M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Là encore, on peut être inquiet de l’évolution de la position américaine. Aussi, je veux vous alerter, mes chers collègues, sur ce sujet.
Voilà un peu plus d’un an, en Irlande du Nord, le G8, dans son ensemble, a pris des positions encourageantes sur ce sujet. Toutefois, au printemps, les milieux économiques américains se sont réveillés et ont entrepris un travail de lobbying efficace, qui a débouché, selon une dépêche AFP du 4 juin dernier, sur la prise de position suivante du Trésor américain : l’administration Obama défendra auprès de l’OCDE le principe qu’une entreprise ne peut être taxée dans un pays que si elle y est « physiquement présente ».
Faut-il en déduire que la logique du projet BEPS est remise en cause ? Nous pouvons nous interroger sérieusement sur ce point. Au regard de la concurrence fiscale mondialisée et débridée, serons-nous encore payés de mots ? Le G8 de Brisbane des 15 et 16 novembre prochain, qui est en préparation, nous apportera sans doute quelques éléments de réponse en la matière.
Mes chers collègues, certes, nous n’avons pas la puissance des États-Unis, mais nous avons encore le droit d’avoir l’esprit critique et de dire à un moment donné ce que nous pensons.
Pour ce qui me concerne, je respecte pleinement la position de l’UMP, qui sera défendue tout à l'heure, certainement de façon excellente, par mon collègue Francis Delattre. Ce dernier a été tellement convaincant en commission que, alors que j’envisageais de voter contre ce texte, je me bornerai à m’abstenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteur, mes chers collègues, pendant de nombreuses années, l’évasion fiscale a été considérée, si ce n’est comme une fatalité, du moins comme un problème tout à fait secondaire.
Certes, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, avait tenté d’attirer l’attention sur la « concurrence fiscale dommageable » depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Cependant, ce n’est qu’après l’éclatement de la crise financière mondiale en 2008-2009 et la succession d’un certain nombre de scandales qu’une véritable prise de conscience est intervenue.
Fléaux pour nos finances publiques, atteintes choquantes à l’égalité devant l’impôt et à la justice fiscale, les phénomènes d’évasion et d’optimisation fiscales occupent depuis lors le devant de la scène internationale.
À l’issue du G20 de Londres de 2009, l’OCDE a établi les fameuses listes « noire » et « grise » des États et territoires « non coopératifs ». Conséquence de cette « stigmatisation » répondant au principe du naming and shaming, le nombre d’accords d’échange de renseignements en matière fiscale a été multiplié par plus de trente en l’espace de quelques années.
Pour autant, nous le constatons aujourd’hui, la multiplication des accords fiscaux bilatéraux, qui reposent sur l’échange « à la demande », n’a pas tout à fait produit les effets escomptés. L’évasion fiscale demeure un phénomène important, et l’opacité de certains paradis fiscaux se serait même renforcée au cours de ces dernières années. Cela s’explique notamment par le fait que, malgré la signature de conventions fiscales, certains pays ne transmettent pas les renseignements demandés. Ainsi, l’opacité réside bien souvent dans « l’indisponibilité » des informations avancée par les administrations fiscales concernées.
Certains territoires jouent également sur des divergences d’interprétations pour bloquer l’échange d’informations. Ainsi, en août 2013, Jersey, les Bermudes et les Îles Vierges britanniques ont été réinscrites sur la liste française des États et territoires non coopératifs, à la suite de difficultés rencontrées par notre administration pour obtenir les réponses demandées. Ces territoires n’auront fait qu’un retour express sur la liste, puisque deux d’entre eux en sont sortis à nouveau quelques mois plus tard, le 17 janvier 2014, des progrès notables ayant été apparemment réalisés.
Cependant, certains États ne disposent tout simplement pas de la capacité normative et administrative nécessaire au respect de leurs engagements. Ce problème demeure même dans le cas d’un échange automatique, et non plus « à la demande ».
En 2010, les États-Unis ont adopté de manière unilatérale la loi FATCA, qui, cela a été dit, a fait l’effet d’un véritable coup de tonnerre dans le monde financier.
L’accord entre la France et les États-Unis que nous examinons ce soir est la traduction de cette loi, dans une logique de réciprocité. Certains ont émis des réserves quant à la méthode, tout à fait brutale en effet, utilisée par les États-Unis. Il est vrai que la ratification de l’accord qui nous est soumis aujourd’hui peut s’apparenter à une sorte de « vote bloqué » imposé par un pays tiers. D’ailleurs, l’extraterritorialité du droit américain pose un problème plus large, qui ne s’arrête pas au seul domaine financier.
Cette situation n’est guère satisfaisante. Cependant, malgré ces réserves, et comme l’a très bien démontré notre rapporteur, cet accord représente pour diverses raisons un véritable progrès. Ainsi, par rapport à la loi FATCA unilatérale et extraterritoriale de 2010 qui prévoyait, à la clef, la sanction pour les banques d’une retenue à la source de 30 % sur tout revenu d’origine américaine, nous avons aujourd’hui un accord bilatéral, équilibré, qui offre un certain nombre de garanties pour avancer vers une réelle transparence fiscale, dont la France serait bien sûr bénéficiaire.
Ainsi, l’accord contient une clause de la nation la plus favorisée, qui permettra à la France de se prévaloir de toute clause plus favorable que les États-Unis pourraient conclure à l’avenir avec d’autres États.
Cet accord repose sur un principe de réciprocité, qui implique que l’administration américaine devra transmettre à la France les mêmes informations sur les revenus de contribuables français, qu’il s’agisse de ménages ou d’entreprises. La réciprocité de cet accord sur l’échange automatique d’informations avec les États-Unis représente, comme l’a souligné Michèle André, « un enjeu fiscal réel » pour notre pays.
Nous devons cependant rester extrêmement vigilants pour que l’entière réciprocité de cet accord soit garantie. Tout à l’heure, à deux reprises, il a été dit que cette réciprocité était « presque » garantie. Actuellement, le Congrès américain bloque en effet la transmission des soldes de comptes bancaires.
Si la ratification de cet accord FATCA constitue un « grand pas en avant » vers la généralisation de l’échange automatique d’informations, des difficultés subsistent dans sa mise en œuvre. La question du traitement des flux d’informations très importants qui résulteront de l’échange automatique mérite d’être posée. Tout l’enjeu, pour les administrations fiscales, consistera désormais à utiliser efficacement les données issues de ces recoupements. Notre administration, monsieur le secrétaire d’État, dispose-t-elle aujourd’hui les moyens humains, techniques et financiers pour atteindre ces objectifs ? Il s'agit d’une véritable question.
En outre, même si nous avançons vers un standard mondial fondé sur l’échange automatique – chacun le souhaite dans cette assemblée –, la faiblesse juridique de certains territoires demeurera un obstacle à l’échange d’informations pertinentes, que cet échange soit automatique ou à la demande.
De plus, alors que les choses avancent relativement bien aux États-Unis et en Europe, n’y a-t-il pas un risque de transfert de l’évasion fiscale et de l’opacité vers d’autres territoires plus lointains, comme Hong-Kong ou Singapour ?
Enfin, pour instaurer une réelle transparence, des étapes complémentaires devront être franchies. Je pense, en particulier, à l’harmonisation fiscale à l’échelle européenne en matière d’impôt sur les sociétés, avec le projet de directive concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, dite « directive ACCIS », qui demeure malheureusement pour l’instant lettre morte.
Il faut espérer que la possibilité de mettre en place une coopération renforcée deviendra une réalité, afin que la règle de l’unanimité qui prévaut pour les décisions européennes sur les questions fiscales cesse d’être une barrière pour les pays qui veulent avancer vers plus de transparence et d’égalité. Ces propositions figurent dans les rapports des commissions d’enquête sénatoriales sur l’évasion des capitaux de 2012 et 2013, dont il faut saluer le travail fondateur.
Il faudra aussi s’assurer de l’avancée du projet BEPS de l’OCDE qui vise à lutter contre l’érosion de la base fiscale et le transfert des bénéfices. Parviendrons-nous à redéfinir la notion « d’établissement stable », sur laquelle restent fondées les règles fiscales internationales pour l’imposition des sociétés et qui ne correspond plus aux réalités économiques, notamment celles de l’économie numérique dont nous avons souvent débattu ?
Le chemin à parcourir est encore long, mais la conclusion d’un accord tel que FATCA nous donne de bonnes raisons d’espérer. Espérons qu’un FATCA européen verra rapidement le jour, ou plutôt qu’un standard mondial unique, comme celui qui est préparé par l’OCDE, se mettra en place pour éviter la superposition de normes différentes.
Une chose reste sûre : sans l’unilatéralisme de la loi FATCA, permis par l’hégémonie américaine, nous ne discuterions probablement pas aujourd’hui de l’échange automatique d’informations au niveau mondial. Nous en serions encore à tergiverser sur les États à inscrire ou à désinscrire de nos listes de paradis fiscaux, dont l’efficacité est tout de même beaucoup plus limitée.
Par conséquent, l’ensemble des membres du groupe RDSE votera cet accord franco-américain, qui constitue une véritable avancée vers la transparence fiscale mondiale, dans un souci de justice et d’équité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre les paradis fiscaux et, plus largement, contre les dérives permises par la dérégulation financière est un sujet qui importe tout particulièrement aux écologistes.
Pour un pays industrialisé comme le nôtre, ces dérives se traduisent chaque année par des milliards d’euros de manque à gagner en termes de ressources fiscales. Pour les pays disposant d’appareils étatiques moins forts que les nôtres, elles entraînent des pertes plus importantes encore, dont les conséquences pour les populations, les services publics et les sociétés sont démultipliées du fait de la faiblesse de ces États.
Vous n’êtes pas sans savoir que les grandes entreprises de notre pays sont aussi souvent celles qui paient, au moins proportionnellement, le moins d’impôts. C’est également le cas ailleurs, par exemple aux États-Unis, où des rapports ont, par le passé, montré que certaines compagnies étaient même parvenues à réduire leur contribution fiscale à néant.
Je pense notamment à une étude aujourd’hui fameuse du Government Accountability Office américain, commandée en 2008 par deux sénateurs démocrates. Celle-ci avait révélé qu’un quart des entreprises américaines bénéficiant de plus de 250 millions de dollars d’actifs ou de plus de 50 millions de dollars de recettes n’avaient tout simplement pas payé un seul dollar d’impôt entre 1998 et 2005 !
Les mêmes procédés se retrouvent du côté des individus fortunés, usant comme ces entreprises de toutes les possibilités légales, et parfois moins légales, et de toutes les failles de notre système financier pour diminuer leur contribution à la charge commune.
Évidemment, le sujet est désormais ancien et des progrès ont pu être réalisés au cours des dernières années. Nous sommes cependant encore loin d’avoir réglé le problème dans son intégralité. D’où l’importance du texte que nous examinons aujourd’hui. Les écologistes voteront en sa faveur, quoiqu’avec quelques commentaires et regrets que j’expliciterai plus avant.
L’accord FATCA, signé en novembre dernier entre la France et les États-Unis, que nous devons aujourd’hui approuver, renvoie à la loi américaine du même nom. Celle-ci impose aux banques du monde entier de signaler à l’administration fiscale des États-Unis, directement ou par le biais, comme c’est le cas ici, des administrations fiscales des pays où elles opèrent, l’existence de comptes détenus chez elles par des citoyens ou résidents américains, afin de détecter et donc d’empêcher toute tentative d’évasion fiscale.
Précisons qu’une telle collecte d’informations, dans le cas de l’accord dont il est question ici, se veut, à terme, réciproque : les banques américaines seront normalement tenues aux mêmes obligations que leurs homologues françaises, s’agissant de leurs clients qui figureraient parmi nos concitoyens. Cela équivaut, dans les faits, à l’instauration d’un échange automatique des données bancaires, vieille revendication des ONG travaillant sur ces questions, ainsi que des écologistes à l’échelon européen.
Cet échange d’informations facilitera grandement le travail des gouvernements de nos deux pays en la matière, même si l’on peut regretter que les comptes des entreprises ne soient, pour la plupart, pas concernés par cette mesure.
Cet accord représente néanmoins une forme de révolution copernicienne, d’autant plus puissante que les États-Unis sont en train de conclure des accords du même type avec de nombreux autres pays. Reconnaissons que, en la matière, les Américains savent se rendre particulièrement persuasifs !
En effet, les activités sur leur territoire des banques récalcitrantes seraient grandement menacées, tandis que les transactions de particuliers américains qui ne seraient pas suffisamment justifiées seraient frappées d’une retenue punitive à hauteur de 30 % de leur valeur !
Cet impressionnant pouvoir de persuasion a des retombées encore inimaginables il y a quelques années, puisqu’il a mis sous pression des acteurs comme le Luxembourg ou la Suisse, historiquement peu friands de ce genre d’exercices.
Mme Nicole Bricq. Ainsi que l’Autriche !
M. André Gattolin. Ceux-ci ont dû se résoudre à signer des accords semblables et leurs relations avec d’autres États sont, du même coup, en train de changer.
J’irai plus loin : c’est l’Union européenne elle-même qui est mise sous pression, elle qui n’était jamais parvenue jusque-là à avancer de manière satisfaisante pour harmoniser a minima les politiques fiscales de ses États membres, ni même pour restreindre, en son propre sein, les excès dus au secret bancaire.
L’Union européenne et la France ne peuvent en effet que regretter qu’il ait fallu l’intervention d’un pays tiers pour qu’une telle avancée soit possible, même si ce pays figure parmi nos plus anciens alliés et même si la méthode un peu spéciale dont il use est désormais récurrente.
Voilà de nombreuses années que l’Europe aurait dû se doter de sa propre loi FATCA, applicable d’abord et avant tout sur son propre territoire et vers certains de ses principaux partenaires financiers. Ses échecs domestiques expliquant au moins en partie son relatif effacement au niveau international en la matière, il aura fallu la mise en place d’une législation non pas multilatérale, mais américaine, et visant à protéger l’emploi et les finances publiques aux États-Unis pour avancer sur ce dossier.
Je rappelle ces faits, alors même que la nature extraterritoriale de certaines règles édictées outre-Atlantique a pu susciter une certaine émotion, il y a quelques semaines, à la suite de l’amende record infligée à une banque française, dans un domaine cependant bien différent, rappelons-le.
Ce constat doit évidemment nous inciter à la réflexion : l’Europe ne peut continuer à se construire de cette façon. L’influence que devraient lui conférer son histoire et son poids économique est décidément bien trop facilement mise à mal par ses propres divisions et par la mise en concurrence des États qui la composent. C’est d’autant plus dommageable, dans le cas présent, que la réciprocité dans la transmission d’informations rendue possible par cet accord ne sera pas totale, en tout cas pas dans un premier temps.
Il faudra en effet attendre une modification de la loi américaine pour que soldes bancaires et valeurs de rachat des contrats d’assurance vie bénéficiant à des contribuables français installés aux États-Unis soient transmis à notre propre administration fiscale.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est gentil !
M. André Gattolin. Il ne s’agit certes que d’un contretemps ; nous sommes toutefois en droit de le regretter, car il illustre parfaitement le déséquilibre qui existe entre nos deux pays et plus largement, à nouveau, entre les États-Unis et l’Union européenne.
Ces quelques remarques formulées, je conclurai en réitérant le soutien du groupe écologiste à ce texte et en espérant que l’échange automatique de données qu’il instaure entre nos deux pays – dans le respect, bien sûr, de la protection de la vie privée – puisse devenir, dans un avenir proche, une règle internationalement et effectivement appliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation générale qui a été faite.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que ce texte était novateur. Certes, il l’est, mais il est aussi largement espéré. Il était très attendu, et le voilà : aux grands maux, les grands remèdes ! De ce point de vue, c’est indéniable, nos amis américains savent très bien faire ! Après avoir mis à genoux les banques suisses, ils s’attaquent au reste du système mondial – on l’a vu récemment avec l’affaire de la BNP. C’est la version financière du big stick, le bâton plutôt que la carotte : la peur du gendarme outre-Atlantique, la crainte des amendes massives et des interdictions de commercer, synonymes pour les établissements concernés de ruine quasiment immédiate.
Je vais, monsieur le secrétaire d’État, m’écarter un peu de mon propos, puisque notre groupe votera évidemment ce texte. J’ai été vice-présidente de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, remarquablement rapportée par notre collègue Éric Bocquet. J’y ai appris à suivre un processus assez classique : chaque fois qu’il nous est possible de rappeler à cette tribune un certain nombre de principes évoqués par cette commission d’enquête, nous ne manquons pas une occasion de le faire.
On a vu avec la BNP et avec les banques suisses le montant des pénalités infligées par les banques américaines. À titre de comparaison, l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, fait tout de même pâle figure, puisque ses sanctions pécuniaires vont de 8 000 euros à 14 millions d’euros. Elle a rendu 39 sanctions seulement l’année dernière, contre 686 actions, pour 3 milliards de dollars, pour la Securities and Exchange Commission – vous voyez qu’on ne boxe pas exactement dans la même catégorie ! (Sourires.) Comme l’a dit M. Marini, nous sommes quelque part dans la diplomatie du dollar, à laquelle il faut manifestement se soumettre, et c’est ce qui s’est passé avec la BNP.
Un certain silence règne en France si l’on compare avec ce que dit la presse anglaise. The Economist rappelait que, sur les 7 millions d’Américains vivant à l’étranger, 3 000 expatriés avaient renoncé à la citoyenneté américaine ou à leur green card en 2013, et plus de 1 000 au seuil du premier trimestre 2014. Les exilés fiscaux français ne sont donc pas les seuls à penser que la fiscalité est trop lourde, il y a aussi des Américains exilés qui considèrent que ce FATCA va poser un certain nombre de problèmes et qui n’ont pas l’intention de s’y soumettre. D’ailleurs, des banques ont préféré se passer de clients américains tout simplement afin de ne pas avoir à remplir de formulaires supplémentaires.
Sur le plan international, cette loi marque une véritable inflexion dans cette diplomatie du dollar. On a parlé d’impérialisme judiciaire ; pour ma part, je plaiderai plutôt pour l’efficacité. En effet, nous ne sommes pas capables de le faire – il faut attendre l’Europe, encore et toujours attendre ! – alors que nous avons les outils nécessaires.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé tout à l’heure des assurances vie, et le fichier FICOBA a été évoqué. Il se trouve que le 18 juillet 2013 – vous n’étiez pas à ce banc –, j’avais, dans ce même hémicycle, déposé un amendement identique à un amendement d’Éric Bocquet et qui visait à compléter le fichier FICOBA par le fichier des assurances vie, afin de constituer un petit FATCA national. Le ministre au banc du gouvernement, qui était Bernard Cazeneuve, m’a répondu :
« En matière bancaire, c’est une excellente manière d’établir la traçabilité. […] Nous souhaitons mettre en œuvre cette mesure en très étroite liaison avec les compagnies d’assurance – nous sommes en concertation avec elles pour y parvenir – à la faveur notamment de la réforme de la fiscalité de l’assurance vie, qui interviendra dans les prochaines semaines.
« Par conséquent, je vous suggère, madame Goulet, de retirer cet amendement et d’attendre que cette concertation ait abouti pour reprendre cette disposition. » C’est à la page 7 441 du Journal officiel du 18 juillet 2013.
M. André Gattolin. Quelle précision !
Mme Nathalie Goulet. Le FATCA, avec les Américains, c’est très bien, mais nous avons des outils nationaux qui peuvent aussi combler un certain nombre de trous dans le gruyère… N’y voyez pas une allusion à la Suisse, bien sûr ! (Sourires.) Je veux simplement dire que ce travail qu’essaient de faire en commun les parlementaires, le Gouvernement et d’autres, y compris l’OCDE, vise à faire en sorte de resserrer les mailles du filet.
M. Marini a parlé de l’Iran. Je rentre du Golfe, où j’ai vu ce qui était jusqu’alors absolument inconcevable : des citoyens américains qui avaient en toute quiétude des comptes à Dubaï, à Abou Dhabi ou à Sharjah sont maintenant obligés de passer sous les mêmes fourches caudines que les autres.
Ces banques sont en train de renvoyer leurs clients aux États-Unis. Elles s’emploient, en tout cas, à remplir leurs obligations vis-à-vis du FATCA, sinon leurs pays respectifs perdront un certain nombre de contrats ou de couvertures américaines, notamment militaires. Encore une fois, le big stick fonctionne et à un endroit où on ne l’attendait pas !
La commission des finances a auditionné le président du comité fiscal de la Fédération bancaire, qui a bien entendu mis en exergue les frais et les coûts de la mise en place de ce système : pour adapter 200 000 comptes bancaires, cela représenterait quelque 200 ou 300 millions d’euros. Il est parfaitement évident qu’il faudra là aussi prendre les mesures nécessaires. Dans la grande bataille de l’évasion fiscale, l’échange automatique d’informations entre les administrations est une nécessité.
Quelles sont les autres initiatives ? Je ne reviendrai pas sur celle qui a été évoquée par Anne-Marie Escoffier : l’OCDE s’est récemment inspirée de la loi FATCA et veut accélérer le calendrier. En toute hypothèse, il va falloir, là aussi, minimiser les coûts pour la place de Paris.
Un certain nombre de dispositions s’imposent. Lors de la discussion de la prochaine loi de finances – si, par bonheur, nous pouvons l’examiner dans son intégralité ! – nous devrons proposer un certain nombre de mesures et veiller à ce qu’elles ne soient pas encore repoussées aux calendes grecques au motif que « l’Europe n’a pas décidé » ou que nous sommes tout seuls. Pour moi, ce texte prouve que, à partir d’une initiative valable, on arrive à un certain nombre de résultats.
J’ai deux questions à vous poser, qui relèvent presque d’une consultation personnelle. Mère de deux enfants qui vivent aux États-Unis, je me demande comment ce texte va s’appliquer à leurs comptes bancaires, ainsi qu’à ceux de nos collègues français habitant à l’étranger.
Notre commission d’enquête a également auditionné un certain nombre de célébrités – n’est-ce pas, cher Éric Bocquet ? –, des gens qui prétendent vivre à l’étranger, mais qui passent en fait la majeure partie de leur temps en France et qui risquent d’avoir finalement un certain nombre de problèmes. Dans quelle mesure ce texte va-t-il toucher les Français de l’étranger ? C’est une question qui me paraît importante et qui mérite d’être soulevée. Il faut également mettre encore la pression sur les territoires non coopératifs.
Tout à l’heure, on a signalé au passage les prix de transfert et le traité transatlantique qui va arriver. Avec ce texte, nous ne sommes ni dans la même situation ni dans le même contexte. Il s’agit d’un projet de loi extrêmement important, que nous appelions de nos vœux et que notre groupe soutient dans son intégralité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste. – M. Francis Delattre applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un petit bonheur en cette fin de session parlementaire de pouvoir voter un texte qui va dans le bon sens, avec quelques bémols, je m’en expliquerai plus loin, même si mon vote sera certainement positif.
Mme Nicole Bricq. Voici un homme heureux !
M. Éric Bocquet. Presque heureux, ma chère collègue ! (Sourires.)
La discussion de ce jour porte sur l’approbation de l’accord communément appelé « FATCA », qui vise à instaurer un système d’échange automatique d’information entre administrations fiscales de la France, d’une part, et des États-Unis, d’autre part. Cela vient d’être rappelé, ce débat ne peut que réjouir les membres des commissions d’enquête que notre groupe avait lancées et dont j’ai eu l’honneur et le plaisir d’être le rapporteur.
En effet, l’un des constats que nous avions pu faire à l’issue de ces travaux était tout d’abord l’idée que l’une des armes absolues dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale était la transparence.
Mme Michèle André, rapporteur. C’est sûr !