M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Je ne voterai pas cet amendement, car ce n’est pas le moment de se priver de ressources. J’entends bien qu’il ne faille pas créer de taxes supplémentaires, mais conservons du moins les moyens de financement qui existent aujourd’hui.
Si des problèmes de coût de gestion d’une taxe se posent, simplifions le recouvrement de cette taxe pour en améliorer la productivité.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. L’Assemblée nationale a rejeté, sur l’initiative de Mme Valérie Rabault, la suppression, proposée par le Gouvernement, de la TGAP pesant sur les ICPE. Cette suppression peut paraître un peu contradictoire avec le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui est en cours de discussion au Parlement. De plus, nous pensons que le produit de cette taxe, qui est de 25 millions d’euros, n’est pas anecdotique. Nous voterons donc contre l’amendement n° I–230.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I–76 est présenté par M. Boulard.
L'amendement n° I–410 rectifié est présenté par M. Germain, Mme M. André, MM. F. Marc, Berson, Boulard, Carcenac, Chiron, Eblé, Lalande, Patient, Patriat, Raoul, Raynal, Vincent, Yung, D. Bailly et Cazeau, Mme Claireaux, M. Daudigny, Mme Guillemot, M. Jeansannetas, Mme Perol-Dumont, M. Vaugrenard, Mme Monier, MM. Mazuir, Montaugé et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 à 10.
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour présenter l’amendement n° I–76.
M. Jean-Claude Boulard. L’amendement n° I–76 déposé à l’article 8 vise à rétablir deux petites taxes qui ont été supprimées par l’Assemblée nationale, la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines et la taxe de trottoirs.
On s’est beaucoup gaussé de la modestie du produit de ces taxes. J’attire tout de même l’attention – et M. le secrétaire d’État, qui est un élu du Nord, n’y sera pas insensible – sur le fait que la communauté d'agglomération de Douai perçoive, au titre de la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, 450 000 euros de recettes. Même des taxes de faible montant, lorsqu’elles sont recouvrées par telle ou telle collectivité peuvent, pour ces collectivités, avoir de l’importance !
Au-delà de cela, je vous demande un vote de principe : dans un contexte de recul des dotations de l’État, on ne peut pas priver les collectivités locales de la moindre ressource.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean-Claude Boulard. Attention, mes chers collègues, on vous teste avec ces deux petites taxes ! Il existe un rapport de l’Inspection générale des finances qui prévoit la suppression d’une vingtaine de taxes, au nom de la simplification. Chaque fois que vous entendrez le mot « simplification », comprenez « suppression » !
Cette position de sanctuarisation de la fiscalité locale est partagée par l’Association des maires de France. Selon moi, il faut émettre un vote de principe sur la sanctuarisation des ressources fiscales de nos collectivités.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour présenter l'amendement n° I–410 rectifié.
M. Jean Germain. Mes chers collègues, nous devons émettre un double vote de principe.
Tout d’abord, concernant la suppression de ces petites taxes, nous avons lu dans la presse et entendu dans la présentation du projet de loi de finances qu’il fallait épousseter. On nous a expliqué que personne ne comprenait rien à la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, ni à sa circulaire, si compliquée. Mais ce n’est pas nous qui l’avons élaborée !
Cette circulaire est le fruit du travail d’un comité où siégeaient les représentants les plus prestigieux des hautes administrations françaises (M. Michel Bouvard rit.), et certains y siègent encore ! À partir de 2010, on a dit aux collectivités locales : il faut absolument le faire, c’est dans la foulée du Grenelle 2.
Alors, il ne faut pas venir à la télévision affirmer que l’on va supprimer des taxes, que le Conseil des prélèvements obligatoires montre ce qu’on doit faire !
On supprime la taxe de trottoirs. Comme l’a dit Jean-Claude Boulard, c’est une question de principe !
Pourquoi cette taxe de trottoirs avait-elle été créée en 1845 ? On se posera un jour les mêmes questions à notre sujet, quand on évoquera, notamment, notre taxe sur les canettes. Est-elle vraiment plus importante ?
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Jean Germain. En 1845, la question en débat était déjà la participation des propriétaires riverains à la construction des trottoirs qui bordent leurs rues. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’était pas une mauvaise idée !
M. Jean Germain. Ce n’était effectivement pas une mauvaise idée ! Concernant la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, les mauvais esprits, le poujadisme, ont dit que c’était « la taxe sur la pluie »,…
M. Jean-Claude Boulard. Alors qu’il s’agit de taxer l’imperméabilisation des sols.
M. Jean Germain. … alors que c’est en effet une taxe sur l’imperméabilisation des sols.
En 2006, de nombreux comités se sont réunis – nous disposons de la liste et nous pouvons vous la montrer – et, dans les collectivités locales, nous avons reçu les instructions sur le dispositif à mettre en place.
On nous rétorque que très peu de communes ont mis en place cette taxe. Évidemment, puisque c’est à partir du 1er janvier 2015 que la plupart des communautés de communes ou d’agglomération doivent prendre cette compétence. Voilà pour l’aspect pragmatique.
Sur l’aspect de principe, je m’associe totalement aux propos de mon collègue Jean-Claude Boulard. Ce n’est pas au moment où nous allons discuter de la baisse des dotations aux collectivités locales que la simplification doit en plus se faire sur leur dos !
J’aurais pu également aborder le sujet de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière, de l’article 72 de la Constitution, du Conseil constitutionnel. Je ne ferai pas car nous disposerons de plusieurs heures pour en débattre.
Nous voterons résolument contre ces suppressions de taxe !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le sujet est vaste ! Ces amendements concernent la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines et la taxe de trottoirs. À titre personnel, je souhaitais soutenir la volonté du Gouvernement de supprimer un certain nombre de micro-taxes. Cependant, beaucoup d’amendements ont été préparés par le groupe écologiste et par le groupe socialiste ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plus sérieusement, la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines n’existe que dans deux communes. Voici le guide qui explique sa mise en place (M. le rapporteur général brandit un exemplaire de ce document). Il comprend 93 pages… On ne peut donc s’étonner que peu de communes aient choisi d’instaurer cette taxe. Comme vous, monsieur le secrétaire d’État, je déplore que l’on ne puisse pas projeter de tableaux ici : vos compétences de professeur de mathématiques vous auraient sans doute permis de nous lire la formule de la page 39, qui en fixe le montant. Pour moi, c’est un peu difficile !
Quant à l’autre taxe en cause, elle est également un peu marginale.
À titre personnel, j’avais proposé à la commission d’accepter la suppression de ces deux taxes, conforté d’ailleurs par les conclusions de l’Inspection générale des finances. (M. Jean-Claude Boulard s’exclame.)
M. Jean Germain. Oh là là !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je m’interrogeais sur la pertinence de maintenir des taxes au mode de calcul relativement complexe et qui ne concernaient qu’un très faible nombre de communes. Nous avons toutefois débattu en commission, c’est vrai, à l’initiative de notre collègue Jean-Claude Boulard, du principe de la suppression des ressources : au-delà de ces taxes dont les montants sont assez faibles et qui concernent peu de communes, faut-il accepter la suppression de recettes communales ou locales (M. Jean-Claude Boulard fait un signe de dénégation.) qui relèvent, pour leur instauration, de la liberté des collectivités ?
Ce débat de principe est d’autant plus important et pertinent dans le contexte actuel de la réduction globale des dotations de fonctionnement. (M. Jean-Claude Boulard opine.) Je me suis laissé convaincre.
La position de la commission des finances ne tend pas à soutenir ces deux micro-taxes qui concernent très peu de monde et sont très complexes. Le guide que j’ai évoqué montre qu’on ne peut pas faire plus compliqué. Le coût d’édition de ce guide (M. Roger Karoutchi rit.), qui doit être disponible dans toutes les préfectures et dans tous les centres départementaux des finances publiques, excède sans doute le produit de la taxe !
Je soutenais donc le Gouvernement dans sa volonté de supprimer cette taxe à faible rendement, mais la commission des finances a considéré que, dans le contexte actuel, – c’est une question de principe – on ne peut pas supprimer unilatéralement un certain nombre de ressources locales sans une discussion plus générale sur la liberté de fixer globalement nos taux d’imposition.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a suivi Jean-Claude Boulard et d’autres membres du groupe socialiste dans cette position de principe, et a émis un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° I–109 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Delahaye, Bockel, de Montesquiou et Médevielle, Mmes Gatel et Jouanno, M. Roche, Mme Morin-Desailly et M. Kern, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Pardonnez-moi, monsieur Vincent Delahaye, de ne pas vous avoir donné la parole plus tôt pour présenter cet amendement, qui fait l’objet d’une discussion commune avec les deux amendements précédents.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Vincent Delahaye. Merci, monsieur le président, de prêter attention au groupe UDI, que l’on a malheureusement parfois tendance à oublier ! (Sourires.)
MM. Michel Bouvard et François Marc. C’est UDI–UC ! (Nouveaux sourires.)
M. Vincent Delahaye. Oui, tout à fait ! Union centriste, mes chers collègues !
Revenons à l’objet de l’amendement et de la simplification que nous appelons de nos vœux face à ce maquis complexe de petites taxes qui composent notre fiscalité.
Il est vrai, pourtant, que le moment n’est pas bien choisi, monsieur le secrétaire d’État. On réduit considérablement les aides aux collectivités, c’est très compliqué à digérer pour ces collectivités et on sait bien que cela va nécessairement entraîner des hausses d’impôts locaux. Même si ces taxes sont peu mises en œuvre, on peut s’interroger, avec le rapporteur général, sur le sens de cet effort de simplification et, surtout, sur le moment choisi pour le lancer, qui ne nous paraît pas très opportun.
Notre amendement n° I–109 rectifié bis a trait à l’alinéa 5 de l’article 8, et non aux alinéas 2 à 10. Mais il est vrai que la question peut se poser à leur sujet.
Il concerne donc exclusivement la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, qui est entièrement facultative pour les communes et les intercommunalités. Instaurée en 2006 mais applicable seulement depuis un décret du 6 juillet 2011, elle vise à inciter les propriétaires publics ou privés lors d’une urbanisation à éviter les surfaces imperméables et au contraire à utiliser des techniques alternatives visant à mieux évacuer les eaux pluviales.
Aujourd’hui, cinq collectivités l’ont mise en place et une quinzaine d’autres ont étudié, ou étudient encore, cette possibilité. Il s’agit d’une taxe pédagogique et incitative permettant de favoriser, notamment, l’infiltration de l’eau à la parcelle.
Parfois, en cas d’épisodes fortement pluvieux, les stations d’épuration ne peuvent pas faire face. Il n’est toutefois pas possible d’augmenter à l’infini la capacité du réseau, ou d’investir partout dans des réseaux séparatifs, ou encore de redimensionner les stations d’épuration. Si les techniques alternatives se développent pour les nouvelles constructions, imposant le « zéro rejet », le problème reste entier pour l’existant. D’où la mise en place de cette taxe « eaux pluviales », qui a une vocation pédagogique.
C’est pourquoi nous estimons que le maintien de cette taxe est souhaitable. Nous nous associons également aux autres demandes qui viennent d’être exprimées. Cette réflexion doit avoir lieu (M. Jean-Claude Boulard opine.), mais il faut l’intégrer dans la conjoncture globale et tenir compte des efforts demandés aujourd’hui aux collectivités.
M. le président. L'amendement n° I–25, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l’article L. 2563–1, les références : « L. 2333–58 à L. 2333-63, » sont supprimées.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je sens l’impatience de votre assemblée à débattre de sujets plus larges (Exclamations sur plusieurs travées.), puisque la question posée est plus une question de principe qu’une question de volume. Mais nous nous y sommes préparés. (M. Michel Bouvard rit.)
L’article 72–2 de la Constitution précise que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », mais tout le monde sait que la phrase se termine ainsi : « dans les conditions fixées par la loi. »
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Heureusement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela sera d’ailleurs au centre de nos débats.
Le Gouvernement propose de supprimer des taxes, pour des raisons de simplification. Ce n’est pas honteux. Il a fait travailler l’Inspection générale des finances sur le sujet, qui elle non plus n’est pas honteuse.
J’ai récusé à plusieurs reprises, et je continuerai à le faire, cette sorte de dichotomie que certains constateraient entre le pouvoir exécutif, que je représente ici, et son administration. En effet, à quoi servirais-je si je n’étais que le pantin d’une administration ou de certains corps d’inspection qui tireraient les ficelles ? En prétendant cela, c’est à moi que vous vous en prenez, vous me dites : « Monsieur le secrétaire d’État, vous ne faites pas votre boulot, c’est l’administration qui le fait à votre place ! »
M. Alain Fouché. C’est souvent le cas !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’assume ce qui est rendu public par notre ministère après, effectivement, examen et réflexion par les ministres et leurs cabinets, qu’il ne faut pas confondre avec l’administration.
Nous avons donc demandé à l’Inspection générale des finances de mener un travail sur ce que l’on appelle les petites taxes. Il n’y en a pas vingt, mais beaucoup plus, plusieurs centaines, les petites, les moyennes…
Le résultat de cette étude n’a pas été soumis seulement au ministre, mais a fait l’objet de débats dans un certain nombre de cercles avec la participation d’acteurs, notamment dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises, avec les partenaires sociaux et des parlementaires. Je me souviens, j’y étais, et il me semble que François Marc y était également, ainsi que Gilles Carrez et quelques autres. Nous avons examiné l’opportunité de ces taxes, du point de vue de ceux qui les perçoivent, certes, mais aussi de ceux qui les payent !
On ne peut pas avoir en même temps deux attitudes diamétralement opposées : regretter la disparition de ces taxes et critiquer le Gouvernement lorsqu’il autorise les départements à majorer les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, et les collectivités à majorer la taxe d’habitation pour certaines catégories de résidence dans les zones tendues,…
M. Philippe Dallier. Tout cela concerne la ville de Paris !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … lorsqu’il revalorise les bases d’imposition, lorsqu’il autorise les collectivités à mettre en place une taxe de séjour, lorsqu’il autorise les collectivités, notamment d’Île-de-France…
MM. Michel Bouvard et Jean Germain. C’est nous qui l’autorisons, ce n’est pas le Gouvernement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez raison, c’est le Parlement, je corrige.
Lorsque tout cela est mis en place, on crie au scandale en accusant le Gouvernement d’augmenter les impôts ! Non. Le Gouvernement modifie la capacité des collectivités locales à faire appel à certains dispositifs.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme les DMTO ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Parce que l’on a été obligé d’augmenter les DMTO, pour financer la péréquation !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Absolument pas ! Il y avait tellement peu d’obligations que certains départements ou certaines collectivités ne l’ont pas fait ! (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.) Mais non, ce n’est pas vrai !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour la péréquation !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais non, il y avait un mécanisme de péréquation. Pouvez-vous nier, monsieur le rapporteur général, que la mesure relative aux DMTO ait globalement apporté des ressources supplémentaires à hauteur de 700 millions ou 800 millions d’euros à l’ensemble des départements ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. C’était indispensable !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je dis bien : à l’ensemble des départements ! Eh oui, parfaitement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez mis des dépenses à la charge des collectivités ! Il est facile après de proposer de telles mesures.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une répartition a été fixée. Mais vous êtes des élus de la nation ! Vous légiférez pour l’ensemble des collectivités. Que certains d’entre vous ne considèrent que l’effet de telle ou telle mesure sur leur propre département, ça les regarde. Mais le législateur ne peut que constater ici que les recettes supplémentaires au titre des DMTO pour l’ensemble des départements sont une réalité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En contrepartie des dépenses que vous avez mises à la charge des collectivités !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Que la répartition ne vous satisfasse pas individuellement, on peut le comprendre. Toutefois, ce n’est pas une raison pour laisser entendre que l’autorisation, donnée par voie législative aux départements, d’augmenter les ressources pour les DMTO n’a pas entraîné de recettes supplémentaires. Car un grand nombre de collectivités ont décidé d’appliquer la mesure.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, mais en contrepartie des dépenses que vous avez mises à la charge des collectivités !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas nous qui l’avons fait, c’est vous ! Il faut être sérieux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Calmez-vous, madame la sénatrice ! Ça va bien se passer…
De même, en Île-de-France, les collectivités ont eu la capacité d’appliquer ou non une majoration de certaines taxes, telle la taxe sur les bureaux vacants, c’est aussi le législateur, c'est-à-dire vous, mesdames, messieurs les parlementaires,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est réducteur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si ! Vous oubliez les charges !
M. Didier Guillaume. C’est vous qui avez augmenté les charges !
M. Roger Karoutchi. Vous êtes en colère, monsieur le secrétaire d'État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, je suis en colère ! Mais pourquoi ? (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Alain Fouché s’exclament.) Quand le législateur autorise des collectivités à augmenter des impôts, vous ne pouvez pas – vous-même, madame la sénatrice, et un certain nombre d’entre vous ! – accuser le Gouvernement de les augmenter !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais oui, parce que c’est vous qui augmentez nos dépenses !
M. Didier Guillaume. C’est vous qui avez accru les dépenses !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Qui prend la décision in fine ? Qui prend la décision de mettre en place telle ou telle contribution locale ? Ce n’est pas le Gouvernement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas bien ce que vous faites !
M. Alain Fouché. Il est facile de dire que les départements embauchent !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Écoutez, vous vous êtes exprimés. À mon tour de le faire ! Je suis dans cet hémicycle depuis longtemps. S’il le faut, je peux être là cette nuit et même demain.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’irai au bout de mon raisonnement, madame la sénatrice !
Vous ne pouvez le nier : lorsque Gouvernement donne aux collectivités la capacité d’augmenter leurs ressources,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut les lier avec les dépenses !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … vous ne pouvez pas interpréter cette mesure en disant qu’il augmente les impôts.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si, parce qu’il met des dépenses à la charge des collectivités !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas injuste, ce n’est pas vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Or là, vous faites le raisonnement inverse : supprimer quelques recettes conduirait à priver les collectivités de leur autonomie en matière de gestion.
Eu égard aux taxes citées et aux volumes concernés, je puis affirmer, en toute sérénité, qu’il s’agit là d’une mesure de simplification. On n’aura évidemment pas la même position pour les ressources concernant l’ensemble des collectivités.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il se fait plaisir en parlant, mais ça ne sert à rien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Gouvernement est a priori défavorable à ces amendements. De toute façon, s’ils sont adoptés, il n’en fera pas une affaire d’État. Vu les volumes concernés, il n’y a pas véritablement de sujet budgétaire.
Voilà ce que je souhaitais dire à ce stade de la discussion et que je ne cesserai de répéter.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette réponse est nulle !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’imaginais pas que les amendements identiques de nos collègues Jean-Claude Boulard et Jean Germain allaient susciter un tel débat ou, en tout cas, une telle fougue dans ce débat.
Cela étant dit, vous anticipez un peu, monsieur le secrétaire d'État, sur le débat que nous aurons ultérieurement.
M. Roger Karoutchi. Lundi !
M. Philippe Dallier. Il faut comprendre que les collectivités territoriales – et je suis certain que vous le comprenez très bien – ont besoin de visibilité.
Nous sommes dans une période où les dotations vont diminuer comme jamais. On nous annonce, l’année prochaine, lors de l’examen du projet de loi de finances, une grande réforme de la dotation globale de fonctionnement, le grand soir !
Dans un sens, je m’en réjouis parce que le système tel qu’il fonctionne aujourd'hui est illisible et inéquitable ; il faut le revoir. D’ailleurs, il faut tout revoir ! La DGF forfaitaire, les péréquations horizontales et verticales, tout cela est contradictoire.
En l’occurrence, on constate une baisse des dotations ; on annonce une réforme de la DGF et une réforme des valeurs locatives. Le Sénat est plutôt favorable à cette dernière réforme, mais sans en connaître pour autant les conséquences. Une très grande incertitude pèse donc sur les recettes des collectivités territoriales.
Vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, de commencer à supprimer, par souci de simplification, les taxes les unes après les autres. Comprenez que cela inquiète ! Il y aurait tout intérêt à faire converger tous ces sujets – la réforme de la DGF, la baisse des dotations, la réforme des valeurs locatives – et, pourquoi pas, la remise en cause d’un certain nombre de taxes, afin que nous puissions apprécier les conséquences, dans leur globalité. Mais traiter les choses par le petit bout de la lorgnette ne peut qu’inquiéter les élus locaux.
C’est donc avec grand plaisir que je voterai ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Les propos de notre collègue Philippe Dallier, qui a souligné une inquiétude généralisée face à l’évolution des dotations et, peut-être, un problème de méthodologie – mais c’est la présentation du projet de loi de finances qui veut que nous ayons à nous prononcer sur de micro-sujets avant d’aborder les questions principales ! –, sont frappés au coin du bon sens.
Cela étant, pour ce qui me concerne, je n’ai pas changé d’avis : un certain nombre de micro-taxes, d’anciens produits fiscaux posent problème. Un jour, Édouard Balladur, alors qu’il était ministre des finances, avait expliqué qu’un bon impôt était un vieil impôt parce que les gens y étaient habitués.
La taxe de trottoirs, ce n’est pas parce qu’elle a plus de cent cinquante ans que c’est un bon impôt. Aujourd’hui, cette taxe n’est sans doute plus adaptée.
Ce projet de loi de finances, j’en donne de nouveau acte au Gouvernement, traduit, il est vrai, une volonté de toilettage d’un certain nombre de petites taxes de l’État ou des collectivités. Mais le contexte actuel suscite une inquiétude légitime.
Je comprends l’idée évoquée précédemment par notre collègue Jean-Claude Boulard, qu’il avait d’ailleurs exprimée en commission, et selon laquelle on nous teste pour savoir si nous sommes prêts à accepter progressivement une disparition de l’autonomie fiscale, et non pas de l’autonomie financière.
Pour ma part, je voterai contre ces amendements. En effet, je souhaite être cohérent avec la position que j’ai défendue lors de ma participation aux travaux du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée, qui s’est intéressé aux micro-taxes et non pas, d’ailleurs, à la fiscalité affectée aux collectivités locales : il est nécessaire de toiletter la fiscalité.
Aujourd'hui, un certain nombre de produits fiscaux ne sont plus adaptés aux besoins actuels. Aussi, une remise à plat est nécessaire. À cet égard, j’espère que la réforme de la DGF sera l’occasion de cette remise à plat, sans que, dans le même temps, cela aboutisse à priver les collectivités d’une autonomie fiscale.
D’ailleurs, l’autonomie fiscale reste importante dans notre pays – les travaux en témoignent –, même si elle a globalement régressé, comme ont pu le constater, depuis une vingtaine d’années, tous les responsables d’exécutifs. D’une manière générale, elle est plus importante que dans un certain nombre de pays voisins, et il convient, à mon sens, de la maintenir. En effet, c’est un facteur de responsabilisation des élus locaux que d’avoir à voter l’impôt et à en rendre compte aux citoyens.
En l’occurrence, s’agissant des deux micro-taxes visées, je voterai contre les amendements identiques, car il faut bien commencer à réformer. Certes, on ne le fait pas dans les meilleures conditions, ni au meilleur moment d’un point de vue méthodologique, mais, à un moment, il faut commencer !