Mme Annie David. Quel dommage !
M. Joël Labbé. C’est un cavalier !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. En revanche, monsieur le secrétaire d'État, elle tient à ce que le Gouvernement s’engage clairement à encadrer cette dérogation, afin que son incidence environnementale soit rigoureusement prise en compte.
Nous devrons enfin nous prononcer sur deux amendements tendant à insérer un article additionnel.
L’amendement n° 67 de Joël Labbé tend à prévoir une dérogation au principe de l’extension d’urbanisation en continuité pour la construction d’éoliennes prévu par la loi Littoral. La commission du développement durable a émis un avis défavorable sur cet amendement, dans la droite ligne des préconisations du rapport d’information relatif à la loi Littoral de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet adopté au mois de janvier dernier, qui a bien mis en évidence la hiérarchisation qui prévaut aujourd’hui : l’objectif de protection de la loi Littoral l’emporte sur le développement de l’éolien terrestre.
Cette priorité sera de toute façon très prochainement rediscutée, puisqu’un amendement visant la même finalité a été introduit par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
L’amendement n° 85 déposé hier soir – hier soir ! – par le Gouvernement a pour objet d’accorder à celui-ci une habilitation pour modifier les dispositions législatives du régime des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT. J’y reviendrai, mais je peux d’ores et déjà souligner que nous avons considéré que cette méthode n’était décidément pas la bonne.
Nous avons cherché à avoir toutes les informations nécessaires et à nouer un dialogue constructif avec le Gouvernement avant d’élaborer le texte de la commission : cela n’a pas été simple ! À aucun moment, le Gouvernement ne nous a fait part de sa volonté de modifier le régime des PPRT. Qui plus est, l’habilitation demandée est très large et vaste. Si le régime des PPRT peut être amélioré, il n’est pas possible de le faire dans ces conditions, littéralement « à l’aveuglette ».
Sur les articles dont elle était saisie pour avis, la commission du développement durable a émis un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 5, qui prévoit une habilitation à prendre par ordonnance des mesures en vue de fusionner des commissions territorialement compétentes – lesquelles ? – en matière d’aménagement du territoire et de services au public.
Elle a également émis un avis favorable aux deux premiers alinéas de l’article 7, à condition toutefois que soit adopté un amendement visant à supprimer l’habilitation et à inscrire directement dans le code de l’environnement une exemption à l’obligation d’enquête publique pour certains types de projets de construction et d’aménagement. La commission saisie au fond a suivi cette position.
Enfin, la commission du développement durable s’est prononcée favorablement sur l’article 21, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour organiser le recouvrement des redevances de stationnement sur la voie publique, à la suite de la dépénalisation des infractions au stationnement payant, avancée à laquelle la commission est très attachée.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les conclusions de la commission du développement durable sur le présent texte et les points sur lesquels ses membres souhaiteraient être rassurés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises s’inscrit dans la lignée des textes que nous avons adoptés depuis une dizaine d’années et qui ont pour ambition de simplifier la vie des entreprises, des citoyens et des administrations.
Ce sont des objets juridiques au contenu hétéroclite auxquels nous sommes maintenant habitués. Le présent projet de loi est déjà le deuxième texte de cette nature que nous examinons depuis 2012. En réalité, il s’agit de textes portant diverses dispositions, même si l’expression « simplification » paraît bien plus porteuse tant politiquement que médiatiquement.
Je trouve l’appellation « simplification de la vie des entreprises » très exagérée. Par exemple, sur les quatorze articles significatifs sur lesquels la commission des finances a été saisie pour avis, six concernent les entreprises et huit l’administration. Il s’agit donc autant, si ce n’est plus, de faciliter le travail de l’administration que le quotidien de milliers d’entreprises.
Non pas que le Gouvernement reste inactif, le Conseil de la simplification de la vie pour les entreprises produit des idées, qui, pour beaucoup, sont mises en œuvre par voie réglementaire. Si ces textes de simplification sont décevants, c’est parce qu’ils ne s’intéressent qu’à des sujets mineurs : ils passent à côté des véritables enjeux.
La simplification que les entrepreneurs attendent, c’est celle du code du travail ou bien du lourd corpus de règles en matière sociale, comme la mise en place du compte pénibilité. Avec plus de 3 millions de chômeurs, cela me paraît le plus urgent.
Il conviendrait surtout de ne pas inventer de nouvelles obligations de toute sorte. Je pense par exemple aux récentes dispositions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui obligent les dirigeants de PME à informer leurs salariés avant toute cession.
On ne peut, d’un côté, prôner une politique active de simplification et, de l’autre, voter des lois qui vont dans un sens totalement opposé. Ce manque de cohérence nuit gravement à la crédibilité de l’action publique et à la confiance en l’État que peuvent avoir les entrepreneurs, en particulier les plus petits.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pour autant, on ne saurait être opposé à la simplification, même si je pense que le présent projet de loi n’est pas à la hauteur des ambitions affichées. La commission des finances a donc travaillé dans un esprit constructif et proposé plusieurs amendements qui ont été retenus dans le texte établi par la commission des lois.
Ainsi, s’agissant des articles 15 et 16, elle a préféré inscrire « en dur » dans le projet de loi les dispositions pour lesquelles le Gouvernement demandait une habilitation à procéder par ordonnance. En effet, il faut veiller à ce que cette procédure soit utilisée à bon escient.
Sur l’article 13, qui concerne les obligations déclaratives des entreprises en matière fiscale, la commission des finances a émis un avis favorable. Néanmoins, elle a également relevé que, sur cet enjeu important de simplification et de compétitivité, le Gouvernement s’engageait sans guère de précision. Il nous faudra être vigilants à ce qu’il épuise le champ large de l’habilitation et ne se contente pas de « mesurettes » pour quelques déclarations spécifiques.
Le ministre s’est notamment engagé à revoir en profondeur la déclaration d’honoraires ou de commissions, dite « DAS 2 ». Toutefois, le Conseil de la simplification pour les entreprises a identifié d’autres déclarations, comme celles qui portent sur les frais généraux ou la déclaration n° 1330 relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui peuvent également être chronophages.
Je souhaite maintenant évoquer l’article 21, qui prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à corriger et à compléter les dispositions issues de la loi Métropole relatives à la décentralisation et la dépénalisation du stationnement.
Vous vous en souvenez, il s’agissait d’une initiative du Sénat, plus précisément de notre collègue Jean-Jacques Filleul, qui répondait aux souhaits émis depuis plusieurs années par de nombreux élus locaux.
J’ai auditionné le délégué interministériel chargé de ce sujet et j’ai pu constater que l’administration, longtemps réticente à cette réforme, s’était mise en ordre de marche pour la mettre en œuvre. Les dispositions prévues par l’ordonnance concernent essentiellement les mesures de recouvrement forcé en cas d’impayés de stationnement. A priori, une modification demandée par le Gouvernement permettra d’élargir le champ de l’habilitation, afin de couvrir les conséquences de la dépénalisation sur l’organisation des juridictions administratives et pénales.
Il appartiendra aux parlementaires, notamment à plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, très investis sur ce sujet, de veiller à ce que le texte de l’ordonnance soit conforme à l’intention initiale du législateur, ce que semblent confirmer les travaux préparatoires de l’ordonnance qui m’ont été transmis. La commission des finances est donc favorable à cette habilitation, qui vise à mettre en œuvre une réforme à laquelle nombre de sénateurs sont très attachés.
Enfin, l’article 30 traite du fichier bancaire des entreprises, le FIBEN, qui recense l’ensemble des crédits bancaires accordés aux entreprises. Il est alimenté par les établissements de crédit ; en contrepartie, ceux-ci peuvent consulter ce document pour s’assurer de la solvabilité d’un emprunteur.
L’article 30 propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à élargir le nombre d’acteurs qui pourront à la fois alimenter le fichier et, par conséquent, le consulter. J’étais a priori sceptique à l’égard de cet article, ma précédente expérience sur le fichier positif des crédits à la consommation m’ayant rendu prudent sur la mise en œuvre de « mégafichiers ».
Par ailleurs, je ne sais pas si cet article a pour véritable objet de faciliter le financement des entreprises ou bien le travail statistique de la Banque de France et de l’administration.
Je constate, en tout état de cause, qu’il se traduira par de nouvelles obligations déclaratives pour les acteurs du financement qui, à ce jour, n’entrent dans le champ du FIBEN.
La commission des finances n’a pas proposé la suppression de cet article, car j’attendais encore des réponses de la part de l’administration. Malgré les éclaircissements apportés, je ne suis guère plus enthousiaste. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous proposerai un amendement de suppression lors de l’examen des articles.
Vous le constatez, le projet de loi consiste en un empilement de mesures plus ou moins précises et plus ou moins utiles aux entreprises en termes de simplification. Même si elles ne suffiront pas pour restaurer un climat économique fortement dégradé depuis plusieurs années, elles sont pour l’essentiel bienvenues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec le texte que nous nous apprêtons à examiner, le Gouvernement entend franchir une nouvelle étape dans le « choc de simplification » voulu par le Président de la République et engagé depuis plusieurs mois.
Notons tout d’abord la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, puis la loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises du 2 janvier dernier, dont j’ai d’ailleurs eu le privilège d’être le rapporteur et que j’ai pu suivre. Aujourd'hui, je constate avec satisfaction, monsieur le secrétaire d’État, que les ordonnances que ce texte visait ont, depuis lors, toutes été prises. Je tiens à le souligner compte tenu de la méfiance atavique et légitime des parlementaires à l’égard du recours aux ordonnances. La rapidité dans l’action est de nature à atténuer cette méfiance.
Le mouvement de simplification a également été lancé en matière de justice avec le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, qui doit revenir très prochainement devant le Sénat pour une nouvelle lecture.
Toutes les mesures de simplification mises en œuvre depuis dix-huit mois ont d’ores et déjà permis aux entreprises et à l’administration d’économiser plus de 2 milliards d’euros. Le Gouvernement a également annoncé jeudi dernier une série de nouvelles dispositions qui devraient porter à 11 milliards d’euros les gains pour le pays d’ici à 2017.
Le présent texte, comme le premier volet de la simplification de la vie des entreprises évoqué plus tôt, vise à améliorer la compétitivité de celles-ci et à libérer leur potentiel de croissance en simplifiant les démarches administratives et en supprimant des réglementations désuètes ou jugées inutiles au fil de la pratique, sans pour autant diminuer les protections ou les droits essentiels.
En effet, selon le classement du Forum économique mondial de Davos, la France occupe aujourd’hui le cent trentième rang sur cent quarante-huit pays en ce qui concerne le poids des réglementations relatives à la compétitivité de ses entreprises.
Mme Catherine Procaccia. Vous avez bien raison !
M. Thani Mohamed Soilihi. Selon l’OCDE, la complexité administrative, ou « l’impôt papier » comme on l’appelle également, coûterait aux entreprises françaises entre 60 et 80 milliards d’euros par an, soit 3 % à 4 % du produit intérieur brut !
L’urgence et l’attente sur ces sujets justifient donc l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée et le recours aux ordonnances pour certaines dispositions.
Nous serons évidemment extrêmement vigilants lorsque le projet de loi de ratification sera soumis au Parlement, et nous vous demandons instamment, monsieur le secrétaire d’état, d’associer les parlementaires à la rédaction des ordonnances.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis est néanmoins le fruit d’une démarche collaborative tout à fait rassurante, à laquelle vous avez associé, et continuez d’associer, les acteurs économiques et les citoyens.
Il est ainsi la traduction législative de quatorze des cinquante recommandations du Conseil de la simplification pour les entreprises mis en place par le Gouvernement au mois janvier dernier, dont les missions sont d’accélérer la mise en œuvre du programme de simplification à destination des entreprises, d’en garantir la cohérence et, enfin, de proposer de nouvelles pistes de simplification. Cette instance associe administrations et chefs d’entreprise pour répondre au plus près aux besoins réels des entreprises. Vous en avez exercé, monsieur le secrétaire d’État, la co-présidence avec Guillaume Poitrinal, lui-même chef d’entreprise, avant d’accéder à vos actuelles fonctions et d’être remplacé par le député de la Côte-d’Or, Laurent Grandguillaume.
Je tiens à rappeler pour mémoire que les trente-six recommandations restantes n’ont pas été abandonnées. Soit elles ont déjà été mises en œuvre par ordonnances, soit elles sont d’ordre réglementaire.
Cette démarche participative est tout à fait innovante et moderne, car vous avez également mis en place, monsieur le secrétaire d’État, des sites internet pour permettre aux citoyens de découvrir l’ensemble des mesures de simplification en cours et de suivre leur avancement, ou encore de proposer des idées de simplification de l’administration.
Pour toutes ces raisons, je m’étonne que la majorité sénatoriale qui, bien qu’elle ait approuvé la philosophie du présent projet de loi dont elle reconnaît l’inscription dans un processus de simplification de l’environnement juridique des entreprises, semble néanmoins considérer qu’il s’agit d’un texte fourre-tout, dont le contenu est décevant et manque d’ambition. Selon elle, les dispositions qu’il contient ne seraient pas à la hauteur des attentes et des besoins des entreprises et ne constitueraient pas un véritable « choc de simplification ». Pourtant, ces mesures ont été réclamées par les entreprises elles-mêmes !
Ce projet de loi comporte des dispositions d’ordre législatif, mais je rappelle que le volet réglementaire ne doit pas être oublié. La simplification de la vie des entreprises est en perpétuel mouvement. Cinquante nouvelles mesures ont été adoptées jeudi dernier et d’autres suivront très prochainement.
J’ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à simplifier et à clarifier le code de commerce – je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le rapporteur – et j’espère moi aussi que ce texte sera très rapidement soumis au Sénat.
Le présent texte contient certes des mesures éparses, qui, prises séparément, peuvent paraître négligeables pour nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais, mises bout à bout, elles créeront un véritable choc, en redonnant de la confiance, en créant de la croissance et des emplois.
Avec l’extension de l’instrument du rescrit fiscal, par exemple, on va véritablement vers le « choc de simplification ». Cet outil, qui permet à une entreprise d’interroger l’administration, dont l’avis est opposable juridiquement, sur l’interprétation d’un texte en fonction de sa situation, figure d’ailleurs dans une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par des députés UMP. Le succès de la procédure et son utilité avérée pour les entreprises appelaient l’extension de son champ d’application à d’autres domaines de l’action administrative, tels que le droit du travail, le droit de la concurrence, ou encore le droit de la consommation. C’est désormais chose faite.
J’évoquerai également le principe du « silence vaut accord », qui renverse celui qui est en vigueur depuis la publication de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite « loi DCRA », selon lequel le silence gardé par l’administration pendant deux mois sur la demande qui lui est adressée par un usager vaut rejet de celle-ci. Près de 1 200 procédures devraient être soumises à cette règle, ce qui signifie qu’environ deux tiers des régimes d’autorisation deviendront plus simples et plus rapides. Il s’agit là d’une véritable révolution administrative qui facilitera les relations entre les Français et leur administration.
L’habilitation ayant été jugée trop large, l’article 4 a malheureusement été supprimé. Le Gouvernement nous fera, je l’espère, d’ici à la fin de la séance, une liste exhaustive des procédures administratives concernées afin de rassurer mes collègues réticents.
Le premier bilan que l’on peut dresser après dix-huit mois d’action est positif, même si l’on sait qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Le Gouvernement marque sa volonté d’agir de concert avec les acteurs économiques et d’agir vite. On ne peut que souscrire à un tel objectif.
Il serait fort dommageable que le vote du présent projet de loi soit en quelque sorte plombé par la suppression de deux mesures, le compte personnel de prévention de la pénibilité et l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise de moins de 250 salariés, mesures dont le maintien nous semble indispensable.
Pour conclure, permettez-moi de vous faire part d’un regret. La commission des lois, dont je suis membre, a été saisie de ce texte. Elle a décidé d’en déléguer au fond trente et un des articles à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire et à la commission des finances. À titre personnel, je pense qu’un tel éclatement entre cinq commissions nuit à la qualité du travail parlementaire. La transversalité des sujets abordés dans le projet de loi aurait nécessité à mon sens la création d’une commission spéciale, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Tout d’abord, je vous salue, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification. À la suite des dernières valses de ministres et de secrétaires d’état, je ne vous avais pas identifié, ce dont je vous prie de m’excuser. Or voilà une dizaine de jours, en « zappant » un soir, je vous ai vu par hasard, je ne sais ni sur quelle chaîne de télévision ni dans quelle émission. (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Pas de publicité !
M. Joël Labbé. J’ai alors été accroché par vos propos, que j’ai trouvés particulièrement intéressants.
Vous souhaitiez un « gouvernement plus ouvert, plus en dialogue avec la société, plus transparent », arguant que c’était « une des conditions de la réussite des réformes ».
M. Gérard Cornu. Quel coup de brosse !
M. Joël Labbé. La brosse, ce n’est pas mon genre, mon cher collègue, rassurez-vous !
Quoi qu’il en soit, je partage totalement ces convictions, monsieur le secrétaire d’état.
Plus en dialogue avec la société, c’est essentiel !
Je suis personnellement très préoccupé de savoir à quel point notre population se sent en rupture avec sa représentation nationale. Je pense que ce sentiment de malaise est partagé par un certain nombre d’entre nous. Un sondage IPSOS datant du mois de janvier dernier illustre parfaitement cette rupture : 72 % de la population ne font pas confiance à l’Assemblée nationale tandis que 73 % de nos concitoyens n’accordent pas leur confiance au Sénat ; 78 % des Français ne croient plus en général à la chose politique.
Il est donc grand temps que, collectivement, nous nous remettions en question. Je tenais à vous le dire en préambule, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans toutefois donner de leçon.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez aussi déclaré vouloir développer toutes les méthodes collaboratives pour dessiner de nouvelles solutions, et ce avec des exigences méthodologiques très strictes. C’est important.
Pour la rédaction du présent projet de loi, ou plutôt pour sa co-rédaction, vous avez mis en place une série d’ateliers participatifs. Le texte initial, ultérieurement amendé par l’Assemblée nationale, contenait selon nous des avancées fort intéressantes.
C’était avant son passage en commission au Sénat, où pas moins de quatre commissions ont été saisies pour avis, ce qui n’est pas la meilleure des méthodes. Résultat : le texte que nous examinons en séance est bien différent de celui résultant des travaux de l’Assemblée nationale. Alors qu’on le trouvait tout de même un peu fourre-tout, il a désormais beaucoup perdu de sa portée, ce qui est particulièrement décevant.
La commission des affaires sociales a introduit le contrat de travail à durée déterminée à objet défini, une nouvelle forme de contrat précaire pour les cadres ayant déjà été introduit à titre expérimental dans la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Je regrette que ce mécanisme ait été réintroduit dans le présent projet de loi sans que l’usage qui en a été fait ait été évalué et sans que le bénéfice réel retiré par l’entreprise et par le salarié par rapport au CDD classique ait été mesuré.
Nous devons mener une grande réflexion sur l’emploi et sa rémunération. Une étude vient de montrer que les robots pourraient remplacer 3 millions de salariés d’ici à 2025. Que ferons-nous lorsque nous aurons 6 millions de chômeurs ? Est-ce que nous inventerons le contrat de travail imaginaire ? Aussi, je plaide pour la suppression de l’article 2 quinquies introduit par la commission des affaires sociales.
L’article 12 A supprime une disposition importante de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui oblige à informer les salariés en amont de la vente de leur entreprise afin de leur en permettre la reprise éventuelle. Si l’on peut comprendre les critiques portant sur cette disposition, il faut également tenir compte des avantages qu’elle comporte, afin, comme l’a dit M. le ministre précédemment, de favoriser au maximum la reprise d’entreprises et le maintien de l’emploi.
Je proposerai également par amendement la suppression de l’article 11 bis introduit à l’Assemblée nationale et qui vise à autoriser, par dérogation au code de l’environnement, le convoyage par motoneige de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration. Bel exemple de cavalier législatif !
M. André Reichardt, rapporteur. Tout à fait !
Mme Annie David. Bien sûr que c’est un cavalier !
M. Joël Labbé. Un cavalier blanc qui aurait pu se fondre dans les somptueux décors enneigés de nos espaces naturels… Mais c’est un cavalier bruyant, et c’est là son grand défaut !
Sérieusement, nous sommes dans cet hémicycle pour défendre l’intérêt général et le bien public ; or l’article en question ne concerne strictement que quelques intérêts très privés et favorise une pratique qui va à contre-courant de la défense du bien public.
Je me suis renseigné sur le fonctionnement actuel des restaurants d’altitude : on y accède à pied, à ski ou en raquette, ce qui fait l’intérêt et le charme de ces établissements, situés dans un cadre extrêmement privilégié. Une simple augmentation de l’amplitude horaire des remontées mécaniques donnerait une réponse complémentaire plus que satisfaisante.
N’oublions pas, quand même, que 40 % des Français ne partent plus en vacances,…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Joël Labbé. … que moins de 10 % vont aux sports d’hiver dont un très faible pourcentage profite de la restauration d’altitude. Le maintien de cet article serait un scandale aux yeux des Françaises et des Français,…
Mme Annie David. Très bien !
M. Joël Labbé. … que nous représentons et avec lesquels nous nous devons de renouer le dialogue.
Pour rester dans le domaine de l’hôtellerie, j’ai proposé un amendement tendant à protéger les professionnels contre l’abus des centrales de réservation qui opèrent un véritable racket – tout en ayant, d’ailleurs, un siège à l’étranger – et qui mettent à mal la petite hôtellerie familiale, élément de notre patrimoine. Malheureusement, cet amendement a été déclaré irrecevable ; je fais toutefois confiance au Gouvernement pour s’occuper pleinement de la question et je ne manquerai pas de le questionner sur le sujet, et, si besoin est, de l’interroger de nouveau.
Enfin, je me dois de parler de la ferme des mille vaches, question qui n’est pas sans rapport avec le présent texte, une exploitation agricole étant aussi une entreprise.
La semaine dernière, j’ai « séché » les travaux de la commission des affaires économiques, car j’avais choisi d’être présent au procès qui s’est déroulé à Amiens. Une grande majorité des Françaises et des Français que nous représentons et avec lesquels nous nous devons de renouer le dialogue, je le répète, s’oppose à ce type d’industrialisation et de financiarisation de notre agriculture. Une opposition déterminée à réduire le nombre de vaches de 1000 à 500 s’est fait jour, mais ce nombre est encore beaucoup trop élevé.
Seulement voilà : le contexte législatif actuel ne nous permet pas de limiter la concentration des terres, ou, du moins, ceux qui souhaitent réaliser une telle concentration ont les moyens de contourner l’exercice du nouveau droit de préemption des SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, sur les parts de société.
Aussi, j’ai déposé un amendement visant à permettre aux SAFER de préempter non pas la totalité, mais la majorité des parts de société. Il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, ce que je conteste, car les SAFER sont financièrement indépendantes.
C’est pourquoi, même si la commission n’aime guère les demandes de rapports, je sollicite par amendement, avec force, un rapport au Gouvernement sur l’extension du droit de préemption des SAFER aux parts de société, y compris dans le cas où la cession ne porte pas sur l’intégralité des parts. Je suis convaincu que cet amendement recueillera une majorité de voix au sein du Sénat, et peut-être même l’unanimité.
En outre, j’ai reçu, hier, des représentants de la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, du Morbihan qui ont tenu à me faire part du sentiment de grande lassitude qui règne dans tous les métiers du bâtiment en raison de l’extrême complexité des dossiers d’aides publiques dans le domaine de la rénovation. Ils souhaitent une véritable simplification en la matière, et pourquoi pas l’instauration d’une TVA à 5,5 % pour l’ensemble des travaux. Je crois que cette mesure doit être étudiée, monsieur le secrétaire d’État.
Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, il faut vraiment travailler à une procédure beaucoup plus simple, tout en maintenant ce dispositif, qui est essentiel.
Un mot, enfin, sur les banques, qui ne jouent pas leur rôle de soutien à la trésorerie des très petites entreprises.
Pour conclure, je suis très favorable à la simplification de la vie des entreprises et je souhaite vivement pouvoir voter en faveur du présent projet de loi. Néanmoins, si le texte n’évoluait pas au cours de la discussion et si mes amendements ne recevaient aucun écho, je pourrai m’abstenir, de même que les membres de mon groupe.