne pouvoir donner un avis favorable à cet amendement. En effet, le droit interne ne saurait déroger à une convention internationale signée et ratifiée. C’est la raison pour laquelle je vous demande moi aussi, monsieur Leconte, de bien vouloir retirer votre amendement.