M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. In cauda venenum…
M. Jean-Jacques Hyest. Souhaitant donc en faire une peine autonome, le Sénat avait circonscrit l’application de la contrainte pénale au seul juge de l’application des peines, pour bien marquer le caractère « autonome » de cette nouvelle peine. Il était prévu, par ailleurs, de remplacer la peine de prison par la contrainte pénale pour certains délits.
On l’a bien vu, c’était une impasse. Le vol avait été inclus, puis supprimé. Cela montre qu’il restait quelques délits très mineurs. On constate ainsi la limite de l’exercice.
Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué la différence entre les atteintes, d’une part, aux biens et, d’autre part, aux personnes. Je citerai un exemple bien connu de tous : celui de la personne âgée qui se fait cambrioler, dont la maison est complètement retournée et vidée. Pour elle, c’est un viol de son intimité extrêmement traumatisant, …
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. … même si elle n’a pas été agressée, même si elle était absente. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas faire trop de comparaisons dans l’absolu.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’empêche que l’agression physique est plus grave encore !
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne dis pas qu’une agression physique n’est pas grave, mais ce type de cambriolage doit être sanctionné sévèrement,…
M. Jean-Jacques Hyest. … davantage qu’un vol ordinaire.
À l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, la contrainte pénale n’est pas une peine autonome se substituant à la prison. Pour autant, on ne peut pas nier que, en lui-même, le dispositif finalement adopté n’est pas dénué de toute ambigüité, puisque la contrainte pénale a la nature d’une peine et l’apparence d’un aménagement de peine. Comment pourra-t-elle être perçue par les délinquants comme une véritable punition ? Comment les juges pourront-ils l’appliquer ? Nombreux sont ceux qui estiment que ces derniers en feront peu usage. Bref, la justice pourra-t-elle être rendue avec cette nouvelle mesure aussi bien qu’avant ? J’en doute !
Pour l’instant, seuls les délits susceptibles d’être punis de cinq ans d’emprisonnement sont concernés. Mais à partir de 2017, la contrainte pénale sera étendue aux délits passibles de dix années de prison. On va très vite et très fort ! Se pose toute la problématique, notamment, de la délinquance sexuelle, dont les auteurs peuvent cependant bénéficier d’un aménagement de peine. Quelles mesures prendra-t-on pour ce type de délinquants ? En tout cas, cela me paraît vraiment excessif.
Je passerai rapidement sur les tribunaux correctionnels pour mineurs. Madame la garde des sceaux, vous vous êtes engagée à réformer – enfin ! – en profondeur l’ordonnance de 1945.
On évoque cette ordonnance comme un texte sacré, alors qu’elle a été modifiée, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, trente-sept fois. Certes, il faut toujours en respecter les principes, mais je me demande ce qu’il reste du texte d’origine !
M. Jean-Jacques Hyest. J’en suis d’accord !
Quant à la transaction pénale, je partage les inquiétudes exprimées par Jacques Mézard. Une procédure exécutée par les officiers de police judiciaire ! Elle est devenue un peu plus acceptable dans la mesure où, grâce au Sénat, elle a été placée sous l’autorité du procureur de la République et doit être homologuée. Mais il est extraordinaire que des parlementaires aient pu oublier à ce point le principe de la séparation des pouvoirs ! Comment peut-on voter au Parlement des amendements de telle sorte ?
Il en va de même pour les écoutes téléphoniques et la géolocalisation. Sur ces points, le projet de loi n’a pas vraiment été corrigé. Les écoutes peuvent être soit judiciaires, soit administratives. Ces dernières sont bien encadrées. Quant aux écoutes judiciaires, elles sont placées sous l’autorité du juge des libertés et de la détention ou – mais de moins en moins en raison de la jurisprudence récente de la Cour de Cassation – du parquet. Ces questions soulèveront de véritables problèmes.
En conclusion, nous nous réjouissons qu’un certain nombre de correctifs aient été apportés au texte adopté par l’Assemblée nationale. Néanmoins, nous restons opposés à la philosophie qui sous-tend le présent projet de loi qui risque d’envoyer un signal négatif aux délinquants.
J’aurais pu également évoquer la césure du procès pénal qui suscite une grande inquiétude chez les magistrats. Nous n’approuvons pas non plus la suppression des peines planchers. Paradoxalement, les juges devront motiver les peines de prison. Nous assistons à un changement profond de philosophie de la justice pénale.
Madame la garde des sceaux, quoi que vous en disiez, cette réforme de la justice, comme toutes les autres, risque de se heurter à l’absence de moyens. C’est pourquoi les membres du groupe UMP ne pourront voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la suite de son intervention.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, je vous remercie de votre indulgence !
Les auteurs d’infractions doivent être sanctionnés et les victimes obtenir réparation, mais, avant tout, il faut trouver le moyen de vivre ensemble, dans une société pacifiée. Le présent projet de loi, je le crois, y contribue par le lien social sur lequel il met l’accent.
Si nous regrettons les quelques reculs du texte émanant de la commission mixte paritaire par rapport à celui qui était issu des travaux du Sénat, je veux aujourd’hui me concentrer sur les avancées, les véritables progrès qu’il contient.
Ainsi, les conditions de sortie de détention seront particulièrement encadrées, et ce afin de lutter contre les sorties sèches, véritable terreau de la récidive.
La priorité sera donnée à la préparation de la réinsertion des détenus, aussi bien avant qu’après la sortie de prison. De surcroît, les conditions de mise en œuvre des aménagements de peine resteront celles qui sont inscrites dans la loi pénitentiaire et qui ont été unanimement adoptées par notre assemblée.
Enfin, la commission mixte paritaire, en retenant certaines propositions du Sénat, n’a pas fait l’économie du sort des plus fragiles de nos concitoyens.
D’une part, elle a instauré un mécanisme d’atténuation de peine pour les personnes atteintes de maladies mentales, atténuation couplée avec des obligations de soins.
D’autre part, elle a entériné la création d’une procédure de demande de mise en liberté pour motif médical au bénéfice des personnes placées en détention provisoire.
Cette disposition, qui reprend les termes d’une proposition de loi écologiste adoptée à l’unanimité par le Sénat au mois de février dernier et dont j’ai été le rapporteur, montre que le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui permettra d’améliorer le droit et de combler certaines lacunes et certains vides juridiques.
En l’espèce, il s’agit de mettre un terme à une inégalité de traitement entre personnes condamnées et prévenues, en permettant également à ces dernières de bénéficier d’une suspension de peine quand leur état de santé est durablement incompatible avec la détention.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, c’est avec conviction et sérénité que les membres du groupe écologiste soutiendront ce texte et tous ceux qui contribueront, à l’avenir, à rendre notre société plus juste et davantage inclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tel qu’il a été présenté, le présent projet de loi s’inscrit dans la lignée de la loi pénitentiaire de 2009, qui doit beaucoup à notre collègue Jean-René Lecerf. Cette dernière encourageait déjà les aménagements de peine, partant du principe incontestable, me semble-t-il, selon lequel la peine a pour objet non seulement de punir le délinquant et de protéger la société, mais aussi de tenter de préparer une réinsertion exempte de récidive.
En mettant l’accent sur la réinsertion du délinquant, notamment au travers de la mise en œuvre de la contrainte pénale – cette nouvelle peine de probation constitue la mesure phare du texte –, le projet de loi constitue donc en quelque sorte un prolongement de la loi pénitentiaire.
Mais, dans le même temps, force est de le constater, les actuels conseillers d’insertion et de probation s’occupent en moyenne chacun de 150 à 200 mesures de probation quand il faudrait, pour que le suivi soit réel et que la mesure porte ses fruits, limiter le nombre de dossiers traités par chaque conseiller à une quarantaine ou une cinquantaine.
Dans le même temps également, nous observons que, même à supposer que l’on parvienne à approcher ce ratio – madame la garde des sceaux, vous nous annoncez la création de 1 000 postes supplémentaires de conseillers d’insertion et de probation sur trois ans –, nous aurons toujours besoin de réaménager notre parc pénitentiaire, dont l’état actuel est loin d’être satisfaisant, avec un encellulement individuel trop rare, alors qu’il devrait être la règle depuis la loi pénitentiaire. Tâchons déjà d’appliquer cette loi !
Vous prévoyez, d’ailleurs, madame la garde des sceaux, un programme d’extension et de rénovation important du parc pénitentiaire, permettant la création de 6 000 nouvelles places…
M. Yves Détraigne. … et la fermeture d’un peu plus de 1 000 places existantes. Personne ne peut dire que ce programme n’est pas absolument nécessaire. Il est même indispensable, et doit constituer une priorité !
Mais, en regard, la dure réalité budgétaire montre, hélas !, qu’il est quasiment impossible, aujourd’hui, de poursuivre financièrement plusieurs lièvres à la fois, notamment dans le domaine de la justice, où, certes, les moyens évoluent souvent plus vite que dans la plupart des autres secteurs d’intervention de l’État, mais où la France a encore un très important retard à combler par rapport à la plupart des pays comparables.
Certes, au terme de son examen par les deux assemblées et à la suite de l’accord majoritaire trouvé lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le texte évite un certain nombre d’excès que nous pouvions craindre avant que le débat n’ait lieu et qui auraient pu s’apparenter à un détricotage en règle de toutes les mesures prises en matière pénale avant 2012 – je pense notamment à la suppression de la rétention de sûreté, qui a été évitée – et à une quasi-systématisation de l’application de la contrainte pénale pour tenter de remédier à la surpopulation dans les prisons.
C’est vrai, nous avons empêché que la contrainte pénale ne devienne la peine principale pour certains délits, contrairement à ce qu’avait initialement proposé M. le rapporteur s’agissant des délits passibles de cinq ans d’emprisonnement, au risque de délivrer un message de laxisme, redoutable pour notre société.
Oui, il faut sortir du tout carcéral, qui a souvent été dénoncé, mais, parfois, avec beaucoup d’exagération. En réalité, combien de courtes peines ne sont pas exécutées ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai, hélas !
M. Yves Détraigne. Cela dit, il faut aussi poursuivre l’effort de rénovation et d’extension de notre parc pénitentiaire, comme prévu par la loi de 2009. Et, de toute évidence, les moyens vont manquer pour tout mener de front ! J’espère néanmoins me tromper. Cependant, la décision, prise lors de la réunion de la commission mixte paritaire, de généraliser, à partir de 2017, l’application de la contrainte pénale comme peine alternative à tous les délits, y compris, donc, à ceux qui sont passibles de dix ans d’emprisonnement, sans prendre le temps de dresser préalablement un bilan des deux premières années de mise en œuvre de cette nouvelle peine et sans ajuster le nombre de postes de conseillers d’insertion et de probation dont la création figure dans le texte – les 1 000 postes prévus ont été calibrés pour une nouvelle peine applicable aux délits passibles de cinq ans, et non de dix ans d’emprisonnement –, amène les membres de mon groupe, en l’état, à voter contre le présent projet de loi.
À titre personnel, cela ne m’empêche pas d’espérer que notre justice dispose un jour des moyens suffisants pour que l’on puisse réellement et en toute sécurité mieux adapter les peines à la personnalité des délinquants. Néanmoins, aujourd'hui, même si je rends hommage à votre volonté et à votre ténacité, madame la garde des sceaux, je crains, hélas !, que le compte n’y soit pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’espérais l’abstention ! Il n’en a pas eu le courage…
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si nous pouvons regretter que la procédure accélérée ait été engagée sur le présent projet de loi, nous nous félicitons que ce dernier soit issu d’un long travail de concertation, ce qui est éloigné des débats, trop souvent engendrés sous le coup de l’émotion, auxquels la précédente majorité nous avait habitués en matière pénale.
Ce texte vise à prévenir efficacement la récidive et à donner un sens à la peine.
Pour ce faire, il définit des objectifs précis : sortir du tout carcéral, insister sur la personnalisation des peines, supprimer les mécanismes automatiques faisant échec à l’individualisation des peines et construire un parcours d’exécution des peines efficace en matière de prévention des risques de récidive.
Madame la garde des sceaux, nous approuvons l’ensemble de ces objectifs, même si nous aurions voulu aller plus loin. Par exemple, nous regrettons que la commission mixte paritaire soit revenue sur certaines dispositions qui nous semblaient importantes.
La mesure phare de ce texte, qui répond à l’idée selon laquelle la peine ne doit plus être synonyme de privation de liberté, est la contrainte pénale. Il s’agit d’une peine effectuée en milieu ouvert, entièrement tournée vers le suivi socio-éducatif du condamné, conçue comme un mode de sanction non pas moins sévère que la peine d’emprisonnement, contrairement à ce que l’on peut l’entendre un peu trop souvent, mais plus efficace que celle-ci, parce que plus adaptée au traitement de la plupart des délits.
L’expérience montre qu’une peine exécutée en milieu ouvert peut s’avérer plus contraignante qu’une peine de prison, car elle comporte une obligation de résultat : la personne condamnée sera absolument tenue de suivre les injonctions qui lui seront adressées – in fine, celle d’aller de l’avant. En ce sens, il nous semble que, en termes de lutte contre la récidive, la contrainte pénale sera plus efficace qu’une peine passive effectuée en prison dans les conditions que nous savons.
Le présent texte porte aussi l’exigence d’une individualisation de la peine selon la personnalité du condamné – cela a été évoqué –, avec, notamment, la suppression de mécanismes automatiques limitant les possibilités d’individualisation. Madame la garde des sceaux, vous connaissez la position de mon groupe sur cette question : depuis un certain nombre d’années, nous avons constamment défendu cette exigence, à travers différentes propositions de loi que nous avons déposées. Chacun dans cette enceinte a en mémoire les prises de position de mon amie Nicole Borvo-Cohen-Seat sur ce sujet.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait ! Une grande parlementaire !
Mme Éliane Assassi. Je soulignerai tout de même une innovation majeure de ce projet de loi : la césure pénale. Ce dispositif permettra de ménager opportunément le temps de la réflexion en autorisant des investigations qui aideront à décider de la peine la plus adaptée à la personnalité du condamné et donc de mieux prévenir la récidive.
Les membres de mon groupe saluent et soutiennent la très grande majorité des mesures de ce texte, mais – car il y a bien un « mais » ! (Mme la garde des sceaux sourit.) – il nous semble que, sur certains points, nous aurions pu aller un peu plus loin.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Par exemple, il a finalement été choisi de maintenir la rétention de sûreté, que la commission avait supprimée. Nous regrettons que, contre toute attente, la majorité actuelle, qui a tant dénoncé cette mesure,…
M. Jacques Mézard. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. … ait finalement décidé de la réintroduire en séance publique, prétendument pour préserver un certain équilibre du texte. À nos yeux, ce projet de loi était le véhicule adapté pour la supprimer. Sur ce point, nous sommes, aujourd'hui, dans l’impasse.
De la même manière, nous regrettons que la justice des mineurs soit l’oubliée d’un projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. L’instauration des tribunaux correctionnels pour mineurs, qui n’avait pas été précédée d’un travail de concertation, constitua une profonde régression par rapport au principe fondateur de l’ordonnance de 1945, à savoir faire primer l’éducatif sur le répressif.
Cela dit, madame la garde des sceaux, nous prenons acte de votre volonté de supprimer ces tribunaux dans les prochains mois. Les membres du groupe CRC qui considèrent que la priorité éducative n’exclut pas la fermeté ont un certain nombre de propositions à faire sur ce sujet. Nous sommes donc disponibles pour travailler en concertation avec vous, afin de redonner à l’ordonnance de 1945, que des lois successives ont étouffée, son ambition initiale, c'est-à-dire une juste conciliation entre la protection de la jeunesse et une répression de la délinquance des mineurs mesurée et adaptée.
Malgré ces quelques reculs, nous approuvons, bien entendu, ce texte, selon nous progressiste, qui redonne aux juges les outils permettant de considérer les délinquants autrement qu’à travers un acte ou une énumération de faits. En le soutenant, nous réaffirmons donc ce que nous avons défendu lors de l’examen de la loi pénitentiaire de 2009, à savoir que la peine doit aussi être un temps pour se reconstruire et se réinsérer. C’est, à nos yeux, le seul moyen efficace pour lutter contre la récidive, que la peine soit purgée en milieu ouvert ou fermé. La contrainte pénale, bien que limitée pour le moment dans son champ d’application, y contribuera très certainement, en dépit de ce qu’en disent tous ses détracteurs. Nous voterons par conséquent en faveur de ce texte.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, permettez-moi maintenant de laisser quelque peu de côté le sujet qui nous réunit ce matin pour vous faire part de ma grande colère. Je veux adresser un message au secrétaire d’État censé s’occuper des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
Je l’invite fermement à ravaler son anticommunisme…
M. Bruno Sido. Primaire !
Mme Éliane Assassi. … pour le moins primaire, en effet (M. René Garrec s’esclaffe.), et à bien vouloir noter une fois pour toutes que, quand un texte est bon et porte des valeurs de gauche, à l’instar du projet de loi que nous examinons ce matin, nous le votons ! Les autres textes, nous ne les votons pas ! Cela ne devrait pourtant être une surprise pour personne, tant nous l’avons dit, redit, écrit, réécrit…
Je prie ce secrétaire d’État, qui, député, avait voté, avec l’UMP, le traité Merkel-Sarkozy, ce traité qui renforce la crise que connaît notre pays, de ravaler son anticommunisme légendaire (M. Bruno Sido s’exclame.),…
M. Jacques Mézard. Viscéral !
Mme Éliane Assassi. … pour se consacrer un peu mieux à la mission que lui a confiée le Premier ministre et, surtout, pour déployer son énergie à donner du contenu à l’idée d’une politique de gauche… si ces mots ont encore du sens pour lui !
Enfin, je regrette que le président du groupe socialiste du Sénat s’inscrive dans les pas de M. Le Guen. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est dit !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous applaudissons les trois quarts du discours, et entendons le dernier !
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si je n’ai pas les mêmes motifs de colère que ma collègue, je regrette, comme elle, que la procédure accélérée ait été engagée sur ce texte. Nombreux sont ceux à l’avoir déjà dit à cette tribune, et je l’ai moi-même maintes fois déclaré ici-même : la navette parlementaire permet, souvent, d’améliorer les textes. Cette conviction, je ne la renierai pas aujourd'hui.
Pour autant, la navette n’est pas l’alpha et l’oméga ni une garantie à 100 %, comme suffisent à le montrer les propositions de loi régulièrement déposées par notre collègue député Jean-Luc Warsmann pour rectifier un certain nombre d’erreurs, d’inexactitudes ou d’inadaptations figurant dans des textes législatifs votés sans qu’il ait été fait recours à la procédure accélérée.
J’en viens au projet de loi qui nous réunit ce matin : comme cela a été largement répété, il a fait l’objet d’une très large concertation en amont de sa présentation et, même, de son écriture. Il a donné lieu à l’organisation de très nombreux débats et de très nombreuses auditions dans les deux chambres du Parlement. La commission mixte paritaire elle-même, sous l’égide des rapporteurs et des présidents de commission, a énormément travaillé, allant jusqu’à corriger la rédaction d’un certain nombre d’articles. Enfin, et ce point me semble particulièrement important, l’évaluation des résultats du texte, la mesure de son efficacité et les rectifications qui seront éventuellement nécessaires ou utiles sont d’ores et déjà prévues.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, ne valait-il pas mieux gagner quelques mois et voter ce texte plus rapidement, de façon que la future loi soit appliquée et évaluée avec davantage de célérité ?
Mme Virginie Klès. J’en arrive au fond. Bien qu’assez souvent présente au Sénat, je n’y ai pas rencontré beaucoup de ces dangereux laxistes dont la seule envie est que l’on agresse leurs parents et leurs enfants en toute impunité, à part M. le rapporteur, Jean-Pierre Michel, puisqu’il s'est ainsi décrit, et probablement moi-même, puisque je partage en l’occurrence les opinions qui sont les siennes, et je vois que Mme Assassi se joint à nous ! (Sourires.)
Ainsi, nous serions déjà trois dangereux laxistes à ne rêver que d’impunité en matière de délinquance. Mais je n’en ai pas rencontré d’autres… (Nouveaux sourires.)
Globalement, les objectifs sont partagés : punir les délinquants et limiter la récidive. La question reste celle de savoir s'il fallait s'en tenir aux options précédentes et construire des prisons, ou changer complètement de regard.
Madame la garde des sceaux, vous l'avez déjà rappelé plusieurs fois : pour ce qui est de la construction de prisons, jusqu’à présent, le premier euro d'investissement n’était pas prévu, pas plus que le recrutement des personnels – dont il est également question pour la mise en œuvre du présent texte… – requis par ces places de prison censées être construites sans argent ni le budget nécessaire à cette fin ! De sérieux manques pouvaient donc être relevés. Aujourd'hui, la position du Gouvernement consiste à changer de regard.
Cela étant, j’ai entendu dire que la peine d’emprisonnement constitue une sanction plus dure, donc plus efficace. Voilà un paradigme auquel je m'oppose fermement. « Plus dur », qu’est-ce que cela signifie ? La dureté est une notion parfaitement subjective, et c'est le ressenti de la personne qui subit la peine qui doit être pris en considération. Affirmer qu’une peine de prison est plus dure qu’une autre sanction est donc totalement subjectif.
Ensuite, une peine est-elle efficace parce qu'elle est plus dure ? Que doit viser le législateur ? Serait-ce une peine dure infligée à titre de revanche, dans un esprit de vengeance ? Ou bien une peine efficace, qui permet de protéger la société, de rétablir l'ordre public et le droit si c'est nécessaire ? Personnellement, je suivrai bien plus volontiers le Gouvernement sur cette seconde voie, celle d’une sanction efficace. La dureté, en tant que telle, ne revêt aucune signification.
Une sanction doit être adaptée à la personnalité du délinquant, à l’acte lui-même et aux circonstances dans lesquelles il a été commis. Enfin – j’y insiste –, elle doit être non pas dure, mais juste et efficace.
C'est ce qui nous est proposé par le biais de la contrainte pénale, mesure phare du présent projet de loi. Je reprendrai l'exemple cité par Jean-Jacques Hyest, dont l’analyse est celle d’un fin juriste, même si je ne partage pas toujours ses conclusions, pas plus que lui-même ne partage celles de Jean-Pierre Michel : un cambriolage. Selon Jean-Jacques Hyest, la personne cambriolée est atteinte dans son intimité ; sur ce point, il a entièrement raison.
Mais cet exemple m'en rappelle un autre, celui d’une réparation pénale – sorte de contrainte pénale adaptée aux mineurs – particulièrement réussie. Une personne a suivi une bande de gamins âgés de treize à seize ans qui s'amusaient, pendant l’été, à entrer dans des villas, à les dévaster, à casser et à piquer tout ce qu’ils pouvaient ; ils trouvaient cela très drôle !
M. Bruno Sido. Ah oui ?
Mme Virginie Klès. Ces enfants n’ont pas été mis en prison ni placés dans un centre éducatif fermé. Ils ont été pris en charge dans le cadre d’une mesure de réparation pénale, et ils ont pris conscience de leurs actes. Ultérieurement, selon après la personne qui les suivait, aucun d’entre eux n’a été revu devant un tribunal.
Alors oui, dès lors qu’une sanction est juste, comprise, accompagnée et adaptée à la personnalité du délinquant, elle peut être mille fois plus efficace qu’une peine d’emprisonnement comme on en connaît aujourd'hui.
M. Hyest nous disait aussi que la contrainte pénale était une peine alternative. Eh bien non : elle traduit justement un changement de regard, un changement de position par rapport à la délinquance et aux délinquants… Et la contrainte pénale se doit précisément d’être extérieure à la prison, qui ne doit plus être la peine de référence, sans quoi on tourne en rond : doit-on choisir une sanction dure ou efficace ?
Au final, les membres du groupe socialiste estiment que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire est équilibré, novateur, et qu’il porte un nouveau regard, non seulement sur l’acte de délinquance, mais aussi – car on oublie trop souvent que cet acte est commis par une personne – sur les délinquants et le contexte familial et social dans lequel ils vivent, dans une perspective d’inclusion et non d’exclusion.
Avec la contrainte pénale, la fermeté de la réponse pénale est affirmée, tandis que l’individualisation de la peine se trouve confortée. La prison redevient un dernier recours, ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d'être, et les sorties seront accompagnées, ce qui est indispensable si l’on veut lutter contre la récidive. Si, en France, il n’y avait plus de monsieur B. – je ne reviendrai pas sur son cas –, ce serait le rêve, une vraie réussite !
En somme, la société est protégée, et l'ordre public conforté. Comme d’autres, je regrette que le présent texte ne prévoie pas d’abolir le tribunal correctionnel pour mineurs. Cependant, madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu sur ce sujet les promesses du Gouvernement, dont je suivrai l’engagement, tout comme cette question, ici ou ailleurs.
Certes, nous aurions pu aller plus vite, et plus loin. Il reste que la conférence de consensus a remué beaucoup de choses ; de nombreuses idées en ont jailli ; nombreux sont ceux à s'être emparés du sujet. Mais un pas a été franchi, celui du changement de regard. Ce pas est prudent, mais il est sûr.
Je rendrais un dernier hommage à M. le rapporteur, Jean-Pierre Michel, pour le travail qu’il a fourni, la cohérence de son propos et sa ténacité, ainsi qu’à Mme la garde des sceaux, pour son opiniâtreté et, de même, pour sa ténacité. Les membres du groupe socialiste soutiendront évidemment ce texte et le voteront des deux mains ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)