M. Jean-François Husson. Parfait !
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’excellent travail de la commission spéciale, présidée par Jean-Jacques Hyest, car elle a permis d’apporter un certain nombre de solutions importantes.
Je perçois une évolution de la part du Gouvernement ; sans doute les dernières échéances n’y sont-elles pas étrangères.
In fine, le Sénat réaffirme son attachement aux territoires en rendant sa vocation à chacune des collectivités, commune, intercommunalité, département, région.
Nous reviendrons ultérieurement et de manière plus approfondie sur les compétences, mais il était important d’en parler dès à présent.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité, dans un souci d’économie et de simplification, de clarifier les compétences de chaque collectivité et de supprimer les doublons ; il y a même urgence à cet égard. Il suffit de citer l’exemple des collèges, des lycées, des comités départementaux et régionaux du tourisme...
Dans une région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes de 4 millions d’habitants, que fera un comité régional du tourisme quand il devra participer à la commission concernant Saint-Jean-de-Luz ou celle concernant Loudun, des villes situées à plusieurs centaines de kilomètres l’une de l’autre, la seconde se trouvant en outre à 80 kilomètres de Tours ? Ce sont des doublons qu’il faudrait supprimer.
Un équilibre doit être trouvé entre les collectivités et leurs centres de décisions respectifs, qui doivent être présents sur les territoires.
Il faudra que tout cela soit clair. À cet égard, le Gouvernement évolue. Les départements devront poursuivre leurs actions de proximité, qui sont si appréciées et même plébiscitées par les élus locaux et les habitants, dont ils sont les premiers partenaires financiers. Tournés vers l’avenir, ils répondent aux problématiques locales de tous genres, à commencer par le soutien aux communes.
Il faut conserver les départements – c’est ce que semble dire le Gouvernement –, mais sans les déshabiller.
Réduire le millefeuille territorial et améliorer la gouvernance en clarifiant les compétences et en simplifiant les procédures, voilà notre mission.
Dans ce big bang territorial, les nouvelles régions devront être chargées des grands projets, nous en sommes d’accord. Il faudra aussi veiller à l’équilibre : les petits départements représentés par deux ou trois élus, cela pose tout de même un vrai problème...
Les grands projets, ce sont les grandes infrastructures : routes, universités, énergie, zones portuaires et aéroportuaires, haut débit, ainsi que les grands projets économiques. Mais les conseils généraux devront conserver leurs grandes priorités, qui constituent une partie de l’aménagement du territoire local : aide aux communes, services publics en milieu rural, sans oublier un certain nombre de projets structurants.
Ainsi, dans la Vienne, deux projets importants ont été mis en place par le conseil général. Ni le conseil régional ni l’État n’y ont investi d’argent.
Le premier projet, la technopole du Futuroscope, qui a été créée par René Monory et que j’ai eu l’honneur de présider avant que la Caisse des dépôts et consignations ne devienne majoritaire, représente 10 000 emplois. S’il a vu le jour, c’est parce qu’il y avait une volonté locale, et non régionale ou nationale.
Le second projet, c’est le domaine que Center Parcs est en train d’installer dans le nord de la Vienne et qui permettra de créer 700 emplois. Là encore, c’est grâce à l’intervention locale des communes, des communautés de communes et des élus, aux côtés des dirigeants de Center Parcs, que les choses avancent et que cette opération promet d’être une réussite.
Il faut donc que les départements conservent au niveau local des compétences, et une certaine maîtrise s’agissant des équipements économiques et touristiques situés sur leur territoire et à proximité, ainsi qu’en matière de solidarité.
Dans mon département, la Vienne, les dépenses de solidarité représentent 54 % du budget. Ces chiffres, comme le disait très bien Gérard Longuet, ne correspondent pas à des dépenses faites au hasard, mais à des politiques mûrement réfléchies.
Les départements seront l’échelon intermédiaire indispensable entre les futures régions et les intercommunalités.
S’agissant de ces dernières collectivités, vous envisagiez que le préfet dispose de pouvoirs et d’une certaine souplesse quant au seuil de 20 000 habitants. Il semble que ce seuil ne soit plus considéré comme intangible…
Chacun sait que les intercommunalités ne pourront pas assumer financièrement toutes les missions qui se rapportent à la solidarité. Les régions n’en veulent pas, elles l’ont dit. L’État en incapable de les prendre en charge puisqu’il les laisse aux départements. Quant aux diverses intercommunalités, elles ne disposeront pas toutes des mêmes moyens financiers pour y pourvoir. La vraie proximité sera donc assurée par le conseil départemental.
Je m’élève contre certaines accusations portées à l’encontre des collectivités, en particulier des départements, qu’elles proviennent de l’État, des gouvernements successifs ou de grandes structures. Ces critiques sont inacceptables.
Depuis les premières lois de décentralisation, les lois Defferre, les transferts de compétences et de personnels de l’État vers les collectivités n’ont cessé de s’amplifier. Voilà pourquoi les collectivités ont recruté, sans recevoir les compensations financières correspondantes !
Le désengagement de l’État sur nos territoires est permanent. Qui oserait dire le contraire ?
J’entendais, hier, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre de l’intérieur, dire qu’il fallait confier aux préfets la mission de gérer la proximité. Or on fait tout le contraire aujourd’hui... Le mal est fait !
Dernièrement, les directions départementales des territoires ont été supprimées : plus de travaux dans les communes, plus de gestion des permis de construire ni du droit des sols ! Les services des domaines ne vont plus intervenir pour les communes. Certaines missions des sous-préfectures sont transférées sournoisement aux préfectures... Tout cela démontre que, malgré vos promesses, l’État se désengage de plus en plus des territoires. Les collectivités sont donc obligées de prendre le relai, avec l’aide des départements.
Dans le cadre de cette réforme, il faudra que chaque niveau de collectivité, la région comme le département, joue son rôle, non pas de façade, mais un rôle concret qui permette d’établir un bon équilibre régional.
Il y a dans ce projet de loi une forme de centralisme régional et étatique. Aussi serons-nous vigilants au moment d’examiner, en décembre, le texte relatif aux compétences des collectivités.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, entendez nos inquiétudes et celles des élus de tous horizons, y compris ceux de votre bord politique !
Vous le savez, nous nous battrons, au Sénat, pour la représentativité des territoires, pour la ruralité, qui représente 15 millions de Français, et pour la proximité, car elles permettront d’atteindre un véritable équilibre et l’épanouissement harmonieux de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission spéciale chargée de l’examen de ce projet de loi a effectué un travail remarquable, et je m’en réjouis. Je tiens à saluer Jean-Jacques Hyest, son président, et François-Noël Buffet, son rapporteur, pour leurs excellentes contributions et propositions dans un dossier mal né. (M. Jacques Mézard opine.)
Cahin-caha, la réforme territoriale continue son parcours d’infortune. En effet, l’Assemblée nationale a adopté ce projet de loi, mais après avoir repoussé une question préalable et une motion de renvoi en commission !
Quant au Sénat, en première lecture, avec une majorité de gauche, il avait rejeté ce texte. C’est dire la pagaille qui règne dans les esprits...
Messieurs les ministres, il y a d’abord un problème de méthode.
Ce texte est entaché d’une faute originelle,...
M. Jacques Mézard. De plusieurs !
M. Louis Nègre. ... car le Gouvernement a choisi une action unilatérale, sans consultation ni concertation avec les premiers intéressés, c’est-à-dire les élus locaux.
Le deuxième élément négatif de votre méthode tient à cette précipitation brouillonne visant à conclure au plus vite.
Les départements comme les régions sont ancrés depuis fort longtemps dans le paysage institutionnel de notre République. Ils ont été adoptés par nos concitoyens. On ne peut se permettre de modifier leur carte sur un coin de table, à la hussarde. C’est une affaire très sérieuse !
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Louis Nègre. Pourquoi engager une procédure accélérée au Parlement et mettre en place un calendrier aussi expéditif ?
Sur le fond, j’ai deux remarques à faire.
Premièrement, ce texte, je l’ai dit, est mal né... Mais il est, de plus, prématuré. On a mis la charrue avant les bœufs.
Si l’on avait voulu procéder de manière logique, on aurait commencé par le début : on aurait d’abord déterminé les compétences de ces nouvelles régions ; puis, on aurait pris la précaution élémentaire de définir les financements pour un bon fonctionnement de ces structures, et l’on sait que les régions achoppent aujourd’hui sur des problèmes de financement. Or ces financements sont nécessaires, et même indispensables, pour assurer un fonctionnement régulier des services publics.
Il n’y a pas un seul mot dans ce texte sur les compétences et les financements associés. D’où un vrai problème de méthode.
C’est après que les compétences eurent été définies et les financements, assurés qu’il eût fallu se préoccuper de délimiter les périmètres.
Deuxièmement, le redécoupage de la carte de France a vite viré pour tous au casse-tête, tant il paraît difficile de savoir quel critère le Gouvernement a privilégié : s’agit-il des synergies entre deux régions, de l’existence d’un réseau de transports structuré, des liens culturels et du sentiment d’appartenance de la population, de la présence d’une métropole par région, de considérations politiques ? Quel est le fil directeur de cette démarche ?
À ce stade de la discussion, je tiens à saluer le travail efficace du président de notre assemblée, Gérard Larcher, qui a rencontré le Président de la République et a obtenu gain de cause pour que, sur ce texte fondamental pour les collectivités locales, soit appliqué l’article 50-1 de la Constitution. Le président du Sénat a donc souhaité, à juste raison, que l’exécutif remette en perspective cette réforme territoriale qui a beaucoup et même énormément varié depuis les annonces du mois d’avril dernier.
Cette initiative est bienvenue, surtout après les prises de position contradictoires des uns ou des autres qui font qu’aujourd’hui on ne sait plus où l’on en est, y compris à gauche, où j’ai d’ailleurs entendu prononcer des termes aussi significatifs que « zigzag », « brouillard », « surréaliste », « chaotique », « déconnecté », « accentuation des fractures », « injuste » et même « mortifère ». C’est dire !
Le Premier ministre se devait d’apporter les éclaircissements nécessaires sur un texte particulièrement flou et instable, notamment sur le calendrier électoral. Les annonces d’hier n’apportent aucune réelle amélioration quant au fond, sauf, je le reconnais, l’adaptation nécessaire et indispensable du seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités – ne pas le faire revenait à condamner d’emblée la ruralité – et la fixation tant attendue de la date des élections cantonales au mois de mars prochain.
Notre démarche s’appuie sur le principe suivant : nous ne ferons pas d’obstruction systématique sur la réforme territoriale, mais nous souhaitons la réécrire ici, au Sénat, qui est par excellence la maison des collectivités locales et des territoires.
En première lecture, alors que la majorité était différente, le Sénat a vidé le texte de sa substance en supprimant ce redécoupage. Maintenant que le Sénat est revenu à droite, nous avons la ferme volonté d’apposer notre marque sur ce projet de loi, pour protéger nos institutions départementales et communales. Notre objectif est de donner une cohérence générale à une réforme qui en est à sa quatrième version du redécoupage et qui est contestée par beaucoup !
Au-delà de ces appréciations, mon intervention portera sur quatre points particuliers.
Le premier a trait aux dispositions relatives à la délimitation des régions. Le préalable à toute discussion d’un texte délimitant de grandes régions était, pour nous, la réaffirmation de la vocation de chacune des collectivités territoriales. C’est fait avec l’article 1er A.
Par ailleurs, la commission spéciale a établi une carte modifiée, de compromis, avec quatorze régions métropolitaines, plus la Corse. Cette carte n’est pas parfaite, mais elle a le mérite de constituer une proposition sérieuse. Cela étant, messieurs les ministres, de nombreuses considérations émanant des territoires n’ont pu être prises en compte. Il eût été préférable, sur le fond, d’avoir une vision plus souple et plus proche des réalités du terrain.
Le deuxième point concerne la réaffirmation, grâce à notre majorité, de l’introduction par la commission spéciale à l’article 1er A du principe de subsidiarité, du maintien de l’existence des départements, qui sont des espaces de proximité et de solidarité, et des communes qui constituent la cellule de base de l’organisation territoriale de la République.
Le troisième point, c’est le droit d’option. Grâce à la majorité de la commission spéciale, ce dispositif, introduit par la loi de 2010, puis supprimé par l’Assemblée nationale, a été rétabli.
Le quatrième point est relatif à la représentation minimale des départements. Nous réaffirmons la nécessité de cet échelon institutionnel dont l’avenir reste toujours aussi incertain.
En conclusion, je me félicite des avancées significatives proposées par la commission spéciale et je voterai donc le texte qu’elle nous soumet, qui rend ce projet de loi imparfait plus acceptable.
Nous serons particulièrement vigilants lors de la bataille qui aura prochainement lieu sur les compétences des différentes collectivités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est à juste raison que le Gouvernement a voulu engager la réforme territoriale de notre pays, réforme trop longtemps différée et d’autant plus nécessaire désormais.
Il est indéniable que le paysage institutionnel a grandement évolué durant les vingt-cinq dernières années avec la montée en puissance des intercommunalités en particulier, dont les compétences n’ont cessé de croître durant tout ce temps.
Dans un monde toujours plus globalisé, dans lequel les économies, en particulier sur le territoire européen, sont toujours plus intégrées, il est urgent de confirmer les bons niveaux de l’action publique. Pour des raisons d’efficacité économique et budgétaire, mais aussi pour une meilleure compréhension par les citoyens du rôle de chaque niveau d’administration, il faut clarifier les responsabilités respectives ; il faut, en somme, dire qui fait quoi.
La carte des régions va donc être redessinée. Je crois qu’avant même l’examen de ce projet de loi article par article, examen qui pourra se traduire par des ajustements, nous pouvons saluer le principe d’un redécoupage régional se fondant sur des polarisations territoriales, sur des logiques économiques et de développement, mais aussi sur des volontés collectives d’agir ensemble sur un territoire auquel les habitants s’identifient.
Toute la question porte sur les ajustements pertinents qu’il faut trouver désormais. À dire vrai, je crois que la fusion de régions par blocs à certains endroits du territoire national fait difficulté. Dès lors que l’on modifie les périmètres, certains départements en périphérie des nouvelles entités peuvent ne pas se reconnaître dans ce qui est proposé. Cela peut être dû à l’attraction qu’exerce sur un département une métropole de la région voisine, cela peut survenir quand l’économie d’un département s’assimile davantage à ce qui est fait dans la région d’à côté ou encore quand la sociologie d’un département ou son histoire le rapproche de fait d’un autre territoire.
À cette fin, le Sénat avait originellement prévu que, dans cette éventualité, les départements auraient le choix de changer de région sous certaines conditions. Je veux parler du droit d’option. Au vu des modifications du texte apportées par l’Assemblée nationale et notre commission spéciale, j’ai le sentiment que cette possibilité que veut rouvrir le Gouvernement a été largement vidée de sa substance. En d’autres termes, les conditions posées rendent en l’état cette éventualité pratiquement inapplicable.
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. Yannick Botrel. Hier, par la voix du Premier ministre, puis par celle du ministre de l’intérieur, le Gouvernement s’est déclaré favorable au droit d’option facilité. Je pense vraiment que nous gagnerions en crédibilité en mettant fin à la situation paradoxale que nous avons créée en commission spéciale. Pour ce faire, je ne vois que deux possibilités : soit amender significativement le texte qui nous est soumis, soit supprimer le droit d’option puisque tout montre qu’il n’aboutira à rien dans les conditions actuelles.
Nous devons donc faciliter l’exercice du droit d’option qui permettra d’aboutir à la carte des régions la plus pertinente possible, en donnant la parole aux territoires, donc aux citoyens, directement concernés. Il ne s’agit de rien de moins que de « faire confiance à l’intelligence territoriale », pour reprendre le titre d’un rapport d’information produit par notre assemblée. C’est par le droit d’option que la carte des régions françaises pourra être finalisée, en prenant en compte plus précisément les situations régionales dans leurs diversités.
C’est en ce sens que je vous invite, mes chers collègues, comme le propose le groupe socialiste, à ouvrir davantage ce droit d’option qui est à cet instant particulièrement verrouillé. En le faisant, nous redonnerons du sens à ce projet de loi et nous lui donnerons pleinement les moyens de son ambition. Il permettra de dessiner une nouvelle carte, mieux ajustée et plus efficiente des régions françaises, au service de l’action publique et des citoyens.
Se pose également le délai prévu pour l’exercice du droit d’option. En le limitant à la seule année 2016, la loi en restreindra les possibilités d’application. Les conseils régionaux seront installés au début du mois de janvier 2016. On peut imaginer le cas échéant des discussions, des ajustements techniques et réglementaires, qui, inévitablement, prendront du temps. Dès lors, il paraît de bon sens de revenir à un délai d’application plus étendu dans le temps, ainsi que l’Assemblée nationale l’avait prévu.
Coluche disait : « Nous sommes tous capables de fabriquer quelque chose qui ne fonctionne pas. » Mes chers collègues, il ne faudrait pas que nous lui donnions aujourd’hui raison. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. Jacques Mézard. C’est déjà fait !
M. Gérard Longuet. La chute est bonne !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, étant le dernier orateur inscrit, je vais essayer de ne pas redire ce qui a déjà été très bien dit. Néanmoins, je me dois de féliciter à mon tour la commission spéciale, son président, son rapporteur, ainsi que tous ceux, de droite comme de gauche, qui y ont travaillé, et bien travaillé.
Avant d’attaquer l’examen du texte proprement dit, je ferai un petit point d’étape en vous proposant de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur.
Au fond, sur la réorganisation de nos collectivités territoriales, tout le monde est d’accord : il faut la faire. En revanche, tout le monde n’est pas d’accord sur la façon de la faire.
Précédemment, nous avions créé le conseiller territorial, premier pas vers la fusion des départements et des régions. Cela s’accompagnait d’une clarification des compétences qui constituait à mes yeux une solution efficace pour réaliser des économies d’échelle. Rien de mieux, pour faire des économies d’échelle, que de mettre l’échelle à la verticale plutôt qu’à l’horizontale ; en tout cas, dans nos entreprises, c’est ainsi que l’on envisage les choses.... Je n’insiste pas puisque le conseiller territorial a ensuite été écarté de notre dispositif institutionnel, la gauche ayant souhaité une autre réforme. Laquelle, du reste ? On ne sait pas très bien !
La semaine dernière, lors de l’examen de la proposition de loi autorisant l’accord local de représentation des communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération, j’ai eu l’occasion de vous dire, monsieur le ministre de l’intérieur, que tout cela ressemblait à une dissolution des collectivités territoriales et que, dans cette espèce de gigantesque tourbillon, plus personne n’y comprenait rien. Par exemple, au mois de mars 2015, on élira dans les départements plus de conseillers généraux qu’il n’y en avait auparavant, alors même que l’on nous explique qu’il faudrait idéalement supprimer l’échelon du conseil départemental…
Jusque voilà quelques jours, nous étions dans un grand flou, qui a partout semé l’inquiétude. Les conseils départementaux sont inquiets et n’engagent plus rien. Les communautés de communes sont inquiètes depuis qu’a été annoncé le seuil des 20 000 habitants et n’engagent plus rien non plus. Il faut sortir de cette situation au plus vite.
Mettez-vous à la place d’un maire qui apprend qu’il n’aura bientôt plus d’interlocuteur de proximité puisque le conseil régional aura fusionné avec celui d’à côté, qu’il n’aura bientôt plus de conseil départemental, parce que celui-ci sera supprimé, que, bientôt, alors qu’il aura fusionné depuis peu, il lui faudra fusionner de nouveau pour que la collectivité territoriale dont il dépend atteigne le seuil des 20 000 habitants. Ajoutez à cela la baisse des dotations, la réforme des rythmes scolaires, le prélèvement sur les communes détenant un certain nombre d’hectares de forêt, et nous voilà avec un millefeuille qui non seulement n’est pas rénové, mais qui est totalement tétanisé puisque plus rien ne sort de nos collectivités territoriales !
Les différentes réformes qui ont été proposées ont sans doute du bon et du mauvais, mais, ce qui est sûr, c’est qu’il faut en sortir.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour ma part, je veux prendre acte de ce que le climat a changé. Pendant des mois, vous n’avez pas beaucoup écouté les sénateurs, de gauche ou de droite, mais, de toute évidence, vous avez écouté les grands électeurs ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mmes Catherine Troendlé et Catherine Deroche. Très bien !
M. Alain Joyandet. Le 28 septembre dernier, ils vous ont fait passer un message d’une telle ampleur qu’avec le Premier ministre vous vous êtes dit qu’il fallait tout de même écouter la base et qu’il n’était plus possible de lancer des réformes d’en haut en appliquant partout les mêmes critères, quelles que soient les situations.
Oui à la réforme, mais pas n’importe comment ! Je me réjouis que la commission spéciale et le Sénat dans son ensemble aient retenu la solution d’un dialogue avec le Gouvernement. Nous aurions pu renvoyer le texte, mais nous n’aurions pas beaucoup existé et nous n’aurions pas pu véritablement intervenir dans l’organisation des collectivités territoriales.
Nous avons choisi le courage, car, dans le fond, vous nous tendez un piège ! Vous nous demandez de voter un premier texte sur la délimitation des régions en nous expliquant dans le même temps qu’il y aura un deuxième texte où seront définies les compétences. Or de gros points d’interrogation subsistent, notamment quant à la présence des départements.
Pour ma part, je suis prêt, comme beaucoup d’autres dans cette assemblée, à appuyer cette réforme, à soutenir le texte que la commission va nous présenter et, partant, la nouvelle délimitation des régions que cette dernière propose. Toutefois, j’y mets deux conditions essentielles.
Premièrement, même si leurs compétences sont modifiées du fait des nouvelles régions, l’existence des départements doit être réaffirmée haut et fort.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Alain Joyandet. Nous demandons un engagement solennel pour ce qui concerne le second texte. Le Gouvernement a certes changé de discours à maintes reprises au cours des derniers mois, mais le Premier ministre nous a donné des gages il y a quelques jours : on peut espérer que, dans les prochaines semaines, sa position ne changera pas une nouvelle fois !
Au reste, le meilleur moyen de réaffirmer l’existence et la pertinence des départements, c’est de leur confier des compétences claires, solides et pérennes, via ce second texte de loi.
Mme Catherine Troendlé. Tout à fait !
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Alain Joyandet. Dès lors, plus aucune incertitude ne planera sur leur avenir.
Deuxièmement, ce futur projet de loi doit lever les incertitudes quant à la pérennité de nos communes, et ce plus nettement que ne le fait l’article 1er du présent texte.
Certes, même avec ces garanties, ce système ne sera pas idéal. J’étais assez favorable au conseiller territorial, comme à la fusion des régions et des départements. Au fond, j’aurais volontiers vu généraliser la solution que nous propose l’Alsace à l’ensemble des régions françaises.
Cher Gérard Longuet, je ne sais pas dans quel ordre il convient de procéder. Néanmoins, je n’aurais pas été choqué si toutes les régions avaient fusionné, à terme, avec les départements qu’elles regroupent. (M. Gérard Longuet acquiesce.) J’ajoute que cette solution n’empêcherait pas la constitution, ultérieure ou simultanée, de très grandes régions.
Je le répète à l’intention du Gouvernement : je suis prêt à jouer le jeu, je suis prêt à faire confiance à cette réforme. J’espère n’être pas trop naïf.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. On pèche toujours par naïveté !
M. Alain Joyandet. Quoi qu’il en soit, il me semble que nous devons construire une nouvelle architecture territoriale. Telle est la mission du Sénat. À cet égard, je le note avec une grande satisfaction, j’ai entendu les orateurs siégeant sur les diverses travées de cet hémicycle, notamment le président du groupe socialiste, dont l’intervention m’a paru tout à fait convaincante. Nous ne sommes pas en tout point d’accord, mais, à mon sens, la bonne volonté s’observe de part et d’autre.
De temps à autre, il peut arriver que l’on fasse confiance en politique ! (Sourires.) Monsieur le ministre, le Gouvernement nous a dit tout et son contraire depuis quelques mois. On peut espérer, après les élections sénatoriales et la conclusion de ce débat, qu’une véritable clarification sera assurée. C’est ainsi que l’on pourra rassurer nos élus et nos collectivités. En effet, de leur dynamisme dépendent, entre autres, les investissements, donc, dans une certaine mesure, la croissance dont nous avons tant besoin et que l’on ne pourra reconquérir si les collectivités territoriales sont totalement paralysées.
Comme beaucoup dans cette enceinte, je suis prêt à prendre part à ce travail positif, dans l’intérêt de notre pays. On peut dès à présent se réjouir de quelque chose : en quelques semaines, et même en quelques jours, grâce au concours de tous, le nouveau Sénat a déjà fait bouger les lignes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)