M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … en application duquel, même sans augmenter le taux, on était toujours prélevé – on l’était même davantage ! (M. Michel Bouvard applaudit.) Évidemment, presque tous les départements ont été mécaniquement conduits à augmenter leurs droits de mutation à titre onéreux…
Voilà pourquoi nous avons ce débat ! À l’évidence, ce n’est pas le sujet des eaux pluviales ou des trottoirs qui nous occupe ! Concrètement, la question posée est la suivante : demain, sera-t-on contraint d’augmenter la fiscalité, et de quelles ressources disposerons-nous ?
De ce point de vue, je me suis laissé convaincre par la position que beaucoup ont exprimée, en particulier Jean-Claude Boulard. La question n’est pas celle de l'intérêt de telle ou telle taxe. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx opine.) C'est une question de principe qui se pose : quelle liberté donnons-nous aux collectivités locales pour demain ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour moi, la meilleure des libertés consiste à ne pas leur imposer en permanence des charges nouvelles.
Cela explique d'ailleurs la position qu’adoptera le groupe UMP,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … ainsi que, d'ailleurs, le groupe UDI-UC, sur la baisse de dotation, que nous accepterons dans son principe, mais que nous modulerons pour tenir compte de ces charges qui nous sont imposées en permanence ! Voilà qui augure donc de beaux débats sur l’article 9.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ma réaction n’était pas d’irritation, mais d’explication, et, si elle a été considérée autrement, je vous prie de m’en excuser. Elle consiste à dire que nous ne parlons pas en réalité des deux taxes visées – ceux qui ont défendu les amendements en question ou argumenté en leur faveur l’ont dit eux-mêmes –, mais d’une question de principe.
M. Jean-Claude Boulard. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors, allons-y ! J’ai donc parlé des principes, et pas spécialement de l’enjeu budgétaire que ces taxes représentent – enjeu considérable (Sourires.), chacun a les chiffres sous les yeux ! – et du nombre extrêmement faible de collectivités concernées.
Si la position du Sénat, en faisant du maintien de ces taxes une question de principe, est de dire : « Surtout, ne touchons à rien ! » (M. Jean-Claude Boulard opine.), « Ne supprimons aucune petite taxe, parce que c'est mettre le doigt dans un engrenage… » (Exclamations sur plusieurs travées.) Ce sont les arguments que j’ai entendus, mesdames, messieurs les sénateurs, et je réponds à ce que j’entends !
Je rétorque que ce n’est pas interpréter correctement l’esprit de la Constitution que de se référer à son article 72–2 ! Mais j’ai répondu sur ce point. Nous aurons bien sûr tout le loisir de parler de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière – qui ne sont d'ailleurs pas la même chose. (M. Roger Karoutchi opine.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous débattrons sur les différences entre les deux notions, y compris en faisant référence à une loi organique votée en 2004 – notez bien la date, elle vous permettra d’en reconnaître les auteurs !
C'est ainsi que nous aurons l’occasion de parler de l’autonomie financière, et comme l’explication – ou l’interprétation – de l’article 72–2 est donnée dans la loi organique de 2004, on aura peut-être des surprises en regardant certains chiffres. Mais cela, on se le réserve pour lundi.
Quoi qu’il en soit, je remercie Jean Germain d’avoir renouvelé sa confiance au Gouvernement. (Sourires sur les travées de l’UMP.) De toute façon, monsieur le sénateur, j’avais conscience que la confiance du groupe socialiste envers le Gouvernement…
M. Jean Germain. Et au Sénat, elle est constante !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ne se mesurerait pas à l’aune du volume financier – 1,7 million d’euros – que représentent les deux taxes ! Je dis cela en signe d’amitié, et pour détendre un peu l’atmosphère.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-76 et I-410 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos I-109 rectifié bis et I–25 n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-316 est présenté par M. César, Mme Espagnac et M. Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° I-326 est présenté par Mme Primas, M. César, Mme Lamure et MM. G. Bailly, Calvet, Gremillet, P. Leroy et Poniatowski.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter L'amendement n° I-316.
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° I-326, dont je suis également signataire.
Nous venons de passer beaucoup de temps sur deux petites taxes qui concernaient les collectivités territoriales, et je ne voudrais pas retarder trop les débats, mais, en l’occurrence, il s’agit d’une toute petite taxe qui concerne les agriculteurs.
Sur l’initiative de notre collègue député Valérie Rabault, l’Assemblée nationale a ajouté de nouvelles suppressions de taxes à celles qui figuraient dans le projet de loi de finances initial. Parmi les dispositions ainsi adoptées par les députés figure la suppression du droit d’enregistrement – droit bien minime, mais fixe – de 125 euros pour les cessions de gré à gré de cheptel et autres objets mobiliers dépendant d’une exploitation agricole.
Les cessions de fonds agricoles sont également soumises à ce droit fixe d’enregistrement. Le rendement de cette mesure est très faible, certes ! Mais en la supprimant, nous faisons rentrer la cession de fonds agricoles dans le droit commun. Après analyse, il apparaît en effet qu’avec la disparition de l’article 732 du code général des impôts, les cessions de fonds agricole, de matériel ou de cheptel faites sans vente corrélative de terres tomberaient sous le coup des droits applicables aux ventes de fonds de commerce et de clientèles fixés par l’article 719 du code général des impôts via l’article 720 dudit code.
Les droits d’enregistrement seraient donc nuls jusqu’à 23 000 euros, puis de 3 % jusqu’à 200 000 euros et de 5 % au-delà. Autant dire que les fonds agricoles seront davantage taxés au moment de leur cession si on laissait l’article 8 en l’état.
La commission des affaires économiques du Sénat a considéré qu’il ne fallait pas pénaliser le fonds agricole plus qu’il ne l’est aujourd'hui, et propose avec cet amendement de revenir sur ce que nous considérons comme une fausse bonne idée de nos collègues députés. Cela, d’autant que l’application d’un tel régime fiscal emporterait conséquence, à mon avis, inutile, sur l’installation, notamment, de jeunes agriculteurs ou sur la transmission de l’exploitation. Or, l’esprit dans lequel notre collègue député Valérie Rabault a supprimé cette taxe à faible rendement était, me semble-t-il, celui de la simplification, son intention n’étant pas d’alourdir la fiscalité.
Pour ces raisons, je vous demande de voter cet amendement, dont l’adoption facilitera l’installation de jeunes agriculteurs ou la transmission de l’exploitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’interroge. Il ne s’agit pas d’une taxe perçue au profit des collectivités territoriales, mais d’un droit d’enregistrement perçu au profit du budget de l’État. À nos yeux, monsieur le secrétaire d'État, c’est une différence de nature. Une position de principe en faveur du maintien des ressources des collectivités et de la possibilité pour ces dernières de fixer certains taux et d’instaurer certaines taxes s’exprime sur toutes les travées.
Sophie Primas a exposé les enjeux techniques ; je n’y reviens pas. La commission n’est pas hostile à ces deux amendements identiques, mais elle n’a pas été en mesure d’expertiser les conséquences qu’aurait le rétablissement du droit d’enregistrement supprimé par l’Assemblée nationale sur l’initiative de la rapporteure générale de sa commission des finances. Nous souhaiterions entendre le Gouvernement, qui pourra peut-être nous apporter un éclairage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Dallier. Ah ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’interroge comme la commission. L’intention affichée par la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale était plutôt bienvenue, mais il semble que la rédaction retenue ait un effet secondaire. Il faut regarder cela de plus près. Le Gouvernement n’a pas achevé son expertise ; il l’avoue avec beaucoup d’humilité. Il s’en remet donc à la sagesse du Sénat, et profitera de la navette pour approfondir le sujet.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Il me semble que ces deux amendements identiques pourraient être retirés, dès lors que la commission des finances et le Gouvernement se sont engagés à expertiser le dispositif.
Les chiffres des installations viennent de tomber. L’engagement pris par le ministre de l’agriculture d’augmenter le nombre d’installations a été tenu. Il n’y a jamais eu autant d’installations que pendant l’année écoulée. Le nombre d’installations est très élevé. Les choses fonctionnent. C’est prendre un risque que de déstabiliser le système sans avoir préparé d’étude d’impact.
Les orientations prises dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt sont si fragiles…
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Didier Guillaume. Il s’agit de rendre plus faciles, demain, les transmissions d’exploitation et les installations d’agriculteurs.
Plutôt que de modifier le dispositif aujourd'hui, il faut attendre les résultats de l’expertise.
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Didier Guillaume. Cela ne me gêne pas a priori de voter ces deux amendements identiques, mais je m’interroge sur leurs conséquences.
Nous ne sommes pas loin de nous retrouver sur ce sujet. La question est de savoir si on vote ces amendements maintenant en attendant de pouvoir réexaminer la question au cours de la navette, ou si on les met de côté en se réservant la possibilité de les voter le moment venu pour équilibrer les choses.
Pour moi, cela importe peu. Ce qui compte, c’est qu’il continue à y avoir en France des transmissions d’exploitation agricole et des installations de jeunes agriculteurs, car l’avenir de notre agriculture en dépend.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne peux que souscrire aux propos de Didier Guillaume. Nous n’avons pas d’expertise sur les conséquences que la modification juridique adoptée par l’Assemblée nationale aurait en matière de transmission d’exploitation. Comme un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, je maintiens mon amendement afin qu’il serve de base à la discussion au cours de la navette.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I–316 et I–326.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–273 rectifié est présenté par MM. Chiron et Lalande.
L'amendement n° I–401 rectifié est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Marseille et Jarlier, Mme Iriti, MM. Canevet, Zocchetto, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les cinq premiers alinéas du 1 de l’article 39 A du code général des impôts sont ainsi rédigés :
« 1. L’amortissement des biens d’équipement, autres que les immeubles d’habitation, les chantiers et les locaux servant à l’exercice de la profession, acquis ou fabriqués par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie), peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif, compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque nature d’industrie.
« Les taux d’amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d’amortissement linéaire par un coefficient fixé à :
« a) 2 lorsque la durée normale d’utilisation est de trois ou quatre ans ;
« b) 3 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;
« c) 4 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »
II. – Le I s’applique aux biens acquis ou fabriqués entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Chiron, pour présenter l’amendement n° I–273 rectifié.
M. Jacques Chiron. Nos échanges fructueux en commission avec Vincent Delahaye nous ont conduits à déposer ces deux amendements identiques, qui visent à instaurer un mécanisme d’amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois pour l’investissement des PME dans les matériels et outillages de production.
Ce mécanisme viendrait compléter le CICE et les baisses de charges sociales, qui ont pour objectif de restaurer la compétitivité de nos entreprises. Tant le CICE que les baisses de charges sociales bénéficient indifféremment à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et quel que soit leur secteur d’activité. Or, au-delà de la nécessité globale que l’ensemble de nos entreprises dégagent des marges leur permettant de générer de la croissance, de l’investissement et de l’emploi, il existe des besoins spécifiques de renforcement de notre appareil productif, notamment en matière d’équipement en machines-outils des PME-PMI.
L’âge moyen du parc français de machines-outils est aujourd’hui de dix-neuf ans. Au cours des quinze dernières années, le parc français de machines de moins de quinze ans s’est réduit de 10 000 machines, alors que, parallèlement, celui de l’Allemagne a augmenté de 95 000 machines. La loi de finances pour 2014 a déjà prévu un dispositif d’amortissement accéléré en faveur de l’investissement des PME dans la robotique. Le dispositif proposé vise à élargir cette mesure à d’autres technologies de production.
Il s’agit, vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État, de produire plus vite et mieux. Cette mesure est un levier de croissance et un vecteur de développement économique pour nos territoires. Rappelons que 60 % des PME-PMI sont situées en dehors des agglomérations. La mesure va dans le sens des initiatives prises par le Gouvernement en direction des PME dans le cadre des programmes « Usines du futur ».
Le dispositif proposé correspond à un avantage de trésorerie pour les PME industrielles. Par conséquent, s’il peut être coûteux pour les finances publiques les deux ou trois premières années, son impact budgétaire est nul à long terme. Seront éligibles à ce dispositif les investissements réalisés entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016. L’impact sur le budget 2015 sera donc très limité, puisque seul le mois de décembre 2014 pourra être pris en compte.
Je pense que cette mesure irait dans le bon sens. Il faut permettre à nos PME-PMI d’exporter en facilitant leur développement. Elles sont un moteur important de notre activité économique. Il faut leur permettre de passer au stade des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. La mesure que nous proposons nous permettrait d’avoir plus d’ETI. Or on sait que tant les PME que les ETI sont difficilement délocalisables. (MM. Jean Germain et Didier Guillaume applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I–401 rectifié.
M. Vincent Delahaye. Dans la lignée de l’amendement relatif au taux de l’impôt sur les sociétés que nous avons présenté hier soir, le présent amendement revient une fois de plus sur la question du nécessaire soutien à nos entreprises, et plus particulièrement à nos PME.
Cet amendement vise à ranimer un dispositif conçu lors de la mise en œuvre du plan de relance de 2009. L’objectif est d’accélérer l’amortissement des biens d’équipement achetés exclusivement par nos PME. Au plan fiscal, il s’agit d’une réduction de l’assiette de l’imposition sur les bénéfices, qui permettrait aux entreprises de retrouver des marges de manœuvre à court terme. Le dispositif consiste donc en une facilité de trésorerie pour les PME industrielles. Par conséquent, comme cela vient d’être souligné, s’il peut être coûteux pour les finances publiques les deux ou trois premières années, son impact budgétaire est nul au bout du compte.
Cet amendement cible spécifiquement l’investissement des PME, car c’est un enjeu majeur dans le combat, auquel nous souhaitons tous participer dans cet hémicycle, contre la crise économique. En effet, les PME représentent plus de 98 % de nos entreprises et l’investissement privé s’effondre ; l’INSEE tire la sonnette d’alarme sur ce point depuis déjà plus d’un an.
Au-delà de l’aspect conjoncturel, le renouvellement de notre parc de machines-outils est absolument primordial. Notre appareil productif décroche. L’âge moyen de notre parc de machines-outils est aujourd’hui de vingt ans, et, en volume, nous avons totalement divergé par rapport à la trajectoire allemande depuis une quinzaine d’années.
Nous pouvons créer tous les CICE du monde, la clé de la reprise d’une croissance robuste est la stimulation de notre appareil de production, et donc le soutien à nos entreprises. C’est tout le sens de cet amendement, qui a reçu hier un avis favorable de la commission des finances. Je suis content que nous ayons réussi à nous mettre d'accord avec le groupe socialiste sur un dispositif commun. Nous avons rectifié notre rédaction à la suite des remarques qui nous ont été faites. Je pense que cet amendement devrait recueillir un assentiment assez général. À mon sens, son adoption est à la fois indispensable et urgente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tant Vincent Delahaye que Jacques Chiron et Bernard Lalande, en qualité de rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », ont identifié la difficulté des PME à financer leurs investissements. J’avais déposé un amendement allant dans le même que les leurs, ce qui montre que cette difficulté est unanimement identifiée au sein de la commission des finances.
Il s’agit d’un vrai problème. Le rapport Gallois avait lui aussi relevé la difficulté des PME à financer leurs investissements. Notre différentiel avec d’autres pays, dont l’Allemagne, a été très souvent souligné. On sait bien que l’un de nos handicaps est notre manque d’ETI. L’une des causes de la difficulté de nos PME à financer leurs investissements est la faiblesse des marges industrielles.
Dans le contexte actuel, le dispositif d’amortissement exceptionnel proposé par les auteurs des amendements est vraiment bienvenu. Ce dispositif est bien ciblé, puisqu’il vise exclusivement l’industrie, et plus précisément l’acquisition de biens destinés à la production ; les investissements de nature immobilière, par exemple, ne sont pas inclus.
Ce dispositif aurait un effet accélérateur sur l’investissement dès l’année 2015. S’il favorisait le renouvellement du matériel – comme cela a été rappelé, nos PME souffrent d’un problème d’obsolescence, ou du moins de vieillissement de leur parc de machines –, cela aurait un impact sur la production et sans doute sur la croissance. Pour l’État, le dispositif n’occasionnerait qu’un coût de trésorerie, que nous avons pu chiffrer grâce aux services de Bercy et nous vous en remercions, monsieur le secrétaire d’État.
J’avais déposé un amendement allant dans le même sens, avant de me rallier à l’amendement de l’UDI-UC. Je me réjouis que Jacques Chiron et Bernard Lalande aient déposé un amendement identique. Nous avons là l’occasion d’apporter un véritable soutien aux PME, et plus particulièrement à leur investissement, en cette période de faible croissance. La création d’un tel dispositif, qui pourrait doper l’investissement et donc produire des effets bénéfiques sur la croissance, enverrait un excellent signal. C'est pourquoi j’invite notre assemblée à voter le plus largement possible ces deux amendements identiques.
Les industriels, et notamment ceux qui produisent des robots, ou plus généralement des machines, appellent ce dispositif de leurs vœux. C’est l’un des meilleurs signaux que nous puissions envoyer en matière de soutien à l’investissement des PME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux amendements identiques. D'abord, la mesure proposée a un coût. Vous me dites qu’il s’agit d’un coût de trésorerie, mais c’est un coût tout de même, puisque la perception de certaines recettes serait décalée.
Ensuite, comme l’a rappelé Jacques Chiron, nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour soutenir l’investissement des PME dans les robots et autres matériels de production.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a été dit, la mesure n’est pas ciblée, puisqu’elle concerne toutes les PME.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle ne concerne que l’achat de machines !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous ai bien écouté : vous avez dit que la mesure était ciblée parce qu’elle excluait les investissements de nature immobilière. Tous les investissements traditionnels des entreprises sont concernés. L’effet d’aubaine serait donc important.
Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures d’allégement des impôts et des cotisations sociales des entreprises, qui entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2015 ; je pense notamment aux allégements de cotisations patronales, qui dépassent 2,5 milliards d’euros, si ma mémoire est bonne. Il ne souhaite donc pas aller au-delà, d’autant que, je le répète, la mesure proposée n’est pas suffisamment ciblée.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Le projet de loi de finances pour 2015 ne comporte aucune mesure en faveur des entreprises. (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.) Certes, les effets du pacte de responsabilité et du CICE vont concerner l’année 2015, mais la montée en puissance du CICE est plus lente que prévu : 10,8 milliards d’euros seront rendus aux entreprises au lieu des 13 milliards d’euros prévus au titre de 2013. La hausse de la fiscalité sur les entreprises en 2012 et 2013 sera donc bien loin d’être seulement compensée.
Je rappelle également des prises de position des parlementaires socialistes encore contradictoires sur les entreprises qui ont un effet dévastateur sur les créateurs de richesses et d’emplois. Je pense par exemple à l’adoption par des députés socialistes d’un amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale soumettant les dividendes versés par les entreprises au paiement des cotisations sociales.
Je rappelle enfin que les entreprises subiront encore en 2015 les effets de mesures antérieures : la prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés pour 2 milliards d’euros, la moindre déductibilité des frais financiers pour 1,3 milliard d’euros, l’incidence du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les sociétés pour 800 millions d’euros et la hausse des cotisations de retraite pour 500 millions d’euros.
Il importe de soutenir davantage nos PME, dont les taux de marge n’ont jamais été aussi faibles. Nous venons encore malheureusement de battre un record de faillites ces derniers mois. Tel est l’objet de ces amendements identiques de nos collègues centristes et de notre collègue Chiron que le groupe UMP soutiendra.
Ces deux amendements visent à soutenir les investissements productifs des entreprises en augmentant l’amortissement dégressif. Ainsi, l’année où l’entreprise fera l’acquisition du matériel amorti, elle pourra diminuer fortement son résultat imposable, et donc son impôt sur les bénéfices. En conséquence, les entreprises seront incitées à investir dans du nouveau matériel productif.
Tout le problème actuel de notre industrie est là : la baisse du coût du travail n’est pas un levier suffisant. En effet, en France, les productions ne permettent pas de créer suffisamment de valeur ajoutée, compte tenu des coûts de fabrication. N’intégrant pas assez de valeur ajoutée, l’industrie française est contrainte de réduire ses marges pour répliquer à la concurrence des pays low cost. Favoriser les investissements productifs pour gagner en valeur ajoutée est donc essentiel pour la vitalité de nos PME et de nos ETI. C’est pourquoi l’adoption de ces amendements est extrêmement importante.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Dans la conjoncture actuelle, le secteur bancaire devrait pleinement jouer son rôle en permettant aux entreprises de relever le défi de la remise à niveau de leur outil industriel. Le crédit devrait donc être beaucoup plus intéressant.
J’ai participé récemment à l’inauguration d’une installation industrielle dans ma commune. L’entreprise concernée a bénéficié de la participation de la Banque publique d’investissement, qui lui a permis de réaliser un investissement nécessaire au dynamisme de son activité. Elle n’a pas sollicité d’autres formes d’intervention.
M. Alain Fouché. C’est une exception !
Mme Marie-France Beaufils. Cela montre bien que des outils existent, même s’il faut probablement renforcer leur efficacité.
Voilà pourquoi la solution proposée par les auteurs de ces deux amendements ne me satisfait pas. Elle me satisfait d’autant moins que la version initiale de l’amendement de notre collègue Chiron comportait une réserve qui a disparu. En effet, elle excluait du bénéfice de la mesure les entreprises ayant redistribué un pourcentage trop important de leurs bénéfices sous forme de dividendes. Là, il n’y a plus de barrière, on ouvre les vannes, exactement ce qu’on reproche au CICE. Dépourvu de toute sélectivité, le dispositif perd toute son efficacité. Il s’agit typiquement d’une mesure qui ne permet pas d’effectuer des choix clairs en matière de politique industrielle.
Je m’associe donc à vos observations, monsieur le secrétaire d’État. On ne peut pas s’engager dans ce type de démarche. C’est aux banques de jouer davantage leur rôle d’investisseur dans le domaine économique.