M. Philippe Dallier. Ce sera pourtant le cas !
M. Vincent Delahaye. Pour l’État, c’est déjà fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit non pas de préconiser une relance budgétaire par l’investissement public – au demeurant, toute dépense d’investissement n’est pas forcément vertueuse ou utile –, mais bien d’éviter que notre ajustement ne s’effectue au détriment des investissements nécessaires à la croissance de demain.
Nous le savons, les collectivités territoriales représentent la plus grosse part de l’investissement public en France.
M. Philippe Dallier. 70 % !
M. Jean-François Husson. Mais cela va changer…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La diminution des concours financiers de l’État aura sans doute des conséquences sur leurs dépenses, ne serait-ce qu’en invitant à une sélectivité accrue des projets d’investissement. Il faudra cependant définir des mécanismes pour encourager la préservation des dépenses d’investissement, afin d’inciter les collectivités à procéder à des réformes de fonctionnement au lieu de concentrer les économies sur les projets d’investissement.
M. Philippe Dallier. Comment cela se passera-t-il ?
M. Vincent Delahaye. On peut aussi fermer des écoles et des collèges !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous devons également veiller à ce que la crise économique, conjuguée aux ajustements budgétaires, ne conduise pas à la poursuite du creusement des inégalités constaté au cours de ces dernières années dans l’ensemble des pays développés et dans la zone euro. Il s’agit là d’un sujet majeur.
Cela passe d’abord par une diminution du chômage,…
M. Philippe Dallier. Qui n’arrivera pas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … que doivent permettre le retour de la croissance, la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ainsi que l’allégement des cotisations sociales patronales sur les bas salaires prévu dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Le Président de la République a rappelé hier sa détermination à agir et son engagement total au service de l’emploi.
M. Vincent Delahaye. Ah bon ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut aussi nous assurer du maintien de la dimension redistributive de notre système de prélèvements obligatoires et de prestations. À cet égard, les mesures prises dès cette année en faveur du bas de barème de l’impôt sur le revenu, qui devraient être pérennisées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, et les allégements de cotisations sociales salariales, qui entreront en vigueur dès le début de l’année 2015, vont indéniablement dans le bon sens. Il en va de même des réformes déjà engagées, par exemple en matière de politique familiale.
M. Jean-François Husson. Cela fait deux ans que vous nous dites cela !
M. Philippe Dallier. Mais non ! Ils ont changé d’avis entre-temps. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le souci de l’égalité doit nous guider dans les choix que nous devrons faire prochainement en matière de finances locales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) D’abord, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, il nous faudra maintenir la progression de la péréquation, tant verticale qu’horizontale. Ensuite, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2016, nous serons invités à repenser en profondeur la dotation globale de fonctionnement,…
M. Philippe Dallier. Oh ! Chiche !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … qui repose, vous le savez bien, mon cher collègue, sur des critères obsolètes et tient compte de variables figées et parfois anciennes. Enfin, nous serons appelés à mettre en œuvre la révision des valeurs locatives, dont le processus se poursuit avec un calendrier ajusté et exigeant.
À la lumière de tous ces arguments, je vous invite à voter en faveur du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013. Ayons à l’esprit que les engagements pris aujourd’hui pour l’avenir en matière de redressement des comptes publics ou d’action en faveur de l’investissement, de l’emploi et de la redistribution démontrent incontestablement la volonté du Gouvernement de promouvoir une stratégie équilibrée.
En outre, des réformes ambitieuses sont annoncées pour la santé – le Président de la République l’a rappelé hier - la dépendance ou la transition énergétique. Nul ne peut en douter, l’action conduite doit être à même de redonner confiance à notre pays et de lui permettre de réussir sa traversée, malgré les récifs et la mer parfois tempétueuse qui vient battre les côtes de notre vieille Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Husson. Comme c’est mignon…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, la commission des affaires sociales apporte son éclairage sur la situation des finances sociales dans le débat d’orientation des finances publiques.
En revanche, elle s’en remet à l’analyse de la commission des finances pour le cadrage macroéconomique et des hypothèses qui le fondent, dont l’effet est évidemment décisif pour les finances sociales, mais pas fondamentalement différent de ce qu’il représente pour les autres administrations publiques.
Cette année, le contexte dans lequel s’inscrit un tel éclairage est singulier, à plus d’un titre.
D’abord, le débat est commun avec la discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013, qui concerne le budget de l’État.
Ensuite, le Gouvernement a annoncé le dépôt à l’automne d’une loi de programmation des finances publiques qui devrait réviser la trajectoire de nos finances publiques à la suite du programme de stabilité 2014-2017.
Enfin, deux textes rectificatifs, l’un pour le budget de l’État et l’autre pour le financement de la sécurité sociale, sont en cours d’examen par le Parlement. Ils appellent – cela vaut en particulier pour le projet de loi de finances rectificative pour la sécurité sociale – des compensations à prévoir dans les textes financiers de l’automne.
L’information du Parlement sur l’évolution des finances publiques se situe donc un peu dans un entre-deux. La voie est tracée, elle est claire ; mais les moyens pour y parvenir, eux, ne le sont pas encore complètement.
Au sein des finances publiques, les finances sociales sont un enjeu majeur. Certes, elles représentent une part inférieure à celle des finances de l’État dans la dette et les déficits, qui sont aujourd'hui au cœur de nos préoccupations. Mais leur volume global et leur importance dans les prélèvements obligatoires en font un élément décisif dans la stratégie de redressement de nos comptes publics et de soutien à la croissance. En 2013, le montant des dépenses liées aux administrations de sécurité sociale était de 563 milliards d’euros, ce qui correspond à 27,5 % de notre richesse nationale et à 53 % des prélèvements obligatoires.
Piloter une telle masse de dépenses, c’est maîtriser un paramètre décisif des équilibres financiers de notre pays. C’est aussi une exigence de solidarité intergénérationnelle.
La dette sociale est une dette insupportable, une traite tirée sur nos enfants, alors que notre responsabilité est de préparer leur avenir.
Mme Nicole Bricq. C’est une évidence !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les comptes sociaux sont convalescents. Leur état s’améliore moins fortement que ce que nous avions programmé, et sur un rythme plus lent que ce que l’ampleur des efforts déployés aurait pu laisser espérer.
En 2013, comme les deux années précédentes, le solde des administrations de sécurité sociale a été négatif, à hauteur de 12,5 milliards d’euros, soit 0,6 % du PIB. Hors Caisse d’amortissement de la dette sociale, instance dont la vocation est d’être excédentaire, le besoin de financement est proche de 25 milliards d’euros.
Dans cet ensemble, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s’est élevé à 15,4 milliards d’euros, soit 2,1 milliards d’euros de moins qu’en 2012, mais 1,2 milliard d’euros de plus que prévu.
Les objectifs de dépenses, en particulier l’ONDAM, ont été tenus pour la quatrième année consécutive, mais les recettes ont stagné en dépit de plus de 5 milliards d’euros de mesures nouvelles.
Comme le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, hors mesures nouvelles, l’évolution des recettes de 2013 affiche un résultat négatif, à hauteur de 8,5 %.
Une croissance atone, une masse salariale en faible progression et, surtout, un chômage élevé sont les responsables d’une telle situation.
Pour les mêmes raisons, nous ne renouerons pas avec l’équilibre des comptes sociaux en 2014, comme le prévoyait la programmation en cours. Les efforts soutenus de ces deux dernières années portent leurs fruits et créent un effet de base favorable en dépenses. Toutefois, avec une croissance en berne, les prévisions de recettes se dégradent. Au total, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, qui s’établit à 13,4 milliards d’euros, est dégradé de 400 millions d’euros par rapport aux prévisions de la loi de financement initiale.
Examinons les différentes branches du régime général de sécurité sociale.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui a renoué avec l’équilibre, est le principal contributeur à la réduction du déficit. La branche vieillesse, qui a bénéficié de recettes nouvelles, améliore son solde par rapport à 2013. Le déficit de la branche famille se creuse de façon préoccupante. La branche maladie, en dépit de la sous-exécution de l’ONDAM, stabilise son solde toujours négatif.
La crise et le chômage ne sont pas seuls responsables. Nous continuons aussi à porter le poids d’un déficit structurel, cumulé année après année, qui est aujourd’hui bien difficile à résorber, alors que notre système de protection sociale doit jouer son rôle d’amortisseur et de garant de la cohésion sociale. Conséquence du déficit, la dette sociale a atteint 10,3 % du PIB en 2013.
Que faire devant ce tableau, qui, je le concède, peut paraître bien sombre ?
Trois axes de réponse peuvent être dégagés. D’abord, prenons acte du fait que nous sommes allés au bout de la logique de remise à niveau des recettes. Ensuite, poursuivons et intensifions les efforts engagés, qui portent leurs premiers fruits en matière de dépenses. Enfin, agissons sur la croissance pour desserrer l’étau du chômage.
Les mesures qui nous sont soumises dans le cadre de la traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité concilient trois objectifs : préserver, voire intensifier notre niveau de protection sociale au bénéfice des plus fragiles, soutenir la croissance et poursuivre résolument la réduction du déficit.
J’invite celles et ceux d’entre nous qui s’inquiètent des efforts de maîtrise des dépenses de protection sociale à y voir une garantie de pérennité de notre système.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les efforts s’effectuent sans dégradation de la qualité du service rendu. Au contraire ! Non seulement les publics les plus fragiles sont épargnés, mais la solidarité à leur égard s’accroît.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures prises depuis deux ans, en particulier dans le cadre du « plan pauvreté ».
Pas plus que la maîtrise des dépenses, l’augmentation des dépenses n’est une fin en soi ; c’est la juste dépense que nous devons renforcer !
Le pacte de responsabilité et de solidarité prévoit une contribution des dépenses sociales à hauteur de leur niveau dans notre richesse nationale, soit 21 milliards d’euros sur trois ans. Ce montant, loin d’être négligeable, représente environ 1 % des quelque 550 milliards d’euros de dépenses des administrations sociales chaque année. Hors assurance maladie, les économies prévues s’élèvent à 11 milliards d’euros.
Il s’agit d’abord d’agir sur la qualité de la dépense dans un processus déjà engagé, qui a vocation à se poursuivre. La rationalisation et la modernisation de la gestion de la sécurité sociale sont un impératif ; elles permettent de réduire la dépense sans affecter le niveau des prestations servies. Le programme table sur 1,2 milliard d’euros d’économies en la matière. C’est tout l’enjeu des conventions d’objectifs et de gestion des différentes branches.
Par ailleurs, 2,9 milliards d’euros sont prévus au titre des mesures déjà engagées pour les retraites et la politique familiale, cette dernière étant sollicitée à hauteur de 0,8 milliard d’euros, afin de renforcer ses effets redistributifs en direction des familles les plus fragiles.
L’assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite contribuent à hauteur de 4 milliards d’euros au titre des mesures déjà prises ou à prendre.
Au total, l’effort de redressement fait appel au report de la revalorisation des prestations sociales à hauteur de 1,5 milliard d’euros, dont 1 milliard d’euros sur les retraites de base.
Il est également nécessaire d’agir en profondeur sur les causes des dépenses d’assurance maladie. Ce sont 10 milliards d’euros d’économies qui sont attendus au cours des trois prochaines années.
Au-delà de la poursuite d’actions déjà engagées, comme la diminution du prix des produits de santé, notamment des médicaments génériques, des mesures plus structurelles sont envisagées.
De toutes les réflexions conduites ces derniers temps, un très large consensus se dégage sur le renforcement de la pertinence et de l’efficience des parcours de soins et des séjours hospitaliers, dans un double objectif d’amélioration de la qualité des prises en charge et d’optimisation dans l’utilisation des ressources.
C’est l’enjeu de la stratégie nationale de santé qui sera prochainement soumise à notre examen.
Parallèlement aux mesures d’économies, il convient de soutenir la croissance et le développement de nos entreprises via un mode de financement de la protection sociale qui préserve leur compétitivité.
Je ne détaillerai pas les mesures visant à alléger les cotisations prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je me bornerai à formuler une observation.
Je ne partage pas les appréciations des uns ou des autres sur les « chèques en blanc » ou les « cadeaux » au patronat. Nous sommes aux côtés des entreprises pour agir en faveur du redressement du pays. Celles-ci comprennent des dirigeants et des salariés. Ce sont elles qui créent des emplois. Il nous faut imaginer l’avenir ensemble, en confiance.
Dans la période actuelle, nos entreprises ont besoin d’un soutien. Nous nous plaçons dans une perspective dynamique, avec l’objectif de parvenir à équilibrer les allégements de cotisations, grâce à une reprise de la croissance, et le rétablissement des recettes fiscales et sociales.
À ce stade, j’aimerais citer deux phrases relatives au pacte de responsabilité et de solidarité que le Président de la République a prononcées lors de son entretien télévisé du 14 juillet. Il a d’abord déclaré : « Tout est maintenant sur la table, et rien ne sera modifié ». Puis, il s’est adressé aux chefs d’entreprise en ces termes : « Maintenant, c’est à vous aussi de marquer votre confiance. » (M. Vincent Delahaye s’exclame.)
La préoccupation immédiate de la commission des affaires sociales, c’est ce que j’appellerai la « marche de 2015 » : le demi-point de PIB de redressement du solde que prévoit le programme de stabilité.
En 2015, les administrations de sécurité sociale devront être excédentaires de 0,3 point de PIB, avec un effort de moindres recettes de l’ordre de 9 milliards d’euros, et des mesures d’économies qui, à l’exception de la non-revalorisation de certaines prestations, ne se feront pas encore pleinement sentir. Le retour de la croissance n’y suffira peut-être pas : un point de croissance de plus, c’est 2 milliards d’euros de cotisations qui entrent dans les caisses de la sécurité sociale.
La compensation de l’État à la sécurité sociale est un véritable sujet pour le budget de l’État.
Autre préoccupation, le pilotage et la programmation des finances sociales. En effet, 20 % des économies prévues dépendent d’organismes comme l’UNEDIC et les régimes de retraite complémentaires, dont les finances échappent de fait à tout pilotage.
Nous avions suggéré qu’une loi de financement de la protection sociale puisse inclure ces éléments dans une loi de programmation. Au vu du contexte, cette proposition nous paraît plus que jamais d’actualité.
Tels sont les éléments que je souhaitais verser, au nom de la commission des affaires sociales, au débat sur l’orientation des finances publiques, prélude à bien d’autres rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2015 a été décrétée année internationale de la lumière par l’UNESCO. Le sera-t-elle pour la France ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Ce sera l’amorce de la deuxième partie du quinquennat, ainsi que la première année d’application du budget triennal et de mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.
Notre débat d’aujourd’hui doit être un moment d’échange et de vérité, et non une liturgie où les fidèles des diverses sectes politiques psalmodient dans l’indifférence. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Avec le pacte de responsabilité et de solidarité, le Président de la République a été le dernier exécutif socialiste à réaliser son « Bad Godesberg ». Le Gouvernement le mettra-t-il en œuvre ? Paraphrasant Churchill à propos des Américains, je dirais avec espoir que nous pouvons toujours compter sur les socialistes pour faire le bon choix, après avoir essayé toutes les autres possibilités.
Que de temps perdu ! Vous réalisez enfin que nos préconisations n’étaient pas dénuées de bon sens ! Vous découvrez que la baisse des dépenses est moins récessive que la hausse des impôts, après avoir martelé le contraire pendant les deux premières années du quinquennat.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez eu dix ans, avant !
M. Aymeri de Montesquiou. Le groupe UDI-UC a toujours soutenu une politique économique volontariste d’assainissement des finances publiques par une forte baisse de la dépense et de libération de l’investissement et de la croissance.
Les 50 milliards d’euros d’économies sur cinq ans que vous annoncez sont-ils une réalité ? Depuis deux ans, nous ne parlons plus la même langue : vous voulez une « maîtrise » des dépenses publiques quand nous prônons leur « réduction ».
Notre pays ne peut pas vivre en consacrant plus de 57 % de son PIB à la dépense publique. C’est une proportion effarante ! De fait, les 43 % de la richesse produite qui sont concédés au secteur privé n’ont pas la force d’entraînement suffisante pour stimuler la croissance indispensable.
Les salaires constituent la part la plus importante des dépenses de fonctionnement. Par conséquent, notre seule option est de baisser non pas les salaires, mais la masse salariale de l’ensemble des services de l’État. La modernisation de la fonction publique est devenue incontournable, car vitale. La Suède, la Belgique, le Canada et la Nouvelle-Zélande, entre autres, l’ont menée à bien ; pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant ?
Notre préoccupation à tous, c’est ce chômage qui frappe tant de Français. L’emploi et, partant, la compétitivité de la France nous obsèdent. Il s’agit de savoir comment nous pouvons gagner une compétition internationale aussi difficile, ne serait-ce qu’avec nos partenaires et concurrents européens, avec lesquels nous réalisons 60 % de notre déficit commercial.
Or comment la France pourrait-elle être compétitive en travaillant moins ? Elle ne peut pas l’être. Il ne peut y avoir de croissance que si nous travaillons autant que les autres pays de l’Union européenne. Alignons-nous donc sur la moyenne des autres pays européens, où les salariés travaillent 2 000 heures de plus que nous dans leur carrière.
La Commission européenne nous enjoint aussi d’aligner le secteur public sur le secteur privé, ce qui entraînerait 12 milliards d’euros d’économies, et de faire sauter le verrou des 35 heures. À cet égard, songeons que nous versons annuellement 22 milliards d’euros pour compenser le passage de 39 heures à 35 heures sans perte de salaire. Pourquoi l’État paie-t-il pour que les Français travaillent moins ? C’est un système totalement incohérent !
La compétitivité, c’est aussi la formation. Or, après avoir supprimé, d’une manière incompréhensible, 500 millions d’euros consacrés à l’apprentissage, alors que 350 000 offres d’emploi ne trouvent pas preneur, vous rétablissez aujourd’hui 200 millions d’euros ! Il faudrait plus de cohérence dans l’utilisation des 3,7 milliards d’euros que l’État consacre à la formation professionnelle.
Par ailleurs, alors que le bâtiment est un secteur majeur pour l’emploi, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a eu des conséquences dramatiques. Les permis de construire ont chuté de 20 %, alors que notre politique du logement absorbe près de 40 milliards d’euros, dont 16 milliards d’euros pour les seules aides. Quel gâchis !
Au-delà des réformes de bon sens que je viens de prôner, il faut avoir à l’esprit que l’emploi est le fruit de l’investissement. Or, pour qu’il y ait investissement, il faut qu’il y ait confiance.
Monsieur le ministre, votre nouvelle politique peut contribuer à en créer les conditions. Pour cela, affirmez votre conversion à la social-démocratie, comme l’ont fait tant de pays développés, en mettant en place une politique différente de celle qui a été menée au cours des deux premières années du quinquennat. Pourquoi vouloir prouver que vous aviez raison d’avoir tort ? C’est en adoptant une position claire que vous pourrez restaurer la confiance, sans laquelle rien ne pourra se faire ; alors qu’elle est essentielle, elle a, hélas ! trop souvent disparu de notre pays.
Aujourd’hui, l’investissement est quasiment réduit à une variable d’ajustement, en raison du coût du fonctionnement de l’État et des charges des entreprises.
Notre fiscalité doit constituer un outil, et non un frein à notre compétitivité. C’est pourquoi vous devez diligenter un audit sur le rendement des impôts et sur leurs conséquences parfois négatives pour l’économie. Je pense, entre autres, à l’impôt ringard qu’est l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, auquel, je le rappelle, tous les pays développés ont renoncé. Et la taxe confiscatoire de 75 %, qui touche peu de contribuables, rapportée à son impact symbolique répulsif, induit des effets nationaux et internationaux désastreux, avec 77 % d’investissements étrangers en moins et une véritable incitation à l’exil des jeunes diplômés, des cadres et des entrepreneurs. Il est temps de réaliser que, dans une économie mondialisée, l’impôt ne saurait sanctionner le travail et le talent !
Notre système fiscal décourage, alors qu’il devrait être juste et incitatif pour tous. De surcroît, avec 46 % du PIB de prélèvements obligatoires, nous avons dépassé les sommets du « tout fiscal ». Aujourd’hui, les Français ont conscience que notre système fiscal, issu d’un empilement d’impôts et non d’une stratégie, est devenu caduc. Ils veulent savoir comment sont optimisés les prélèvements qu’ils subissent.
L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair avait très justement affirmé : « La gestion de l’économie n’est ni de gauche ni de droite. Elle est bonne ou mauvaise. Ce qui compte, c’est ce qui marche. »
Lors de la campagne pour les primaires socialistes de 2011, le candidat Manuel Valls avait eu la prémonition, l’aplomb et même le panache de prendre le contre-pied des dogmes socialistes en défendant des positions audacieuses et courageuses. Ainsi, il avait prôné la remise en cause des 35 heures, ainsi que celle de l’ISF. (M. le rapporteur général de la commission des finances le nie.) Il avait également souligné le rôle capital des entreprises et soutenu le principe de la règle d’or.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Caricature !
M. Aymeri de Montesquiou. C’est cet esprit pugnace, l’esprit lucide et volontariste, que l’ancien ministre Hubert Védrine appelle de ses vœux dans La France au défi, qui doit nous animer ! Soulignant nos forces et nos atouts, il s’oppose au pessimisme et à l’inclination au masochisme !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons insuffler à nos finances publiques audace et courage pour redonner à notre pays la place qu’il avait su gagner par ses vertus ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative, notre collègue Didier Guillaume avait déclaré ceci : « La cohérence de notre projet, c’est de faire en sorte que les efforts de redressement des finances soient le mieux répartis possible. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, quelles que soient les positions des uns et des autres, toutes respectables, il faut regarder les choses en face. Il y a ceux qui assument le fait que tout le monde, y compris les collectivités, doive participer, le fait que l’effort doive être réparti, même s’il peut sembler lourd, et ceux qui ne veulent pas ″mettre les mains dans le cambouis″. Pour notre part, nous les y mettons, parce qu’il est important que le redressement du pays se fasse dans la justice. »
La discussion de cet après-midi porte à la fois sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 et sur la mise en œuvre de la loi d’orientation sur les finances publiques, par le truchement du débat d’orientation. À la lumière des propos tenus par notre collègue, il est intéressant d’examiner si chacun est bien sollicité en fonction de ses capacités, comme le prévoit notre Constitution, pour répondre aux obligations d’intérêt général.
Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes est un ensemble d’articles de récapitulation comptable des faits constatés dans le cadre de l’exécution de la loi de finances pour 2013, qui, je le rappelle, a été rejetée par le Sénat.
En 2013, le déficit a connu une baisse supplémentaire, mais moindre que l’année précédente. Ce ralentissement de la baisse du déficit budgétaire résulte d’une insuffisance de recettes, et non d’une augmentation de la dépense publique.
Dans ce contexte, certains s’empressent, comme cela vient d’être fait, d’invoquer le théorème de Laffer,…