M. Alain Houpert. Je constate que nous sommes dans la religion du chiffre.
M. Bruno Sido. C’est la commission des finances…
M. Alain Houpert. Pour ma part, je crois que c’est le lieu et le moment d’agir.
C’est le lieu, d'abord, parce que le Sénat représente les territoires. Or 80 % du territoire français est rural.
M. Bruno Sido. Au moins !
M. Alain Houpert. Que risque-t-on à adopter nos amendements, mes chers collègues ? Cela permettra de remettre l’église au milieu du village.
Mme Cécile Cukierman. Mettez-y plutôt la mairie !
M. Alain Houpert. Il y aura ensuite la navette.
Notre amendement est inspiré par un principe républicain, celui d’égalité. Il a pour objet d’instaurer une égalité entre les communes en matière d’attribution de la DGF : qu’elle soit modulée selon un rapport de 1 à 2 est proprement scandaleux ! Et je ne parle pas de l’inégalité entre intercommunalités selon leur population !
C’est le moment d’agir, ensuite, car il est temps, mes chers collègues, de faire bouger les choses. Nous sommes au XXIe siècle ! Nous devons relever le défi du numérique. Contrairement aux zones urbaines, la ruralité devra financer l’accès à la fibre optique et aux nouvelles technologies.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué les charges de centralité, comme si les communes à faible population ne contribuaient pas à les couvrir. En réalité, le coût réel de ces charges leur est refacturé !
On a beaucoup parlé de péréquation. En fait, avec le mode de calcul actuel de la DGF, c’est de la péréquation à l’envers.
Les territoires ruraux sont frappés d’une double peine : on ne sait plus quelles sont les communes riches, quelles sont les communes pauvres… En effet, à l’inégalité de DGF s’ajoute l’illisibilité du fameux FPIC, auquel on ne comprend plus rien ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Nous sortons d’élections sénatoriales. Lors de la campagne, 80 % des grands électeurs ont dénoncé les inégalités territoriales induites par la DGF et le FPIC.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Alain Houpert. Puisque nous sommes ici à la Haute Assemblée, élevons le débat !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Alain Houpert. La navette parlementaire se poursuivra : nous ne risquons rien à taper du poing sur la table ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Emorine. À travers leurs amendements respectifs, nos collègues ont soulevé une question très intéressante.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, vous avez invoqué dans vos réponses la centralité. J’ai été maire d’un chef-lieu de canton avant la décentralisation : on pouvait, alors, parler de centralité, mais le développement de l’intercommunalité a changé la donne, car les bourgs-centres ne supportent plus les mêmes charges. Par exemple, l’entretien de la piscine ne repose plus sur les petites communes : il est devenu une charge intercommunale.
Je suis très tenté de voter ces deux amendements. En tout état de cause, j’espère que les préoccupations de leurs auteurs seront prises en compte lors de la réforme globale de la DGF que vous annoncez. Centralité ne veut plus rien dire aujourd'hui : ce mot appartient à un passé révolu !
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. M. le secrétaire d'État nous annonce une augmentation de la DETR.
M. René-Paul Savary. Cela fait 2 millions d’euros par département en moyenne : de quoi permettre de soutenir l’investissement en contrebalançant la ponction de plus de 3 milliards d’euros opérée sur les collectivités territoriales…
Monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez avancer, faites confiance aux élus locaux ! Le moment n’est-il pas venu de confier la DETR aux départements, plutôt que de soutenir les communes au moyen de financements croisés ? Le moment n’est-il pas venu de simplifier ? Il est temps que l’État, qui déclare souhaiter une clarification des financements, passe des paroles aux actes ! (MM. Michel Bouvard et Bruno Sido applaudissent.)
Les élus locaux ne seront pas ingrats, monsieur le secrétaire d'État : ils continueront d’inviter aux inaugurations les sous-préfets, qui sont compétents pour la DETR en dessous d’un certain seuil, ou le préfet, quand il nous fait l’honneur de venir… Avoir un seul financeur permettrait peut-être de simplifier un certain nombre de tâches sur le plan administratif.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. J’ai bien noté, monsieur le secrétaire d’État, que les questions soulevées seront traitées dans le cadre de la réforme de la DGF.
D’ailleurs, comme cela a été souligné précédemment, le raisonnement que nous tenons pour les communes vaut encore plus pour les intercommunalités. Aujourd'hui, les écarts de dotation existant entre les communautés de communes et les communautés d’agglomération sont absolument insupportables : pour des charges et des compétences pratiquement identiques, les montants de dotation diffèrent totalement ! Mais le sujet d’aujourd’hui n’est pas là…
Je n’ai pas très envie de retirer mon amendement, pour une raison de conjoncture, si je puis dire. En 2015, les petites communes seront les plus touchées par la baisse des dotations, car celles-ci pèsent lourd dans leurs ressources. Elles seront donc très fortement pénalisées. Si nous parvenons à déplacer un peu le curseur en matière de dotation par habitant – mon amendement va moins loin que celui de M. Houpert –, nous aiderons ces communes à mieux absorber les efforts qui leur sont demandés. Elles pourront ainsi continuer à investir, mais aussi, tout simplement, à faire face à leurs charges fixes.
Au-delà d’un certain stade, il ne sert plus à rien d’augmenter la fiscalité : les bases sont tellement faibles qu’une hausse n’engendre aucune ressource nouvelle. C’est donc bien par une révision du mode de calcul du montant de la dotation que l’on pourra aider les petites communes.
Par conséquent, je maintiens l’amendement n° II-273 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Ce débat, tout à fait sérieux et légitime, doit être tranché.
Les exemples qui ont été donnés ne m’ont pas pleinement convaincu. Certains financements relèvent de budgets annexes et ne peuvent être assurés par le biais de la DGF. Les choses doivent donc être regardées de plus près.
Les questions relatives à la DGF concernent toutes les communes, et pas seulement les communes rurales.
M. Philippe Dallier. C’est certain !
M. Claude Raynal. Je pense notamment aux communes autrefois rurales devenues urbaines. Assez étrangement, celles-ci ont conservé une DGF rurale.
Les sujets à traiter sont donc nombreux et méritent un examen extrêmement attentif. C’est tout ce que l’on peut dire aujourd’hui !
Par conséquent, s’il était intéressant que nous ayons ce débat à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, nous ne pourrons régler la question par le biais de l’adoption d’un amendement : cela exige un travail très lourd, s’appuyant sur des simulations, au sein du Comité des finances locales. C’est la seule manière d’aboutir à une décision !
J’apprécierais que ces amendements soient retirés à l’issue de cette discussion de qualité, mais si l’un ou l’autre devait être adopté, cela ne changerait rien au fait que le CFL devra traiter du sujet en profondeur. C’est à ce débat, mes chers collègues, que je nous renvoie !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. La hiérarchie dans la détermination des montants de DGF est ancienne et devient de plus en plus complexe à comprendre, compte tenu des différentes composantes de cette dotation. Certaines, comme la dotation superficiaire, ont été ajoutées au fil des ans au bénéfice des communes rurales. Je crois donc que le Gouvernement a raison de juger que le système nécessite une remise à plat.
Je partage l’analyse selon laquelle un rééquilibrage est nécessaire. Le décalage entre les charges qui pèsent sur les communes urbaines et celles qui incombent aux communes rurales s’est réduit : les charges de centralité ont évolué, les habitants des zones rurales ont désormais les mêmes exigences, en termes de services à la population, que les habitants des zones urbaines. À cela s’ajoutent les migrations et mutations diverses intervenues au cours du temps.
Le système doit donc être entièrement revu, mais cela ne peut être entrepris de manière objective sans disposer d’un minimum de simulations et d’analyses, d’autant que les communes rurales ne forment pas un tout homogène. Certaines communes supports de stations touristiques sont classées parmi les communes rurales, comptent très peu de résidents permanents mais supportent les charges d’une entreprise touristique. J’y reviendrai plus tard, en présentant un amendement d’appel.
De nombreux débats sont donc à ouvrir autour de cette question et il serait bon que nous puissions nous donner le temps de les préparer, dès lors, bien évidemment, que le Gouvernement s’engagerait sur un calendrier précis. Il ne faudrait pas, en effet, que cela se finisse comme pour la remise à plat annoncée de l’ensemble de la fiscalité – même si je peux comprendre que celle-ci n’ait pas été menée à bien, compte tenu de la très grande complexité du problème – ou la révision générale des bases, qui n’a jamais vu le jour…
Si le Gouvernement accepte de prendre l’engagement que nous pourrons travailler sur ce sujet de manière sereine et sur la base de critères objectifs, je ne voterai pas les amendements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Ces deux amendements ont le grand mérite d’indiquer, avec franchise et dynamisme, une direction claire !
Il s’agit incontestablement d’un vrai sujet. Il n’est pas mauvais de faire montre d’un peu de prudence quand on touche aux recettes des collectivités. Le Gouvernement nous a annoncé une réforme globale de la DGF. Dans cette perspective, il faudra fixer des principes directeurs. Celui qui est proposé au travers de l’amendement n° II-178 rectifié ter a du sens, et il a au moins le mérite de la clarté.
Cela étant, instaurer une égalité stricte en matière de dotation par habitant, quelles que soient les situations, ne pourrait-il pas aller à l’encontre de l’équité ? Telle est la question qui se pose à nous ; elle nous renvoie au vieux débat entre égalité et équité.
Nous avons tous conscience que la prise en compte des charges de centralité repose sur des calculs assez ésotériques et que le dispositif mériterait d’être rediscuté. Pour autant, supprimer toute forme de pondération sans avoir mené un travail d’approfondissement avec le CFL, en s’appuyant sur des simulations, serait peut-être aller un peu vite en besogne !
Par conséquent, j’aurais tendance à inviter le Sénat à faire preuve de sagesse. Prenons un peu de temps pour mener la réflexion !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Les deux amendements dont nous sommes saisis traitent d’un vrai problème. Ne pas vouloir le reconnaître, c’est nier la réalité que nous vivons quotidiennement sur le terrain !
Je voudrais tout d’abord souligner, à l’attention de notre collègue Claude Raynal, que malgré tout le respect que l’on peut avoir pour cet organisme, ce n’est pas le Comité des finances locales qui fait la loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
M. Michel Mercier. La loi est élaborée par le Parlement, et le CFL ne fait que l’appliquer !
Il s’agit ici, à mes yeux, d’amendements d’appel, car la situation est beaucoup trop complexe pour que l’on puisse la régler au détour de leur examen.
Au cours de ma déjà longue carrière de parlementaire, j’ai eu l’occasion de voter deux réformes de la DGF. Quand j’exerçais la fonction de rapporteur spécial aujourd'hui remplie par M. Guené, j’ai dû faire voter une bonne trentaine d’amendements visant à arranger la communauté urbaine d’Alençon, par exemple, ou tel autre territoire méritant de faire l’objet de la sollicitude du Parlement… C’est ainsi que nous avons complexifié à l’excès le mécanisme de la DGF, au point que si quelqu’un prétendait pouvoir l’expliquer en deux phrases, il faudrait vite l’enfermer ! (Sourires.) Le système est incompréhensible !
Quoi qu’il en soit, il existe, entre une commune de moins de 500 habitants et une grande commune, une différence excessive en matière de dotation par habitant. Cela étant, instaurer un montant de dotation par habitant identique pour toutes les communes serait, me semble-t-il, une erreur, car les réalités sont diverses. M. Michel Bouvard vient de rappeler que certaines communes rurales sont riches, de même que certaines communes urbaines. Quant aux communes pauvres, on en trouve partout !
Pour ma part, j’ai bien envie de voter ces amendements, qui constitueront un véritable appel à destination du Gouvernement. On ne peut pas se contenter de nous annoncer que la réforme de la DGF sera engagée dès que l’on aura fini de compter les arbres ! En effet, j’ai bien compris que la nouvelle DGF reposerait essentiellement sur le nombre d’arbres, de sources, etc. Chez moi, je coupe les arbres en deux pour les multiplier ! (Sourires.)
Le Gouvernement doit prendre de vrais engagements en matière de réduction des écarts de DGF entre communes. On ne peut pas accepter indéfiniment la situation actuelle ! Cependant, je sais qu’il faut aussi éviter l’émiettement des dotations de l’État et favoriser d’une façon ou d’une autre le regroupement des communes. Par conséquent, la situation est très complexe. Pour autant, on ne peut pas écarter d’un revers de main les propositions de nos collègues en se contentant d’appeler au retrait de leurs amendements. Il faut aller plus loin : le problème posé est trop criant aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. La commission des finances suggère aux auteurs de ces amendements de les retirer avant tout pour des raisons purement techniques. Tels qu’ils sont rédigés, leurs dispositifs ne sont pas opérants !
En outre, la dotation de base n’évoluant pas en 2015, on ne peut pas jouer sur elle.
Enfin, nous sommes engagés dans une démarche de réforme : 2015 verra une réforme de la DGF et, en septembre, une évaluation des mécanismes de péréquation. Si, à la fin de l’année 2015, nous constatons que rien n’a été fait, notre position sera sans doute différente…
Cela étant, s’il s’agit, au travers de ces amendements, de lancer un appel à mener ces réformes, la démarche me paraît tout à fait cohérente. Le rapport de 1 à 2 entre les coefficients actuels n’est plus forcément pertinent. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de le modifier sans procéder à des évaluations ou prendre en compte la diversité des charges selon les communes. Cela peut même jouer contre la ruralité ! En matière de services au public, par exemple, les coûts sont plus élevés dans la ruralité qu’en milieu urbain. Tous les éléments doivent donc être pris en compte. On ne peut pas se contenter d’agir sur un seul paramètre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je fais miens les propos de M. le rapporteur spécial. Vous aurez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement n’a pas exprimé d’opposition à ces amendements ; il a proposé à leurs auteurs de les retirer. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Il y a une vraie nuance ! Le Gouvernement n’est pas sourd aux préoccupations exprimées au travers de ces amendements, mais il juge préférable de les retirer au terme de cette discussion fort intéressante, après qu’il a pris de nouveau l’engagement de réformer totalement la DGF d’ici à la discussion du projet de loi de finances pour 2016.
Monsieur le sénateur Mercier, nous ne pouvons pas être plus précis. Le projet de loi de finances devant être prêt en septembre ou en octobre, nous disposons d’une dizaine de mois pour élaborer la réforme de la DGF, avec le Parlement, en premier lieu, mais aussi avec le CFL.
Tel est l’engagement que je prends ce soir devant le Sénat, au nom du Gouvernement.
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-273 rectifié ter n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, comme nous en sommes convenus en début d’après-midi, la suite de la discussion des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est renvoyée à la séance du samedi 6 décembre.
5
Communication d'un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi qu’à l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, la commission des affaires sociales, lors de sa réunion du 2 décembre 2014, a émis un vote favorable - 24 voix pour, 5 bulletins blancs - à la nomination de M. Jean-Claude Ameisen aux fonctions de président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et la santé.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 2,8 milliards d’euros en crédits de paiement sont inscrits dans le présent projet de loi de finances au titre de la mission « Aide publique au développement » et 1,5 milliard d’euros au titre du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Avant de commenter précisément l’évolution de ces crédits – et, à travers eux, de la politique française d’aide publique au développement –, je souhaiterais tout d’abord les replacer dans le contexte international et examiner la politique menée en la matière par les principaux donateurs.
Sur un plan global, les chiffres les plus récents dont nous disposons sont ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui concernent l’année 2013.
Les deux dernières années avaient été marquées par des baisses importantes, dans le prolongement de la crise financière de 2008 et des turbulences de la zone euro. En 2013, en revanche, l’aide internationale atteint son plus haut niveau historique, pour s’établir à 135 milliards de dollars environ.
Dix-sept des vingt-huit pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE ont augmenté leur aide. À l’inverse, onze pays ont diminué la leur.
En termes de hiérarchie, les États-Unis demeurent le premier pays contributeur en volume, devant le Royaume-Uni, qui conforte sa deuxième place devant l’Allemagne. La France perd une place et se retrouve désormais en cinquième position, derrière le Japon, avec 11,4 milliards de dollars.
Si l’on s’intéresse au montant de l’aide rapporté au revenu national brut, le RNB, les cinq premiers pays sont la Norvège, la Suède, le Luxembourg, le Danemark et le Royaume-Uni.
Ces cinq pays sont également les seuls à respecter l’engagement de consacrer 0,7 % de leur RNB à l’aide au développement. On notera que le Royaume-Uni respecte pour la première année cet objectif, quand la France perd une place et se retrouve onzième, avec 0,41 % de son RNB consacré à l’aide publique au développement.
J’en viens maintenant au niveau de l’aide publique au développement française.
Tout d’abord, il faut préciser que les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne constituent qu’une part de l’effort financier de notre pays en faveur du développement.
Cette mission représente ainsi environ un tiers de notre APD, à laquelle contribuent également d’autres missions budgétaires, notamment les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Action extérieure de l’État » et « Immigration, asile et intégration ».
À ces crédits budgétaires, il faut ajouter la contribution des prêts, les ressources provenant de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la quote-part française de l’aide transitant par le budget communautaire.
L’aide de la France diminue depuis un maximum atteint en 2010. Le Gouvernement prévoit que la baisse se prolongera en 2014, avant un rebond en 2015 et une stabilisation autour de 9,3 milliards d’euros.
Ces prévisions doivent néanmoins être relativisées, car elles pèchent souvent par optimisme, comme nous l’avons montré dans le rapport spécial. Ainsi, l’APD au titre de 2012 a successivement été estimée à 10,5 milliards d’euros en 2012, avant d’être revue à 9,7 milliards en 2013, puis à 9,4 milliards d’euros en 2014 et, enfin, à 8,9 milliards d’euros cette année, soit un écart à la prévision de 15 %.
J’en viens à la programmation triennale de la mission « Aide publique au développement ».
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d’examen par le Parlement, prévoit une diminution de 7,3 % des crédits de paiement de la mission en 2017 par rapport à 2014, soit une baisse de 214 millions d’euros sur trois ans. Ces chiffres confirment – et accentuent – l’évolution à la baisse prévue dans la précédente loi de programmation. Ainsi, si l’on compare le plafond de 2017 au plafond de 2011, on constate une baisse de près de 20 % en six ans, soit de 650 millions d’euros.
Si l’on compare cette fois l’évolution de cette mission par rapport à celle des autres missions sur la période 2015-2017, on observe qu’elle sera, proportionnellement, l’une des plus touchées : elle est la septième mission dont les crédits baissent le plus, en pourcentage, à l’horizon 2017.
Cependant, il est vrai que cette baisse des crédits budgétaires doit être relativisée, dans la mesure où la hausse du produit des taxes affectées la compense partiellement.
Il s’agit de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, qui devraient apporter environ 92 millions d’euros de ressources supplémentaires en 2017 par rapport à 2014.
Si l’on prend en compte ces sources de financement, la baisse des moyens de la politique d’aide publique au développement entre 2017 et 2014 se trouve pratiquement divisée par deux, passant de 214 millions d’euros à 120 millions d’euros, ou de moins 7,3 % à moins 4,2 %.
Certes, lorsqu’elles ont été instituées, ces taxes affectées avaient été présentées, faut-il le rappeler, comme des moyens supplémentaires, et non comme venant compenser la suppression de crédits budgétaires.
Le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de redressement de ses finances publiques et de réduction de ses dépenses, a sanctuarisé cette politique et en a même augmenté les crédits, ce qui lui permet aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB.
Cependant, madame la secrétaire d’État, dans le contexte économique et financier que connaît notre pays et qui conduit à des choix douloureux dans tous les domaines de l’action publique, la baisse des moyens demeure relativement maîtrisée ; il faut le reconnaître.
Comme je le disais au début de mon intervention, les crédits de la mission s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2015 à 2,82 milliards d’euros en crédits de paiement, en baisse de 2,9 %, soit de 83,3 millions d’euros, par rapport à 2014. Cette diminution s’explique notamment par la baisse des crédits consacrés aux annulations de dettes au titre du programme 110, qui diminuent de 50,9 millions d’euros.
Les économies réalisées sur les dépenses de personnel - 4,4 millions d’euros -, sur les dispositifs de coopération bilatérale - 7 millions d’euros - et liées à la fin des actions menées dans le cadre de la politique de codéveloppement - 8,5 millions d’euros - permettent de compenser la hausse de la contribution au Fonds européen de développement, qui augmente de 22,9 millions d’euros.
Enfin, la baisse des crédits de la mission s’explique également par la diminution de 32,4 millions d’euros des moyens alloués à divers dispositifs de coopération multilatérale du programme 209, qui est néanmoins compensée en grande partie par une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières.
L’Assemblée nationale a substantiellement modifié les crédits de la mission.
En première délibération, elle a transféré 35 millions d’euros du programme 110 au programme 209, afin de privilégier les dons par rapport aux prêts ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir ultérieurement.
En seconde délibération, nos collègues députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, minoré de 11 millions d’euros supplémentaires les crédits du programme 110.
Par ailleurs, le Gouvernement a également prévu que 40 millions d’euros soient dégagés au sein du programme 209 pour financer des actions contre l’épidémie de fièvre Ebola, au titre de ce même programme 209. Cela ne se traduit donc par aucun mouvement de crédits au sein du programme.
J’en viens au compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », qui retrace des opérations de versement et de remboursement relatives aux prêts accordés aux pays en développement, ainsi que, depuis 2010, à la Grèce.
L’évolution des crédits du programme « Réserve pays émergents », ou RPE, qui est l’un de nos principaux outils d’aide liée, commence à devenir inquiétante : ils diminuent à nouveau de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour atteindre 330 millions d’euros, quand ils s’élevaient encore à 400 millions d’euros en 2010.
Surtout, je m’inquiète fortement de l’évolution annoncée de la RPE. L’article 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, que nous examinerons d’ici à quelques jours, prévoit de transformer, au détour d’un collectif de fin d’année, un outil d’aide publique au développement en un outil d’aide à l’exportation.
Aujourd’hui, la RPE sert à financer des biens et services vendus par des entreprises françaises dans le cadre de projets d’aide publique au développement. L’intention du Gouvernement, semble-t-il, est de faire en sorte que, demain, cet outil soit utilisé comme aide à l’exportation. Il permettra toujours d’aider des entreprises françaises, mais sans plus avoir, madame la secrétaire d’État, aucun objectif de développement, ce que l’on est en droit de regretter. J’aimerais que vous nous fournissiez quelques explications sur ce point.
Après avoir examiné l’évolution globale des crédits de la mission et du compte de concours financiers, je souhaite maintenant examiner spécifiquement certaines évolutions.
L’Agence française de développement, l’AFD, reçoit des subventions pour financer des projets sous forme de dons. Si l’on intègre les crédits de l’aide technique, ces moyens sont parfaitement stables en autorisations d’engagement et en très légère baisse en crédits de paiement.
Par ailleurs, l’AFD intervient dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels, sous plusieurs formes.
Lorsqu’elle se finance aux conditions du marché, l’AFD réduit le taux d’intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours grâce aux bonifications de prêts que lui accorde l’État. Celles-ci représenteront 178 millions d’euros en crédits de paiement en 2015.
La hausse de 8 millions d’euros des crédits en autorisations d’engagement s’explique par l’augmentation attendue des financements de l’AFD en Afrique sur la période 2014-2018.
Par ailleurs, l’AFD bénéficie de la part de l’État d’une « ressource à condition spéciale » – RCS –, sous la forme d’un prêt à des termes préférentiels. La hausse importante de la RCS, en autorisations d’engagement, s’explique par un prêt de 430 millions d’euros de la France à la Banque mondiale, géré par l’AFD.
Ces deux ressources – bonifications et RCS – devraient contribuer à l’aide publique au développement de la France en 2015 à hauteur de 1 845 millions d’euros.
Je souhaite également aborder la question du renforcement des fonds propres de l’AFD, sujet dont Fabienne Keller et moi avons souvent parlé.
La nécessité de respecter les ratios bancaires limite la capacité de l’AFD à prendre de nouveaux engagements dans de nombreux pays. D’ores et déjà, les signatures de nouvelles conventions de prêts en faveur du Maroc, par exemple, se trouvent limitées aux remboursements en capital.
Le renforcement des fonds propres de l’AFD, qui constitue donc une bonne nouvelle, passera par une diminution du dividende versé à l’État, une amélioration de son résultat net et, enfin, la conversion d’une partie de la RCS en véritables fonds propres, à hauteur de 840 millions d’euros.
Ainsi, au titre de l’année 2015, 280 millions d’euros de crédits de paiement sont supprimés de la RCS par rapport à l’an dernier, l’État ayant acquis, pour un même montant, des titres subordonnés de l’AFD, à partir du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Au final, les moyens de l’AFD sont préservés, voire légèrement renforcés, en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2014-2016, lequel prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.
L’examen des crédits de l’aide humanitaire est surtout l’occasion d’évoquer les moyens mis en place par la France pour lutter contre l’épidémie de fièvre Ebola.
Le Président de la République a annoncé un effort financier de 100 millions d’euros, dont 20 millions d’euros mis immédiatement à disposition, provenant de redéploiements de crédits en fin de gestion 2014.
Sur les 80 millions d’euros supplémentaires devant être inscrits au budget pour 2015, 40 millions d’euros ont été ouverts sur la présente mission, par redéploiements internes.
S’agissant de l’évolution des crédits des autres dispositifs d’aide bilatérale, on peut noter que le Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, qui est l’instrument d’aide projet du ministère des affaires étrangères, voit ses crédits baisser de 10 %, ceux-ci passant de 50 millions à 45 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Les crédits pour 2015 concernant le traitement de la dette des pays pauvres sont relativement stables, sauf pour les annulations de dette bilatérale, dont les crédits de paiement sont en diminution de 50 millions d’euros environ.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le FMLSTP, qui permet de financer des programmes de lutte contre ces maladies, perçoit 187 millions d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, complétés par 173 millions d’euros provenant du Fonds de solidarité pour le développement, à partir des taxes affectées. La contribution de la France au FMLSTP est donc maintenue à 360 millions d’euros, la baisse de 30 millions d’euros des crédits budgétaires étant entièrement compensée.
La mission « Aide publique au développement » porte également les crédits de la contribution française au Fonds européen de développement, le FED, principal instrument de l’aide européenne à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique.
Cet outil se situe hors budget communautaire, et les contributions des États membres relèvent donc d’une clé de répartition différente. La France a obtenu une diminution de sa clé de répartition. Cependant, le montant global du FED étant en hausse, sa contribution l’est aussi.
Enfin, les crédits de personnel sont en baisse de 2,1 %, soit une économie de 4,4 millions d’euros.
En conclusion, compte tenu des observations qui ont été présentées, la commission des finances, dans son immense sagesse (Sourires.), propose au Sénat d’adopter sans modification les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que ceux du compte de concours financiers « Prêts à des états étrangers ». (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)