Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
(Non modifié)
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception du II de l’article 15, qui n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
Mme la présidente. L'amendement n° 117, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les articles 1er à 11 quater, les articles 13 à 14, le I de l’article 15, les articles 15 sexies à 18 ter, les I, II, III et VI de l’article 18 quater, les articles 18 quinquies à 20 sont applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. – Les articles 12 et 12 bis, le II de l’article 15, l’article 15 quinquies et le IV de l’article 18 quater sont applicables en Polynésie française.
III. – Les articles 12, 12 bis et 15 quinquies sont applicables en Nouvelle-Calédonie.
IV. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 155-1 est complété par la référence : « et L. 132-16 » ;
2° L’article L. 155-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° À l’article L. 132-16, les mots : « ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, » sont supprimés. » ;
3° Au 3° de l’article L. 156-1, la référence : « et L. 132-14 » est remplacée par les références : « , L. 132-14 et L. 132-16 » ;
4° L’article L. 156-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° À l’article L. 132-16, les mots : « ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, » sont supprimés. »
V. – L’article 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifié :
1° Au 2° du I, la référence : « de l’article 3 » est remplacée par les références : « des articles 2-1 et 3 » ;
2° Au II, la référence : « 3 » est remplacée par la référence : « 2-1 » ;
3°Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Pour l’application de l’article 2-1 en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« "Des conventions entre l’administration pénitentiaire et les autres services de l’État, les communes, les associations et d’autres personnes publiques ou privées définissent les conditions et modalités d’accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs mentionnés au deuxième alinéa en détention. Les autres collectivités territoriales peuvent participer à la conclusion de ces conventions". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, visant à permettre une meilleure application du texte dans les collectivités d’outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé.
Article 22
(Non modifié)
Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur son évaluation, en particulier sur la mise en œuvre de la contrainte pénale. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la discussion générale, nous avions clairement affiché notre volonté de nous investir pleinement dans le débat sur cette réforme, sans adopter une posture d’opposition systématique. Nous avons rappelé à plusieurs reprises que nous n’étions pas opposés à la version de la contrainte pénale proposée dans le texte initial du Gouvernement.
Cette position d’ouverture avait cependant ses limites, puisque nous avions également affiché clairement notre opposition à plusieurs des modifications introduites par M. le rapporteur, dont nous saluons une fois de plus la qualité du travail.
Pourtant, nous ne pouvons souscrire à l’idée selon laquelle la justice devrait être au service d’une idéologie. La justice est au service de nos concitoyens, et c’est en fonction de leurs besoins et de ceux de la société que doit être construit notre système pénal. C’est là une règle de bon sens, nous semble-t-il.
Nous entendons les arguments de ceux et de celles qui nous rappellent que l’une des vocations du Sénat est la protection des droits fondamentaux, et donc, à ce titre, la défense de la nécessité des peines. Toujours est-il que la sécurité et la justice sont également des droits fondamentaux et qu’il est aussi de notre devoir de les défendre. L’équilibre du texte sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer n’est donc pas satisfaisant. L’idéologie n’est pas l’ingrédient des bonnes lois, et le présent texte est, d’une certaine manière, une illustration de ce fait.
Malgré le soutien du Gouvernement à notre amendement de suppression, l’article 8 ter a été maintenu. Pour une série de délits, le Sénat a donc voté la suppression de la peine de référence actuellement en vigueur, l’emprisonnement, pour imposer la contrainte pénale, portant ainsi atteinte à la libre appréciation du juge, que ce texte est pourtant censé renforcer.
Le système proposé fait donc disparaître la peine de prison pour plusieurs délits, y compris en cas de récidive. Pour reprendre les mots de Mme la garde des sceaux, cette modification « procède d’une confusion sur l’objectif et le contenu de la peine de contrainte pénale […], complexifie la répression […] et aboutit à un affaiblissement de la répression ».
Nous étions également fermement opposés à la suppression de la rétention de sûreté : nos arguments ont heureusement été entendus et les amendements de suppression de l’article 18 quater A ont été adoptés. Ce régime pose pour l’heure des difficultés de mise en œuvre ; cependant, nous savons bien que certains individus extrêmement dangereux ne sauraient être remis en liberté sans que la puissance publique assure le minimum de sûreté, qui sera garanti à terme par cette disposition. Peut-être faudra-t-il peaufiner son régime dans les années qui viennent ; le débat reste donc ouvert sur ce sujet.
Le présent texte avait pour objet de tirer un trait sur les dispositifs introduits dans notre droit pénal par les précédents gouvernements. Nous avons déjà pu nous exprimer sur ce sujet lors de la discussion générale, mais je rappelle, une fois de plus, que les outils d’individualisation des peines existent déjà et que les peines planchers sont peu utilisées mais ont un important effet dissuasif.
À l’issue de nos débats, nous en restons globalement à la rédaction du texte proposée par la commission des lois sur l’initiative de son rapporteur. Je me garderai bien d’en tirer une quelconque conclusion quant à l’utilité de nos débats en séance publique ; toutefois, je ne peux que regretter que nous aboutissions à un texte qui envoie, sur plusieurs points, un signal de laxisme à nos concitoyens. L’équilibre issu des travaux de l’Assemblée nationale était manifestement plus en phase avec les positions défendues par les sénateurs du groupe UDI-Union Centriste.
Dans ces conditions, madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme vous l’aurez sans doute déjà compris, le groupe UDI-UC votera contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Les débats sur ce projet de loi dans notre assemblée n’auront pas toujours été apaisés, mais comment auraient-ils pu l’être complètement sur un tel sujet ?
Quoi qu’il en soit, les membres du groupe socialiste ne partagent absolument pas la vision de leurs collègues de l’opposition sur le texte auquel nous avons abouti.
Certes, il y a encore matière à débattre et, sans doute, à améliorer ce texte. Nous ne pouvons que regretter que le recours à la procédure accélérée n’ait pas laissé du temps au temps, n’ait pas permis de débattre de façon plus posée sur un sujet aussi important, qui est d’ailleurs inscrit dans l’histoire du Sénat. Nombre des questions abordées, telles que le respect de la dignité des personnes en milieu pénitentiaire, la protection des libertés individuelles, l’organisation de la chaîne pénale, relèvent d’un champ de réflexion constamment ouvert dans notre assemblée. Par conséquent, il est normal que l’élaboration de ce texte ait suscité une certaine passion. Je le répète, nous regrettons tous que l’engagement de la procédure accélérée nous ait placés devant une sorte d’ultimatum.
Cela étant, comme je l’ai déjà dit, au terme de ce débat, nous ne partageons pas du tout le jugement sévère porté sur le texte issu des travaux du Sénat par nos collègues de l’opposition et, hors de nos murs, par nombre de députés.
À notre sens, le travail du Sénat a conforté le projet initial de renforcer la lutte contre la récidive et de redonner du sens à la sanction pénale, celui-ci étant souvent perdu de vue du fait des difficultés de notre système pénitentiaire, en particulier, mais aussi, plus généralement, de notre justice, dont on sait que les moyens sont loin d’être à la hauteur de ses missions. À cet égard, nous apprécions, madame la garde des sceaux, le travail que vous avez accompli depuis votre arrivée place Vendôme afin d’améliorer petit à petit, raisonnablement mais de façon très déterminée, les conditions de travail de l’ensemble des acteurs de la justice. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le texte auquel nous sommes parvenus, qui soulève un certain nombre de craintes et d’interrogations au Gouvernement et à l’Assemblée nationale, est loin d’être déraisonnable, contrairement à ce que l’on peut entendre dire. Peut-être est-il un peu en avance au regard de l’état actuel de l’opinion publique et des positions adoptées par les différentes forces politiques en conséquence, mais c’est parce qu’il est inspiré par notre réelle préoccupation devant la situation présente en matière de délinquance et de prévention de la récidive.
Mes chers collègues, nous aurions pu opter pour le statu quo, adopter une posture d’extrême prudence. Nous aurions pu ne pas traiter des problèmes qui sont importants à nos yeux, mais, si nous avions fait ce choix, nous nous trouverions toujours aujourd’hui face à un mur, celui auquel toutes les majorités ont été confrontées dans le passé et le seront encore plus demain si l’on ne parvient pas à faire bouger les choses.
Aujourd'hui comme hier, la délinquance est présente dans notre société ; elle inquiète beaucoup et, surtout, elle met en péril les nouvelles générations. En effet, ce sont elles qui ont le plus à souffrir de la situation actuelle de notre justice et de notre système pénitentiaire ! Par conséquent, si nous n’adoptions pas un certain nombre d’avancées en matière de législation pénale, nous manquerions, je le crois, à notre devoir à l’égard des nouvelles générations. De ce point de vue, l’introduction de la contrainte pénale constitue, à l’évidence, une mesure courageuse, que nous vous devons également, madame la garde des sceaux.
Nous avons travaillé, au sein de la commission des lois et du groupe socialiste, pour faire avancer la réflexion. Le texte issu de l’Assemblée nationale n’était pas au-dessus de toute critique, comme en témoigne l’adoption d’un certain nombre d’amendements.
Des désaccords demeurent, entre les différentes composantes de notre assemblée, entre le Sénat et l’Assemblée nationale, avec le Gouvernement. Il nous appartient d’utiliser au mieux le temps qui reste jusqu’à la commission mixte paritaire pour nous entendre sur un certain nombre de points, sans nous figer dans une attitude de déni des évidences et des problèmes.
Madame la garde des sceaux, le groupe socialiste votera le texte tel qu’issu de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Madame la présidente, madame le garde des sceaux, chers collègues, je rejoins les propos tenus par Mme Tasca sur l’attachement particulier du Sénat à la protection des libertés. J’ai souvent dit que notre assemblée a un rôle spécifique à jouer dans deux domaines : la défense des collectivités territoriales – nous devrons attendre un peu, si j’ai bien compris, pour nous pencher sur ce dossier ! – et celle des libertés, donc. À cet égard, je pourrais évoquer par exemple la saisine du Conseil constitutionnel par le président Poher sur le sujet de la liberté d’association.
Je regrette moi aussi que la procédure accélérée ait été engagée. Sur des questions de cette nature, qui marquent de manière très profonde la politique pénale, recourir à cette procédure n’est pas, à mon avis, un bon choix. Cela étant, je n’en tiens pas rigueur au Gouvernement, sachant trop bien que son prédécesseur avait commis les mêmes erreurs à cet égard. Je crains que ce qui est vérité lorsque l’on est dans l’opposition ne devienne contre-vérité lorsque l’on passe dans la majorité…
Concernant la qualité de nos débats, pour avoir pris la peine de lire le compte rendu de ceux de l’Assemblée nationale, je ne pense pas que le Sénat ait à rougir. (Mme Virginie Klès approuve.) En effet, si nous n’avons pas les mêmes opinions, si nous nous sommes opposés sur bien des points, nous nous sommes toujours écoutés les uns les autres avec respect, et parfois même nous avons réussi à nous entendre pour améliorer le texte qui nous était soumis.
Les membres du groupe UMP, à une exception près, voteront contre ce projet de loi, pour des raisons qui ont été exprimées avec beaucoup de clarté par Jean-Jacques Hyest, en particulier, tant lors de la discussion générale qu’à l’occasion de la défense des amendements qu’il avait déposés. Il a notamment exprimé la crainte que ce projet de loi n’envoie un message d’indulgence à l’égard des délinquants ou apprentis délinquants, ce qui ne paraît pas opportun au regard des problèmes que nous connaissons.
En ce qui me concerne, je ne voterai pas contre ce projet de loi, pour deux raisons principales.
La première est que la contrainte pénale, innovation qui doit beaucoup à Pierre-Victor Tournier, dont le nom méritait à mon sens d’être prononcé au moins une fois dans cet hémicycle,…
Mme Esther Benbassa. Oui !
M. Jean-René Lecerf. … est une idée tout à fait intéressante, dont la mise en œuvre, après un large travail d’approfondissement, pourrait peut-être nous permettre de progresser sur le chemin difficile de la lutte contre la récidive, d’obtenir des résultats plus probants, plus visibles que ceux des politiques menées depuis un certain nombre d’années et dont nous avons reconnu avec bonne foi, les uns et les autres, l’insuffisance.
La seconde raison est que je ne peux pas ne pas reconnaître que, sur un certain nombre de points importants, cette réforme n’a pas désavoué la loi pénitentiaire, mais a au contraire tendu à revenir sinon à sa lettre, du moins à son esprit.
Cela étant, je ne voterai pas non plus en faveur de l’adoption de ce projet de loi, parce que la majorité a cédé à la tentation d’aborder un certain nombre de problèmes qui, selon moi, n’avaient pas totalement leur place dans ce débat, qu’il s’agisse de la rétention de sûreté – même si la réponse donnée me convient – ou des tribunaux correctionnels pour mineurs.
L’intitulé initial du texte témoigne de ce mélange des genres : « projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales ». On peut penser ce que l’on veut des tribunaux correctionnels pour mineurs, mais je suis convaincu que leur disparition ne contribuera en rien à renforcer l’efficacité des sanctions pénales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je déplore à mon tour le recours à la procédure accélérée. En effet, nos débats ont montré que certains points auraient mérité d’être approfondis, ce que le fonctionnement de la commission mixte paritaire ne permettra malheureusement pas, celle-ci ayant plutôt vocation à dégager des compromis.
Je déplore également l’irruption plus ou moins directe du Président de la République dans le débat parlementaire. Au lendemain des travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale, il s’est ainsi permis un rappel à l’ordre, entendant voir préserver l’équilibre du texte gouvernemental. La séparation des pouvoirs chère à Montesquieu est au fondement de notre République : il convient de la respecter.
Votre projet de loi est un texte ambitieux, madame la ministre, qui nous invite à nous interroger sur l’efficacité et l’utilité des peines, quelles qu’elles soient, qu’elles s’accomplissent en milieu fermé ou en milieu ouvert, quelle que soit leur durée, ainsi que sur le travail à mener avec la personne condamnée durant l’exécution de la peine, jusqu’à la sortie et à la réinsertion, afin d’éviter la récidive. C’est une dimension fondamentale.
La contrainte pénale ne concernera que les petits délits du quotidien auxquels chacun d’entre nous peut être confronté. Il s’agira d’interroger le prévenu sur les motivations de son acte, de lui expliquer pourquoi cet acte est interdit et comment obtenir le pardon de la société, plutôt que de le mettre en prison au risque d’en faire un récidiviste qui pourrait glisser progressivement du délit vers le crime.
Ce texte marque une volonté d’apporter des réponses constructives aux maux de notre société. Il nous invite en outre à poursuivre l’évolution nécessaire de notre justice en ce début de XXIe siècle, une justice qui doit toujours être au service des citoyens et de la société, et non, comme cela a trop souvent été le cas ces dernières décennies, constituer le bras armé de la majorité politique en place. Pour ces raisons, madame la garde des sceaux, nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, Yves Détraigne ayant déjà exposé très clairement la position de notre groupe, je me contenterai de formuler cinq observations.
Premièrement, il est clair que la prison ne règle pas le problème de la récidive ; il a même été démontré ici, parfois avec talent, qu’elle l’aggravait, malheureusement. Pour autant, la prison reste un mal nécessaire, car la société n’a pas trouvé mieux que la privation de liberté pour manifester sa réprobation face à certains délits graves et sanctionner leurs auteurs.
Deuxièmement, affirmer que la contrainte pénale réglera le problème de la récidive me paraît être une pétition de principe. Cette idée doit être considérée avec beaucoup de prudence.
Troisièmement, en réponse à l’accusation de permissivité, certains ont soutenu que, finalement, la contrainte pénale sera plus efficace que les sanctions actuelles, celles-ci n’étant pas toujours exécutées. Cet argument est compréhensible d’un point de vue tactique, mais sa pertinence devra être évaluée à la lumière des faits… Je noterai au passage, avec un peu de malice, que l’intention initiale des partisans de la contrainte pénale n’était sans doute pas d’instaurer une sanction plus dure que les peines actuelles !
Quatrièmement, il me semble que le problème de fond, c’est que la contrainte pénale n’est pas suffisamment définie dans le texte. De ce fait, elle risque de se révéler ou trop faible ou trop forte, selon la manière dont elle sera mise en œuvre. Cette absence de définition claire pose question ; elle est troublante.
Cinquièmement, je pense que, paradoxalement, l’instauration de la contrainte pénale en tant que mesure alternative à la prison, dans la continuité de la loi pénitentiaire, est sans doute une idée qui peut prospérer, mais dans un autre cadre que celui fixé par le présent texte. Il aurait fallu l’introduire dans le débat public et dans la loi avec davantage de sérénité, en l’établissant comme une alternative à la prison de manière progressive, évaluée et pragmatique. Ce n’est malheureusement pas le cas ici, au contraire.
Je conclus en remerciant le président de la commission, le rapporteur et Mme la garde des sceaux de ces échanges, qu’il faudra poursuivre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, les écologistes approuvent ce projet de loi et le voteront.
Nos travaux en commission et en séance publique ont abouti à un texte qui va peut-être changer l’esprit de la justice, si la contrainte pénale devient une peine à part entière et est expliquée correctement au public. Un effort de pédagogie sur l’intérêt de cette peine pour lutter contre la récidive reste à faire, de manière urgente puisqu’on lit déjà, dans la presse, des articles criant au laxisme. Il faut convaincre nos concitoyens que la prison n’est pas une solution pour les petits délits et qu’il existe d’autres mesures plus pertinentes.
Nous saluons également la suppression programmée des tribunaux correctionnels pour mineurs, même s’il reste encore beaucoup à faire pour ces derniers.
Le projet de loi n’oublie nullement les victimes. Au contraire, il les protège davantage. Il constitue non seulement une réforme pénale, mais aussi une réforme sociétale, visant à resserrer le lien social et à mettre fin à la binarité coupables-victimes.
Nous sommes fiers de ce texte, qui est vraiment de gauche dans la rédaction issue de nos travaux en commission et en séance publique. Il y aura toujours des reproches et des critiques ; c’est inévitable. Nous avions besoin d’un peu d’audace : cette réforme pénale met du baume au cœur. Qui pourra dire désormais que, au Sénat, nous manquons d’ambition et de liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à saluer l’abnégation de M. Lecerf, qui a exposé la position de son groupe alors qu’il ne la partage pas.
Le recours à la procédure accélérée a été déploré à juste titre. Je partage ce regret, mais je voudrais le tempérer quelque peu. En effet, grâce à l’engagement de Mme la garde des sceaux, ce projet de loi a bénéficié d’une préparation exceptionnelle, et même sans précédent.
Il y a d'abord eu la conférence de consensus, préparée par une trentaine de personnalités très différentes. Cette conférence de consensus restera inscrite dans l’histoire : 2 000 personnes, représentant toutes les professions de la justice, ont été appelées à travailler ensemble dans un climat remarquable. La conférence tenue à l’UNESCO a elle aussi contribué à enclencher un véritable mouvement, qui a permis d’aboutir à l’élaboration d’un texte extrêmement novateur. En effet, il s’écarte de l’idée toute faite selon laquelle la prison serait la référence en matière de peines. Le projet de loi repose sur une vision équilibrée. Puisque nous sommes contre l’impunité, nous sommes pour la diversité des peines, et nous voulons que la contrainte pénale prenne toute sa place.
Madame Cukierman, vous avez évoqué la commission mixte paritaire, en souhaitant qu’elle soit l’occasion d’un approfondissement plutôt que de la recherche d’un simple compromis. Je partage ce vœu. Je tiens à cet égard à saluer le travail de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur. Ce dernier a veillé, avec beaucoup de vigilance, à ce que l’on respecte l’esprit du projet de loi. Cela nous a valu des critiques et des remarques, mais nous sommes très attachés à cet esprit, ainsi qu’à un certain nombre de principes fondamentaux du droit et de la justice.
Nous espérons de tout cœur parvenir à un accord avec nos collègues députés, sur la base d’un approfondissement du travail effectué dans les deux assemblées : on a assez parlé de ce texte, nous croyons très nécessaire que ses dispositions s’appliquent maintenant rapidement, dans l’intérêt des justiciables et dans celui de la société.
Qu’un tel texte puisse être voté constitue un signal d’espoir, et j’espère de tout cœur, je le redis, que nous parviendrons à maintenir l’esprit et les principes auxquels nous tenons, tout en trouvant un accord avec nos collègues députés. Nous ferons en tout cas tout ce qui est en notre pouvoir pour atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Jean-René Lecerf applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, sans abuser de votre patience, vous remercier très chaleureusement de la qualité de nos échanges, tant lors de la discussion générale que lors de l’examen des articles. Même la présentation d’une motion de procédure par le groupe UMP a été l’occasion d’aborder des questions de fond tout à fait intéressantes.
Le travail accompli par le Sénat, en commission puis en séance publique, a incontestablement contribué à enrichir ce texte et à renforcer l’efficacité de son dispositif, même si je regrette l’introduction d’une ou deux mesures ! (Sourires.) Les quelques jours qui nous séparent de la commission mixte paritaire vous permettront sans doute d’approfondir votre réflexion sur ces quelques points de désaccord entre nous.
En tout état de cause, vous avez renforcé la colonne vertébrale de ce projet de loi, qui est inspiré par notre souci de consolider le contrat social. Toute l’action du Gouvernement témoigne de cette préoccupation : nous entendons que l’État accomplisse son devoir de protection à l’égard de l’ensemble des citoyens, avec une attention particulière pour les victimes. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’exposer la politique d’aide aux victimes que nous conduisons depuis deux ans.
Nous avons aussi le souci de renforcer le pacte républicain, qui sous-tend les liens nous permettant de vivre ensemble. Or l’acte de délinquance brise ces liens. Il est important de faire en sorte que, au-delà de la punition, l’exécution de la peine contribue à préparer le délinquant à réintégrer le corps social, en le responsabilisant.
Monsieur Lecerf, vous avez eu raison de rendre hommage au travail obstiné accompli par Pierre-Victor Tournier sur la contrainte pénale. Il est bien l’un des artisans de cette réforme. Il n’est pas le seul, de nombreuses personnalités des milieux parlementaire, judiciaire et universitaire ayant apporté leur contribution, mais il occupe incontestablement une place particulière dans la réflexion qui a mené à ce projet de loi.
L’élaboration de ce texte a permis d’établir, de façon lucide et sérieuse, un bilan de la situation et de prendre toute la mesure de la détresse créée par l’acte de délinquance, tant chez la victime que dans la société, qui s’interroge sur les risques pouvant la menacer.
La délinquance ne se résume pas à des statistiques, et même lorsque le nombre d’actes de délinquance diminue, chacun d’entre eux, en faisant une ou plusieurs victimes, blesse la société. Chaque acte de délinquance cause de la souffrance : nous ne devons jamais l’oublier.
Nous nous sommes donné pour objectif d’être efficaces et de prévenir réellement la récidive. En effet, il s’agit non pas seulement de sanctionner plus sévèrement celle-ci, à l’instar de la loi instaurant les peines planchers, mais aussi de créer les conditions pour éviter la commission de nouveaux actes de délinquance.
Le Gouvernement a travaillé avec rigueur à la préparation de ce texte. M. le président de la commission des lois a rappelé l’organisation de la conférence de consensus. Au cours du tour de France que j’ai effectué pour présenter le projet de loi, j’ai rencontré des personnes qui avaient de fortes préventions à l’égard de son contenu. Certaines avaient été, à l’évidence, très fortement endoctrinées sur le prétendu laxisme du texte et sur nos intentions, mais, chaque fois, le dialogue s’est établi, même lorsque nos interlocuteurs étaient très peu ouverts a priori à nos arguments, et, au bout du compte, les positions ont pu évoluer. Notre pays est celui de la raison : son histoire est marquée par la philosophie des Lumières, par l’émancipation de l’individu par la raison.
Dans le passé, des textes ont été élaborés, des politiques publiques ont été mises en place, des mesures ont été prises avec l’ambition tout à fait sincère de lutter contre la récidive. Nous mesurons aujourd’hui l’insuffisance des résultats de ces politiques et de ces dispositifs. Il s’agit non pas de porter des jugements de valeur, car nous n’avons pas de temps ni d’énergie à perdre en ce vain exercice, mais de reconnaître que nous n’avons pas encore réussi à réduire de façon significative la récidive. Telle est la réalité, et le présent texte vise à y remédier.
Bien sûr, on continuera à invoquer, comme un mantra, notre supposé laxisme, mais je crois à la force de la raison dans ce pays : même après les pires égarements, il arrive toujours un moment où nos concitoyens se soumettent à ce que j’ai appelé, après Bertolt Brecht, la « douce violence de la raison ». Par conséquent, je ne doute pas que le mantra que j’évoquais finira pas s’éteindre, parce qu’il n’a pas d’emprise, de consistance, ni surtout de fondement.
En améliorant ce texte avec la hauteur de vues et le sérieux dont vous avez tous fait preuve, vous avez déjà contribué à faire reculer cette croyance erronée. Comme nous y invitait Wittgenstein, luttons contre l’ensorcellement de notre entendement par les moyens du langage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. –M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)