Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
M. Jean Desessard, Mme Colette Mélot.
3. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
4. Communication du Conseil constitutionnel
mesures pour recenser les faux résidents secondaires suisses
Question n° 892 de M. Rachel Mazuir. – Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique ; M. Rachel Mazuir.
financement de l'aide individuelle de solidarité par les départements et compensation de l'état
Question n° 875 de Mme Corinne Imbert. – Mmes Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique ; Corinne Imbert.
Question n° 837 de M. Antoine Lefèvre. – Mmes Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; Corinne Imbert, en remplacement de M. Antoine Lefèvre.
plan de redressement de la mutuelle des étudiants
Question n° 860 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; Catherine Procaccia.
mise en sécurité et modernisation du centre hospitalier universitaire de limoges
Question n° 869 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – Mmes Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; Marie-Françoise Perol-Dumont.
M. le président, Thierry Foucaud.
Question n° 884 de M. Thierry Foucaud. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Thierry Foucaud.
rapport sur l'utilisation des tubulures contenant du dehp
Question n° 894 de M. Gilbert Barbier. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Gilbert Barbier.
redéploiement de l'hélicoptère de la sécurité civile dragon 62
Question n° 859 de M. Jean-Claude Leroy. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes.
piétonnisation des voies sur berges
Question n° 872 de M. Christian Cambon. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Christian Cambon.
dispositifs de rénovation thermique des bâtiments portés par les collectivités territoriales
Question n° 891 de M. Jacques Chiron. – MM. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Jacques Chiron.
conditions de la privatisation de l'aéroport de toulouse-blagnac
Question n° 897 de Mme Françoise Laborde. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Françoise Laborde.
ligne à grande vitesse montpellier-perpignan
Question n° 879 de M. Roland Courteau. – MM. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Roland Courteau.
modernisation des transports du quotidien en île-de-france
Question n° 858 de Mme Claire-Lise Campion. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Claire-Lise Campion.
Question n° 888 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Jean-Claude Lenoir.
conditions de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers
Question n° 889 de M. Christian Favier. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Christian Favier.
effectifs du service de la nationalité des français nés et établis hors de france
Question n° 885 de M. Richard Yung. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Richard Yung.
encadrement des loyers dans les communes des hauts-de-seine
Question n° 886 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mmes Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ; Brigitte Gonthier-Maurin.
enfants et familles sans logement en île-de-france
M. le président.
Question n° 882 de M. Pierre Laurent. – Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ; M. Pierre Laurent.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Décès de Guy Fischer, ancien sénateur
7. Prestation de serment de juges à la Cour de justice de la République
8. Modification de l’ordre du jour
10. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Cambodge
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
11. Mise au point au sujet d’un vote
M. Michel Mercier, Mme la présidente.
Mmes Nathalie Goulet, la présidente.
13. Lutte contre le terrorisme. – Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Alain Richard, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
14. Mise au point au sujet d’un vote
M. Henri Cabanel, Mme la présidente.
15. Lutte contre le terrorisme. – Suite de la discussion d’un projet de loi et adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
Discussion générale (suite) :
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 du Gouvernement.
Adoption définitive du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
16. Simplification de la vie des entreprises. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis de la commission des finances
17. Mise au point au sujet d’un vote
M. Franck Montaugé, Mme la présidente.
18. Simplification de la vie des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) :
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
19. Mise au point au sujet d’un vote
Mmes Catherine Procaccia, la présidente.
20. Simplification de la vie des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 31 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.
Amendement n° 89 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 32 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.
Amendement n° 93 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 33 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 92 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 25 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 2 quinquies
Amendement n° 66 de M. Joël Labbé. – Retrait.
Amendement n° 81 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 5 (Suppression maintenue)
Amendement n° 29 rectifié de M. Philippe Adnot. – Non soutenu.
Adoption de l'article.
Mme la présidente.
Article additionnel après l'article 6
Amendement n° 21 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 40 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement n° 88 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 7 ter
Articles additionnels après l'article 8
Amendement n° 67 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.
Amendement n° 85 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 9 (Suppression maintenue)
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 10
Amendement n° 12 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Articles 11 et 11 bis A. – Adoption
Amendements identiques nos 35 de Mme Annie David et 62 de M. Joël Labbé.
Renvoi de la suite de la discussion.
21. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 30 novembre 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Démission d’un sénateur
M. le président. M. le président du Sénat a reçu une lettre de M. Jean Boyer par laquelle il s’est démis de son mandat de sénateur de la Haute-Loire à compter du lundi 3 novembre 2014, à minuit.
À la suite de la cessation du mandat de M. Jean Boyer, le siège détenu par ce dernier est devenu vacant et sera pourvu selon les termes de l’article L.O. 322 du code électoral lors d’une élection partielle qui sera organisée dans un délai de trois mois.
3
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
M. le président. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé, le 3 novembre 2014, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 54 [2014-2015], présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la reconnaissance par la France d’un État palestinien, et déposée le 28 octobre 2014.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents qui se tiendra le mercredi 5 novembre.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 31 octobre 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 1° de l’article 25 et l’article 25-1 du code civil (Déchéance de la nationalité française) (2014-439 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
5
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
mesures pour recenser les faux résidents secondaires suisses
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 892, transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
M. Rachel Mazuir. Monsieur le président, j’ai souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de dizaines de milliers de Suisses qui résident en France sans avoir préalablement fait de démarche déclarative auprès de leur commune. Le département de l’Ain n’est à mon avis pas le seul concerné, mais la situation y prend une tournure particulière.
Dans le département de l’Ain, les communes du pays de Gex, qui comptent environ 80 000 habitants – j’insiste sur le mot « environ » puisque personne n’est en mesure d’indiquer le chiffre exact –, sont concernées par ce phénomène qui ne cesse de s’amplifier tous les ans à leur détriment. On pense que les résidents suisses représentent à peu près 15 % de la population de Ferney-Voltaire et 10 % de celle de Divonne-les-Bains.
Les Suisses sont déclarés comme « résidents secondaires », alors qu’ils résident en France de façon permanente. Ils y trouvent évidemment quelques avantages indéniables, comme le fait de pouvoir se loger à moindre coût – le prix d’un studio à Genève équivaut à une petite maison sympathique dans le pays de Gex – et le bénéfice pour leurs enfants et pour eux-mêmes d’infrastructures comme les transports en commun, les établissements d’enseignement ou les équipements sportifs. Ils continuent parallèlement de percevoir leurs avantages suisses, notamment en termes de santé et d’assurance chômage.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais l’ampleur qu’il a prise pose des problèmes qui nuisent à la qualité des relations entre les habitants français et les résidents suisses dans le Pays de Gex.
Je me permets de citer l’exemple, qui n’est pas anodin, de M. Gilbert Catelain, citoyen suisse membre de l’Union démocratique du centre, ou UDC, et candidat au Grand Conseil genevois. Je cite ses propos, parce qu’il les a tenus publiquement ; dans le cas contraire, je ne le ferais pas. L’intéressé a déclaré sa résidence officielle à Genève, mais il habite une maison de taille respectable à Chevry. Interviewé par des journalistes dans le cadre d’une émission de la chaîne télévisée suisse RTS, il a prétendu que cette maison appartenait à sa femme et qu’il n’y résidait qu’occasionnellement – bien sûr ! Je précise que M. Catelain a défendu à grand renfort d’affiches électorales, avant de la voter, une motion contre la présence des étrangers à Genève. Le thème de cette motion était ainsi formulé : « Maîtriser son destin, cela signifie maîtriser son immigration ». Je ne rapporterai pas les propos qu’il a tenus à l’égard des travailleurs frontaliers, car ils dépassaient la mesure. Ces précisions devraient vous aider à situer le personnage…
Mme Catherine Procaccia. La question !
M. Rachel Mazuir. M. Catelain n’aime guère les étrangers chez lui, mais le fait d’en être un en France ne le dérange pas trop !
Je reviens au problème d’ensemble : ces « clandestins » grèvent le budget des communes françaises concernées et faussent les données démographiques sur lesquelles les collectivités locales se fondent pour planifier leurs futurs investissements. Ils sont une source de dépenses de service public qui ne sont comptabilisées ni dans le calcul de la compensation financière franco-genevoise ni dans celui des dotations de l’État proportionnelles au nombre d’habitants. Cette perte financière est estimée aujourd’hui à près de 15 millions d’euros. J’ajoute que la présence de ces résidents suisses pèse plus lourd, en pourcentage de la population, dans le pays de Gex qu’en Haute-Savoie.
Plusieurs solutions sont avancées et mériteraient d’être étudiées par le Gouvernement français. Une proposition de loi a été examinée par l’Assemblée nationale en avril dernier : elle visait à rendre obligatoire la déclaration domiciliaire pour toute personne vivant en France. Le maire devait, dans ce cas, relever l’identité, la date de naissance et l’adresse des personnes composant le foyer et délivrer un récépissé, faisant office de justificatif à présenter pour l’accomplissement de chaque formalité telle que l’inscription des enfants à la crèche et le raccordement aux différents réseaux – eau, assainissement, électricité. Pour diverses raisons d’ordre budgétaire, éthique et pratique, ce texte de loi a été rejeté tant par le Gouvernement que par les députés de la majorité.
Mme Catherine Procaccia. La question !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Rachel Mazuir. Ce cas n’est pas courant, et je voudrais donc expliquer pourquoi je pose cette question, monsieur le président.
Les maires de la majorité gouvernementale des communes du pays de Gex – ils sont peu nombreux – étaient bien sûr favorables à cette proposition de loi, estimant que les dépenses budgétaires découlant de la mise en œuvre de ce processus auraient été vite amorties. Serait-il possible que le Gouvernement incite les services fiscaux à se rapprocher des services communaux pour mettre en place une politique de contrôle des résidences secondaires ?
Dans la pratique, certains maires ont développé ce partenariat en procédant au relevé des compteurs d’électricité. Ils ont pu distinguer, au regard de la consommation effective, les vrais résidents secondaires des faux. Ces derniers ont ensuite été conviés à se rendre à la mairie pour modifier leur situation. Certains ont coopéré, d’autres non, comme on pouvait s’en douter.
Mme Catherine Procaccia. Vous avez doublé votre temps de parole !
M. Rachel Mazuir. Quel est votre problème, madame ? Votre tour viendra !
M. le président. Monsieur Mazuir, ne perdez pas de temps, achevez votre propos !
M. Rachel Mazuir. Je souhaite donc savoir quelles mesures il serait possible de prendre pour résoudre dans les meilleurs délais cette difficulté.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, l’attention du Gouvernement a été attirée lors du congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, sur les charges particulières pesant sur certaines communes frontalières de la Suisse, du fait de la présence permanente de ressortissants helvétiques qui se déclarent résidents secondaires desdites communes – ou omettent de le faire, comme vous venez de le rappeler.
Depuis cette réunion qui s’est tenue voilà trois semaines, nous avons essayé de faire le point sur l’ensemble des mesures qui peuvent actuellement être mises en œuvre.
Tout d’abord, ces résidents ne sont parfois que « prétendument secondaires », puisqu’ils sont bien pris en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et la détermination de la fiscalité locale.
Pour le calcul de la DGF, toutefois, le problème est réel. En effet, en application de l’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, la population prise en compte correspond à la population totale authentifiée annuellement par les services de l’INSEE, majorée d’un habitant par résidence secondaire et d’un habitant par place de caravane située sur une aire d’accueil des gens du voyage conventionnée par l’État. Actuellement, force est de reconnaître que cette majoration est peut-être insuffisante, notamment dans les régions frontalières.
Les communes qui comptent moins de 10 000 habitants font l’objet d’un recensement tous les cinq ans. Les chiffres de population légale de la commune, établis par l’INSEE et authentifiés par décret chaque année, sont calculés à partir de ces recensements, en s’appuyant sur les évolutions du nombre de logements, établies à partir des fichiers de la taxe d’habitation – c’est le seul fait générateur disponible – et de la taille moyenne des ménages.
L’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales dispose que la dotation de base, dont les modalités de calcul reposent sur le critère de la population retenue pour le calcul de la DGF, prend ainsi en compte l’accroissement de la population liée à la présence de ces personnes, quand bien même celles-ci déclareraient indûment leur résidence comme secondaire.
S’agissant de la fiscalité locale, il n’est pas fait de distinction entre la résidence principale et la résidence secondaire en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière. Les ressources des collectivités ne sont donc pas affectées. Mieux, certains abattements et dégrèvements au titre de la taxe d’habitation ne s’appliquent pas à la résidence secondaire. Ces éléments jouent donc plutôt en faveur des collectivités locales.
Concernant les modalités de calcul de la dotation de compensation franco-genevoise, je vous rappelle d’abord son objet. En effet, en application de l’article 17 et de l’article 25, paragraphe A, de la convention fiscale du 9 septembre 1966, les travailleurs frontaliers ayant élu domicile en France et exerçant une activité professionnelle dans le canton de Genève sont imposables sur le territoire helvétique et font l’objet d’un prélèvement à la source sur leur traitement. Afin d’écarter tout risque de double imposition et de régler la situation des collectivités locales subissant une charge spécifique liée à la présence de travailleurs frontaliers, un accord a été conclu le 29 janvier 1973.
La compensation n’a donc pas pour vocation première de traiter de la résidence, à titre principal ou secondaire, de ressortissants helvétiques sur le territoire français, mais plutôt de résoudre les difficultés dues au fait que ces travailleurs paient leur impôt sur le revenu à Genève et non en France, comme c’est habituellement la règle dans les conventions sur l’imposition des travailleurs frontaliers – vous allez sans doute me dire que nous subissons vraiment une double peine !
Aux termes de cet accord entre la France et la Confédération helvétique, la République et Canton de Genève rétrocède aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie et à plusieurs communes situées en zone frontalière une compensation financière équivalant à 3,5 % de la masse salariale brute des travailleurs frontaliers français exerçant leur activité dans le canton. Ce versement a pour objet d’aider les collectivités à financer les équipements supplémentaires rendus nécessaires par la présence de ces salariés, alors même qu’elles ne bénéficient pas des retombées de la fiscalité directe économique. En 2011, cela représentait pour ces deux départements près de 189 millions d’euros – un montant tout à fait substantiel donc –, d’autant que cette recette est très dynamique du fait de l’augmentation du nombre de frontaliers et de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse.
Notez enfin que cette ressource qui a été obtenue n’est pas prise en compte dans les indicateurs de richesse des départements et des communes bénéficiaires de l’Ain et de la Haute-Savoie et qu’elle n’entre donc pas en ligne de compte dans le calcul des contributions aux dispositifs de péréquation. Je précise que les choses ne pourraient être étudiées de ce point de vue que sur le revenu moyen.
Monsieur le sénateur, vous appelez de vos vœux le renforcement des dispositifs de lutte contre la fraude. Vous citez même une proposition de loi de Virginie Duby-Muller sur la création d’une obligation de domiciliation, texte examiné et rejeté l’an passé à l’Assemblée nationale.
Le secrétaire d’État alors en charge de ce dossier, M. André Vallini, avait souligné le risque constitutionnel inhérent à la création d’un fichier aussi vaste regroupant l’ensemble de la population française. C’est pour cette seule raison que la proposition de loi a été rejetée. La position du Gouvernement sur ce point ne peut pas avoir changé.
Sous les mêmes réserves constitutionnelles et eu égard à la nécessité de respecter la réglementation applicable en matière de protection des données personnelles, la transmission directe d’informations fiscales nominatives à destination des maires des communes frontalières pourrait se révéler délicate à organiser.
En revanche, il existe entre les services fiscaux une coopération renforcée prévoyant l’échange d’informations afin de prévenir les tentatives de contournement de la législation fiscale que vous avez décrites. Ces dispositions, soutenues par le Gouvernement, s’inscrivent plus globalement dans le plan national de lutte contre la fraude aux finances publiques dont l’un des axes prévoit de partager des bonnes pratiques avec les autorités étrangères.
Depuis la réunion des élus de la montagne, nous avons décidé de confier à nos services le soin de porter un regard spécifique et très précis sur ces questions.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons de suivre ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.
M. Rachel Mazuir. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse. Je ne veux pas prolonger le débat, car je sais que l’une de nos collègues est particulièrement pressée…
financement de l'aide individuelle de solidarité par les départements et compensation de l'état
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteur de la question n° 875, transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Corinne Imbert. Ma question porte sur un sujet récurrent. Je souhaite en effet attirer l’attention du Gouvernement sur le financement des allocations individuelles de solidarité par les départements et la compensation faite par l’État.
En 2013, M. Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, s’était félicité de la mise en place de ce qu’il estimait être un bon compromis avec le Gouvernement sur le financement des allocations individuelles de solidarité. Le double dispositif alors engagé consistait en la mobilisation d’un fonds de compensation péréqué, ainsi qu’en la possibilité pour les assemblées départementales de relever le plafond de perception des droits de mutation à titre onéreux. Un an plus tard, le constat est sans appel : cela ne suffit pas.
La dépense sociale augmente de manière exponentielle, car elle est essentiellement liée à l’augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active, alors que, dans le même temps, la compensation par l’État n’est pas à la hauteur. À titre d’exemple, le département de la Charente-Maritime a enregistré en septembre 2014 un reste à charge de plus de 33 millions d’euros et, parallèlement, la baisse de dotation annoncée pour l’exercice 2015 pourrait aller jusqu’à 12 millions d'euros pour notre département.
Aujourd'hui, ce débat doit être à nouveau ouvert. Contrairement à l’État, les collectivités territoriales ont, vous le savez, l’obligation de clore leurs sections de fonctionnement à l’équilibre, exercice qui devient de plus en plus périlleux car il s’effectue, ce que nous ne saurions accepter, au détriment d’autres dépenses d’investissement qui soutiendraient l’emploi.
L’absence de compensation de l’État en matière sociale à la hauteur de ce qu’elle devrait être commence à rendre difficile l’action des départements en ce domaine. Peut-être va-t-elle contraindre ces derniers à diminuer leur intervention en matière sociale.
Je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre pour appliquer réellement le principe de compensation à l’euro près en matière sociale, et à quelle échéance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la sénatrice, comme vous l’avez souligné très justement, le Gouvernement a pris en 2013 des mesures de soutien aux départements pour améliorer le financement des dépenses de solidarité qu’ils supportent depuis l’acte II de la décentralisation. Je tiens à le redire ici, l’ampleur de ces mesures était tout à fait inédite puisque nous avions largement dépassé les 800 millions d’euros. En période de crise, c’est un grand geste !
Conformément à ses engagements, le Gouvernement a réalisé un bilan de ce pacte de confiance et de responsabilité conjointement avec l’Assemblée des départements de France. Il est établi que le « reste à charge » des départements diminuera sensiblement en 2014, l’estimation étant une baisse de 20 %.
De surcroît, les dispositifs de solidarité entre départements qui ont été mis en place par ce pacte ont effectivement réduit les écarts entre départements au profit de ceux qui sont les plus fragiles. C’est une bonne chose, c’est juste et cela traduit dans les faits notre engagement en faveur de la solidarité nationale et territoriale.
Toutefois, vous avez raison, avec la crise actuelle, les dépenses de solidarité des départements continuent d’augmenter : les dépenses du revenu de solidarité pour l’autonomie, ou RSA, devraient progresser de 9,5 % cette année et de 7,5 % encore l’an prochain, même si, du fait de certaines complexités, près de 30 % des personnes y ayant droit ne la demandent pas.
Ces tendances pèseront lourdement sur l’équilibre des finances de certains départements dès 2015. Il est vrai – et le Gouvernement ne le nie aucunement – que les collectivités seront appelées à faire preuve d’une attention particulière pour réaliser des économies permettant de préserver la qualité des services et des aides qu’elles dispensent aux citoyens.
Je rappelle toutefois que le projet de loi de finances pour 2015 contient des avancées pour préserver les investissements des collectivités territoriales. Par ailleurs, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou NOTRe, dont vous débattrez prochainement, vise précisément à recentrer les départements et les régions sur leurs compétences majeures.
Vous évoquez des dépenses des départements en faveur de l’emploi. Elles recouvrent certes les dépenses de solidarité territoriale à destination des petites communes, qui ont, elles, vocation à perdurer. Elles comprennent aussi des dépenses en faveur des entreprises qui ont vocation, à terme, à être du seul ressort de la région. Les départements vont être amenés à entreprendre une revue de leurs missions afin de concentrer progressivement leurs dépenses sur ce qu’ils savent faire le mieux et dont nous avons absolument besoin pour la cohésion de notre pays : la solidarité.
Madame la sénatrice, on ne compte plus les rapports qui pointent du doigt le maquis des aides aux entreprises mal employées, du fait de leur incohérence. Vous appartenez vous-même à une formation politique qui a voté en 2010 la fin de la clause générale de compétence à cette fin de clarification. J’invite donc l’ensemble des sénatrices et sénateurs à faire un travail d’anticipation. Le département doit se concentrer sur la solidarité, et le Gouvernement œuvre à ce que cela soit possible.
C’est dans cet esprit que des solutions ont été discutées ces dernières semaines entre l’État et l’Assemblée des départements de France. Les résultats de ces travaux seront rendus publics ce jeudi, à l’occasion du congrès de l’ADF qui se déroule à Pau.
En tout cas, madame la sénatrice, nous mesurons comme vous l’ampleur et la difficulté de ce sujet
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. Néanmoins, je ne voudrais pas que les départements voient leur rôle se réduire à celui de « super bureaux » d’action sociale. Mais ce point fera l’objet d’un autre débat.
En attendant, le temps presse, car les départements sont aujourd'hui confrontés à des difficultés financières vraiment importantes, qui peuvent avoir une incidence directe sur leur politique sociale.
Nombreux sont ceux qui se voient contraints de réduire fortement le taux d’évolution qu’ils votent chaque année en faveur des budgets des établissements sociaux et médico-sociaux. Cette situation va avoir un impact direct en matière de politique d’action sociale menée par les départements.
pénurie de médicaments
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, en remplacement de M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 837, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, je pose cette question à la place de mon collègue Antoine Lefèvre, qui, assistant ce matin à des obsèques, ne peut participer à la séance. Elle concerne la pénurie récurrente de médicaments, constatée par les pharmaciens et les patients.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a dénombré, entre septembre 2012 et octobre 2013, près de 324 ruptures de médicaments et 103 risques de rupture, un chiffre en hausse régulière depuis 2008. Ces ruptures peuvent durer jusqu’à treize mois, avec une moyenne de 94 jours.
Si cette situation venait à perdurer, quels graves préjudices seraient à craindre en matière de santé ? Certaines de ces molécules sont irremplaçables et sans générique possible pour beaucoup d’entre elles. Voilà qui inquiète légitimement de nombreux malades, mais aussi les officines.
Par souci de rentabilité financière, les laboratoires pharmaceutiques, soumis à des quotas de fabrication de médicaments, préféreraient la vente à l’étranger, dans des pays où les prix ne sont pas plafonnés alors que le marché français est l’un des moins chers au monde. Ces quotas seraient donc atteints au détriment des malades français, qui auraient alors des difficultés à se soigner.
Mais la pénurie a également pour origine des normes environnementales beaucoup plus contraignantes et la fabrication dans des pays tiers de la grande majorité des matières actives à usage pharmaceutique avec, en corollaire, la perte du savoir-faire industriel correspondant.
Le décret pris le 30 septembre 2012, qui devait aider à un bon approvisionnement en médicaments à usage humain, semble de peu d’effet.
Je citerai l’exemple tout récent de l’antibiotique Pyostacine, qui a peu d’équivalents et dont le stock se limitait à quarante boîtes chez les grossistes pour tout le territoire français. De même, l’Esidrex, médicament de référence dans l’hypertension artérielle, a manqué durant plusieurs semaines au cours de l’été 2013. Enfin, le Lévothyrox, médicament hormonal essentiel prescrit aux personnes souffrant d’hypothyroïdie, s’est trouvé en rupture de stock, ce dont prescripteurs et pharmaciens furent informés par voie de presse !
Le phénomène est également récurrent dans le monde hospitalier où les pharmaciens doivent régulièrement gérer des ruptures d’approvisionnement de plusieurs médicaments prescrits dans des pathologies lourdes, de nature cancéreuse en particulier.
En 2012, l’Académie nationale de pharmacie préconisait de prévenir les risques de pénurie concernant les matières premières pharmaceutiques par une forte incitation des décideurs publics et privés à relocaliser leur production aux niveaux national et européen et à mettre en place une politique d’incitation industrielle – réglementaire, financière et fiscale.
À peu de jours de la discussion au Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir nous informer de l’évolution de ce dossier tant peuvent être importantes ses répercussions sur le coût de la santé et sur la qualité de la prise en charge des patients.
Je rappelle en outre que les thérapeutiques jugées indispensables représentent 28 % des cas de pénurie.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, la question des ruptures d’approvisionnement et des ruptures de stock est un problème de santé publique que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, a identifié dès son arrivée au Gouvernement.
En effet, comme vous le soulignez, le circuit de distribution des médicaments français est régulièrement touché par des dysfonctionnements qui entraînent des ruptures de stock ou des difficultés d’approvisionnement transitoires.
Ces difficultés, qui ont des causes multiples, peuvent relever de problèmes dans la fabrication des matières premières et des médicaments. Elles peuvent également résulter de décisions d’arrêts de commercialisation prises par les industriels.
Dès le mois de septembre 2012, Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a signé un décret renforçant les obligations pesant sur les différents acteurs de la chaîne pharmaceutique. Ce décret prévoit que les exploitants de spécialités pharmaceutiques doivent approvisionner tous les grossistes répartiteurs. Il instaure également un système de remontée d’informations sur les ruptures. L’exploitant qui anticipe une situation potentielle de rupture d’approvisionnement doit en informer l’ANSM en précisant les délais de survenue, les stocks disponibles, les modalités de disponibilité, les délais prévisionnels de remise à disposition du médicament et l’identification de spécialités pouvant, le cas échéant, constituer une alternative à la spécialité pharmaceutique en défaut.
Des centres d’appel d’urgence permanents ont été mis en place par les exploitants pour le signalement des ruptures par les pharmaciens officinaux et hospitaliers et par les grossistes répartiteurs.
Malgré ces mesures, le circuit pharmaceutique reste encore régulièrement touché par des situations de rupture. Il est donc nécessaire d’aller plus loin.
Le projet de loi relatif à la santé que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, a présenté le 15 octobre dernier, en conseil des ministres, permettra d’approfondir les moyens de lutte contre ces ruptures d’approvisionnement ou de stock.
Le projet de loi se focalise en priorité sur la question des « médicaments d’intérêt thérapeutique majeur » dont les ruptures présentent le plus de risques.
Pour ces médicaments, les entreprises pharmaceutiques devront mettre en œuvre des plans de gestion des pénuries : constitutions de stocks selon la part de marché, sites alternatifs de fabrication le cas échéant, identification de spécialités pouvant constituer une alternative à la spécialité pharmaceutique en défaut.
Mme la ministre propose également de rendre plus rapide la mise en place des contingentements de médicaments en pharmacie à usage intérieur lorsqu’il est nécessaire de prévenir une rupture en régulant les stocks de médicaments disponibles.
Enfin, le Gouvernement travaille sur la question de la relocalisation des industries pharmaceutiques en France dans le cadre des travaux du Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS.
Toutefois, l’exemple qui figurait dans la question de M. Lefèvre, à savoir l’antibiotique Pyostacine®, montre que les ruptures d’approvisionnement peuvent survenir même pour des produits fabriqués en France. Il est donc pertinent d’aborder le sujet sous l’angle des obligations pesant sur le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, l’AMM.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. En effet, les laboratoires se mettent en situation de rupture de stock de façon volontaire tout au long de l’année pour atteindre les objectifs qui leur sont parfois imposés. La question est bien là !
J’ajoute qu’un laboratoire peut faire jusqu’à deux fois et demie de marge supplémentaire s’il vend un médicament en Grande-Bretagne plutôt qu’en France. Dans ces conditions, notre pays étant, après le Portugal, celui où les médicaments sont les moins chers, on entretient le phénomène !
Cela étant dit, je remercie Mme la secrétaire d’État pour sa réponse, dont je prends acte.
plan de redressement de la mutuelle des étudiants
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 860, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, j’avais adressé cette question relative au plan de redressement de la Mutuelle des étudiants, ou LMDE, à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé à la mi-septembre, mais, entre-temps, l’actualité a été plus rapide puisque nous avons eu connaissance, cette semaine, des déclarations du président de la MGEN, de l’UNEF et de l’UNSA de la LMDE.
Les dysfonctionnements persistants de la LMDE et le mauvais service apporté aux étudiants ont déjà été dénoncés par la Cour des comptes, mais aussi par le Sénat au travers du rapport d’information que j’ai rédigé sur ce sujet avec mon collègue socialiste Ronan Kerdraon.
Au début du mois de juillet 2014, à la suite de difficultés financières, la première mutuelle des étudiants a été placée sous administration provisoire par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Une administratrice a été nommée pour une durée de un an afin de superviser la gestion de la LMDE, mais surtout de définir des solutions de pérennisation de son fonctionnement.
Alors que la rentrée universitaire a débuté et que cette administratrice exerce la tutelle de la LMDE depuis plusieurs mois déjà, ni moi ni, a priori, les personnels, n’avons eu connaissance d’un quelconque plan présentant des mesures d’économies et de redressement, pourtant absolument nécessaires, quelle que soit la solution préconisée à l’avenir. Ma question demeure donc d’actualité.
Le rapprochement de cette mutuelle étudiante avec la MGEN ne semblant plus possible, j’avais interrogé la ministre afin de connaître les pistes envisagées à la fois pour le régime obligatoire de base et pour les complémentaires maladie.
Vous le savez sans doute, la proposition de loi que j’ai déposée, et qui est cosignée par près de 80 sénateurs, sera débattue le 18 novembre au Sénat. Dans ce cadre, je procède actuellement à des auditions. Mais, pour l’instant, rien ne semble clair.
J’espère que votre réponse, madame la secrétaire d’État, apportera à chacun des informations un peu plus précises.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, le Gouvernement est attaché au régime étudiant de sécurité sociale, comme il l’a rappelé dans un communiqué le 7 juillet dernier.
Créé en 1948 à la suite d’une proposition de loi de Mme Marcelle Devaud, sénatrice gaulliste de la Seine, le régime étudiant de sécurité sociale marque une volonté politique de définir l’étudiant comme un assuré social autonome, et non comme un simple ayant droit de ses parents. Il permet une acquisition progressive de l’autonomie sanitaire des jeunes, ainsi que la prise en compte des spécificités de la population étudiante en matière de santé. Enfin, il favorise la démocratie sociale en associant étroitement les étudiants à sa gestion.
Le Gouvernement est déterminé à assurer la bonne gestion de ce régime, géré par délégation par les mutuelles étudiantes, et la qualité du service rendu aux étudiants. Il a donc donné de la visibilité sur l’évolution du montant des remises de gestion à ce régime délégué pour les trois prochaines années, tout en faisant contribuer ses délégataires aux économies de gestion de la protection sociale sur la durée de la prochaine convention d’objectifs et de gestion.
C’est la raison pour laquelle, face aux difficultés économiques de la LMDE, le Gouvernement a soutenu dès 2013 le processus d’adossement de son activité de gestion du régime obligatoire à la MGEN.
Pour des raisons qui lui sont propres, la MGEN a décidé récemment de renoncer à cet adossement. Si cette donnée modifie la situation, elle ne change pas l’objectif, qui est d’assurer la viabilité économique du principal délégataire du régime étudiant, notamment en matière de gestion du régime obligatoire, tout en consolidant son rôle en matière de couverture santé complémentaire et de prévention en direction des étudiants.
Dans ce contexte nouveau, l’administratrice provisoire, le premier syndicat étudiant, les représentants du personnel et certains partenaires de la LMDE se sont récemment prononcés en faveur d’un adossement des activités gestionnaires de la LMDE à la CNAM. Le Gouvernement est prêt à soutenir cette démarche afin de permettre la levée rapide de la mesure conservatoire décidée le 27 juin par l’ACPR, en l’accompagnant notamment de mesures de simplification relatives aux conditions de gestion du régime étudiant.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Votre réponse, madame la secrétaire d’État, ne m’a malheureusement rien appris de nouveau.
Sur les indispensables mesures d’économies, point qui explique sans doute pourquoi la MGEN n’a pas souhaité poursuivre l’adossement, vous ne m’avez pas apporté d’éléments de réponse.
Vous avez parlé de l’attachement du Gouvernement à un système créé voilà bientôt soixante-quinze ans, qui ne permet pas de faire face à l’accroissement des étudiants et qui a été dénoncé à la fois par la Cour des comptes et par les étudiants, lesquels disent n’avoir absolument rien à faire d’un régime étudiant de sécurité sociale. Ce qu’ils veulent, c’est être assuré social et obtenir des réponses à cet égard.
Ce qui nous guide, c’est l’idée selon laquelle les étudiants doivent être bien assurés. Or, sur ce point, nous n’avons pas pour l’instant d’éléments de réponse.
Je note que le Gouvernement va tout faire pour contribuer à l’amélioration du fonctionnement de la LMDE.
J’ajoute, au vu des premières auditions que j’ai menées, que les personnels sont particulièrement inquiets puisqu’ils ne voient rien venir et ne savent pas quel sera l’avenir. Il serait donc temps que tous les acteurs concernés se mettent autour de la table pour décider où l’on va, tout au moins dans les prochains mois.
L’administratrice a été nommée voilà quatre ou cinq mois. Il s’agit désormais de faire demi-tour par rapport aux options qui étaient celles du Gouvernement il y a encore trois ou quatre mois, concernant notamment l’adossement à la MGEN. C’est tout de même inquiétant, au regard tant des mesures de redressement qu’il conviendrait de prendre, que pour le personnel et les étudiants !
Quant aux mesures de simplification que vous annoncez, je les attends avec impatience. Avec mon collègue Ronan Kerdraon, nous en avions proposé un certain nombre ; or absolument aucune n’a été prise en compte... Même pas l’affiliation des étudiants au 1er septembre, alors que la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur s’y était engagée ! Rien n’a bougé !
J’espère donc que le Gouvernement, désormais acculé, va enfin agir.
mise en sécurité et modernisation du centre hospitalier universitaire de limoges
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 869, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le centre hospitalier universitaire Dupuytren de Limoges est une pièce maîtresse de la politique de santé dans le département de la Haute-Vienne mais aussi dans toute la région du Limousin : pour la Creuse, la Corrèze, et plusieurs départements limitrophes.
En décembre 2013, le dossier d’investissement relatif à la mise en sécurité et à la modernisation de cet établissement a enfin été déclaré éligible par le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers, le COPERMO. C’est une avancée, et nous en remercions le Gouvernement.
Cette remise à niveau, très attendue tant par les usagers de l’établissement, les personnels que par les membres du conseil de surveillance, dont je fais partie, doit être engagée en plusieurs phases, pour une échéance finale fixée à 2023.
Madame la secrétaire d’État, au regard de l’urgence de la situation, pouvez-vous m’apporter des assurances sur la réalisation de ce programme d’investissement majeur et me préciser éventuellement si une accélération du calendrier, laquelle me semble très souhaitable, est budgétairement envisageable ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu appeler l’attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la réalisation du projet d’investissement porté par le centre hospitalier universitaire de Limoges.
Mme Marisol Touraine, comme elle l’a déjà rappelé, est convaincue de la nécessité de soutenir cet établissement dans la conduite de son plan de modernisation. En effet, ce projet revêt des enjeux forts en termes de qualité des soins et d’efficience des organisations.
Ce dossier a fait l’objet d’un examen interministériel lors de la séance du COPERMO de décembre 2013. Le comité a rendu un avis favorable et le projet a été déclaré éligible. L’opportunité de la reconstruction a en effet été soulignée ; celle-ci vise à mettre en sécurité et à moderniser la tour Dupuytren, et permettra au CHU de Limoges de continuer à assurer des soins de qualité dans des bâtiments rénovés et efficients.
Compte tenu de l’importance de ce projet, dont le coût est à ce jour d’un peu plus de 250 millions d’euros, la décision finale du COPERMO sera rendue après une contre-expertise indépendante, pilotée par le Commissariat général à l’investissement.
Je tiens à vous assurer, madame la sénatrice, que les services du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sont mobilisés pour accompagner l’établissement et l’agence régionale de santé dans la finalisation d’un dossier de qualité. Tous les acteurs ont parfaitement compris la nécessité de traiter de manière efficiente et rapide ce dossier afin de réaliser la mise en sécurité et l’humanisation du CHU de Limoges.
M. le président. La parole est Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je me félicite à nouveau, madame la secrétaire d’État, de la décision du COPERMO. Pour autant, la stabilisation des critères d’instruction est très attendue, et nous souhaitons que l’expertise conduite ne remette pas en cause les travaux. Cela nous semblerait tout à fait invraisemblable, tant leur réalisation est urgente et impérative.
Le CHU de Limoges, qui date d’environ quarante ans, emploie plus de 6 500 personnes, compte plus de 2000 lits et, comme je le disais, rayonne sur six ou sept départements. Nous attendons donc avec une grande impatience le compte rendu de cette commission d’expertise et la stabilisation des critères, qui nous est annoncée pour mars 2015. Cela devient urgent et impératif !
agences carsat de normandie
M. le président. Avant de donner la parole à M. Thierry Foucaud, je voudrais lui dire la peine et la tristesse que j’ai ressenties en apprenant le décès de notre éminent collègue Guy Fischer.
Guy Fischer et moi-même nous avons été en même temps, par le passé, vice-présidents de la Haute Assemblée. Cet homme d’une grande courtoisie, d’une grande gentillesse, d’une compétence totale, nous a quittés après avoir supporté de longues souffrances. Sachez, mon cher collègue, que je m’associe à votre chagrin.
M. Thierry Foucaud. Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens également à remercier M. le président du Sénat et, à travers lui, l’ensemble de nos collègues pour leurs condoléances.
M. le président. M. le président du Sénat les réitèrera sans doute, et mieux que moi-même, cet après-midi.
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 884, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, qui rayonne sur cinq départements de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie, doit composer avec une réduction budgétaire affectant son fonctionnement de 15 % sur trois ans.
Compte tenu de ces contraintes, la direction envisage la fermeture de la moitié des agences de Normandie entre 2015 et 2017, soit treize antennes locales.
Les agences visées sont celles de Barentin, Forges-les-Eaux, Yvetot et L’Aigle en 2015, de Bolbec, Elbeuf, Eu, Bernay, Vire et du quartier Saint-Sever, à Rouen, en 2016, de Saint-Germain-Village, Les Andelys et Vernon en 2017.
Le réseau d’accueil retraite de proximité est donc promis à une destruction complète, ce qui laisserait à l’abandon de nombreux assurés qui n’auraient plus la possibilité d’être conseillés et accueillis de manière convenable.
Avec ce projet, ce sont également autant de salariés qui seront concernés par une mobilité contrainte et autant d’emplois qui ne seront pas renouvelés.
Les missions de la CARSAT sont pourtant précieuses et nombreuses : gestion des retraites du régime général, prévention des risques professionnels, sans oublier la dimension sociale liée à l’âge, la solitude ou la maladie.
Les élus locaux de Normandie, attachés aux services de proximité aux populations ne peuvent accepter ce recul de la présence humaine et de l’écoute. Nous refusons de renvoyer les assurés sociaux aux seuls plates-formes téléphoniques et écrans d’ordinateur.
Les réalités démographiques, économiques et sociales justifient qu’aucune de ces agences ne ferme. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement que les moyens nécessaires soient octroyés pour le maintien effectif de chacune d’entre elles.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Normandie a engagé une évolution des points d’accueil retraite sur son territoire. Cette démarche s’inscrit dans une évolution qui concerne tout le réseau des CARSAT et qui vise à améliorer la qualité de service et l’efficience, en tenant compte des nouvelles attentes des assurés et des possibilités offertes par les technologies de l’information et de la communication.
En effet, il a été constaté que les agences les plus petites présentaient des inconvénients faute de taille critique : impossibilité d’offrir l’ensemble des services, plages horaires insatisfaisantes, risques de temps d’attente trop importants, locaux trop exigus.
C’est pourquoi la CARSAT de Normandie prévoit le regroupement progressif, entre 2015 et 2017, de douze points d’accueil et agences locales sur des agences principales et locales de taille plus importante. Il est à noter que ces douze implantations ne représentent que 7 % de la fréquentation annuelle de la CARSAT. Cette réorganisation s’accompagne d’une priorité donnée à l’accueil sur rendez-vous, qui permet de mieux préparer l’entretien, de mieux répondre aux situations les plus spécifiques et de privilégier le conseil aux assurés.
Les modes de contact sont adaptés aux attentes des assurés, notamment pour permettre l’accompagnement des publics fragiles ou ceux dont la situation est parfois complexe, en développant des parcours spécifiques en partenariat avec Pôle emploi, les caisses d’allocations familiales, les centres d’action sociale ou les associations.
Les CARSAT développent aussi leur présence dans les relais et les maisons de service public pour proposer une information de premier niveau. La CARSAT de Normandie est ainsi déjà présente dans l’Eure, dans le relais de service public d’Etrepagny.
Parallèlement à la modernisation de l’accueil physique, l’ensemble des autres canaux de communication sont désormais mobilisés afin de mettre en place une stratégie d’offre de services par le canal le plus adapté à la situation de l’usager. Alors que 82 % de la population est équipée d’internet et que 60 % de la population équipée l’utilise pour ses démarches administratives, les offres dématérialisées s’enrichissent progressivement pour répondre à des préoccupations de premier niveau qui ne justifient plus d’appeler ou de se déplacer.
Le projet de réorganisation de l’accueil physique de la CARSAT de Normandie est aujourd’hui en phase de concertation avec les partenaires locaux, et chacun des dix-neuf salariés potentiellement concernés est reçu individuellement pour bâtir, le cas échéant, un plan d’accompagnement individualisé.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, votre réponse ne me semble guère satisfaisante !
Je vous fais remarquer que la démarche utilisée est transcourant politique : la droite comme la gauche y ont recours. C’est d’ailleurs pourquoi, dernièrement, un sénateur originaire de Seine-Maritime qui siège près de moi a interrogé dans les mêmes termes Mme la ministre des affaires sociales.
Ce sont toujours les mêmes arguments qui sont avancés pour répondre à la question de la proximité, quand celle-ci est consécutive à une baisse de moyens : on dit que les agences sont petites et que, de ce fait, cela ne peut plus fonctionner. La problématique de la CARSAT de Haute-Normandie et de Basse-Normandie, c’est une baisse des moyens de 15 % sur trois ans ! Nous le voyons bien, les moyens des organismes de sécurité sociale subissent une baisse sans précédent.
Ces situations entraînent – nos concitoyens le constatent – la dévitalisation de leur territoire et, par voie de conséquence, le recul des emplois.
Quarante maires de Seine-Maritime ainsi que des élus locaux de Haute-Normandie et de Basse-Normandie sont signataires avec moi d’une tribune pour le maintien des agences CARSAT. Madame la secrétaire d’État, je vous en adresserai une copie dès aujourd’hui et vous aurez ainsi l’occasion d’y répondre pour tenter de convaincre des bienfaits des politiques d’austérité pour les populations que nous représentons.
Essayons d’être positifs et de revenir un peu en arrière, car la question de la proximité est essentielle : cela répond à un besoin des populations. Il s’agit aussi d’une question plurielle, posée par tous les élus de Seine-Maritime, qu’ils soient ou non parlementaires.
rapport sur l'utilisation des tubulures contenant du dehp
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 894, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
M. Gilbert Barbier. Madame la secrétaire d’État, depuis des années, à l’instigation de mon groupe politique, le RDSE, le problème du risque présenté par le bisphénol A et les phtalates a été soulevé. J’ai d’ailleurs présenté voilà quelques années un rapport au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur le rôle des perturbateurs endocriniens, qui soulignait la nocivité d’un certain nombre de ces produits dans l’alimentation ou dans le cadre d’un usage médical.
L’article 3 de la loi du 24 décembre 2012 prévoit la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de la mise sur le marché et de l’interdiction du diéthylhexyl phtalate, le DEHP, dans les services de pédiatrie, néonatologie et maternité à compter du 1er juillet 2015. Je note au passage que l’interdiction ne porte pas sur les pochettes destinées aux produits sanguins.
Lors de l’examen de ce texte, j’ai attiré l’attention sur le délai très court laissé aux entreprises pour mettre sur le marché un produit de remplacement de ces tubulures offrant toutes les garanties en matière de dispositifs médicaux, au regard de la longueur des procédures d’autorisation concernant un produit de santé. La nécessité de tests de résistance, de toxicité, d’usage ou autres est une obligation bien nécessaire, et les étapes doivent s’enchaîner les unes après les autres.
Dans plusieurs laboratoires, des recherches sont en cours sur l’utilisation de produits de base autres tels que le téflon ou des phtalates à molécules plus longues qui ne seraient pas susceptibles de migrer.
Il se trouve que les entreprises qui fournissent les dispositifs médicaux ont des difficultés à mettre au point un nouveau produit d’ici au 1er juillet 2015, dans des conditions industrielles acceptables.
Des recherches de laboratoires sont en cours et il ne faut pas désespérer, encore moins renoncer.
Est-il possible de rendre public le rapport évoqué par Mme la secrétaire d’État aux affaires sociales et à la santé, rapport établi à la demande des autorités européennes, évoquant l’absence de preuves cliniques et épidémiologiques d’effets délétères du DEPH chez l’homme ?
Au regard de l’état des recherches et du risque d’impasse dans ce domaine au mois de juillet 2015, n’est-il pas raisonnable et réaliste de reporter d’un an cette interdiction, tout en restant extrêmement vigilant sur ce dossier dont je conviens qu’il est particulièrement sensible ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le retard apporté à la publication du rapport de la direction générale de la santé relatif à l’utilisation des tubulures contenant du DEHP en néonatalogie et en pédiatrie.
L’article 4 de la loi du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A prévoit que « le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens ».
Ce rapport précise les conséquences sanitaires et environnementales de la présence croissante de perturbateurs endocriniens dans l’alimentation, dans l’environnement direct, dans les dispositifs médicaux et dans l’organisme humain. Il étudie en particulier l’opportunité d’interdire l’usage du diéthylhexyl phtalate, du dibutyl phtalate et du butyl benzyl phtalate dans l’ensemble des dispositifs médicaux au regard des matériaux de substitution disponibles et de leur innocuité. Les substances dites « perturbateurs endocriniens » sont très largement présentes de manière diffuse dans notre environnement. Certaines substances chimiques sont réputées avoir des effets sur la santé, contribuer aux cancers et aux troubles de la reproduction ou favoriser les maladies neurodégénératives, ce qui justifie de faire des mesures de prévention une priorité.
Cependant, cette évaluation est complexe, notamment en raison de l’absence de critères européens harmonisés d’identification et d’évaluation, de la chronicité de l’exposition, de l’effet de mélange, dit « cocktail », et des périodes sensibles de la vie. Tout cela justifie de renforcer la recherche afin d’améliorer les connaissances.
Les agences nationales de sécurité sanitaire réalisent d’ores et déjà des travaux importants d’évaluation des perturbateurs : l’Institut de veille sanitaire, ou InVS, dans le cadre du programme national de biosurveillance humaine ou dans ses travaux sur la reproduction, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, dans ses évaluations de substances jugées prioritaires, potentiellement toxiques pour la reproduction, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, dans ses évaluations du potentiel de risque de perturbation de certains ingrédients utilisés dans les produits de santé.
Le rapport sera très prochainement transmis au Parlement.
J’en viens plus spécifiquement à l’interdiction d’utiliser des tubulures contenant du diéthylhexyl phtalate en néonatalogie et en pédiatrie. Après que certains industriels ont exprimé leurs préoccupations quant à leur capacité à fournir des dispositifs médicaux sans DEHP, Mme la ministre a saisi l’ANSM le 25 août dernier afin qu’elle lui adresse un état des lieux des catégories de dispositifs médicaux concernés par cette interdiction, les fabricants concernés, leurs parts de marché, les difficultés de substitution prévisibles ainsi que les délais de substitution raisonnablement envisageables pour ces catégories de dispositifs médicaux.
L’ANSM doit répondre à la mi-novembre. Ces éléments seront transmis dans un envoi complémentaire à celui du rapport.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Madame la secrétaire d’État, si je comprends bien, j’ai posé ma question quelques semaines trop tôt ! (Sourires.)
Le rapport sera remis prochainement – c’est une bonne nouvelle – et, d’ici au 15 novembre prochain, l’ANSM se prononcera sur la possibilité de fabriquer ces tubulures.
L’interdiction d’utiliser ces tubulures à compter du 1er juillet 2015 inquiète les services de néonatologie. Si de nouveaux matériels sont disponibles, tout le monde est prêt à les utiliser. Mme Patricia Schillinger a d’ailleurs posé la même question au mois de juin dernier et a reçu une réponse à peu près semblable à celle que vous venez de m’apporter, madame la secrétaire d’État. Je constate que les choses avancent et que, d’ici à la fin de l’année, nous recevrons des explications précises sur ce sujet.
redéploiement de l’hélicoptère de la sécurité civile dragon 62
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, auteur de la question n° 859, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Claude Leroy. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la question du redéploiement de l’hélicoptère de la sécurité civile Dragon 62.
En effet, cet hélicoptère qui était basé sur le littoral de la Côte d’Opale a quitté le Pas-de-Calais pour être réaffecté en Guyane. Si la dotation au département d’outre-mer d’un hélicoptère de la sécurité civile n’est aucunement remise en cause, le départ du Dragon 62 est cependant surprenant et inquiétant.
La grande utilité de cet hélicoptère, qui intervenait sur l’ensemble du Nord-Pas-de-Calais et même en Picardie, n’est plus à démontrer. Depuis son activation au mois d’avril 2010, Dragon 62 avait effectué un grand nombre de missions de secours, de transports de blessés et de prévention. Il était intervenu sur tous les fronts – accidents de la route, interventions en mer, sur la côte ou à domicile – et avait porté secours à près de 900 personnes. Pour la seule année 2013, il avait ainsi secouru 330 personnes lors de 449 interventions.
Son implantation dans le Pas-de-Calais se justifiait pleinement par l’importance du bassin de population à protéger – plus de 4 millions d’habitants –, par la diversité des risques et par la topographie du département. Les falaises crayeuses situées au niveau du site des Deux Caps, le cordon dunaire important, les baies maritimes de l’Authie et de la Canche, les terrils ou les zones inondables du Béthunois et de l’Audomarois constituent autant de sites à risques et difficilement accessibles par les moyens classiques.
Cet équipement de la sécurité civile permettait en outre de pouvoir médicaliser rapidement des victimes dans des zones relativement éloignées des centres hospitaliers. Grâce à lui, certains secteurs se trouvaient à quelques dizaines de minutes d’un centre hospitalier, ce qui constituait un gain de temps précieux lorsque le pronostic vital est engagé.
Les professionnels de l’urgence et des services de secours s’inquiètent donc fortement de son départ et considèrent que celui-ci constitue une iniquité dans le traitement de la protection de la population régionale.
Alors que la situation sanitaire de la région est l’une des moins bonnes de France, la population se voit privée d’un moyen concourant à l’amélioration manifeste de sa protection au quotidien grâce, notamment, à la présence de médecins, d’infirmiers ou d’équipes spécialisées à bord.
L’implantation de l’hélicoptère de la sécurité civile sur le territoire correspondait à un réel besoin et son départ signifie donc l’arrêt d’une activité médicale en constante augmentation et représente même une perte de chance de survie pour la population de la moitié ouest du département.
Si je prends l’exemple du canton d’Hucqueliers, canton rural situé sur l’arrière-pays littoral au cœur du département du Pas-de-Calais, il est établi, rapports du service départemental d’incendie et de secours à l’appui, que les interventions du centre d’intervention et de secours auraient pu être plus efficaces voire vitales dans certains cas si l’hélicoptère de la sécurité civile avait été maintenu.
Certes, d’autres moyens de secours héliportés interviennent dans la région.
Mais, dans certains cas, les appareils du SAMU, pour des motifs de disponibilité d’appareils, ou de la gendarmerie, en raison des réquisitions, risquent d’avoir des délais d’intervention trop importants. Celui de la Marine nationale ne dispose pas d’une équipe médicale qui lui est dédiée, comme c’était le cas pour le Dragon 62.
Les différents acteurs concernés ont d’ailleurs constaté ces derniers mois une baisse de la qualité des prestations de secours par rapport à celle qui était apportée par le Dragon 62, notamment pour les missions en milieu difficile ou hostile.
Par ailleurs, à l’heure où le ministère de la santé annonce la mise en place de quarante-trois hélicoptères privés exclusivement dédiés aux transports sanitaires dans le cadre de la politique nationale Héli-SMUR, la suppression d’un hélicoptère assurant une polyvalence de missions de secours d’urgence est difficilement compréhensible.
Madame la secrétaire d’État, au vu de ces éléments, le Gouvernement entend-il réaffecter un hélicoptère de la sécurité civile dans le Pas-de-Calais ? En outre, pouvez-vous nous donner des indications sur les moyens que le Gouvernement compte mettre en œuvre afin de continuer à offrir aux habitants de cette région la qualité des services de secours à laquelle ils ont droit ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, sur le redéploiement de l’hélicoptère de la sécurité civile qui armait la base d’hélicoptères du Touquet vers la base nouvellement ouverte à Cayenne. Le Gouvernement comprend vos préoccupations et souhaite vous apporter une réponse précise.
La flotte d’hélicoptères EC 145 de la sécurité civile est dimensionnée au plus juste et soumise à un impératif d’efficacité maximale. Elle est dès lors fortement sollicitée et contrainte par d’importantes tensions liées aux obligations de maintenance et de logistique, si bien que, à flotte constante, le réarmement permanent de la base du Touquet ne peut être envisagé que moyennant la fermeture d’une autre base.
En vue d’assurer la mission de protection des populations de manière optimale, le Gouvernement s’est assuré que le secours d’urgence s’exerçait dans des conditions préservant la sécurité des populations en Pas-de-Calais. Il a ainsi été demandé au préfet de la zone de défense et de sécurité d’organiser la concertation et la coordination de tous les acteurs du secours d’urgence concernés.
En l’absence d’un hélicoptère de la sécurité civile, le dispositif actuellement en place, qui combine la mise en œuvre des moyens terrestres et d’hélicoptères de la gendarmerie et de la Marine nationale, permet d’assurer une couverture du littoral depuis la baie de Somme jusqu’à la frontière belge. Les hélicoptères du SAMU positionnés à Lille, Arras et Amiens contribuent également à la couverture héliportée de ce territoire.
Que ce soit par la voie des airs ou par la voie terrestre, les moyens déployés par les services départementaux d’incendie et de secours, les services d’aide médicale d’urgence, la gendarmerie nationale, mais également par la Marine nationale qui dispose d’un hélicoptère au Touquet dédié au secours en mer, offrent à la zone de défense et de sécurité nord une couverture de qualité, effectuée par des professionnels remarquables, en temps de crise comme dans le secours quotidien.
Leur engagement, sous la responsabilité des maires, des préfets et du préfet maritime, a permis de faire face, jusqu’à présent, à l’indisponibilité de l’hélicoptère de la sécurité civile du Touquet.
Les réflexions menées à l’échelle du ministère de l’intérieur sur le schéma d’implantation de ses hélicoptères ont d’ailleurs montré la nécessité d’une approche globale à l’échelon national, associant tous les acteurs participant au secours et à l’aide médicale urgente héliportés.
La réflexion sur l’organisation du secours héliporté se poursuit donc dans un cadre interministériel. C’est à l’aune de ces travaux que seront étudiés les redéploiements des hélicoptères d’État, dans une perspective de rationalisation et de recherche du meilleur compromis.
Différentes options, dont celle qui est relative à la possibilité de réarmer la base du Touquet sur un mode saisonnier, seront examinées dans ce cadre.
piétonnisation des voies sur berges
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 872, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christian Cambon. Madame la secrétaire d’État, une nouvelle fois, la Ville de Paris lance sans concertation un projet de piétonnisation de la voie sur berge rive droite afin, semble-t-il, de réduire encore la circulation automobile sur cet axe entre le quai des Tuileries et le port de l’Arsenal.
Alors que le traitement de cette voie en boulevard urbain ne date que de quelques mois, que les travaux sont à peine terminés, et qu’aucun bilan n’a pu être encore tiré de ces mesures, le premier adjoint au maire de Paris vient d’annoncer un nouveau projet visant cette fois à rendre cet espace aux piétons, carrément !
Au moment où le Gouvernement tente de faire aboutir à marche forcée, et dans des conditions particulièrement complexes, un véritable projet de métropole visant à gérer en commun l’aménagement de l’espace urbain, il est assez curieux d’observer la méthode utilisée par la municipalité de Paris pour réguler un axe essentiel qui dessert non pas simplement Paris, mais une bonne partie de la région, notamment ses départements de l’Est.
Lors des précédents aménagements des voies sur berges, plusieurs maires d’arrondissement et les maires des communes proches de banlieue avaient déjà été mis devant le fait accompli. Une partie de la voie sur berge rive gauche a été fermée, offrant, certes, à des promeneurs un espace fort sympathique, mais créant aussi sur le quai Anatole-France des embouteillages permanents et générateurs d’une forte pollution pour les riverains.
Sur la rive droite, la multiplication des feux sur la voie Georges-Pompidou augmente les bouchons et renvoie sur les quais supérieurs un surcroît de circulation, lui aussi facteur de pollution, sans aucunement fluidifier la circulation. Qu’en sera-t-il demain si ce tronçon est carrément neutralisé sur tout ou partie de son tracé ?
S’inquiète-t-on de la gêne occasionnée pour des milliers d’automobilistes qui, chaque jour, empruntent cet axe non pas pour se promener, mais pour aller travailler ou pour bien d’autres nécessités économiques et sociales ? Considère-t-on que seuls les loisirs entraînent des déplacements automobiles à l’intérieur de Paris ?
Aucun bilan des mesures prises n’a été sérieusement réalisé. Aucune étude prospective n’est véritablement lancée. Surtout, aucune concertation réelle avec les communes riveraines du Val-de-Marne n’est organisée. J’en prends à témoin le président du conseil général, M. Christian Favier, ici présent.
Quelle serait la réaction de Paris si, du jour au lendemain, nous, les élus de la banlieue traversée par l’autoroute A4, décidions d’en fermer l’accès vers Paris ? Et pourtant, nombreuses sont les nuisances – bruit, pollution de l’air, encombrement de nos voiries – qui pourraient nous inciter, nous aussi, à faire preuve de comportements tout aussi égoïstes.
À Paris, où chaque habitant est à moins de 500 mètres d’une station de métro, ces soucis de la banlieue ne pèsent en réalité pas très lourds.
Pourtant, les organisations professionnelles d’Île-de-France, la CGPME, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat ont, à de multiples reprises, souligné les dangers de cette politique d’exclusion systématique de la voiture hors de Paris, car elle nuit au rôle de capitale économique nationale et européenne de cette agglomération.
Bien évidemment, nous ne sommes pas hostiles à une politique visant à réduire la présence des voitures dans Paris, à condition qu’elle s’accompagne d’une amélioration des transports en commun. Or aucune création de ligne de bus ou de métro n’interviendra à Paris avant plusieurs années, nous le savons bien. Dès lors, est-il raisonnable de satisfaire aux exigences d’élus écologistes qui, plutôt que de combattre la pollution, préfèrent la renvoyer sur les communes de banlieue ?
Madame la secrétaire d’État, nous ne contestons pas le droit de Paris de prendre ce genre d’initiative, mais pouvez-vous au moins prendre l’engagement solennel de faire réaliser et publier les études d’impact d’un tel projet et surtout d’y associer les élus des communes concernées ? Je rappelle que ce sont elles qui, au débouché de cette voie sur berge, supportent les nuisances d’une capitale égoïstement renfermée sur elle-même.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité interroger le ministre de l’intérieur sur le respect des règles de concertation pour la mise en place des voies sur berges à Paris.
Concernant le projet dit de « reconquête » de la voie Georges-Pompidou entre le tunnel des Tuileries et le tunnel Henri IV, la Ville de Paris a commencé à lancer les études techniques auxquelles la préfecture de police sera naturellement associée. Comme pour la rive gauche, ce projet rive droite nécessitera une phase d’étude et la modélisation de plusieurs hypothèses. Ce nouveau projet sera examiné soigneusement avec les services de l’État. Cette étude passera par une concertation étroite avec la préfecture de police, concertation déjà sollicitée par la maire de Paris par courrier adressé au préfet de police le 26 septembre dernier.
Le projet de la Ville de Paris dit de reconquête de la voie Georges-Pompidou rive droite sera soumis aux procédures administratives de concertation en vigueur.
Ainsi, la mairie de Paris devra réaliser l’étude d’impact prévue aux articles L. 300–2 et R. 300–1 du code de l’urbanisme, ainsi que l’enquête publique « Bouchardeau » prévue au code de l’environnement.
Les études de circulation n’étant pas encore réalisées pour la voie Georges-Pompidou rive droite, sachant qu’il faudra les articuler avec les autres projets affectant la circulation dans un environnement proche, et le programme n’étant pas encore élaboré, la concertation avec les autres collectivités locales n’a pas été engagée, mais elle est évidemment bien prévue.
Pour la rive gauche, les procédures ont été scrupuleusement respectées en 2010–2011, en coordination étroite avec les services de l’État.
Quant aux collectivités, elles avaient été consultées dès l’été 2010 sur la rive gauche et la « boulevardisation » de la rive droite par l’envoi d’un dossier de présentation des orientations du projet et d’éléments sur les études de circulation. Des réunions de présentation auprès des conseils généraux, des mairies ou des associations de maires avaient eu lieu. Puis une réunion « métropolitaine » avait conclu la concertation à la fin du mois de novembre 2010, en présence de nombreux élus.
Pour prendre acte des conclusions de la commission d’enquête, et compte tenu des enjeux en matière de circulation dans la capitale, une clause de réversibilité avait notamment été prévue dans la convention de gestion des berges de la rive gauche, élaborée par la Ville de Paris, gestionnaire du domaine public, et Ports de Paris, propriétaire du domaine public. Cette clause permet, sans frais pour l’État, de revenir à l’état antérieur en cas de dégradation significative des conditions de circulation.
Des bilans effectués quelques mois après la fermeture des quais bas, il ressort que l’évolution de la situation en termes de trafic est plutôt neutre (M. Christian Cambon est dubitatif.), ce qui corrobore les simulations informatiques effectuées dans le cadre des études.
Les procédures de consultation et les recommandations qui en ont découlé ont été scrupuleusement respectées, notamment concernant le suivi attentif de l’évolution du trafic routier sur les secteurs affectés.
La coordination étroite évoquée entre les services de la Ville et ceux de l’État porte également sur ce suivi permanent.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame la secrétaire d’État, j’ai été sensible à vos explications, au demeurant précises. Je ne polémiquerai pas ici sur la nature de la concertation intervenue dans les années 2010–2011. Nous pourrions, le président Favier et moi-même, évoquer les limites de cette concertation. Ainsi, pour ma part, je n’ai pas le souvenir, en tant que maire riverain, d’avoir reçu un dossier bien épais, non plus que les études d’impact.
Cela étant dit, je prends acte de votre engagement, madame la secrétaire d’État, notamment de faire en sorte que ce projet, s’il va à son terme, puisse être articulé avec l’ensemble de la voirie, et de mener une concertation avec les communes et les départements riverains, notamment le Val-de-Marne, afin qu’ils puissent faire valoir leur point de vue.
Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que l’adage « Paris-plage aux Parisiens, les embouteillages aux Franciliens » ne soit plus de mise.
dispositifs de rénovation thermique des bâtiments portés par les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron, auteur de la question n° 891, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jacques Chiron. Monsieur le secrétaire d’État, notre pays déborde d’initiatives locales innovantes, qu’elles soient le fait d’individus ou de collectivités territoriales, qui prouvent que la transition écologique a déjà commencé.
La communauté d’agglomération de Grenoble, qui deviendra métropole le 1er janvier prochain, a lancé dès 2010 un très ambitieux plan d’incitation à la rénovation thermique du parc privé, appelé « Mur/Mur ».
Au carrefour de son plan climat, lancé en 2005, et de son plan local de l’habitat, la métropole s’est fixée comme objectif d’accompagner la rénovation thermique de 5 000 logements en cinq ans par une approche transversale incluant l’audit du bâtiment, l’accompagnement technique et administratif des volontaires tout au long des travaux, ainsi que les aides financières aux copropriétés, mais également aux copropriétaires, sous conditions de ressources.
Ce dispositif est un vrai succès. Les bénéficiaires sont particulièrement satisfaits du niveau de confort obtenu après travaux et les premières mesures des économies d’énergies sont encourageantes. De plus, l’opération a naturellement stimulé l’économie locale du bâtiment.
Il est évidemment fondamental que les initiatives des collectivités territoriales comme celle de la métropole grenobloise soient stimulées par de grands plans nationaux qui impulsent une véritable dynamique, par le niveau financier de l’engagement de l’État, mais aussi par la sensibilisation de nos concitoyens qu’elle engendre.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la grande diversité des dispositifs existants, pour ne pas dire leur grande complexité.
Il existe en effet de multiples dispositifs qui offrent aux collectivités des possibilités d’effets de levier afin d’aboutir à des plans locaux intégrés réellement incitatifs pour les particuliers. On peut citer : le Fonds d’aide à la rénovation thermique, le FART, l’aide de solidarité écologique, l’ASE, la valorisation des certificats d’économies d’énergie, les CEE, les crédits d’impôt, les prêts bancaires spécifiques ou encore les différents appels à projets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME.
Toutefois, l’articulation entre ces mécanismes est rude en raison de critères techniques à la fois variés et en permanente évolution, et qui, de plus, engendrent des effets de seuil parfois contre-productifs.
Si le soutien financier à la rénovation thermique est fondamental dans la décision des particuliers d’entamer des travaux, la capacité des collectivités à synthétiser l’ensemble des leviers de financement l’est tout autant, si ce n’est plus.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, quelle place ont vocation à occuper les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des objectifs ambitieux de rénovation des bâtiments fixés par la loi ?
Quelle mesure prévoit la loi en faveur de l’appropriation par les collectivités territoriales de l’ensemble des outils d’aide disponibles pour proposer aux particuliers des dispositifs intégrés et adaptés aux territoires ?
Enfin, quel alignement des critères techniques est envisageable afin d’aider les collectivités à présenter à nos concitoyens des guichets uniques lisibles ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Jacques Chiron, vous avez interrogé Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ne pouvant être présente, elle m’a chargé de vous répondre.
Le bâtiment représente 45 % de la consommation finale d’énergie en France et les factures d’énergie sont une charge lourde pour les familles, dont une sur cinq a du mal à payer sa facture.
La transition énergétique conduit donc à accélérer la rénovation des bâtiments, notamment des logements, et à renforcer leurs performances énergétiques pour en maîtriser la consommation.
Afin de répondre à l’objectif inscrit dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte de rénover 500 000 logements par an à compter de 2017, plusieurs mesures seront mises en place. Une campagne de communication nationale est lancée cette semaine pour les faire connaître au grand public.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, ou CITE, sera créé, avec un taux unique de 30 % quelle que soit l’action réalisée, sans condition de ressources et sans obligation de réaliser un « bouquet de travaux ». Cette mesure s’appliquera rétroactivement au 1er septembre 2014.
Des mesures sont également prises pour relancer l’éco-prêt à taux zéro, ou éco-PTZ. Ainsi, la vérification de l’éligibilité technique des travaux est transférée des banques vers les entreprises réalisant les travaux. Les critères techniques de l’éco-PTZ sont alignés sur ceux du CITE. Enfin, une éco-conditionnalité de l’éco-PTZ et du CITE entre en vigueur respectivement le 1er septembre 2014 et le 1er janvier 2015, et le 1er octobre 2015 dans les départements d’outre-mer : les travaux devront être réalisés par des entreprises dites « RGE », reconnu garant de l’environnement.
La place des collectivités territoriales est centrale pour sensibiliser les ménages et les aider à se lancer dans un projet de rénovation énergétique.
Les plates-formes territoriales de la rénovation énergétique, promues aujourd’hui par des appels à manifestation d’intérêt de l’ADEME et des régions, seront généralisées par le projet de loi sur la transition énergétique.
Les collectivités peuvent également proposer des aides financières, telles que des subventions, des prêts bonifiés ou encore le tiers financement, afin d’inciter à des rénovations performantes sur le plan énergétique.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit un nouveau cadre législatif qui favorisera le tiers financement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron.
M. Jacques Chiron. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État des informations qu’il a apportées.
Sur le tiers financement, j’espère que les collectivités seront très présentes – en tout cas, pour notre part, nous le proposerons. Il y aura certainement des outils à mettre en place, ce qu’on appelle les « véhicules de financement ».
La Fédération des entreprises publiques locales, que j’ai la chance de présider depuis quelques semaines, se penche sur le dossier de manière à trouver, bien sûr avec le concours de financiers comme les banques, des dispositifs qui permettent d’accompagner les collectivités.
conditions de la privatisation de l'aéroport de toulouse-blagnac
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 897, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les conditions et les conséquences éventuelles de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
Comme vous le savez, la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports prévoit le transfert du capital des plates-formes aéroportuaires régionales comme Toulouse, Bordeaux, Lyon ou Strasbourg à des sociétés anonymes concessionnaires initialement détenues par des personnes publiques.
À ce jour, l’État possède 60 % du capital de l’aéroport toulousain, les chambres de commerce et d’industrie 25 % et les collectivités locales – Toulouse métropole, conseil général et conseil régional – 15 %.
Les candidats au rachat des parts de l’État dans la société anonyme ATB, aéroport de Toulouse-Blagnac, à hauteur de 49,9 % avaient jusqu’à vendredi dernier pour répondre à l’appel d’offres relatif à la vente de ces parts. Six candidats privés, dont des fonds d’investissement étrangers, se seraient déclarés. Les 10,1 % restants devraient être mis en vente d’ici à trois ou quatre ans.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de vous faire part de mes interrogations.
Sur la forme d’abord, je regrette l’absence de discussion préalable sur le principe même du désengagement de l’État du capital de cet aéroport. Il suscite bien des inquiétudes, alors qu’un partenariat entre les pouvoirs publics et les entreprises installées sur le site s’était construit pas à pas.
Sur le fond, il existe un risque sérieux de délocalisation des sites d’assemblages vers des zones aéroportuaires à l’étranger économiquement plus attractives.
C’est pourquoi je vous demande de rassurer les industriels sur l’avenir de l’ATB, notamment sur les conditions d’utilisation du foncier de la plate-forme aéroportuaire à l’avenir.
C’est important pour toute l’économie de notre grande région, car, depuis quarante ans, les constructeurs aéronautiques s’y sont développés, entraînant avec eux toute la filière régionale, nationale et européenne. Le dynamisme de cette infrastructure a d’ailleurs été largement soutenu par des fonds publics, je tenais à le souligner.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer les engagements du Premier ministre en faveur de la prolongation des autorisations d’occupation temporaire des réserves foncières jusqu’en 2078, de la reconduction des avantages financiers pour les vols d’essai, ou encore de l’obligation de concertation avec les constructeurs aéronautiques pour tout projet d’extension de l’aéroport, ces nouvelles conditions devenant des critères de recevabilité pour les candidats à l’appel d’offres ?
Qu’adviendra-t-il également de la pérennité du statut des personnels de l’ATB ?
J’en viens à ma dernière question, monsieur le secrétaire d’État : alors que l’examen des offres par l’Agence des participations de l’État est en cours depuis vendredi, pouvez-vous démentir les rumeurs selon lesquelles la procédure de choix sera accélérée dans les prochains jours et me garantir, au contraire, que l’État prendra le temps d’associer les collectivités territoriales parties prenantes à cette décision stratégique, comme il s’y est engagé ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Françoise Laborde, l’État a en effet décidé d’ouvrir le capital de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac. Un appel d’offres a été publié en ce sens mi-juillet.
Cette ouverture du capital est la suite logique de la réforme aéroportuaire lancée en 2005. Elle ne signifie pas pour autant que l’État se désintéresse de l’avenir de ces infrastructures.
L’État attache une grande importance au développement du secteur aéronautique français, en particulier à la société Airbus dont le développement remarquable est une référence en la matière.
L’État a donc veillé à ce qu’Airbus dispose des moyens juridiques d’assurer sa présence et son développement à Toulouse-Blagnac à long terme.
Ainsi, actuellement, la société Airbus bénéfice d’une autorisation d’occupation du territoire dont l’échéance, pour la plus importante d’entre elles, qui concerne près de 100 hectares, est fixée à 2043.
Je peux d’ores et déjà vous indiquer qu’il a été décidé de prolonger cette autorisation, délivrée en 2008, à une durée totale de soixante-dix ans, soit jusqu’à la fin de l’année 2078.
Par ailleurs, un avenant au contrat de concession sera signé entre l’État et l’exploitant d’aéroport dans lequel les enjeux de la construction aéronautique sur le site seront réaffirmés.
En outre, il convient de souligner que l’État ne vend que ses parts dans la société aéroportuaire exploitante. Il demeure propriétaire des terrains et autorité concédante. Le concessionnaire, quelle que soit sa nature, publique ou privée, restera ainsi chargé d’une mission de service public aéroportuaire et sera astreint au respect d’un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d’État.
Ce cahier des charges définit les grandes orientations de développement de la plate-forme au concessionnaire et demande la prise en compte de l’intérêt des usagers, notamment les besoins de la société Airbus, au moment de définir la stratégie d’aménagement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je remercie M. le secrétaire d’État de ces informations, qui sont très précises, et j’ai bien pris note que l’État ne vendait que ses parts.
Je me permets bien sûr d’insister sur un point : je demande au Gouvernement de tout mettre en œuvre pour s’assurer que l’État et les collectivités publiques resteront majoritaires à long terme dans le capital d’ATB.
N’ai-je pas lu que les 10,1% restants faisaient l’objet d’une option de vente ? Il faut protéger notre industrie aéronautique et tous les emplois qui en découlent, car n’oublions pas les sous-traitants et l’économie tertiaire qu’elle génère.
ligne à grande vitesse montpellier-perpignan
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 879, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur le projet de ligne nouvelle à grande vitesse Montpellier-Perpignan.
Cette ligne constitue un maillon stratégique sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse, reliant la façade méditerranéenne au reste de l’Europe.
Je voudrais, en présentant cette question orale, évoquer le débat de ratification, en mars 1997, ici même, de l’accord France-Espagne sur la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre ces deux pays, et plus précisément entre Perpignan et Figueras. J’avais alors été nommé rapporteur par la commission des affaires économiques.
La convention a été ratifiée, puis le temps a passé…
La ligne transpyrénéenne Perpignan-Figueras fut construite et elle est même actuellement en service. Quant à la ligne Montpellier-Perpignan qui devait être réalisée concomitamment ou à la suite, comme il aurait été logique et comme je le préconisais dans mon rapport, elle en est toujours au même point, même si je reconnais que les choses recommencent à bouger.
En effet, le ministère, et c’est heureux, a reconnu le statut international de la ligne, en amont ou dans le prolongement du corridor ferroviaire méditerranéen espagnol, et a admis que son utilité et ses enjeux dépassent largement ce tronçon.
C’est un vrai motif de satisfaction. La réalisation de cette section est attendue depuis près de vingt-cinq ans, c’est-à-dire depuis la mission Querrien qui l’avait, alors, prévue pour dix ans plus tard. Force est de constater que, en l’absence de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan, la liaison entre ces deux villes constitue un véritable goulet d’étranglement, qui pénalise le développement économique des territoires concernés ainsi que les échanges franco-espagnols.
L’annonce de M. Frédéric Cuvillier, alors ministre des transports, du 15 décembre 2013, relative à la poursuite des études du projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan a relancé de nouveau ce projet, pourtant quasi enterré en juillet 2013.
Les perspectives posées sont : un tracé approuvé à la fin de l’année 2015, une enquête publique à la fin de 2016, pour un début de chantier en 2018.
Je me réjouis que l’exécutif mette en avant la « pertinence de la ligne Montpellier-Perpignan pour répondre aux enjeux d’attractivité économique et de desserte plus efficace et plus sûre de la région Languedoc-Roussillon ».
Où en sommes-nous aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, des différentes étapes de réalisation de cette ligne à grande vitesse et de leur financement ? Le calendrier sera-t-il tenu et les engagements seront-ils respectés pour une mise en service vers 2020 ?
Enfin, comme vous le savez, un large consensus s’est dessiné autour des solutions de desserte des agglomérations : Narbonne-Montredon pour l’Aude et Béziers pour l’Hérault. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, me confirmer cet autre point essentiel ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Roland Courteau, la section Montpellier-Perpignan fait partie du projet prioritaire n° 3 du réseau transeuropéen de transport. La ligne nouvelle Montpellier-Perpignan constituerait, après la mise en service de la section internationale Perpignan-Figueras et du contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, le dernier maillon permettant d’assurer la continuité de la grande vitesse ferroviaire entre la France et l’Espagne sur la façade méditerranéenne.
La commission « Mobilité 21 » a considéré que la réalisation de ce projet relevait d’une seconde temporalité. Toutefois, considérant qu’elle ne pouvait être entièrement affirmative sur le moment à partir duquel il pourrait être nécessaire d’engager l’opération, la commission « Mobilité 21 » a prévu d’inscrire une provision pour engager, en tant que de besoin, avant l’horizon 2030, des premiers travaux en lien avec le projet.
Dans la lignée de ces conclusions, la décision ministérielle du 15 décembre 2013 est venue fixer le cadre de la poursuite des études du projet. Tout d’abord, elle a arrêté les sections ouvertes à la mixité voyageurs et fret ainsi que les modalités de desserte des agglomérations situées sur l’itinéraire du projet, avec, pour l’agglomération de Béziers, une desserte par gare nouvelle et, comme vous le savez, pour l’agglomération de Narbonne, une desserte par gare nouvelle dans le secteur de Montredon-des-Corbières.
Enfin, elle a décidé que la poursuite des études devra s’inscrire en cohérence avec les résultats de l’observatoire de la saturation ferroviaire mis en place en Languedoc-Roussillon, afin d’être en capacité d’anticiper, en temps utile, la réalisation de ce projet.
Par courrier du 16 juin 2014 aux présidents du comité de pilotage du projet, mon prédécesseur a demandé que le comité de pilotage propose, d’ici à la fin de l’année 2015, le tracé de la ligne. Sur ces bases, un objectif de lancement de l’enquête publique à l’horizon fin 2016 a été retenu.
Il s’agit d’un projet ambitieux et de grande ampleur : au stade actuel, le maître d’ouvrage évalue le coût de ce projet à plus de 6 milliards d’euros. La mobilisation des moyens nécessaires, en temps utile, nécessitera que soient stabilisées au préalable les ressources permettant d’améliorer la performance et la sécurité du réseau ferroviaire existant, amélioration dont j’ai fait ma priorité.
Je tiens par ailleurs à vous rappeler que l’État participe actuellement à hauteur de plus de 900 millions d’euros au financement du contournement de Nîmes-Montpellier, ou CNM. Dans le cadre de ce projet, Réseau Ferré de France conduit la procédure pour la réalisation de la gare nouvelle de Montpellier pour permettre sa mise en service en 2017, concomitamment à celle du CNM.
Enfin, des études sont engagées pour la réalisation de la gare nouvelle de Nîmes, sur la commune de Manduel, à l’horizon 2020.
Il s’agit là de traductions concrètes de l’investissement de l’État en Languedoc-Roussillon afin d’améliorer sensiblement et durablement la mobilité de ses habitants et de tous ceux qui ont à faire dans cette région.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous remercie de toutes ces précisions, monsieur le secrétaire d’État, sur un dossier vieux de plus de vingt-quatre ans.
Je suis heureux de constater que désormais les choses avancent et que le calendrier de réalisation sera tenu. C’est capital pour le développement des échanges franco-espagnol, mais aussi pour le développement économique de nos territoires.
modernisation des transports du quotidien en île-de-france
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 858, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la rénovation des transports du quotidien en Île-de-France.
Samedi 12 juillet dernier, un hommage était rendu aux victimes de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, un accident qui avait ému la France entière. Brétigny fut le cruel rappel à l’ordre d’un réseau en très mauvais état, voire même, aux yeux de certains, en déliquescence.
Si la nécessité de réhabiliter les infrastructures n’a jamais semblé plus urgente qu’à compter des événements de Brétigny, les signes d’essoufflement étaient présents de longue date. Certes, les conséquences impactaient uniquement le temps de trajet des usagers, sans mettre en péril leur intégrité physique, mais elles étaient quotidiennes, ou tout du moins redondantes. Et elles le sont encore ! Si bien que les usagers ont le sentiment, légitime, que la situation va de mal en pis.
Pour s’en convaincre, chacun peut prendre connaissance des données publiées début juillet par la SNCF. Ces dernières confirment le diagnostic en révélant que plus d’un usager sur dix avait subi un retard d’au moins cinq minutes sur les lignes ferroviaires franciliennes – transiliens et RER – pendant la période allant de mai 2013 à avril 2014.
Sans compter qu’il faut composer avec de graves avaries, à l’image de l’incendie estival du poste d’aiguillage en gare des Ardoines de Vitry-sur-Seine, dont les travaux de reconstruction impacteront longuement la circulation du RER C. En effet, des délais de trente mois sont avancés pour ce chantier. Cet agenda est irrecevable pour les usagers et je joins ma voix à celles qui demandent que soit étudié un resserrement rigoureux du calendrier – je pense notamment au président du conseil régional d’Île-de-France.
Cela dit, on ne peut que se réjouir des opérations débutées dans le cadre du plan de modernisation du réseau ferré francilien, intitulé « Programme fiabilité Île-de-France 2014–2020 ». Ce plan, approuvé en janvier 2014 par le président du conseil du Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF –, Jean-Paul Huchon, se fixe pour objectif à horizon proche de rendre un niveau de performance optimal à l’infrastructure.
Gageons que la réforme ferroviaire, notamment la création de SNCF Réseau – entité regroupant RFF et SNCF Infra – permettra une gestion plus efficace et davantage lisible au service de la ponctualité et de la fiabilité.
Dans le cadre du projet métropolitain du Grand Paris, le Gouvernement s’est engagé en faveur de l’amélioration des transports du quotidien, notamment l’amélioration du fonctionnement des RER C et D. Pour reprendre les termes du compte rendu du conseil des ministres du 9 juillet 2014, ces transports « nécessitent des investissements urgents pour accroître leur robustesse et leur fiabilité ».
À l’heure où certains craignent que la récente suspension sine die du projet de taxe transit poids lourds n’entame les ambitions du Gouvernement en matière de transports, pouvez-vous, monsieur le ministre, rappeler les détails de l’engagement financier de l’État pour les transports du quotidien en Île-de-France, en particulier en ce qui concerne le bouclage du financement nécessaire à la modernisation des deux lignes mentionnées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Claire-Lise Campion, je souhaite tout d’abord vous confirmer que la maintenance du réseau ferré existant est l’une de mes priorités, singulièrement en Île-de-France. Pour les voyageurs, c’est une garantie nécessaire de fiabilité, de confort et de sécurité au quotidien.
Les travaux de maintenance sur le réseau ferré d’Île-de-France s’amplifient. Ils représentent 1 milliard d’euros, soit une multiplication par deux depuis 2012, et 900 recrutements supplémentaires.
Les RER C et D bénéficient particulièrement de ces efforts. Je suis vigilant pour que des concertations soient organisées avec les acteurs locaux, afin d’expliquer les objectifs et le contenu de ces travaux. Je porte également une attention particulière à l’acceptabilité de leur impact pour les voyageurs.
S’agissant de l’amélioration des réseaux de transports du quotidien en Île-de-France, l’État et le conseil régional, avec le soutien des autres collectivités territoriales, ont prévu un programme d’investissement sans précédent.
Les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de la feuille de route du nouveau Grand Paris seront tenus. Le Premier ministre l’a confirmé le 9 juillet dernier : la mise en œuvre du plan de mobilisation pour les transports sera effective et la réalisation du Grand Paris Express sera même accélérée.
Les modalités d’amélioration du réseau francilien existant ont été précisées dans le cadre du protocole signé le 19 juillet 2013 par l’État et la région.
Le schéma directeur du RER C prévoit des investissements importants, notamment sur le nœud de Brétigny. Ces aménagements sont en cours d’étude par RFF et seront prochainement présentés au STIF.
S’agissant du RER D, la ligne a connu une première étape d’amélioration en 2014, grâce à des aménagements d’un montant de 120 millions d’euros, associés à des évolutions d’offre. Des études de RFF pour renforcer la fréquence aux heures de pointe au sud de la ligne se poursuivent et doivent être présentées au STIF au printemps 2015.
Enfin, pour ces deux lignes, les interconnexions avec le Grand Paris Express sont également intégrées aux études en cours.
Le financement des suites à donner a été assuré et il est prévu que les conventions de financement pour les schémas directeurs des RER, pour les études du prolongement du RER E à l’ouest et de la ligne 11 du métro à l’est soient soumises au prochain conseil de surveillance de la Société du Grand Paris.
Vous pouvez donc constater la pleine mobilisation du Gouvernement sur les transports du quotidien en Île-de-France, et celle des opérateurs publics de transport.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Je remercie M. le ministre d’avoir rappelé de façon détaillée les engagements du Gouvernement, notamment s’agissant de la desserte autour des lignes C et D, et d’avoir indiqué que les projets seraient menés à leur terme, en lien avec les aménagements du Grand Paris.
transfert du prélèvement au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 888, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le secrétaire d’État, je reviens en quelque sorte en deuxième semaine sur une question que j’ai déjà posée au mois de juillet dernier au sujet du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR.
Deux problèmes se posent en réalité.
Le premier concerne, pour mémoire, les communes qui étaient isolées avant que la réforme territoriale les inclue dans des périmètres d’intercommunalités. Comme l’a relevé précédemment notre collègue Roland Ries lors d’une séance de questions au Gouvernement, ces communes, qui ne faisaient pas partie d’un EPCI, percevaient alors l’intégralité du taux départemental de la taxe d’habitation et subissaient parallèlement un prélèvement au titre du FNGIR. Ces communes sont donc en quelque sorte frappées par une double peine.
Le second problème concerne le cas de communes qui se trouvent aujourd’hui étrangement pénalisées après avoir adhéré à une communauté de communes plus large.
Je prendrai l’exemple de la commune de Boissei-la-Lande, l’une des 505 communes du département de l’Orne. Vous ne la connaissez sans doute pas, monsieur le secrétaire d’État, mais elle a été citée en exemple dans tous les échanges que j’ai eus avec les membres du Gouvernement.
Cette commune adhère à une nouvelle intercommunalité, baisse ses taux et demande le transfert du prélèvement du Fonds national à la communauté de communes.
En réponse à un courrier que je lui ai adressé, Mme Lebranchu explique, en avril 2013, que le prélèvement opéré au titre du Fonds national, qui relève en propre du budget de la commune, peut le cas échéant être transféré au niveau intercommunal, sur délibération concordante de l’EPCI d’accueil et de la commune concernée.
Comme le problème n’est pas réglé et qu’au niveau local j’entends des avis tout à fait contraires, je pose une question au Gouvernement. Le 8 juillet dernier, la réponse de Mme la secrétaire d’État est très claire : « les communes, à l’occasion de leur rattachement à un EPCI à fiscalité additionnelle, peuvent, conformément à l’article 37 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, mettre le prélèvement au titre du FNGIR à la charge de l’EPCI, avec l’accord de ce dernier… »
Je me permets alors de répondre en ces termes au Gouvernement : « Le problème, c’est que les fonctionnaires chargés de la gestion de ces dossiers – les représentants de la Direction générale des finances publiques dans nos départements – prétendent que cela n’est pas possible, sauf pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique. » Il est alors précisé au Journal officiel : « Mme la secrétaire d’État fait un signe de dénégation. » Et, en effet, je la vois encore protester contre une telle assertion.
Le problème, c’est que le préfet de l’Orne a reçu, le 4 septembre dernier, une lettre de la Direction générale des finances publiques qui se concluait ainsi : « Dans ces conditions, la contribution de Boissei-la-Lande au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources ne peut légalement pas faire l’objet d’un transfert à la Communauté de communes des sources de l’Orne qu’elle a rejointe. »
Franchement, quand on voit le même ministère afficher des oppositions pareilles, on se demande où l’on va !
Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, je suis persuadé que vous allez lever l’ambiguïté.
M. le président. En tout cas, nous n’irons pas à Boissei-la-Lande… (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Dommage, car c’est très joli !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et de votre vigilance, lesquelles se rapportent à un problème, certes, technique, mais réel, auquel je vais vous indiquer comment le Gouvernement entend répondre.
Dans l’état actuel du droit, comme vous l’avez rappelé, l’article 50 de la loi de finances rectificative pour 2011 a introduit la possibilité pour les communes de transférer aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité professionnelle unique dont elles sont membres le reversement perçu au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, mis en place pour compenser les effets de la réforme de la taxe professionnelle.
Ces changements de bénéficiaires doivent être constatés sur délibérations concordantes des communes membres et de l’EPCI.
Le V de l’article 37 de la loi du 29 décembre 2012 a eu pour objet d’étendre le champ des transferts possibles en permettant, toujours sur délibérations concordantes de l’EPCI et des communes membres, un transfert au niveau intercommunal du prélèvement opéré au titre du FNGIR sur les ressources fiscales communales.
Enfin, le 4 du I bis de l’article 1609 nonies C du code général des impôts permet à une commune membre d’un EPCI à fiscalité professionnel unique de renoncer au bénéfice de la recette de dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, qui lui a été attribuée en propre et d’en affecter le produit à l’intercommunalité.
La possibilité pour une commune de transférer sa DCRTP et son FNGIR à l’intercommunalité dont elle est membre est donc prévue par les textes pour les EPCI à fiscalité professionnelle unique, mais les dispositions en vigueur ont maintenu une incertitude juridique quant à la possibilité d’opérer ces transferts pour les communes membres d’EPCI soumis à un régime fiscal différent, comme la fiscalité additionnelle, la fiscalité professionnelle de zone ou la fiscalité éolienne unique.
C’est pourquoi, dans le projet de loi de finances rectificative qui sera déposé par le Gouvernement au Parlement au cours du mois de novembre, nous proposerons d’harmoniser les règles de reversement ou de prise en charge de la DCRTP et du FNGIR au niveau intercommunal, de manière que ces transferts soient possibles quel que soit le régime fiscal des EPCI, ce qui couvrira notamment le régime de la fiscalité additionnelle qui fait l’objet de votre question.
Monsieur le sénateur, je vous donne donc rendez-vous pour la discussion du projet de loi de finances rectificative que vous pourrez proposer d’amender si le Gouvernement ne tient pas, ce que je ne peux imaginer, l’engagement que je prends ici devant vous.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui m’inspire trois observations.
Tout d’abord, il reste en suspens le premier problème que je vous ai posé, à savoir la double peine. Je souhaite que nous en reparlions à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Ensuite, je me permets tout de même de vous dire qu’il est étonnant que plusieurs voix ministérielles s’expriment en se contredisant. Je n’y insiste pas, dès lors qu’une solution peut apparaître à l’occasion de la discussion du texte que je viens d’évoquer. Je prends donc acte de l’intention du Gouvernement.
Enfin, monsieur le président, je suis convaincu que mes questions répétées sur ce problème ont conduit le Gouvernement à prendre l’initiative, harcelé qu’il était par le parlementaire de l’Orne que je suis au sujet des problèmes rencontrés par la commune de Boissei-la-Lande, dont les élus vont être très heureux d’apprendre que, sous réserve de l’adoption par le Parlement du projet de loi de finances rectificative, leur problème est sur le point de trouver une solution.
conditions de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 889, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, ma question s’adresse effectivement à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, et vise à attirer son attention, une nouvelle fois, sur les conditions de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers, les MIE, par la cellule nationale mise en place en application de la circulaire ministérielle du 31 mai 2013, à la suite du protocole signé avec l’Assemblée des départements de France. Dans le cadre de ce dispositif de répartition territoriale, il a été décidé que le département du Val-de-Marne accueillerait au maximum 89 enfants étrangers isolés par an.
Cependant, en dehors et en plus de cet objectif défini par la cellule nationale, il se trouve que les juges pour enfants ont confié 106 jeunes étrangers isolés à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, du Val-de-Marne depuis le 1er janvier 2014.
Or ces jeunes confiés par les juges pour enfants ne sont pas comptabilisés par la cellule nationale dans le dispositif de répartition territoriale, qui ne prend en compte que les mineurs confiés à l’ASE par le parquet dans le cadre du dispositif national.
Ainsi, la cellule nationale de répartition ne tient pas compte, pour évaluer le nombre de mineurs isolés étrangers pouvant être accueillis dans le Val-de-Marne, des décisions des juges pour enfants. Dans ces conditions, ce sont donc près de 200 mineurs étrangers qui sont aujourd’hui pris en charge par l’ASE du Val-de-Marne au lieu des 89 prévus dans le cadre de la répartition nationale.
De ce fait, le conseil général du Val-de-Marne est contraint, dans un contexte financier déjà particulièrement tendu, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État, de consacrer cette année, tenez-vous bien, 7 millions d’euros supplémentaires à l’accueil de ces jeunes. C’est évidemment totalement insupportable.
Cette situation, à laquelle doit faire face ce département, est d’autant plus problématique que la quasi-totalité des autres départements, accueillant eux aussi des mineurs étrangers isolés dans le cadre de ce dispositif national, n’atteindront pas leur objectif d’accueil fixé par la cellule nationale.
Les chiffres explosent donc dans le Val-de-Marne, et la position de la cellule nationale consistant à tenir compte uniquement des décisions du parquet semble particulièrement injuste et incompréhensible.
C’est pourquoi je demande à Mme la garde des sceaux si, pour remédier à une telle situation, elle compte faire en sorte que, dorénavant, le dispositif national de répartition des mineurs isolés étrangers prenne bien en compte l’ensemble des enfants pris en charge par les départements, y compris ceux qui leur sont confiés par des décisions des juges pour enfants, pour la réalisation des objectifs d’accueil qui leur ont été attribués.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Christiane Taubira, qui m’a chargé de vous apporter la réponse suivante.
Monsieur Favier, votre question porte sur les modalités de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers, les MIE, par la cellule nationale d’appui et d’orientation dans le cadre de la circulaire du 31 mai 2013, laquelle faisait suite au protocole signé par l’Assemblée des départements de France. Comme vous le soulignez, en application de cette circulaire, le département du Val-de-Marne s’est vu assigner l’objectif initial d’accueillir 89 enfants sur 12 mois au titre de la répartition territoriale, sur la base d’une clef de répartition se situant à 2,22 %.
Le comité de suivi national du 18 septembre 2014 a validé la prolongation de l’exercice jusqu’au 31 décembre 2014 afin de mettre en corrélation l’exercice annuel 2015 et la période calendaire de 12 mois correspondant à la seconde année de l’application de la circulaire du 31 mai 2013. L’effectif cible est alors passé, pour le Val-de-Marne, à 141 jeunes évalués MIE sur 19 mois.
La cellule nationale d’appui et d’orientation enregistre toute présence de MIE sur un département dès lors qu’elle est soit sollicitée par un parquet pour une orientation, soit informée par un magistrat ou par le service du conseil général. Lorsqu’un département atteint l’effectif cible fixé, le chef de projet de la mission MIE informe par écrit le responsable de l’aide sociale à l’enfance que toute nouvelle prise en charge de MIE sera orientée vers un autre département, et qu’aucun mineur ne sera plus orienté vers le département initialement prévu.
À ce jour, le département du Val-de-Marne prend en charge 194 jeunes évalués MIE, selon les informations transmises à la cellule nationale. L’effectif cible étant dépassé, la cellule réoriente donc vers d’autres départements tout mineur isolé étranger pour lequel elle est sollicitée par le biais du parquet. Ainsi, 234 mineurs arrivés sur le Val-de-Marne ont déjà été réorientés.
À ce stade, en application de la circulaire de mai 2013, la cellule nationale d’appui et d’orientation procède à des réorientations pour les seules situations de jeunes évalués mineurs isolés étrangers dont elle est saisie par les parquets. Elle n’intervient donc pas pour les situations des MIE confiés aux services du conseil général après saisine directe du juge des enfants par le mineur. Néanmoins, ces situations sont prises en compte pour déterminer le nombre de mineurs accueillis par le département.
La ministre de la justice mesure les efforts réalisés par votre département. Ainsi, pour mieux appréhender la situation du Val-de-Marne, et pour améliorer les modalités et procédures en cours, la mission MIE assiste, ce mardi 4 novembre, au comité de pilotage du dispositif MIE du Val-de-Marne.
Dans l’attente de nouvelles orientations, le ministère de la justice doit faire fonctionner le dispositif conformément au protocole, dans le respect des critères de répartition qu’il pose, et la cellule nationale MIE veille à rééquilibrer la charge des départements, y compris en prenant en compte les situations particulières qui peuvent lui être signalées, pourvu qu’elles ne remettent pas en cause le principe de solidarité qui donne sens à ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse. Vous reconnaissez que le département du Val-de-Marne se trouve très au-delà de l’objectif cible fixé par la circulaire, puisque vous parlez du chiffre de 194 MIE accueillis au lieu de 140 normalement prévus, soit 54 MIE en plus. Se pose ainsi toujours le problème des mineurs confiés directement aux départements par les juges pour enfants, qui viennent s’ajouter à ces chiffres.
Dans ce domaine comme dans d’autres, il y va de la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements et à faire respecter les dispositifs qu’il met en place en les dotant des moyens adéquats.
À cet égard, je voudrais surtout insister sur le fait que le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, qui avait été créé par la loi de mars 2007, n’a jamais été abondé au niveau prévu de 150 millions d’euros, alors qu’une partie de ce fonds pourrait être dédiée à la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
Aussi, à la veille d’une réunion importante que doit tenir, le 12 novembre prochain, la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, Mme Rossignol, avec l’ensemble des présidents de conseil général, je voudrais de nouveau insister sur quelques points très concrets qui doivent être réaffirmés à ce sujet.
Tout d’abord, il faut que la cellule nationale répartisse bien la totalité des décisions judiciaires, y compris celles qui sont prises par les juges pour enfants. Ensuite, le Fonds national de financement de la protection de l’enfance doit être abondé à la hauteur prévue, et il doit être créé, à l’intérieur de ce fonds, un fonds d’intervention pour les mineurs isolés étrangers. Dominique Baudis, à l’époque Défenseur des droits, avait fait cette proposition, reprise depuis par l’Assemblée des départements de France, l’ADF.
Faute de décision urgente prise par le Gouvernement en la matière, je suis au regret de vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que je me verrai contraint, en tant que président du conseil général du Val-de-Marne, de refuser un certain nombre de prises en charge supplémentaires, comme l’avait fait d’ailleurs, en son temps, notre collègue Claude Bartolone pour le département de la Seine-Saint-Denis, lorsqu’il en présidait le conseil général.
effectifs du service de la nationalité des français nés et établis hors de france
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 885, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur un problème récurrent, à savoir les effectifs du service centralisé de la nationalité des Français nés et établis hors de France. Il s’agit du service auquel on s’adresse, de partout dans le monde, lorsque l’on a besoin de prouver que l’on a la nationalité française. Il a donc une certaine importance, en tout cas pour les requérants.
J’avais posé une question écrite sur le sujet en mars 2014 : elle est restée sans réponse. Je l’ai redéposée, sans plus de succès, en juin 2014. J’ai donc été obligé de la transformer en question orale pour obtenir une réponse du ministère de la justice, qui, visiblement, n’accorde par beaucoup d’intérêt aux questions des parlementaires.
Tout comme mes collègues représentant les Français de l’étranger, je reçois de nombreux courriers de personnes ayant fait une demande de certificat de nationalité française – ou CNF – quelques mois, voire quelques années auparavant, et qui s’inquiètent de savoir où en est leur demande, si elle a bien été reçue et quel en est le statut dans la chaîne de traitement.
Car c’est un fait que sans ce certificat les personnes pouvant prétendre à la nationalité française ne peuvent venir en France, faute de visa. Quand on a vingt ans et que l’on veut faire ses études en France, ou quand l’on veut se marier ou obtenir la nationalité française pour un conjoint, devoir attendre deux ou trois ans avant d’obtenir ce certificat est très dommageable.
J’avais visité le service de la nationalité en juin 2007, dans le cadre d’un rapport parlementaire, et j’avais noté à l’époque que le retard de traitement des demandes variait de dix à treize mois et que le délai minimum de délivrance était de l’ordre de dix-huit mois.
J’y suis retourné en janvier dernier et j’ai malheureusement constaté que le service de la nationalité est en manque chronique de personnel, ce qui conduit à des délais toujours plus longs de traitement des demandes.
Les retards des rédacteurs oscillent entre neuf et quatorze mois pour l’instruction initiale des demandes nouvelles. À cela s’ajoutent souvent des délais de plusieurs mois pour des levées d’actes ou des demandes complémentaires de renseignements.
Pourtant, le traitement des dossiers a été rationalisé et le niveau de formation et d’engagement des rédacteurs est excellent.
La situation est encore plus difficile du fait que l’accroissement du nombre de dossiers à traiter ne se reflète pas dans le nombre de postes affectés. Entre 2009 et 2013, le nombre annuel de demandes de CNF est passé de plus de 14 000 à plus de 17 000. Sur la base de la charge de travail induite, le service devrait avoir une affectation de quarante-trois postes. Or le ministère de la justice n’a alloué que trente-six postes pour l’année 2013, dont seulement vingt-huit sont occupés.
Les dernières informations dont je dispose font état d’un effectif de vingt-sept personnes, soit un ratio proche de 50 %. Nous ne disposons donc que de la moitié des rédacteurs nécessaires pour accomplir cette charge de travail. Il s’agit d’une situation anormale et insupportable pour les demandeurs.
Pourriez-vous m’indiquer, monsieur le secrétaire d’État, même s’il ne s’agit pas directement de votre portefeuille, quelles sont les mesures envisagées pour accorder enfin à ce service, critiqué par nombre de nos compatriotes, le personnel nécessaire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur Richard Yung, vous avez appelé l’attention de la garde des sceaux sur les conditions de fonctionnement du service de nationalité du tribunal d’instance de Paris dont le nombre d’affaires à traiter toujours plus important conduit cette juridiction à rencontrer, dans son activité quotidienne, des difficultés dues au manque d’effectifs.
Dans le cadre de la localisation des emplois au titre de l’année 2014, et afin de prendre en compte l’augmentation de la charge de travail, les effectifs de la juridiction ont été renforcés par la création d’un poste de greffier supplémentaire
À la date du 16 octobre 2014, l’effectif du service de nationalité du tribunal d’instance de Paris est donc désormais de trente-sept fonctionnaires localisés, dont treize greffiers en chef, neuf greffiers et quinze adjoints administratifs. Ce service comptabilise vingt-sept fonctionnaires, dont onze greffiers en chef, huit greffiers et huit adjoints administratifs ; dix postes sont vacants.
L’un des deux postes vacants de greffier en chef a été offert à un greffier inscrit sur la liste d’aptitude pour l’accès à ce corps. Ce greffier en chef sera nommé à compter du 1er décembre 2014.
Les autres postes vacants, à savoir un poste de greffier en chef, un poste de greffier et sept postes d’adjoints administratifs, sont tous proposés lors des commissions administratives paritaires compétentes de fin d’année.
Les prises de fonctions des fonctionnaires ayant obtenu leur mutation dans le cadre des mouvements de mobilité précités interviendront en mars 2015.
Le service de nationalité du tribunal d’instance de Paris compte également, en plus des vingt-sept fonctionnaires précités, six vacataires dans le cadre de l’enveloppe accordée aux chefs de la cour d’appel de Paris.
Il est à noter que les emplois d’adjoints administratifs peuvent, si nécessaire, être transformés en postes de greffiers à la demande de la juridiction. De plus, les emplois de greffiers rédacteurs en matière de nationalité pourraient être rendus plus attractifs dans le cadre de la réforme statutaire précitée.
Voilà, monsieur le sénateur, la réponse que par ma voix Mme la garde des sceaux entend apporter à votre question précise – comme d’habitude – et pertinente.
À ce stade, je ne peux apporter d’autres informations que celles qui m’ont été transmises par Mme la garde des sceaux, qui s’excuse de ne pouvoir être présente parmi vous ce matin.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je comprends bien la situation de M. le secrétaire d’État, mais nous ne sommes pas dans les bons ordres de grandeur : la moitié des effectifs nécessaires manque et l’on propose de créer deux postes de greffier, alors qu’il en faudrait au moins une dizaine. Cette politique ne suffira pas à traiter le stock et le flux des demandes de nationalité.
Parfois, j’en viens à me demander si cela n’est pas volontaire afin de décourager les gens de demander un certificat de nationalité française… Mais je n’ose émettre une telle idée… Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un problème dont nous n’avons pas fini de parler.
encadrement des loyers dans les communes des hauts-de-seine
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 886, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a introduit un dispositif d’encadrement des loyers, en complément du décret pris en application de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.
Le mécanisme créé par l’article 6 de la loi ALUR devant réguler directement le niveau des loyers est censé s’appuyer sur les données collectées par le réseau des observatoires locaux des loyers sur les territoires concernés par des tensions locatives particulièrement fortes.
Lors du débat au Parlement, il avait été indiqué que ce nouveau mécanisme d’encadrement des loyers pourrait être effectif dans l’agglomération parisienne dès la fin de l’année 2014.
Pourtant, le Gouvernement a annoncé, à la fin du mois d’août, et confirmé depuis, que ce nouveau dispositif d’encadrement des loyers serait limité à Paris.
Or, dans les Hauts-de-Seine, la politique de logement est marquée par de fortes ségrégations sociales : 75 000 demandes de logements sociaux y sont en souffrance et la part du logement locatif social varie de 4 % à 66 % selon les communes.
Ainsi, quinze ans après le vote de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, quatorze communes, toutes dirigées par la droite, ne la respectent toujours pas, vingt-deux si l’on compte les communes dont le parc locatif social est inférieur à 25 %.
Cette politique se caractérise donc par un très fort déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, entraînant de sérieuses difficultés d’accès au logement et favorisant le mal-logement.
La politique mise en œuvre par le conseil général ne vient rien arranger ! Le budget 2015 indique que les crédits mobilisés le seront seulement pour aider les communes à rattraper leurs obligations légales, dans un « souci de mixité ».
L’argument est osé et signifie de facto que les communes qui ont toujours assumé leurs responsabilités en matière de construction de logements sociaux seront pénalisées. Comment ne pas citer Gennevilliers, qui comptait 62 % de logements sociaux en 2012, Bagneux, qui en comptait 58 %, ou Nanterre et Malakoff, qui en comptaient respectivement 57 % et 39 %. Or le bilan des constructions de logements sociaux dans le département n’est pas bon. Les chiffres sont en baisse.
De plus, les logements financés ne correspondent pas aux besoins des populations : en 2013, un logement sur deux construit dans les vingt-deux communes ne respectant pas la loi SRU était un logement en prêt locatif social, ou PLS. Et si l’on prend en compte la totalité des logements sociaux agréés en 2013, 40 % étaient en PLS, 35% en prêts locatifs à usage social, ou PLUS, et seulement 25% en prêts locatifs aidés d’intégration, dits PLAI...
Du coup, les loyers médians dans les Hauts-de Seine, hors charges, oscillent entre quinze et vingt-quatre euros le mètre carré, ce qui exclut nombre d’habitants et condamne toute mixité sociale.
Parallèlement à l’exigence d’un rehaussement des aides à la pierre pour relancer la construction que nous défendons avec mon groupe, ce dispositif d’encadrement des loyers a toute sa légitimité dans notre département. Il doit être appliqué en urgence afin de permettre à tous d’accéder à un logement et de s’y maintenir dans des conditions acceptables.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler l’importance du logement dans le budget des ménages. C’est dire l’importance qu’il y a, pour notre gouvernement, à agir pour la réduction de ces coûts, mais aussi pour relancer la construction.
Je voudrais rappeler, vous l’avez d’ailleurs souligné, que lors de notre arrivée aux responsabilités le Gouvernement a souhaité prendre des mesures pour encadrer les loyers à la relocation, c’est-à-dire au moment du changement de locataire, dans les zones tendues.
Depuis le 1er août 2012, un décret annuel est pris par le Gouvernement pour encadrer l’évolution des loyers au moment de la relocation ou du renouvellement du bail. Pour ma part, j’ai signé le 30 juillet 2014 le décret annuel encadrant les loyers à la relocation.
Comme vous le savez, et comme le Premier ministre a eu l’occasion de le rappeler le 29 août dernier, les conditions techniques prévues par la loi ALUR pour encadrer les loyers ne sont pas remplies dans toutes les zones tendues. Elles ne seront remplies en 2014 qu’à Paris. Il faudra du temps pour tirer les leçons de cette expérimentation et envisager l’extension du dispositif aux autres départements de l’agglomération parisienne. Pour les communes de la petite couronne qui désireraient appliquer l’encadrement des loyers, cela ne devrait être possible, au mieux, qu’en 2015.
Je rappelle en effet que la mise en œuvre de l’encadrement des loyers comporte d’importantes difficultés techniques. Elle doit reposer sur une observation fine du marché, selon une méthodologie validée par un comité scientifique indépendant.
À cet égard, je prendrai dans les prochains jours le décret instituant le comité scientifique et définissant les modalités de mise en œuvre des agréments des observatoires. Il s’agit en effet de garantir une qualité statistique irréprochable. Or le recueil des données reste toujours difficile sur le plan technique, même si je salue l’effort de l’ensemble des acteurs pour participer à ce recueil.
L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, l’OLAP, travaille actuellement à consolider les données de son aire géographique. Le recueil de ces données a représenté et représente encore un travail extrêmement important et difficile. Ce travail est d’autant plus difficile pour les départements de l’agglomération parisienne tels que les Hauts-de-Seine en raison du plus faible historique des données et de la plus faible densité de logements qui les caractérisent, contrairement à Paris.
Face aux difficultés rencontrées par les Français pour se loger, le Gouvernement a annoncé, en juin et en août derniers, plusieurs mesures pour relancer toute la « palette » de la construction, de l’accession à la propriété jusqu’au logement social.
À cet égard, je voudrais rappeler, puisque vous avez évoqué la loi SRU, que nous devons établir cette année les bilans triennaux d’application de cette loi. J’ai demandé aux préfets des départements d’appliquer avec fermeté les pénalités prévues par loi, comme j’ai aussi rappelé la possibilité, pour les préfets, de délivrer les permis de construire dans les zones carencées.
Je vous assure de la mobilisation du Gouvernement pour mettre en œuvre à la fois les mesures du plan de relance et appliquer avec vigilance la loi SRU, laquelle est aussi un facteur d’équilibre et de relance de la construction dans les zones tendues.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre !
Je veux vraiment insister sur l’urgence qu’il y a à agir. Pour prendre l’exemple de mon département, qui n’est pas épargné par le chômage et la précarité, les Hauts-de-Seine deviennent une terre de ségrégation où il est quasi impossible de se loger si l’on dispose d’un revenu modeste ; je pense notamment aux femmes.
Sur la nécessité d’agir pour faire baisser les loyers, j’entends ce que vous avancez. Cette action doit porter à la fois sur le parc public et le parc privé, et concerner les logements à construire comme ceux qui existent.
L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, dont vous avez fait mention, madame la ministre, a notamment mis en avant l’augmentation de 1,8 % en moyenne pour l’année 2013 et de 2,6 % en 2011 des loyers d’habitation en parc locatif privé. Tous ces phénomènes, naturellement, se cumulent et engendrent une véritable pénurie concernant l’accès au logement.
Les demandes de logement social explosent, y compris dans les villes qui ont déjà fait beaucoup en la matière. Comme je le disais à l’instant, Gennevilliers, par exemple, compte 62 % de logements sociaux. Or, dans cette seule commune, 3 000 demandes de logement social sont en attente.
L’encadrement des loyers est donc une urgence. Toutefois, même si nous y parvenions – je l’espère en tout cas sincèrement –, cette mesure, nécessaire, ne serait pas suffisante. D’ailleurs, lors du débat sur la loi ALUR, le groupe CRC avait fait un très grand nombre de propositions, portant notamment sur la définition du loyer médian de référence. Nous avions également défendu le principe d’un gel des loyers pendant trois ans, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
Je ne rappellerai pas tous les chiffres, sur lesquels la Fondation Abbé Pierre a communiqué ce matin dans la presse pour souligner l’urgence de la situation. J’insiste seulement sur la nature des logements construits : certains sont qualifiés de logements sociaux sans être pourtant de véritables logements « prêts locatifs aidés d’intégration », ou logements PLAI ; ils ne permettent donc pas l’accès au logement des plus défavorisés.
Nous avons donc besoin d’une mobilisation très forte, très soutenue, et de conjuguer nos efforts.
enfants et familles sans logement en île-de-france
M. le président. Avant de donner la parole à M. Pierre Laurent, je tiens à lui dire, comme je l’ai fait en début de séance, la peine que j’ai ressentie à l’annonce du décès de Guy Fischer. C’était une personnalité qui symbolisait bien les valeurs républicaines. Voilà quelques années, nous avons été en même temps vice-présidents de la Haute Assemblée. J’avais pour lui la plus grande estime. Cet après-midi, M. le président du Sénat lui rendra hommage mieux que moi-même.
La parole est à M. Pierre Laurent, auteur de la question n° 882, adressée à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, je vous remercie pour ces mots d’hommage à Guy Fischer, qui était, c’est vrai, un homme plein d’humanité et un sénateur digne de la République.
Madame la ministre, je me permets d’appeler votre attention sur la situation de l’hébergement d’urgence des familles en général et sur les résultats de l’enquête sur les enfants et familles sans logement en Île-de-France, menée par l’Observatoire du SAMU social de Paris, en particulier.
Cette étude relève que la situation des familles logées à l’hôtel est catastrophique. L’enquête démontre que, si l’hébergement à l’hôtel, comme solution transitoire, peut avoir un sens pour compenser la saturation des dispositifs d’accueil de migrants et l’insuffisance de structures adaptées dans le dispositif d’urgence et de réinsertion, il est totalement inadapté sur le long terme.
Or de très nombreuses familles orientées vers de tels hébergements s’y installent trop souvent pour de longues périodes, voire pour de longues années.
Pour les familles hébergées à l’hôtel depuis plus de cinq ans – c’est le cas de 545 familles hébergées aujourd’hui par le SAMU social de Paris –, il est tout à fait urgent de trouver des solutions offrant des conditions de vie dignes et compatibles avec l’épanouissement des enfants. Naturellement, il convient aussi de trouver des solutions plus globales pour l’ensemble des familles concernées.
Plus de 28 000 personnes vivant en famille, dont la moitié avec des enfants, sont aujourd’hui hébergées au long cours à l’hôtel en Île-de-France, via le seul SAMU social de Paris.
En pratique, la quasi-totalité des familles sans domicile sont hébergées à l’hôtel, une solution inadaptée et nocive. C’est aussi très problématique pour les crédits de l’État, lesquels, vous le savez, subventionnent sans contrepartie et de manière très onéreuse le secteur privé de l’hôtellerie. En effet, 15 % de l’offre totale hôtelière francilienne, toutes catégories d’étoiles confondues, est utilisée par l’État pour héberger les familles, ce qui représente un montant de dépenses publiques hôtelières supérieur à l’aide à la pierre en Île-de-France.
De plus, cette situation, contraire à l’intérêt général, est en train de gagner du terrain, du fait de l’absence de solution pérenne ; l’hébergement hôtelier des familles se développe en effet dans l’ensemble de la France, y compris dans des zones non tendues.
Les auteurs de l’enquête proposent donc à l’État un plan d’actions concret, en vue de remédier à cette situation catastrophique pour les personnes concernées et coûteuse pour les finances publiques. Je pense notamment au développement des alternatives à l’hôtel, à la création d’une hôtellerie sociale professionnelle, à des solutions pouvant fédérer les associations et les collectivités territoriales, à l’humanisation des hôtels, à la moralisation du secteur hôtelier et à l’accélération des sorties d’hôtel en particulier pour les cas les plus urgents, comme les 545 familles que j’ai évoquées et qui sont hébergées depuis plus de cinq ans sous la responsabilité du SAMU social.
Quelles suites comptez-vous donner à ces propositions, madame la ministre, et quel dialogue comptez-vous engager avec les auteurs de l’enquête, afin d’élaborer des solutions concrètes et rapides pour ces situations d’urgence ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, vous m’interrogez sur la politique d’hébergement d’urgence des personnes sans logement en France et plus particulièrement sur l’hébergement des familles, de plus en plus nombreuses, notamment en Île-de-France.
L’enquête que vous citez, publiée le mois dernier, met malheureusement en lumière des constats édifiants : la moitié des appels au 115 de Paris vient de familles, et le nombre des nuitées hôtelières a connu une augmentation considérable, de plus de 78 % en Île-de-France en 2013.
Cette situation n’est pas acceptable. Je vous rejoins dans votre affirmation selon laquelle l’hôtel n’est pas une solution satisfaisante pour les personnes démunies. Sur le plan social, vous l’avez rappelé, les conditions de prise en charge sont mauvaises et inadaptées, notamment pour les familles avec enfants. L’absence d’accompagnement social, d’accès aux droits et aux soins, les problèmes de déscolarisation et de malnutrition sont parmi les conséquences les plus néfastes de l’hébergement hôtelier.
Pour répondre aux fortes pressions exercées en raison de l’accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des enfants en bas âge et de l’augmentation des flux migratoires, le dispositif d’hébergement d’urgence sera doté l’année prochaine de 389 millions d’euros, soit une hausse de près de 21 % par rapport à 2014. La hausse de ces crédits doit nous permettre de travailler pour mettre fin à la gestion saisonnière du dispositif d’hébergement d’urgence.
Ainsi, le groupe de travail de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, la DIHAL, sur la fin de la gestion saisonnière se poursuit. Il permet de recenser et de faire le bilan de la mise en œuvre de cet objectif dans les territoires.
Pour ce qui est des territoires connaissant de faibles tensions sur l’hébergement, j’ai demandé la mise en place d’une expérimentation sur trois d’entre eux, afin de les accompagner dans la mise en œuvre des orientations prioritaires, avec un objectif : la fin du recours aux nuitées hôtelières.
Pour ce qui est des régions tendues, où la diminution du recours aux nuitées hôtelières reste difficile à mettre en place, car la situation administrative complexe des familles vient souvent s’ajouter à la demande très forte d’hébergement, des propositions seront faites, à ma demande, par le préfet de la région Île-de-France. Elles doivent déboucher prochainement sur un plan d’actions de résorption des nuitées hôtelières associant le SAMU social, les collectivités territoriales et les associations concernées.
Ce plan apportera tout d’abord le nécessaire accompagnement social afin d’améliorer la vie quotidienne des familles et des personnes hébergées à l’hôtel. Une action d’accompagnement social, qui fait suite à un appel à projets lancé par mon ministère l’année dernière et qui est portée par la Croix-Rouge française, est en cours et doit permettre à terme de suivre 3 000 familles hébergées à l’hôtel.
Ce plan proposera aussi de développer des alternatives au seul hébergement hôtelier en soutenant les mesures qui ont déjà été expérimentées et en les élargissant à d’autres acteurs quand cela est possible. Je pense par exemple au développement de l’intermédiation locative Solibail. Cette solution permet aujourd’hui d’accueillir plus de 3 000 familles dans des logements du parc privé, en toute sécurité pour les propriétaires bailleurs. Je pense aussi à la poursuite du rachat de certains hôtels sociaux, à la mobilisation d’appartements partagés ou des capacités des résidences sociales. Je pense, enfin, à l’encadrement du dispositif de réorientation dans le parc social des personnes hébergées sur des longues durées en introduisant des règles de priorité aux familles.
Au-delà de la nécessaire gestion de l’urgence, l’action du Gouvernement vise à permettre un accès plus rapide des personnes aux faibles ressources à un logement durable par une offre de logements sociaux abordables. Le nouveau prêt locatif aidé d’intégration, le « PLAI HLM », dont j’ai annoncé la création lors du congrès du mouvement HLM en septembre, permettra la construction de 15 000 logements sociaux à très bas loyers. Ce sont aussi 10 000 logements accompagnés qui seront construits sur les trois prochaines années.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, en ce qui concerne la lutte contre la précarité, le Gouvernement fait preuve de réalisme et d’inventivité pour agir vite, mais aussi pour trouver des solutions alternatives plus efficaces.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Au début de votre réponse, vous avez évoqué, madame la ministre, la situation du 115. C’est un vrai sujet de préoccupation ; il faut veiller à soutenir ce dispositif et les salariés qui répondent aux familles en proie à beaucoup de difficultés, en renforçant notamment les moyens dont ils disposent.
Vous dites prendre en compte l’importance de la situation dont je faisais état dans ma question. La situation sociale des familles concernées est en effet dramatique. L’enquête témoigne des difficultés de ces familles, dont 80 % vivent sous le seuil de pauvreté. En leur sein, un enfant sur dix de plus de six ans est non scolarisé. On pourrait citer d’autres indicateurs inquiétants. L’hébergement à l’hôtel est, pour toutes ces personnes, tout à fait insécurisant ; il ne leur permet pas d’envisager une solution pour leur situation.
Il y a urgence, madame la ministre. Vous annoncez un certain nombre de mesures, notamment le dispositif Solibail. J’en prends bonne note, mais les parlementaires que nous sommes veilleront, avec les associations, à ce que les moyens concrets suivent bien et permettent leur mise en œuvre. Malheureusement, en effet, la réduction globale des budgets nous laisse craindre le pire. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.)
Je note, par ailleurs, que les chiffres indiqués dans votre réponse sont encore loin des besoins apparaissant dans l’enquête. Il est donc absolument nécessaire d’accélérer !
J’espère, enfin, que toutes ces mesures seront prises en étroite concertation avec le monde associatif et les collectivités territoriales.
M. Pierre Laurent. Sans leur implication et leur contrôle, en effet, rien de positif ne pourra être mis en œuvre.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Décès de Guy Fischer, ancien sénateur
M. le président. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai le profond regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, le président Guy Fischer (Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.), qui fut sénateur du Rhône de 1995 à 2014, vice-président du Sénat de 2001 à 2011 et vice-président de la commission des affaires sociales.
Particulièrement apprécié, tant pour ses qualités humaines que pour son travail inlassable et son implication forte au Sénat, défenseur militant des valeurs républicaines et des idéaux qui étaient les siens, Guy Fischer a marqué de son empreinte notre assemblée par ses nombreuses interventions et par ses travaux concernant notamment la protection sociale, les anciens combattants et la recherche d’une plus grande solidarité, qui était au cœur de son engagement et de son combat quotidien.
Il fut – je peux en attester – un grand vice-président du Sénat, veillant de façon impartiale à la qualité de nos débats, toujours attentif à ce que chacun puisse s’exprimer avec sérénité et calme.
Sa présidence ouverte et déterminée de la délégation du bureau chargée de la politique événementielle et des relations avec la société civile, que j’avais créée en 2008, a largement contribué au rayonnement de notre assemblée. Je garde le souvenir de nos rencontres, de nos préparations et de nos arbitrages concernant ces événements. C’était toujours un moment très fort et humainement très enrichissant.
Au-delà de nos choix politiques, j’ai personnellement tissé avec Guy Fischer des liens d’amitié forts – comme beaucoup d’entre vous sur ces travées. Je serai vendredi prochain à Vénissieux, aux côtés de sa famille, pour lui rendre un dernier hommage au nom du Sénat et de tous ses collègues.
C’est un moment de tristesse pour notre assemblée, c’est un moment d’émotion partagée. Ceux qui ne l’ont pas connu, parce qu'ils viennent d’arriver parmi nous, auraient rencontré un homme rayonnant et chaleureux.
Au nom du Sénat, je tiens à saluer sa mémoire, et j’adresse à ses proches comme aux membres du groupe communiste, républicain et citoyen, dont il était une personnalité éminente et particulièrement active, nos pensées les plus attristées. Pensons à Guy Fischer comme s'il était là, parmi nous. (Mme la secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs observent un moment de recueillement.)
7
Prestation de serment de juges à la Cour de justice de la République
M. le président. Mmes Josette Durrieu et Bariza Khiari, élues juges titulaires à la Cour de justice de la République le 29 octobre dernier, vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment. Je prie Mmes Josette Durrieu et Bariza Khiari de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
(Successivement, Mmes Josette Durrieu et Bariza Khiari, juges titulaires, se lèvent et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.
Mes chères collègues, je vous adresse mes félicitations.
8
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 4 novembre 2014, le Gouvernement a demandé de compléter l’ordre du jour de la séance du mercredi 5 novembre 2014 par la suite de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.
Par ailleurs, par lettre en date du 3 novembre 2014, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour de la séance du jeudi 6 novembre 2014 du projet de loi autorisant la ratification de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part.
Acte est donné de ces demandes.
En outre, par lettre en date du 31 octobre 2014, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, inscrit à l’ordre du jour de la séance du jeudi 6 novembre 2014, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 5 novembre, à dix-sept heures.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour des mercredi 5 et jeudi 6 novembre 2014 s’établit comme suit :
Mercredi 5 novembre
À quatorze heures trente et le soir :
- Projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ;
- Suite du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.
Jeudi 6 novembre
À neuf heures trente :
- Cinq conventions internationales en forme simplifiée ;
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord France-Chine en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu ;
- projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
- Questions cribles thématiques sur le logement étudiant.
À seize heures :
- Suite de l’ordre du jour du matin.
9
Renvoi pour avis unique
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 78, 2014-2015), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
10
Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Cambodge
M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Chea Cheth, président de la commission des finances. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville se lèvent.)
Je salue également les quatre présidents et vice-présidents de commission qui composent cette éminente délégation. Elle vient, durant trois jours, dans le cadre du programme annuel de coopération conclu entre nos deux assemblées, étudier l’ancrage local des sénateurs et leur rôle dans les collectivités territoriales. Il s'agit là d’un sujet singulièrement d’actualité !
Cette délégation est accueillie par notre collègue Vincent Éblé, au nom du groupe d’amitié France-Cambodge.
Nous formons tous le vœu que cette visite soit profitable à l’ensemble de la délégation et nous souhaitons à cette dernière la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
(Mme Françoise Cartron remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
11
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Lors du scrutin n° 13 du 30 octobre 2014 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, notre collègue Jean-Jacques Lasserre a été inscrit comme s'abstenant, alors qu’il souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
12
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 du règlement du Sénat.
Le Sénat est à la pointe de l’actualité puisque sa commission des finances a publié aujourd'hui même un rapport intitulé La sûreté nucléaire de demain : un enjeu financier et démocratique.
Après les diverses affaires de drones survolant nos centrales que nous avons connues ce week-end, il serait extrêmement intéressant d’organiser le plus rapidement possible un débat sur l’excellent travail de notre collègue Michel Berson. La conférence des présidents pourrait inscrire un tel débat à l'ordre du jour.
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue. Votre groupe pourra en faire la demande en conférence des présidents.
13
Lutte contre le terrorisme
Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (texte de la commission n° 38, rapport n° 37).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Richard, corapporteur.
M. Alain Richard, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi a fait l’objet d’un compromis unanime en commission mixte paritaire. Cet assentiment général montre une belle convergence autour de ce texte de vigilance républicaine.
En matière de police administrative et de mesures de prévention, sujets dont je me suis plus particulièrement occupé – nous nous sommes en effet partagé le travail avec mon corapporteur, Jean-Jacques Hyest –, la commission mixte paritaire a confirmé l’instauration de la procédure d’interdiction de sortie du territoire, qui est complétée par une interdiction de transport imposée aux transporteurs. La commission mixte paritaire a également approuvé l’interdiction administrative du territoire, destinée à éloigner ou à maintenir éloignées des personnes contre lesquelles on dispose d’éléments indiquant leur participation à des activités terroristes. Je rappelle que les deux assemblées se sont mises d’accord pour que ces mesures – comme toute mesure de police, y compris celles d’une grande gravité – puissent faire l’objet d’un recours très encadré. Il appartiendra au juge administratif de statuer sur ces questions.
Par ailleurs, nous avons modifié la procédure de saisie des avoirs financiers : lorsque cette saisie est prononcée pour des motifs de lutte antiterroriste, le ministre de l'intérieur y sera associé.
Nous avons adopté d’un commun accord l’article 9, qui porte sur la procédure administrative de suppression des contenus terroristes sur internet. Cela a été, on le sait, l’un des sujets les plus difficiles et les plus discutés. De notre point de vue, l’Assemblée nationale avait réalisé une avancée importante puisque, tout en conservant une procédure administrative – ce que presque tous souhaitaient pour des raisons de célérité et d’efficacité –, elle avait introduit le principe d’une participation d’un représentant de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, chargé d’apprécier les motifs d’une suppression de contenu.
C'est à l’issue d’un dialogue que nous sommes finalement convenus qu’il était préférable de confier à un membre de la CNIL, plutôt qu’à une personnalité choisie par elle, cette intervention auprès de l’administration. Toutefois, comme l’entrée en vigueur de la disposition posait problème, nous nous sommes entendus pour décider que le membre de la CNIL affecté à cette mission l’exercerait pour la durée de son mandat au sein de cet organisme. C'est ainsi que nous sommes parvenus à un complet accord sur cette disposition.
Nos versions différaient pour ce qui concerne l’article 15 relatif à la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité. Le Gouvernement, constatant ce désaccord entre les deux assemblées et appréciant la difficulté d’appliquer l’une ou l’autre version, nous a recommandé, et nous l’avons suivi d’un commun accord, de ne pas maintenir cet article. Ainsi, le dispositif actuel, issu de la loi du 10 juillet 1991, sur la durée de conservation de ces enregistrements demeure en vigueur.
En réponse aux nombreuses préoccupations de mise à jour juridique du Gouvernement, les deux assemblées ont apporté la preuve de leur bon vouloir. Nous sommes ainsi convenus de ratifier explicitement le code de la sécurité intérieure, qui était en attente d’une telle ratification, ce qui a imposé un travail assez long, que je qualifierais familièrement de « peignage », visant à tirer les conséquences de cette décision. Cette tâche, qui a mobilisé nos collaborateurs dans les deux assemblées, a permis de trouver une rédaction commune pour cet ensemble de ratifications et de modifications.
Je dois dire que le climat dans lequel nous avons travaillé au sein de la commission mixte paritaire a été extrêmement constructif. Nous avions tous conscience de la responsabilité devant laquelle nous plaçait ce texte et des raisons pour lesquelles il avait été déposé.
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont accepté que la rédaction finale tienne très largement compte du texte issu du Sénat, ce qui s’explique par le fait que nous avions eu, pour travailler et affiner le projet de loi, un délai un peu plus long que celui dont ils avaient eux-mêmes disposé. Cela nous a permis de trouver, sans grande difficulté, après un travail un peu plus approfondi entre les rapporteurs, comme c’est l’usage, une rédaction commune pour l’ensemble du projet de loi, comportant néanmoins une toute petite faille, rectifiée par le Gouvernement. En effet, au moment de la mise au point du dossier, une petite erreur s’est glissée s’agissant du renvoi à un texte.
Je souhaite terminer cette présentation, à la fois brève et positive, en soulignant l’authenticité d’écoute dont a fait preuve Bernard Cazeneuve, qui a été un l’interlocuteur attentif, soucieux de convaincre et capable d’évoluer. Au moment où il doit faire face, avec une grande force de caractère, à des responsabilités de plus en plus lourdes, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour lui témoigner notre amitié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous l’a indiqué mon éminent homologue, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
Il restait finalement peu de désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur la partie du texte concernant la répression pénale des actes de terrorisme, dont j’avais plus particulièrement la charge. Les deux assemblées avaient ainsi déjà adopté dans les mêmes termes l’article 3, qui inclut les infractions relatives aux produits explosifs dans la liste des infractions pouvant recevoir la qualification terroriste dès lors qu’elles sont accomplies avec cette intention.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a approuvé la création par l’article 5 d’un nouveau délit d’entreprise individuelle de préparation d’un acte terroriste, en retenant la rédaction issue du Sénat, à l’exception de la notion de préparation logistique de l’acte terroriste, qui semblait, à l’issue de nombreux débats, trop imprécise et n’était finalement pas nécessaire pour couvrir l’ensemble des cas de figure rencontrés par les juges antiterroristes. Les enquêteurs et la justice disposeront ainsi désormais d’un fondement juridique efficace pour appréhender le phénomène d’autoradicalisation, qui caractérise de plus en plus souvent les auteurs d’actes terroristes, tout en évitant, grâce à l’exigence d’une sorte de « faisceau d’indices », la pénalisation de la seule intention criminelle, ce qui n’aurait pas été compatible avec les principes de notre droit pénal.
Concernant les délits d’apologie et de provocation au terrorisme, qui font l’objet de l’article 4, la commission mixte paritaire a préféré revenir, pour l’essentiel, au texte initial du Gouvernement, en faisant sortir de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse l’ensemble des actes d’apologie et de provocation. L’idée émise par notre commission des lois, suivie par le Sénat, qui était de n’incriminer que les faits commis sur internet en tant qu’ils comportaient une dangerosité supplémentaire du fait des spécificités de ce média, n’a donc pas été retenue par la commission mixte paritaire. Il faudra pourtant revenir sur le sujet, tant les caractéristiques du web rendent nécessaire un traitement nouveau du point de vue de la procédure pénale. D’ailleurs, la rédaction retenue érige tout de même la commission des faits par le moyen d’internet en circonstance aggravante du nouveau délit, ce qui montre, d’une certaine façon, le bien-fondé du raisonnement qui avait été celui de notre commission.
S’agissant des dispositions figurant aux articles 7 et 7 bis et relatives à la centralisation auprès de la juridiction parisienne du traitement judiciaire des actes terroristes, notamment ceux commis en détention par des personnes déjà condamnées pour ce type d’infractions, c’est la rédaction plus claire et précise de notre assemblée qui a été pour l’essentiel retenue. Ce parachèvement de la centralisation auprès du tribunal de grande instance, de la Cour d’appel et des juges d’instruction de Paris est d’ailleurs un aspect important du texte, tant cette compétence concurrente nationale de la juridiction parisienne est une pièce essentielle de notre dispositif antiterroriste.
Enfin, comme l’a rappelé Alain Richard, mais je ne peux résister au plaisir de le redire, concernant la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité, la commission mixte paritaire, à défaut de trouver une rédaction pleinement satisfaisante pour concilier l’efficacité du contrôle de la CNCIS, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, avec la demande récurrente du ministère de l’intérieur concernant les délais de ce contrôle, a décidé la suppression pure et simple de l’article 15, ce qui ne peut que réjouir ceux qui avaient milité en faveur d’une telle suppression.
Telles sont, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire, complétées par un amendement de coordination déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale.
Ce texte, compte tenu de l’évolution du terrorisme est, selon moi, extrêmement utile. Il doit donner à la fois à nos services de renseignement, à nos forces de sécurité et à la justice les moyens de combattre les nouvelles formes de terrorisme. Que n’ai-je point entendu ou lu, dans certaines gazettes, sur le respect des libertés publiques ! Je rappelle que l’ensemble du texte est, à nos yeux, parfaitement conforme à l’État de droit. Les procédures administratives ne sont pas interdites, dans la mesure où elles sont contrôlées par le juge, administratif ou judiciaire. Quelques-uns sont la proie d’une certaine confusion, ce qui ne nous étonne pas complètement.
Au demeurant, je me réjouis que ce texte ait fait l’objet d’un consensus. Au moment du renouvellement du Sénat, la désignation de deux rapporteurs a sans doute permis d’avancer plus vite, en nous fondant sur un travail commun. Je me félicite des avancées que nous avons pu réaliser avec Alain Richard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve.
Nous assistons, avec la guerre civile en Syrie, puis en Irak, à une mutation rapide du terrorisme. Encore récemment, le terrorisme était « réservé » à une poignée d’individus faisant le choix de la clandestinité, au sein de groupes structurés, difficiles d’accès. Il est désormais en « libre accès ». Tout un chacun peut, sans quitter son domicile, consulter des sites faisant l’apologie du meurtre de masse, du martyre et de l’attentat suicide, s’autoradicaliser, puis se décider pour un aller simple vers les terres du djihad, le cas échéant en famille. Tout un chacun peut, avec une facilité déconcertante, acquérir un savoir-faire minimal pour commettre un attentat terroriste de « proximité ».
La mutation consiste, pour ces organisations criminelles, à tirer parti des nouvelles technologies de l’information, pour inoculer massivement le virus du terrorisme dans les esprits et pour tromper certains de nos concitoyens, le plus souvent les plus jeunes et les plus faibles, à qui on laisse croire qu’ils sont devenus les ennemis de leur propre pays.
Le nombre des jeunes Français radicalisés combattant sur le théâtre d’opérations syrien n’a cessé de croître. Une réponse ferme et adaptée était donc nécessaire pour éviter à de jeunes Français de succomber à la tentation du martyre et à la fascination du meurtre.
Notre devoir collectif est de tout faire pour contenir la menace potentielle que représente le retour en France de combattants formés en Syrie au maniement des armes et des explosifs, ayant souvent commis les pires atrocités criminelles, endoctrinés par des discours de haine envers l’Occident et souvent déshumanisés par l’expérience quotidienne de la violence. Certains, nous le constatons déjà, fuient de leur propre initiative la Syrie, cherchant sans doute à oublier cette terrible épreuve. Mais nous ne pouvons courir le risque d’en laisser d’autres tenter de reproduire sur le sol français, au nom du djihad, la violence barbare qu’ils auront connue en Syrie ou en Irak.
Comme vous le savez, face à de telles menaces et afin de garantir la sécurité de nos concitoyens, le Gouvernement a réagi sans tarder, avec fermeté et vigilance.
Depuis avril dernier, le Gouvernement a créé le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, qui est chargé de la prise en compte et de l’orientation des signalements des candidats au départ, auxquels une prise en charge est proposée. Ces signalements lui parviennent soit directement par la plate-forme téléphonique et internet dédiée, soit par le réseau des états-majors de sécurité, animés localement par les préfets et les procureurs de la République. Entre fin avril et fin octobre, près de 600 personnes ont fait l’objet d’un signalement, dont 25 % de mineurs.
S’agissant en particulier des mineurs, la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur ont, dès le 5 mai 2014, donné des instructions aux préfets et aux procureurs, afin d’organiser dès leur détection leur suivi, incluant notamment une mesure d’opposition à sortie du territoire.
Parallèlement à ces mesures, un département de lutte contre la radicalisation a été créé au sein de l’UCLAT, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, afin d’améliorer la transmission et l’exploitation du renseignement entre les administrations concernées. Le bureau du renseignement de la direction de l’administration pénitentiaire, notamment, est désormais représenté au sein de l’UCLAT.
Dans la continuité du plan adopté dès avril dernier, le Gouvernement a jugé indispensable de renforcer notre législation pour entraver l’action et la propagande des filières djihadistes et contrarier les projets de ceux qui sont tentés de les rejoindre.
Un débat riche et digne, qui s’est tenu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le 15 juillet dernier et dans celui du Sénat le 15 octobre, nous a permis d’aboutir au texte efficace qui vous est aujourd’hui soumis, mesdames, messieurs les sénateurs. Je tiens donc, au nom du ministre de l’intérieur, à remercier vivement les rapporteurs du texte, Jean-Jacques Hyest et Alain Richard, comme l’ensemble des parlementaires qui ont contribué à l’améliorer.
Quand il s’agit de la protection de la France et des Français, le consensus républicain est une nécessité ; le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme transcende les clivages partisans, ce dont nous nous réjouissons tous. Ce consensus donne encore davantage de force à ce projet de loi.
L’objectif du Gouvernement était de retenir la version la plus ambitieuse possible du texte, incluant plusieurs mesures votées à l’Assemblée nationale et un certain nombre de dispositions intégrées par le Sénat. C’est ce à quoi nous sommes parvenus, avec l’adoption du projet de loi par la commission mixte paritaire, qui permet de garantir, dans le respect de nos échanges au sein du Parlement, l’effectivité des mesures et la sécurité juridique des dispositifs.
Je rappelle que la loi repose sur quatre innovations majeures, qui toutes respectent l’État de droit et demeurent soumises à un contrôle étroit du juge.
Première innovation : l’interdiction de sortie du territoire, prévue à l’article 1er du projet de loi, permettra tout d’abord aux autorités de s’opposer au départ de nos ressortissants hors de France dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de croire que leur déplacement a une finalité terroriste ou que leur retour porterait atteinte à la sécurité publique.
Rigoureusement encadrée dans ses motifs et dans sa durée, dont le maximum est fixé à deux ans, pouvant faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, qui pourra agir en référé, cette mesure sera rendue pleinement effective, sans même attendre la mise en œuvre du PNR – passenger name record –, grâce au retrait de la carte nationale d’identité et à l’invalidation immédiate des documents d’identité, contre récépissé. Des précautions supplémentaires ont été prises pour éviter que ce dernier ne présente un caractère stigmatisant pour l’individu concerné. Je veux remercier sur cette question le Parlement de sa contribution précieuse.
Pour compléter ce dispositif nouveau, l’interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire national pour les étrangers ne résidant pas en France, à l’article 1er bis, a été adoptée à la suite d’échanges denses à l’Assemblée nationale et sur la base d’un amendement déposé par le Gouvernement au Sénat.
Deuxième innovation : la création, prévue à l’article 5, du délit d’entreprise individuelle terroriste permettra d’adapter notre législation aux spécificités du terrorisme contemporain sans pour autant mettre en cause le principe de légalité des délits et des peines. Ce délit nouveau est en effet nécessaire pour pouvoir appréhender, avant le passage à l’acte, un individu isolé résolu à commettre une opération terroriste, dès sa détection. En revanche, l’élément matériel relatif à l’acquisition de moyens logistiques de la définition de l’entreprise individuelle terroriste a été supprimé, tandis que la possibilité pour les enquêteurs et magistrats de saisir directement le centre technique d’assistance à des fins de décryptage a été finalement maintenue.
Troisième innovation : pour entraver la diffusion de messages de haine et de propagande terroriste sur internet, l’article 9 rendra possible le blocage administratif des sites, complétant ainsi les dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. L’autorité administrative pourra désormais demander aux éditeurs et aux hébergeurs de site, lorsqu’ils sont identifiés, de procéder au retrait des contenus qui appellent au terrorisme ou en font l’apologie, ou bien, à défaut, aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès aux sites, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques.
En vertu du principe de subsidiarité introduit par les députés, ce blocage, ciblé et limité au strict nécessaire, s’effectuera, comme l’a indiqué Alain Richard, sous le contrôle d’une personnalité qualifiée désignée par la CNIL et sera soumis à la juridiction administrative. La personnalité qualifiée aura en effet une faculté de contester le blocage a posteriori devant le juge administratif.
Par ailleurs, la possibilité pour l’administration, votée par le Sénat, de demander aux moteurs de recherche le déréférencement des sites illicites complétera utilement la palette d’outils de lutte contre l’apologie des crimes terroristes sur internet. Le dispositif n’en sera que plus efficace.
Sur cette question, le Gouvernement a tout mis en œuvre pour parer le risque de surblocage et garantir un maximum d’effectivité de la mesure. Ce dispositif a été largement revu dès l’examen du projet de loi en commission des lois à l’Assemblée nationale, ce qui a permis le développement d’un débat fécond sur cette question.
Enfin, quatrième innovation : l’apologie et la provocation au terrorisme, comme l’a indiqué Jean-Jacques Hyest, relèveront non plus du délit d’opinion et donc de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais du droit commun. Certaines des techniques spéciales d’enquête applicables au terrorisme leur seront également applicables, sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Le champ des incriminations d’apologie et de provocation au terrorisme n’est en revanche pas modifié.
Outre ces innovations majeures, d’autres éléments doivent être soulignés.
D’abord, à l’article 15 ter, c’est la possibilité donnée à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels de concourir au financement de la lutte contre la criminalité, qui permettra dans l’immédiat de financer le dispositif des repentis et, à terme, d’intéresser les forces de sécurité aux saisies opérées. C’était un dispositif auquel beaucoup d’entre vous étaient attachés de longue date ; il figure maintenant dans ce texte.
Ensuite, les mesures exceptionnelles de sûreté aéroportuaire pourront être adoptées le cas échéant. Ce dispositif poussé par le secrétariat général de la défense nationale permettra de mettre en place un dispositif « Vigipirate en milieu aérien ».
En outre, les ordonnances relatives à la partie législative du code de la sécurité intérieure ont été ratifiées ; un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales a été créé.
Enfin, les dispositions permettant aux services d’avoir accès aux fichiers dans le cadre de la lutte antiterroriste et de réaliser des contrôles dans les trains transnationaux, prorogées sans discontinuité depuis 2006 et une ultime fois dans le cadre de l’article 1er de la loi antiterroriste de décembre 2012, ont été pérennisées par voie d’amendement gouvernemental au Sénat.
En revanche, comme l’ont indiqué les rapporteurs, l’article 15 allongeant la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité a finalement été supprimé.
Je le répète, cette loi est aujourd’hui nécessaire à la sécurité de notre pays. Certes, il n’existe pas de risque zéro en matière de lutte contre le terrorisme, mais ce n’est pas une raison pour rester inactif. Grâce aux dispositifs nouveaux créés par la loi, l’entreprise criminelle des terroristes ou de ceux qui veulent les rejoindre aura été entravée. Des internautes, souvent jeunes, auront échappé à leur action de propagande. La justice et, sous son contrôle, les services de police auront à leur disposition des moyens d’action et d’investigation plus efficaces et plus protecteurs de nos concitoyens.
J’ajoute que les dispositions que l’on retrouve dans cette version issue de la commission mixte paritaire s’inspirent très largement des travaux accomplis par la Haute Assemblée.
Je crois que la calme résolution qui habite ce texte, fruit d’un consensus dont nous pouvons être fiers, est à la fois sa grande force et l’honneur même de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Il est heureux que tous les républicains se rassemblent pour lutter contre le terrorisme. Les esprits évoluent… Souvenons-nous de ce que nous avions vécu en mars 2012, après l’affaire Merah. Je ne nourris aucun regret à cet égard ; je veux juste exprimer ma satisfaction devant cette prise de conscience du vrai risque que le terrorisme fait courir à nos institutions, à la République et à la liberté.
Ce texte permettra de mieux armer l’État dans sa lutte contre le terrorisme, même si nous savons bien que l’imagination des terroristes est sans fin et que, un jour ou l’autre, un autre texte sera probablement nécessaire pour tenir compte des évolutions, le plus souvent technologiques. À défaut, ce serait refuser de mieux s’armer.
Pour l’heure, les mesures contenues dans ce texte nous satisfont, car elles parviennent à conserver un bon équilibre entre respect des libertés publiques fondamentales dont jouissent nos concitoyens qui mènent une existence normale et nécessaire protection de ces derniers.
Cela étant, l’idée de mettre en balance les libertés publiques et le terrorisme me semble un peu bizarre, pour ne pas dire plus. C’est le terrorisme qui est la négation de la liberté et l’on ne peut pas mettre sur le même plan libertés publiques et terrorisme : on doit combattre le second pour garantir les premières. Je veux le dire très clairement devant la Haute Assemblée.
Les mesures prévues par ce texte répondent à la situation dans laquelle nous nous trouvons, et notre République en a besoin : les forces de police ou de gendarmerie pour prévenir le terrorisme, les magistrats pour pouvoir poursuivre et condamner les auteurs d’actes de terrorisme. J’évoquerai simplement quelques-unes de ces mesures.
L’article 1er vise à permettre à l’État d’interdire le départ de France d’un ressortissant français lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes.
Le texte crée par ailleurs de nouvelles incriminations plus dissuasives et une procédure permettant de poursuivre les auteurs de pareils faits. Ainsi, il était important de reconnaître le délit d’entreprise individuelle terroriste. Cette incrimination manquait à notre code pénal : les actes de terrorisme pouvaient être combattus dès lors qu’ils étaient perpétrés par des groupes mais pas par des individus isolés. Or on sait bien que, de nos jours, les phénomènes de radicalisation sont la plupart du temps individuels et apparaissent souvent en prison.
Je veux également souligner l’effort qu’a fait la majorité sénatoriale d’accepter de déplacer de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – qui n’a pas pour but la lutte contre le terrorisme – vers le code pénal l’incrimination des délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme. C’est une mesure que j’avais déjà demandée dans d’autres circonstances… Que tous ensemble, Assemblée nationale, Sénat, majorité et opposition, nous acceptions une procédure claire pour engager dans tous les cas les poursuites à l’encontre d’auteurs de tels actes constitue un progrès important pour l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.
Oui, cette loi nous permettra de garantir les libertés publiques, parce que nous pourrons combattre plus efficacement le terrorisme ! C’est la raison pour laquelle notre groupe votera ce texte à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une nécessité impérieuse et – chacun aura eu l’occasion de le signaler – les progrès irrésistibles de l’implantation de « l’État islamique » sur le terrain, dans une région à feu et à sang depuis des années, ainsi que l’insupportable assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel en Algérie et les différentes décapitations d’Occidentaux sont venus nous rappeler notre vulnérabilité face à cette barbarie.
Le groupe écologiste, que je représente aujourd’hui, a pleine conscience du devoir qui est le nôtre de mener un combat résolu contre toutes les formes de terrorisme et de violence. Toutefois, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, nous sommes également convaincus que la volonté de rendre plus efficace notre légitime lutte contre le terrorisme ne justifie assurément pas qu’on brade les libertés individuelles.
Je veux également réaffirmer ici, comme je l’ai fait il y a deux ans, comme je l’ai fait il y a quelques semaines, qu’il est surtout urgent de s’attaquer aux causes profondes de l’émergence d’un terrorisme désormais endogène. Peut-être faut-il légiférer, mais il est surtout urgent de travailler en amont, de tout faire pour tenter de comprendre pourquoi ces jeunes, y compris nombre de récents convertis à l’islam, se découvrent soudain une vocation de djihadiste.
Nous pouvons adopter toutes les lois, toutes les mesures dissuasives ou répressives, j’en suis convaincue, nous ne pourrons endiguer un phénomène que nous ne comprenons pas.
Comme en première lecture, la question qui se pose à nous est celle de savoir si le texte issu de la commission mixte paritaire parvient au juste équilibre entre efficacité de la lutte contre le terrorisme et protection des libertés individuelles, qui sont au fondement de notre démocratie.
Considérant que le projet de loi initial n’était pas satisfaisant du point de vue de la protection des libertés individuelles, le groupe écologiste s’y était opposé. Nous constatons à regret que le texte de la commission mixte paritaire ne l’est pas davantage. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures prévues, qui posent nombre de problèmes et constituent des atteintes à la liberté d’aller et venir, à la liberté de circulation dans l’espace Schengen, au principe du contradictoire, au principe de l’absence de répression des actes préparatoires, au principe de proportionnalité... La liste est longue !
Par ailleurs, si les lois antiterroristes sont nécessaires, elles ne doivent pas poursuivre d’autres objectifs que la lutte contre le terrorisme et ne doivent pas pouvoir être instrumentalisées à d’autres fins. Que penser, à cet égard, de l’article 1er bis introduit au Sénat par le biais d’un amendement du Gouvernement, qui ne crée rien de moins qu’une interdiction administrative du territoire français ? Il s’agit ici, n’en déplaise au principe de liberté de circulation, de pouvoir interdire l’entrée en France d’un ressortissant de l’Union européenne s’il représente « une menace » pour la sécurité publique. La menace, si elle doit être « réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », ne doit pas forcément être en lien avec une entreprise terroriste, le mot n’étant même pas utilisé.
Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, notre inquiétude – partagée par de nombreuses associations et défenseurs des droits des étrangers – quant à l’utilisation qui pourrait être faite de cette mesure. Cette définition bien trop large permet, en réalité, d’interdire l’accès au territoire à peu près à tout le monde. D’aucuns ont pu y voir un « amendement anti-Roms »,...
Mme Éliane Assassi. C’est vrai.
Mme Esther Benbassa. ... et je ne suis pas loin de partager cette vision. Peut-être cette mesure ne sera-t-elle pas appliquée à cette fin sous votre administration, mais elle continuera d’exister après vous et pourra être utilisée à des fins de gestion des flux migratoires au sein de l’Union européenne.
Dois-je vous rappeler, chers collègues, que le Conseil d’État a considéré, le 1er octobre dernier, que la « mendicité agressive » d’une famille rom constituait une menace touchant aux intérêts fondamentaux de la société ! En l’espèce, la femme concernée n’avait été ni condamnée ni même poursuivie pénalement. Cette mesure à elle seule et la manière dont elle a été introduite symbolisent l’esprit d’un texte dont les dispositions sont, au mieux, inefficaces, au pire, susceptibles de porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux que nous avons pour mission de protéger.
En toute cohérence, le groupe écologiste n’apportera pas son soutien au présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais moi aussi faire entendre une voix dissonante, ce qui ne surprendra personne.
Depuis plusieurs mois, des juristes, des associations de défense des droits de l’homme, des associations de simples citoyens, tous républicains, dénoncent ce projet de loi qui renforce les dispositions relatives à lutte contre le terrorisme, car ils considèrent, comme nous, qu’il contient des mesures attentatoires aux libertés individuelles et souvent dérogatoires au droit commun : interdiction administrative de sortie du territoire, création du délit d’entreprise individuelle terroriste, blocage administratif de sites internet, modifications substantielles de la procédure pénale au-delà des actes de terrorisme.
Le texte issu de la commission mixte paritaire confirme non seulement ces mesures mais en valide également d’autres, introduites par le Gouvernement par voie d’amendement au Sénat. Je pense bien évidemment à l’article 1er bis, qui prévoit un dispositif d’interdiction administrative du territoire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Je ne vais pas répéter ce qui est inscrit dans le texte, Mme Benbassa vient de le faire, mais vous conviendrez que les motifs invoqués ne sont nullement limités au terrorisme. Cette mesure, extrêmement large, permet d’interdire l’accès au territoire à peu près à n’importe qui ! Par exemple, aux manifestants ressortissants d’un État membre de l’Union européenne – d’autant que, vous l’avouerez, la situation économique européenne actuelle peut provoquer des mouvements sociaux contestataires –, mais également, et Mme Benbassa l’a dit à juste raison, aux populations roms largement stigmatisées, qui sont près de 6 millions à vivre sur le territoire de l’Union européenne.
À ce sujet, M. le ministre de l’intérieur s’est indigné d’un procès d’intention que nous lui ferions, en précisant qu’il appliquait en la matière la fameuse résolution des Nations unies du 24 septembre, qui vise à empêcher la circulation des groupes terroristes afin d’entraver les déplacements de ceux qui préparent des actes terroristes sur le sol français, qui mettent en danger les intérêts fondamentaux de la nation, comme le précise le texte.
Nous, nous ne le pensons pas ! Se cacher derrière la résolution des Nations unies est bien commode lorsque l’on sait, à la lecture du texte, que ces mesures peuvent toucher n’importe quel citoyen tant les éléments d’incrimination sont flous. En effet, cet ajout à l’article 1er bis du texte, d’une part, ne précise rien et, d’autre part, est d’une extrême gravité. Il constitue une très sérieuse entorse à la libre circulation des personnes garantie par l’article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L’entorse à cette liberté n’est pas proportionnée et est justifiée par une « menace » insuffisamment étayée, subjective et laissée à la seule appréciation du ministre de l’intérieur, par l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire, face à une sanction absolue, l’interdiction du territoire, et à une intervention trop tardive du juge – administratif, de surcroît. Nous ne sommes pas loin de l’arbitraire !
Sous couvert de motifs généraux et légitimes, tels que la lutte contre le terrorisme, est donc octroyée, de manière excessive et sans garanties, la possibilité au ministre de l’intérieur d’interdire l’entrée sur le territoire à un ressortissant européen. J’appelle votre attention sur le fait qu’elle est octroyée au ministre de l’intérieur actuel, mais aussi à celui de demain…
Jamais, madame la secrétaire d’État, je n’aurais imaginé qu’un gouvernement comme le vôtre ait recours à de telles méthodes. Je n’ose imaginer la réaction de mes collègues sur les travées de gauche de cette assemblée si la droite en avait usé…
M. Christophe Béchu. Ça, c’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Mais ça, c’était hier !
Je pense également à l’article 9, qui prévoit le blocage administratif de sites internet incitant à commettre des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. L’amendement introduit à la dernière minute par le Gouvernement confère à l’autorité administrative le pouvoir d’exiger des moteurs de recherche qu’ils déréférencent des sites sans intervention du juge. Ainsi, si l’autorité administrative estime qu’un site fait l’apologie du terrorisme – notion définie de manière vague –, il pourra ordonner à tous les moteurs de recherche de ne plus l’afficher sur leurs pages de résultats de recherche.
M. le ministre de l’intérieur a précisé que cette possibilité de déréférencement était déjà prévue par la loi concernant les jeux en ligne. Il a toutefois oublié de préciser que, pour déréférencer un site de paris en ligne illégal, l’Autorité de régulation des jeux en ligne doit impérativement passer par un juge, qui intervient alors en référé. Or, dans le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui, l’intervention du juge n’est pas prévue puisque c’est à l’administration qu’est conféré le pouvoir de censure. Celle-ci contacte directement le moteur de recherche. Voilà une « manipulation politique » exemplaire pour une mesure rajoutée à la volée !
Vous l’aurez compris, nous nous opposons fermement à ce projet de loi, qui sert de cheval de Troie à une législation sécuritaire, saupoudrée ici et là de prétendues garanties procédurales qui, sur le fond, ne changent rien à son caractère liberticide.
Entendez-le bien : comme tous nos collègues, nous sommes des républicains et aussi de farouches adversaires du terrorisme sous toutes ses formes. Nous ne nions pas et ne minimisons pas le risque terroriste. C’est d’ailleurs pour cela que nous participons activement à la commission d’enquête créée par notre assemblée sur les réseaux djihadistes ; nous le faisons pour comprendre, trouver des pistes, prévenir, dissuader avant – s’il le faut – de réprimer. Mais nous refusons de céder à la pression exercée par le Gouvernement pour mettre en scène un climat sécuritaire aggravé et instrumentaliser des risques terroristes afin de porter atteinte aux droits fondamentaux, à l’État de droit, dans des domaines qui vont au-delà de la seule lutte antiterroriste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons très majoritairement les conclusions de la commission mixte paritaire.
La lutte contre le terrorisme a toujours été un exercice difficile, la recherche d’un équilibre entre pragmatisme et défense des libertés individuelles se révélant toujours délicate.
Le texte que nous nous apprêtons à voter n’empêchera pas totalement la diffusion de la propagande terroriste sur internet ni sur les réseaux sociaux, qui constituent aujourd’hui l’outil majeur de sa propagation. Vous avez d’ailleurs rappelé, madame la secrétaire d’État, que le plan contre la radicalisation violente et les filières terroristes prévoit une série d’actions préventives, lesquelles sont absolument indispensables.
Ce texte ne révolutionnera pas non plus les moyens mis à la disposition des services de police et de renseignement. Le groupe du RDSE a eu l’occasion de le rappeler en première lecture, nous considérons qu’il serait souhaitable que le Parlement réfléchisse à une réforme en profondeur de nos moyens d’investigation ou encore de l’organisation des services de police et de renseignement. Le rapport du procureur Robert, qui a esquissé des pistes de réflexion intéressantes, a permis des avancées en la matière, comme en a témoigné l’adoption de l’article 10 bis issu d’un amendement proposé par notre groupe.
Il faut néanmoins reconnaître que ce texte constitue un début de réponse à ce nouveau terrorisme qui évolue en fonction des mutations techniques et sociologiques, à ce terrorisme qui essaime ses idées dans nos quartiers, sur les esprits les plus vulnérables. Ses différentes dispositions permettront de faire avancer positivement la situation – ce sera déjà un progrès.
Il en est ainsi de l’interdiction de sortie du territoire. Cette mesure permettra d’entraver le départ d’individus radicalisés par le retrait de la carte d’identité et du passeport, mais, comme nous l’avons indiqué en première lecture, elle est attentatoire à la liberté d’aller et venir. Elle devra donc être motivée et prise sur la base de faits circonstanciés. Notre groupe regrette cependant que le principe général du droit des droits de la défense n’ait pas trouvé sa place dans cette procédure de sanction administrative ; une dérogation à la norme du principe du contradictoire aurait pu être introduite en cas d’urgence. Ce n’est pas le choix du Gouvernement. Dont acte !
Les attentats perpétrés il y a deux semaines au Canada renforcent encore la pertinence d’une analyse qui met en évidence l’émergence d’un nouveau phénomène terroriste touchant l’ensemble des pays occidentaux. Ces actes ont été commis par de jeunes citoyens canadiens, qui sont nés et ont grandi au Canada, nouvellement radicalisés. L’un des présumés coupables, considéré comme un « voyageur à haut risque », s’était vu retirer son passeport. Le retrait du passeport n’a donc pas constitué une réponse suffisante.
L’interdiction administrative du territoire à destination de ressortissants étrangers potentiellement dangereux qui se verront interdire l’entrée et la circulation sur le territoire français permettra, dans un premier temps, de combler un manque bien connu du système Schengen. Nous espérons que les négociations autour d’une adaptation du code frontières Schengen aboutiront rapidement. Ce défi majeur du contrôle des frontières extérieures, terrestres et maritimes, de l’espace Schengen est aujourd’hui devenu une question fondamentale pour l’Union européenne et nos concitoyens.
Concernant le blocage des sites faisant l’apologie du djihad, un point doit être souligné, outre la question de son efficacité, qui peut être contestée au regard des renseignements comme des délais de blocage et du caractère transnational de ces problématiques : les outils numériques ne constituent que la partie émergée de l’iceberg terroriste. Sa partie immergée est celle du financement du terrorisme lui-même, des flux financiers et monétaires qui transitent. Le groupe djihadiste Daech est désormais l’organisation terroriste la plus riche de la planète avec une fortune estimée à plus de 2,3 milliards de dollars.
Nous ne pouvons occulter le fait que lutter contre le terrorisme, c’est aussi lutter contre son financement par le biais du blanchiment d’argent. Un rapport récent de TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – a mis en évidence la difficulté qu’il y a à repérer les manœuvres de blanchiment, s’agissant d’opérations répétées, fractionnées, de faible montant et parfois de compensations informelles à distance. Comme l’a souligné une note du ministère de l’économie sur le sujet, « bien que le secteur financier soit régulé depuis longtemps et soumis à la surveillance constante des autorités de contrôle, prenant la forme de contrôles permanents sur pièces et sur place, il demeure exposé à des risques spécifiques en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ».
Il faudrait s’interroger sur le rôle joué par certains pays du Golfe dans le financement du terrorisme. Le Trésor américain a apporté la première preuve que l’argent du Qatar avait bien permis à des individus, candidats au djihad, de rejoindre la Syrie. Daech en Irak et au Levant a bénéficié de la manne destinée aux différents groupes d’insurgés syriens luttant contre le régime de Bachar El-Assad, une enveloppe financée en grande partie par des acteurs étatiques, l’Arabie Saoudite et le Qatar, relayés par de riches donateurs de ces mêmes pays. Nous ne pouvons durablement tolérer que des investissements massifs dans nos pays occidentaux financent des crimes tout aussi massifs au Moyen-Orient.
D’autres pistes de réflexion devront donc être esquissées dans l’avenir.
Après ces propos prospectifs, qui me paraissent indispensables, je répète que nous voterons très majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
14
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Lors du scrutin n° 7 du 30 octobre 2014 sur les amendements identiques nos 2 rectifié, 48 et 144 à l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, j’ai été déclaré comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
15
Lutte contre le terrorisme
Suite de la discussion d’un projet de loi et adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle satisfaction qu’un large consensus permette l’adoption d’un texte aujourd’hui indispensable pour compléter notre législation sur les dispositifs de lutte contre le terrorisme ! Sans revenir sur ces besoins réels, je concentrerai mon propos sur le texte que nous avons élaboré en commission mixte paritaire le 21 octobre dernier, notamment la disposition portant sur le délit d’entreprise individuelle terroriste.
Nous avons été nombreux à dire, dès le début de la discussion, l’importance de la création du délit d’entreprise individuelle terroriste. L’introduction d’un nouvel article dans le code pénal consistant à élargir la définition de l’acte de terrorisme était nécessaire face à l’évolution du terrorisme comme l’a démontré notamment « l’affaire Merah », qui a tragiquement inauguré l’ère nouvelle des « loups solitaires », ces individus marginaux et difficilement prévisibles.
De plus, la situation internationale impose que nous ayons des outils juridiques précis afin d’interdire la sortie du territoire à certains individus, lorsque des « raisons sérieuses » laissent penser que cette personne souhaite se déplacer à l’étranger, soit pour participer à des « activités terroristes », soit pour un déplacement sur « un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français ».
Malgré la critique de certaines associations, il est également pertinent de prévoir l’interdiction administrative d’entrée sur le territoire à l’encontre de ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne ou de tout membre de sa famille en cas de menace réelle pour l’intérêt fondamental de la société. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les combattants terroristes étrangers, qui prévoit notamment de lutter contre la mobilité internationale des terroristes en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des États membres de l’ONU.
Certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement en France peuvent représenter une menace grave pour la société, en particulier lorsqu’ils peuvent circuler librement au sein de l’espace Schengen. Tel peut être le cas de ressortissants d’États membres de l’Union liés aux mouvances radicales, voire à des organisations terroristes qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée. Or seules les personnes résidant en France peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion.
Je souhaiterais aborder l’un des principaux sujets de divergence que nous avons eu avec nos collègues députés. Il s’agit du régime des délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme.
Nous avions deux approches différentes : l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, avait « extrait » l’apologie et la provocation au terrorisme de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, afin de prendre en compte le fait que l’utilisation d’internet fait partie intégrante de la stratégie de plusieurs groupes terroristes. Au Sénat, nous avions en revanche suivi la proposition pertinente des rapporteurs qui n’introduisait dans le code pénal que l’apologie et la provocation au terrorisme via internet.
La décision de la commission mixte paritaire de déplacer ces deux délits de la loi sur la liberté de la presse vers le code pénal et d’aggraver leurs sanctions lorsqu’ils sont commis sur internet – sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende au lieu de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – est actée, mais nous aurons, dans un avenir proche, à réfléchir peut-être plus sereinement à ce que nous voulons donner comme avenir à la loi sur la liberté de la presse, celle-ci regroupant aujourd’hui un certain nombre de délits qui seraient commis dans des conditions bien éloignées de la presse au sens de la législation du XIXe siècle.
Enfin, je souhaiterais vous faire part de quelques regrets.
Même si je sais que le Parlement devrait être conduit prochainement à légiférer en matière pénitentiaire pour traiter la question de l’encellulement individuel, je trouve regrettable que le Gouvernement n’ait pas eu de position plus claire sur la question de l’encellulement des personnes condamnées pour terrorisme, alors que nous savons tous que la prison est l’un des lieux de recrutement du terrorisme. Le rapport élaboré par l’un de nos collègues dans le cadre du budget de l’administration pour 2015 tend à confirmer la radicalisation et le prosélytisme en milieu pénitentiaire. C’est pourquoi la lutte contre le prosélytisme en prison est un chantier urgent à ouvrir.
Par ailleurs, j’avais déposé un amendement avec mes collègues Frassa et Gournac sur le sujet de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. De la même manière, le Gouvernement est resté timoré sur ce plan. Certes, je le conçois, le sujet est extrêmement complexe et ne pouvait être abordé ainsi aussi rapidement sans perspective plus large ; mais ne nous cachons pas derrière cette réalité. Cette question mérite une réflexion approfondie, car les prestations sociales sont certes un droit, mais elles impliquent aussi des devoirs de celles et ceux qui les perçoivent envers la France.
Mes chers collègues, les dispositions adoptées dans le cadre de ce projet de loi vont contribuer à améliorer et renforcer le dispositif existant en matière de lutte contre le terrorisme. C’est donc sans aucune surprise que le groupe UMP votera ce texte, issu d’un consensus général, ce dont je me réjouis, car cela n’a pas forcément toujours été le cas lors des précédentes législatures, pourtant dans le même type de circonstances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le contexte international et national justifie, hélas ! le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. C’est une évidence si l’on se réfère à l’actualité tragique de ces derniers mois et de ces dernières semaines.
La commission a eu, voilà quelques mois, la bonne idée de confier à deux de nos collègues l’élaboration du rapport. Aussi commencerai-je par remercier Alain Richard et Jean-Jacques Hyest, qui, ensemble, nous ont aidés à dégager non pas un consensus fallacieux, mais une position claire et solide.
Le terrorisme, c’est la négation de la liberté et d’abord de la liberté de vivre. Au Sénat, nous sommes profondément attachés aux libertés. Nous devons donc concilier deux exigences, sans oublier ni l’une ni l’autre : la défense de ces libertés et la lutte contre le terrorisme. C’est ce à quoi nous nous sommes employés lors des travaux de la commission mixte paritaire.
Plusieurs points forts figurent dans le texte.
Premièrement, l’interdiction administrative de sortie du territoire pourra être soumise au contrôle de la juridiction administrative. Je rappelle que, grâce au Sénat, il a été prévu que l’échange contradictoire entre la personne concernée et les autorités pourrait durer huit jours et non quinze jours, ce qui était la position initiale du Gouvernement.
Le Sénat a aussi obtenu que la promulgation de la mesure soit motivée et qu’il soit indiqué le recours possible au référé-liberté avec, chose assez exceptionnelle mais en l’espèce justifiée, un délai de quatre mois accordé au tribunal administratif pour statuer.
Deuxièmement, la création du délit d’entreprise individuelle terroriste apparaît à l’évidence nécessaire compte tenu de ce qui s’est effectivement passé dans notre pays et dans un pays qui nous est proche.
Troisièmement, s’agissant de la question du délit d’apologie et de provocation au terrorisme, dont nous avons beaucoup parlé, le Sénat avait imaginé un dispositif différent selon que le délit est commis sur internet ou sur un média classique. Nos collègues et amis députés nous ont persuadés qu’il était difficile de justifier une réponse différente, en termes de poursuite, selon la nature du support. Un accord a donc été trouvé : l’ensemble de la mesure figurera désormais dans le code pénal, étant entendu que la commission du délit sur internet pourra constituer une circonstance aggravante.
Pour conclure, je souhaite aborder la question du blocage des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui se livrent au recrutement de personnes pour des entreprises à caractère terroriste.
Le Sénat avait proposé que la personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés soit elle-même membre de la CNIL. Les députés ont souhaité à juste titre que cette désignation ne puisse porter sur l’un des parlementaires membres de la CNIL. Cet aspect est important, car il existe déjà de nombreuses autorités administratives indépendantes, peut-être trop… C’est pourquoi il convient de réfléchir, et Patrice Gélard y contribue – j’espère que l’on débattra de sa proposition de loi –,…
M. Charles Revet. Très bonne proposition de loi !
M. Jean-Pierre Sueur. … à une définition des autorités administratives indépendantes.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvions soutenir l’idée selon laquelle une autorité administrative indépendante désignerait elle-même une personne ou une autorité qualifiée qui lui serait étrangère.
Par ailleurs, le Sénat a ajouté au présent texte le déréférencement des sites.
Parallèlement, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, le délai de blocage des sites a été de nouveau fixé à vingt-quatre heures. Je rappelle que le Sénat avait, dans un premier temps, jugé qu’un délai de quarante-huit heures était plus réaliste pour que ce blocage soit effectif.
Mes chers collègues, j’ai pu observer, sur des sites internet de toutes natures, des quantités, sinon un bombardement d’expressions selon lesquelles le présent texte serait « une atteinte sans précédent aux libertés ».
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Aussi je le répète, au risque d’essuyer de nouvelles rafales, la première liberté, c’est tout de même la liberté de vivre, et de vivre en sécurité !
Mme Éliane Assassi. Les électeurs vous le diront !
M. Christophe Béchu. Écoutez M. Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr, et heureusement chère collègue, car nous sommes en démocratie !
M. Alain Richard, corapporteur. Ne confondons pas les électeurs et les internautes !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans une société démocratique, on ne peut se résigner à ce que l’espace dit « internet » ne soit régi par aucune loi.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi, dès lors que l’on serait sur internet, n’y aurait-il plus de place pour les lois relatives à la vie privée, au respect des droits d’auteur, à la propriété intellectuelle, à la répression des propos racistes, xénophobes, homophobes, antisémites, islamophobes ou faisant l’apologie du terrorisme ?
Mme Éliane Assassi. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Sueur. Je mesure la difficulté de la tâche qu’il nous faut accomplir. Il faut trouver des solutions en jouant la carte de la coopération internationale, notamment européenne, et mettre en œuvre des mesures plus efficaces, même si nous savons que des failles existent. En tant que législateurs, nous avons un vaste travail à mener sur le sujet. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que l’on fasse n’importe quoi, qu’il s’agisse de l’apologie du terrorisme ou de tous les délits que je viens de citer, en matière de racisme, de xénophobie, etc.
Mme Éliane Assassi. Mais personne ne dit ça ! C’est honteux !
M. Jean-Pierre Sueur. Madame Assassi,…
Mme Éliane Assassi. Qui soutient cette position dans cet hémicycle ? (M. Christophe Béchu manifeste son exaspération.)
M. Jean-Pierre Bosino. Oui, qui ?
M. Jean-Pierre Sueur. … soyons honnêtes intellectuellement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bonne idée !
Mme Éliane Assassi. Vous mettez en cause les uns et les autres !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne vous ai pas mise en cause, chère collègue. D’ailleurs, vous n’avez pas dit cela. J’ai simplement pointé du doigt un certain nombre d’écrits, qui se multiplient sur internet,…
M. Alain Richard, corapporteur. Par artifice !
M. Jean-Pierre Sueur. … et selon lesquels le présent projet de loi serait attentatoire aux libertés.
Mme Éliane Assassi. C’est le cas !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, j’ai la liberté de dire à cette tribune que je ne souscris en rien à ces propos. À mon sens, il est de la responsabilité du législateur de faire en sorte que les règles de droit, qui sont protectrices des libertés, s’appliquent aussi sur internet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, j’ai exprimé en première lecture des réserves sur un certain nombre d’articles du projet de loi.
La commission mixte paritaire nous a transmis un texte équilibré. Il ne s’agit certes pas de l’équilibre que j’aurais souhaité atteindre si je l’avais écrit moi-même. Je n’en salue pas moins le travail des rapporteurs, qui ont relayé, au Sénat et face à l’Assemblée nationale, l’ensemble des préoccupations émises en première lecture. Ainsi, même si le résultat atteint n’est probablement pas parfait, nous pouvons affirmer aujourd’hui que le débat a été utile : il a permis d’améliorer un texte qui, en tant que tel, était nécessaire.
Toutefois, j’exprimerai quelques regrets au sujet de l’article 1er bis, que Mmes Benbassa et Assassi ont évoqué. En effet, la nouvelle rédaction du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile va bien au-delà d’un parallélisme entre l’interdiction de sortie du territoire et l’interdiction d’entrée sur le territoire. Ces dispositions ne se limitent pas à la lutte contre le terrorisme, ce qui, somme toute, aurait été logique. Elles vont beaucoup plus loin : on évoque les menaces pesant sur les intérêts fondamentaux de la société, sur l’ordre public et sur les relations internationales de la France, lorsque les individus susceptibles de se voir interdire l’entrée sur le territoire ne sont pas ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne.
À mon sens, l’extension du champ de ces mesures peut poser certaines difficultés. Voilà pourquoi je demanderai quelques précisions au Gouvernement. Il me semble absolument indispensable, d’une part, que le principe de la liberté de circulation dans l’espace Schengen soit préservé et, d’autre part, que le motif de « menaces pour les relations internationales de la France » ne porte en aucun cas atteinte au respect, par notre pays, de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.
Mes chers collègues, si certaines dispositions législatives permettent de contester la présence d’une personne sur notre territoire pour des motifs relevant des relations internationales, un État étranger serait, tout à fait légitimement, en position de demander au gouvernement français de ne pas recevoir tel ou tel de ses ressortissants, afin de préserver de bonnes relations diplomatiques. Aussi, je m’inquiète des conséquences de cet article 1er bis, étant donné le rôle que nous devons jouer pour la préservation du droit d’asile.
J’ajoute que j’ai été choqué par un certain nombre d’opinions exprimées au cours des débats parlementaires. Je songe notamment à certains de nos collègues députés, MM. Philippe Goujon, Meyer Habib, Claude Goasguen ou Mme Marion Maréchal-Le Pen, proposant, pour des personnes susceptibles d’interdiction de sortie du territoire – mesure administrative –, une déchéance de nationalité.
Une telle proposition procède d’une double erreur.
La première erreur porte sur le sens de l’interdiction de sortie du territoire : il s’agit d’une mesure administrative préventive et en aucun cas d’une peine résultant d’une instruction ou d’une décision judiciaire, cas auquel renvoie l’article 5 du présent texte. Il n’y a aucune raison de considérer qu’une personne se voyant interdire, à titre préventif, la sortie du territoire, doit être, de ce fait, déchue de la nationalité française. Il ne faut pas confondre l’article 1er, qui est préventif, et l’article 5, qui est punitif. Cette incompréhension est regrettable : c’est avec de telles erreurs que l’on fait passer ce projet de loi pour attentatoire aux libertés, en particulier pour ce qui concerne son premier article.
La seconde erreur porte sur le sens de la déchéance de nationalité. La nationalité est une réalité binaire : ou bien on l’a, ou bien on ne l’a pas. On ne peut pas inventer des demi-nationalités, que l’on serait susceptible de perdre pour tel ou tel motif. Quel serait le sens de l’intégration, s’il existait des Français et des demi-Français ? Une fois que l’on est Français, on l’est pleinement, et la loi ne peut vous distinguer des autres citoyens.
À cet égard, certaines dispositions existent déjà. Je le répète, ne confondons pas l’article 1er et l’article 5 ! Dans certains cas, on peut s’apercevoir que l’on a commis une erreur en accordant la nationalité à telle ou telle personne. Mais le code de la nationalité française permet alors la déchéance, en particulier si cet individu est condamné pour acte terroriste. Voilà pourquoi certains de nos collègues députés ont fait la confusion, au titre de l’article 1er.
Pour conclure, je souligne que le projet de loi est un texte d’équilibre, répondant aux exigences et aux défis du moment. J’aurais préféré une rédaction quelque peu différente sur certains points. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un texte indispensable.
Pour l’avenir, certaines pistes ont été tracées, notamment celle de la coopération européenne, qui est impérative, et celle de la coopération internationale au sens large. Ne croyons pas que les problèmes dont il est ici question sont strictement franco-français ou européens ! Un grand nombre de pays, notamment le Maroc ou l’Égypte, sont confrontés à des difficultés similaires, qui ne pourront être résolues que par la coopération.
Je voterai donc ce projet de loi avec quelques bémols,…
M. Alain Richard, corapporteur. Un vote est un vote !
M. Jean-Yves Leconte. … et tout en gardant à l’esprit qu’il résulte d’une recherche d’équilibre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Chapitre Ier
Création d’un dispositif d’interdiction de sortie du territoire
Article 1er
I. – Le livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le titre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Interdiction de sortie du territoire
« Art. L. 224-1. – Tout Français peut faire l’objet d’une interdiction de sortie du territoire lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette :
« 1° Des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ;
« 2° Ou des déplacements à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.
« L’interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l’intérieur pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. La décision est écrite et motivée. Le ministre de l’intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.
« Lorsque les conditions en sont réunies, l’interdiction de sortie du territoire peut être renouvelée par décision expresse et motivée. Elle est levée aussitôt que ces conditions ne sont plus satisfaites. Les renouvellements consécutifs d’une interdiction initiale ne peuvent porter la durée globale d’interdiction au-delà de deux années.
« La personne qui fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s’exercent sans préjudice des procédures ouvertes par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.
« L’interdiction de sortie du territoire emporte dès son prononcé et à titre conservatoire l’invalidation du passeport et de la carte nationale d’identité de la personne concernée ou, le cas échéant, fait obstacle à la délivrance d’un tel document. L’autorité administrative informe la personne concernée par tout moyen.
« Dès notification de l’interdiction de sortie du territoire, et au plus tard dans les vingt-quatre heures à compter de celle-ci, la personne concernée est tenue de restituer son passeport et sa carte nationale d’identité.
« Un récépissé valant justification de son identité est remis à la personne concernée en échange de la restitution de son passeport et de sa carte nationale d’identité ou, à sa demande, en lieu et place de la délivrance d’un tel document. Ce récépissé suffit à justifier de l’identité de la personne concernée sur le territoire national en application de l’article 1er de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité.
« Le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation d’une interdiction de sortie du territoire prise en application du présent article est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Le fait, pour toute personne s’étant vu notifier une décision d’interdiction de sortie du territoire, de se soustraire à l’obligation de restitution de son passeport et de sa carte nationale d’identité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 € d’amende.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article, s’agissant notamment des modalités d’établissement du récépissé mentionné au neuvième alinéa. » ;
2° Le chapitre II du titre III est complété par un article L. 232-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-8. – Lorsque l’autorité administrative constate que les données transmises en application du présent chapitre permettent d’identifier une personne faisant l’objet d’une interdiction de sortie du territoire mentionnée à l’article L. 224-1, elle notifie à l’entreprise de transport concernée, par un moyen tenant compte de l’urgence, une décision d’interdiction de transport de cette personne.
« En cas de méconnaissance de l’interdiction de transport par une entreprise de transport, l’amende prévue à l’article L. 232-5 est applicable, dans les conditions prévues au même article. »
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – (Suppression maintenue)
Chapitre Ier bis
Création d’un dispositif d’interdiction administrative du territoire
Article 1er bis
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre Ier du livre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Interdiction administrative du territoire
« Art. L. 214-1. – Tout ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou tout membre de la famille d’une telle personne peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.
« Art. L. 214-2. – Tout ressortissant étranger non mentionné à l’article L. 214-1 peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.
« Art. L. 214-3. – L’interdiction administrative du territoire fait l’objet d’une décision du ministre de l’intérieur écrite et rendue après une procédure non contradictoire. Elle est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.
« Si l’étranger est entré en France alors que la décision d’interdiction administrative du territoire prononcée antérieurement ne lui avait pas déjà été notifiée, il est procédé à cette notification sur le territoire national.
« Lorsque la décision a été prise en application de l’article L. 214-1, et que l’intéressé est présent en France à la date de sa notification, il bénéficie à compter de cette date d’un délai pour quitter le territoire qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois.
« Art. L. 214-4. – L’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire et qui s’apprête à entrer en France peut faire l’objet d’un refus d’entrée, dans les conditions prévues au chapitre III du présent titre.
« Lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être reconduit d’office à la frontière, le cas échéant à l’expiration du délai prévu à l’article L. 214-3. L’article L. 513-2, le premier alinéa de l’article L. 513-3 et les titres V et VI du livre V sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l’objet d’une interdiction administrative du territoire.
« Art. L. 214-5. – L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction administrative du territoire. L’étranger peut introduire une demande de levée de la mesure après un délai d’un an à compter de son prononcé. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande de levée vaut décision de rejet.
« Art. L. 214-6. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 214-5, les motifs de l’interdiction administrative du territoire donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date de la décision.
« Art. L. 214-7. – Le second alinéa de l’article L. 214-4 n’est pas applicable à l’étranger mineur. » ;
2° L’article L. 213-1 est complété par les mots : « , soit d’une interdiction administrative du territoire » ;
3° Le livre V est ainsi modifié :
a) Le 7° de l’article L. 551-1 est complété par les mots : « ou d’une interdiction administrative du territoire » ;
b) À la seconde phrase de l’article L. 552-4, après les mots : « d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire en vigueur, » ;
c) À l’intitulé du chapitre V du titre V, le mot : « mesure » est remplacé par le mot : « peine » ;
d) Après le 5° de l’article L. 561-1, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction administrative du territoire. » ;
e) L’article L. 571-1 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après les mots : « d’interdiction de retour sur le territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction administrative du territoire, » ;
– au même premier alinéa, après les mots : « code de procédure pénale », la fin de l’article est supprimée ;
4° Le livre VI est ainsi modifié :
a) L’article L. 624-1 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après les mots : « d’une obligation de quitter le territoire français », sont insérés les mots : « , d’une interdiction administrative du territoire » ;
– au deuxième alinéa, après les mots : « d’une mesure de refus d’entrée en France, » et les mots : « d’une interdiction judiciaire du territoire, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire, » ;
b) Au dernier alinéa de l’article L. 624-4, les mots : « ou L. 541-3 » sont remplacés par les mots : « , L. 541-3 ou du 6° de l’article L. 561-1 ».
II. – Au premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale, après les mots : « d’interdiction du territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction administrative du territoire français, ».
Chapitre II
Renforcement des mesures d’assignation à résidence
Article 2
I. – Le titre VI du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Assignation à résidence avec interdiction de se trouver en relation avec une personne nommément désignée
« Art. L. 563-1. – L’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 541-3 qui a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus au titre II du livre IV du code pénal ou à l’encontre duquel un arrêté d’expulsion a été prononcé pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste peut, si la préservation de la sécurité publique l’exige, se voir prescrire par l’autorité administrative compétente pour prononcer l’assignation à résidence une interdiction de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes nommément désignées dont le comportement est lié à des activités à caractère terroriste. La décision est écrite et motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois et renouvelée, dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Cette interdiction est levée dès que les conditions ne sont plus satisfaites ou en cas de levée de l’assignation à résidence.
« La violation de cette interdiction est sanctionnée dans les conditions prévues à l’article L. 624-4 du présent code. »
II. – L’article L. 624-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La même peine d’emprisonnement d’un an est applicable aux étrangers qui n’ont pas respecté les interdictions qui leur sont prescrites en application de l’article L. 563-1. »
Chapitre III
Renforcement des dispositions de nature répressive
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 4
I. – Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-5 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-5. – Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. »
« Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
II. - La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° Le sixième alinéa de l’article 24 est supprimé ;
2° Au premier alinéa de l’article 24 bis, les mots : « des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ».
3° Au premier alinéa de l’article 48-1, la référence : « (alinéa 8) » est remplacée par la référence : « (alinéa 7) » ;
4° Au premier alinéa des articles 48-4, 48-5 et 48-6, la référence : « neuvième alinéa » est remplacée par la référence : « huitième alinéa » ;
5° À l’article 52, les mots : « et sixième » sont supprimés ;
5° bis Au premier alinéa de l’article 63, les références : « 6, 8 et 9 » sont remplacées par les références : « 7 et 8 » ;
6° À l’article 65-3, les mots : « sixième, huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième ».
Article 5
I. – Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-6 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-6. – I. – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d’une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :
« 1° Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;
« 2° Et l’un des autres faits matériels suivants :
« a) recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;
« b) s’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;
« c) consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;
« d) avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes.
« II. – Le I s’applique à la préparation de la commission des infractions suivantes :
« 1° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l’article 421-1 ;
« 2° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article 421-1, lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;
« 3° Soit un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-2, lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes. »
II. – Après le troisième alinéa de l’article 421-5 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-6 est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. »
Article 5 bis
Au premier alinéa de l’article 227-24 du code pénal, après le mot : « violent », le mot « ou » est remplacé par les mots : « , incitant au terrorisme, ».
Article 6
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début de la section 2 du titre XV du livre IV, il est rétabli un article 706-23 ainsi rédigé :
« Art. 706-23. – L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. » ;
2° L’article 706-24-1 est ainsi rétabli :
« Art. 706-24-1. – Les articles 706-88 à 706-94 du présent code ne sont pas applicables aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
3° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
4° L’article 706-25-2 est abrogé.
Chapitre IV
Renforcement des moyens de prévention et d’investigations
Article 7
L’article 706-16 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises en détention par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal.
« Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions d’évasion incriminées par les articles 434-27 à 434-37 du même code, des infractions d’association de malfaiteurs prévues à l’article 450-1 dudit code lorsqu’elles ont pour objet la préparation de l’une des infractions d’évasion précitées, des infractions prévues à l’article L. 624-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que des infractions prévues à l’article L. 224-1 du code de sécurité intérieure, lorsqu’elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal. »
Article 7 bis
I. – Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 695-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 695-28-1. – Pour l’examen des demandes d’exécution d’un mandat d’arrêt européen concernant les auteurs d’actes de terrorisme, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le premier président de la cour d’appel de Paris ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et son président exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 695-26 et 695-27. »
II. – La section 2 du chapitre V du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 696-24-1 ainsi rédigé :
« Art. 696-24-1. – Pour l’examen des demandes d’extradition concernant les auteurs d’actes de terrorisme, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le premier président de la cour d’appel de Paris ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et son président exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 696-9, 696-10 et 696-23. »
Article 8
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 562-1, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;
2° L’article L. 562-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;
b) À la fin de la seconde phrase, les mots : « du ministre » sont supprimés ;
3° À l’article L. 562-6, les mots : « du ministre » sont remplacés par les mots : « des ministres ».
II. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi.
Article 9
I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, après le mot : « humanité, », sont insérés les mots : « de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, » et la référence : « et 227-24 » est remplacée par les références : « , 227-24 et 421-2-5 » ;
2° Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;
3° (Suppression maintenue)
4° Au dernier alinéa, les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième ».
I bis. – Après l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :
« Art. 6-1. – Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code le justifient, l’autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi.
« En l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de vingt-quatre heures, l’autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Ces personnes doivent alors empêcher sans délai l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l’autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.
« L’autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées respectivement aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée, désignée en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour la durée de son mandat dans cette commission. Elle ne peut être désignée parmi les personnes mentionnées au 1° du I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La personnalité qualifiée s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.
« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421-2-5 et 227-23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.
« La personnalité qualifiée mentionnée au même troisième alinéa rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l’autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs.
« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la présente loi. »
II. – Le premier alinéa du 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième » ;
2° Après la référence : « 7 du I », sont insérés les mots : « du présent article ni à celles prévues à l’article 6-1 de la présente loi » ;
3° Après la référence : « II », sont insérés les mots : « du présent article ».
Article 10 bis
Les articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale sont ainsi modifiés :
1° À la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « informations » ;
2° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ceux issus » sont remplacés par les mots : « celles issues ».
Article 11
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 230-1 est ainsi modifié :
aa) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « comprendre, », sont insérés les mots : « ou que ces données sont protégées par un mécanisme d’authentification, » ;
a) Aux premier et dernier alinéas, après les mots : « d’instruction », sont insérés les mots : « , l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;
a bis) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la version en clair de ces informations » sont remplacés par les mots : « l’accès à ces informations, leur version en clair » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « , de l’officier de police judiciaire » ;
c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prévu », est insérée la référence : « au deuxième alinéa de l’article 60 et », et les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° L’article 230-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « instruction », sont insérés les mots : « , l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;
b) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information » sont remplacés par les mots : « à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret » ;
c) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « l’autorité judiciaire requérante » sont remplacés par les mots : « le procureur de la République, la juridiction d’instruction, l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l’affaire ou ayant requis l’organisme technique » ;
d) La première phrase du second alinéa est supprimée ;
2° bis L’article 230-3 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Dès l’achèvement des opérations ou dès qu’il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l’expiration du délai prescrit ou à la réception de l’ordre d’interruption émanant du procureur de la République, de la juridiction d’instruction, de l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, ou de la juridiction de jugement saisie de l’affaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l’organisme technique à l’auteur de la réquisition. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
3° À l’article 230-4, le mot : « judiciaires » est supprimé.
Article 11 bis
Au premier alinéa de l’article 323-3 du code pénal, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par les mots : « , d’extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre, ».
Article 12
I. – Après l’article 323-4 du code pénal, il est inséré un article 323-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 323-4-1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 ont été commises en bande organisée et à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende. »
I bis. – Au 1° de l’article 704 du code de procédure pénale, la référence : « 323-4 » est remplacée par la référence : « 323-4-1 ».
II. – (Suppression maintenue)
Article 12 bis
Le titre XXIV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Titre XXIV
« De la procédure applicable aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données
« Art. 706-72. – Les articles 706-80 à 706-87-1, 706-95 à 706-103 et 706-105 du présent code sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus à l’article 323-4-1 du code pénal.
« Les articles mentionnés au premier alinéa du présent article sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des mêmes délits ainsi qu’à l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour objet la préparation de l’un desdits délits. »
Article 13
Après la section 2 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« De l’enquête sous pseudonyme
« Art. 706-87-1. – Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 706-72 et 706-73 et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté du ministre de l’intérieur et spécialement habilités à cette fin, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :
« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;
« 2° Être en contact par le moyen mentionné au 1° avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »
Article 13 bis
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-35-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les références : « 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 » sont remplacées par les références : « 225-4-1, 225-4-8, 225-4-9, 225-5, 225-6 » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ; »
2° Après le 2° de l’article 706-47-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ; ».
II. – L’article 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « des données » sont remplacés par les mots : « les éléments de preuve et les données » ;
2° Après le même 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. »
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 15
(Supprimé)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 15 ter
L’article 706-161 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article 706-161 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’agence peut également verser à l’État des contributions destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité. »
2° (Supprimé)
Article 15 quater
(Suppression maintenue)
Article 15 quinquies A
Le chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par un article L. 6341-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 6341-4. – En cas de menace pour la sécurité nationale, l’autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d’aérodromes étrangers la mise en œuvre de mesures de sûreté dont la durée d’application ne peut excéder trois mois. Ces mesures peuvent être reconduites dans les mêmes conditions.
« Les mesures de sûreté mentionnées au premier alinéa sont celles dont la mise en œuvre peut être imposée aux entreprises de transport aérien en application du règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2008, relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002, des règlements pris pour son application par la Commission européenne et des normes de sûreté prévues par la réglementation nationale.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 15 quinquies
I. – Les ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l’outre-mer sont ratifiées.
II. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le titre IV du livre Ier est ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
« Chapitre Ier
« Dispositions générales
« Art. L. 141-1. – La déontologie des personnes exerçant des missions ou activités de sécurité est précisée par décret en Conseil d’État.
« Chapitre II
« Défenseur des droits
« Art. L. 142-1. – Le Défenseur des droits accomplit sa mission de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité dans les conditions fixées par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;
2° Le titre III du livre IV est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Déontologie de la police et de la gendarmerie nationales
« Art. L. 434-1. – Un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales est établi par décret en Conseil d’État. » ;
3° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est abrogé ;
4° Les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 sont complétés par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Au titre VII : l’article L. 271-1. » ;
5° L’article L. 285-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.ˮ » ;
6° L’article L. 286-2 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
7° L’article L. 287-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° L’article L. 271-1 est ainsi modifié :
« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« “Un arrêté de l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” ;
« b) Le dernier alinéa est supprimé. » ;
8° Le 9° de l’article L. 645-1 est ainsi rédigé :
« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Polynésie française ” » ;
9° Le 10° de l’article L. 646-1 est ainsi rédigé :
« 10° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Nouvelle Calédonie” » ;
10° Le 9° de l’article L. 647-1 est ainsi rédigé :
« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable dans les îles Wallis et Futuna” » ;
11° À la seconde phrase de l’article L. 262-1, la référence : « III » est remplacée par la référence : « II » ;
12° Les deux dernières phrases du second alinéa de l’article L. 634-4 sont ainsi rédigées :
« Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. »
Article 15 sexies
I. – Le dernier alinéa du II de l’article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure est supprimé.
II. – Le premier alinéa de l’article 32 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers est supprimé.
Chapitre V
Dispositions relatives à l’outre-mer
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 17
(Pour coordination)
Les articles 1er bis et 2 de la présente loi sont applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
Article 18
I. – Le 2° des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure est complété par la référence : « et L. 224-1 ».
II. – Au 3° de l’article L. 288-1 du même code, la référence : « L. 232-6 » est remplacée par la référence : « L. 232-8 ».
III. – Le 2° du I de l’article 1er et les articles 3 à 15 sexies sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
IV. – (Suppression maintenue)
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.
articles 1er à 8
Mme la présidente. Sur les articles 1er à 8, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
apologie, »
insérer les mots :
, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Favorable.
Mme la présidente. Sur les articles 10 bis à 18, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.
La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, s’il n’est jamais trop tard pour bien faire, il n’est jamais trop tôt non plus, qui plus est lorsqu’il s’agit de la sécurité de nos compatriotes, voire de la sécurité nationale. Cependant, les mesures proposées ici sont non seulement bien tardives, mais surtout, hélas ! bien en deçà des dangers réels et terriblement actuels auxquels notre pays est confronté.
Vous traitez le sujet a minima, sans jamais vous attaquer aux causes réelles et profondes du phénomène : la perte de contrôle sur la nationalité française, d’une part,…
M. Michel Le Scouarnec. Nous y voilà !
M. Stéphane Ravier. … et sur nos frontières, d’autre part, avec l’anarchie migratoire…
Mme Éliane Assassi. Vous êtes fidèle à vous-même !
M. Stéphane Ravier. … découlant d’un regroupement familial permanent et du sans-frontiérisme de l’Union européenne, incarné par l’espace Schengen.
M. Jean-Pierre Bosino. Voilà pourquoi vous discriminez les enfants !
M. Stéphane Ravier. Tout d’abord, vous instaurez une interdiction administrative de sortie du territoire national. En somme, vous voulez empêcher les apprentis terroristes, les apprentis djihadistes, de partir. Mais il faudrait plutôt les empêcher de revenir ! C’est même agir en pompiers pyromanes que de chercher à les maintenir de force en France, pour qu’ils y diffusent leurs messages et y accomplissent leurs actes de haine. Voulez-vous donc que ces individus recrutent ici même de plus en plus d’adeptes, comme c’est déjà le cas dans nos prisons ?
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. Stéphane Ravier. Vous me direz…
M. Alain Richard, rapporteur. On ne vous dira rien !
M. Stéphane Ravier. … que l’on ne peut empêcher nos « concitoyens », devenus terroristes, de revenir en France, puisque c’est « leur » pays. C’est là une des clefs du problème que vous refusez d’aborder.
Peut-on encore parler, comme vous le faites, de « compatriotes »…
Mme Éliane Assassi. Ils sont Français !
M. Stéphane Ravier. … à propos de djihadistes et de terroristes qui combattent aujourd’hui pour le seul État au monde qu’ils jugent légitime, à savoir l’État dit « islamique », lequel exclut toute appartenance nationale et est, a fortiori, hostile à la France ?
L’article 25 de notre code civil indique déjà qu’un individu peut être déchu de la nationalité française, notamment « s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » ou bien « s’il s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de français et préjudiciables aux intérêts de la France ». Seulement, ces dispositions sont réservées aux personnes naturalisées depuis moins de dix ans. Elles sont donc parfaitement obsolètes. Car, nous le savons bien – cela a été répété ici –, ce ne sont pas spécifiquement des naturalisés de fraîche date qui rejettent nos valeurs pour devenir des terroristes, mais des personnes françaises, parfois depuis plusieurs générations ! Il existe ainsi une discrimination entre naturalisés et non-naturalisés à laquelle vous manquez l’occasion de mettre fin.
En outre, la forme mouvante de « l’État islamique » rend obsolète l’expression « État étranger », qu’il faudrait remplacer par « intérêts étrangers ». Pourquoi ne pas étendre le champ du code civil et retirer leur nationalité française à tous ceux qui incitent au terrorisme ou en font l’apologie, en général, et aux djihadistes, en particulier ? Voilà qui protégerait vraiment nos compatriotes comme les étrangers qui veulent vivre sur notre sol en toute sécurité et en toute liberté !
Là encore, pourtant, vous tremblez à l’idée de créer des apatrides.
Mme Éliane Assassi. Et vous, que faites-vous quand vous demandez à des enfants leur carte d’identité nationale ?
M. Stéphane Ravier. Mais qui crée des apatrides, chère madame, sinon ceux qui ne se reconnaissent pour pays que cet État dit « islamique », qui a vocation à conquérir par la terreur et les massacres de masse ? Ils ont eux-mêmes choisi de devenir des apatrides du djihad et du terrorisme !
Mme Esther Benbassa. Des apatrides du djihad… C’est n’importe quoi !
M. Stéphane Ravier. Au reste, notre droit nous permet de le faire. Lorsque la France a ratifié la convention sur la réduction des cas d’apatrides, en 1962, elle a émis des réserves qui lui permettent de traiter de tels cas. Au lieu de cela, vous faites semblant de traiter le sujet de la nationalité, en prévoyant simplement de retirer une pièce d’identité.
Mme Éliane Assassi. Mais arrêtez donc avec ça, vous le répétez depuis des années !
M. Jean-Pierre Bosino. Ça vous tient à cœur, la nationalité !
M. Stéphane Ravier. C’est un trompe-l’œil qui n’empêchera rien, ou si peu, dans un espace Schengen où vous avez choisi d’abolir tout contrôle des frontières.
Un dernier point, et non des moindres, n’est pas traité dans ce texte : le laxisme migratoire et ses conséquences.
M. Roland Courteau. Assez !
Mme Esther Benbassa. C’est vraiment votre seul programme politique !
M. Stéphane Ravier. Internet n’est pas le seul vecteur d’endoctrinement. L’islamisme radical a des relais partout dans notre pays. Dans des centaines de quartiers, et pas seulement dans les quartiers nord de Marseille, la pression s’exerce, à travers un endoctrinement de rue au cœur des cités, pratiqué par des fanatiques et autres imams autoproclamés radicaux.
Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Bosino. Oh là là !
M. Stéphane Ravier. Dans bien des quartiers, les signes extérieurs de l’islamisme radical gagnent du terrain. Les codes vestimentaires des femmes comme des hommes en attestent sans ambiguïté.
Mme Éliane Assassi. Votre temps de parole est écoulé !
M. Stéphane Ravier. Alors que la porosité est évidente entre les migrations incontrôlées…
Mme la présidente. Concluez !
M. Stéphane Ravier. … et ces sphères de radicalité, vous continuez à laisser circuler des éléments extrémistes dans nos quartiers, en provenance, qui plus est, de pays où la liberté religieuse n’existe pas.
Dans ce contexte, votre projet de loi souligne surtout votre impuissance, née de votre attachement inconditionnel aux règles internationales les plus néfastes.
M. Marc Daunis. C’est fini !
M. Stéphane Ravier. Nous devons lutter contre les dogmes fanatiques,…
Mme Delphine Bataille. Ça suffit !
M. Stéphane Ravier. … mais ne nous rendons pas fanatiques d’autres dogmes, qui empêchent de véritablement protéger nos compatriotes. Pour ces raisons, je m’abstiendrai, avec mon collègue M. Rachline, sur ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Et pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le texte !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le Parlement français était devenu liberticide, ce serait le signe d’une grande épidémie d’autoritarisme en Europe et dans le monde. Les Anglais eux-mêmes, champions de l’habeas corpus, prennent, comme tous les autres Européens, ce type de mesures, qui répondent à un vrai besoin.
Internet est devenu un vecteur de promotion du djihad et une sorte d’agence de voyage vers les pays du djihad. Il est donc nécessaire de supprimer ces contenus absolument insupportables. Cependant, je reste convaincue que le blocage des sites prévu à l’article 9 ne sera pas efficace et qu’il faudra trouver d’autres moyens.
Ce texte a trouvé un équilibre, même si c’est dans l’urgence et avec des imperfections. Il élude notamment trois sujets majeurs : la prévention, les circuits financiers et le milieu carcéral.
La Haute Assemblée vient de créer une commission d’enquête. Je fonde beaucoup d’espoir sur ses travaux, ainsi que sur l’usage qui sera fait de ses conclusions. Le Gouvernement a parfaitement pris en considération le rapport de nos collègues de l’Assemblée nationale, Christophe Cavard et Jean-Jacques Urvoas, pour réformer les services de sécurité du territoire. J’espère donc que nous pourrons revenir sur le sujet à la suite des travaux de cette commission d’enquête que je préside et dont Jean-Pierre Sueur est le rapporteur.
En effet, des dispositions complémentaires sont absolument nécessaires. En cette matière, le tout-répressif ne peut pas fonctionner. Il faut également envisager des mesures préventives, prendre en compte les flux financiers et endiguer la radicalisation non seulement dans certains quartiers, mais également dans nos prisons.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
16
Simplification de la vie des entreprises
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises (projet n° 771 [2013-2014], texte de la commission n° 60, rapport n° 59, avis nos 41, 51, 52, 53).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce jour pour avancer sur une question absolument cruciale pour l’ensemble de notre économie : la simplification des normes administratives et réglementaires. Voilà pourquoi je tenais à être présent aux côtés de Thierry Mandon, qui a fourni un travail important sur le sujet, même si, je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser, je vais devoir vous quitter pour participer au comité de suivi des aides publiques aux entreprises présidé par le Premier ministre.
Le travail de simplification que porte le projet de loi est crucial, tout d’abord, parce que la complexité que doivent affronter les entreprises et les entrepreneurs au quotidien est l’un des grands blocages qui entravent l’activité. Chaque jour – vous êtes en première ligne pour en faire le constat –, les démarches, la paperasse, la myriade de lois, de règles et de règlements peuvent rendre notre système incompréhensible pour nos concitoyens. Elles peuvent parfois étouffer, plutôt que protéger, et inhiber, plutôt qu’accompagner. Pis, trop souvent, elles fragilisent, plutôt qu’elles ne sécurisent. Au final, cette complexité est un frein à l’innovation, à la création, à l’embauche, c’est-à-dire au dynamisme de notre économie.
La simplification est cruciale, ensuite, parce que nous ne moderniserons pas notre pays sans moderniser les normes administratives et réglementaires qui l’organisent. Nous devons tenir compte des transformations profondes qui sont à l’œuvre. Tout s’accélère, et les nouvelles technologies bouleversent notre rapport au temps. Les informations circulent à grande vitesse et les décisions doivent être prises toujours plus rapidement. La réactivité, l’immédiateté et l’efficacité sont désormais une condition de la survie et du développement de nos entreprises. La simplification, c’est donc une bataille contre les délais, un travail permanent pour permettre aux acteurs économiques de gagner la course contre le temps, si importante pour notre compétitivité.
Elle est cruciale, enfin, parce que la simplification est une condition de l’attractivité de nos territoires, dont vous êtes les représentants. Combien d’entre vous ont vu, comme moi, trop souvent, des entreprises, en raison de l’idée qu’elles se font de la complexité du droit français ou par une expérience malheureuse qu’elles auraient connue sur notre territoire, décider de ne pas réinvestir ou retarder leur décision. Pour être plus attractif, il est donc nécessaire de simplifier.
Ce texte de loi illustre à lui seul la méthode du Gouvernement pour moderniser le pays : une réforme concertée et large pour simplifier.
Nous avons opté pour une approche radicalement différente de celle de nos prédécesseurs : la concertation. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Pourquoi ? Parce que si nous avions agi en quelques semaines, dans la précipitation, sans échanger, sans dialoguer, sans écouter celles pour qui la complexité est un fléau de tous les jours, c’est-à-dire les entreprises, alors nous aurions manqué notre cible. Il faut être conscient de nos propres limites : l’administration ne sait pas faire seule ce travail et contribue parfois elle-même à créer de la complexité.
M. Jean-Claude Lenoir. Qui donc prend les ordonnances ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les ordonnances, qui sont toujours prises dans un cadre législatif bien précis, ont été rédigées en concertation avec les entreprises.
Concerter pour simplifier, c’est faire le choix de ne pas commettre les erreurs du passé. À cet égard, le travail parlementaire a été décisif. Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des sénateurs et des députés qui se sont mobilisés dans ce travail de simplification de la vie de nos entreprises. Je salue en particulier Sophie Errante, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, ainsi que Thani Mohamed Soilihi, rapporteur du premier projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier.
Concerter, c’est aussi s’assurer que la simplification sera efficace et qu’elle ne fragilisera ni les entreprises ni les salariés. Le texte que je vous présente aujourd’hui avec Thierry Mandon n’est ni anti-administratif, ni anti-réglementaire, ni anti-juridique, pas plus qu’il n’est synonyme de dérégulation ou de déréglementation. Il s’agit, au contraire, d’un projet visant à redonner aux normes leur ambition originelle : protéger les Français, tout en leur permettant d’exercer leurs droits et leur liberté.
Ce projet de loi s’inscrit dans un mouvement plus large de simplification engagé par le Gouvernement.
D’abord, le Président de la République avait déclaré, dès le mois de novembre 2012, que la simplification serait une priorité de son quinquennat. Cette priorité irrigue l’ensemble de l’action gouvernementale : le texte que nous vous présentons aujourd’hui est notamment la suite logique de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Deux textes en moins d’un an : c’est la preuve que le Gouvernement, sous la responsabilité et la coordination en particulier de Thierry Mandon, prend le sujet de la simplification à bras-le-corps. S’agissant de mon ministère, 100 % des ordonnances prises à la suite de la loi précitée ont été promulguées.
Ensuite, le 14 avril dernier, le Conseil de la simplification pour les entreprises, que coprésidaient alors Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal, a présenté cinquante premières mesures de simplification. L’acte II de la simplification était alors amorcé. Là encore, ces recommandations sont le fruit d’un travail collaboratif, car ce sont les entreprises elles-mêmes, réunies au sein de dix ateliers permanents, qui ont identifié les « nœuds de complexité », que nous avons ensuite cherché à traiter au travers de différents textes. Aujourd’hui, le Gouvernement traduit ces recommandations en actes. Le texte que nous vous présentons aujourd'hui reprend ainsi quatorze des cinquante recommandations que cette instance a formulées au printemps dernier.
Qu’avons-nous fait des autres recommandations ? Certaines ont d’ores et déjà été intégrées dans des textes législatifs adoptés par le Parlement ; d’autres ont été mises en œuvre sans attendre par décret ou arrêté. Ainsi, le silence de l’administration vaudra désormais accord. Depuis 150 ans, le silence de l’administration à une demande émanant d’un particulier ou d’une entreprise valait rejet. À partir du 12 novembre prochain, ce sera le contraire. C’est une petite révolution administrative !
Ce projet de loi concerne tous les domaines, toutes les facettes de notre économie. Du fait de sa nature, il traite l’ensemble du droit français : droit du travail, de la sécurité sociale, de l’urbanisme, de l’environnement, des sociétés et des obligations. Car c’est bien dans l’ensemble de ces domaines que les entreprises françaises doivent affronter la complexité du quotidien !
Alors, que simplifions-nous ? Je prendrai ici quelques exemples très concrets.
En premier lieu, le projet de loi met fin à des archaïsmes, c'est-à-dire à des dispositions qui n’avaient plus lieu d’être. C’est le cas, notamment, de la déclaration des congés d’été pour certaines professions, comme les boulangers, dont l’origine remontait à la Révolution française.
En deuxième lieu, il renforce la lisibilité de notre cadre juridique. C’est capital pour que les sociétés puissent investir, se projeter dans l’avenir ou même prendre les décisions les plus simples, les plus courantes. Ainsi, en cas de doute sur l’application d’une norme à une situation concrète, une firme pourra interroger l’administration. Celle-ci aura l’obligation de lui délivrer une prise de position formelle et opposable juridiquement, dans la mesure où la situation lui aura été décrite de bonne foi. C’est l’objet de l’extension des rescrits à de nouveaux domaines de l’action publique.
En troisième lieu, enfin, il a vocation à créer de l’activité dans tous nos territoires, en soutenant et en encourageant la création d’entreprise. Des mesures concrètes permettront d’alléger les autorisations préalables à la création d’entreprise : nos concitoyens auront notamment la possibilité de créer une société avec un seul document en un seul lieu. Désormais, il suffira d’accomplir une seule démarche à un seul guichet. Difficile de faire plus simple !
Pour terminer, permettez-moi de revenir sur deux points précis du projet de loi.
D’abord, certains amendements ont peut-être été adoptés de façon prématurée par la commission, même si nous partageons l’objectif recherché. En effet, les projets de texte doivent faire l’objet d’une concertation avec l’ensemble des parties prenantes ; je pense aux articles 28 bis ou 28 ter relatifs à la fusion des chambres territoriales et régionales de commerce et d’industrie ou à l’article 27 bis relatif aux contrats de partenariat public-privé. Si le Gouvernement propose des amendements de suppression de ces articles nouveaux, c’est dans un esprit de construction et de concertation, et non parce qu’il ne partage pas l’objectif final.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ensuite, j’évoquerai deux sujets que je sais particulièrement sensibles : la question de la pénibilité…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Enfin !
M. Emmanuel Macron, ministre. … et celle du droit d’information des salariés. (Ah ! au banc des commissions.)
Simplifier, ce n’est pas faire bégayer la loi. Même si je ne suis ministre de l’économie que depuis quelques semaines, je constate que le législateur a pris des décisions en adoptant des lois. Revenir trop vite sur ces lois sans même attendre qu’elles aient été appliquées reviendrait à créer une forme d’insécurité dans laquelle nos concitoyens ne sauraient se retrouver et nos entrepreneurs y voir plus d’efficacité.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cela ne signifie pas que nous soyons pour autant sourds aux remarques.
La réforme de la pénibilité n’a pas été faite de manière fortuite ou subreptice. Il s’agit en outre d’une belle réforme : elle crée des droits en faveur des Françaises et des Français qui travaillent depuis longtemps. Le système de retraite sera plus intelligent, plus moderne, plus individualisé. Ne nous battons pas contre l’idée ; ce serait un combat d’arrière-garde ! Battons-nous pour faire de cette idée une idée plus pratique.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Les décrets qui ont été publiés ont fait l’objet, là aussi, d’un travail de concertation et de préparation. Ne nous mentons pas ! Ces décrets n’ont pas non plus été élaborés de manière subreptice. M. de Virville, qui est un grand industriel, a travaillé, pendant plusieurs mois, en liaison avec les confédérations, pour faire en sorte que lesdits décrets puissent sortir.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous n’avez pas attendu ses conclusions !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne suis pas en train de vous dire qu’on doit en être totalement satisfait, mais les décrets ont été publiés. Faisons-les vivre et voyons !
Engager dans les prochaines semaines et les prochains mois un travail utile, auquel participerait la représentation nationale dans toutes ses composantes, en collaboration avec M. de Virville et les différentes fédérations, est une responsabilité collective. Voyons de manière pratique les dispositions qui sont applicables et rendons plus efficaces, surtout auprès de nos TPE et de nos PME, celles qui ne le sont pas, afin que cette belle idée soit plus opérationnelle. Donnons-nous du temps, sans créer de l’instabilité ! Soyons plus efficaces en donnant de la visibilité ! Continuons à nous concerter dans le réel !
Pour ma part, j’en suis convaincu, on peut régler la question de la pénibilité de manière plus simple.
Mme Pascale Gruny. Il ne fallait pas prendre les décrets alors !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je le répète, ne nous battons pas contre l’idée, ce serait rétrograde.
Quant au droit d’information des salariés, une disposition que la commission souhaite supprimer, il a été créé par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Toutefois, là aussi, nous devons être pragmatiques, car nous faisons face à un double enjeu : répondre aux centaines d’entrepreneurs qui, tous les ans, ne trouvent pas de repreneurs pour leur entreprise ; offrir le maximum de chances aux entreprises pour assurer la pérennité de l’emploi et de l’activité dans une conjoncture économique difficile au moyen d’un dispositif qui ne concerne que les PME.
Soyons clairs, le texte présentait des difficultés d’application, mais nous avons apporté les premiers moyens d’y remédier. Ainsi, le décret du 29 octobre dernier précise que les cessions en cours, y compris les négociations ayant commencé avant le 1er novembre, sont protégées : ce droit d’information s’appliquera donc uniquement aux cessions dont la recherche de repreneur démarre à compter de cette date.
Les modalités d’information ont également été simplifiées et peuvent se faire, par exemple, sous forme de mail avec accusé de réception.
Par ailleurs, pour sécuriser les chefs d’entreprise, un guide d’accompagnement, préparé sous mon autorité et celle de Carole Delga, a été publié. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement de suppression du nouvel article 12 A.
Enfin et surtout, dans le droit fil de ce qui a été fait pour le compte de prévention de la pénibilité, une mission parlementaire sera mandatée pour évaluer, au début de l’année 2015, les conditions concrètes de mise en œuvre de ce droit. Plus largement, elle émettra des recommandations pour faciliter et accompagner les transmissions et les reprises d’entreprises. Attendons le résultat de cette évaluation avant d’envisager toute nouvelle mesure législative en vue de simplifier ce droit et de le rendre plus opérant.
Je pense partager la philosophie profonde de celles et ceux qui peuvent être angoissés face à la complexité que ces deux dispositifs pourraient créer et la finalité de cette réforme. Mais répondons-nous à l’objectif de simplification si nous créons une autre instabilité ? Je ne le crois pas. Travaillons donc collectivement à rendre les choses plus opérationnelles. Défendons les idées qui répondent à de véritables problèmes et qui font maintenant partie du débat public, mais rendons-les plus opérantes, plus pratiques, plus acceptables pour celles et ceux qui, au quotidien, les vivront, je veux parler de nos salariés et de nos chefs d’entreprise, notamment des plus petites d’entre elles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la simplification est, je l’ai dit, une priorité de ce quinquennat. Le Président de la République l’a rappelé lui-même le 30 octobre, en prenant connaissance des nouvelles propositions du Conseil de la simplification pour les entreprises. Je porterai toutes ces nouvelles mesures dans le futur projet de loi sur l’activité et la croissance, qui sera soumis à la Haute Assemblée au début de l’année 2015. Ce travail continue donc.
Ces mesures concernent les domaines où des blocages existent encore, où des complexités inutiles perdurent ; je pense à la simplification des déclarations fiscales, à la création d’une carte d’identité électronique pour les entreprises ou encore à la réduction des délais en matière prud’homale.
La simplification n’est pas seulement une priorité législative. Elle doit aussi concerner, j’en suis pleinement conscient, nos administrations.
M. Charles Revet. Il y a du travail à faire !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, nous avons tous du travail à faire dans cette perspective.
Pour ce qui me concerne, j’ai demandé à celles et ceux qui sont sous mon autorité de réfléchir et d’agir à l’aune des objectifs que nous avons fixés en matière de simplification.
La simplification est une discipline collective, qui s’applique aussi bien à la fabrication de la loi qu’à celle du règlement. C’est une forme d’hygiène que nous devons tous avoir lorsque nous proposons et décidons.
L’exigence que j’ai à l’égard de mon administration, je l’aurai aussi vis-à-vis de moi-même lors de nos échanges au cours des prochains mois. Reste que la complexité ne vient pas que de l’administration : nous devons tous davantage écouter la société, les acteurs économiques, qui demandent plus de simplification.
Dans cette bataille pour la simplification, nous devons aller jusqu’au bout. Nous n’aurons pas terminé notre travail avec ce texte. D’ailleurs, nous ne l’aurons pas terminé tant que les Français n’auront pas constaté, dans tous les territoires, qu’il est désormais plus simple de créer une entreprise, de la développer et de faire face aux aléas du quotidien. Faisons en sorte que la norme protège, accompagne, libère et que, jamais, elle ne bloque ni n’entrave pour de mauvaises raisons.
Cette bataille n’est donc pas terminée. Vous pouvez compter sur Thierry Mandon et moi-même pour ne pas faillir à la tâche. Je compte respectueusement sur vos suffrages, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que ce texte devienne une réalité pour nos entreprises et nos entrepreneurs et apporte une nouvelle pierre à l’édifice. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. Éric Doligé. Il faut sortir des mots et passer à l’action !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui, comme vient de le rappeler M. le ministre de l'économie, pour nous atteler à une tâche essentielle pour l’économie de notre pays : donner corps par les mesures qui vous sont proposées, éventuellement amendées par la Haute Assemblée, à une politique permettant aux entreprises de se concentrer sur ce pourquoi elles sont faites, à savoir créer de la valeur pour elles-mêmes et leurs salariés, ainsi que pour notre économie.
Il s’agit de permettre aux entrepreneurs de développer, demain, dans un cadre réglementaire et fiscal les investissements nécessaires à la croissance. Plus généralement, il convient de stabiliser un environnement réglementaire qui, à force d’être trop souvent bousculé, insécurise. Bref, nous sommes ici pour faire un véritable travail collectif, afin de traduire dans la réalité un certain nombre d’engagements sur lesquels je reviendrai ultérieurement.
Plus encore que le contenu de ces engagements, c’est l’esprit même de cette politique de simplification que nous devons au préalable partager.
Il faut bien sûr rétablir la confiance entre les entreprises et l’administration, faire de la simplification un outil au service de la croissance et, plus généralement, faire évoluer, dans notre pays, le rapport entre la sphère publique, qui définit, édicte et adopte les normes, et les acteurs de la société. Il convient de créer entre eux une synergie mutuellement profitable, au service de la qualité, de l’efficacité de la loi et de la norme et, bien évidemment aussi, du développement des entreprises.
Ce travail, qui est, en somme, un travail de réconciliation, nous l’entreprenons sans naïveté aucune, mais avec la conviction farouche de servir ainsi un nouvel intérêt public. Son point de départ, que M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique vient d’exposer, est l’idée simple, mais fondatrice, que simplifier n’est pas déréglementer. Il est très important que nous nous accordions sur ce principe, car l’examen du travail accompli dans les pays étrangers ces dernières années montre que c’est de lui qu’ont procédé les succès les plus éclatants.
En vérité, simplifier ne consiste pas à croire que moins il y a de règles, plus facile est la vie des affaires. Au contraire, simplifier suppose de reconnaître que les imperfections des marchés et la complexité de nos sociétés rendent les normes, les règles et les lois nécessaires, mais que celles-ci doivent être claires, lisibles et applicables. Surtout, elles doivent dispenser les plus faibles de nos entreprises – les petites entreprises – comme les plus faibles de nos salariés, mais aussi les plus faibles de nos entrepreneurs de déployer des trésors d’énergie ou de moyens pour faire valoir leurs droits.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la simplification est un combat que l’on mène au nom du droit, d’un droit effectif et réel, et non pour réduire les droits !
Si ce travail, gigantesque, a été amorcé voilà quelques années, au cours de la législature précédente, ce n’est faire ombrage à personne que de reconnaître qu’il a été accéléré par la volonté, manifestée par le Président de la République en 2013, de provoquer un « choc de simplification ». (M. Charles Revet s’exclame.) Je ne fais en cet instant que rappeler des faits connus de chacun.
Reste que nous n’avons pas à tirer de cette politique le moindre motif d’orgueil. Au contraire, nous devons convenir avec une très grande humilité que l’effort mené par la France aujourd’hui est la session de rattrapage d’un travail que les autres grands pays européens ont entrepris voilà plus de dix ans. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) Songez que l’Allemagne l’a entamé en 1999, le Royaume-Uni en 2000 et les Pays-Bas dès 1994.
D’une certaine manière, quand on considère, d’une part, la perte de compétitivité de notre économie et, d’autre part, les coûts induits par l’hypercomplexité réglementaire et le temps qu’elle fait perdre, on peut se demander pourquoi ce « choc de simplification » a été lancé si tardivement dans notre pays.
Les plus optimistes – il y en a sur toutes les travées de cet hémicycle, tant mieux ! – verront dans ce retard à l’allumage une chance qui nous permet de mettre les bouchées doubles pour rattraper notre retard. De fait, la méthode qui fonde le travail proposé procède d’une analyse très précise, réalisée des mois durant, de toutes les expériences menées à l’étranger, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, mais aussi en Belgique et au Danemark.
Nous avons examiné très concrètement les outils mis en place, les méthodes employées et les cibles prioritaires définies pour la simplification par l’ensemble de ces pays. Ce faisant, nous avons réalisé ce que les Français ont parfois un peu de prévention à effectuer : nous avons copié, reproduit ce qui marchait ailleurs, notamment en ce qui concerne la méthode de simplification. Cette méthode, qui a présidé à la préparation du présent projet de loi, tient en trois principes.
Premièrement, il s’agit d’une méthode authentiquement collaborative : les objectifs prioritaires de simplification sont définis non plus par l’administration seule, mais par des groupes de travail composés de représentants d’entreprises et de hauts fonctionnaires ; une fois les cibles fixées, ces mêmes groupes proposent des mesures, notamment à caractère législatif.
Deuxièmement, les propositions présentées relèvent davantage du plan d’action que de la bonne intention. Ainsi, chacune des propositions avancées par le Conseil de la simplification pour les entreprises, désormais coprésidé par un chef d’entreprise, Guillaume Poitrinal, et un parlementaire, Laurent Grandguillaume, est accompagnée d’un calendrier précis de mise en œuvre.
Troisièmement, un bilan très précis de l’application des mesures annoncées est établi tous les six mois, ainsi qu’une évaluation quantitative, souvent indépendante, de leurs effets. Depuis dix-huit mois que le choc de simplification a été lancé, les gains résultant pour notre économie des premières dispositions mises en place sont estimés à 2,4 milliards d’euros ; cette évaluation a été réalisée selon la méthode du standard cost model, utilisée depuis des années en Allemagne et en Grande-Bretagne, par exemple – je le précise à l’intention des experts qui siègent dans cet hémicycle, sur toutes les travées.
M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y a ici que des experts ! (Sourires.)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Pour les trois années à venir, notre objectif est de faire gagner 11 milliards d’euros à notre économie, grâce aux mesures déjà adoptées, à celles qui figurent dans le présent projet de loi et à d’autres qui seront prises dans le cadre d’un certain nombre de grands chantiers dont je reparlerai. C’est dire si l’enjeu est considérable et doit susciter notre adhésion au-delà des clivages politiques.
Le texte dont le Sénat commence l’examen s’inscrit ainsi dans une démarche de longue haleine, qui a déjà conduit, depuis 2013, à la mise en place de plusieurs dispositions. Je pense en particulier aux ordonnances visant à faciliter la densification urbaine en autorisant des dérogations aux règles des plans locaux d’urbanisme et à raccourcir les délais de modification des plans et schémas susceptibles de faire obstacle aux projets de logements et d’immobilier d’entreprise. Je pense également à la règle du « un pour un », inspirée du système britannique, en vertu de laquelle l’édiction de tout décret nouveau créant une charge pour les entreprises doit être compensée par le retrait d’un décret à charge équivalente. Je n’oublie pas non plus les « tests PME ». Des outils existent donc déjà sur lesquels notre politique s’appuie.
Le présent projet de loi tend à compléter cette batterie d’outils. Il comporte, depuis sa version initiale, des mesures en matière de droit du travail, comme l’harmonisation sémantique d’un certain nombre de notions du code du travail. Par ailleurs, il renforce la sécurité juridique du rescrit, qui est un outil très important de développement et de sécurisation de l’environnement des entreprises.
En outre, il modifie substantiellement un certain nombre de règles administratives, notamment en instaurant la fameuse règle du « silence vaut accord », qui s’appliquera, à partir du 12 novembre prochain, à 1 800 démarches administratives accomplies par les particuliers ou les entreprises, soit deux tiers du total des démarches : désormais, lorsque l’administration ne répondra pas, elle sera présumée adopter une position favorable, créatrice par conséquent de droits pour le pétitionnaire.
Le projet de loi comporte aussi des mesures de simplification relatives aux procédures de construction, afin de venir en aide à un secteur qui en a bien besoin. Il comprend enfin des mesures favorables aux projets de production d’énergies renouvelables et d’autres touchant aux actes commerciaux et aux marchés publics.
Quels que soient la nature des textes envisagés et le calendrier parlementaire, nous nous retrouverons tous les six mois environ pour examiner un nouveau paquet de mesures de simplification. D’ores et déjà, M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, avec ses services, les services de la mission Simplification et évaluation et ceux de mon secrétariat d’État, prépare le prochain paquet de mesures, qui sera compris dans le futur projet de loi pour l’activité et l’égalité des chances économiques, que l’on surnomme « loi Macron ».
D’autres dispositions encore sont envisageables, auxquelles nous travaillons dès maintenant. Je pense en particulier à des mesures fiscales, qui ne réduiront en rien les recettes publiques – c’est la charte de notre travail. En effet, il est à la fois possible et indispensable de rendre le droit fiscal plus juste, plus lisible et plus efficace. Il y va de notre démocratie et de l’aptitude des Français à comprendre comment la puissance publique, au moyen de la fiscalité, fait œuvre de redistribution.
Les rendez-vous qui nous réuniront très régulièrement nous donneront l’occasion de débattre de ces diverses mesures. Ils nous permettront aussi d’aborder d’autres questions, comme la déclaration sociale nominative grâce à laquelle nos entreprises gagneront l’équivalent de huit euros par salarié et par mois, ce qui fait quatre-vingt-seize euros par an à multiplier par 21 millions de salariés, soit un enjeu supérieur à 2 milliards d’euros pour notre économie ; les outils nécessaires sont en train d’être progressivement conçus et cette déclaration sera en usage à compter du 1er janvier 2016.
Nous aurons aussi à débattre de la nouvelle fiche de paie qui, pas plus que les autres dispositions que nous prenons, ne vise à supprimer le moindre droit. Elle permettra de mesurer très simplement et très concrètement les efforts fournis tant par les salariés que par l’entreprise, à travers leurs cotisations respectives, pour financer les retraites et l’assurance maladie. Toutes ces informations seront transparentes et la traçabilité des droits sera assurée, de sorte que les salariés pourront, à tout moment, connaître l’ensemble des cotisations. Pour cet outil comme pour les autres, le travail de préparation se déroule de manière collaborative avec tous les syndicats, du patronat et de salariés ; il aboutira au 1er janvier 2016.
De très nombreuses autres mesures sont envisagées ; nous aurons l’occasion de les aborder.
Pour l’heure, mesdames, messieurs les sénateurs, il ressort des différents travaux et débats que vous avez menés en commission, et dont j’ai lu avec grand intérêt les comptes rendus, que deux questions se posent, à propos desquelles je veux, pour conclure, vous apporter des éclaircissements : pour quelle raison le Gouvernement entend-il recourir à des ordonnances et quel est l’intérêt d’un projet de loi qui, s’il couvre un certain nombre de pans de notre activité économique, n’est finalement qu’un petit caillou sur la longue route de la simplification ?
Si le Gouvernement désire procéder par ordonnances, c’est que, dans les matières dont nous parlons, la difficulté consiste dans la mise en œuvre des mesures. En effet, vouloir adopter un dispositif législatif et renvoyer pour son application à des décrets, élaborés souverainement par l’exécutif, revient probablement à sous-estimer la difficulté qu’il y a à s’assurer que les dispositions législatives et réglementaires s’incarnent très concrètement dans la réalité et sont mises en œuvre conformément aux orientations fixées par la loi.
C’est pourquoi le Gouvernement sollicite du Parlement, et en cet instant du Sénat, l’autorisation de légiférer par ordonnance. Au demeurant, nous avons pris l’engagement tout à fait formel d’associer à la rédaction des ordonnances les parlementaires qui le souhaiteront, notamment M. le rapporteur ; nous pourrons ainsi vérifier ensemble que les ordonnances respectent pleinement l’esprit de la décision prise par le Parlement.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Quant à savoir pourquoi le projet de loi traite de sujets aussi différents et variés, de l’urbanisme au rescrit en passant par l’emploi, notamment le titre emploi-service entreprise, il faut garder à l’esprit que notre politique est conçue à partir des priorités exprimées par les entreprises, telles qu’elles sont définies par les dix groupes de travail qui ont été constitués. Chacun de ces groupes de travail, parmi lesquels figurent le groupe « Créer son entreprise », le groupe « Importer et exporter » et le groupe « Faire face aux obligations fiscales et réglementaires », détermine ce qui lui semble le plus important.
Je le répète, selon nous, la vie publique connaîtra un renouveau et un surcroît de richesse si l’on accepte l’agenda de celles et de ceux pour qui la politique est faite. En l’occurrence, ce n’est pas nous qui fixons l’agenda, ce sont les entreprises.
Ainsi, ces dernières ont soulevé la question des congés d’été des boulangers. Le compte rendu des travaux de la commission rapporte que certains ont un peu souri. Seulement, un jour, un boulanger est venu devant l’un de ces groupes de travail, auquel je participais, et nous a expliqué qu’il avait dû payer soixante-quinze euros d’amende parce qu’il avait oublié de déclarer ses congés d’été. C’est comme cela que nous avons appris l’existence du problème.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le secrétaire d’État, la commission vous soutient sur ce point !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Si j’insiste, monsieur le président de la commission des lois, c’est que le procès-verbal fait état de quelques sourires, que, du reste, je comprends tout à fait. Toujours est-il que les boulangers nous ont expliqué combien cette règle était aujourd’hui aberrante et méritait d’être supprimée : imaginez qu’elle date de 1790, lorsque n’existaient ni surgelés, ni grandes surfaces, ni stations-service vendant du pain !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Heureuse époque ! (Sourires.)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Ainsi, notre agenda est calé sur les besoins de respiration exprimés par les entreprises. C’est la raison pour laquelle nous aurons le plaisir de nous retrouver régulièrement pour débattre de ces questions.
Pour ce qui concerne les sujets qui ont été soulevés en commission par voie d’amendement, et qui vont être remis en débat en séance publique, je vous invite, à la suite de M. le ministre de l’économie, de l'industrie et du numérique, à garder la ligne de la simplification dans le respect du droit existant, sans rien supprimer de ce droit. Par exemple, remettre en cause le compte pénibilité ou certaines dispositions de la loi Hamon revient à supprimer du droit existant ; ce n’est pas ce qu’il faut faire. (Mme Annie David acquiesce.)
Peut-être le Parlement, à un autre moment, décidera-t-il de réexaminer ces mesures, même si, personnellement, je ne le crois ni ne le souhaite. Probablement voudra-t-il en compléter, en préciser et en améliorer la mise en œuvre. Tant mieux !
En tout cas, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, à rester soudés, comme l’ont été les députés qui ont adopté ce projet de loi à l’unanimité, pour simplifier au nom du droit. Si vous y parvenez, je ne doute pas de la qualité de vos travaux, ni de l’intérêt de la contribution du Sénat à l’œuvre de simplification ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entendons tous ce constat formulé par nos concitoyens : la loi est trop complexe, trop souvent illisible.
Ce constat, certes basique, est tellement vrai ! La complexité croissante de notre droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous. Il convient donc de balayer notre arsenal législatif, afin d’en extraire l’inutile et de se recentrer sur l’essentiel : tel est le principe même d’un texte de simplification.
Déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 juin dernier, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a été adopté par nos collègues députés le 22 juillet suivant. Une nouvelle fois, nous sommes donc face à un texte destiné à simplifier le droit applicable aux entreprises, véritable « rituel parlementaire », pour reprendre les termes employés par Bernard Saugey en 2010.
Plus de dix années se sont ainsi écoulées depuis l’examen de la première loi explicitement qualifiée de loi de simplification. En tant que rapporteur, j’ai fort naturellement souhaité me placer dans la continuité des travaux de mes prédécesseurs, Bernard Saugey et Thani Mohamed Soilihi, rapporteurs de plusieurs lois de simplification au cours de ces dernières années, dans une démarche constructive. Toutefois, je ne peux qu’exprimer une certaine déception face au présent texte, car il me paraît manquer d’ambition et héberger de nombreuses dispositions sans lien direct avec son intitulé et qui ne concernent pas, en réalité, les entreprises.
Compte tenu des opérations de reconstitution des instances du Sénat à la suite des dernières élections sénatoriales, nous n’avons disposé que d’un temps très limité pour préparer l’examen de ce projet de loi, la conférence des présidents l’ayant inscrit à l’ordre du jour à une date fort précoce, ce qui nous a privés de la possibilité de mieux le structurer. Avec plus de temps, à n’en pas douter, nous aurions pu l’enrichir, ce qui aurait sans doute donné davantage de travail au Gouvernement !
En dépit de ces limites, la commission des lois a examiné ce texte dans un esprit très constructif, considérant que la simplification du droit des entreprises était aujourd’hui un objectif politique partagé et que la plupart des avancées et des améliorations rendues possibles par ce projet de loi, aussi modestes soient-elles, méritaient d’être approuvées.
Comme elle en a l’habitude lorsqu’elle est saisie d’un pareil texte, la commission des lois a délégué l’examen au fond des articles qui ne relèvent pas de sa compétence aux commissions saisies pour avis. Je tiens d’ailleurs en cet instant à remercier très sincèrement mes collègues rapporteurs pour avis de leur contribution à l’amélioration et à la clarification du présent projet de loi.
La commission des lois a conservé l’examen des articles relevant de sa compétence au titre du droit des sociétés, mais aussi du droit administratif, du statut de la copropriété, du droit de la consommation, du droit de la commande publique, ou encore du droit des collectivités territoriales, excusez du peu !
Avant même d’analyser le contenu de ce projet de loi, je tiens à souligner que nous approuvons la poursuite du processus de simplification du droit qui constitue un impératif pour la compétitivité de nos entreprises. Je voudrais d’emblée me féliciter que cet objectif de simplification ait été considéré comme une priorité par les gouvernements successifs, car c’est une bonne nouvelle pour nos entreprises. Alors que la compétitivité-coût de notre pays n’est pas excellente, la simplification de l’environnement juridique des entreprises est un élément, parmi d’autres bien sûr, qui contribue à faciliter les conditions d’exercice de leur activité et donc à soutenir leur compétitivité, en allégeant leurs contraintes.
Les personnes que j’ai entendues en audition ne s’y sont pas trompées, qu’il s’agisse de membres des organisations représentant les entreprises ou les professionnels qui accompagnent les entreprises au quotidien. Tous ont souligné combien il était important que le processus de simplification se poursuive et se pérennise, de façon à être une préoccupation permanente des pouvoirs publics. Le présent projet de loi fait donc l’objet d’une approbation de principe des acteurs concernés.
La recherche de règles plus simples et mieux adaptées aux réalités de la vie économique ne doit toutefois pas faire oublier d’autres exigences, tout aussi nécessaires pour les entreprises, que sont la stabilité de leur environnement juridique et la prévisibilité des normes qui leur sont applicables – je sais que notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui fut longtemps président de la commission des lois, y est particulièrement sensible.
Le présent projet de loi est le cinquième depuis 2012 à afficher pour objectif exclusif la simplification du droit. Il s’inscrit dans le programme de modernisation de l’action publique et de simplification du droit engagé par le Gouvernement, dans la continuité des travaux conduits par le gouvernement précédent.
Je rappellerai ainsi la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, sans oublier la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, dont le présent projet de loi est la suite, ainsi que le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, encore en cours de navette.
Depuis 2012, ces trains successifs de simplification ont pris le relais des quatre propositions de loi de simplification, adoptées lors de la précédente législature sur l’initiative de notre collègue député Jean-Luc Warsmann – la commission des lois a beaucoup critiqué la méthode suivie à l'époque, ce qui me permettra d’être critique sur la méthode actuelle –, faisant elles-mêmes suite à deux projets de loi adoptés lors de la législature antérieure.
Pour autant, l’examen de la noria de textes de simplification demeure un exercice parlementaire difficile, tant la diversité et l’inégale importance des sujets abordés ne favorisent pas toujours un débat éclairé sur les enjeux des mesures envisagées. Le débat est d’autant plus difficile lorsque le texte est constitué pour l’essentiel d’habilitations à légiférer par ordonnance, comme c’est le cas en l’espèce. Aussi la commission des lois a-t-elle régulièrement appelé de ses vœux des lois de simplification plus brèves et construites autour de thèmes circonscrits, de façon à permettre un authentique débat de fond.
À cet égard, je tiens à saluer l’initiative de Thani Mohamed Soilihi, qui a récemment déposé, dans le prolongement de ses travaux de rapporteur de la loi du 2 janvier 2014, une proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce, clairement délimitée à un champ particulier du droit des entreprises, ne visant qu’un seul code dont elle passe en revue un certain nombre de chapitres, permettant un examen nettement plus rationnel et méthodique.
À titre personnel, j’estime, mon cher collègue, que cette proposition de loi mériterait d’être inscrite prochainement à l’ordre du jour du Sénat. Je vais même vous faire une confidence : je souhaitais reprendre l’une ou l’autre des dispositions de votre texte, mais je me suis rendu compte que je ne ferai que déstructurer davantage le présent projet de loi. Au moment, où j’appelle le Gouvernement à nous présenter des textes mieux construits, vous comprendrez donc que je m’en sois abstenu !
Enfin, en dépit de cette continuité politique qu’il convient de saluer dans le domaine de la simplification du droit, je déplore que ce sujet donne parfois lieu à des annonces qui tardent à se concrétiser dans la vie des entreprises, ce qui ne peut être qu’une source de confusion et de méfiance des entrepreneurs à l’égard du discours politique sur la simplification.
On peut, de ce point de vue, citer deux mesures ambitieuses annoncées lors des Assises de la simplification du 29 avril 2011 et qui n’ont donné lieu à ce jour à un aucun résultat tangible – vous pouvez constater, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que je ne réserve pas mes critiques à un gouvernement plus qu’à un autre ! Ces deux mesures ambitieuses ont un nom : il s’agit de la création d’un « coffre-fort numérique », destiné à conserver les informations déclarées aux administrations par les entreprises pour éviter à ces dernières d’avoir à les fournir à plusieurs reprises, et de la simplification tant attendue du bulletin de paie.
D’une part, le « coffre-fort numérique » a fait l’objet d’une habilitation donnée au Gouvernement par l’article 62 de la loi du 22 mars 2012, mais l’ordonnance n’a jamais été prise – exemple à ne pas suivre ! Le programme « Dites-le nous une seule fois », engagé par l’actuel gouvernement, prend le relais de ce projet abandonné, en cherchant, plus modestement et peut-être plus pragmatiquement, à réduire les redondances dans les informations demandées aux entreprises. En tout état de cause, il est indispensable d’avancer sur ce dossier, peu importe comment vous l’appelez, monsieur le secrétaire d'État !
D’autre part, le chantier de la simplification du bulletin de paie, ouvert par l’article 51 de la loi du 22 mars 2012, ne semble pas avoir progressé non plus. Certes, il ne faut pas en sous-estimer la complexité, dès lors qu’il s’agit non seulement de simplifier la lisibilité du bulletin de paie pour le salarié, mais surtout d’en faciliter l’établissement par l’employeur. La loi précitée comportait une habilitation en vue de simplifier le calcul des charges sociales, mais, là non plus, aucune ordonnance n’a été prise. J’ai bien entendu les nouvelles annonces faites jeudi dernier par le Gouvernement en matière de simplification, mais sur la question du bulletin de paie, permettez-moi d’être encore sceptique. Peut-être en reparlerons-nous à l’occasion de l’examen d’un prochain projet de loi de simplification... J’aimerais tant pouvoir en être le rapporteur au cours de mon mandat, monsieur le secrétaire d’État – je vous rappelle que je viens d’être élu et que vous disposez donc de quelques années !
Fort heureusement, cette absence de résultat tangible n’affecte pas tous les chantiers de simplification. Ainsi, prévue par l’article 35 de la loi du 22 mars 2012, la déclaration sociale nominative doit en principe s’appliquer à toutes les entreprises au 1er janvier 2016. Cette déclaration unique, censée remplacer toutes les déclarations que les employeurs sont tenus de transmettre aux organismes sociaux, reçoit assurément les suffrages des représentants des entreprises que j’ai entendus.
Dans ces conditions, l’effort de simplification ne doit pas être relâché. Or le risque de procéder trop systématiquement par la voie des ordonnances peut conduire à se priver de l’appui des parlementaires pour accentuer cet effort, et donc à s’en tenir à un processus de simplification plus administratif que réel, ne visant pas toujours les principales causes de complexité dans la vie des entreprises et produisant, parfois, des simplifications pour l’administration plutôt que pour les entreprises.
Concernant le contenu du projet de loi qui nous est soumis, constitué pour l’essentiel d’habilitations à légiférer par ordonnance, chacun a pu constater son caractère particulièrement composite. Je vous fais part en cet instant, de nouveau, de ma déception.
Je ne saurais reprendre l’expression qu’employa voilà quelque temps notre collègue Bernard Saugey d’« assemblage hétéroclite de “ cavaliers législatifs ” en déshérence » pour caractériser une proposition de loi de simplification particulièrement disparate. Force est cependant de constater que le présent projet de loi est loin de se concentrer sur la vie des entreprises. Il me semble que la loi du 2 janvier dernier était, elle, bien plus centrée sur la vie des entreprises. C’est d’ailleurs ce qui explique que la commission des lois ait décidé, sur ma proposition, de compléter l’intitulé du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, pour rendre compte de sa véritable nature. J’espère que vous avez apprécié le clin d’œil, monsieur le secrétaire d’État !
En effet, de nombreuses dispositions ne concernent pas les entreprises, ou alors de façon indirecte, voire sont des mesures de simplification pour l’administration, ou encore sont non pas des mesures de cette nature, mais des dispositions diverses qui ont trouvé, avec ce projet de loi, un réceptacle bien commode. Ce texte n’évite ainsi ni l’écueil du « fourre-tout », si vous me passez cette expression, ni celui du recours aux ordonnances sur des aspects substantiels.
Ainsi, alors que l’article 6 vise à supprimer la réglementation des congés des boulangers par les maires et les préfets, l’article 26 tend à simplifier les conditions de désignation des commissaires aux comptes des établissements publics et l’article 34 procède, sans aucun rapport lui non plus avec la simplification de la vie des entreprises, à diverses mesures d’adaptation dans le code de la consommation, oubliées voilà quelques mois, à l’occasion de l’adoption de la loi du 17 mars dernier relative à la consommation.
De surcroît, l’approche du projet de loi paraît parfois très pointilliste, ce texte comportant des mesures ponctuelles ne traduisant pas une réelle vision d’ensemble ou une démarche globale de simplification. Ainsi, en matière de droit des sociétés, l'article 12 vise à réduire, par ordonnance, le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Outre que la mesure est loin de faire l’unanimité, s’il faut évidemment simplifier le régime de la société anonyme, la demande réside plutôt dans la mise en place d’un régime globalement simplifié pour les petites sociétés non cotées, de sorte que l’enjeu dépasse alors de loin la simple question du nombre d’actionnaires. La commission des lois a donc décidé de supprimer cette disposition.
Par ailleurs, près de la moitié des articles du projet de loi sont en réalité des habilitations à légiférer par ordonnance, avec des champs très larges dans certains cas, alors que les articles modifiant directement le droit en vigueur ont le plus souvent une portée extrêmement modeste.
À titre d’exemple, l’article 4 du texte reprend à l’identique une habilitation supprimée conforme par les deux assemblées lors de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, notamment en raison de son grave manque de précision.
Il s’agit de donner habilitation au Gouvernement en vue de simplifier ou de supprimer tous les régimes d’autorisation ou de déclaration préalable concernant les entreprises, sans aucun encadrement. Nous avons supprimé cette habilitation en commission et je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement demande, par le biais d’un amendement, son rétablissement pur et simple, sans prendre en compte, dans la rédaction de ce dernier, les demandes de garanties que nous avions réclamées, alors que nous n’avons, je suis bien obligé de le dire, pas d’opposition de principe à cette démarche.
L’article 27 prévoit, quant à lui, la transposition par ordonnance des deux directives du 26 février 2014 relatives aux marchés publics. Il vise également la rationalisation par ordonnance des différents textes traitant de la commande publique, y compris les contrats de partenariat, dans la perspective, à laquelle on ne peut que souscrire, de l’élaboration à terme d’un vrai code de la commande publique.
Nous avions des interrogations sur le champ de cette habilitation, de sorte que la commission des lois a préféré le restreindre à titre conservatoire. Cette fois, le Gouvernement, qui a compris notre point de vue, nous soumet un amendement que nous approuvons et dont la rédaction permet également d’intégrer les préoccupations de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli sur les contrats de partenariat. Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d’État, de regretter que le même dialogue n’ait pas eu lieu au sujet de l’habilitation de l’article 4 dont je viens de parler. Et ce n’est pas faute d’avoir fait des appels du pied !
Il est vrai que nous étions dans des délais contraints, mais recevoir des amendements à vingt-deux heures, alors que l’on doit les examiner le lendemain matin, peut poser un problème. Cependant cette situation ne nous aurait certainement pas empêchés d’en discuter !
Pour autant, le présent projet de loi n’inspire pas que des critiques, loin de là. Vous le savez, des mesures intéressantes et de portée significative y figurent, en effet, par exemple, à l’article 3, l’extension de la procédure du rescrit à d’autres domaines de l’action administrative…
M. André Reichardt, rapporteur. … saluée par l’ensemble des personnes que j’ai entendues en commission comme une avancée réellement utile pour les entreprises dans leurs rapports avec l’administration.
Il en est de même, à l’article 19, de la dispense de signature et la dématérialisation pour un certain nombre d’actes et de décisions administratives qui constituent une simplification, certes, pour les administrations, mais aussi pour les entreprises.
Quand bien même cette mesure ne concerne pas les entreprises, je tiens aussi à mentionner, à l’article 25, la reconnaissance législative complète des conventions de mandat. Elle devrait faciliter la gestion des personnes publiques – les collectivités territoriales, en particulier, que nous représentons si bien, mes chers collègues, dans cette enceinte ! – en leur permettant de recourir à des organismes extérieurs, publics ou privés, pour assurer le paiement de certaines dépenses et l’encaissement de certaines recettes.
Lors de l’examen du présent texte, l’Assemblée nationale a adopté quelques articles additionnels, accentuant le caractère disparate du projet de loi. Il en va ainsi, à l’article 7 ter, d’une habilitation à simplifier différentes dispositions relatives à la cession des lots de copropriété – nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
S’agissant des habilitations, les rapporteurs, saisis au fond ou pour avis, ont veillé autant que possible à préserver la compétence du législateur, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous avons supprimé, par conséquent, plusieurs habilitations qui nous paraissaient excessivement larges ou inappropriées. Nous avons également précisé le champ et la portée d’autres habilitations, tout en approuvant leur objet.
Enfin, nous avons converti certaines habilitations ponctuelles en modifications directes du droit en vigueur, permettant ainsi d’une part, au Sénat de se prononcer immédiatement sur le fond de la règle de droit en cause et, d’autre part, à la mesure de simplification envisagée de s’appliquer sans attendre une ordonnance ultérieure.
J’ajoute que, pour les habilitations portant sur les sujets les plus importants – cette question a encore été discutée en commission ce matin –, il serait de bonne politique, monsieur le secrétaire d’État, que les projets d’ordonnance puissent être transmis aux rapporteurs concernés en temps utile, afin de leur permettre d’en prendre connaissance et de formuler leurs observations. Je le reconnais, vous avez bien voulu tout à l’heure m’en donner l’assurance.
Nous avons aussi souhaité enrichir le projet de loi nous-mêmes par quelques mesures complémentaires de simplification, mais, comme je l’ai déjà indiqué, le temps imparti ne nous en a guère laissé le loisir.
Je ne peux toutefois pas passer sous silence – ce sujet nous occupera dans la suite de la discussion – l’abrogation par la commission des lois, sur l’initiative de M. Hyest, de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise. Nous avons considéré que cette obligation était inefficace, voire dangereuse sur le plan économique et qu’elle était inopérante en pratique. Il s’agit donc pour nous d’une vraie simplification.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bonne initiative !
M. André Reichardt, rapporteur. En tout, mes chers collègues, c’est à ce stade une centaine d’amendements qui vont vous être soumis aujourd’hui, dont une cinquantaine relèvent de la compétence de la commission des lois.
En conclusion, je dirais que le projet de loi ainsi modifié peut, sur certains points – mais seulement sur certains points, à mon avis, trop peu nombreux –, apporter, mais trop faiblement, de l’oxygène à ceux qui entreprennent dans nos villes et nos campagnes, et plus généralement, à ceux qui aspirent à plus de bon sens, et c’est déjà bien ! Nous le savons, l’avenir se construit par la simplification, la lisibilité et la stabilité de nos normes. À cet égard, il reste beaucoup de travail à accomplir !
Cela étant, la commission des lois vous propose d’adopter ce texte de simplification, avec les modifications qu’elle y a apportées et sous réserve de l’adoption de certains amendements que nous allons examiner. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je rappelle que la commission des affaires économiques a reçu délégation pour traiter au fond des articles 7, 9, 10, 11 bis A, 20, 28, 29, 31 bis et 34 bis, et qu’elle s’est saisie par ailleurs, strictement pour avis, des articles 7 bis, 7 ter, 27 et 34.
Je ne souhaite pas revenir sur le contenu d’ensemble du présent projet de loi, car je partage tout à fait les remarques qu’a exprimées André Reichardt quant à notre déception face au manque d’ambition de ce texte. Si celui-ci comporte des mesures utiles, aucune n’est de nature à alléger de façon significative la charge administrative de nos entreprises. On trouve plutôt une collection de dispositions disparates et ponctuelles, dont l’incidence sur les entreprises sera, malheureusement, microscopique.
À mon tour, je suis surprise par la méthode suivie par le Gouvernement pour légiférer. En effet, une partie des mesures proposées ne nécessitent pas le recours à des ordonnances mais peuvent être mises en place directement et donc plus rapidement par le biais du présent projet de loi.
Malgré ces critiques de forme et de fond, j’ai conduit mes travaux de rapporteur pour avis avec le souci d’être constructive et de soutenir, voire même d’amplifier ou d’accélérer, les dispositions qui me paraissent correspondre aux besoins des entreprises et de notre économie. Les amendements proposés par la commission des affaires économiques la semaine dernière en attestent.
À l’article 7, relatif aux procédures d’autorisation d’urbanisme et aux documents de planification, la commission a ainsi supprimé trois des ordonnances prévues pour les remplacer par des modifications directes du droit en vigueur. Les questions abordées ont trait à la simplification des procédures de consultation du public lors de l’autorisation de certains projets de construction ou d’aménagement, à la limitation des exigences en matière de réalisation d’aires de stationnement à proximité des transports publics, ainsi qu’à la possibilité de déroger aux règles de distances minimales par rapport aux limites séparatives. Quant à la quatrième habilitation demandée figurant à cet article, la commission des affaires économiques l’a maintenue, mais après l’avoir réécrite de manière plus précise.
Au passage, je voudrais rappeler que les sujets traités dans cet article ont déjà été abordés dans plusieurs textes du Gouvernement : la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, l’ordonnance du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement, ou encore la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », du 24 mars 2014.
Alors qu’il y a urgence à relancer la construction de logement, le Gouvernement remet son ouvrage sur le métier tous les six mois en moyenne, par la voie de textes partiels qui perturbent, pour les acteurs publics et privés de l’urbanisme et du logement, la visibilité d’ensemble.
À l’article 10, traitant des modalités de gestion des certificats d’économie d’énergie par les PME du secteur du fioul domestique, la commission des affaires économiques s’est efforcée de faire prévaloir une solution de sagesse. Avant tout soucieuse de préserver l’activité sur nos territoires, elle a constaté que les représentants des fioulistes indépendants avaient mis en avant le risque de disparition de 1 800 PME si la simplification proposée par le Gouvernement était adoptée. Pour aller dans le sens de leur demande, elle a donc proposé, à ce stade de la discussion, de réintégrer les fioulistes indépendants dans la liste des obligés.
En même temps, elle a décidé de supprimer la création d’un organisme professionnel de gestion des certificats précités prévue par les députés. Juridiquement fragile et très peu consensuelle au sein de la profession, l’instauration d’un tel organisme supposerait l’affiliation et l’assujettissement obligatoire d’entreprises à des charges importantes selon des modalités complexes. Or, pour faciliter la vie des PME, rien dans la loi n’empêche de recourir à un organisme de gestion existant ou même d’en créer un nouveau.
La commission des affaires économiques n’a pas modifié la rédaction de l’article 11 bis A, ni celle de l’article 20.
En revanche, elle a supprimé l’habilitation prévue à l’article 28 et réécrit ce dernier pour introduire directement dans le code de commerce le statut des écoles d’enseignement supérieur des chambres de commerce et d’industrie, les CCI. Il s’agit de permettre aux chambres de doter leurs écoles d’un statut garantissant l’autonomie de leur gouvernance et facilitant la signature d’accords avec d’autres écoles ou universités, y compris étrangères. Toutes les parties prenantes – Gouvernement, CCI, dirigeants d’écoles consulaires, personnels – ont eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet et les dispositions que devait contenir la future ordonnance ont fait l’objet de travaux approfondis.
La commission a également adopté deux articles additionnels pour faciliter les rapprochements entre les CCI territoriales et leur CCI de région sur la base du volontariat.
Par ailleurs, l’article 29 prévoyait la fusion d’UbiFrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, respectivement chargées de l’accompagnement des exportateurs et des investisseurs étrangers en France. Comme tous les membres de la commission des affaires économiques, je suis favorable à cette fusion qui, dans les faits, est largement engagée. Je suis cependant aussi favorable à une rationalisation plus ambitieuse de notre dispositif de soutien à l’exportation, lequel est aujourd’hui dispersé entre de multiples acteurs.
C’est pourquoi j’ai proposé la semaine dernière à la commission des affaires économiques un amendement, qu’elle a adopté, tendant à créer un groupement d’intérêt économique ayant pour mission de fédérer les acteurs publics et privés du soutien à l’export et de constituer en quelque sorte un « guichet unique » de l’export.
La rédaction suggérée présentait toutefois l’inconvénient de retarder la fusion d’UbiFrance et de l’AFII, alors même que cette fusion était souhaitée par tous et souhaitable. La commission a donc finalement décidé de soutenir le retour à l’habilitation initialement prévue à l’article 29, tout en souhaitant que s’engage un débat sur l’opportunité de prolonger la fusion entre UbiFrance et l’AFII par la création future d’un groupement d’intérêt économique. Nous aurons l’occasion de discuter de cette question avec le Gouvernement lors de l’examen des amendements.
Enfin, l’article 31 bis prévoyait l’adoption par ordonnance de diverses mesures de simplification dans le secteur du tourisme. La commission des affaires économiques l’a largement réécrit en supprimant les habilitations relevant d’autres textes législatifs ou du domaine réglementaire, en précisant davantage le champ des habilitations retenues, en ajoutant deux nouvelles habilitations à modifier le code du tourisme afin, d’une part, de simplifier les procédures de classement des stations de tourisme, et, d’autre part, de préciser le périmètre d’utilisation des chèques-vacances.
Telles sont les dispositions les plus importantes des articles sur lesquels la commission des affaires économiques était amenée à se prononcer au fond. Dans un souci d’opposition constructive, je vous proposerai, mes chers collègues, d’adopter ces articles, – sans pour autant le faire avec beaucoup d’enthousiasme –, sous réserve que les modifications souhaitées par la commission leur soient apportées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a été saisie de huit articles du présent projet de loi portant sur le droit du travail et sur la sécurité sociale. À cette occasion, unanimement, le constat suivant nous a paru être une évidence : l’accumulation des normes et leur instabilité – j’insiste, comme mes collègues, sur cette instabilité – sont un frein au développement de l’activité et de l’emploi.
Ce constat n’est pas le seul fait de cette commission puisque, la semaine dernière, le Président de la République a consacré une demi-journée à ce thème, démontrant ainsi lui-même que le titre ambitieux de ce projet de loi ne correspondait ni aux attentes des entreprises et des Français ni à la réalité qu’ils vivent.
Il est vrai que, dans le domaine social, le législateur et le pouvoir réglementaire se sont fait une spécialité de cultiver la complexité des normes nouvelles, qu’ils édictent sans pour autant alléger le stock de réglementation dont ils ont la charge.
La volonté politique affichée depuis plus de dix ans dans le domaine de la simplification, des lois Warsmann au texte que nous examinons aujourd’hui, n’a pas réussi à inverser cette tendance. Au contraire, on assiste depuis dix-huit mois à un empilement de normes nouvelles, qui pèsent lourdement sur l’activité des entreprises et dont la logique échappe parfois à l’entendement, et ce d’autant que des dispositions voulues, pour ne pas dire imposées, voilà quelques mois sont remises en cause dès qu’intervient un changement de ministre.
Pour ne parler que de ce qui relève du champ de compétence de la commission des affaires sociales, je pense, en premier lieu, au plancher de 24 heures hebdomadaires pour le travail à temps partiel.
Pourquoi 24 heures, alors que la durée légale du travail demeure fixée à 35 heures, ce qui remet en cause la notion même de mi-temps – lequel peut être choisi ! –, et interdit par là même à un deuxième salarié d’avoir un travail ? Pourquoi une règle uniforme, quel que soit le secteur économique ? Pourquoi un dialogue social de branche apaisé ne peut-il s’établir dans des domaines comme le commerce ou les services, pour lesquels une dérogation est indispensable, mais que certains syndicats semblent se refuser à négocier ? Le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n’est pas là pour nous répondre...
À ce jour, un dialogue social constructif sur ce sujet a eu lieu dans seulement trente-sept branches, alors qu’il en existe plusieurs centaines. C’est insuffisant, puisque ces accords ne couvrent que 38 % des salariés à temps partiel. Qui plus est, cette réglementation est devenue une source supplémentaire d’insécurité juridique, en particulier concernant les dérogations individuelles qui peuvent être demandées par les salariés.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue, à mon avis, un second signal contradictoire de la part du Gouvernement quant à sa volonté de simplifier la vie des entreprises.
L’objet de mon propos n’est pas de remettre en cause la nécessaire prévention de la pénibilité au travail ou sa prise en compte pour un départ anticipé à la retraite instaurée par la réforme des retraites de 2010. En revanche, la mise en œuvre au 1er janvier prochain – et a fortiori au 1er janvier 2016 ! – du compte tel qu’il résulte de la loi du 20 janvier dernier paraît impossible pour une très grande majorité d’entreprises.
Les firmes du CAC 40 ne rencontreront sans doute aucun problème, ou auront les moyens de se faire conseiller pour surmonter leurs éventuelles difficultés. Peut-on en dire autant des TPE, des PME, particulièrement celles du BTP, déjà durement affectées par l’atonie de la construction et par la concurrence, souvent déloyale, de ceux qui ont abusivement recours à des travailleurs détachés, malgré toutes les dispositions législatives que nous votons ?
Le Conseil de la simplification pour les entreprises, mis en place au mois de janvier dernier par le Gouvernement, a lui-même regretté l’absence d’étude d’impact sérieuse de ce dispositif et sa mise en œuvre uniforme, sans prise en compte des spécificités propres à chacun des métiers exposant à des facteurs de risques professionnels. Si le Gouvernement a pu sembler ouvert au dialogue sur le sujet, au travers de la mission de concertation confiée à Michel de Virville, les attentes suscitées par celle-ci ont été déçues par la publication, le 10 octobre dernier, du décret fixant les seuils d’exposition aux dix facteurs de risques identifiés par la loi, alors que seuls quatre d’entre eux doivent être pris en compte au 1er janvier prochain.
J’aurais aimé trouver dans le présent projet de loi des réponses aux difficultés que pose ce compte. Ce n’est malheureusement pas le cas, ce qui explique pourquoi mes collègues et la commission des affaires sociales ont souhaité introduire des amendements modifiant cette disposition qu’ils viennent d’adopter.
Si le rapporteur pour avis que je suis estime que le compte pénibilité relevait, lui aussi, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du volet « retraites », j’espère, monsieur le secrétaire d’État – j’ai bien entendu que telle était votre volonté et celle de M. Macron –, que vous saurez imposer à l’administration une réelle simplification, et que vous étudierez, le cas échéant, les amendements de repli adoptés par la commission.
L’actualité sociale a également été marquée par la publication, mercredi dernier, du décret relatif à l’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, issu de la loi relative à l’économie sociale et solidaire.
Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, que le fait de publier des décrets avant même que le Sénat ait pu analyser et voter le présent texte de simplification procède d’une certaine maladresse !
Même si cette disposition ne relève pas des articles dont la commission des affaires sociales a été saisie, j’estime qu’elle est aussi source d’insécurité juridique et fragilise les entreprises à un moment clef de leur existence. Je ne suis pas persuadée qu’elle permettra de sauver des emplois, bien au contraire. Je me félicite donc, à titre personnel, que la commission des lois, sur proposition de notre collègue Jean-Jacques Hyest, ait adopté un amendement tendant à la supprimer.
J’en viens aux modifications apportées par la commission des affaires sociales aux dispositions qui lui étaient soumises et qui, pour la plupart d’entre elles, prennent malheureusement la forme d’habilitations pour le Gouvernement à légiférer par ordonnance. J’ai toujours entendu mes collègues, y compris socialistes, regretter ce type de dispositions...
À l’article 1er, qui porte principalement sur l’extension du titre emploi-service entreprise, le TESE, nous avons souhaité préciser que des efforts accrus devaient être réalisés pour que cet outil prenne automatiquement en compte les conventions collectives applicables, dans un souci de sécurisation juridique des entreprises. Si le TESE n’est pas très répandu, c’est sans doute qu’il ne répond pas à toutes ces attentes. Le chèque emploi-service universel, le CESU, est quant à lui un succès, mais il ne couvre qu’une seule convention collective, alors que le TESE concernera un large champ de conventions.
L’article 2, dont l’objet est l’harmonisation de la notion de « jour » dans la législation du travail, a fait la quasi-unanimité. Cela existe ! Il nous a toutefois semblé opportun d’inscrire dans l’habilitation que cette initiative ne devait pas avoir pour conséquence de modifier les délais existants. J’espère à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que vous lèverez cette inquiétude.
À l’article 2 bis, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale pour instituer une prime à l’embauche d’un premier apprenti dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la commission des affaires sociales a approuvé l’amendement gouvernemental visant à retirer ce dispositif du texte. Les annonces du Président de la République au mois de septembre dernier l’ont en effet rendu obsolète et, au vu de ses incidences financières, il a davantage sa place dans une loi de finances. J’attends désormais des précisions de la part du Gouvernement sur ce dispositif de prime à l’embauche modifié qui a dû être voté, hier soir, par l’Assemblée nationale.
Là encore, je regrette cette politique de stop and go, qui a eu des effets délétères sur l’apprentissage. En ce domaine, le Gouvernement joue les Pénélope !
L’article 2 ter répond à une urgence juridique puisque, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, au mois d’avril dernier, le Conseil constitutionnel a censuré le renvoi fait par le législateur à un accord collectif pour encadrer le portage salarial. Pour que les conditions essentielles d’exercice de cette forme triangulaire d’emploi ne disparaissent pas de notre droit au 1er janvier prochain, il faut agir vite. La commission des affaires sociales a voulu préciser que l’ordonnance prévue créait un cas de recours spécifique au contrat à durée déterminée pour le portage salarial, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux, et qu’elle clarifiait les conditions dans lesquelles sont payées les cotisations sociales liées à l’emploi du salarié porté.
L’article 2 quater vise à corriger certaines incertitudes juridiques liées à la réforme du temps partiel, laquelle représente une grande préoccupation pour les entreprises. La loi est en effet silencieuse sur le sort à réserver aux demandes de salariés travaillant moins de 24 heures par semaine et souhaitant obtenir une durée de travail plus longue.
Les entreprises signalent que, si ces salariés bénéficiaient d’un droit automatique de passage à la durée demandée, elles seraient dans l’impossibilité de mettre en place ce dispositif dans un certain nombre de branches. La solution, évoquée lors des auditions, consistant à instituer une priorité de passage à une durée de travail supérieure lorsqu’un poste compatible avec les qualifications du salarié se libère semble convenir aux personnes que nous avons auditionnées.
C’est en ce sens que la commission des affaires sociales a orienté le champ, large, de l’habilitation. Je crois que c’est également la piste suivie par le Gouvernement. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous le confirmiez.
Enfin, la commission a, adopté un article additionnel visant à pérenniser dans le code du travail le contrat de travail à durée déterminée à objet défini.
Expérimenté depuis 2008 à la suite de la signature de l’Accord national interprofessionnel, l’ANI, par tous les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT, ce contrat a pour objet la réalisation d’une mission dont la durée peut varier de dix-huit à trente-six mois. Destiné exclusivement aux cadres et aux ingénieurs, il n’est pas renouvelable, et est subordonné à la signature d’un accord de branche ou d’entreprise.
Il s’agit donc, par ce biais, non de déréguler le contrat de travail, mais de permettre la poursuite de l’application d’un dispositif qui a fait ses preuves dans des secteurs comme la recherche, alors que l’expérimentation s’est achevée au mois de juin. Le Gouvernement a déposé un amendement tendant à repréciser ces éléments, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Au final, plusieurs reproches peuvent être faits au présent projet de loi.
Sur la forme, tout d’abord, comme l’ont dit avant moi les orateurs précédents, il n’est jamais très agréable pour le législateur d’être dessaisi de sa fonction principale au profit de l’administration. Mais je prends note, monsieur le secrétaire d’État, de votre engagement à associer les rapporteurs à la réflexion sur les parties des textes qui nous concernent, avant que nous les votions et lors de la rédaction des ordonnances !
Sur le fond, ensuite, les mesures proposées sont hétéroclites et ne parviendront pas, à elles seules, à atteindre l’objectif ambitieux fixé dans le projet de loi.
Néanmoins, et c’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a approuvé les articles qui lui étaient délégués, ce texte, si les ordonnances vont bien dans le sens réclamé, apporte des réponses à des difficultés ponctuelles rencontrées par les entreprises et comporte des mesures qui doivent être adoptées dans les plus brefs délais.
J’espère maintenant que nos débats seront l’occasion pour le Gouvernement de préciser le contenu des ordonnances qu’il compte prendre, en particulier sur le temps partiel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage entièrement les propos qui viennent d’être tenus. Mais avant d’aborder les articles qui concernent la commission du développement durable, je voudrais faire quelques remarques sur la forme et, surtout, sur le procédé de la simplification.
Le dernier texte de simplification dont nous ayons débattu dans cet hémicycle nous a été soumis au mois de décembre dernier. Voilà moins d’un an, donc, le Gouvernement nous proposait déjà de traduire dans la loi un certain nombre de mesures destinées à simplifier la vie des entreprises.
Cet objectif, je crois que nous le partageons tous dans cette enceinte. Il y a en effet urgence à « décomplexifier » le droit et à simplifier un certain nombre de procédures administratives qui nuisent aujourd’hui clairement à la compétitivité de nos entreprises.
Mais, en tant que parlementaires, nous nous interrogeons tout de même sur le procédé de simplification qui est utilisé.
Car en toute chose il faut savoir rester modeste.
En réalité, le « choc de simplification » mis en œuvre par le Président de la République s’inscrit dans la continuité d’un processus déjà ancien. Il fait suite aux Assises de la simplification, qui se sont tenues en 2011, et à la révision générale des politiques publiques, bien connue des élus locaux. Le présent projet de loi est d’ailleurs le septième texte de simplification soumis à l’examen du Parlement depuis 2003 !
L’ambition du simplificateur n’est par conséquent pas nouvelle. Aujourd'hui toutefois, non seulement le rythme s’est accéléré au point de devenir effréné, car nous votons quasiment un texte de simplification par an, mais aussi et surtout la simplification a changé de nature. Monsieur le secrétaire d'État, je crois que tout le monde gagnerait à ce que ce fait soit mieux pris en compte. Tirons-en les conséquences. Concrètement, nous ne pouvons plus à l’heure actuelle simplifier comme nous le faisions voilà dix ans, en sortant les mesures de fonds de tiroir.
Instrument occasionnel de « nettoyage » des codes, la simplification est, depuis quelques années, devenue permanente et constitue une politique publique à part entière. L’intitulé de votre fonction en est d’ailleurs la preuve, monsieur le secrétaire d'État.
Cette évolution doit nous rendre vigilants. L’augmentation du rythme, la faible cohérence thématique globale de tels textes – par nature –, malgré leur titre, qui en fait un empilement de mesures disparates, le recours aux ordonnances et l’engagement de la procédure accélérée, tout cela ne peut pas devenir systématique.
Face à ce changement de nature de la simplification, il nous faut réfléchir à une meilleure association du Parlement. En effet, les parlementaires n’ont pas pour rôle d’être présents uniquement en fin de parcours, afin d’enregistrer des textes qu’ils n’ont pas même le temps d’anticiper. J’en témoigne : encore une fois, j’ai eu des difficultés à obtenir les projets d’ordonnances pour lesquelles une habilitation est sollicitée. Nous aurions aimé, y compris depuis l’adoption du texte de l’année dernière et la mise en place du Conseil de la simplification pour les entreprises, que la méthode de travail « collaborative » que vous prônez, monsieur le secrétaire d'État, selon laquelle tout le monde serait associé à la « co-production », au « co-suivi » et à la « co-évaluation » des mesures de simplification, s’étende aux parlementaires !
Déposer une trentaine d’amendements, dont certains tendent à prévoir des habilitations sur des champs complètement nouveaux, la veille de l’examen en séance, non, monsieur le secrétaire d'État, ce n’est décidément pas cela la co-construction législative ! Nous sommes disposés à travailler avec vous, mais pas dans ces conditions.
J’en viens désormais au fond du texte.
D’une manière générale, la commission du développement durable a cherché à trouver à chaque fois un juste équilibre entre une urgence – desserrer sans attendre les contraintes qui pèsent sur nos entreprises – et une vigilance, qui doit être celle du législateur, à savoir ne pas donner un blanc-seing au Gouvernement à l’égard de projets incertains, flous et insuffisamment avancés à ce stade.
Concernant les articles au fond, elle a adopté un amendement rédactionnel à l’article 8 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de créer une autorisation unique en matière de projets de production d’énergie renouvelable en mer et pour les ouvrages de raccordement au réseau public de ces installations. Elle s’est unanimement exprimée en faveur d’une accélération dans le domaine des énergies renouvelables, la France étant en retard par rapport à ses voisins européens.
À l’article 11, sécurisant les demandes d’expérimentations en matière d’autorisation unique pour les installations classées pour la protection de l’environnement, issues de la précédente loi de simplification, la commission a également adopté un amendement de précision.
À l’article 1l bis, autorisant le convoyage par motoneige de la clientèle des restaurants d’altitude, elle a adopté un amendement de coordination. Nous examinerons sur ce sujet deux amendements identiques de suppression déposés par nos collègues du groupe CRC et du groupe écologiste. La commission du développement durable y est évidemment défavorable, puisqu’elle a adopté l’article.
Mme Annie David. Quel dommage !
M. Joël Labbé. C’est un cavalier !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. En revanche, monsieur le secrétaire d'État, elle tient à ce que le Gouvernement s’engage clairement à encadrer cette dérogation, afin que son incidence environnementale soit rigoureusement prise en compte.
Nous devrons enfin nous prononcer sur deux amendements tendant à insérer un article additionnel.
L’amendement n° 67 de Joël Labbé tend à prévoir une dérogation au principe de l’extension d’urbanisation en continuité pour la construction d’éoliennes prévu par la loi Littoral. La commission du développement durable a émis un avis défavorable sur cet amendement, dans la droite ligne des préconisations du rapport d’information relatif à la loi Littoral de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet adopté au mois de janvier dernier, qui a bien mis en évidence la hiérarchisation qui prévaut aujourd’hui : l’objectif de protection de la loi Littoral l’emporte sur le développement de l’éolien terrestre.
Cette priorité sera de toute façon très prochainement rediscutée, puisqu’un amendement visant la même finalité a été introduit par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
L’amendement n° 85 déposé hier soir – hier soir ! – par le Gouvernement a pour objet d’accorder à celui-ci une habilitation pour modifier les dispositions législatives du régime des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT. J’y reviendrai, mais je peux d’ores et déjà souligner que nous avons considéré que cette méthode n’était décidément pas la bonne.
Nous avons cherché à avoir toutes les informations nécessaires et à nouer un dialogue constructif avec le Gouvernement avant d’élaborer le texte de la commission : cela n’a pas été simple ! À aucun moment, le Gouvernement ne nous a fait part de sa volonté de modifier le régime des PPRT. Qui plus est, l’habilitation demandée est très large et vaste. Si le régime des PPRT peut être amélioré, il n’est pas possible de le faire dans ces conditions, littéralement « à l’aveuglette ».
Sur les articles dont elle était saisie pour avis, la commission du développement durable a émis un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 5, qui prévoit une habilitation à prendre par ordonnance des mesures en vue de fusionner des commissions territorialement compétentes – lesquelles ? – en matière d’aménagement du territoire et de services au public.
Elle a également émis un avis favorable aux deux premiers alinéas de l’article 7, à condition toutefois que soit adopté un amendement visant à supprimer l’habilitation et à inscrire directement dans le code de l’environnement une exemption à l’obligation d’enquête publique pour certains types de projets de construction et d’aménagement. La commission saisie au fond a suivi cette position.
Enfin, la commission du développement durable s’est prononcée favorablement sur l’article 21, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour organiser le recouvrement des redevances de stationnement sur la voie publique, à la suite de la dépénalisation des infractions au stationnement payant, avancée à laquelle la commission est très attachée.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les conclusions de la commission du développement durable sur le présent texte et les points sur lesquels ses membres souhaiteraient être rassurés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises s’inscrit dans la lignée des textes que nous avons adoptés depuis une dizaine d’années et qui ont pour ambition de simplifier la vie des entreprises, des citoyens et des administrations.
Ce sont des objets juridiques au contenu hétéroclite auxquels nous sommes maintenant habitués. Le présent projet de loi est déjà le deuxième texte de cette nature que nous examinons depuis 2012. En réalité, il s’agit de textes portant diverses dispositions, même si l’expression « simplification » paraît bien plus porteuse tant politiquement que médiatiquement.
Je trouve l’appellation « simplification de la vie des entreprises » très exagérée. Par exemple, sur les quatorze articles significatifs sur lesquels la commission des finances a été saisie pour avis, six concernent les entreprises et huit l’administration. Il s’agit donc autant, si ce n’est plus, de faciliter le travail de l’administration que le quotidien de milliers d’entreprises.
Non pas que le Gouvernement reste inactif, le Conseil de la simplification de la vie pour les entreprises produit des idées, qui, pour beaucoup, sont mises en œuvre par voie réglementaire. Si ces textes de simplification sont décevants, c’est parce qu’ils ne s’intéressent qu’à des sujets mineurs : ils passent à côté des véritables enjeux.
La simplification que les entrepreneurs attendent, c’est celle du code du travail ou bien du lourd corpus de règles en matière sociale, comme la mise en place du compte pénibilité. Avec plus de 3 millions de chômeurs, cela me paraît le plus urgent.
Il conviendrait surtout de ne pas inventer de nouvelles obligations de toute sorte. Je pense par exemple aux récentes dispositions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui obligent les dirigeants de PME à informer leurs salariés avant toute cession.
On ne peut, d’un côté, prôner une politique active de simplification et, de l’autre, voter des lois qui vont dans un sens totalement opposé. Ce manque de cohérence nuit gravement à la crédibilité de l’action publique et à la confiance en l’État que peuvent avoir les entrepreneurs, en particulier les plus petits.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pour autant, on ne saurait être opposé à la simplification, même si je pense que le présent projet de loi n’est pas à la hauteur des ambitions affichées. La commission des finances a donc travaillé dans un esprit constructif et proposé plusieurs amendements qui ont été retenus dans le texte établi par la commission des lois.
Ainsi, s’agissant des articles 15 et 16, elle a préféré inscrire « en dur » dans le projet de loi les dispositions pour lesquelles le Gouvernement demandait une habilitation à procéder par ordonnance. En effet, il faut veiller à ce que cette procédure soit utilisée à bon escient.
Sur l’article 13, qui concerne les obligations déclaratives des entreprises en matière fiscale, la commission des finances a émis un avis favorable. Néanmoins, elle a également relevé que, sur cet enjeu important de simplification et de compétitivité, le Gouvernement s’engageait sans guère de précision. Il nous faudra être vigilants à ce qu’il épuise le champ large de l’habilitation et ne se contente pas de « mesurettes » pour quelques déclarations spécifiques.
Le ministre s’est notamment engagé à revoir en profondeur la déclaration d’honoraires ou de commissions, dite « DAS 2 ». Toutefois, le Conseil de la simplification pour les entreprises a identifié d’autres déclarations, comme celles qui portent sur les frais généraux ou la déclaration n° 1330 relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui peuvent également être chronophages.
Je souhaite maintenant évoquer l’article 21, qui prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à corriger et à compléter les dispositions issues de la loi Métropole relatives à la décentralisation et la dépénalisation du stationnement.
Vous vous en souvenez, il s’agissait d’une initiative du Sénat, plus précisément de notre collègue Jean-Jacques Filleul, qui répondait aux souhaits émis depuis plusieurs années par de nombreux élus locaux.
J’ai auditionné le délégué interministériel chargé de ce sujet et j’ai pu constater que l’administration, longtemps réticente à cette réforme, s’était mise en ordre de marche pour la mettre en œuvre. Les dispositions prévues par l’ordonnance concernent essentiellement les mesures de recouvrement forcé en cas d’impayés de stationnement. A priori, une modification demandée par le Gouvernement permettra d’élargir le champ de l’habilitation, afin de couvrir les conséquences de la dépénalisation sur l’organisation des juridictions administratives et pénales.
Il appartiendra aux parlementaires, notamment à plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, très investis sur ce sujet, de veiller à ce que le texte de l’ordonnance soit conforme à l’intention initiale du législateur, ce que semblent confirmer les travaux préparatoires de l’ordonnance qui m’ont été transmis. La commission des finances est donc favorable à cette habilitation, qui vise à mettre en œuvre une réforme à laquelle nombre de sénateurs sont très attachés.
Enfin, l’article 30 traite du fichier bancaire des entreprises, le FIBEN, qui recense l’ensemble des crédits bancaires accordés aux entreprises. Il est alimenté par les établissements de crédit ; en contrepartie, ceux-ci peuvent consulter ce document pour s’assurer de la solvabilité d’un emprunteur.
L’article 30 propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures destinées à élargir le nombre d’acteurs qui pourront à la fois alimenter le fichier et, par conséquent, le consulter. J’étais a priori sceptique à l’égard de cet article, ma précédente expérience sur le fichier positif des crédits à la consommation m’ayant rendu prudent sur la mise en œuvre de « mégafichiers ».
Par ailleurs, je ne sais pas si cet article a pour véritable objet de faciliter le financement des entreprises ou bien le travail statistique de la Banque de France et de l’administration.
Je constate, en tout état de cause, qu’il se traduira par de nouvelles obligations déclaratives pour les acteurs du financement qui, à ce jour, n’entrent dans le champ du FIBEN.
La commission des finances n’a pas proposé la suppression de cet article, car j’attendais encore des réponses de la part de l’administration. Malgré les éclaircissements apportés, je ne suis guère plus enthousiaste. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous proposerai un amendement de suppression lors de l’examen des articles.
Vous le constatez, le projet de loi consiste en un empilement de mesures plus ou moins précises et plus ou moins utiles aux entreprises en termes de simplification. Même si elles ne suffiront pas pour restaurer un climat économique fortement dégradé depuis plusieurs années, elles sont pour l’essentiel bienvenues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec le texte que nous nous apprêtons à examiner, le Gouvernement entend franchir une nouvelle étape dans le « choc de simplification » voulu par le Président de la République et engagé depuis plusieurs mois.
Notons tout d’abord la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, puis la loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises du 2 janvier dernier, dont j’ai d’ailleurs eu le privilège d’être le rapporteur et que j’ai pu suivre. Aujourd'hui, je constate avec satisfaction, monsieur le secrétaire d’État, que les ordonnances que ce texte visait ont, depuis lors, toutes été prises. Je tiens à le souligner compte tenu de la méfiance atavique et légitime des parlementaires à l’égard du recours aux ordonnances. La rapidité dans l’action est de nature à atténuer cette méfiance.
Le mouvement de simplification a également été lancé en matière de justice avec le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, qui doit revenir très prochainement devant le Sénat pour une nouvelle lecture.
Toutes les mesures de simplification mises en œuvre depuis dix-huit mois ont d’ores et déjà permis aux entreprises et à l’administration d’économiser plus de 2 milliards d’euros. Le Gouvernement a également annoncé jeudi dernier une série de nouvelles dispositions qui devraient porter à 11 milliards d’euros les gains pour le pays d’ici à 2017.
Le présent texte, comme le premier volet de la simplification de la vie des entreprises évoqué plus tôt, vise à améliorer la compétitivité de celles-ci et à libérer leur potentiel de croissance en simplifiant les démarches administratives et en supprimant des réglementations désuètes ou jugées inutiles au fil de la pratique, sans pour autant diminuer les protections ou les droits essentiels.
En effet, selon le classement du Forum économique mondial de Davos, la France occupe aujourd’hui le cent trentième rang sur cent quarante-huit pays en ce qui concerne le poids des réglementations relatives à la compétitivité de ses entreprises.
Mme Catherine Procaccia. Vous avez bien raison !
M. Thani Mohamed Soilihi. Selon l’OCDE, la complexité administrative, ou « l’impôt papier » comme on l’appelle également, coûterait aux entreprises françaises entre 60 et 80 milliards d’euros par an, soit 3 % à 4 % du produit intérieur brut !
L’urgence et l’attente sur ces sujets justifient donc l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée et le recours aux ordonnances pour certaines dispositions.
Nous serons évidemment extrêmement vigilants lorsque le projet de loi de ratification sera soumis au Parlement, et nous vous demandons instamment, monsieur le secrétaire d’état, d’associer les parlementaires à la rédaction des ordonnances.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis est néanmoins le fruit d’une démarche collaborative tout à fait rassurante, à laquelle vous avez associé, et continuez d’associer, les acteurs économiques et les citoyens.
Il est ainsi la traduction législative de quatorze des cinquante recommandations du Conseil de la simplification pour les entreprises mis en place par le Gouvernement au mois janvier dernier, dont les missions sont d’accélérer la mise en œuvre du programme de simplification à destination des entreprises, d’en garantir la cohérence et, enfin, de proposer de nouvelles pistes de simplification. Cette instance associe administrations et chefs d’entreprise pour répondre au plus près aux besoins réels des entreprises. Vous en avez exercé, monsieur le secrétaire d’État, la co-présidence avec Guillaume Poitrinal, lui-même chef d’entreprise, avant d’accéder à vos actuelles fonctions et d’être remplacé par le député de la Côte-d’Or, Laurent Grandguillaume.
Je tiens à rappeler pour mémoire que les trente-six recommandations restantes n’ont pas été abandonnées. Soit elles ont déjà été mises en œuvre par ordonnances, soit elles sont d’ordre réglementaire.
Cette démarche participative est tout à fait innovante et moderne, car vous avez également mis en place, monsieur le secrétaire d’État, des sites internet pour permettre aux citoyens de découvrir l’ensemble des mesures de simplification en cours et de suivre leur avancement, ou encore de proposer des idées de simplification de l’administration.
Pour toutes ces raisons, je m’étonne que la majorité sénatoriale qui, bien qu’elle ait approuvé la philosophie du présent projet de loi dont elle reconnaît l’inscription dans un processus de simplification de l’environnement juridique des entreprises, semble néanmoins considérer qu’il s’agit d’un texte fourre-tout, dont le contenu est décevant et manque d’ambition. Selon elle, les dispositions qu’il contient ne seraient pas à la hauteur des attentes et des besoins des entreprises et ne constitueraient pas un véritable « choc de simplification ». Pourtant, ces mesures ont été réclamées par les entreprises elles-mêmes !
Ce projet de loi comporte des dispositions d’ordre législatif, mais je rappelle que le volet réglementaire ne doit pas être oublié. La simplification de la vie des entreprises est en perpétuel mouvement. Cinquante nouvelles mesures ont été adoptées jeudi dernier et d’autres suivront très prochainement.
J’ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à simplifier et à clarifier le code de commerce – je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le rapporteur – et j’espère moi aussi que ce texte sera très rapidement soumis au Sénat.
Le présent texte contient certes des mesures éparses, qui, prises séparément, peuvent paraître négligeables pour nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais, mises bout à bout, elles créeront un véritable choc, en redonnant de la confiance, en créant de la croissance et des emplois.
Avec l’extension de l’instrument du rescrit fiscal, par exemple, on va véritablement vers le « choc de simplification ». Cet outil, qui permet à une entreprise d’interroger l’administration, dont l’avis est opposable juridiquement, sur l’interprétation d’un texte en fonction de sa situation, figure d’ailleurs dans une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par des députés UMP. Le succès de la procédure et son utilité avérée pour les entreprises appelaient l’extension de son champ d’application à d’autres domaines de l’action administrative, tels que le droit du travail, le droit de la concurrence, ou encore le droit de la consommation. C’est désormais chose faite.
J’évoquerai également le principe du « silence vaut accord », qui renverse celui qui est en vigueur depuis la publication de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite « loi DCRA », selon lequel le silence gardé par l’administration pendant deux mois sur la demande qui lui est adressée par un usager vaut rejet de celle-ci. Près de 1 200 procédures devraient être soumises à cette règle, ce qui signifie qu’environ deux tiers des régimes d’autorisation deviendront plus simples et plus rapides. Il s’agit là d’une véritable révolution administrative qui facilitera les relations entre les Français et leur administration.
L’habilitation ayant été jugée trop large, l’article 4 a malheureusement été supprimé. Le Gouvernement nous fera, je l’espère, d’ici à la fin de la séance, une liste exhaustive des procédures administratives concernées afin de rassurer mes collègues réticents.
Le premier bilan que l’on peut dresser après dix-huit mois d’action est positif, même si l’on sait qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Le Gouvernement marque sa volonté d’agir de concert avec les acteurs économiques et d’agir vite. On ne peut que souscrire à un tel objectif.
Il serait fort dommageable que le vote du présent projet de loi soit en quelque sorte plombé par la suppression de deux mesures, le compte personnel de prévention de la pénibilité et l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise de moins de 250 salariés, mesures dont le maintien nous semble indispensable.
Pour conclure, permettez-moi de vous faire part d’un regret. La commission des lois, dont je suis membre, a été saisie de ce texte. Elle a décidé d’en déléguer au fond trente et un des articles à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire et à la commission des finances. À titre personnel, je pense qu’un tel éclatement entre cinq commissions nuit à la qualité du travail parlementaire. La transversalité des sujets abordés dans le projet de loi aurait nécessité à mon sens la création d’une commission spéciale, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Tout d’abord, je vous salue, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification. À la suite des dernières valses de ministres et de secrétaires d’état, je ne vous avais pas identifié, ce dont je vous prie de m’excuser. Or voilà une dizaine de jours, en « zappant » un soir, je vous ai vu par hasard, je ne sais ni sur quelle chaîne de télévision ni dans quelle émission. (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Pas de publicité !
M. Joël Labbé. J’ai alors été accroché par vos propos, que j’ai trouvés particulièrement intéressants.
Vous souhaitiez un « gouvernement plus ouvert, plus en dialogue avec la société, plus transparent », arguant que c’était « une des conditions de la réussite des réformes ».
M. Gérard Cornu. Quel coup de brosse !
M. Joël Labbé. La brosse, ce n’est pas mon genre, mon cher collègue, rassurez-vous !
Quoi qu’il en soit, je partage totalement ces convictions, monsieur le secrétaire d’état.
Plus en dialogue avec la société, c’est essentiel !
Je suis personnellement très préoccupé de savoir à quel point notre population se sent en rupture avec sa représentation nationale. Je pense que ce sentiment de malaise est partagé par un certain nombre d’entre nous. Un sondage IPSOS datant du mois de janvier dernier illustre parfaitement cette rupture : 72 % de la population ne font pas confiance à l’Assemblée nationale tandis que 73 % de nos concitoyens n’accordent pas leur confiance au Sénat ; 78 % des Français ne croient plus en général à la chose politique.
Il est donc grand temps que, collectivement, nous nous remettions en question. Je tenais à vous le dire en préambule, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans toutefois donner de leçon.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez aussi déclaré vouloir développer toutes les méthodes collaboratives pour dessiner de nouvelles solutions, et ce avec des exigences méthodologiques très strictes. C’est important.
Pour la rédaction du présent projet de loi, ou plutôt pour sa co-rédaction, vous avez mis en place une série d’ateliers participatifs. Le texte initial, ultérieurement amendé par l’Assemblée nationale, contenait selon nous des avancées fort intéressantes.
C’était avant son passage en commission au Sénat, où pas moins de quatre commissions ont été saisies pour avis, ce qui n’est pas la meilleure des méthodes. Résultat : le texte que nous examinons en séance est bien différent de celui résultant des travaux de l’Assemblée nationale. Alors qu’on le trouvait tout de même un peu fourre-tout, il a désormais beaucoup perdu de sa portée, ce qui est particulièrement décevant.
La commission des affaires sociales a introduit le contrat de travail à durée déterminée à objet défini, une nouvelle forme de contrat précaire pour les cadres ayant déjà été introduit à titre expérimental dans la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Je regrette que ce mécanisme ait été réintroduit dans le présent projet de loi sans que l’usage qui en a été fait ait été évalué et sans que le bénéfice réel retiré par l’entreprise et par le salarié par rapport au CDD classique ait été mesuré.
Nous devons mener une grande réflexion sur l’emploi et sa rémunération. Une étude vient de montrer que les robots pourraient remplacer 3 millions de salariés d’ici à 2025. Que ferons-nous lorsque nous aurons 6 millions de chômeurs ? Est-ce que nous inventerons le contrat de travail imaginaire ? Aussi, je plaide pour la suppression de l’article 2 quinquies introduit par la commission des affaires sociales.
L’article 12 A supprime une disposition importante de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui oblige à informer les salariés en amont de la vente de leur entreprise afin de leur en permettre la reprise éventuelle. Si l’on peut comprendre les critiques portant sur cette disposition, il faut également tenir compte des avantages qu’elle comporte, afin, comme l’a dit M. le ministre précédemment, de favoriser au maximum la reprise d’entreprises et le maintien de l’emploi.
Je proposerai également par amendement la suppression de l’article 11 bis introduit à l’Assemblée nationale et qui vise à autoriser, par dérogation au code de l’environnement, le convoyage par motoneige de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration. Bel exemple de cavalier législatif !
M. André Reichardt, rapporteur. Tout à fait !
Mme Annie David. Bien sûr que c’est un cavalier !
M. Joël Labbé. Un cavalier blanc qui aurait pu se fondre dans les somptueux décors enneigés de nos espaces naturels… Mais c’est un cavalier bruyant, et c’est là son grand défaut !
Sérieusement, nous sommes dans cet hémicycle pour défendre l’intérêt général et le bien public ; or l’article en question ne concerne strictement que quelques intérêts très privés et favorise une pratique qui va à contre-courant de la défense du bien public.
Je me suis renseigné sur le fonctionnement actuel des restaurants d’altitude : on y accède à pied, à ski ou en raquette, ce qui fait l’intérêt et le charme de ces établissements, situés dans un cadre extrêmement privilégié. Une simple augmentation de l’amplitude horaire des remontées mécaniques donnerait une réponse complémentaire plus que satisfaisante.
N’oublions pas, quand même, que 40 % des Français ne partent plus en vacances,…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Joël Labbé. … que moins de 10 % vont aux sports d’hiver dont un très faible pourcentage profite de la restauration d’altitude. Le maintien de cet article serait un scandale aux yeux des Françaises et des Français,…
Mme Annie David. Très bien !
M. Joël Labbé. … que nous représentons et avec lesquels nous nous devons de renouer le dialogue.
Pour rester dans le domaine de l’hôtellerie, j’ai proposé un amendement tendant à protéger les professionnels contre l’abus des centrales de réservation qui opèrent un véritable racket – tout en ayant, d’ailleurs, un siège à l’étranger – et qui mettent à mal la petite hôtellerie familiale, élément de notre patrimoine. Malheureusement, cet amendement a été déclaré irrecevable ; je fais toutefois confiance au Gouvernement pour s’occuper pleinement de la question et je ne manquerai pas de le questionner sur le sujet, et, si besoin est, de l’interroger de nouveau.
Enfin, je me dois de parler de la ferme des mille vaches, question qui n’est pas sans rapport avec le présent texte, une exploitation agricole étant aussi une entreprise.
La semaine dernière, j’ai « séché » les travaux de la commission des affaires économiques, car j’avais choisi d’être présent au procès qui s’est déroulé à Amiens. Une grande majorité des Françaises et des Français que nous représentons et avec lesquels nous nous devons de renouer le dialogue, je le répète, s’oppose à ce type d’industrialisation et de financiarisation de notre agriculture. Une opposition déterminée à réduire le nombre de vaches de 1000 à 500 s’est fait jour, mais ce nombre est encore beaucoup trop élevé.
Seulement voilà : le contexte législatif actuel ne nous permet pas de limiter la concentration des terres, ou, du moins, ceux qui souhaitent réaliser une telle concentration ont les moyens de contourner l’exercice du nouveau droit de préemption des SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, sur les parts de société.
Aussi, j’ai déposé un amendement visant à permettre aux SAFER de préempter non pas la totalité, mais la majorité des parts de société. Il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, ce que je conteste, car les SAFER sont financièrement indépendantes.
C’est pourquoi, même si la commission n’aime guère les demandes de rapports, je sollicite par amendement, avec force, un rapport au Gouvernement sur l’extension du droit de préemption des SAFER aux parts de société, y compris dans le cas où la cession ne porte pas sur l’intégralité des parts. Je suis convaincu que cet amendement recueillera une majorité de voix au sein du Sénat, et peut-être même l’unanimité.
En outre, j’ai reçu, hier, des représentants de la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, du Morbihan qui ont tenu à me faire part du sentiment de grande lassitude qui règne dans tous les métiers du bâtiment en raison de l’extrême complexité des dossiers d’aides publiques dans le domaine de la rénovation. Ils souhaitent une véritable simplification en la matière, et pourquoi pas l’instauration d’une TVA à 5,5 % pour l’ensemble des travaux. Je crois que cette mesure doit être étudiée, monsieur le secrétaire d’État.
Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, il faut vraiment travailler à une procédure beaucoup plus simple, tout en maintenant ce dispositif, qui est essentiel.
Un mot, enfin, sur les banques, qui ne jouent pas leur rôle de soutien à la trésorerie des très petites entreprises.
Pour conclure, je suis très favorable à la simplification de la vie des entreprises et je souhaite vivement pouvoir voter en faveur du présent projet de loi. Néanmoins, si le texte n’évoluait pas au cours de la discussion et si mes amendements ne recevaient aucun écho, je pourrai m’abstenir, de même que les membres de mon groupe.
17
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Lors du scrutin n° 7 sur l’amendement n° 2 rectifié déposé à l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, j’ai été déclaré votant pour, alors que je souhaitais m’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
18
Simplification de la vie des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Tout d’abord, monsieur Labbé, je suis d’accord avec vous concernant la ferme des mille vaches : je trouve le projet scandaleux et je partage votre combat.
Pour revenir au texte en discussion, l’usage sémantique du mot « simple » qui y est fait n’est pas du tout effectué à bon escient. Paul Valéry aurait pu s’inspirer de ce projet de loi lorsqu’il a écrit : « un sujet d’une étendue immense et qui, loin de se simplifier et de s’éclaircir, ne fait que devenir plus complexe et plus trouble à mesure que le regard s’y appuie. »
Les sénateurs du groupe CRC ne sont pas opposés à une simplification de la vie des entreprises, et encore moins à une simplification de la vie des Français. Bien au contraire, nous appelons de nos vœux un certain nombre de mesures, par exemple, l’instauration d’un tiers payant généralisé chez le médecin, disposition utile pour nos concitoyens les plus modestes et qui figurait dans le programme de campagne du candidat François Hollande. Preuve qu’il y avait du bon dans ce programme !
Pourtant, à la lecture de ce projet de loi, on a le sentiment que lorsqu’il s’agit de simplifier la vie quotidienne des Français, le Gouvernement donne du temps au temps, alors que, pour les entreprises, il accélère le changement !
La simplification est une démarche louable, mais, dans le cas présent, elle s’avère trompeuse en raison d’un certain nombre de dispositions.
Avant tout, je voudrais dire un mot sur la procédure employée, qui nous paraît critiquable.
Le présent projet de loi prévoit de modifier huit codes différents, pour l’essentiel par la voie d’habilitations à prendre des ordonnances. Ce recours massif à des habilitations au contenu étendu et incertain n’augure pas d’un travail serein sur le contenu du texte.
Le Gouvernement ne peut pas poursuivre cette stratégie de la coquille vide où les représentants du peuple sont exclus des décisions à mettre en œuvre pour le pays. Les arguments relevant de la complexité et de l’obligation d’aller vite ne peuvent être acceptés en permanence.
Cette critique est accentuée par le fait que de nombreux articles du texte que nous examinons sont issus des propositions du Conseil de la simplification pour les entreprises. Or cette instance n’est composée que d’élus, de hauts fonctionnaires et de chefs d’entreprise. Cela fait déjà beaucoup de monde, mais aucun représentant de syndicat de salariés n’y siège, par conséquent n’a eu son mot à dire. Alors que l’heure est plus que jamais au développement de la démocratie, les salariés auraient certainement été une force de propositions pour la rédaction de ce texte.
Aussi, pour les membres du groupe CRC, la simplicité ne rime pas avec la facilité, tant ce projet de loi procède à un certain nombre de modifications d’importance. Certaines ont déjà été supprimées par la commission des lois, mais d’autres demeurent, notamment celles qui sont relatives au code du travail.
Ainsi, nous ne pouvons pas adhérer à un texte qui considère comme une mesure de simplification la mise en œuvre du CDD à objet défini. Cette disposition ne trouve pas sa place dans un projet de loi ayant pour objet la simplification et sur lequel est engagée la procédure accélérée. Nous estimons qu’un réel débat démocratique doit être mené sur cette question en concertation avec les représentants des salariés et avec les parlementaires.
Il nous est également proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes les mesures relevant de la loi pour harmoniser la définition et l’utilisation des notions de « jour », et ce afin d’adapter la quotité des jours dans la législation du travail et de la sécurité sociale. Actuellement, cinq notions de « jour » sont utilisées : jour calendaire, jour ouvrable, jour ouvré, jour franc et jour de travail. Là aussi, selon la notion retenue, l’harmonisation aura des conséquences pour le monde du travail.
Un autre article habilite le Gouvernement à déterminer les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial, dont nous connaissons tous les méfaits sur les conditions de travail des salariés pour qui la précarité deviendra alors une norme. Là encore, nous ne pouvons pas nous priver d’un véritable débat démocratique sur un sujet d’une réelle importance pour nos concitoyens.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, la simplification est fort compliquée !
Il en va de même des autres thèmes abordés dans ce pêle-mêle de dispositions qui nous est proposé. J’en veux pour preuve les mesures dans le domaine de l’environnement, par exemple la réforme des certificats d’énergie. Pourquoi en débattre à l’occasion de l’examen de ce texte, alors que la plupart d’entre elles auraient dû trouver leur place dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ? Où se situent la logique et la simplification ?
Quant aux mesures qui relèvent des commissions des affaires économiques et du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, notons la volonté, une nouvelle fois affirmée et amplifiée d’ailleurs en commission, de déréglementer le droit des sols, ouvrant ainsi la voie à de multiples dérogations au plan local d’urbanisme, qui relève de la compétence des maires – à cet égard, je me demande si le but visé n’est pas d’écorner le pouvoir de ces derniers. Il faut faire confiance aux maires !
Nous ne pouvons pas non plus souscrire à la volonté de remplacer dans un certain nombre de cas l’enquête publique par une simple mise à disposition du public.
Que dire, aussi, des mesures remettant en cause les dispositions de la loi ALUR, notamment l’article 7 ter, qui revient sur la mention de la surface habitable ? Sur le fond, nous considérons que le présent projet de loi n’est pas de nature à résoudre le problème de la construction qui est moins lié aux normes et à leur complexité qu’à l’asséchement des crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2015.
De plus, nous avons étudié attentivement l’article 27 qui a trait aux marchés publics. Nous avons regretté, dans un premier temps, que l’objet de cet article soit, une nouvelle fois, de démanteler la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP ». Pour cette raison, nous souscrivons à la réécriture de la commission ainsi qu’aux amendements adoptés qui tendent à limiter et à clarifier le recours aux contrats de partenariat, même si, pour notre part, nous souhaitons aller encore beaucoup plus loin dans la limitation de ceux-ci.
Le dernier volet de ce projet de loi porte sur les mesures fiscales et comptables en faveur des entreprises qui se résument essentiellement à l’extension des procédures de télédéclaration et de télépaiement des impositions dues par celles-ci, qu’il s’agisse des grandes sociétés comme des entreprises à caractère artisanal. Ces procédures leur sont de plus en plus imposées. En réalité, elles sont les effets de la politique constante de réduction des effectifs de la direction générale des finances publiques.
Évidemment, dans ce contexte, se pose aussi la question de la fiabilité du contrôle et du suivi du dossier des entreprises. À l’heure où tant de recettes font défaut aux caisses de l’État, peut-on prendre le risque de diminuer les contrôles ?
Vous le constatez, mes chers collègues, le présent projet de loi, qui semble se limiter à faciliter l’obtention de certaines autorisations, à ouvrir la possibilité de dématérialiser certains documents et à harmoniser différents codes, sert en réalité de véhicule pour faire passer des réformes qui touchent au fond du droit, notamment au droit du travail.
Un certain nombre de choix qui sont opérés devraient faire l’objet de véritables débats politiques et non pas figurer dans un projet de loi dit « de simplification », générateur de déréglementation et débattu quelque peu à la hâte. Cela n’est pas une garantie pour l’avenir.
Monsieur le secrétaire d’État, tout à l’heure, dans votre propos liminaire, vous avez parlé de « choc de simplification » et de « rattrapage », et vous avez dit qu’il fallait « mettre les bouchées doubles ». En fait, c’est une route chaotique et peu sûre que vous nous proposez d’emprunter. Pourvu que ce ne soit pas une impasse sans espoir pour notre peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en introduction de mon propos, je rappellerai une anecdote relatée dans le rapport Lambert-Boulard consacré à l’inflation normative.
Par application du décret du 22 octobre 2010, depuis le 1er mai 2011, une nouvelle réglementation antisismique est applicable aux nouvelles constructions dans des zones qui n’ont jamais connu de secousses sismiques. Pour un collège en construction au Mans, une ville qui n’a pourtant jamais connu de tremblement de terre – des courses automobiles, oui, mais pas de tremblement de terre ! (Sourires.) –, le redimensionnement des fondations correspond à un surcoût de 100 000 euros pour les classes et de 60 000 euros pour le restaurant. Le rapport précité proposait une mesure de bon sens : abroger les contraintes antisismiques là où la terre n’a jamais tremblé.
M. Jean-Jacques Hyest. On ne sait jamais !
M. Jean-Claude Requier. Nos entreprises, notamment les PME, qui représentent 57 % de la valeur ajoutée, 65 % des emplois marchands et 82 % des emplois créés dans notre pays, sont soumises au quotidien à de lourdes procédures administratives qui entravent leur développement et leur action. Plusieurs fois par an, elles doivent communiquer leur chiffre d’affaires, faire part de leur respect des normes environnementales, paritaires et autres, sans que les différentes administrations soient aujourd’hui en mesure de croiser, et donc de coordonner les informations qui ont déjà été transmises. Il y a de quoi décourager tout esprit d’entreprise !
Mme Françoise Laborde et M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Au mois de mars 2013, le rapport Lambert-Boulard rappelait : « Le stock est évalué à 400 000 normes. Il s’est constitué au fil du temps par addition, sédimentation, superposition, comme les couches d’une géologie juridique. » Et le même rapport d’ironiser sur le phénomène : « La seule nuit d’abrogation s’est déroulée le 4 août 1789… » Voilà donc plus de 225 ans !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Roland Courteau. Exact !
M. Jean-Claude Requier. La France a par conséquent bien besoin du choc de simplification. Celui-ci participe d’ailleurs à la mise en œuvre de l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Selon un chiffrage de l’État, pour notre pays, il devrait découler des mesures de simplification une économie globale de 2,4 milliards d’euros.
Mais encore faut-il s’interroger davantage sur les raisons d’une telle complexité des normes, sans quoi la simplification se réduit à un trompe-l’œil pour nos concitoyens.
Plusieurs maux ont déjà été soulignés de longue date : l’inflation normative et ses corollaires, l’usage de la procédure accélérée à tout-va, la sur-transposition des directives européennes, qui surajoute de nouvelles obligations à d’autres, l’absence d’étude d’impact sérieuse accompagnant le plus souvent les projets de loi – les membres du groupe du RDSE ont fait remarquer ce paradoxe lors de l’examen de la réforme territoriale : l’étude d’impact a été conçue pour améliorer la fabrique législative, mais se trouve réduite aujourd’hui à une pure formalité technique –, la simplification par le biais de lois de simplification sans vision d’ensemble, source de complexification…
Pour ne s’attarder que sur cette dernière cause, il est à noter que le Parlement est en quelque sorte « dessaisi » par ces lois fourre-tout qui survolent tous les sujets sans les approfondir. Le législateur se voit ainsi privé de son rôle constitutionnel d’artisan de la loi sur des thèmes aussi essentiels que le droit du travail et la sécurité sociale.
De surcroît, en l’occurrence, la procédure accélérée est une nouvelle fois utilisée, une procédure dont on use et abuse… Les membres de mon groupe l’ont dit et répété en d’autres temps, sous d’autres majorités, et nous regrettons que cela ne change pas.
Cinq projets de loi affichant un objectif de simplification ont été successivement examinés en à peine deux années. Les lois adoptées sont ainsi devenues l’occasion de pallier les carences d’autres lois à peine promulguées. Comment ne pas voir que ce genre d’habitus législatif crée de la confusion chez nos concitoyens, qui ne savent plus à quelle norme se fier, et qui vont se perdre dans le jeu multiple des abrogations et des entrées en vigueur, repoussées, puis avancées et finalement encore décalées ?
Les mesures proposées dans le présent projet de loi en matière de droit du travail – portage salarial et apprentissage – auraient dû faire l’objet, a minima, d’un projet de loi spécifique et, a maxima, d’une grande concertation des partenaires sociaux, comme la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail en a posé le principe.
Par ailleurs, il est à noter que c’est le fonctionnement de l’administration qui est le plus souvent en cause, du fait de rigidités structurelles et de certains comportements ancrés dans la pratique. Tel est largement le cas en matière d’environnement. Il suffit de penser à l’abandon de la construction du centre de formation du Stade brestois pour protéger… l’escargot de Quimper ! (Exclamations.)
Dans un contexte économique difficile, l’abandon de ce chantier de 12 millions d’euros, pour lequel quarante entreprises avaient répondu aux appels d’offres, devient difficilement justifiable.
De plus, comment expliquer que ce qui fait foi, à savoir le Journal officiel, n’est pas intelligible, car non consolidé, alors que ce qui est accessible ou intelligible – les bases de législation consolidée, comme le site Légifrance – ne fait pas foi ? En simplifiant la forme, l’administration contribuerait certainement à se donner les moyens de simplifier le fond.
Accessibilité du droit, dématérialisation des démarches administratives, coordination des divers services, circulation de l’information, tels sont les chantiers urgents de la simplification, qui doit se transformer en véritable révolution de l’esprit administratif.
Les membres du groupe du RDSE voteront le présent texte, mais ils appellent le Gouvernement à revoir sa méthodologie de simplification. Si l’objectif n’est pas contestable, les moyens pour l’atteindre le sont beaucoup plus. Vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, parfois, les lois de simplification sont source de plus de complexité qu’elles ne permettent de remédier à des difficultés.
En conclusion, le poète français Pierre Reverdy écrivait : « Ce n’est pas si simple que ça, d’être simple » (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. André Reichardt, rapporteur. C’est même très compliqué de faire simple !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty. (M. Olivier Cadic applaudit.)
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas souscrire à une démarche de simplification ?
Dans un monde hypercomplexe, aux multiples sources de production normatives et réglementaires, imbriquées et enchevêtrées, la simplification, souvent d’ailleurs associée à la transparence, est devenue à la fois un mirage et un gadget de l’action publique.
Jugeons-en par un seul chiffre : depuis dix ans, on peut recenser treize lois de simplification. Celle que nous nous apprêtons à adopter sera la quatorzième ! La quinzième ne devrait pas tarder si l’on en croit les récentes annonces du Président de la République. Preuve s’il en est que, en la matière, le volontarisme politique ne suffit pas, car la complexification – ce n’est pas seulement une impression, car je suis aussi dans ma vie professionnelle chef d’entreprise de PME – progresse plus vite que la simplification.
En effet, au-delà de l’incantation et de tous les effets d’affichage, il y a la difficulté objective à opérer.
En l’occurrence, que nous propose-t-on ? Certainement pas le fameux « choc de simplification » annoncé depuis plus de deux ans !
Le présent projet de loi de simplification est tout à fait classique par rapport à ses prédécesseurs. Il s’agit d’un texte de recours massif aux ordonnances et, vous le savez, nous sommes toujours par principe très réticents face à ces ordonnances qui dessaisissent le législateur.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Jean-Marc Gabouty. Mais nous pouvons aussi comprendre que la formule soit commode et se justifie dans des matières très techniques où le réglementaire le dispute au législatif, ce qui est largement le cas pour bon nombre des sujets abordés dans le texte que nous examinons. Nous n’en ferons donc pas un casus belli.
Mais ce projet de loi de simplification, comme tous ses prédécesseurs – c’est sa seconde caractéristique – constitue un texte fourre-tout, un catalogue assez hétéroclite de mesures.
Du droit du travail au droit des sociétés, en passant par les déclarations de fermeture des boulangeries – voilà longtemps que celles-ci sont peu effectuées –, son champ matériel est des plus larges, au point que son examen au sein de la Haute Assemblée a dû être saucissonné entre cinq commissions différentes sur les sept commissions permanentes que compte le Sénat. La performance est notable !
Parmi la cinquantaine de mesures proposées, certaines attirent plus spécifiquement notre attention et méritent d’être saluées – nous sommes parfois d’ailleurs en désaccord avec la commission des lois sur ce point : l’article 2 quater permet de régler une insécurité juridique liée aux dispositions relatives au travail à temps partiel ; l’article 4 – j’en regrette la suppression –, l’article 12 – j’en déplore l’amputation – et l’article 13 pouvaient permettre la suppression ou l’allégement de quelques régimes d’autorisation préalable, ainsi que la simplification de certaines obligations déclaratives des entreprises et de certains aspects trop contraignants du droit des sociétés ; l’article 27 simplifie, très partiellement d’ailleurs, le droit de la commande publique.
Je salue aussi particulièrement l’initiative de mon collègue Jean-Jacques Hyest. À la suite de l’adoption de son amendement par la commission des lois, l’article 12 A supprime les dispositions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui créent une obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise. Mais Olivier Cadic y reviendra dans un instant.
Bref, il serait à la fois fastidieux et inutile de commenter chacun des articles du présent projet de loi. Parce que, une fois de plus, il s’agit de simplifier par petites touches impressionnistes, à la marge, de façon homéopathique, pour ne pas dire cosmétique.
Pourrait-on faire autrement ? Même si ce n’est pas évident, je le crois.
Et pour y parvenir, je pense qu’il faut se poser une question élémentaire : pourquoi simplifier ? Autrement dit, quelle est la finalité de la simplification en cause ?
Certains assignent à la simplification l’objectif de permettre des économies financières ou budgétaires. À titre personnel, je ne pense pas que ce soit pour cette raison qu’il faille simplifier.
Bien sûr, de certaines simplifications, procédurales par exemple, peuvent résulter des économies. On ne peut que s’en réjouir ! Mais les économies ne sont que les conséquences positives d’une démarche de simplification, et je ne crois pas que leur perspective doive en être le fait générateur.
En revanche, selon moi, un processus de simplification digne de ce nom doit viser trois objectifs : premièrement, améliorer la compréhensibilité et la lisibilité de la loi ; deuxièmement, réduire les délais de mise en œuvre de la procédure considérée ; troisièmement – ce point n’est pas anodin –, donner plus de liberté aux acteurs, quels qu’ils soient, collectivités, entreprises ou particuliers.
Or pour atteindre pleinement ces objectifs, il doit être possible de passer de l’actuelle simplification, parcellaire et horizontale, à une simplification plus en profondeur. Ne serait-il pas plus productif de procéder à un toilettage global de chaque domaine législatif, un par un, et d’avoir peut-être ainsi le courage de s’attaquer aux sujets qui fâchent ?
On peut m’objecter que l’origine communautaire de la majeure partie du droit positif serait de nature à faire obstacle à une telle démarche. Il me semble toutefois que cet argument n’est pas toujours recevable.
Je citerai un exemple pour illustrer mon propos. La commune dont je suis maire, située en Haute-Vienne, est jumelée avec une commune allemande que j’ai visitée, avec d’autres, voilà quelques années. Le maire de cette dernière nous a alors présenté un skatepark, en précisant que celui-ci avait été construit par ses utilisateurs eux-mêmes, avec l’aide des services municipaux. Nous étions très surpris, car en France cela aurait été impossible, en raison de normes communautaires transposées qu’il faut respecter. En l’occurrence, on m’a expliqué que le skatepark était bien aux normes : après une première vérification et quelques corrections, l’ouvrage avait été certifié par un bureau de contrôle.
C’est toute la différence entre la France et l’Allemagne : dans notre pays, le fait générateur de la conformité aux normes se situe à l’échelon de la fabrication alors que chez notre voisin, au moins dans certains cas, il se situe au niveau de la certification.
On ne peut pas mettre en doute la rigueur de nos amis allemands : autrement dit, il est possible d’assouplir considérablement notre droit tout en restant dans les clous européens.
Toujours pour ce qui concerne la méthodologie, il est bien certain que l’incidence de chaque piste de simplification doit être testée pour chaque situation concrète avant que la mesure ne soit adoptée.
Par exemple, Mme Procaccia proposait d’abandonner la notion de jour ouvrable et de ne retenir que celle de jour calendaire dans le droit du travail. A priori, je trouvais cette idée très intéressante. Toutefois, compte tenu des jours fériés, parfois juxtaposés, cette mesure, qui semble de bon sens, pourrait poser des problèmes d’application dans un certain nombre de situations concrètes. En tout cas, ce genre de disposition mérite toujours une vérification préalable.
Je voudrais maintenant vous mettre en garde, monsieur le secrétaire d’État, sur le projet de simplification du bulletin de paie. Ne l’oubliez pas, ce qui est complexe, c’est non pas le bulletin de paie – certains programmes informatiques l’éditent très bien et de manière répétitive d’un mois sur l’autre –, mais sa préparation, qui relève de dispositions multiples, législatives, réglementaires, mais aussi conventionnelles – je vise ici les conventions collectives. Cette tâche est d’une ampleur certaine et exigera sans doute une vision synthétique.
Simplifier n’est donc pas aisé, mais nous avons la conviction que, en changeant de méthode, le « choc de simplification » pourrait à l’avenir ne plus être un vœu pieux.
La première des simplifications consisterait, me semble-t-il, à obtenir, au plan tant européen que français, un ralentissement significatif de la production de normes et de réglementations nouvelles. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Charles Revet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises est le cinquième texte de la législature à manifester l’ambition de simplifier le droit. Il semble donc qu’il y ait une certaine corrélation, sans aller jusqu’à dire une corrélation certaine, entre la volonté affichée par l’exécutif et la réalité de ses initiatives législatives.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons déjà connu cela dans le passé, vous devez vous en souvenir. Il fut un temps où la simplification, parfois sur initiative parlementaire, marchait fort !
Ce projet de loi est une nouvelle occasion pour le Gouvernement de recourir aux ordonnances, après la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ; la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens ; la loi du 3 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises – décidément, on n’arrête pas ! – et le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, en cours de discussion.
Sans entrer dans le débat sur le bien-fondé du recours aux ordonnances, qui peut être utile et nécessaire, il convient de rappeler que cette procédure exige un contrôle très ferme de la portée des habilitations par le Parlement. Plus c’est flou,…
Mme Françoise Laborde. … moins c’est clair ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. … plus c’est risqué, et l’on peut arriver à des catastrophes.
Or, en l’espèce, les conditions d’un examen minutieux de ces habilitations n’ont pas été réunies, notamment au regard des conditions de travail des rapporteurs.
Si les récentes élections sénatoriales ont leur part de responsabilité dans ces conditions assez acrobatiques, la nature de ce projet de loi, sorte de « voiture-balai » législative, a, elle aussi, complexifié le travail des rapporteurs et de l’ensemble des commissions saisies au fond ou pour avis.
Comme souvent pour ce type de texte, il manque une colonne vertébrale.
Mme Nicole Bricq. L’important, c’est la tête !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez déjà vu des têtes qui se portent sans colonne vertébrale ? (Sourires.) Pour ma part, je n’en connais pas d’exemple !
On pourrait citer les articles 7, 7 bis et 7 ter, qui assurent le « service après-vente » de la loi pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové ; l’article 34, qui vise à accroître la protection des consommateurs et qui est l’une des conséquences du caractère incomplet de la loi relative à la consommation ; ou encore les articles 8 à 11 bis A, qui auraient pu figurer dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
On pourrait prendre d’autres exemples d’articles montrant que ce texte non seulement jongle avec les thèmes, mais oscille également entre réformes de poids et mesures sectorielles. Ainsi, l’un de nos collègues a cité le convoyage par motoneige – certes, nous le savons d’expérience, ce genre de mesures se glisse toujours dans ces textes, mais ce n’est pas une raison pour persévérer –, qui voisine avec l’article 28 sur le nouveau régime juridique applicable aux établissements d’enseignement supérieur relevant des chambres de commerce et d’industrie. Quel est le rapport entre les deux ?
Ce projet de loi est en outre trop peu ambitieux, car, comme l’a rappelé Philippe Dominati, sur quatorze articles significatifs examinés par la commission des finances, six seulement concernent directement les entreprises, les huit autres étant d’abord destinés à faciliter la vie de l’administration - j’espère que ce n’est pas pour mieux contrôler le reste de l’activité de notre pays…
J’ai également relevé l’absence de dispositions visant à simplifier le code du travail ou certaines règles sociales, ce qui serait pourtant primordial. On pense ici à la question des seuils sociaux : les partenaires sociaux semblent s’enliser. Il faudra peut-être faire quelque chose un jour.
Toujours pour illustrer le manque d’ambition de ce texte, je citerai l’article 12 sur la réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Est-ce vraiment la question ? Ne vaut-il pas mieux modifier l’ensemble du régime des sociétés non cotées ?
M. André Reichardt, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Légiférer par petits bouts, c’est confirmer une absence de vision sur ces problématiques.
Il en est ainsi, d’ailleurs, sur un certain nombre de sujets qui ont été traités au coup par coup : on peut ici prendre l’exemple de l’article 7 sur la réalisation des opérations d’aménagement et de construction, sujet déjà abordé dans la loi du 1er juillet 2013 pour accélérer les projets de construction, dans l’ordonnance du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement ou encore dans la loi ALUR, sur laquelle nous revenons aujourd’hui.
Dans ces conditions, caractérisées par des modifications législatives répétées et une instabilité permanente, comment voulez-vous que, dans notre pays, on ait envie de construire, ce qui est pourtant une nécessité ? Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas s’étonner que le nombre de constructions diminue en permanence.
Un texte donc sans colonne vertébrale, trop peu ambitieux, mais aussi des habilitations trop imprécises dans de nombreux cas : c’est ce qui a amené les commissions à mieux les encadrer
Tel est le cas avec l’article 1er – n’est-ce pas, madame Procaccia ? –, avec l’article 2 ter visant à fixer le régime juridique du portage salarial et l’article 2 quater visant à sécuriser les conditions d’application de la réglementation du travail à temps partiel, sur lesquels est intervenue la commission des affaires sociales. La commission des lois a fait de même avec l’article 12.
Parfois, et les commissions s’y sont employées, il est préférable de modifier directement la législation sans recourir aux ordonnances. C’est ce qui a été fait sur les articles 7, 7 ter, 15, 16 et 28. Je n’y reviens pas.
La commission a également supprimé des habilitations, manière, pour le Parlement, monsieur le secrétaire d’État, de dire au Gouvernement, ce qu’il se plaît à faire de temps en temps, qu’il est, lui, Parlement, tout à fait en mesure de légiférer. C’est le cas à l’article 5, qui avait pour objet de fusionner des commissions territorialement compétentes en matière d’aménagement du territoire et de services au public. Cette habilitation avait déjà été supprimée par l’Assemblée nationale ; notre commission des lois a confirmé cette suppression.
Enfin, nous avons supprimé l’habilitation prévue à l’article 4, à notre sens la plus injustifiée, cet article reprenant à l’identique une habilitation supprimée conforme par les deux assemblées dans le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Il faut ici saluer la persévérance du Parlement, qui sait avoir de la mémoire en certaines occasions !
En conclusion, je souhaiterais aborder deux sujets importants pour une large majorité de sénateurs du groupe UMP.
Il s’agit tout d’abord de l’information préalable des salariés en cas de projet de transmission de l’entreprise. Nous nous étions déjà opposés à ce dispositif lors de la discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Ce n’est pas une bonne mesure et elle ne facilite certainement pas la transmission des entreprises.
La transmission de petites entreprises peut être réussie, et j’en connais des exemples, mais à condition qu’il y ait un dialogue entouré d’une certaine discrétion, pour trouver le meilleur repreneur, loin d’éventuelles tentatives de déstabilisation : si tout est sur la place publique, cela ne marche pas !
À mon sens, cette idée sympathique méconnaît totalement la réalité de la vie des entreprises. C’est pourquoi le groupe UMP soutient la suppression de cette disposition.
M. Christophe Béchu. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Il s’agit ensuite du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Mme Nicole Bricq. Ah !
M. Jean-Jacques Hyest. On nous a rétorqué que notre amendement de suppression était un cavalier. Non, ce n’en est pas un, car, s’il y a une mesure qui complexifie la vie des entreprises, c’est bien celle-là.
Mais n’allez pas croire que le groupe UMP est défavorable à la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites. D’ailleurs, nous avions abordé la question dès 2003. Seulement, si le Gouvernement s’était engagé à laisser un délai de six mois aux entreprises pour mettre en place le compte personnel de prévention de la pénibilité, la publication tardive des décrets, le 10 octobre 2014, ne leur laissera, dans les faits, qu’à peine plus de deux mois pour mettre en place toutes les étapes du dispositif. En effet, l’entrée en vigueur des quatre premiers critères est prévue pour le 1er janvier 2015.
Mme Annie David. Il n’y a que quatre critères qui sont concernés.
M. Dominique Watrin. Ce n’est pas la totalité !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, les quatre premiers, je l’ai précisé.
Ce dispositif est en totale contradiction avec le choc de simplification. De surcroît, il est source d’insécurité juridique, et il renchérira le coût du travail, mais, apparemment, cela n’est pas si important pour certains… Enfin, il pourrait même contribuer à anesthésier la prévention.
Voilà où nous en sommes. Je pense que nous pourrions trouver des solutions à ce problème, mais la brutalité de cette mise en œuvre inquiète, je vous l’assure, les chefs d’entreprise, qui ne savent pas comment faire et sont aux prises avec des difficultés presque insurmontables.
En conclusion, je dirai que, si le Gouvernement a pris conscience de l’ampleur du défi, ses hésitations, et notamment le recours aux ordonnances, sont le signe d’une volonté de gagner du temps sur une politique publique dont il ne dessine toujours pas les contours. Pour autant, la nécessité de voir ce projet de loi adopté l’emporte sur l’imprécision des habilitations, d’autant que nos commissions ont très bien travaillé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je prends la parole pour la première fois dans cet hémicycle (Encouragements sur les travées de l'UMP.), tout particulièrement sur un tel sujet, la simplification de la vie des entreprises.
En effet, pendant des années, j’ai été, dans mon département, les Côtes-d’Armor, dirigeant d’une entreprise de 220 salariés et, bien sûr, j’ai été régulièrement confronté à des lourdeurs administratives, des contraintes totalement excessives, sans parler des grandes difficultés que rencontre de manière générale le créateur d’entreprise.
Au-delà du progrès technique, qui permet d’évidentes et régulières simplifications, notamment grâce à l’informatique, combien d’annonces de simplification administrative ont été faites depuis une quinzaine d’années, voire plus, pour si peu de résultats concrets !
On compte même toujours plus de réglementations complexes, qui sont appliquées par des administrations déconcentrées tatillonnes paralysant littéralement notre économie.
Monsieur le secrétaire d’État, la France est bloquée. Bloquée au niveau de ses entreprises, de ses agriculteurs, de ses artisans, des collectivités locales. Bloquée par l’excès de lois, de normes et de règlements. Bloquée, parce que l’on décourage bien souvent l’initiative et la créativité, le résultat étant que plus de 400 000 jeunes travaillent aujourd’hui à Londres. Bloquée parce que les décrets d’application ne sont souvent pas conformes à l’esprit de la loi ou parce que l’administration en fait une application trop stricte.
L’administration, au lieu d’être facilitatrice du projet, est souvent un frein. Combien d’exemples en ce sens avons-nous, les uns et les autres, dans nos territoires ? Le principal mal français, de mon point de vue, c’est cet excès de normes et de règlements qui conduit au blocage de notre société. Les agriculteurs de mon département des Côtes-d’Armor m’ont applaudi lorsque, voilà deux semaines je l’ai dit haut et fort, ne faisant qu’exprimer ce que chacun pense au fond de lui-même.
D’une manière générale, lorsque l’on parle de simplification de l’environnement juridique pour les entreprises, il faudrait toujours partir du principe que les entrepreneurs ont besoin d’un environnement juridique et fiscal stable, qu’ils aimeraient surtout pouvoir travailler en paix en essayant de rester compétitifs par rapport à leurs concurrents étrangers. Les entreprises françaises connaissent déjà des charges sociales bien plus lourdes que leurs homologues de nombre de pays voisins, y compris européens. Si seulement nous pouvions éviter d’y ajouter la complexité administrative...
Évidemment, lorsque l’on apprend qu’un ancien ministre du redressement productif a rejoint, hier, les bancs de l’INSEAD de Fontainebleau pour suivre une formation continue en management, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a un gouffre entre certains responsables politiques et le monde de l’entreprise !
Monsieur le secrétaire d’État, vous étiez jeudi dernier à l’Élysée avec une partie du Gouvernement pour la présentation, à grand renfort de communication numérique, de cinquante nouvelles mesures destinées à faciliter la vie des entreprises comme des particuliers.
Avec ces nouvelles mesures de simplification des normes et pratiques administratives, le Gouvernement a annoncé des gains pour le pays supérieurs à 11 milliards d’euros à l’horizon 2016. Ce chiffre donnerait presque le vertige : pour donner un ordre d’idée, c’est davantage que les quelque 9,6 milliards d’économies annoncées pour le budget de la sécurité sociale pour 2015 ! C’est beaucoup, mais n’est-ce pas encore un effet d’annonce ? (Si ! sur les travées de l'UMP.)
De ces récentes annonces, j’ai relevé que la déclaration sociale nominative, ou DSN, en cours d’expérimentation, qui permet d’automatiser les déclarations aux organismes sociaux via la fiche de paie, devrait améliorer sensiblement la gestion des entreprises, et devrait aussi permettre de réaliser 1,6 milliard d’euros d’économies pour les employeurs, une fois généralisée en 2016.
Je suivrai également avec beaucoup d’attention le travail en cours sur la déclaration fiscale unique pour les entreprises, elles qui remplissent aujourd’hui quatre déclarations par an !
La réduction des délais à tous les niveaux et des mesures de simplification à l’embauche iraient encore dans le bon sens.
Évidemment, il ne faut pas attendre de la simplification uniquement des économies budgétaires. Nombre d’efforts de simplification des procédures administratives ne constituent pas des économies à proprement parler, mais représentent surtout des gains de temps – et donc d’argent – pour les entreprises.
On se contentera donc, à ce stade, de s’interroger sur la réalité du montant des économies annoncées, tout en se réjouissant, bien sûr, d’une initiative bien plus ambitieuse que le texte discuté aujourd’hui.
Certes, ce dernier « entend intensifier la démarche de simplification en faveur des entreprises », mais il apparaît comme très peu ambitieux, si l’on me permet cette appréciation. En effet, il comprend une collection de mesures disparates plus ou moins précises – parfois trop, parfois insuffisamment – assortie de vagues annonces d’économies, sur le détail desquelles la lecture de l’étude d’impact ne renseigne pas du tout.
Alors, oui, il y a bien quelques simplifications de codes, code du travail, code de la sécurité sociale ou code de commerce ; des simplifications fiscales et comptables, aussi, et quelques clarifications. Mais certaines de ces simplifications sont si précises qu’elles rendent un peu perplexe le nouveau parlementaire que je suis, et plusieurs orateurs, du reste, ont exprimé ce sentiment. Il en va ainsi de la suppression de la déclaration des congés d’été pour les boulangers, devenue obsolète et de toute façon inappliquée. (M. le rapporteur le conteste.)
Et j’écoutais, en commission puis en séance, la discussion menée par mon collègue Gérard Cornu sur l’opportunité du maintien de l’article 11 bis, qui prévoit une dérogation à l’interdiction d’utilisation des motoneiges...
Mais je ne voudrais pas donner dans la caricature, et cela d’autant moins que la bonne volonté avec laquelle vous vous employez à « décomplexifier », monsieur le secrétaire d'État, est réelle. Mais le fait est que, avec ce texte, on est très loin du compte, et quelque chose me dit que vous n’êtes peut-être pas en désaccord avec ce constat...
Plus grave, alors que le Gouvernement a largement contribué à la création de nouvelles normes législatives depuis deux ans,…
Mme Nicole Bricq. Eh bien oui !
M. Michel Vaspart. … il revient avec ce texte sur ce qu'il a rendu plus complexe, en le regrettant ! Ainsi, en juillet dernier, lors de la discussion du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a été adopté pour revenir sur certaines dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », qui n’avait été votée que quelques semaines auparavant.
S’il faut évidemment s’en réjouir, puisque cette loi est un bon exemple de ce que l’on a fait de plus complexe et de plus paralysant en matière d’urbanisme et de logement dans la période récente, tout de même, que de temps passé et perdu à faire et défaire sans cesse !
De même, je regrette le rejet de nombreux amendements présentant une certaine consistance que nos collègues députés avaient déposés sur le présent texte, discuté cet été au pas de charge.
Au Sénat, le travail accompli par les différents rapporteurs doit être salué. Je me réjouis tout particulièrement qu’à l’initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest la commission des lois du Sénat ait supprimé les articles 19 et 20 de la loi sur l’économie sociale et solidaire, qui créent une obligation d’information des salariés en cas de cession.
Vous parlez de simplifier ? Vous ne cessez de complexifier ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Ces dispositions ont créé des situations d’instabilité juridique évidentes. Or l’instabilité juridique conjuguée à la complexité administrative est une calamité pour l’économie de notre pays.
J’espère que la suppression de ces articles sera confirmée en séance publique, et j’ose espérer que la commission mixte paritaire maintiendra cette suppression. Je regrette en tout cas que tous les appels des chefs d’entreprise qui ont convergé vers le ministère de l’économie pour obtenir au moins une clarification soient restés sans réponse.
Pour reprendre la fameuse phrase de Martin Luther King, mes chers collègues, je fais un rêve : et si l’Assemblée nationale et le Sénat arrêtaient temporairement de voter des lois et formaient un groupe de députés et de sénateurs pour revoir les lois, décrets et règlements qui sont de nature à bloquer notre pays…
M. Charles Revet. Ce serait la meilleure des choses à faire !
M. Michel Vaspart. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que le Gouvernement vous donne vraiment les moyens de votre ambition pour notre pays, ambition que je partage. Mais, à l’évidence, il reste bien du chemin à parcourir.
Un des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune parlait de la place de la France dans un classement international des charges administratives : nous nous situons au 130e rang sur 148 !
M. Thani Mohamed Soilihi. Il faut quitter cette place !
M. Michel Vaspart. Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en état d’urgence !
Mais je m’en voudrais de terminer sur un constat critique sans faire une proposition alternative. Elle est simple : pourquoi ne déciderait-on pas que le Parlement doit consacrer quelques mois de ses travaux, au sein d’un groupe mixte composé de députés et de sénateurs, à un travail de pure simplification des textes – lois, décrets et règlements – qui contribuent à paralyser la France ? Aux grands maux, les grands remèdes ! Les missions parlementaires telles que celle qui vous avait été confiée, monsieur le secrétaire d'État, ne suffisent pas, pas plus que les conseils de simplification, qui n’interviennent qu’à la marge.
Monsieur le secrétaire d'État, cette indispensable simplification est attendue par nos concitoyens, par l’ensemble des professions et aussi par les élus locaux. C’est, pour moi, une priorité absolue si l’on veut débloquer notre pays et lui redonner confiance ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin. (Encouragements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Enfin de l’enthousiasme !
M. Martial Bourquin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la deuxième fois cette année, notre assemblée examine un texte relatif à la simplification de la vie des entreprises. Nous avons tout lieu de nous en féliciter.
La simplification des procédures administratives, et plus particulièrement celles qui visent les entreprises, fait régulièrement irruption dans notre calendrier législatif. Cela prouve que le sujet est bien réel et qu’il nécessite une action forte et rigoureuse pour parvenir au choc de simplification que tout le monde attend.
Je voudrais dire à mon collègue Michel Vaspart, qui m'a précédé à la tribune, qu’il ne s'agit pas d’un problème nouveau, qui daterait de deux ans et demi !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Martial Bourquin. Depuis des dizaines d’années on empile les textes !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Mais, aujourd'hui, ce gouvernement prend le problème à bras-le-corps ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt, rapporteur. Vous allez voir ce que vous allez voir ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. Et, sur ces questions, le Gouvernement montre une volonté d’avancer et, surtout, il met en avant une ligne de conduite, une vision pour parvenir à ce que chacun souhaite, c'est-à-dire ce choc de simplification.
Je constate que la nature même de nos débats a changé. Nous ne sommes plus seulement en lutte contre l’inflation des normes, même si je concède bien volontiers que notre place dans le classement mondial, rappelée à deux reprises, est loin d’être satisfaisant. Quoi qu’il en soit, ce classement, c'est le nôtre ! Il nous concerne, des deux côtés de l’hémicycle !
Il serait donc injuste, au bout de deux ans et demi, de ne mettre en accusation que le gouvernement en place.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. Oui, le quotidien des entreprises se transforme en un casse-tête administratif…
M. Jean-François Husson. Et fiscal !
M. Martial Bourquin. … qui gêne leur vie et leur occasionne des dépenses importantes – dépenses qui seraient bien plus utiles si les sommes correspondantes étaient mobilisées au bénéfice des processus de production.
Simplifier, chers collègues, cela ne signifie pas que l’on jette aux orties, par exemple, les conventions de l’Organisation internationale du travail, ou tous les codes, code du travail, de l’urbanisme, de la santé publique, de l’environnement, sans oublier le code général des impôts ! Simplifier, ce n’est pas déréglementer !
M. Jean-François Husson. Ah bon !
M. Martial Bourquin. C'est faire un tri entre les normes utiles – parce qu'il faut des normes – et les normes inutiles – parce que ces dernières constituent autant d’obstacles au développement économique.
J’écoutais un collègue critiquer le compte personnel de prévention de la pénibilité. Mais si, dans cette enceinte, on en arrivait à le supprimer, imaginez-vous les conséquences ? Pour les salariés victimes de troubles musculo-squelettiques – les TMS – ou de maladies du travail, pour ceux qui effectuent des travaux pénibles, si l’on abandonnait l’idée de la pénibilité, ce serait dramatique !
Bien entendu, le mode de mesure de cette pénibilité peut être revu et simplifié. Mais nous ne devons en aucun cas supprimer ce compte pénibilité ! Ce serait un affront fait à celles et ceux qui travaillent très dur, dans des conditions difficiles !
M. Jean-Claude Frécon. Très bien !
M. Martial Bourquin. Non, cela n’est pas possible. (Marques d’agacement sur certaines travées de l'UMP.)
La simplification qui nous est proposée aujourd’hui doit s’entendre et s’évaluer dans un contexte macroéconomique dont il faut reconnaître qu’il est difficile. La croissance européenne est en panne. Le soutien à la mise en œuvre d’un meilleur environnement pour les entreprises est donc très important.
Nos PME et nos TPE ont besoin de se redresser, d’améliorer leurs marges. On l’a dit ici, le temps de l’administration est devenu un obstacle au développement économique, et nous devons nous engager à mettre un terme à cette situation. Il faut obtenir des résultats le plus rapidement possible.
Je pense notamment aux PME les plus fragiles, qui doivent dégager des marges grâce à cette simplification. Il faut le savoir, les entreprises petites et moyennes n’ont pas les moyens de s'attacher les services de conseillers juridiques et fiscaux à temps plein pour les aider à répondre à des appels d’offres exigeants où à sécuriser leur activité.
L’urgence est là, et il faut donc agir vite et fort pour diminuer cette complexité et créer un environnement plus favorable au développement de nos entreprises petites et moyennes.
La date butoir – le 1er janvier 2015 – est proche. Les deux rapports de la médiation du crédit rendus au printemps dernier et qui ont été présentés devant notre commission des affaires économiques constituent des alertes sévères. Les TPE peinent à pérenniser leurs activités et, plus inquiétant encore, les PME continuent de demander des lignes de trésorerie, non pour investir, mais pour essayer de boucler leurs fins de mois.
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le crédit d'impôt recherche – fortement augmenté –, le crédit d’impôt innovation, le crédit export et les mesures en faveur de la réduction des délais de paiement dans la loi relative à la consommation constituent autant d’outils que le Gouvernement a promus pour faire évoluer l’encadrement des entreprises et améliorer leurs marges et leur compétitivité.
Dans cette perspective, mes chers collègues, nous devons nous réjouir des dispositions prévues dans ce projet de loi qui visent à renforcer le panel d’outils proposé aux entreprises pour qu’elles puissent se concentrer sur leur cœur de métier, la production de richesse, l'investissement, l’innovation, la commercialisation, les stratégies d’exportation et l’emploi.
Concernant la méthode utilisée pour prendre ces dispositions, j’ai bien sûr entendu, ici et là, à droite comme à gauche, que l’on trouvait à redire. C'est que le législateur, par essence, n’aime pas les ordonnances. Mais reconnaissons que le problème est complexe et qu’il nécessite une action résolue et rapide.
Un parlementaire de terrain, en prise constante avec les réalités locales – donc au fait de la situation du tissu économique – sait combien il est nécessaire d’apporter des réponses rapides pour opérer ces indispensables réformes de structure. Le recours aux ordonnances n’est évidemment pas un blanc-seing donné au Gouvernement ni une habitude à prendre. Mais, dans ce cas précis, nous disposons, selon moi, de garanties suffisantes pour procéder ainsi.
La première garantie résulte assurément de l’exemple de la précédente loi d’habilitation, celle du 2 janvier 2014, dont les ordonnances sont aujourd’hui effectives. Cela méritait d’être relevé.
Pour mémoire, je vous rappelle que la mission parlementaire de simplification de l’environnement réglementaire, administratif et fiscal des entreprises, que vous présidiez à l’époque, monsieur le secrétaire d'État, avait établi que 29 % seulement des 348 dispositions de simplification prises en 2009 – la date a son importance, chers collègues de l’UMP - étaient concrétisées en 2013. Des leçons ont donc été tirées.
M. Yannick Vaugrenard. Voilà ! Que l’opposition balaye devant sa porte !
M. Marc Daunis. Quel silence, à droite !
M. Martial Bourquin. Mais ne nous rejetons pas la faute, et prenons plutôt le problème à bras-le-corps pour essayer de le régler.
La deuxième garantie, c’est évidemment la méthode utilisée. Les propositions sont en grande part issues du travail du Conseil de la simplification pour les entreprises qui, installé depuis le début de l’année, s’est déjà réuni en huit sessions. Il a ainsi dégagé des priorités d’action qui, loin d’être « hors-sol », sont bien des dispositions concrètes, couvrant des secteurs très différents de la vie économique.
Bien sûr, on pourrait aller plus vite, plus loin et plus fort, mais attention de ne pas complexifier en voulant simplifier. À cet égard, les travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises nous donnent le recul nécessaire.
L’expérience nous montre en effet que la qualité de la mise en œuvre est tout aussi essentielle que la simplification elle-même. Sans doute, monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous éclairer sur la manière dont vous comptez promouvoir, parmi les entreprises, les textes qui seront issus de nos discussions.
Je dirai enfin quelques mots des amendements, peu nombreux, déposés par le groupe socialiste. Je souhaite, à ce stade du débat, insister sur certaines dispositions, qui concernent la commission des affaires économiques.
Je pense notamment à l’article 10, relatif au régime des certificats d’énergie. Nous proposons de transférer l’obligation d’économie d’énergie à un groupement professionnel privé permettant à des distributeurs indépendants, en majorité de très petites entreprises, de se regrouper, ce afin d’éviter que de grands donneurs d’ordre ne s’emparent du marché de ces petites entreprises, qui avaient la possibilité de décerner des certificats d’économie d’énergie.
S’agissant de l’article 12, nous souhaitons maintenir l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise, obligation introduite par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. (Très bien ! sur certaines travées du RDSE.)
Cette obligation a malheureusement été supprimée par la commission des lois. Mais nous y tenons ! Rendez-vous compte, mes chers collègues, du nombre d’entreprises qui n’ont pas de repreneur et dont la transmission s’avère difficile ! Parfois, un travail en réseau peut être la solution. Ne négligeons pas, y compris pour les très petites entreprises ou même les entreprises moyennes, la possibilité de mettre en place des coopératives. Sur ces questions, le comité d’entreprise a un rôle évident à jouer.
Un autre de nos amendements tend à revenir sur la nécessaire fusion d’UBIFrance et de l’AFII, l’Agence française pour les investissements. À nos yeux, ce serait bien plus utile que la création d’un GIE, un « machin » supplémentaire ! Il faut un dispositif efficace, donc plus fluide, donc plus simple. Cette fusion nous paraît indispensable.
Enfin, nous proposerons – c’est un débat qui a agité l’ensemble de notre assemblée – la simplification des procédures des plans d’occupation des sols, pour les communes ayant fait le choix d’un plan local d’urbanisme intercommunal.
Cette simplification est un souhait partagé par beaucoup d’élus. J’émettrai un autre vœu, plus personnel : que l’on simplifie les obligations d’enquêtes nécessaires aux plans locaux d’urbanisme ! En effet, pour des communes rurales qui ont une carte communale ou un POS, quel est l’intérêt de tout ce déploiement d’énergie ? Ne pensez-vous pas qu’une simple étude environnementale serait suffisante pour passer de la carte communale ou du POS au PLU ?
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Si nous réussissions à œuvrer en ce sens dans nos assemblées, nous aurions bien travaillé ! (Mme Frédérique Espagnac applaudit.)
Monsieur le secrétaire d’État, les investissements sont bloqués du fait de cette complexité, qui représente des tracasseries administratives impressionnantes. La simplification permettrait donc de libérer tout à la fois l’initiative et l’investissement, et donc favoriserait le développement. Mes chers collègues, c’est ce à quoi nous devons travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée s’apprête donc à débattre durant quelques heures d’un texte destiné à simplifier la vie des entreprises. Je vois là deux bonnes raisons de me réjouir.
La première, c’est que, tout comme Jean-Marc Gabouty, qui s’est exprimé au nom du groupe UDI-UC, je suis chef d’entreprise. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Entrepreneur depuis l’âge de vingt ans, je suis heureux que notre gouvernement soit enclin à faciliter la vie des entreprises.
M. Roland Courteau. C’est très bien !
M. Olivier Cadic. La seconde raison qui me conduit à me réjouir de la présentation de ce texte au Parlement est l’urgence de la situation.
Dans notre économie désormais mondialisée – c’est un fait, que cela plaise ou non –, la France ne doit plus croire qu’elle peut, seule dans son coin, alourdir les charges des entreprises, faire exploser ses coûts de production, accumuler les tracasseries administratives et imposer des normes ou obligations, parfois inexistantes chez nos concurrents directs, sans pénaliser durablement son dynamisme économique, la compétitivité de ses produits, donc l’emploi.
Le Premier ministre est venu jusqu’à Londres déclarer sa flamme aux entreprises. Mais l’amour, cela ne se prouve pas par des paroles ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Ça aide !
M. Olivier Cadic. L’amour, cela se prouve par des actes !
Mes chers collègues, est-il normal que les textes proposés par le Gouvernement en matière économique ou sociale fassent l’objet, parfois dès leur promulgation, d’une procédure de simplification ou de « détricotage » ?
Le chef Paul Bocuse, qui a plutôt bien réussi dans ses entreprises, avait pour habitude de dire à ses collaborateurs qu’il faut autant de temps pour faire les choses bien que pour les faire mal. Alors, concluait-il, autant les faire bien tout de suite et gagner du temps !
Serait-il impossible de faire simple tout de suite dans notre pays ?
Prenons l’exemple de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, qui a créé une obligation d’information préalable des salariés, deux mois avant la cession d’une entreprise.
N’était-il pas possible d’anticiper le fait que l’information des salariés entraînerait indirectement celle des clients, des banquiers, des fournisseurs et des concurrents ? Comment, dans ces conditions, réussir de telles transactions, qui nécessitent la plus stricte confidentialité, dans l’intérêt de l’entreprise ?
Ces dispositions constituent, mes chers collègues, une véritable entrave à la liberté de céder son entreprise et seront, au bout du compte, dramatiques pour l’emploi.
Certes, le Gouvernement a fini par se convaincre de la nécessité d’intervenir, mais il tente de réparer par un fragile décret ce qui a désormais force de loi.
Comme l’a mentionné notre collègue Jean-Marc Gabouty, il nous faudra prendre nos responsabilités sur ce point et valider la correction législative apportée opportunément, en commission, par notre collègue Jean-Jacques Hyest, afin de l’intégrer à l’article 12 A du texte qui nous est présenté.
Comment comprendre ce gouvernement, qui prétend simplifier la vie des entreprises et introduit dans le même temps de nouvelles obligations de nature à rendre la conduite des affaires encore plus difficile ?
J’aurai ainsi l’occasion de revenir, au cours de la discussion des amendements, sur la nécessité de repenser fondamentalement la mise en œuvre, aujourd’hui inextricable, du compte pénibilité, qui s’annonce un enfer pour nos entreprises. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. L’enfer, c’est pour les salariés !
M. Olivier Cadic. Si cette mesure était appliquée, elle pourrait se révéler, selon certains, aussi dévastatrice pour l’emploi et pour notre dynamisme économique que les 35 heures !
Mes chers collègues, l’heure est grave. Les Américains sont les premiers investisseurs étrangers en France. Or un sondage réalisé par le cabinet Bain pour l'American Chamber of Commerce indique que la perception positive de notre pays par les dirigeants américains est passée de 56 % en 2011 à 22 % en 2012, 13 % en 2013, pour s’établir à 12 % pour 2014.
Si nous voulons favoriser l’emploi dans notre pays, aucun texte ne doit être adopté dans cette assemblée qui vienne compliquer la volonté d’entreprendre et compromettre la réussite de nos entreprises.
Entre une durée minimale hebdomadaire d’un contrat de travail à temps partiel fixé à 24 heures depuis le 1er juillet dernier et une durée légale fixée à 35 heures pour un temps plein, nous assistons à une réduction des marges de manœuvre pour les entrepreneurs et leurs salariés.
Au nom de la liberté gravée aux frontons de nos mairies et de nos écoles, l’employeur et l’employé devraient pouvoir définir ensemble, librement, le contrat de travail qui leur convient. (Protestations sur les travées du CRC.)
L’insécurité du contrat de travail, qui peut être remis en cause par le juge, est souvent la raison qui convainc l’employeur de renoncer à prendre le risque de recruter un collaborateur.
Le texte présenté par le Gouvernement, parce qu’il ne traite pas de leurs vraies préoccupations, ne saurait simplifier la vie des entrepreneurs établis en France.
Le Premier ministre devrait changer de stratégie. Plutôt que de se répandre en déclarations d’amour à l’entreprise, il serait mieux inspiré d’agir pour que les entrepreneurs l’aiment.
Pour ce faire, je l’invite à répondre positivement aux demandes exprimées actuellement par les organismes patronaux, qui réclament des mesures fortes pour que notre pays soit compétitif et prospère. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord me réjouir de la qualité de cette discussion générale et évoquer en préambule quatre points me semblant correspondre pour l’essentiel aux propos tenus ici.
Tout d’abord, j’observe avec satisfaction que l’ensemble des parlementaires – c’était le cas à l’Assemblée nationale, c’est bien sûr le cas au Sénat – se réjouissent de l’œuvre de simplification que nous menons, même si – permettez-moi de commencer par cet aspect – un certain nombre d’entre vous ont, je le crois, mal apprécié l’apport très concret que représentera ce texte pour des millions d’entreprises.
Le projet de loi que, je le souhaite, vous allez adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit l’élargissement de la procédure du TESE, le titre emploi-service entreprise, à toutes les PME comptant moins de vingt salariés. Cette mesure existe déjà, mais elle est très peu, ou trop peu connue. Elle s’applique aux entreprises de moins de dix salariés et, très concrètement, pour les petites entreprises qui ne disposent pas d’un service des ressources humaines, ce « ticket » emploi-service permet, en deux heures, de remplir l’ensemble des obligations légales et réglementaires relatives à l’embauche d’un salarié. Il constitue une garantie pour le salarié et une véritable avancée pour plus d’un million de petites entreprises.
Par ailleurs, je me permets d’insister sur l’article 27 relatif aux marchés publics, qui est au cœur des interrogations d’un certain nombre d’entre vous. Désormais, les petites entreprises de France, quand elles répondront à un appel d’offres pour obtenir un marché public, n’auront plus à fournir toutes les pièces justificatives qui leur sont demandées aujourd’hui au titre de la première enveloppe, notamment un Kbis de moins de trois mois et un certificat d’imposition de moins de six mois : leur numéro SIRET les en dispensera totalement. Il s’agit d’un progrès considérable pour de très nombreuses entreprises en matière d’accès à la commande publique.
M. Michel Le Scouarnec. C’est vrai !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. De surcroît, l’adoption du même article permettra, toujours pour favoriser l’accès aux marchés publics, de mieux prendre en compte les critères sociaux et environnementaux pour l’évaluation qualitative des différentes offres. Combien d’élus locaux, combien de maires, ont été contraints de retenir une entreprise moins-disante au détriment d’une autre, dont l’offre était peut-être un peu plus chère, mais dont ils connaissaient les préoccupations sociales ? L’adoption de cet article bénéficiera à des millions d’entreprises !
Mieux encore, vous allez, mesdames, messieurs les sénateurs, donner des armes de combat aux nouvelles entreprises notamment des secteurs technologique et écologique, en leur permettant, si elles disposent d’un prototype, d’accéder aux marchés publics. Ces entreprises qui n’ont pas de référence sont, par définition, aujourd’hui exclues des appels d’offres ; elles pourront désormais à la fois faire leurs preuves dans le cadre de la commande publique et acquérir la référence qui leur servira pour conquérir des marchés en France ou dans le reste du monde.
Un dispositif similaire existe aux États-Unis, où il constitue un puissant levier pour favoriser l’émergence d’entreprises innovantes dans les domaines technologique ou écologique.
Vous vous apprêtez également à voter, mesdames, messieurs les sénateurs, l’élargissement le plus large possible du rescrit fiscal et social. Cette disposition, cela a été souligné sur toutes les travées, est attendue depuis des années par les entreprises. Si elle n’a pas été mise en œuvre plus tôt, c’est que nous attendions l’étude demandée au Conseil d’État pour nous assurer du cadrage juridique du dispositif ; c’est maintenant chose faite.
Je citerai encore le paquet supplémentaire de simplifications en matière d’aménagement et de construction.
Et je pourrais encore multiplier les exemples. Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, dire que ce texte ne marque pas des efforts réels et des avancées significatives en matière de simplification n’est tout simplement pas vrai.
Certains, je leur en donne acte, peuvent ne pas approuver la méthode. Cela étant, pour vous livrer le fond de ma pensée, je ne crois pas au grand soir de la simplification. J’entends les impatiences des entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles, mais que personne n’imagine qu’il suffira de se mettre autour d’une table pour mettre à bas toutes les règles d’un coup ! Cela ne se fera jamais, ni en France ni dans les pays qui ont commencé à simplifier leur législation.
Je ne parlerai donc pas d’un travail de Pénélope, comme je l’ai entendu ici, car la simplification me fait penser plutôt penser à Sisyphe et à une tâche sans cesse recommencée, qui implique modestie, résolution et durée.
L’occasion m’a été donnée, lors du tour d’Europe que j’ai évoqué, de me rendre en Angleterre, pays qui n’a pas le même rapport au droit que nous, c’est le moins que l’on puisse dire. (On le confirme sur les travées du CRC.)
Le processus de simplification y a débuté voilà dix ans.
Mme Annie David. On voit où cela mène !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Un jour, mon homologue anglais m’emmène dans son bureau, me désigne celui qui jouxte le sien – celui du Premier ministre, David Cameron – et me dit : « Je suis son copain d’enfance, j’ai été son témoin de mariage, je suis installé dans un bureau à côté du sien, cela fait cinq ans que je fais de la simplification, le processus a été entamé voilà cinq ans, et il me faut encore cinq années. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons besoin de la même durée ; si nous n’inscrivons pas ces efforts dans cette durée, nous ne parviendrons pas à simplifier.
Je ne vois pas de méthode plus efficace que d’identifier des cibles, de s’y attaquer précisément jusqu’au bout et ensuite de passer à la cible suivante.
Vous avez abordé un troisième point et il faut que l’exécutif et le législatif abordent là encore celui-ci loyalement et de concert : il s’agit du flux normatif, ces normes nouvelles qui créent parfois de la complexité là où on tente d’en enlever.
Quand nous fabriquons la loi ou tout autre texte normatif, nous devons veiller collectivement à être bien meilleurs que nous ne le sommes aujourd’hui. Cela vaut pour l’exécutif, mais aussi pour les parlementaires – disant cela, je ne remets évidemment pas en cause le droit d’amendement.
Nos études d’impact ne sont pas assez précises, elles ne font pas l’objet de discussions suffisamment approfondies, notamment en amont de l’examen des textes de loi – contrairement à ce qui se passe dans quelques pays européens. Bref, nous ne consacrons pas suffisamment de temps à étudier l’impact véritable des dispositions que nous prenons et les conditions de leur mise en œuvre.
Ce constat ne date pas de deux ans ; on pourrait trouver des exemples en pagaille au cours de ces dix ou quinze dernières années – disant cela, je ferai plaisir à tout le monde ici – de dispositions votées trop vite, avec des impacts aléatoires et qui parfois se sont révélées contraires aux objectifs qui leur avaient été assignés par ceux-là mêmes qui les avaient conçues, souvent mus par de bonnes intentions.
Toujours s’agissant de la fabrication de la loi, l’un d’entre vous a parlé des problèmes relatifs à la « surtransposition » législative de directives européennes. Il s’agit là d’un problème majeur. Pour améliorer la rédaction de la loi, nous devons en effet veiller à ne pas ajouter d’obligations à celles qui résultent déjà des directives européennes, tout comme nous devons probablement nous interroger bien plus que nous ne le faisons sur notre capacité à peser en amont dès l’élaboration des directives européennes. Dans ce domaine, les Français restent trop absents par rapport à d’autres pays européens. Dieu sait si nous avons des efforts à faire en la matière !
Je ne reviendrai pas sur la question du recours aux ordonnances ; j’en ai parlé dans mon propos liminaire. Je veux simplement vous redire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’engagement qui a été pris à cette tribune est sincère et loyal. Le recours aux ordonnances n’est pas synonyme d’effacement des parlementaires ; leurs compétences seront utilisées au moment de la rédaction des ordonnances. Puisque, à l’évidence, cette assemblée compte des spécialistes d’un certain nombre de sujets, je m’emploierai à solliciter leur concours.
M. Mohamed Soilihi a évoqué sa proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce ; si d’autres de ses collègues veulent faire des propositions au cours de l’examen de ce texte ou même ultérieurement – en ayant toujours à l’esprit que l’objectif n’est pas de déréglementer –, c’est bien volontiers que nous les étudierons et que nous vérifierons si elles sont applicables. Le cas échéant, elles pourraient se retrouver dans un prochain « paquet » législatif.
L’examen des amendements me permettra de répondre plus précisément à certaines questions, mais je veux néanmoins vous donner quelques informations précises sur deux projets qui ont été évoqués par plusieurs entre vous, en particulier par votre rapporteur, à savoir le projet « Dites-le-nous une seule fois » et le projet de simplification de la fiche de paie.
Le projet « Dites-le-nous une seule fois », adopté en 2011, n’avait pas connu de véritable suite. Il est maintenant au cœur du travail de simplification des services de l’État et suit une feuille de route. Il s’agit d’un projet extrêmement simple, qui concerne tant les particuliers que les entreprises. Aux termes de ce projet, au 1er janvier 2017, tous les citoyens français et tous les agents économiques seront dispensés de répondre à toute demande ultérieure émanant de l’administration une fois qu’ils auront effectué leurs démarches administratives – c’est ce que l’on a appelé initialement le « coffre-fort numérique ».
Ce chantier soulève d’énormes difficultés tant juridiques que techniques – je pense aux logiciels – parce qu’il faut sécuriser les échanges de données entre les différentes administrations. Surtout, il y avait un préalable : que l’organisation informatique de l’État change pour qu’elle soit désormais régie au niveau interministériel par le Premier ministre lui-même. Cette question a été réglée le 1er août dernier, au cœur de l’été, par l’abrogation d’un décret de 1986 qui donnait à chaque ministre compétence sur son propre système informatique.
Mme Nicole Bricq. Une logique en silo !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. J’avais eu d’ailleurs l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec Nicole Bricq.
Chaque administration ministérielle s’organisait de telle sorte que, surtout, son système informatique ne puisse pas être compatible avec celui de tel ou tel autre ministère… Il fallait casser ce système pour être en mesure de développer des plates-formes technologiques qui puissent être renseignées ou sollicitées par l’ensemble des ministères ; c’est chose faite depuis le 1er août.
Donc, pour ce qui est de « Dites-le-nous une seule fois », cela avance.
J’ai déjà évoqué les points intermédiaires, à savoir la simplification des marchés publics et la disparition de la première enveloppe. En fait, avec le numéro de SIRET, on peut retrouver toutes les informations que l’on demandait aux PME-PMI au moyen de la première enveloppe.
S’agissant maintenant du bulletin de paie, au 1er janvier 2015, les entreprises de France qui seront volontaires pourront faire passer le bulletin de paie de vingt-sept lignes actuellement à une quinzaine de lignes. En effet, nous avons négocié avec les partenaires sociaux la globalisation des cotisations patronales.
Les partenaires sociaux ont accepté que les onze lignes retraçant les cotisations patronales soient fondues en une seule. Les cotisations patronales ne disparaissent pas totalement de la fiche de paie, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne faisaient pas jusqu’à présent l’objet d’une particulière attention de la part des salariés.
Voilà pour la première étape.
La seconde étape intervient dans quelques jours. Nous allons réunir un groupe de travail comportant des représentants patronaux, des représentants salariés, des éditeurs de logiciels et des experts-comptables dont la tâche consistera à harmoniser un certain nombre d’assiettes de cotisations et à réformer les systèmes de collecte, qui sont à la base de l’architecture un peu complexe de la fiche de paie.
Ce travail se poursuivra jusqu’à l’été 2015, de telle sorte que, au cours du second semestre de 2015, le bulletin de paie simplifié soit opérationnel, la collecte des cotisations sociales soit réformée et que les cotisations versées tant par les patrons que par les salariés soient traçables, afin que tout le monde puisse suivre l’évolution des cotisations versées.
Tout cela se fait à droit constant, sans aucune modification du montant des cotisations ou de leur mode de leur prélèvement. Cette nouvelle architecture pourra être généralisée à l’ensemble de l’économie française le 1er janvier 2016. Articulée à la numérisation des déclarations sociales, cette nouvelle fiche de paie procure un gain pour l’économie supérieur à 1,5 milliard d’euros, 8 euros par mois et par fiche de paie, soit 96 euros par an et par salarié.
Si l’on veut mener à bien et avec sérieux ce gigantesque chantier, il ne faut cependant pas chercher à aller plus vite. J’y reviens, la simplification exige de savoir concilier humilité, modestie et détermination dans la durée.
M. Vaspart s’est interrogé sur le montant des gains attendus de ces mesures de simplification pour l’économie française. Cette question du chiffrage est légitime. Sur le site www.fairesimple.gouv.fr nous rendrons publiques en toute transparence les évaluations ex post de ces mesures, c’est-à-dire les évaluations constatées. En outre, nous ferons évaluer les effets de ces mesures pas une autorité indépendante, ce qui ne s’est pas fait jusqu’à présent en France : généralement, c’est l’administration qui évalue elle-même le résultat de ses politiques. Nous sommes en train de procéder à un appel d’offres afin de confier à une ou plusieurs universités spécialisées dans l’analyse microéconomique l’évaluation des mesures prises. De cet impact vous pourrez juger vous-même, monsieur le sénateur.
J’ai évoqué un gain de 2,4 milliards d’euros pour les dix-huit premiers mois et de 11 milliards d’euros d’ici à la fin de 2016. Ces estimations, que je trouve pour ma part prudentes, sont conformes à une méthodologie utilisée à l’étranger et ont, de surcroît, été validées au terme de discussions que nous avons eues avec l’OCDE, ce qui donne toute garantie quant au chiffrage.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore de votre participation à ce débat. L’examen des amendements me permettra de répondre plus complètement à chacun d’entre vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Au moment d’entamer la discussion des articles de ce projet de loi, je voulais prendre la parole non pas pour vous répondre, monsieur le secrétaire d’État, mais pour faire part plus précisément des préoccupations que suscite au sein de la commission des lois et, plus généralement sans doute, du Sénat tout entier, le recours à la procédure d’habilitation législative, que nous avons voulu restreindre dans la mesure du possible.
Parlementaire chevronné, vous n’avez pas oublié en prenant vos nouvelles fonctions au sein du Gouvernement les réticences du Parlement face à l’utilisation de cette procédure. Sans vouloir allonger inutilement nos débats, je rappelle que, aux termes de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnances pour l’exécution de son programme, lequel programme – il en est question ailleurs dans la Constitution – est présenté par le Premier ministre lorsqu’il engage la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale.
C’est dire que, pour respecter l’équilibre de nos institutions, les lois d’habilitation ne sont tolérées que pour autant qu’elles portent sur des sujets majeurs.
Force est de constater que, au fil des années – l’actuel gouvernement n’a pas le monopole de cette mauvaise méthode législative –, il a été de plus en plus fréquemment fait recours aux lois d’habilitation, notamment pour transposer les directives européennes ou pour procéder à des réformes juridiques touchant de très nombreux articles de tel ou tel code. Ce n’est pas une raison pour considérer que procéder ainsi est une bonne pratique législative.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré devant le Sénat que vous étiez soucieux d’associer les parlementaires à l’élaboration de ces ordonnances. La commission en prend acte, bien sûr, mais nos demandes vont plus loin, en réalité.
Nos rapporteurs – et ce sera de plus en plus le cas à l’avenir – sont non seulement responsables de définir les positions de leurs commissions respectives lors de l’examen des projets de loi, mais ils sont également chargés de suivre la mise en œuvre des lois. Je souhaite donc que vous transmettiez dès que possible à nos rapporteurs – cinq commissions ont été saisies de ce texte assez hétéroclite, il faut bien le reconnaître –, dans les toutes prochaines semaines, vos projets d’ordonnance pour que nos collègues puissent rendre compte de leur contenu exact devant les différentes commissions avant même leur signature.
Moyennant cet engagement dont je souhaite que vous le preniez devant nous, nous examinerons avec bienveillance les demandes d’habilitation législative contenues dans ce texte, dans la mesure où vous accepterez vous-même de les restreindre au strict minimum.
Pour que nous acceptions d’entrer dans ce type de discussions avec le Gouvernement, il sera nécessaire que vous veilliez bien, au-delà des relations individuelles que tel ou tel parlementaire pourra entretenir avec le Gouvernement pour préparer les ordonnances, à ce que les rapporteurs en soient saisis en temps utile.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
19
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, lors du scrutin n° 13 du 30 octobre 2014, M. Antoine Lefèvre a été porté comme votant pour alors qu’il souhaitait s’abstenir. Je vous remercie d’en tenir compte.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
20
Simplification de la vie des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises.
La discussion générale ayant été close, nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives
Chapitre Ier
Mesures en matière de droit du travail et de la sécurité sociale
Article 1er
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de favoriser le développement des dispositifs de titres simplifiés et de guichets uniques de déclaration et de paiement des cotisations et contributions de protection sociale, en tenant compte des conventions collectives particulières.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’harmoniser la définition et l’utilisation des notions de jour et, en tant que de besoin, d’adapter la quotité des jours sans modifier les délais existants, dans la législation du travail et de la sécurité sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet article 2 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives aux notions de jour. Il s’agit surtout d’harmoniser ces notions, puisque plusieurs définitions coexistent actuellement dans les codes du travail et de la sécurité sociale.
Si l’harmonisation peut sembler nécessaire, elle suppose toutefois, monsieur le secrétaire d’État, une vraie remise à plat des modalités de décompte des délais et de leur durée aujourd’hui en vigueur. Cette remise à plat, qui impacte donc tant le code du travail que celui de la sécurité sociale, ne peut s’engager sans discussion avec les partenaires sociaux et avec le Parlement.
Il semble d’ailleurs qu’il n’y ait pas consensus sur ce point, puisque les dispositions retenues par le Gouvernement pourraient consister à remplacer la notion de « jour franc » par celle de « jour ouvrable », alors que notre rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales propose principalement de généraliser le recours à la notion de « jour calendaire ».
Cette divergence, mes chers collègues, milite pour une discussion entre les élus et, donc, pour le rejet de la voie de l’ordonnance – et, par conséquent, de cet article.
Il est à noter que le recours généralisé à la notion de « jour calendaire » proposé par Mme la rapporteur pour avis peut contribuer à affaiblir la distinction existante entre les jours ouvrables d’un côté, et les jours ouvrés, c’est-à-dire les dimanches et jours fériés, de l’autre. C’est d’autant plus inquiétant pour nous, groupe communiste, républicain et citoyen, dans cette période où la législation du travail du dimanche est remise en cause.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L’avis de la commission est bien évidemment défavorable.
Comme je l’ai dit dans la discussion générale, c’est un article sur lequel quasiment toutes les personnes auditionnées s’accordaient, estimant que c’était une simplification non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les salariés, qui ont parfois quelque difficulté à savoir s’il s’agit de jours ouvrés ou ouvrables pour remplir certaines déclarations.
Cet article me semble donc aller dans le bon sens.
Je précise à Mme David que, lors des auditions, il est apparu que la notion de « jour calendaire » satisfaisait la plupart de nos interlocuteurs. Quoi qu’il en soit, dans le texte tel qu’il a été adopté par la commission, je n’ai pas pour ma part introduit cette notion.
Mme Annie David. C’est exact !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. C’est une suggestion que je fais au ministre et à la Direction générale du travail.
Je ne doute pas un seul instant que la formule qui sera adoptée le sera en tenant compte de toutes les dispositions afin de ne modifier en rien le code du travail. À mon avis, le ministre et la Direction générale du travail veilleront à ne rien bouleverser, et cela ne se fera pas en une semaine !
Donc, avis défavorable de la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Les auteurs de l’amendement doivent bien comprendre que cette mesure vise vraiment à rendre plus lisible le code du travail, notamment pour ceux qui n’en sont pas forcément des experts, au tout premier rang desquels les salariés.
Les recours devant les tribunaux après des licenciements pour des incompréhensions relevant des différentes définitions du mot « jour » sont fréquents. L’intention du Gouvernement est bien d’arriver, sur proposition de partenaires sociaux et de responsables d’entreprise, à une définition unique du mot « jour », qui évitera aux personnes peu au fait des arcanes du code du travail de confondre jour ouvrable et jour ouvré, par exemple. Cela va donc dans le sens d’une sécurisation des droits des salariés. C’est essentiellement à cet effet que cette mesure est prise.
Cet amendement, j’en partage l’esprit, au sens où il n’est en rien question d’enlever quelque droit que ce soit au salarié, bien au contraire. Mais mon sentiment est qu’il peut tout à fait être retiré. Faute de quoi, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. Madame David, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Annie David. Madame la présidente, je ne vais pas retirer cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas faire passer les salariés pour ce qu’ils ne sont pas : ils savent très bien ce qu’est un jour ouvrable, un jour ouvré ou un jour calendaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Pascale Gruny. Allez dans les entreprises !
Mme Annie David. En l’occurrence, il s’agit plutôt, en guise de « simplification », de noyer le poisson et de laisser gommer les différences que recouvrent ces vocables et, avec eux, les droits associés à chacune des catégories de jours.
Mme la rapporteur pour avis nous avait proposé un amendement tendant au maintien des délais. Nous allons y venir avec le prochain amendement du Gouvernement.
Que l’on ne s’y trompe pas, l’affaire est sérieuse pour les droits des salariés aujourd’hui, et je ne comprends vraiment pas que l’on recoure à une ordonnance pour légiférer sur ce point : les salariés comme les parlementaires sont capables de comprendre !
Je vous ai bien écouté, monsieur le secrétaire d’État, notamment quand, du haut de la tribune, vous avez justifié le recours aux ordonnances en disant qu’il fallait parfois pouvoir aller vite face à des sujets complexes. Certains sujets sont, il est vrai, complexes, mais ne pensez pas que ni les parlementaires ni les représentants des travailleurs ne sont capables de comprendre dès lors qu’on leur explique réellement de quoi il retourne.
En l’occurrence, mon groupe considère que passer outre les débats parlementaires et la discussion avec les partenaires sociaux n’est pas de bon augure pour le dialogue social que vous prônez par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, ou, si ce n’est vous, en tout cas votre collègue ministre du travail, M. Rebsamen, ce dialogue social au nom duquel les notions de jour devaient être définies par le Parlement.
M. Dominique Watrin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je comprends bien qu’il s’agit d’un amendement de principe pour le groupe CRC, de même que les amendements de suppression qu’il présente à l’article 2 ter, l’article 2 quater et à l’article 2 quinquies. Vous êtes réticents à toute modification. Bon ! Mais franchement…
On a parlé des salariés. Je veux, quant à moi, parler des entreprises et de ceux qui investissent dans l’appareil productif français. Ces notions de « jour ouvré », « jour ouvrable », « jour calendaire » sont déjà compliquées pour nous, alors imaginez vues d’un peu plus loin !
Mme Annie David. C’est plus simple en France qu’aux États-Unis !
Mme Nicole Bricq. Nous sommes là pour favoriser la vie des entreprises. Nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous examinerons les amendements que nos collègues de droite ont déposés, qui sont de nature politique, voire idéologique.
Je rappelle pour ma part que les entreprises sont faites de chefs d’entreprise et de salariés. (Exclamations au banc des commissions.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bravo !
Mme Nicole Bricq. Nous sommes, bien sûr, favorables au dialogue social. M. le Premier ministre a présidé cet après-midi même l’installation du Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements, c'est-à-dire les baisses de charges...
Mme Annie David. Des baisses de cotisations !
Mme Nicole Bricq. … avec l’ensemble des organisations représentatives de salariés.
Cela étant, nous ne pourrons pas voter cet amendement de suppression, pas plus que les autres, d’ailleurs.
Vous avez fait référence aux ordonnances, mais, si nous sommes réunis pour la troisième fois consécutive, c’est précisément pour encadrer le travail du Gouvernement. À cet égard, je le redis une fois pour toutes, M. le secrétaire d’État a pris des engagements : les ordonnances seront rédigées en concertation avec les rapporteurs. C’est justement ce qui se passera pour l’amendement suivant : Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales va encadrer le travail du Gouvernement et exposer ce que veut le Parlement. Par conséquent, il est faux de dire que nous sommes en dehors de la procédure ; nous sommes bien dans la procédure !
Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
sans modifier les délais existants,
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Il s’agit de revenir à la rédaction initiale de cet article 2, dont l’esprit ne suscite à mon avis aucun désaccord entre la commission et le Gouvernement.
En effet, le fait de remplacer des jours « ouvrables » par des jours « calendaires » pourrait amener à modifier, en les allongeant, les délais actuels prévus dans les codes : puisque, par définition, les jours ouvrables intègrent les week-ends, nous serions obligés de passer certains délais de deux jours à trois jours. Les délais seraient donc forcément modifiés.
Mme Annie David. Vous avez tout dit !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cette nouvelle rédaction de la commission risque donc d’ouvrir la possibilité de changer les délais, dans un sens ou dans l’autre, ce qui n’est pas le souhait du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Nous voulions justement encadrer les ordonnances et faire en sorte qu’il n’y ait aucune modification des délais. Sinon, de deux jours francs, on passera à trois jours, à quatre jours, ou bien à une seule journée, selon la terminologie qui sera choisie.
Si effectivement la notion juridique de « délais » ne convient pas, je propose que l’on vote encore une fois contre cet amendement et que l’on étudie en commission mixte paritaire cette question afin de remplacer éventuellement le mot « délais » par le mot « durées ». Toutefois, je tiens personnellement absolument, comme la commission, à l’encadrement de ces durées.
Mme Annie David. C’est le minimum !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je propose que nous prolongions brièvement la discussion pour trouver des solutions intelligentes qui nous permettent, si nous partageons l’objectif, ce que je crois, d’arriver directement au résultat voulu.
Vous êtes, comme nous, attachés à ce que cette modification ne puisse en rien être défavorable aux salariés dans la procédure.
M. André Reichardt, rapporteur. Ni aux salariés ni à l’employeur !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Si tel est votre état d’esprit, je rectifie l’amendement du Gouvernement afin de remplacer la formule « sans modifier les délais existants », puisqu’il peut arriver que des situations l’imposent compte tenu de la différence entre les jours ouvrables et les jours calendaires, par les mots « sans qu’elle soit moins favorable aux salariés ».
Cette solution aurait l’avantage de garantir que ces modifications ne pourront pas se faire au détriment des salariés. C’est aussi une façon de satisfaire les auteurs de l’amendement qui vient d’être rejeté.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 89 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Remplacer les mots :
modifier les délais existants
par les mots :
qu'elle soit moins favorable aux salariés
Quel est l’avis de la commission des affaires sociales sur cet amendement ainsi rectifié ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas consulté la commission, mais, à titre personnel, je ne vois pas en quoi la formule « sans qu’elle soit moins favorable aux salariés » est juridiquement plus solide, et pourquoi sont visés uniquement les salariés, alors qu’il s’agit autant des salariés que des entreprises.
J’en reste donc au texte de la commission que nous pourrons amender et améliorer jusqu’à la commission mixte paritaire.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 89 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Lorsque nous avons examiné en commission l’amendement n° 89, j’ai bien pensé que telle était l’intention. Le Gouvernement, en rectifiant son amendement, montre sa bonne foi.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Nous sommes tous de bonne foi !
Mme Nicole Bricq. En effet, car nous souhaitons tous que de telles dispositions ne nuisent pas aux salariés.
Mme la rapporteur pour avis propose d’attendre la commission mixte paritaire. À partir du moment où le Gouvernement précise son intention, nous pourrions être tous d’accord sur cet amendement rectifié, y compris le groupe CRC – toutefois, j’ai bien compris que ce dernier maintiendrait sa position de principe –, un amendement dont l’adoption ne soulève plus de véritable difficulté.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis
I. – (Supprimé)
II. – (Supprimé)
III. – (Supprimé)
IV. – La section 1 du chapitre III du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail est complétée par un article L. 6243-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 6243-1-2. – Le ministère chargé de l’emploi et de la formation professionnelle transmet à l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du présent code la liste annuelle nominative des entreprises qui ont versé la contribution supplémentaire à l’apprentissage en application de l’article 1609 quinvicies du code général des impôts, à l’exclusion de toute information financière. Cette institution aide et conseille les entreprises mentionnées sur cette liste dans leur recrutement de jeunes ou d’adultes par la voie de l’apprentissage ou de la professionnalisation. » – (Adopté.)
Article 2 ter
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative visant à déterminer les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial défini à l’article L. 1251-64 du code du travail et les principes applicables à la personne portée, à l’entreprise de portage et à l’entreprise cliente.
Ces conditions essentielles comprennent la définition des conditions d’exercice de l’activité d’entreprise de portage salarial et des conditions de recours au portage salarial, incluant les différents types de contrats de travail et la création d’un cas de recours au contrat à durée déterminée spécifique au portage salarial, leurs caractéristiques, les conditions d’emploi et de travail des salariés portés et les garanties qui leur sont applicables. Elles comprennent également la répartition du paiement des cotisations sociales entre la personne portée et l’entreprise de portage.
Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 2 ter autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives au portage salarial, principalement les conditions essentielles à l’exercice d’une telle activité : types de contrats de travail, conditions d’emploi et de travail, etc.
Sur la forme, cet article a pour origine une décision du Conseil constitutionnel du 11 avril 2014. Le Conseil, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a en effet estimé que le législateur avait méconnu sa compétence en confiant à un accord collectif le soin de fixer des règles relevant de la loi.
Or, en recourant, là encore, à l’ordonnance, le Gouvernement fait fi de l’esprit de la décision du Conseil constitutionnel qui visait précisément à rendre au législateur le pouvoir de statuer sur l’organisation du portage salarial.
C’est d’autant plus critiquable que l’exécutif, passant par-dessus les parlementaires – c’est un constat –, s’octroie pleine liberté pour statuer sur un domaine particulièrement vaste, puisque « toute mesure législative visant à déterminer les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial » pourra être prise, à savoir « les différents types de contrats de travail, leurs caractéristiques, les conditions d’emploi et de travail des salariés portés et les garanties qui leur sont applicables ».
Sur le fond, malgré le résultat des négociations de 2010, les partenaires sociaux ont en effet approuvé le principe du portage salarial après négociations.
Le groupe CRC estime que le portage salarial désorganise les relations de travail et contourne les règles prévues par le recours à un contrat de travail à durée indéterminée.
Nous déplorons donc que le Gouvernement utilise la procédure des ordonnances, et nous demandons à tout le moins que l’accord conclu avec les organisations syndicales en 2010 soit soumis au débat du Parlement avant son éventuelle inscription dans le code du travail.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il y a une urgence juridique, car 50 000 personnes concernées par le portage salarial se retrouveraient totalement dépourvues au 1er janvier. Pour la commission, il est inconcevable de remettre en cause cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je partage l’avis de la commission des affaires sociales sur la nécessité absolue de combler un vide juridique résultant d’une décision du Conseil constitutionnel.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil a en effet invalidé l’article 8 de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, précisant que ce texte ne pouvait renvoyer à une convention collective le soin de fixer des règles qui relèvent du domaine législatif.
Mme Annie David. Voilà !
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Oui, nous y sommes !
Le Conseil a estimé que lesdites règles relèvent de la loi. Le dispositif en lui-même n’a donc pas été invalidé, mais cette décision rend indispensable l’intervention du législateur, ce que nous sommes en train de faire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Watrin. Nous sommes en pleine contradiction !
Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et la création d’un cas de recours au contrat à durée déterminée spécifique au portage salarial
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Le Gouvernement propose de revenir sur la rédaction retenue par la commission. En effet, il semble que la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale soit suffisamment large pour permettre au Gouvernement de travailler et, dans le même temps, assez détaillée pour lui donner le pouvoir d’embrasser toutes les différentes situations de portage salarial existant à ce jour.
Le degré de précision des éléments ajoutés par la commission des affaires sociales du Sénat, qui restreignent le champ de l’ordonnance, est tel qu’il rend probablement le dispositif bien trop strict et pourrait laisser penser, a contrario, qu’il ne serait pas possible de définir dans l’ordonnance l’ensemble des autres éléments indispensables à la sécurisation du portage salarial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission, comme pour l’amendement précédent, ne veut apporter aucune restriction ou modification. Nous n’avons pas touché à l’habilitation ; nous avons seulement tenu à préciser des éléments qui devaient normalement figurer dans l’accord sur le portage salarial et qui posent de vrais soucis.
Dans sa rédaction initiale, l’article énumérait un certain nombre de domaines. En ajouter deux de plus ne modifie en rien sa portée. La précision que nous souhaitons introduire n’empêche en rien l’ordonnance d’aller au-delà de ce qui est énuméré à l’alinéa 2.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites que nous sommes est en train de légiférer ; peut-être, mais par ordonnance ! Cette loi de 2008 avait été examinée par le Parlement ; or la décision du Conseil constitution date d’avril 2014 ; vous aviez le temps de nous présenter un projet de loi, et non une ordonnance, sur laquelle les parlementaires auraient pu se prononcer. Nous vous aurions peut-être suivi, mais ce n’est pas sûr, car nous ne sommes pas favorables au portage salarial, vous l’aurez compris. En tout cas, nous aurions entendu les mesures que vous souhaitez proposer.
Vous vous engagez, dites-vous, à réécrire ces ordonnances avec les différents rapporteurs. Soit ! Mais les rapporteurs ne représentent pas l’ensemble des groupes politiques. Et, on le sait bien, pour l’élaboration de ces ordonnances, toutes les voix ne seront pas entendues.
Voilà pourquoi on ne peut pas vous suivre lorsque vous affirmez, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes en train de légiférer. Non ! Le Parlement s’apprête à vous habiliter à écrire plusieurs ordonnances. Mais nous ne pouvons pas vous signer des chèques en blanc sur des sujets aussi importants, qui touchent au code du travail et à l’organisation du travail tout entière.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Comme l’a indiqué Mme la rapporteur pour avis, il est indispensable qu’une consultation des partenaires sociaux soit menée à bien au sujet du portage salarial.
Cette consultation devra notamment permettre de mesurer l’évolution de ce secteur, qui connaît une forte expansion : il représente aujourd’hui 50 000 salariés. Plusieurs questions restent en suspens, auxquelles il reviendra aux partenaires sociaux de répondre. Je songe notamment à la création d’une branche professionnelle autonome : le portage ne recouvre pas nécessairement une activité indépendante de conseil ou de communication ; il ne s’agit pas non plus d’intérim.
Toutefois, il doit demeurer, comme indiqué dans l’accord conclu par les partenaires sociaux en 2010, si ce n’est dans la loi de 2008, que la personne portée est un salarié de l’entreprise de portage, titulaire d’un contrat de travail. À ce titre, la répartition du paiement des cotisations sociales définie par le code de la sécurité sociale et le code du travail n’a pas à être mise en question.
Force doit rester à la consultation des partenaires sociaux pour parvenir à un texte équilibré, conforme aux principes du droit, et qui apporte ainsi la sécurité nécessaire aux acteurs de cette relation salariale.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est dur pour le Gouvernement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 ter.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 2 quater
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de simplifier et de sécuriser les modalités et conditions d’application de la sous-section 5 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail et du VIII de l’article 12 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi et de préciser les conditions dans lesquelles un salarié travaillant moins de vingt-quatre heures par semaine peut demander à obtenir une durée de travail supérieure ou égale à ce seuil.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, je veux vous dire mon très grand étonnement face à cet article 2 quater, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale.
Nous avons tous en mémoire les débats qu’avait suscités le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Je songe notamment à l’article consacré à l’encadrement du temps partiel.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, que je présidais à l’époque, avait émis un certain nombre de recommandations. En effet, comme vous le savez, plus de 80 % des personnes concernées par le temps partiel sont des femmes. Dans leur grande majorité, les salariés à temps partiel perçoivent de faibles rémunérations et de maigres retraites. Ils – je devrais plutôt dire « elles » – sont exposés à des horaires atypiques et fluctuants et n’ont pas accès à certains droits sociaux lorsqu’ils – elles - n’effectuent qu’un trop petit nombre d’heures.
Certes, dans sa rédaction actuelle, le code du travail entoure le temps partiel de dispositions protectrices, ou plutôt protectrices en apparence seulement : elles sont assorties de larges possibilités de dérogation ouvertes aux accords collectifs.
Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi opérait, du moins toujours en apparence, deux avancées significatives : l’instauration d’une durée de travail minimale hebdomadaire ; la rémunération dès la première heure des heures complémentaires. Néanmoins, ces mesures étaient assorties de conditions de mise en œuvre et de possibilités de dérogation risquant de les vider d’une bonne partie de leur contenu. Je l’avais souligné lors de ces débats, et il me semble que ce nouveau projet de loi me donne raison.
Aujourd’hui, le Gouvernement nous demande de l’autoriser à prendre par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi afin de simplifier et de sécuriser les modalités et conditions d’application […] de l’article 12 » de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
La loi prévoit que les vingt-quatre heures sont la règle. Elle précise que le salarié peut, à sa demande écrite et motivée, y déroger pour deux motifs, à savoir des contraintes personnelles ou un cumul avec une autre activité.
Si l’on en croit l’objet de l’amendement qu’il a déposé au titre de cet article, le Gouvernement cherche à instaurer une procédure qui s’appliquerait en cas de « dédit » du salarié ayant obtenu cette dérogation. Toutefois, la règle étant les vingt-quatre heures, si le salarié renonce à la dérogation qu’il a obtenue, il tombera ce me semble de facto sous le coup de l’obligation des vingt-quatre heures fixée par la loi. Il n’est donc nul besoin d’une ordonnance.
De plus, je le rappelle, le risque existe que cette possibilité de dérogation offerte au salarié réponde, en réalité, à une incitation de l’employeur, dans un rapport de force défavorable à l’employé. La rapporteur de notre délégation aux droits des femmes, notre collègue Catherine Génisson, avait clairement pointé ce danger dans son rapport.
Monsieur le secrétaire d’État, je me permets, à cet égard, de vous interroger sur une autre disposition de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, dans ce même article 12 : la possibilité de fixer une durée inférieure par une convention ou un accord de branche.
Dans ce domaine, l’expérience nous a prouvé que les dérogations conventionnelles peuvent devenir la règle et le principe légal, l’exception. Pouvez-vous nous indiquer si de tels accords ont été signés et, dans l’affirmative, combien et dans quelles branches ?
Enfin, pouvez-vous nous assurer que le rapport prévu à l’article 13 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi sera bien publié avant le 1er janvier 2015 ? Je rappelle que ce document doit porter sur l’évaluation des dispositions relatives au temps partiel. Il s’agit d’estimer « l’impact réel sur l’évolution des contrats à temps partiel, notamment concernant le nombre et la durée des interruptions de travail et des contrats à durée déterminée » et « sur la réduction de la précarité et des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes ». Parallèlement, cette évaluation doit nous permettre « de mesurer le recours effectif à l’annualisation du temps de travail pour les contrats à temps partiel ».
Il s’agit donc d’un rapport très important, que nous attendons avec beaucoup d’intérêt.
Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je viens de le rappeler, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a instauré un seuil minimal de vingt-quatre heures de travail hebdomadaire afin de lutter contre le temps partiel subi et la précarité. Cette avancée sociale a été obtenue aux termes d’une négociation – il faut tout de même le souligner ! – et en échange de nombreuses concessions offertes au patronat, notamment les accords dits « compétitivité-emploi » et les plans de mobilité interne.
Le présent projet de loi dit « de simplification » revient sur cette mesure. Ainsi, pour un salarié travaillant moins de vingt-quatre heures par semaine, qu’il l’ait souhaité en un temps pour des raisons personnelles ou que son contrat de travail ait été signé avant la conclusion de l’ANI, la possibilité de passer à vingt-quatre heures serait désormais conditionnée. Le Gouvernement compte, de nouveau par ordonnance, instaurer une « priorité d’accès » à un droit qui a pourtant été reconnu aux salariés et obtenu en échange de concessions majeures !
Selon la rapporteur de la commission des affaires sociales, « il n’est pas envisageable qu’un droit automatique à une durée de travail supérieure soit reconnu aux salariés », car « la plupart des employeurs ne seraient pas en mesure d’offrir de tels postes ». Mais, dans ce cas, je m’interroge : quelle est la valeur de la loi relative à la sécurisation de l’emploi ? Quel crédit accorder aux engagements pris par le patronat, en échange d’une plus grande « flexibilité » ?
Mme Annie David. Et quel crédit accorder au Gouvernement ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous ne pouvons tolérer cette manière de légiférer en catimini sur des droits conférés aux salariés après tant de concessions de leur part, et alors même que, chacun le sait, le temps partiel imposé implique un mal-vivre, une vie hachée, extrêmement compliquée et toujours subie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame Gonthier-Maurin, il ne me semble pas que, dans l’esprit ou dans les faits, l’ordonnance demandée vise à remettre en cause les vingt-quatre heures. Elle tend simplement à résoudre un problème d’insécurité juridique, évoqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle, notamment lors de questions d’actualité au Gouvernement.
Nous avons traité le cas des personnes dont le contrat entrerait en application avec ce critère des vingt-quatre heures, mais non celui de toutes celles dont le contrat a été préalablement signé, dont le temps de travail est inférieur et dont on ne sait pas si elles pourront, ou non, passer à vingt-quatre heures.
Le but est donc de résoudre un problème auquel se heurtent aussi bien les entreprises que les salariés, et qui entraîne une véritable insécurité juridique.
Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression. Je le répète, cette ordonnance vise non pas à remettre en cause les vingt-quatre heures, mais à préciser un certain nombre de points qui, dans la réalité, posent problème.
Mme Annie David. Non !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Par exemple, lors des auditions, on nous a cité le cas des reprises de travail à la suite de ce que l’on nommait naguère des mi-temps thérapeutiques.
Mme Annie David. Dans ce cas, c’est bien possible !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le temps de travail hebdomadaire complet n’étant pas de vingt-quatre heures mais de trente-cinq, ce mi-temps s’élève à dix-sept heures et demie. Toutefois, cette question n’est pas si pressante juridiquement.
Plus généralement, si une personne travaille à plein temps, s’arrête, reprend un poste à vingt-quatre heures par semaine, que peut faire l’entreprise ? Cette dernière aura onze heures de travail à pourvoir, et ne pourra embaucher personne pour les assumer. Vous le voyez, nombre de problèmes pratiques doivent être résolus. Tel est le sens de cette ordonnance. J’espère que l’on ira très loin et que diverses circulaires permettront de régler toutes les difficultés.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame Gonthier-Maurin, avant tout, je tiens à vous donner les renseignements que vous avez demandés quant à l’avancée des négociations relatives aux branches professionnelles. Il s’agit, plus précisément, des conditions dans lesquelles les partenaires sociaux d’une même branche peuvent tenir compte des spécificités de leur secteur professionnel.
Au 4 novembre 2014 – on trouvera difficilement des chiffres plus récents –,…
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Certes ! (Sourires.)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. … on dénombre trente-neuf accords de branche. Parmi eux, vingt et un sont d’ores et déjà étendus. J’ajoute que les dix-huit autres devraient l’être prochainement. Pour l’heure, plus de 78 % des salariés à temps partiel de la trentaine de branches recourant structurellement au temps partiel sont couverts par un accord de branche.
J’en viens à l’amendement n° 33, que vous venez de présenter.
Mme la rapporteur pour avis l’a rappelé, la loi relative à la sécurisation de l’emploi avait omis un cas : celui du salarié qui a fait une demande de dérogation individuelle, ou dont le contrat, conclu avant la loi relative à la sécurisation de l’emploi, est inférieur à vingt-quatre heures hebdomadaires, et qui souhaite basculer dans le régime des vingt-quatre heures.
En pareil cas, pour sécuriser la situation des salariés concernés et celle des employeurs, il a paru nécessaire, après discussion avec les partenaires sociaux, d’habiliter le Gouvernement à fixer une procédure prévoyant le cas du dédit du salarié.
Comme Mme Procaccia l’a indiqué au cours de la discussion générale, l’intention du Gouvernement est d’instaurer, pour les salariés bénéficiant par leur contrat d’un temps de travail inférieur à vingt-quatre heures, un droit d’accès prioritaire à un emploi d’une durée de vingt-quatre heures, sur le modèle du dispositif aujourd’hui prévu pour les salariés à temps partiel désireux de passer à temps plein.
Or la commission a restreint le champ de l’habilitation en la matière. La rédaction qu’elle a retenue priverait le Gouvernement de la possibilité de sécuriser plusieurs points qui doivent être sécurisés – j’anticipe, à cet égard, sur la suite de la discussion.
En effet, la référence à la sous-section 5 restreint le champ d’habilitation à légiférer par ordonnance à la section relative aux contrats et horaires de travail des salariés à temps partiel. Or, pour le salarié et pour l’employeur, la sécurisation de la procédure de passage d’un contrat de travail inférieur à vingt-quatre heures à un contrat de vingt-quatre heures au moins nécessitera une modification de la sous-section 3.
Au-delà, dans le cadre des négociations de branche, l’attention du Gouvernement a été appelée sur la nécessité de clarifier certains points, notamment s’agissant des contrats infrahebdomadaires. Ainsi, l’amendement que je défendrai dans quelques instants au nom du Gouvernement vise à rétablir la rédaction initiale du présent article. Il est donc cohérent avec l’avis défavorable que j’émets sur l’amendement n° 33.
Il faut permettre au Gouvernement de clarifier les modalités d’application des dispositions issues de l’accord national interprofessionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Supprimer les mots :
de la sous-section 5
II. – Après le mot :
emploi
Supprimer la fin de la phrase.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 116, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission des affaires sociales sur l’amendement n° 90.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a, pour partie, entendu le Gouvernement et propose avec lui de supprimer la référence à la sous-section 5, qui pose problème.
En revanche, la commission est défavorable à la modification introduite par la deuxième partie de l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 116 ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je me réjouis de la position de Mme la rapporteur pour avis sur la première partie de l’amendement, qui va dans le sens de ce que souhaite le Gouvernement pour sécuriser pleinement la procédure de dédit.
Comme je l’ai indiqué en le présentant, cet amendement doit cependant, dans sa deuxième partie, permettre de répondre à certaines questions soulevées par les partenaires sociaux. Il eût été plus efficace, à mon sens, de retirer le sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 116.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas d’accord avec ce qui vient de nous être présenté. Il ne faudrait pas laisser croire que le groupe communiste républicain et citoyen ne comprend pas ce qui est en cause. Il s’agit bien des contrats de travail inférieurs à vingt-quatre heures, monsieur le secrétaire d’État.
Avant le vote de la loi, des personnes pouvaient travailler moins de vingt-quatre heures par semaine par choix, parce qu’elles avaient demandé une dérogation, quel qu’en soit le motif, ou parce qu’elles bénéficiaient d’un mi-temps thérapeutique.
Mais la loi avait été adoptée ici même au bénéfice des personnes qui subissent le temps partiel, et qui ne le choisissent pas. La disposition avait fait l’objet de débats très âpres dans cette assemblée avant d’être adoptée. Notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin a rappelé comment cela s’était passé, après le rapport de notre collègue Catherine Génisson sur ce fameux article 12 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. La rédaction que nous avions obtenue visait bien les personnes signataires d’un contrat à temps partiel inférieur à vingt-quatre heures.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il existe des temps partiels choisis, tout de même !
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Heureusement !
Mme Annie David. Imaginez la vie de ces personnes en temps partiel subi, et non pas choisi, inférieur à vingt-quatre heures, avec un salaire de quinze, seize ou dix-sept heures de travail par semaine, voire moins : elle n’a rien de facile ! La loi était claire : ces personnes devaient passer à vingt-quatre heures par semaine.
Cela avait été affirmé dans cet hémicycle par l’ensemble des membres du Gouvernement qui se succédaient à votre place, monsieur le secrétaire d’État, par le rapporteur, par Catherine Génisson et par l’ensemble des collègues de gauche ici présents.
Cette loi devait permettre notamment aux femmes, puisque l’on sait bien que cette situation les concerne majoritairement, de passer à vingt-quatre heures par semaine, au minimum.
M. André Reichardt, rapporteur. Mais enfin, le temps partiel choisi, cela existe !
Mme Annie David. Vous revenez sur ce minimum de vingt-quatre heures, adopté ici afin de permettre à ces personnes qui subissent un travail à temps partiel de pouvoir travailler plus longtemps, alors que la mesure n’a que quelques mois, sans avoir pu prendre toute la mesure de son application.
En même temps, et nous vous remercions de cette précision, vous nous annoncez déjà trente-neuf accords de branche, concernant plus de 78 % des salariés à temps partiel. Ces accords sont donc possibles ! Pourquoi vous précipitez-vous pour changer les règles ? Laissez donc aux partenaires sociaux le temps d’aboutir à ces accords dans l’ensemble des branches, couvrant ainsi l’ensemble des salariés travaillant à temps partiel.
Vous revenez par ordonnance, quelques mois après son adoption, sur une mesure qui avait fait l’objet de débats très âpres.
Mme Annie David. Passer outre ainsi l’ensemble de ce qui a été fait jusqu’à présent n’est ni correct ni satisfaisant du point de vue du dialogue social.
M. André Reichardt, rapporteur. Ce n’est pas bien, ce que vous faites, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires au banc des commissions.)
Mme Annie David. Nous ne pourrons donc pas vous suivre sur cet amendement, comme nous ne vous suivrons pas sur l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Comprenons-nous bien : il ne s’agit en aucune manière du temps partiel subi, mais bien de temps partiel choisi : cela concerne les salariés qui choisissent de travailler moins de vingt-quatre heures par semaine.
Mme Annie David. Et ceux qui ne choisissent pas, pourront-ils obtenir de travailler vingt-quatre heures ?
Mme la présidente. Madame Procaccia, le sous-amendement n° 116 est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 quater, modifié.
(L'article 2 quater est adopté.)
Article 2 quinquies (nouveau)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1242-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Pour la réalisation d’un objet défini dans les conditions prévues à la sous-section 3. » ;
2° La section 1 du chapitre II du titre IV du livre II de la première partie est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Contrat de travail à durée déterminée à objet défini
« Art. L. 1242-6-1. – Un contrat de travail à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un objet défini, d’une durée comprise entre dix-huit mois et trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d’ingénieurs et de cadres au sens des conventions collectives. Il ne peut pas être renouvelé.
« Ce contrat est régi par le présent titre, à l’exception des dispositions spécifiques fixées par la présente sous-section.
« Art. L. 1242-6-2. – Le recours au contrat de travail à durée déterminée à objet défini est subordonné à la conclusion d’un accord de branche étendu ou, à défaut, d’un accord d’entreprise.
« L’accord de branche étendu ou l’accord d’entreprise définit :
« 1° Les nécessités économiques auxquelles ce contrat est susceptible d’apporter une réponse adaptée ;
« 2° Les conditions dans lesquelles les salariés en contrat de travail à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle et peuvent, au cours du délai de prévenance mentionné à l’article L. 1242-6-3, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnels ;
« 3° Les conditions dans lesquelles les salariés en contrat de travail à durée déterminée à objet défini bénéficient d’une priorité d’accès aux emplois en contrat de travail à durée indéterminée dans l’entreprise.
« Art. L. 1242-6-3. – Le contrat de travail à durée déterminée à objet défini prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu. Son terme est précédé d’un délai de prévenance qui ne peut être inférieur à deux mois.
« Art. L. 1242-6-4. – Le contrat de travail à durée déterminée à objet défini peut être rompu par l’une ou l’autre des parties, pour un motif réel et sérieux, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion.
« Art. L. 1242-6-5. – Si le contrat de travail à durée déterminée à objet défini est rompu à l’initiative de l’employeur en application de l’article L. 1242-6-4 ou qu’il ne donne pas lieu à une embauche en contrat de travail à durée indéterminée dans l’entreprise à son terme, le salarié a droit à une indemnité d’un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute.
« Art. L. 1242-6-6. – L’article L. 1242-12 est applicable au contrat de travail à durée déterminée à objet défini. Ce contrat comporte également les clauses suivantes :
« 1° La mention « contrat de travail à durée déterminée à objet défini » ;
« 2° L’intitulé et les références de l’accord collectif qui institue ce contrat ;
« 3° La description du projet et sa durée prévisible ;
« 4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;