M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne relève que pour l’anecdote – et pourtant… – que, en changeant ce nom, le législateur créerait une nouvelle norme, laquelle viendrait s’ajouter aux 400 000 normes dont on voudrait réduire le nombre et le coût. Ce coût s’élève en effet à 1,2 milliard d'euros par an. Si j’ai bien compris, l’objectif serait de le réduire de 15 millions d'euros.
Par ailleurs, je ne peux me résoudre à accepter la nouvelle énumération des pouvoirs du maire. La police territoriale aura désormais pour objet « la tranquillité », « la prévention et la surveillance du bon ordre ». Fort heureusement, la notion de « moralité », dont la portée eût mérité d’abondants commentaires, et celle de « commodité » de la circulation sont supprimées. La compétence des maires en matière de police municipale est chose trop sérieuse pour que l’on puisse se dispenser d’une réflexion approfondie avant toute tentative de réécriture.
Enfin, je soutiendrai l’amendement de suppression de l’article 18, qui interdit la coexistence d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et d’un conseil intercommunal de même nature, mais élargi. J’observe que l’article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure n’ouvrait qu’une possibilité, et non une obligation, et que c’était là le moyen de mieux répondre, par une solution adaptée, aux problèmes rencontrés sur le terrain.
Madame la rapporteur, monsieur le ministre, je souhaite vivement, comme mes collègues, notamment ceux du RDSE, que l’on trouve des modes de fonctionnement harmonieux et harmonisés dans tous les domaines de l’action publique susceptibles de servir nos concitoyens. Améliorer le fonctionnement et l’organisation des polices municipales est une ambition à laquelle j’adhère, même si je pense que l’on aurait pu aller plus loin, par exemple en matière d’accès à des fichiers réglementaires ou de mutualisation.
Une telle amélioration a un prix, à savoir l’adoption des amendements déposés par le groupe du RDSE. Notre vote en dépendra. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP. –Mme la rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, en 2012, nos collègues René Vandierendonck et François Pillet rendaient publiques les recommandations de leur mission d’information sur les polices municipales. Plusieurs de ces recommandations, et non des moindres, ont été reprises dans la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Nous ne pouvons que nous féliciter une nouvelle fois que les travaux conduits par le Sénat trouvent rapidement une traduction législative. Cela montre à ceux qui en doutent que le Sénat travaille et qu’il est utile à notre République.
Commençons par faire un rapide état des lieux. Les effectifs des polices municipales représentent aujourd’hui un peu moins de 10 % des effectifs cumulés de la police – 113 000 – et de la gendarmerie – 94 000 – nationales. Aujourd’hui, 18 000 policiers municipaux exercent leurs missions dans plus de 3 000 communes. Ils étaient quatre fois moins il y a trente ans. Ces quelques chiffres montrent que la police municipale correspond aujourd'hui à une réalité concrète et qu’elle est très différente suivant les communes. En effet, moins d’une dizaine de communes ont des effectifs supérieurs à cent agents, et la moitié des villes possédant une police municipale ne disposent que d’un seul agent.
Cette grande hétérogénéité se retrouve également au niveau des équipements, et notamment du type d’armement dont sont dotés les agents. Elle s’observe aussi concernant les missions confiées aux polices municipales. Dans de nombreuses communes, les agents de police municipale exercent, de jour uniquement, une activité de police administrative qui inclut par exemple la surveillance des marchés. Dans d’autres communes, ils effectuent de véritables missions de sécurité publique, éventuellement de nuit, en complément et même parfois – trop souvent, peut-être – à la place des services de l’État.
C’est en raison de ces importants contrastes qu’il convient de ne pas déroger au principe selon lequel les polices municipales interviennent en complément de la police ou de la gendarmerie nationales. En effet, pour les socialistes, seules les forces régaliennes sont à même d’assurer sur l’ensemble du territoire l’égalité de tous les citoyens en matière de sécurité et d’œuvrer efficacement contre les agissements des criminels et des délinquants, qui, nous le savons tous, ne s’arrêtent pas aux frontières des communes.
Malheureusement, les effectifs de police et de gendarmerie nationales ont connu une très forte érosion durant les deux précédents quinquennats. Même si ce mouvement a été stoppé avec le changement de majorité, qui a entraîné l’arrivée de renforts – ils étaient très attendus – dans les commissariats et les gendarmeries, nous savons tous que les maires de France ont été confrontés à des diminutions importantes d’effectifs. À cet égard, je tiens à remercier l’actuel ministre de l’intérieur, comme le précédent, d’avoir érigé en priorité le renforcement des effectifs des forces régaliennes.
À titre d’exemple, lorsque j’ai été élu maire de Clamart en 2001, 130 agents étaient affectés au commissariat municipal, alors qu’ils n’étaient plus que 97 en 2011. Force est donc de constater que la diminution a été très forte.
Pour autant, il ne faut pas que la police municipale se substitue à l’État. Elle a en effet vocation à accompagner les forces régaliennes et, dans la mesure où les effectifs de celles-ci se révèlent souvent insuffisants, à les décharger de tâches annexes afin qu’elles puissent se concentrer sur les missions qui ne sauraient incomber à des services municipaux.
Il y a dans notre pays un droit à la sécurité, et nos concitoyens sont extrêmement sensibles à cette question. L’augmentation de la délinquance, notamment celle qui touche les personnes, renforce le besoin de sécurité. Nous devons donc préserver le principe d’égalité républicaine, qui est essentiel.
Si l’État venait un jour à s’en remettre très largement aux communes pour assurer la sécurité de nos concitoyens, nous serions immédiatement confrontés, selon les territoires, à une inadéquation entre les besoins et les moyens et, partant, à de grandes inégalités. Les villes ayant d’importantes ressources fiscales pourraient se doter d’effectifs adaptés. C’est d’ailleurs déjà le cas, comme on peut parfois le constater. En revanche, les communes ayant peu de moyens seraient bien sûr démunies.
L’égalité républicaine est donc susceptible d’être rompue sur un point pourtant primordial : le droit à la sécurité des personnes et des biens.
À titre d’exemple, permettez-moi d’évoquer un cas que je connais bien, à savoir celui de l’Île-de-France. Cette région très urbanisée concentre une importante proportion des crimes et délits commis en France du fait même de cette urbanisation. Il se trouve justement que les quatre communes franciliennes les mieux dotées en termes de police municipale font partie de mon département, à savoir Rueil-Malmaison, Levallois-Perret, Puteaux et Courbevoie.
Or il ne vous aura pas échappé, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ces communes ne sont pas celles où se concentre fortement l’insécurité, même si elles connaissent, comme partout, des difficultés. En revanche, elles sont riches grâce notamment à l’activité économique du site de La Défense. Cet exemple est très parlant : lorsque les villes disposent de ressources fiscales importantes, elles ont les moyens d’avoir des polices municipales nombreuses et plus efficaces dans la lutte contre la délinquance. C’est injuste bien sûr. Nous devons donc faire en sorte de ne pas accroître ces inégalités territoriales.
Si nous ne devons pas hésiter à rappeler le principe d’égalité – j’ai d’ailleurs entendu que nos amis du groupe écologiste et du groupe CRC avaient également insisté sur ce point –, nous devons également avoir pleinement conscience de l’utilité et du rôle essentiel que jouent aujourd’hui les polices municipales en matière de service public à l’échelon communal, voire, demain, de plus en plus, à l’échelon intercommunal.
Les policiers municipaux sont aujourd’hui des acteurs bien identifiés par nos citoyens, proches des habitants, ce qui en fait une « police du quotidien », pour reprendre l’expression de Mme Assassi. C’est avant tout à cette qualité de la police municipale que nos concitoyens sont attachés. Certes, il y a, et il y aura toujours, malheureusement, quelques cow-boys engendrant des dérives, mais ils ne doivent pas nuire à l’image des 18 000 policiers municipaux qui remplissent leur mission avec un très grand professionnalisme.
Mes chers collègues, nous devons renforcer ce lien en organisant mieux le fonctionnement des polices municipales. Tel est justement l’objet de ce texte. Ses auteurs proposent de créer des polices territoriales en intégrant dans le même cadre d’emplois les agents de police municipale et les gardes champêtres. Les missions de ces derniers seront préservées, l’objectif étant que toutes les missions puissent demain être exercées par l’ensemble des agents de ce nouveau cadre d’emplois, grâce à des avancées en matière de formation. M. le ministre a ainsi indiqué que la durée de la formation des gardes champêtres allait passer de trois mois à six mois, ce qui, à mes yeux, est extrêmement positif. Il en va de même des futures évolutions de carrière qui leur seront ouvertes.
Le débat sur le nom a été largement engagé : doit-on parler de police « territoriale », de police « municipale » ou même, comme je l’ai entendu, de police « locale » ? Certes, ce débat est intéressant, mais je ne pense pas qu’il nous faille concentrer toutes nos énergies sur cette question. Ce qui compte, c’est le contenu et le fait de mieux organiser les polices municipales.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Philippe Kaltenbach. Nous verrons ensuite, au cours du débat, ici même au Sénat, puis lors de la navette avec l’Assemblée nationale, quel terme il conviendra de retenir.
Personnellement, ayant été maire pendant treize ans, je suis, comme M. Cazeneuve, sensible aux aspects financiers de cette question. Si ces modifications devaient avoir des coûts importants pour les communes, à un moment où le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas très bien dotées, nous serions alors dans un mauvais tempo. Prenons donc le temps de bien réfléchir à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, il faut également – et je sais que certains sénateurs socialistes défendront des amendements en ce sens – bien marquer la différence entre la police nationale et les polices territoriales, municipales ou locales, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés et de confusion dans l’esprit de nos concitoyens.
J’en viens maintenant à la nouvelle rédaction proposée par le texte pour l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, lequel définit les pouvoirs de police générale du maire et résulte de l’accumulation progressive de nombreuses modifications législatives.
Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité clarifier cette rédaction, ce qui est une très bonne chose.
Par souci de lisibilité, l’énumération des compétences est désormais ramassée en sept notions cardinales : la tranquillité, la sécurité, la salubrité publique, la prévention et la surveillance du bon ordre, ainsi que la sûreté et la commodité de la circulation sur la voie publique.
Des efforts importants sont également prévus en matière de formation, ce qui est aujourd’hui un enjeu essentiel pour les polices municipales comme pour toute la fonction publique territoriale. Ainsi, la délivrance de l’agrément du procureur de la République et du préfet sera désormais subordonnée à la transmission des avis de fin de formation initiale délivrés par le président du CNFPT. Il s’agit là selon moi d’une avancée, car cela permettra de s’assurer de la bonne formation et de l’efficacité des agents de police municipale.
Par ailleurs, la proposition de loi modifie le régime des conventions de coordination. Pour ma part, je suis favorable, tout comme l’ensemble du groupe socialiste, ainsi que la commission des lois, à ce que ces conventions soient signées par le procureur de la République. C’est d’ailleurs déjà le cas dans certains départements.
M. René Vandierendonck. C’est vrai !
M. Philippe Kaltenbach. Je ne pense pas qu’une telle procédure soit source de lourdeurs, de dysfonctionnements ou d’ambiguïtés. Lorsque des acteurs travaillent ensemble, font de la coproduction en matière de sécurité – à cet égard, j’adhère au slogan : « la sécurité, c’est l’affaire de tous ! » –, ils peuvent tous signer un document commun, telles les conventions de coordination. Il faut donner toute sa force à un tel partenariat, indispensable pour faire reculer l’insécurité et rassurer nos concitoyens. Il faut véritablement mobiliser toutes les forces, à savoir la police, la gendarmerie, mais également la justice et les collectivités locales. La signature des conventions sera, je pense, extrêmement positive.
En matière de fichiers, le groupe socialiste soutient totalement les amendements déposés par Mme la rapporteur au nom de la commission des lois. Il faut que les polices municipales aient accès aux fichiers.
Pour revenir aux conventions, j’ai moi-même proposé des amendements tendant à prévoir que le maire, qui en est le signataire, ne soit pas le seul informé, car j’estime que le conseil municipal doit avoir connaissance des dispositions qu’elles contiennent. Il est vrai que lorsqu’on parle sécurité, on pense en premier lieu au maire, mais, à mon sens, il n’est pas inutile qu’un débat ait lieu au sein du conseil municipal sur les conventions. Cela permettra l’information et du conseil et, de fait, de l’ensemble des citoyens. On pourrait même imaginer que des inflexions à la convention puissent être apportées afin de tenir compte des propositions formulées par les conseillers municipaux.
C’est en associant le plus grand nombre d’acteurs que l’on parviendra à un consensus le plus large possible en matière de sécurité et, partant, que l’on pourra mobiliser toutes les énergies.
Je me félicite enfin que ce texte reconnaisse le travail effectué par les ASVP et qu’un accès à une formation obligatoire leur soit ouvert, mais également que soit clarifiée la nature des activités des assistants temporaires de police municipale, celle-ci ayant connu des évolutions ces dernières années. Cette proposition de loi vient à point nommé pour rappeler les règles et bien encadrer l’exercice des missions de ces agents.
Pour conclure, je tiens à saluer l’excellent travail des deux auteurs de la proposition de loi, qui ont œuvré de manière consensuelle, au-delà des clivages politiques. Je rends également hommage au travail de Mme la rapporteur, qui a permis d’enrichir encore la proposition de loi.
Mes chers collègues, sur ces questions de sécurité, n’ayons pas une vision politique ou idéologique.
Mme Éliane Assassi. Ce ne sont pas des gros mots !
M. Philippe Kaltenbach. Je n’ai pas dit cela, madame Assassi, j’ai juste dit qu’il fallait essayer de dépasser les clivages politiques sur ces questions, car tous nos concitoyens sont attachés à la sécurité. Si nous pouvons trouver des solutions pragmatiques et efficaces, les Français s’en porteront d’autant mieux. Cela n’empêche pas les divergences sur certains points. En revanche, sur le contenu et l’architecture de cette proposition de loi, force est de constater qu’il existe un consensus assez large, ce dont il faut se féliciter, car c’est ce qui permet à notre pays d’avancer.
Je sais également que ce travail a pu être réalisé grâce à l’écoute des deux ministres de l’intérieur qui se sont succédé, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Qu’ils en soient ici remerciés.
J’exprime aussi ma reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à l’enrichissement de la proposition de loi, comme les syndicats, l’Association des maires de France, ou encore la Commission consultative des polices municipales.
Ce texte permettra de mieux accompagner les polices territoriales dans l’exercice de leurs missions quotidiennes, au plus près des habitants, et de renforcer leur complémentarité avec les forces régaliennes, grâce à un partenariat renouvelé. Aussi le groupe socialiste soutiendra-t-il cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc de la commission. – Mme Catherine Troendlé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon intervention en félicitant, certes un peu tardivement, nos deux collègues, François Pillet et René Vandierendonck, dont le rapport d’information sur la police municipale a fait l’objet d’un consensus aussi rare que remarqué.
La commission des lois avait anticipé la mutation d’un paysage pouvant devenir difficile à déchiffrer pour nos concitoyens.
Pour réussir l’adaptation au pays réel, les auteurs du rapport ont établi des constats et traité courageusement les problèmes soulevés en proposant une série de réponses pragmatiques et de bon sens. Ce remarquable travail de réflexion a cheminé, de septembre 2012 à aujourd’hui, pour aboutir, in fine, à la proposition de loi dont nos deux collègues sont les coauteurs.
Dans un premier temps, je rappellerai l’intérêt des grandes orientations initiales, avant d’aborder la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Pour finir, je vous proposerai, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de ce texte, qui fait largement consensus, quelques pistes supplémentaires pour tenter d’améliorer la situation actuelle.
Dans leur rapport, nos collègues définissaient six axes principaux, déclinés en vingt-cinq propositions très concrètes.
Monsieur le ministre, en tant que maire – vous-même l’avez été –, je suis en phase avec l’essentiel de ce travail. En effet, une première orientation positive suggérait de fusionner dans un seul corps, appelé « police territoriale », les policiers municipaux et les gardes champêtres. Il s’agit d’une proposition de bon sens, dans la mesure où ces derniers exercent des compétences très proches de celles de la police municipale. Pour autant, je ne suis pas favorable à l’abandon de l’appellation « police municipale », qui a une résonance forte. En outre, ce changement pourrait s’avérer coûteux par les temps qui courent.
Un autre axe de réflexion a permis de soulever un véritable problème, à savoir la nécessité urgente d’améliorer la coopération entre les polices municipales et les forces nationales dans le cadre de conventions de coordination rénovées. Mieux articuler, mieux coordonner, rendre plus complémentaire sur le terrain, et pas de manière unilatérale, l’action de ces deux forces, qui, aujourd’hui, travaillent trop souvent encore de manière parallèle ou dispersée, constituent un impératif absolu. Vous avez raison, monsieur le ministre, la sécurité est une coproduction !
M. Louis Nègre. Cette reconnaissance et ce soutien mutuels, dans le cadre strict des missions de la police municipale, permettront fort justement de renforcer cette police locale.
Une disposition du texte tend à valoriser les parcours professionnels au sein de la filière sécurité. Au moment où les effectifs de la police municipale sont de plus en plus présents sur le terrain, où ils complètent très heureusement l’insuffisance des forces de la police nationale face à l’augmentation de la délinquance, il est normal que leur fonction, reconnue d’ailleurs par la population, soit revalorisée.
Il me paraît également très positif d’accorder un cadre d’emplois digne de ce nom aux ASVP. Cependant, cette revalorisation des carrières et la reconnaissance de ces agents en tant que policiers à part entière ne peuvent effectivement être envisagées que si le dispositif de formation est renforcé, pour être à la hauteur de cette ambition, comme l’ont souligné à juste raison les deux coauteurs de la proposition de loi.
Enfin, ces derniers ont proposé une série de dispositions qu’ils ont joliment appelées « les voies de l’optimisation ». Il s’agit effectivement, pour la très grande majorité d’entre elles, de demandes pragmatiques correspondant à des besoins absolus de la police municipale, dans les limites de ses compétences. Y répondre favorablement est une nécessité si nous voulons réellement et concrètement, et non pas simplement en paroles, combattre efficacement la petite délinquance qui pourrit la vie de nos compatriotes.
De ce rapport initial est donc issue la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je lui consacrerai la seconde partie de mon intervention, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues.
Cette proposition de loi s’inscrit bien sûr dans la logique du rapport de septembre 2012, dont elle est en partie – en petite partie – la traduction concrète. Le texte qui nous est soumis prévoit un ensemble de mesures positives, comme l’a souligné Mme la rapporteur. Elles vont du regroupement du cadre d’emplois des polices municipales et des gardes champêtres, en passant par la réécriture de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dans un souci d’adaptation aux réalités de l’époque, par le renforcement tant du dispositif de formation des agents que des conventions de coordination, jusqu’à la prise en compte de l’intercommunalité.
Ces avancées sont significatives. Il n’en demeure pas moins qu’elles sont limitées, surtout quand on les compare aux vingt-cinq propositions initiales du rapport d’information. L’un d’entre nous a d’ailleurs parlé d’un « simple aménagement ». Pour tout dire, je reste quelque peu sur ma faim, pour ne pas parler de déception.
J’ai constaté que, sur les vingt-trois articles que comptait initialement cette proposition de loi, treize sont consacrés au changement de terminologie – « police municipale » devient « police territoriale ». Je suis tenté de dire : «Tout ça pour ça ! » Dans ces conditions, une lecture rapide donne le sentiment d’un texte minimaliste. Visiblement, le rapport a fait l’objet d’un amaigrissement textuel impressionnant. C’est dommage !
La police municipale, qui occupe désormais une place incontournable en matière de prévention de la délinquance et de sécurité des Français, aurait mérité, après des années de discussion, un texte fondateur inspiré par une vision et un projet plus ambitieux, mais toujours dans le cadre d’une police de proximité.
La proposition de loi de nos collègues a cependant le mérite d’entrouvrir la porte. Elle constitue la première marche vers une évolution souhaitée. C’est ainsi que la commission des lois, dans un état esprit de très large consensus, a créé cinq nouveaux articles qui s’inscrivent dans le droit fil du rapport, notamment en ce qui concerne l’accès aux fichiers, dans le strict cadre des compétences des polices municipales, je le rappelle.
Nous espérons, monsieur le ministre, que ces articles seront soutenus par le Gouvernement, compte tenu de leur importance pour l’avenir de la police municipale. Le texte issu de la commission des lois correspond déjà beaucoup mieux aux attentes des maires, qui sont en première ligne pour gérer la tranquillité dans leurs communes.
Cependant, la législation comporte encore des lacunes qui nuisent à la cohérence d’un cadre d’emplois équilibré et efficace. J’ai donc déposé des amendements d’appel, monsieur le ministre, visant à permettre à la police locale de disposer de référentiels nationaux, d’utiliser plus largement la procédure de l’amende forfaitaire, de bénéficier de l’interconnexion des radiotransmissions ou de procéder à des contrôles routiers dans un cadre légal stabilisé, tous actes qui n’entraîneront aucune révolution copernicienne, mais qui devraient permettre une meilleure utilisation des moyens disponibles.
Monsieur le ministre, j’ose espérer que, dans le cadre de cette discussion, vous pourrez et nous pourrons en tenir compte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de la discussion générale, je tiens à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés et ont apporté une contribution extrêmement utile, positive et pondérée à ce débat. Je rends également hommage aux travaux conduits par les deux coauteurs de la proposition de loi et par Mme la rapporteur.
J’en profiterai pour apporter quelques réponses les plus argumentées possible aux interrogations qui ont été soulevées, en reprenant les arguments évoqués de façon transversale, au-delà les sensibilités politiques.
La première préoccupation que vous avez exprimée est claire : il ne faut pas que ce que nous faisons pour les polices municipales serve de prétexte à l’État pour se désengager de ses missions. J’ai senti que cette préoccupation était d’autant plus forte que les orateurs appartenaient à l’opposition, ce qui est classique. Il est en effet assez normal, quand on est dans l’opposition, d’interpeller le Gouvernement sur sa capacité à maintenir des moyens.
Je veux donc rassurer les sénateurs et sénatrices de l’opposition sur nos intentions, en rappelant, sans esprit polémique, la réalité : les forces de police et de gendarmerie ont perdu, au cours des sept dernières années, 13 720 emplois. Depuis 2012, il a été mis fin à cette hémorragie, 500 emplois ayant été créés par an, dont bénéficient simultanément les forces de police et de gendarmerie. Je conviens que, compte tenu des réductions d’effectifs passées et de l’effort que nous consentons, il faudra attendre de nombreuses années avant que ce qui a été détruit soit réparé. Cela dit, convenez que la création de 500 emplois supplémentaires par an représente une orientation très différente de celle qui consistait à supprimer plusieurs milliers d’emplois par an.
Je tiens donc à insister sur ce point : nous n’avons aucune intention de nous désengager, nous avons même entrepris une démarche de réparation des suppressions d’emplois qui sont intervenues en nombre au cours des précédentes années.
Nous souhaitons réparer les dégâts non seulement en créant des emplois, mais aussi en accordant aux forces les moyens nécessaires pour intervenir dans de bonnes conditions sur le terrain. J’insiste sur ce point à l’intention de Mme Assassi, qui s’interrogeait sur le désengagement de l’État et sur sa capacité à assurer des moyens suffisants. Nous créons des postes et nous faisons en sorte que les moyens suivent.
Sans trahir ce que sera la suite de la discussion budgétaire, car je ne dispose pas de tous les éléments pour savoir comment elle aboutira, je puis vous dire que, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014, j’ai essayé d’obtenir que les moyens « hors titre II » – c’est-à-dire hors dépenses de personnels de la police et de la gendarmerie – soient maintenus, en faisant en sorte que les efforts portent sur la réserve et non sur les crédits disponibles. Nous aurons ainsi la garantie de ne pas nous trouver privés des moyens qui nous ont été alloués pour l’exercice budgétaire 2014. Les crédits qui seront gelés le seront par augmentation de la réserve, ce qui n’obérera pas notre capacité à bénéficier du dégel, à l’instar de ce qui s’est passé l’an dernier.
En effet, l’an dernier, alors que j’exerçais les responsabilités de ministre délégué au budget, j’avais accepté, à la demande du ministre de l’intérieur de l’époque et des directeurs généraux de la gendarmerie et de la police, que l’on dégelât des crédits dont les forces de sécurité avaient besoin pour assumer correctement leurs missions.
J’insiste donc sur ce point : quand les emplois diminuent et quand les crédits sont rabotés, il faut le dire et l’assumer – en tant que ministre délégué au budget, j’ai eu à le faire devant vous à plusieurs reprises au cours des derniers mois –, mais quand les effectifs augmentent et quand les crédits sont maintenus, il faut le reconnaître.
Mme Assassi s’est également interrogée sur le fait de savoir si nous consentirions les efforts catégoriels nécessaires pour donner à la police municipale la motivation dont elle a besoin pour bien exercer ses missions – c’était le deuxième volet de ses interrogations, après celui portant sur la substitution de la police municipale à la police nationale. Eh bien, oui ! Nous avons pris des mesures en faveur de la catégorie C dont vous savez qu’elles se traduisent, en 2014 et en 2015, par des augmentations comprises entre 400 euros et 700 euros.
Il n’y a donc pas de désengagement de l’État ni de substitution de la police municipale à la police nationale. Il n’y a pas non plus de dévalorisation de la police municipale ni de sacrifices demandés à ses agents. Au contraire, nous avons la volonté de bien faire les choses.
M. Placé m’a interrogé sur les effets du rapprochement des gardes champêtres et des polices municipales sur les missions environnementales précédemment exercées par les gardes champêtres. Je tiens à le rassurer immédiatement : il n’est pas question pour nous, compte tenu de ce que représentent les enjeux environnementaux, de profiter de ce rapprochement pour minorer l’intervention de ces acteurs dans le champ de la police environnementale. Ce serait une erreur et une faute. Tel n’est pas l’objectif des auteurs de la proposition de loi. Soyez donc tout à fait rassuré, monsieur le sénateur.
Mme la sénatrice Escoffier et d’autres sénateurs ont évoqué la question de l’appellation de la police qui intervient dans les territoires. Je comprends les préoccupations formulées par ceux d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui souhaitent procéder à une telle modification. Cependant, par tempérament autant que par sens des réalités, j’estime qu’il n’est pas indiqué de consacrer beaucoup de temps à envisager des modifications qui vont entraîner des coûts significatifs. En effet, le coût du changement des tenues, des écussons, des plaques, des signalisations, etc. a été évalué par mes services à plus de 15 millions d’euros. Cette évaluation n’est pas destinée à faire peur ; au contraire, elle a été établie de manière assez scrupuleuse. Il me semble préférable de faire œuvre utile en utilisant cette somme pour améliorer les équipements, changer les véhicules et organiser des opérations de prévention.
Je ne suis donc pas favorable à ce changement d’appellation, non seulement pour des raisons symboliques, mais surtout, dans un contexte où l’argent public est rare, parce qu’il entraînerait des coûts alors que nous ne disposons pas toujours des moyens permettant d’assurer nos missions premières.
J’ajouterai un mot, enfin, sur l’importance de la coproduction dans le domaine de la sécurité. Après avoir rappelé la volonté du Gouvernement de ne pas substituer ni opposer une force à une autre, j’insiste sur le fait que la coproduction garantit que, sur les territoires, l’objectif de maîtrise et de neutralisation des délinquants sera atteint, y compris dans les zones où la délinquance prend parfois des formes spectaculaires ou est enracinée depuis longtemps.
Je ne veux stigmatiser aucune ville, mais j’ai pu constater avec un vif intérêt, lors d’un récent déplacement à Marseille, les effets de la parfaite articulation entre l’action de la mairie, qui a recruté plusieurs centaines de policiers municipaux et mis en place un centre de vidéoprotection, et celle de l’État. Cette politique, menée sous l’impulsion du sénateur-maire Jean-Claude Gaudin, dans un esprit exemplaire de collaboration entre police municipale et police nationale, donne des résultats que nous n’atteindrions jamais sans cette coproduction.
La sécurité est donc le fruit d’une coproduction des forces de police nationale, de gendarmerie et de police municipale. La sécurité suppose la capacité de mettre en place des forces de sécurité pour enquêter sur les infractions, arrêter et neutraliser les délinquants. Elle exige également que les collectivités locales, en liaison avec l’État, aient la capacité d’engager des actions de prévention, qui sont aussi très importantes.
La coproduction est le vecteur des politiques de sécurité lorsque celles-ci donnent des résultats efficaces.
C'est la raison pour laquelle la proposition de loi – j’en remercie d’ailleurs les auteurs, ainsi que Mme la rapporteur – prévoit une convention, laquelle est hautement souhaitable et absolument indispensable. La signature de cette convention sera précédée d’un travail de collaboration entre l’ensemble des acteurs locaux de sécurité afin d’obtenir des résultats grâce à la mise en œuvre de dispositifs opérationnels et efficaces. Nous avons grandement besoin de ce diagnostic. Sur ce point, j’attire là aussi votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu’il est préférable que la signature de ces conventions ne se fasse pas dans la confusion.
À cet égard, il est indispensable, je le répète, d’associer les procureurs au dispositif de pilotage, sans aller toutefois jusqu’à leur demander de signer le projet de convention ou de donner leur accord au préalable.
Enfin, je ne clôturerai pas ma réponse sans vous rassurer, madame Troendlé, sur le devenir des brigades vertes, dont vous nous avez convaincus de l’efficacité en matière environnementale.
Vous le comprendrez, je ne propose bien entendu pas d’étendre le droit local alsacien-mosellan à tout le territoire national…