compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
Mme Odette Herviaux,
M. Jean-François Humbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 10 juillet 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Prise d’effet de nominations à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 10 juillet prennent effet.
3
Dépôt de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations sur la situation de cet établissement en 2013.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances.
M. le président du Sénat a reçu le rapport 2013 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, l’IEDOM.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances, ainsi que, pour information, à la délégation sénatoriale à l’outre-mer.
4
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 11 juillet 2014, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article 721 du code de procédure pénale, procédure d’exécution des peines privatives de liberté, n° 2014-408 QPC, et sur l’article L. 443-15 du code de la construction et de l’habitation, dispositions applicables aux cessions, aux transformations d’usage et aux démolitions d’éléments du patrimoine immobilier, n° 2014-409 QPC.
Acte est donné de ces communications.
5
Orientation des finances publiques et Règlement du budget de l'année 2013
Débat et discussion puis rejet d’un projet de loi en procédure accélérée
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 (rapport d’information n° 717, projet n° 715, rapport n° 716).
La conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l’orientation des finances publiques.
Dans le débat commun, la parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient d’ouvrir le débat sur l’exécution du budget de 2013 et sur les perspectives des finances publiques pour 2015.
Le Gouvernement mène depuis 2012 une politique de redressement économique, budgétaire et social. La crise financière de 2008 et son rebond, puis celle de l’euro en 2011 ont laissé des traces, des blessures profondes dans notre économie.
La France a connu quasiment six années de stagnation économique, avec une croissance nulle entre 2008 et 2012, puis limitée à 0,3 % en 2013. Elle a également subi une très forte hausse du chômage.
Face à une telle situation, nous avons dû adopter en urgence des mesures pour rééquilibrer nos finances publiques en 2012. Car, nul ne peut le nier, la dette publique brute avait augmenté de 26,2 % du produit intérieur brut entre 2007 et 2012, le déficit public atteignant 5,2 % du PIB en 2011, soit plus de 100 milliards d’euros. Sans ces mesures, le déficit aurait dépassé 5 % du PIB en 2012.
En 2013 et 2014, nous avons continué les efforts de redressement des finances publiques. Dans un contexte économique difficile, nous nous fixons d’abord comme objectif pour 2015, et au-delà, le retour durable à plus de croissance, donc à plus d’emploi, avec, d’une part, le pacte de responsabilité et de solidarité et, d’autre part, l’assainissement de nos comptes publics.
Cette politique vise à sortir le pays de la crise économique dans laquelle il s’est enfoncé depuis plusieurs années et à restaurer les finances publiques, dont la dégradation est sans précédent en temps de paix.
Le débat d’aujourd’hui nous conduit d’abord à examiner l’exécution budgétaire constatée en 2013. Vous en connaissez les données ; j’en rappellerai simplement les grandes lignes.
La dépense publique a été tenue. La dépense de l’État, sous norme « en valeur », a été sous-exécutée à hauteur de 144 millions d’euros. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, a été sous-exécuté d’environ 1,4 milliard d’euros. La dépense publique dans son ensemble a progressé au rythme le plus faible que la France ait connu depuis 1998, à 2 % en valeur.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est exceptionnel !
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement dispose de plusieurs leviers pour tenir la dépense, à la fois en budgétisation et en gestion. Leur mobilisation a contribué à ce que l’on ne peut qualifier que de « bons et exceptionnels » résultats.
En revanche, l’évolution des recettes publiques est, elle, beaucoup plus dépendante de la conjoncture économique.
En 2013, la croissance a été positive, dans un contexte où beaucoup prédisaient voilà encore un an une récession et où la zone euro dans son ensemble a connu un recul de son activité. Toutefois, cette croissance est restée beaucoup trop faible.
En 2013, le Gouvernement a fait le choix de ne pas compenser les conséquences de cette situation. Si l’effort budgétaire a été considérable, à près de 1,5 point de PIB, comme l’a reconnu la Cour des comptes, la réduction du déficit public a été moindre, compte tenu des effets du cycle économique.
Les effets de la conjoncture économique sur les recettes publiques expliquent la plus grande part de l’écart entre la prévision des déficits publics et l’exécution. Le déficit public, prévu à 3 % du PIB, a été exécuté à 4,3 %, soit un décalage de 1,3 point, dont plus de la moitié, en l’occurrence 0,7 point, tient à des recettes moindres. En effet, la dégradation de la conjoncture économique a entraîné non seulement une faible croissance de l’activité, mais également une élasticité des recettes à la croissance très inférieure à l’unité.
L’exécution pour 2013 est d’abord un rappel de l’humilité que l’on doit conserver en matière budgétaire. Les pouvoirs publics disposent de moyens pour agir sur la dépense de l’État et sur la santé. En les mobilisant, nous sommes en mesure de tenir la dépense publique. En revanche, l’évolution des recettes publiques est soumise à l’aléa conjoncturel.
En loi de finances pour 2013, nous avons adopté un ensemble de dispositions en recettes appelant les ménages les plus aisés à un effort particulier. Ces mesures ont globalement eu l’effet budgétaire escompté. Elles ont permis de réduire le déficit public de 1,4 % du PIB, soit un niveau proche de la prévision de 1,6 %.
Toutefois, en parallèle, les évolutions économiques sous-jacentes aux recettes publiques n’ont pas été bonnes. En particulier, le bénéfice fiscal des sociétés financières a chuté de l’ordre de 7 % en 2013, ce qui a pesé sur le rendement de l’impôt sur les sociétés. En outre, la construction immobilière a également fortement diminué, d’où une baisse des recettes de TVA.
Nous jugeons l’exécution 2013 globalement satisfaisante, même si tous les objectifs budgétaires n’ont pas été atteints. Les dépenses de l’État et de santé ont été tenues. Le déficit public a été réduit de 4,9 % en 2012 à 4,2 %. Le déficit structurel, c’est-à-dire corrigé du cycle économique, a été de 3,1 %. C’est quasiment son plus bas niveau depuis 2002.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bref, tout va bien !
M. Michel Sapin, ministre. Mais les recettes ont été moindres que prévu. C’est la conséquence directe de la situation économique. Cela renvoie à ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques » : les prélèvements se réduisent lorsque l’économie va mal, atténuant le ralentissement, et augmentent lorsqu’elle va bien.
J’en viens aux perspectives de nos finances publiques.
Comme je l’ai indiqué, la politique du Gouvernement vise à sortir notre pays de la crise économique qui le frappe depuis de trop nombreuses années et à poursuivre l’assainissement de nos finances publiques. Nous proposons donc de mobiliser de nouveaux moyens pour renouer avec l’emploi et soutenir durablement le pouvoir d’achat des ménages, tout en commençant dès à présent à réduire la pression fiscale sur les foyers aux revenus modestes et moyens. C’est l’objet du pacte de responsabilité et de solidarité, dont la Haute Assemblée a eu l’occasion de débattre lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative ; je n’y reviens pas.
Pour financer le pacte et poursuivre l’assainissement budgétaire, le Gouvernement propose de freiner la dépense publique, afin de dégager 50 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2017.
La part de la dépense publique dans la richesse nationale n’a eu de cesse d’augmenter depuis des décennies, passant de 35 % du PIB en 1960 à 57 % du PIB en 2013.
Il faut rompre avec l’idée selon laquelle un bon budget serait un budget en hausse ! Il faut rompre avec l’idée selon laquelle augmentation des moyens rimerait nécessairement avec amélioration de la qualité des services rendus aux usagers !
M. Aymeri de Montesquiou. On a déjà entendu ça…
M. Michel Sapin, ministre. Force est de le constater, la hausse de la dépense publique n’est pas nécessairement gage de croissance.
Vous connaissez la répartition des 50 milliards d’euros d’économies, qui est déterminée en fonction de la part de chaque administration dans les dépenses publiques totales. L’État assumera 18 milliards d’euros d’économies, contre 11 milliards d’euros pour les collectivités territoriales – j’imagine que nous aurons l’occasion d’en débattre –, 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie et 11 milliards d’euros pour les autres organismes de protection sociale.
Les plafonds des missions du budget de l’État, qui vous ont été transmis mercredi dernier, permettront de dégager les 18 milliards d’euros d’économies prévus au titre des dépenses des administrations centrales, entre 2015 et 2017.
Tous les ministères, tous les opérateurs de l’État prendront part à un tel effort. Pour autant, les secteurs prioritaires, à savoir l’éducation nationale, la justice et la sécurité, bénéficieront de moyens supplémentaires, et les créations d’emplois au sein des administrations concernées seront assurées comme prévu. Certes, tous les ministères seront concernés par les économies. Mais nos priorités sont maintenues.
C’est d’abord la priorité accordée à la jeunesse, avec la sanctuarisation des créations d’emplois annoncées dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur – j’y ai fait référence – et la hausse des crédits de 1,8 milliard d’euros au cours des trois prochaines années.
C’est ensuite la préservation de l’avenir et le renforcement de la croissance, via le budget de la recherche et les dépenses en faveur de l’innovation. L’exécution du programme d’investissements d’avenir sera également poursuivie.
C’est aussi la priorité donnée aux créations d’emplois au sein du ministère de la justice, 1 800 en trois ans, ou dans la police et la gendarmerie, 1 400 en trois ans, qui seront elles aussi assurées.
C’est encore une approche fine de chaque mission. Par exemple, les crédits de la mission « Culture » seront en légère hausse, notamment pour la création, le patrimoine et l’enseignement supérieur artistique, grâce aux efforts d’économies demandés au secteur de l’audiovisuel. Les moyens financiers seront ajustés aux besoins réels des organismes concernés, en cohérence avec les contrats d’objectifs et de moyens.
C’est enfin un financement garanti des dépenses résultant des minima sociaux financés par l’État, qu’il s’agisse de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, du revenu de solidarité active, le RSA, du moins en grande partie, ou des allocations de logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les orientations de la politique économique et budgétaire que vous propose le Gouvernement jusqu’en 2017 sont claires et cohérentes. Elles visent à poursuivre et même à amplifier le mouvement engagé dès 2012 pour répondre à la profonde crise économique et budgétaire qui entrave la marche de notre pays depuis plusieurs années.
Vous le savez, l’emploi est une priorité incontournable du Gouvernement. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le pacte de responsabilité conduiront à un allégement du coût du travail de 30 milliards d’euros. C’est un nouveau levier que nous actionnons pour assurer un retour durable à plus de croissance et d’emploi, en complément des contrats de génération, des emplois d’avenir et de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
L’assainissement des finances publiques sera poursuivi. À la fin de l’année 2013, nous avions apuré la quasi-totalité des déséquilibres budgétaires accumulés entre 2002 et 2012. Pour les années à venir, le Gouvernement vous propose de prolonger ces efforts par des économies en dépenses, tout en nous donnant les moyens d’une croissance plus forte et durable.
À cette fin, nous rendrons à nos entreprises leurs capacités d’embauche et d’investissement, et nous commencerons à réduire la pression fiscale sur les ménages.
Les économies n’ont pas pour seul objet de réduire les déficits. Elles permettront également de pérenniser notre modèle social, qui ne peut pas être indéfiniment financé à crédit, et d’assurer une gestion exemplaire du service public, seul patrimoine des plus modestes des Français.
Répondre à la plus grave crise économique et budgétaire que notre pays ait eu à connaître depuis la Libération est une responsabilité historique. Nous l’assumons pleinement, en restant fidèles à nos valeurs, à nos priorités, à la justice et à la solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat commun est une étape importante, avant l’examen à l’automne prochain non seulement des traditionnels textes budgétaires annuels, mais également d’un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques.
Mme Nicole Bricq. Cela promet d’être intéressant !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce futur texte devrait inscrire dans la loi les plafonds de crédits des différentes missions pour les trois prochaines années figurant dans le document « tiré à part » que le Gouvernement a transmis la semaine dernière. Il devrait également préciser un certain nombre de règles de gouvernance de nos finances publiques, en matière par exemple de maîtrise des dépenses fiscales et des taxes affectées. Il permettra surtout de redéfinir la trajectoire de nos finances publiques.
Il s’agira notamment d’arrêter pour les années à venir les hypothèses de PIB et de croissance potentiels, qui, nous le savons, ont de fortes conséquences sur une trajectoire de solde structurel.
Dans notre débat commun, j’aimerais aborder trois questions.
Premièrement, le Gouvernement a-t-il opéré les bons arbitrages et pris les décisions sur les recettes et les dépenses de nature à redresser nos finances publiques ?
Deuxièmement, la trajectoire dans laquelle ces différentes mesures s’inscriront suit-elle une logique d’équilibre susceptible de préserver l’emploi tout en assurant une bonne répartition des efforts ?
Troisièmement, comment allons-nous aborder l’avenir sous l’angle de l’investissement public et de la redistribution ?
Mes chers collègues, j’évoquerai ces différents sujets en donnant acte au Gouvernement de la qualité des arbitrages rendus, espérant ainsi vous convaincre d’adopter le texte sur lequel nous sommes invités à nous prononcer.
Comme M. le ministre l’a rappelé, le déficit structurel des administrations publiques s’est établi à 3,1 % du PIB en 2013, contre un objectif de 1,6 % fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. C’est ce différentiel qui a conduit au déclenchement du mécanisme de correction budgétaire, après que le Haut Conseil des finances publiques a constaté, dans son avis du mois de mai dernier, l’écart important entre le solde structurel et la prévision fixée.
Dès lors, le Gouvernement était dans l’obligation d’exposer dans le projet de loi de règlement les raisons des écarts identifiés, puis de proposer des mesures de corrections dans le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, préalable à notre débat. Cela a été fait.
Un tel chaînage justifie pleinement à lui seul que nous débattions aujourd’hui simultanément des résultats de l’an passé et des orientations pour les années à venir.
Revenons très brièvement sur les raisons de cet écart important.
Le différentiel résulte d’abord, nous le savons, des révisions apportées aux exercices antérieurs ; nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre lors de l’examen de l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative. Il s’explique également, pour un tiers, par la faible élasticité des prélèvements obligatoires au PIB. Et il découle pour le reste d’un rendement plus faible qu’attendu des mesures nouvelles en recettes et d’un effort structurel en dépenses lui aussi inférieur à la prévision, du fait de la faiblesse de l’inflation.
Ainsi l’écart tient-il majoritairement à la situation macroéconomique dégradée, alors même que la Cour des comptes a qualifié l’effort structurel accompli en 2013 de « considérable ».
De même, le déficit effectif des administrations s’est élevé à 4,3 %, ou à 4,2 % selon le référentiel de comptabilité nationale que l’on retient. Cela traduit une amélioration de l’ordre de 0,6 point par rapport à 2012, même s’il s’agit d’un niveau sensiblement moins favorable que le retour aux fameux 3 % de déficit public prévu pour 2013 en loi de programmation des finances publiques.
Un tel objectif correspondait aux orientations fixées par le Conseil de l’Union européenne dans le cadre de la procédure de déficit excessif engagée à l’encontre de la France en 2009. Toutefois, compte tenu de la situation économique et budgétaire, notre pays, avec d’ailleurs d’autres États de la zone euro, a obtenu au mois juin 2013 le report à 2015 de l’échéance pour corriger le déficit excessif.
En tout état de cause, vouloir atteindre coûte que coûte le niveau de 3 % de déficit effectif dès 2013 aurait contraint le Gouvernement à engager une politique budgétaire très restrictive, et d’ailleurs procyclique, en procédant à des ajustements considérables en cours d’année. Un tel choix n’aurait été souhaitable ni économiquement ni budgétairement.
Le déficit de l’État a été réduit de 12,3 milliards d’euros par rapport à 2012, mais il a excédé de 12,6 milliards d’euros les prévisions de la loi de finances initiale. Ce résultat contrasté s’explique exclusivement par des recettes fiscales inférieures aux prévisions, compte tenu d’une croissance plus faible qu’attendu, et surtout d’une élasticité des recettes au PIB exceptionnellement négative de 1,6, ce qui ne pouvait pas être anticipé.
Ainsi les recettes fiscales ont-elles augmenté de 15,6 milliards d’euros par rapport à 2012, mais elles ont été inférieures de 14,6 milliards d’euros au niveau prévu.
M. Philippe Dallier. Trop d’impôt tue l’impôt !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cher collègue, vous nous exposerez tout à l’heure vos considérations à cet égard !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les dépenses ont été pleinement maîtrisées. Comme M. le ministre l’a rappelé, elles ont été réduites de 140 millions d’euros sur le champ de la norme « zéro valeur » et de près de 3,5 milliards d’euros sur le champ de la norme « zéro volume ». L’ampleur de ce dernier écart s’explique par la faiblesse, d’une part, des taux d’intérêt de notre dette par rapport aux prévisions initiales et, d’autre part, de l’inflation, qui a réduit le coût de la charge de la dette liée aux titres indexés, ainsi que celui des pensions.
Cette maîtrise des dépenses est pleinement reconnue par la Cour des comptes, même si celle-ci attire l’attention, et c’est sa mission, sur les risques pour l’avenir. Car, chaque année, c’est un nouveau défi.
Pour l’année 2015, le débat d’orientation des finances publiques confirme notre trajectoire, ainsi que les engagements pris ce printemps dans le cadre du programme de stabilité et du pacte de responsabilité et de solidarité.
Ainsi, l’objectif d’un retour du déficit effectif sous les 3 % dès 2015, la diminution des prélèvements obligatoires, sous les effets de la montée en charge du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité, et le plan d’économies de 50 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques sur la période 2015-2017 sont confirmés.
Le plan est précisé, pour ce qui concerne l’État, dans le « tiré à part » transmis par le Gouvernement. Ce document présente les plafonds de crédits des différentes missions et montre le respect, sur la période de programmation, des normes de dépense.
Des choix ont été effectués pour permettre de financer nos priorités, notamment en faveur de la jeunesse. Ils sont exigeants, pour l’État comme pour la sécurité sociale ou les collectivités territoriales. Ils impliquent de revisiter en profondeur nos politiques publiques, en nous interrogeant systématiquement sur le champ de l’action publique, ainsi que sur ses modalités de mise en œuvre.
Un tel effort doit être l’occasion de moderniser nos services publics et d’améliorer nos procédures. C’est la condition du maintien de la qualité du service rendu à nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement doit poursuivre ses travaux en faveur de la simplification et de la rationalisation des normes, par exemple dans le secteur de la construction. De telles initiatives sont des facteurs de réduction des dépenses publiques et de stimulation de la croissance.
J’en viens aux 11 milliards d’euros de réduction des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. (Ah ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Ils appelleront des réorganisations profondes de l’action locale,…
M. Philippe Dallier. Comme c’est bien dit ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … notamment via des fusions et des mutualisations.
M. Philippe Dallier. C’est bien parti !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous le savons, l’exercice sera difficile pour tout le monde. Les collectivités ne disposent pas de l’ensemble des leviers de maîtrise de leurs dépenses. Il sera indispensable de poursuivre les travaux engagés pour réduire l’effet des normes sur les budgets locaux.
En tout état de cause, il convient d’infirmer les idées fausses qui sont parfois propagées ici ou ailleurs. L’objectif n’est pas d’améliorer la situation budgétaire de l’État au détriment de celle des collectivités. (M. Philippe Dallier s’exclame ironiquement.)
M. Vincent Delahaye. Il suffit de regarder les tableaux !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit bien de trouver des leviers pour maîtriser les dépenses publiques dans leur ensemble, y compris les dépenses locales.
La réduction des concours financiers de l’État aux collectivités doit permettre à ces dernières de réduire leurs dépenses et d’infléchir la tendance actuelle.
M. Jean-François Husson. C’est l’inversion de la courbe ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous nous inscrivons désormais, et j’y insiste, dans une trajectoire pleinement crédible. Cela tient aux efforts de maîtrise des dépenses de l’État et des organismes de sécurité sociale de ces deux dernières années et aux réformes qui ont été engagées et continueront à l’être. En outre, la trajectoire donne de la visibilité sur plusieurs années quant à l’évolution des prélèvements obligatoires.
M. Jean-François Husson. Vous expliquerez cela aux Français !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les taux d’intérêt de notre dette sont très faibles, et l’écart avec ceux de la dette allemande a été ramené au niveau antérieur au printemps 2011. Personne ne peut donc douter de la crédibilité de notre politique !
M. Jean-François Husson. Si, si ! Étonnamment, certains en doutent… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Michèle André. Mais non ! Nous n’en doutons pas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. De telles orientations doivent également redonner de la confiance aux acteurs économiques et relancer l’investissement, afin de concilier la nécessité de poursuivre notre ajustement budgétaire, tout en renouant avec une croissance plus forte et durable.
Nous le savons, l’exercice est difficile. Dans les pays les plus en difficulté de la zone euro, les ajustements ont parfois été trop violents, avec des effets sur la croissance qui ont nui à leur efficacité.
M. Philippe Dallier. C’est un début d’aveu !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En particulier, ces mesures ont été prises au détriment de l’investissement public,…
Mme Nicole Bricq. Exactement ! Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … qui a fortement diminué, de près de 20 % dans la zone euro depuis 2009, surtout dans les pays du sud de l’Europe.
M. Philippe Dallier. Et ce sera pareil chez nous !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Une telle insuffisance de l’investissement public se constate également en Allemagne, où elle est sensiblement inférieure à la moyenne de la zone euro et où l’équilibre budgétaire prévu pour 2015 est atteint en partie au détriment de l’investissement.
Ces évolutions doivent être regardées avec attention. L’investissement public joue un rôle essentiel dans l’activité économique, la croissance potentielle et l’attractivité du pays.
L’ensemble des pays de la zone euro doivent donc non seulement veiller à faire en sorte que les choix réalisés dans le cadre du redressement des comptes évitent de peser sur l’investissement, mais également prendre des initiatives supplémentaires au niveau communautaire. De nombreuses pistes existent : développer le financement de projets par la Banque européenne d’investissement, créer une capacité budgétaire propre à la zone euro ou encore faire financer des programmes d’investissement public par l’épargne privée, dans un contexte de faibles taux d’intérêt.
À ce jour, la France a conservé un niveau d’investissement public relativement stable et élevé. Il faut s’en réjouir. Bien entendu, il est indispensable d’évaluer les investissements au regard de leur intérêt socio-économique ; le Gouvernement a mis en place des procédures utiles à cet égard. Mais prenons garde à ne pas faire des dépenses d’investissement une variable d’ajustement de notre contrainte budgétaire, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales.