M. Jean-Jacques Mirassou. C’était au troisième degré !
M. Jean Bizet. Enfin, je trouve particulièrement choquante la désignation des assesseurs dans les tribunaux paritaires par les juges.
Toutes ces mesures sont loin de redonner à l’agriculture française sa vraie place en Europe et dans le monde.
À cela s’ajoute une menace, celle d’un étiquetage nutritionnel que je vois poindre à l’horizon de la future loi de santé publique de Mme Marisol Touraine, qui soumettrait certains produits agricoles transformés – souvent des produits sous signe de qualité tels le camembert de Normandie ou la saucisse de Morteau – à un affichage discriminant dicté par « la faculté ». Il y a très exactement six ans, au sein de la commission des affaires européennes, je m’étais opposé à un règlement européen qui imposait cet étiquetage nutritionnel. Soyons très attentifs à cette mesure qui se profile dans le projet de loi de santé publique.
Je déplore également, comme le président Raoul, qui fait la même analyse que moi, la condamnation dans notre pays de tout projet de recherche et d’innovation. Le syndicat de la magistrature a publié le 11 juillet dernier un communiqué de presse dénonçant la permanence de la répression de la contestation en France. Des magistrats appellent en substance à condamner ceux qui entreprennent pour construire l’avenir – notre ami Marcel Deneux doit apprécier –, en saluant parallèlement ceux-là mêmes qui détruisent le bien d’autrui « au nom de l’intérêt général pour créer les conditions d’un débat public ». Je tiens à votre disposition, madame la secrétaire d’État, ce communiqué du syndicat de la magistrature qui est assez choquant.
Tout n’est pas bon dans le progrès, mais rien n’est possible sans lui et, s’il n’y a pas de politiques sans risques, il y a des politiques sans chances. Vous ne donnez pas, au travers de ce texte, toutes les chances à l’agriculture de France pour affronter les grands enjeux de demain.
Je finirai sur une note plus positive : le verre de cidre et de calvados à moitié plein…
M. Jean-Claude Lenoir. Là, ça fait peut-être beaucoup !
M. Jean Bizet. … m’invite à saluer l’engagement des rapporteurs Didier Guillaume et Philippe Leroy ainsi que du président Daniel Raoul. Je sais l’attention qu’ils ont portée à certains des amendements auxquels je tiens. Le sort qui leur sera réservé déterminera le sens de mon vote. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont évoqué la relation des producteurs avec la grande distribution. Comme vous le savez, nous avons reçu cet après-midi, avec Arnaud Montebourg et le directeur de cabinet de Stéphane Le Foll, les représentants de la grande distribution et des producteurs. Ce sujet, qui est en effet préoccupant, mobilise toute l’attention du Gouvernement. Je tiens à rappeler que le médiateur a déjà accompli un certain travail et que des contrôles ont été réalisés. Nous recevrons prochainement les conclusions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et, si des manquements sont constatés, des sanctions seront prises.
Lors de cette réunion a également été rappelée notre volonté de soutenir les PME et de préserver l’emploi. Mardi dernier, lors des questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale, Stéphane Le Foll a d’ailleurs indiqué qu’une aide est apportée au secteur agroalimentaire, en particulier à la production fruitière, notamment dans les départements du sud de la France, qui sont concurrencés par une production espagnole en expansion.
Cet après-midi à Bercy, nous avons aussi évoqué certains des dispositifs de la loi de modernisation de l’économie, la LME, qu’il conviendrait d’améliorer. Certains d’entre vous ont d'ailleurs suggéré ces modifications. Quand des dispositifs votés ne sont pas totalement opérationnels, il est bon de le reconnaître.
M. Jean Bizet. Exact !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Vous le savez, la situation budgétaire de la France est préoccupante et un effort de tous est nécessaire : de l’État, qui fait cet effort en ce qui concerne le fonctionnement de ses administrations, des collectivités locales, de l’ensemble des Français. Les chambres consulaires doivent donc, elles aussi, contribuer à l’effort, mais celui-ci doit être mesuré, compatible avec les missions qu’elles assument sur l’ensemble de nos territoires, tout particulièrement pour la formation de nos jeunes, c’est-à-dire des apprentis. Concernant les chambres d’agriculture, la réduction de la fiscalité pesant sur leurs adhérents, c'est-à-dire sur les agriculteurs, doit servir à favoriser la compétitivité et le développement économique dans ce secteur.
Le Président de la République et Stéphane Le Foll ont obtenu, comme le rappelait Didier Guillaume, un accord historique sur la politique agricole commune, qui est très favorable pour la France tant en termes de montants que d’orientations. L’élevage est d’ailleurs le secteur qui a reçu le plus fort soutien, en dépit de certaines réactions étonnantes de la profession. Pourtant, il faut bien le dire, s’il y a bien une filière qui souffre dans l’agriculture, c’est l’élevage, notamment le secteur laitier.
En Normandie – je me permets dès à présent d’utiliser cette dénomination –,….
M. Jean-Claude Lenoir. Vous, vous pouvez ! (Sourires.)
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … l’élevage est une activité importante. La politique agricole commune prévoit, je le répète, des dispositifs de soutien à ce secteur, qui, en effet, requiert un travail exigeant. Être éleveur – les éleveurs sont des acteurs économiques et environnementaux qui jouent un rôle essentiel dans l’ensemble de nos territoires ruraux et de montagne – suppose une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, mes origines ne me permettent pas de l’oublier.
Concernant la simplification dans le cadre de la politique agricole commune, je rappelle que les installations classées porcines, par exemple, ont bénéficié d’un allégement des normes.
Par ailleurs, je souligne qu’une partie des entreprises agricoles peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Les coopératives agricoles, quant à elles, profiteront de la disparition progressive de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Concernant l’étiquetage nutritionnel, nous soutenons pleinement Marisol Touraine, qui souhaite un étiquetage plus clair. Pour autant, nous ne sommes pas réduits à ces fameux feux, qui n’étaient pas tricolores, puisqu’il y avait plus de trois couleurs. Nous souhaitons que l’information soit plus lisible, mais sans être pour autant simpliste. La prévention sanitaire grâce une meilleure alimentation ne peut pas se limiter à des couleurs qui n’auraient qu’un effet stigmatisant et aucune vertu pédagogique. Sachez que tant le ministère de l’agriculture que mon secrétariat d’État travaillent avec le ministère de la santé pour améliorer l’étiquetage nutritionnel, en évitant bien sûr de stigmatiser les produits de qualité.
M. Jean Bizet. C’est une fausse bonne idée !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, laissez-nous travailler et vous présenter dans quelques semaines nos projets. Nous serons peut-être plus proches de ce que vous souhaitez que vous ne le pensez.
M. Jean Bizet. Une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance…
M. Jean-Jacques Mirassou. Joli passing-shot, madame la secrétaire d’État !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. La mention « fait maison », idée, je le rappelle, qui est partie du Sénat, a fait l’objet d’une large concertation. On ne peut pas à la fois promouvoir la gastronomie, avec une première étape qui est la mention « fait maison », une deuxième étape qui est le titre de « maître-restaurateur », impliquant la cuisine de produits de qualité et le développement de circuits courts, et élaborer un décret simpliste. La cuisine française est complexe…
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est pour ça qu’on l’aime !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … et c’est pourquoi le décret l’est aussi. Il prévoit certaines exceptions réalistes, tout en reconnaissant le savoir-faire des restaurateurs. Nous mènerons d'ailleurs une réflexion à la rentrée sur la reconnaissance de l’aspect artisanal du métier de cuisinier.
Monsieur Le Cam, vous avez évoqué des dispositifs permettant de développer une forme d’économie participative en matière agricole. Sachez que nous allons très rapidement mettre en œuvre la loi sur l’économie sociale et solidaire. Des financements pourront donc être mobilisés dans ce secteur. Sans entrer dans le détail, j’indique qu’un soutien fort est apporté au modèle coopératif, y compris dans l’agriculture, et que l’accent est mis sur la participation des salariés et la répartition équitable des profits.
Par ailleurs, dans ce projet de loi, nous accordons une attention toute particulière à l’installation des jeunes et à la transmission, avec les contrats de génération. Nous sommes bien conscients que de nouvelles pratiques agro-écologiques doivent être développées, auprès tant des agriculteurs en place, au travers de formations, que des jeunes, grâce à la formation initiale.
M. Leroy a longuement évoqué les problèmes liés à la forêt. Celle-ci doit en effet être fortement soutenue. La cohabitation des multiples acteurs doit parfois être quelque peu dirigée par l’État. Il est vrai que, en zone de montagne, la forêt « descend », comme on dit dans ma région, ce qui pourrait entraîner la disparition de pâturages. Il est donc nécessaire de mener une politique de limitation, pour éviter que l’agro-pastoralisme, qui est essentiel à la montagne, ne soit menacé.
En ce qui concerne l’enseignement agricole, j’ai entendu, madame Férat, vos remarques concernant l’Observatoire national de l’enseignement agricole. Nous en discuterons de nouveau dans les prochaines heures.
Enfin, certains ont parlé de précipitation au sujet de ce projet de loi. Permettez-moi de m’en étonner, car l’objectif de faire adopter cette loi pendant l’été avait été très clairement annoncé. Les travaux ont commencé en janvier dernier et ont été menés de manière concertée, avec efficacité d'ailleurs. Le ministre et ses services ont été très à l’écoute et ont porté les avancées proposées par les parlementaires, qu’ils appartiennent à l’Assemblée nationale ou au Sénat.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter. Stéphane Le Foll pourra les compléter demain – de façon plus brillante que je ne l’ai fait ! – lors de la discussion des amendements que vous défendrez, pied à pied, grâce à votre expérience du terrain.
Je le répète, il faut toujours voir le verre à moitié plein.
M. Jean-Claude Lenoir. Le verre de cidre ! (Sourires.)
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Oui, monsieur le sénateur ; Stéphane Le Foll appréciera ! (Nouveaux sourires.) À vrai dire, le cidre ne fait pas partie de ma culture, mais, lorsqu’on est membre du Gouvernement, on apprend à connaître et à apprécier l’ensemble du patrimoine de la France et tous ses talents !
Dans les prochaines heures, nous travaillerons pour faire de cette loi un texte d’avenir, qui soit riche de promesses, mais aussi pleinement opérationnel, pour notre agriculture et pour la France. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission se réunira à neuf heures trente pour l’examen des amendements. Je le rappelle, il a été décidé de cesser nos débats en séance à dix-huit heures au plus tard. Vous pourrez ainsi reprendre des forces pendant le week-end, pour que nous achevions l’examen de ce texte lundi prochain !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que 155 amendements ont été déposés sur ce texte. Par ailleurs, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à M. Stéphane Le Foll.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
15
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 18 juillet 2014, à dix heures trente et à quatorze heures trente :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 718, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 743, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 744, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 18 juillet 2014, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART