Article 13
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 995 est ainsi modifié :
a) Le 11° est complété par les mots : « , à l’exception de la part se rapportant à l’obligation d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances » ;
b) Le second alinéa du 12° est complété par les mots : « , à l’exception de la part se rapportant à l’obligation d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur prévue au même article L. 211-1 » ;
c) Le 13° est abrogé ;
d) Il est ajouté un 18° ainsi rédigé :
« 18° Les contrats d’assurance maladie assujettis à la taxe mentionnée à l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale. » ;
2° L’article 1001 est ainsi modifié :
a) Les 2° bis et 2° ter sont abrogés ;
b) Le 5° bis est complété par les mots : « autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances » ;
c) Après le 5° bis, il est inséré un 5° quater ainsi rédigé :
« 5° quater À 15 % pour les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances et concernant les véhicules terrestres à moteur utilitaires d’un poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes ainsi que les camions, camionnettes et fourgonnettes à utilisations exclusivement utilitaires des exploitations agricoles et exclusivement nécessaires au fonctionnement de celles-ci ;
« À 33 % pour les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur instituée au même article L. 211-1 pour les véhicules autres que ceux mentionnés au premier alinéa du présent 5° quater ; »
d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le produit de la taxe est affecté aux départements, à l’exception de la fraction correspondant à un taux de 13,3 % du produit de la taxe au taux de 33 % et du produit de la taxe au taux de 15 % mentionnés au 5° quater, qui sont affectés dans les conditions prévues à l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – Le 4° de l’article L. 131-8 est ainsi rédigé :
« 4° La fraction du produit de la taxe mentionnée au dernier alinéa de l’article 1001 du code général des impôts est affectée à la Caisse nationale des allocations familiales ; »
B. – La section 3 du chapitre VII du titre III du livre Ier est abrogée ;
C. – Au premier alinéa de l’article L. 138-20, la référence : « L. 137-6, » est supprimée ;
C bis (nouveau). – Le 5° de l’article L. 241-6 est ainsi rédigé :
« 5° Le produit de la taxe mentionnée au IV de l’article L. 862-4 ; »
D. – À l’article L. 862-3, après le mot : « constituées », sont insérés les mots : « d’une fraction » ;
E. – L’article L. 862-4 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , au profit du fonds visé à l’article L. 862-1, » sont supprimés et les mots : « afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de » sont remplacés par les mots : « maladie complémentaire versées pour les » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « la cotisation correspondant à ces garanties et stipulée » sont remplacés par les mots : « le montant des sommes stipulées » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Les sommes stipulées au profit de ces organismes s’entendent également de tous accessoires dont ceux-ci bénéficient, directement ou indirectement, du fait de l’assuré. » ;
c) (nouveau) Au début de la première phrase du troisième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La taxe » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) À la fin, le taux : « 6,27 % » est remplacé par le taux : « 13,27 % » ;
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Ce taux est applicable aux contrats d’assurance maladie complémentaire relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative, sous réserve que l’organisme ne recueille pas, au titre de ce contrat, d’informations médicales auprès de l’assuré ou des personnes souhaitant bénéficier de cette couverture, que les cotisations ou primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré et que ces garanties respectent les conditions prévues à l’article L. 871-1.
« Ce taux est applicable aux contrats d’assurance maladie complémentaire relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire, sous réserve que les cotisations ou primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré et que ces garanties respectent les conditions prévues au même article L. 871-1.
« Lorsque les conditions prévues aux deuxième ou troisième alinéas du présent II ne sont pas respectées, le taux est majoré de 7 points. » ;
3° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Par dérogation au II, le taux de la taxe est fixé :
« 1° À 6,27 % pour les garanties de protection en matière de frais de santé souscrites dans les conditions prévues au 1° de l’article 998 du code général des impôts ;
« 2° À 6,27 % pour les garanties de protection en matière de frais de santé des contrats d’assurance maladie complémentaire couvrant les personnes physiques ou morales qui exercent exclusivement ou principalement une des professions agricoles ou connexes à l’agriculture définies aux articles L. 722-4 et L. 722-9, au 1° de l’article L. 722-10 et aux articles L. 722-21, L. 722-28, L. 722-29, L. 731-25 et L. 741-2 du code rural et de la pêche maritime ainsi que leurs salariés et les membres de la famille de ces personnes lorsqu’ils vivent avec elles sur l’exploitation si les garanties respectent les conditions prévues à l’article L. 871-1 du présent code, et à 20,27 % si ces conditions ne sont pas respectées ;
« 3° À 7 % pour les garanties de protection en matière de frais de santé des contrats d’assurance maladie pour les personnes qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire d’assurance maladie français ;
« 4° À 7 % pour les garanties assurant le versement d’indemnités complémentaires aux indemnités journalières mentionnées au 5° de l’article L. 321-1, sous réserve que l’organisme ne recueille pas, au titre de ce contrat, d’informations médicales auprès de l’assuré ou des personnes souhaitant bénéficier de cette couverture et que les cotisations ou primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré, et à cette seule condition dans le cadre des contrats mentionnés au troisième alinéa du II du présent article, et à 14 % si ces conditions ne sont pas respectées.
« Ces mêmes garanties figurant dans les contrats mentionnés aux 1° et 2° du présent II bis sont exonérées. » ;
4° Sont ajoutés des IV et V ainsi rédigés :
« IV. – Le produit de la taxe perçue au titre des contrats mentionnés au II et au 2° du II bis, pour une part correspondant à un taux de 6,27 %, ainsi qu’au 1° du même II bis est affecté au fonds mentionné à l’article L. 862-1. Le solde du produit de la taxe est affecté, par parts égales, à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et à la Caisse nationale des allocations familiales.
« V (nouveau). – Les déclarations et versements afférents à cette taxe sont effectués par voie dématérialisée, dans des conditions fixées par décret.
« La méconnaissance de l’obligation de déclaration ou de versement par voie dématérialisée prévue au premier alinéa du présent V entraîne l’application d’une majoration, fixée par décret, dans la limite de 0,2 % de la taxe dont la déclaration ou le versement n’a pas été effectuée par voie dématérialisée. Ces majorations sont versées auprès de l’organisme chargé du recouvrement de cette taxe dont le redevable relève, selon les règles, garanties et sanctions applicables à cette taxe. » ;
F (nouveau). – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 871-1, les références : « 13° de l’article 995 et du 2° bis de l’article 1001 du même » sont remplacées par les références : « II et du 2° du II bis de l’article L. 862-4 du présent » ;
G (nouveau). – Au sixième alinéa du II de l’article L. 911-7, les mots : « du présent code » sont supprimés et, à la fin, la référence : « 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts » est remplacée par la référence : « II de l’article L. 862-4 ».
III. – Le présent article s’applique aux primes, cotisations ou fractions de primes ou de cotisations pour lesquelles un fait générateur d’imposition intervient à compter du 1er janvier 2016.
Toutefois, les primes ou cotisations d’assurance relatives aux véhicules terrestres à moteur dont le fait générateur d’imposition est intervenu antérieurement au 1er janvier 2016, en application de l’article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur avant la publication de la présente loi, ne sont taxées à la taxe sur les conventions d’assurance qu’au taux prévu au 5° bis de l’article 1001 du code général des impôts et à hauteur de 18/33e du taux prévu au second alinéa du 5° quater du même article, dans sa rédaction résultant de la présente loi. Les primes ou cotisations d’assurance maladie complémentaire dont le fait générateur d’imposition est intervenu antérieurement au 1er janvier 2016, en application de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur avant la publication de la présente loi, sont taxées aux taux prévus par la présente loi lorsqu’elles n’ont pas été soumises à la taxe sur les conventions d’assurance applicable antérieurement au 1er janvier 2016.
M. le président. L'amendement n° 271 rectifié, présenté par MM. Husson et Raison, Mme Lopez, M. Bouchet, Mme Mélot et M. Charon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 40, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
L’article 1001
par les mots :
Dans sa rédaction issue de l’article … de la loi n° … de … finances pour 2015, l’article 1001
II. – Alinéa 11
Remplacer la référence :
5° bis
par la référence :
5° ter
III. – Alinéas 14 et 15
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« d) d’une fraction correspondant à un taux de 13,3 % du produit de la taxe au taux de 33 % et du produit de la taxe au taux de 15 % mentionnés au 5° quater, qui sont affectés dans les conditions prévues à l’article L. 131--8 du code de la sécurité sociale. »
IV. – Alinéas 17 et 18
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
A. – L’article L. 131-8 est ainsi modifié :
a) Le 3° est abrogé ;
b) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° La fraction du produit de la taxe mentionnée au dernier alinéa de l’article 1001 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article … de la loi n° … de … finances pour 2015 est affectée à la Caisse nationale des allocations familiales ; ».
V. – Après l’alinéa 50
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le dernier alinéa de l’article 22 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 est supprimé.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le projet de loi de finances pour 2015, qui modifie lui aussi l’article 1001 du code général des impôts. Simplement, l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi susvisé précédera celle de l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévue seulement le 1er janvier 2016.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance de dix minutes pour que M. le rapporteur général et moi-même puissions discuter de l’article 14 avec nos collègues de la majorité sénatoriale.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à midi.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 14
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du III de l’article L. 136-5 est supprimée ;
2° L’article L. 243-1-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 243-1-3. – Au titre des périodes de congés de leurs salariés, les employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l’article L. 3141-30 du code du travail s’acquittent des cotisations et contributions auprès des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code dans les conditions suivantes :
« 1° Pour les cotisations mentionnées à l’article L. 834-1 du présent code et pour les versements mentionnés aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, par le versement libératoire de majorations proportionnelles aux cotisations et contributions correspondantes dont ils sont redevables au titre des rémunérations qu’ils versent pour l’emploi de leurs salariés. Le taux de ces majorations est fixé par décret ;
« 2° Pour les cotisations de sécurité sociale et les contributions mentionnées à l’article L. 136-2 du présent code, à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, par un versement assis sur les montants dus aux caisses mentionnées à l’article L. 3141-30 du code du travail pour la couverture des périodes de congés de leurs salariés. Le cas échéant, les versements des cotisations et contributions à la charge des salariés font l’objet d’un ajustement, dans les conditions fixées par décret, sur la base des montants d’indemnités de congés payés effectivement versés. »
II. – A. – Sous réserve du B du présent II, l’article L. 243-1-3 du code de la sécurité sociale s’applique aux périodes d’acquisition de droits à congés postérieures au 1er avril 2015 pour les cotisations et contributions mentionnées au 2° du même article. Le 1° du I du présent article s’applique à compter du 1er avril 2016.
B. – De manière transitoire, jusqu’à une date fixée par décret pour chaque secteur concerné, et au plus tard le 1er avril 2018, le versement mentionné au 2° de l’article L. 243-1-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du présent article, est effectué par les caisses mentionnées à l’article L. 3141-30 du code du travail, avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées. Ce versement est égal au produit d’un taux fixé par décret en fonction des taux de cotisations et contributions en vigueur et du montant d’assiette sur lequel les cotisations versées aux caisses de congés payés sont calculées. Le cas échéant, ce versement fait l’objet d’un ajustement, dans les conditions fixées par décret, sur la base des montants d’indemnités de congés payés effectivement versés.
C. – Un décret fixe les conditions permettant aux entreprises des secteurs qui le souhaitent de bénéficier du dispositif prévu au 2° de l’article L. 243-1-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du présent article, avant la date fixée au B du présent II.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Je trouve un peu étonnante cette suspension de séance, demandée par un président de commission pour ne réunir qu’un groupe… Il me semblait qu’il revenait plutôt au président de groupe de formuler une telle demande ! Les choses changent, on innove au Sénat…
J’en viens à l’article 14. Les caisses de congés payés sont un acquis du Front populaire. Elles ont été créées pour permettre aux salariés de capitaliser leurs droits à congés, souvent obtenus dans le cadre de contrats de chantier conduisant à changer fréquemment d’employeurs. Dans 90 % des cas, elles gèrent les congés des salariés des entreprises du bâtiment ; mais elles s’adressent également aux employés des secteurs des transports, du spectacle, ou encore de la manutention portuaire.
Leur fonctionnement est simple : l’entreprise paie d’abord aux caisses les sommes dues au titre de ses cotisations ; puis les caisses calculent et versent les indemnités de congés payés aux salariés bénéficiaires ; enfin, elles s’acquittent auprès des organismes de sécurité sociale des cotisations sociales dues sur les indemnités de congés payés qu’elles ont versées.
Ainsi, en 2013, les cotisations prélevées par les caisses de congés payés s’élevaient à 6,87 milliards d’euros, alors que les indemnités versées aux salariés atteignaient, elles, 6,93 milliards d’euros. Le déficit d’exploitation est comblé par les caisses, qui investissent les sommes qu’elles prélèvent et génèrent de ce fait des revenus financiers.
Le présent article vise à prélever à la source une partie des cotisations auparavant gérées par les caisses, à savoir les cotisations de sécurité sociale, la contribution sociale généralisée – la CSG –, la contribution pour le remboursement de la dette sociale – la CRDS – et la contribution de solidarité pour l'autonomie – la CSA –, ce qui représente environ 2 milliards d’euros de cotisations.
Cette mesure est lourde de conséquences pour les caisses de congés payés qui employaient 938 équivalents temps plein en 2013. En les privant d’une partie de leurs ressources, on réduit d’autant leurs revenus financiers. Or ces revenus, comme je viens de l’expliquer, sont nécessaires pour combler le déficit technique des caisses. Ils peuvent également être bénéfiques aux salariés.
En effet, par rapport au régime général, le régime des caisses de congés payés propose aux salariés une prime de vacances de 30 % calculée sur les indemnités du congé principal, ainsi que des congés supplémentaires de fractionnement et d’ancienneté. L’étude d’impact indique que ces avantages perdureront malgré la prise en charge de la gestion des congés payés par le régime général. Pour autant, nous pouvons à juste titre nous interroger sur ce point. Qu’en sera-t-il, par exemple, pour les nouveaux salariés ?
Par ailleurs, l’incidence de la mesure sur les entreprises du bâtiment est forte. Celles-ci devront dorénavant calculer elles-mêmes les cotisations et contributions dues au titre des indemnités de congés payés. Pour les plus petites d’entre elles, qui représentent 70 % de l’activité du secteur du bâtiment, ce calcul constitue une vraie difficulté : pour l’effectuer, elles devront certainement avoir recours à une expertise extérieure, nécessairement coûteuse. Ce point est confirmé par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales – l’IGAS –, qui rappelle que les caisses de congés payés, grâce à la mutualisation et aux revenus financiers qu’elles produisent, ont de faibles frais de gestion. Si les entreprises devaient internaliser ces frais, il est très probable qu’elles y perdraient financièrement.
Alors pourquoi prendre de tels risques pour les caisses, les salariés et les entreprises ? Simplement pour entraîner un apport de trésorerie appelé à ne constituer qu’une recette éphémère pour la sécurité sociale. Effectivement, l’incidence ne vaut que pour les années 2015 et 2016 : les URSSAF collecteront deux fois les cotisations dues sur les indemnités de congés payées en 2015 et au premier trimestre 2016. Le bénéfice semble bien maigre face aux risques…
De plus, si ce ne sont « que » 2 milliards d’euros de cotisations qui sont concernés, l’étude d’impact indique par ailleurs que « cette retenue à la source s’impose comme le modèle le plus cohérent à terme ». Ainsi, nous sommes en droit de nous inquiéter quant à l’avenir des caisses de congés payés qui, en 2013, se voyaient déjà retirer la gestion des cotisations versées au Fonds national d’aide au logement – le FNAL – et du versement transport.
En fait, pour apporter une recette non pérenne au financement de la sécurité sociale, sont à la fois mis en difficulté des caisses qui fonctionnent et emploient près de 1 000 personnes, des petites entreprises du bâtiment qui jusqu’à maintenant déléguaient la gestion des congés payés aux caisses et des salariés de secteurs fragiles dont les revenus sont modestes.
Pour ces raisons, les membres du groupe CRC ne sont pas favorables à l’article 14.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. La mesure prévue à l’article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 consiste à mobiliser des ressources déjà disponibles par un prélèvement qui ne touchera ni les ménages ni les entreprises, afin de financer des baisses de charges en faveur de la croissance et de l’emploi.
Elle a un double objet : un rendement financier pour les années 2015 et 2016 – 2 milliards d’euros environ –, et une rationalisation pour les caisses des secteurs concernés.
Il est indispensable de faire participer au financement du pacte de responsabilité, pour les premières années, les caisses de congés payés qui existent dans quelques secteurs économiques bénéficiant prioritairement des baisses de prélèvements – BTP principalement, mais aussi transports, spectacles et activités portuaires.
En pratique, cette mesure est assez simple, et elle a très peu d’incidence sur les caisses visées : il s’agit seulement de leur demander de reverser plus tôt à la sécurité sociale les cotisations qu’elles ont déjà collectées auprès des entreprises et qui, de toute façon, auraient dû être versées un peu plus tard à la sécurité sociale. Il s’agit non pas de prendre davantage que les sommes dues, mais de faire reverser celles-ci par les caisses plus tôt qu’aujourd’hui en modifiant les règles de recouvrement.
Cette opération ne pèse pas sur les entreprises et encore moins sur les salariés, puisque les rendements financiers qui auraient pu être produits par ces ressources de trésorerie sont d’une ampleur très faible au regard du coût des congés : on parle sans doute de 30 à 40 millions d’euros pour l’ensemble des caisses, alors que les sommes versées aux salariés représentent 6 milliards d’euros par an. Les primes et indemnités de congés font l’objet de cotisations spécifiques des employeurs et ne sont donc pas mises en danger. L’incidence sur les coûts de gestion est minime : elle représente moins de 1 % du coût de fonctionnement des caisses visées.
Grâce à cette opération, il est possible de dégager 1,5 milliard d’euros pour financer le pacte de responsabilité en 2015. Nous préférons clairement mettre en œuvre une telle mesure plutôt que creuser la dette ou devoir faire supporter une hausse de prélèvement à un secteur productif de l’économie. C’est un choix tout à fait équilibré. Dans le contexte économique et financier que nous connaissons, il serait irresponsable de demander des efforts supplémentaires aux ménages ou aux entreprises tout en laissant de côté une telle disposition.
Disons-le avec force : l’avenir des caisses n’est pas en cause. Même si certaines règles appliquées par ces dernières ont été récemment critiquées par la Cour des comptes – dans son rapport public annuel de 2013, elle a même recommandé de supprimer la caisse des congés spectacles –, l’objectif du Gouvernement est plutôt de faire en sorte que le prélèvement et les reversements des cotisations dues sur les congés payés soient réalisés de manière normale. Le dispositif proposé pour y parvenir est le seul réellement viable. Il constitue la suite logique de celui qu’a prévu la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui avait établi un prélèvement à la source pour les cotisations que ces caisses ne reversaient pas en raison de difficultés pratiques qu’elles mettaient en avant.
À long terme, la réforme tend à instaurer un prélèvement généralisé à la source auprès des employeurs, pour qui les choses seraient donc plutôt simples... Cette évolution supposerait des changements de pratiques. Ceux-ci doivent prendre le temps nécessaire, et toutes les précautions seront prises, de sorte que les caisses de congés comme leurs adhérents vivent au mieux la réforme. Le différé d’entrée en vigueur en 2018 donne tout le temps pour y parvenir. Bien entendu, les modalités de la disposition pourront être revues en cas de difficulté sérieuse.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par MM. Grand et Laufoaulu, Mme Duchêne, M. Delattre, Mme Primas, MM. G. Bailly, Bonhomme et Pierre, Mme Deromedi, MM. César, Charon, Longuet, Leleux, Gilles, Falco et Morisset, Mme Lamure et MM. Mandelli, Buffet, Vial, Huré, Pinton, Mayet, Joyandet, Trillard, B. Fournier, Revet, D. Laurent, Husson, Lemoyne et Savary.
L'amendement n° 84 rectifié est présenté par Mmes Gatel et Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère et Détraigne, Mme Doineau, MM. V. Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, Mlle Joissains, M. Kern, Mmes Létard et Loisier et MM. Longeot et Médevielle.
L'amendement n° 197 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
L'amendement n° 234 est présenté par Mmes David et Cohen, MM. Vergès, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Gilles, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié bis.
M. Bruno Gilles. La mise en commun des cotisations que versent les 215 000 entreprises du secteur du BTP employant du personnel permet une mutualisation et le financement partiel d’une prime de vacances de 30 % et de jours supplémentaires d’ancienneté.
Ce dispositif profite aujourd’hui à 1,5 million de salariés, qui peuvent prendre le congé qu’ils ont acquis dans une précédente entreprise.
L’article 14 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de faire payer à la source les cotisations sociales dues sur les indemnités de congés versées par les caisses, avant que le congé ne soit pris et l’indemnité versée.
Le Gouvernement place ainsi les entreprises du BTP dans une étrange situation d’inégalité devant la loi en renchérissant mécaniquement le coût des congés et en complexifiant gravement la charge administrative des entreprises concernées.
Ainsi, afin de boucler le budget de la sécurité sociale, le Gouvernement bricole un article permettant d’apporter d’une manière purement comptable, et uniquement pour une seule année, 1,5 milliard d’euros d’argent frais dans les caisses de la sécurité sociale.
Il s’agit là d’un très mauvais coup porté aux entreprises et aux artisans du bâtiment. C'est pourquoi cet amendement tend à supprimer l’article 14.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour présenter l'amendement n° 84 rectifié.
Mme Françoise Gatel. L’article 14 prévoit de faire payer à la source les cotisations sociales dues au titre des indemnités de congés payés versées par les caisses avant que ces congés ne soient pris et ces indemnités versées, contrairement à la règle actuellement en vigueur.
Il faut souligner l’effet de mutualisation procuré à l’ensemble des salariés des entreprises du BTP, qu’il s'agisse de majors ou de TPE, par le biais du système actuel de gestion des congés payés.
Je le comprends bien, la question essentielle, à laquelle nous sommes tous confrontés, est celle de l’équilibre du financement de la sécurité sociale. Mais il convient de demeurer extrêmement attentif aux avantages consentis aux salariés du secteur des BTP dans son entier, quelle que soit la taille des entreprises, de sorte que le présent article ne leur porte pas atteinte.
Cela étant, je tiens à souligner, madame la ministre, que nul n’est dupe dans cette enceinte de l’effet cosmétique recherché sur l’équilibre du budget de la sécurité sociale.
C’est ce que mes amis nomment un one shot, c'est-à-dire un seul coup, que je pourrais qualifier de double, puisque la mesure proposée produira un effet bénéfique de 1,5 milliard d’euros cette année, peut-être de 500 millions d’euros l’année prochaine, sur le budget de la sécurité sociale. Toutefois, il ne s’agit en aucun cas d’un financement pérenne. Pour ma part, je souhaite que cet artifice comptable ne nous empêche pas de rechercher, comme nous l’avons dit au cours de la discussion générale, l’équilibre pérenne des comptes sociaux.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 197 rectifié.
M. Gilbert Barbier. J’approuve les propos des deux orateurs précédents.
Cela étant, la mesure n’aurait pas d’incidence sur les entreprises : soit. Il s’agirait d’une opération neutre : on peut toujours l’admettre. Simplement, la caisse des congés payés en question assurait une gestion dynamique des fonds en cause qui permettait d’attribuer aux salariés du bâtiment, qui ne sont tout de même pas les acteurs les plus privilégiés du monde du travail, des bonifications au moment de la liquidation de leurs congés payés.
Ce sont donc bien les salariés de ce secteur qui souffriront d’une telle disposition, qui n’est qu’une mesure à un coup. Cette année, on trouve par ce biais 1,5 milliard d’euros, l’année prochaine, je ne sais pas ce qu’on inventera !
Effectivement, les entreprises ne seront pas directement touchées par cette mesure. Ce sont les salariés, qui, une fois encore, vont pâtir de la situation. C’est une manière déguisée d’amputer ce secteur d’activité du petit avantage dont il disposait.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 234.
Mme Annie David. Je n’ajouterai pas grand-chose à ce que viennent de dire mes collègues, s’agissant des conséquences de cet article pour les salariés et les entreprises.
On s’appuie, pour justifier ses dispositions, sur des problèmes de gestion des caisses, mis en avant dans le rapport d’information de M. Arthuis, en 2009.
Depuis lors, un autre rapport d’information, publié par l’IGAS en 2011, relève que, face aux problématiques posées et aux critiques formulées par M. Arthuis, les caisses de congés payés ont commencé à prendre des mesures, notamment la publication, généralisée à l’ensemble des caisses, des comptes, la suppression des frais de dossier, le bordereau séparé pour les cotisations facultatives, en particulier les cotisations dues aux organismes professionnels. Par conséquent, les caisses de congés payés ont évolué.
Par ailleurs, je vous rappelle que l’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyait, dans un premier temps, le prélèvement à la source des cotisations du FNAL et du versement transport. Il précisait surtout, dans un second temps, que ces prélèvements à la source ne seraient pas étendus à l’ensemble des cotisations et contributions avant la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conditions d’une telle extension. Or ce rapport ne nous a toujours pas été communiqué.
Il est bien dommage, madame la ministre, que, avant même la remise de ce document, cet article 14 soit soumis à notre approbation. Son adoption aurait en effet pour conséquence de placer les caisses de congés payés dans une situation compliquée.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. Je le répète, il aurait été important que les parlementaires que nous sommes aient connaissance de ce rapport avant de prendre une décision. Vous-même aviez affirmé que celle-ci ne serait pas arrêtée tant que le rapport n’aurait pas été rendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avant que ne soient mis aux voix ces amendements identiques, je souhaite apporter quelques éclairages sur le présent article.
De quoi s’agit-il ? Nous parlons d’une mesure qui devra rapporter à la sécurité sociale, cela a été rappelé, 1,5 milliard d’euros en 2015, et 500 millions d’euros en 2016. Bien évidemment, adopter ces amendements reviendrait à déséquilibrer profondément le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui serait contraire à la volonté de la majorité sénatoriale d’améliorer l’équilibre de nos comptes sociaux au cours de l’examen de ce texte.
Toutefois, je peux comprendre l’agacement de certains de mes collègues face à une disposition qui ne produira ses effets que sur une ou deux années et ne permettra donc pas de réduire de façon structurelle et pérenne le déficit de la sécurité sociale. Peut-être Mme la ministre nous donnera-t-elle quelques éclairages sur les perspectives futures, l’équilibre devant également être maintenu les années suivantes.
Il a été avancé que l’adoption de l’article 14 fragiliserait le secteur du BTP, déjà bien mal en point, tout le monde en convient, en raison de la crise économique. À cet égard, je tiens à souligner de nouveau que la mesure n’aura aucune incidence sur les entreprises concernées : celles-ci continueront à verser leurs cotisations, comme elles le font aujourd'hui, aux caisses de congés payés. Plus tard, elles seront prélevées à la source, comme le prévoit le texte. Mais les cotisations dues à l’URSSAF restent identiques ; elles alimentent la sécurité sociale que nous défendons tous.
J’ai aussi entendu que cette mesure pourrait remettre en cause les droits des salariés. Or ce sont non pas les caisses qui financent les avantages supplémentaires prévus par la convention collective du BTP, notamment la prime de vacances de 30 % de l’indemnité de congé, ainsi que les primes de fractionnement et d’ancienneté, mais bien les entreprises du secteur lorsqu’elles paient leurs cotisations.
Notre ancien collègue Jean Arthuis, dans son rapport de 2009, avait clairement expliqué la situation : si la charge du paiement direct des congés payés par une entreprise classique représente environ 14 % du salaire brut, elle est proche de 20 % pour les entreprises du BTP. C’est ce différentiel qui sert, dans le cadre de la convention collective, à financer les avantages que j’ai précités ; il faut être clair !
Par ailleurs, l’article 14 ne menace pas non plus l’existence des caisses de congés payés. Celles-ci ont su faire la preuve de leur utilité et leur existence fait l’objet d’un large consensus chez les employeurs et les salariés concernés, principalement dans le secteur du BTP.
Cet article vise simplement à mettre en place, sur le modèle de ce qu’a prévu la loi de finances pour 2014, pour le versement transport et la contribution due au FNAL, le prélèvement à la source, que j’évoquais à l’instant, des contributions sociales.
Il s’agit donc de permettre aux URSSAF de recouvrer directement les cotisations qui leur sont dues. Il y aura une phase transitoire durant laquelle ces cotisations seront versées aux caisses de congés payés. C’est seulement ensuite, en 2018, me semble-t-il, qu’elles seront prélevées directement auprès des entreprises.
La réalité, c’est que les caisses de congés payés disposeront d’un niveau de trésorerie un peu moindre.
M. Gilbert Barbier. Un peu ? On parle de 2 milliards d’euros !