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Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des chemins ruraux
Discussion générale (suite)

Prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales

Renvoi à la commission d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UDI-UC, la discussion de la proposition de loi tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l’échange en matière de voies rurales, présentée par M. Henri Tandonnet et plusieurs de ses collègues (proposition n° 292, résultat des travaux de la commission n° 32, rapport n° 31).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des chemins ruraux
Discussion générale (fin)

M. Henri Tandonnet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous avons l’occasion de nous intéresser aux territoires très ruraux. Tout le monde notera d’ailleurs le contraste avec la discussion précédente. (Sourires.) Cela étant, débattre d’internet n’interdit pas d’évoquer la modernisation du patrimoine privé des collectivités territoriales, tout particulièrement des chemins ruraux.

M. Jean Germain. C’est vrai !

M. Henri Tandonnet. La proposition de loi que je vous soumets aujourd’hui a deux objets : protéger le domaine privé immobilier des collectivités territoriales en introduisant un principe d’imprescriptibilité et permettre l’aliénation, jusque-là interdite par la jurisprudence du Conseil d’État, des chemins ruraux par voie d’échange. Cette dernière mesure vise à faciliter la conservation et le redéploiement de nos voies rurales.

J’ai été conduit à déposer cette proposition de loi non seulement en raison du constat que j’ai pu faire tout au long de ma vie professionnelle d’avoué à la cour d’appel d’Agen, cour spécialisée dans les questions rurales et dont la compétence s’exerce sur le Lot, le Gers et le Lot-et-Garonne, mais aussi au travers de mon investissement au sein de la commission des maires ruraux du Lot-et-Garonne.

Qu’ai-je pu constater depuis ces points d’observation privilégiés durant de nombreuses années ? J’ai relevé un contentieux récurrent et aigu entre les communes et différents propriétaires privés sur des questions patrimoniales, ayant pour origine la prescription acquisitive opposée au conseil municipal qui prend l’initiative de remettre en valeur une partie de son patrimoine. Les exemples sont aussi divers que la consistance du patrimoine rural qui compose notre territoire. Cela va du puits au lavoir, en passant par le jardin du presbytère, le glacis des remparts, les dégagements autour des églises, les places ou encore les espaces de jardins. Cette problématique vient du fait que, pendant près d’un demi-siècle, ce patrimoine a vu ses fonctions disparaître, notamment en raison de l’exode du milieu rural.

Dans certains départements tels que le Gers ou le Lot, des villages entiers ont été abandonnés. Je peux vous citer le cas de la commune de Lagarde-Fimarcon, village castral laissé aux mains de deux ou trois habitants, qui, au fil du temps, se sont approprié l’essentiel des lieux privés et publics de la commune. Il s’en est suivi des procès sans fin avec la municipalité lorsque cette dernière a repris la main et a voulu reconstituer ses biens et mettre en valeur son patrimoine.

La question de la prescription acquisitive est très sensible sur l’ensemble des chemins ruraux, qui est d’évidence le plus grand patrimoine privé communal. Ces chemins ruraux desservent les exploitations agricoles et les communes rurales entre elles. Ils ont fait l’objet de nombreuses appropriations pour des raisons simples : bien souvent, ils gênaient les exploitations et, avec l’agrandissement de celles-ci, les nouveaux modes de culture ; ils ont été labourés, clôturés et donc soumis à une prescription acquisitive.

Ce n’était pas un problème jusqu’en 1959, date à laquelle a été redéfinie la voirie communale dans son ensemble, avec la nouvelle classification des chemins ruraux incorporés dans le domaine privé des communes.

À partir des années quatre-vingt-dix, soit trente ans après, on a alors vu des particuliers s’opposer à la réouverture de ces chemins. Dès lors, les contentieux ont explosé, d’autant que les territoires se sont attachés à l’aménagement et à la réouverture de ces chemins ruraux dans un but touristique. C’est l’exemple des sentiers de grande randonnée, notamment sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Plus localement, dans mon département, sur un chemin à thème clunisien de 104 kilomètres allant de Moissac à Moirax, nous nous sommes retrouvés face à ce type de difficulté, le chemin étant interrompu par une prescription acquisitive au milieu d’un bois.

Le principe de l’imprescriptibilité que je préconise pour ce patrimoine privé des collectivités locales heurte-t-il des principes généraux qui justifieraient son rejet ?

Deux objections sont apparues dans les débats : d’une part, la protection de la propriété privée ; d’autre part, la distinction entre domaine public et privé.

Il convient tout d’abord de noter que le code civil protège la propriété privée et que son article 2277 énonce que le droit de propriété est imprescriptible, entérinant le fait que ce droit ne peut être éteint par non-usage. Il fixe les modalités de son aliénation. La prescription acquisitive est conçue comme une exception à ce principe. Cette exception est fondée uniquement sur la possession trentenaire, qui doit notamment remplir des conditions de durée et de continuité.

L’article 2258 du même code précise que ne peut être opposée l’exception déduite de la mauvaise foi.

Vous conviendriez avec moi qu’écarter cette exception de prescription pour le domaine privé d’une collectivité, ce n’est pas faire injure au principe de protection de la propriété privée, bien au contraire. En effet, je pense que l’on peut faire un distinguo entre propriété privée d’un particulier et celle d’une collectivité territoriale, qui, en fait, n’est pas une propriété privée au sens strict du terme, mais une propriété collective dont on peut concevoir que la protection soit supérieure.

Il est plus facile à un particulier de défendre son bien, détenu par une seule personne qui en connaît les limites et les contours et qui se transmet par succession ou par vente avec des titres, qu’à une collectivité de défendre sa propriété, dont l’espace est plus étendu, et qui n’a pas, au fil du temps, l’occasion d’être déterminée par des transmissions dans un cadre familial ou hors de la famille. D’ailleurs, le second alinéa de l’article 537 du code civil précise que les personnes publiques gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables.

Des différences existent déjà entre ces deux types de propriété privée : l’une, bien connue et significative, est l’insaisissabilité des biens administratifs du domaine public ou privé. Pourquoi ne pas y ajouter l’imprescriptibilité ? En effet, la possession acquisitive apporte une exception non équitable à cette propriété collective.

Il ne paraît pas non plus inutile d’en améliorer le statut si l’on souligne que le code général de la propriété des personnes publiques définit en creux, a contrario, le domaine privé, se contentant d’énoncer : « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. »

Je pense que ce renvoi pur et simple au code civil est un peu court et que le patrimoine, notamment rural, dans sa grande diversité mérite mieux. L’intérêt touristique, architectural, environnemental qui se manifeste tous les jours de façon plus pertinente justifie la pérennisation de ce patrimoine, certes du domaine privé, mais tout de même patrimoine collectif, pour ne pas dire public.

Retenir le principe d’imprescriptibilité, qui s’ajouterait à celui de l’insaisissabilité, ne remet pas en cause l’ensemble des autres règles du droit privé – il n’y a aucune crainte à avoir en ce domaine – qui sont fort nombreuses et concernent l’aliénation, la gestion, la juridiction judiciaire compétente, et j’en passe. Ce n’est donc pas un grand bouleversement que je préconise.

Ce principe, s’il peut être utile, concerne essentiellement les chemins ruraux du fait de leur définition fixée par l’article L. 161-1 du code rural : « Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage public, qui n’ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. »

La simple lecture de ce texte met en évidence la contradiction qu’il contient : alors qu’il est question d’une destination à l’usage du public, destination directe qui recouvre pratiquement la notion de domaine public, cet article prévoit une classification par la loi dans le domaine privé, avec la conséquence pratique non négligeable, à l’heure où l’argent public est rare, que la commune n’a pas une obligation d’entretien. Toutefois, les conséquences de cette classification font que les chemins ruraux sont prescriptibles, et les riverains ne se privent pas de tenter d’en tirer avantage. Les nombreuses réactions que j’ai recueillies de la part de mes collègues sénateurs ou des géomètres sont là pour en témoigner.

Cette partie particulière du domaine privé est d’ailleurs soumise à des règles mixtes entre droit public et droit privé, telles que les conditions d’aliénation.

Je pense qu’il est grand temps d’arrêter l’hémorragie provoquée par cette exception que constitue la prescription acquisitive, faite bien souvent de mauvaise foi, et de protéger ce patrimoine, qui constitue pour nos communes rurales un levier touristique et d’accès à l’environnement, donc de qualité de vie.

Propriété privée, certes, mais avant tout collective, il convient de la protéger des captations abusives que permet le renvoi par le code général de la propriété des personnes publiques au code civil.

Comme je l’ai déjà indiqué, ce même code n’est pas hostile à une différenciation entre propriété des particuliers, c’est-à-dire des personnes privées, et celle des collectivités publiques. L’essence de la propriété n’est pas de même nature : l’une vise un but privé au sein d’un patrimoine privé, l’autre est au service d’une communauté et est constitutive d’un bien commun.

Cette proposition de loi a donc pour objet de mettre fin à cette hémorragie, et j’ai compris que la commission des lois en était assez convaincue. Je crains qu’en voulant réduire ma proposition aux seuls chemins ruraux on ne limite inutilement sa portée.

M. Henri Tandonnet. Pour terminer, je voudrais vous convaincre d’adopter l’article 3 de ma proposition de loi, qui vise à introduire la pratique de l’échange en matière d’aliénation des chemins ruraux. Le Conseil d’État s’y est montré hostile. Pourtant, comme l’a fait remarquer le rapporteur, cette pratique est courante sur le terrain.

La plupart du temps, le maire qui essaie de redresser les chemins de sa commune ou de les restructurer doit procéder par voie de ventes. Il en résulte souvent deux actes successifs : une vente et un achat engendrant des frais inutiles, des discussions sans fin sur la valeur des terrains. Or un simple échange permettrait de conserver ou même de récupérer le chemin déjà prescrit ou en voie de prescription, parce que son nouveau tracé évitera de passer au bord d’une ferme, de couper un champ labouré, de gêner un système d’irrigation ou d’interdire la réalisation d’un lac collinaire, tous exemples que j’ai moi-même vécus. Bien entendu, cette procédure d’échange serait soumise aux mêmes règles de publicité, d’enquête publique que celles qui sont requises pour l’achat et la vente.

Cette simplification permettra non seulement de réduire les frais, mais aussi de sécuriser l’opération, car le projet de rétablissement sera conçu en une seule opération avec le propriétaire concerné, ce qui évitera de nombreux contentieux.

Comme l’a souligné le rapporteur, la prohibition de l’échange va à l’encontre des dispositions applicables au domaine public. On peut d'ailleurs s’interroger sur la jurisprudence du Conseil d’État, puisque, dans le code général des collectivités territoriales ou le code général de la propriété des personnes publiques, l’échange est prévu. Selon ces textes, il tend à « permettre l’amélioration des conditions d’exercice d’une mission de service public ». C’est exactement le but visé puisque l’échange pratiqué est fait pour améliorer le tracé du chemin afin d’en garder la fonction d’origine, à savoir desservir le territoire rural en s’adaptant aux nouveaux usages et à son environnement, notamment celui des exploitations qu’il est censé desservir.

Mes chers collègues, voilà beaucoup de raisons qui justifient de mettre en chantier le principe d’imprescriptibilité du domaine privé des collectivités territoriales ; il est également urgent de l’appliquer au statut des chemins ruraux et d’en faciliter le redéploiement par la procédure de l’échange. Je crois porter devant vous une mesure fortement attendue par nos collègues maires des territoires ruraux en pleine mutation. Je vous fais confiance pour que le renvoi du texte à la commission qui est annoncé soit un moyen d’approfondir ce double objectif et non d’engager cette proposition de loi dans une impasse. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons, qui a été déposée par Henri Tandonnet et neuf autres de nos collègues, tend à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser les échanges en matière de voie rurale.

Son origine s’explique par les difficultés croissantes auxquelles sont confrontées les collectivités qui, voulant notamment reconstituer ou remettre en état des chemins ruraux quelque peu oubliés, des jardins ou des bâtisses appartenant au domaine privé de la commune, s’aperçoivent qu’elles n’en disposent plus parce que le voisin qui l’occupe depuis plus de trente ans – sans que, il est vrai, personne s’en soit jamais inquiété jusqu’à présent – en est tout simplement devenu propriétaire par prescription acquisitive. Il peut s’agir, par exemple, d’anciens moulins dont la collectivité s’était désintéressée mais qui reprennent aujourd’hui, comme en a lui-même parlé Henri Tandonnet, un intérêt nouveau, avec le développement du tourisme rural et la mise en valeur de villages de caractère.

Cette situation pourrait paraître anecdotique et ne pas mériter que le Parlement s’y intéresse, mais c’est aujourd’hui devenu une vraie difficulté, en termes d’aménagement et de développement touristiques notamment, pour un certain nombre de collectivités qui ne l’avaient évidemment pas anticipé quand les principes juridiques afférents au domaine privé – tout particulièrement aux chemins ruraux – s’étaient dégagés.

Permettez-moi de revenir en quelques mots sur ce qui fait la différence essentielle entre le domaine public et le domaine privé d’une commune avec le cas particulier du chemin rural.

Comme le rappelait en commission notre collègue René Vandierendonck, l’imprescriptibilité est inhérente à la domanialité publique. C’est simple, c’est clair. On pourrait dire que l’on ne touche à rien.

À l’inverse, les règles du droit privé dans l’ensemble de ses prérogatives, y compris la prescription acquisitive, s’appliquent au domaine privé des collectivités locales. Tout cela est donc parfaitement cohérent et bien établi. Toutefois, s’agissant des chemins ruraux, on a affaire à un objet hybride. Les chemins ruraux – on en compte plusieurs centaines de milliers de kilomètres en France, la question n’est donc pas anecdotique – font bien partie du domaine privé de la commune. À ce titre, ils peuvent faire l’objet d’une prescription acquisitive, mais sont, dans le même temps, « affectés à l’usage du public », aux termes de l’article L. 161-1 du code rural.

Il y a donc bien là une contradiction. Quand un particulier riverain d’un chemin rural peut, au bout de trente ans de « possession » ou d’occupation, se l’approprier et le clôturer, on est bien dans une procédure de droit privé. Pourtant, on ne trouve curieusement rien à redire au fait que cela fait disparaître la caractéristique spécifique de cette parcelle : son affectation à l’usage du public. Même si cette procédure de possession est fort ancienne, elle n’en reste pas moins surprenante.

Comment peut-on concilier l’acceptation de ce processus avec l’impossibilité, découlant d’une jurisprudence constante du Conseil d’État, d’échanger des chemins ruraux précisément parce qu’ils sont affectés à l’usage du public et ouverts à la circulation générale ?

On voit bien qu’il y a là deux raisonnements contradictoires à propos d’un même objet : les chemins ruraux. Même si l’on ne doit toucher que d’une main tremblante au principe selon lequel l’imprescriptibilité n’est l’apanage que du domaine public, la proposition de loi d’Henri Tandonnet soulève une véritable question, surtout aujourd’hui où, comme il l’a souligné, les chemins ruraux retrouvent un regain d’intérêt avec le développement des nouveaux usages de l’espace rural et une perception moderne de l’espace naturel. Elle mérite donc d’être examinée sous tous ses aspects.

Au regard des problèmes posés, le temps dont j’ai disposé pour examiner le texte de notre collègue a été particulièrement court, puisque j’ai été désigné rapporteur la veille de la présentation du rapport en commission.

J’ai d’abord examiné la possibilité d’un basculement des chemins ruraux dans le domaine public des collectivités, ce qui serait assez simple à prévoir pour le législateur et emporterait l’imprescriptibilité de ces chemins, tout en permettant les échanges, conformément aux prescriptions du code général de la propriété des personnes publiques.

Au-delà de l’aspect juridique, cette mesure aurait une conséquence non négligeable pour les communes, puisqu’une obligation renforcée d’entretien de leurs chemins leur serait imposée. La situation actuelle des finances publiques me laisse penser que ce n’est peut-être pas la meilleure solution pour les collectivités locales… C’est pourquoi j’ai proposé à la commission une formule « médiane » tendant à rapprocher le régime des chemins ruraux – je ne parle que des chemins ruraux du domaine privé des collectivités territoriales, et non des bâtiments privés – de celui du domaine public sans les y faire entrer, en les rendant imprescriptibles, d’une part, et en facilitant l’échange des chemins ruraux pour garantir leur continuité, d’autre part. L’intervention de M. Tandonnet l’a bien montré, ce type d’échanges « pour la bonne cause » témoigne de la bizarrerie de l’imprescriptibilité des chemins ruraux.

Sur le premier point – l’imprescriptibilité –, il me semble que si l’affectation au public des chemins ruraux justifie un régime dérogatoire d’aliénation – il faut une désaffectation préalable, avec enquête publique, avant d’envisager l’aliénation du chemin rural –, cela peut aussi légitimer leur imprescriptibilité. On a affaire à une partie du domaine privé qui a déjà un régime spécial d’aliénation, protecteur. Pourquoi ne pourrait-elle pas bénéficier de cette autre mesure de protection qu’est l’imprescriptibilité ?

Sur le second point – permettre et faciliter les échanges de chemins ruraux –, il est aujourd’hui possible d’échanger des propriétés du domaine public avec des biens appartenant à des personnes privées ou relevant du domaine privé d’une personne publique, sans autre forme de procès. Il est donc possible, me semble-t-il, de concilier l’échange et la protection de l’intérêt général, s’agissant des chemins ruraux. On considère qu’il n’y a pas de problème pour concilier l’échange et la protection de l’intérêt général pour les propriétés du domaine public. Pourquoi en irait-il autrement avec les chemins ruraux, qui appartiennent au domaine privé des collectivités ? Pourquoi serait-on plus exigeant pour l’échange d’un élément du domaine privé de la commune que pour celui d’un élément de son domaine public ? C'est une vraie question ! Vous conviendrez, mes chers collègues, que ce point mérite d’être revisité, toiletté, modernisé et mis juridiquement en phase avec les réalités de l’économie d’aujourd'hui et les usages qui sont faits de ces chemins.

Dans sa grande sagesse, face notamment à la remise en cause de principes juridiques bien établis et à la crainte, si l’on acceptait l’imprescriptibilité des chemins ruraux, d’accorder à un élément du domaine privé une caractéristique propre au domaine public de nature à apporter une certaine confusion dans le régime de la propriété des personnes publiques, la commission des lois a préféré ne pas se prononcer en l’état, plutôt que de rejeter la proposition de loi. Il reste en effet des contradictions et des problèmes à régler.

Toutefois, eu égard au regain d’intérêt que suscitent aujourd’hui les chemins ruraux du fait de l’évolution des modes de vie et de la nouvelle perception de l’espace naturel et de son usage économique, la nécessité de mieux assurer la protection des chemins ruraux a été largement admise par la commission. C’est pourquoi, à l’issue d’un débat nourri et intéressant, elle a jugé nécessaire d’approfondir sa réflexion sur le meilleur moyen d’assurer la protection des chemins ruraux et vous propose d’adopter une motion tendant au renvoi à la commission du texte.

Je voudrais dire à titre personnel et, me semble-t-il, avec l’assentiment de la majorité des membres de la commission et de son président qu’il ne s’agit pas d’opposer une fin de non-recevoir à la proposition de loi de notre collègue Henri Tandonnet.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Absolument !

M. Yves Détraigne, rapporteur. Les travaux de la commission vont se poursuivre, et l’examen de ce texte en séance publique pourra être de nouveau programmé, avec une issue certainement différente de celle que je vous propose aujourd'hui. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.