compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Valérie Létard,
Mme Colette Mélot.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Recherche et enseignement supérieur
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2015 déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficiait d’un budget plus que préservé, avec 25,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 26 milliards d’euros en crédits de paiement. Les dépenses fiscales rattachées à cette mission à titre principal s’élèvent quant à elles à 6,4 milliards d’euros, dont 5,3 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt recherche, le CIR.
Cette stabilité des crédits confirmait le caractère prioritaire que le Gouvernement souhaitait conférer à l’enseignement supérieur et à la recherche. D’ailleurs, la loi de programmation des finances publiques prévoyait également le maintien de l’enveloppe accordée à la mission pour la période 2015-2017, hors compte d’affectation spéciale « Pensions », augmentée de 100 millions d’euros d’ici à 2017.
J’ai également pu constater que les crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, constituaient une importante ressource pour les opérateurs de la mission et qu’ils étaient susceptibles de couvrir des dépenses jusqu’à présent financées par des crédits budgétaires – ce procédé, à mes yeux, n’était pas convenable.
Toutefois, lors de l’examen des crédits de cette mission par l’Assemblée nationale, une coupe de 136 millions d’euros a été opérée, en seconde délibération, afin de « garantir la norme de dépenses en valeur de l’État ». Le programme 150, dédié à l’enseignement supérieur, a été amputé de 70 millions d’euros. Le reste des restrictions a porté sur les programmes de la recherche.
Cette importante réduction des crédits et ses conséquences, tant pour les opérateurs de l’enseignement supérieur que pour les organismes de recherche concernés, a conduit la commission des finances à proposer de ne pas adopter les crédits de la mission, alors qu’elle s’était auparavant prononcée en faveur de leur adoption. Je reviendrai sur ce point.
Le budget consacré à l’enseignement supérieur, qui comprend à la fois le programme 150 et le programme 231, représente 15,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 15,3 milliards d’euros en crédits de paiement, dans le projet de loi de finances tel que présenté par le Gouvernement. Au total, 840 millions d’euros seront consacrés au financement de l’immobilier universitaire dans le cadre des contrats de projets État-région, ou CPER, pour 2015-2020. Je précise que 140 millions d’euros en autorisations d’engagement et 17 millions d’euros en crédits de paiement sont inscrits à ce titre pour 2015.
Par le biais du programme 150, des moyens supplémentaires devaient être alloués aux universités et aux autres établissements publics, avec 11,8 milliards d’euros prévus pour 2015. Les crédits de la masse salariale des établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies augmentaient ainsi de plus de 150 millions d’euros, afin de couvrir principalement la création de 1 000 emplois en 2015, conformément à l’engagement du Président de la République d’ouvrir 5 000 postes dans ce secteur au cours de son quinquennat. Cette enveloppe tirait également les conséquences de mesures prises par le Gouvernement en faveur des agents de la fonction publique et prenait en compte, pour la première fois dans la dotation initiale de l’État, une partie des effets du glissement vieillesse technicité, ou GVT.
Toutefois, je le répète, les crédits du programme 150 ont été réduits de 70 millions d’euros par l’Assemblée nationale en seconde délibération. Cette somme devrait, selon le Gouvernement, être supportée par les opérateurs du programme grâce à la réalisation d’économies. Or ce projet de loi de finances exigeait déjà un effort de 100 millions d’euros des établissements d’enseignement supérieur au titre de leur participation au redressement des finances publiques.
Cette nouvelle réduction des crédits est regrettable et critiquable. Alors que les établissements publics d’enseignement supérieur semblaient retrouver une situation plus saine depuis leur passage à l’autonomie et que le Gouvernement paraissait avoir fait l’effort de tenir compte, au moins pour partie, des charges qu’il faisait peser sur eux, cette réduction des crédits remet tout en cause. L’essentiel de la subvention pour charges de service public couvre en réalité des dépenses de personnel.
Monsieur Eckert, je suppose que, comme Mme Fioraso, vous connaissez ces sujets par cœur. Comment comptez-vous financer les 1 000 emplois supplémentaires en 2015 ?
À ce propos, je relève que rien ne garantit que les universités utilisent réellement les sommes dédiées pour recruter des effectifs supplémentaires. On sait tous comment cela se passe en pratique : les universités utilisent les crédits prévus pour ces postes comme des variables d’ajustement financier.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Une analyse globale permet de le constater : des emplois peuvent être prévus sur le papier sans être jamais créés dans les faits.
Je crains également que des dépenses de fonctionnement supplémentaires ne soient créées par les communautés d’universités et d’établissements, les COMUE, et j’espère qu’un nombre limité des emplois ouverts sera affecté à ces structures.
Les COMUE ne doivent pas non plus conduire à ce que certains établissements de petite taille voient leurs moyens réduits, en raison d’une plus faible représentation en leur sein. Je souhaite que, dans le cadre des prochains CPER, on ne voie pas les grandes universités s’attribuer l’essentiel des crédits au détriment des entités plus petites. J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.
À la fin de l’exercice 2013, on ne comptait que sept établissements en déficit. Même si quelques universités sont encore confrontées à des difficultés importantes, il semble que toutes aient pris la mesure de leur autonomie, en disposant désormais des moyens humains et techniques nécessaires à l’exercice de cette dernière. La commission des finances ne manquera pas de s’intéresser de près à ce sujet, puisqu’elle recevra au printemps prochain l’enquête qu’elle a commandée auprès de la Cour des comptes, au titre de l’article 58, alinéa 2°, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, sur le bilan de l’autonomie financière des universités.
Pour ma part, je considère que certains établissements d’enseignement supérieur parviennent actuellement à maintenir leur équilibre financier au prix d’économies considérables. Au reste, plusieurs établissements nous ont alertés quant aux importantes pertes de recettes induites par la réforme de la taxe d’apprentissage. Le montant de la collecte dont bénéficient certains d’entre eux pourrait ainsi être divisé par deux, alors que cette ressource peut représenter jusqu’à 30 % de leur budget.
À ce stade, je tiens à m’arrêter un instant sur la situation des établissements de l’enseignement supérieur privés. Leur dotation, qui s’établit à 78,9 millions d’euros au titre du présent projet de loi de finances, connaît une nouvelle baisse de 1 %. Or elle a déjà chuté de 12 % entre 2012 et 2015. La participation moyenne de l’État est ainsi passée de plus de 1 000 euros par étudiant en 2013 à seulement 816 euros en 2014. La réduction de leurs crédits pourrait même être plus large si la coupe budgétaire opérée en seconde délibération par l’Assemblée nationale était répercutée sur eux, risque qui, je l’espère, sera évité.
Pourtant, avec plus de 79 000 étudiants inscrits, ces établissements jouent un rôle essentiel dans la diversité des parcours, et ce à un coût mineur pour l’État. Si, demain, les établissements publics devaient accueillir 79 000 étudiants supplémentaires, l’effort financier à accomplir serait bien sûr beaucoup plus grand.
Lors de l’examen de cette mission, la commission des finances a adopté, sur ma proposition, un amendement tendant à maintenir le montant de l’enveloppe de la dotation allouée à ces établissements à son montant de 2014 majoré de 1 %. Cependant, la seconde délibération de l’Assemblée nationale ayant conduit la commission des finances à proposer de ne pas adopter les crédits en question, cette disposition n’a pas prospéré. Je vous proposerai toutefois cet amendement, à titre personnel.
Enfin, nous attendons toujours la réforme du système de répartition des moyens à la performance et à l’activité, ou SYMPA, qui devrait permettre une meilleure allocation des moyens dès 2015. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer où en est ce projet à ce jour ?
En contrepartie des 1 000 nouvelles allocations prévues dans le cadre du Fonds national d’aide d’urgence aux étudiants, le FNAU, il est indispensable que le contrôle de l’assiduité aux cours et de la présence aux examens soit effectivement assuré. Je mène d’ailleurs actuellement un contrôle budgétaire sur ce sujet. Je tiendrai bien sûr la Haute Assemblée informée des résultats de ce travail.
Je regrette – ce sentiment est, je le crois, largement partagé – la suppression de l’aide au mérite par le Gouvernement, considérant que l’excellence doit être valorisée. Cette aide conserve d’ailleurs sa vocation sociale puisqu’elle n’est versée qu’à des étudiants disposant d’une bourse sur critères sociaux. J’espère que le Gouvernement changera d’avis sur ce point et qu’il conservera ce symbole fort de la méritocratie.
Au total, le programme 231 augmente de 1,7 % en crédits de paiement pour atteindre 2,5 milliards d’euros. Cette évolution ne devrait pas pour autant permettre d’éviter que la ligne consacrée aux aides directes ne subisse une nouvelle fois une sous-budgétisation.
Mes chers collègues, compte tenu de l’ensemble des éléments que je viens d’évoquer, et notamment de la réduction de 136 millions d’euros opérée par l’Assemblée nationale, la commission des finances vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.
M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le dynamisme et la qualité de notre recherche constituent un enjeu essentiel pour notre pays : investir dans la recherche aujourd’hui, c’est préparer la croissance de demain. La politique publique de la recherche a donc vocation à soutenir la recherche et, parfois, à l’orienter.
L’effort public en faveur de la recherche peut tout d’abord être apprécié au regard des crédits alloués. C’est pourquoi j’esquisserai, en premier lieu, les grandes lignes du budget de la recherche pour 2015.
Je précise d’emblée que les crédits consacrés à la recherche ne sont pas tous regroupés dans les programmes dits « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». L’action n° 17, Recherche, du programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », que vient de présenter M. Philippe Adnot, est dotée de 3,8 milliards d’euros en 2015 : en tenant compte de ce montant, le total des crédits en faveur de la recherche s’élève à 14,4 milliards d’euros.
Mon analyse se centrera sur les programmes de la mission spécifiquement orientés vers la recherche, dont les crédits s’établissent à 10,6 milliards d’euros.
Cela étant, une approche purement quantitative ne saurait suffire pour comprendre pleinement les défis auxquels la recherche est confrontée aujourd’hui. Je proposerai donc, en second lieu, quelques pistes de réflexion sur les problématiques auxquelles doit faire face la recherche française.
La rédaction initiale du projet de loi de finances pour 2015 conduisait à une relative stabilisation des crédits alloués à la recherche. L’heure étant au redressement des comptes publics, cette préservation relative des moyens accordés à ce secteur nous paraissait traduire la priorité donnée par le Gouvernement aux dépenses d’avenir.
En effet, dans la rédaction initiale du projet de loi de finances pour 2015, les crédits ne devaient connaître qu’une baisse modérée, inférieure à 1 %. Quant au budget triennal à venir, de 2015 à 2017, il devait également constater une stabilisation des crédits de la recherche.
Deux programmes dépendent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui concentre l’essentiel des opérateurs de recherche publique et bénéficie d’environ 60 % des crédits alloués aux programmes dits « Recherche », et le programme 193, « Recherche spatiale ». Hier se tenait au Luxembourg une réunion de l’Agence spatiale européenne qui devait décider de l’avenir du programme Ariane. Je me réjouis de l’accord historique auquel les partenaires européens sont parvenus pour développer le nouveau lanceur Ariane 6.
Dans ce programme de 4 milliards d’euros, la France s’est engagée à hauteur de 52 % et l’Allemagne à hauteur de 22 %. La France a conforté sa position de leader européen et tous les pays du programme sont désormais à même de continuer à construire ensemble une politique spatiale susceptible de résister au redoutable concurrent américain Space X et de garantir à l’Europe son autonomie pour l’accès à l’espace.
Le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », rattaché au ministère de l’écologie, bénéficie d’un financement élevé avec 1,4 milliard d’euros de crédits pour 2015. Et les quatre programmes restants, rattachés à différents ministères – défense, culture, agriculture, économie et industrie – sont dotés de crédits dont le montant total s'élève également à 1,4 milliard d’euros.
Si j’ai donc d’abord observé avec satisfaction la stabilisation des crédits de la recherche, j’ai regretté ensuite que cette préservation soit remise en cause : les crédits des programmes de recherche ont en effet été réduits à hauteur de 66 millions d’euros par un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale dans le cadre d’une seconde délibération sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015. La commission des finances du Sénat, qui pensait d’abord proposer au Sénat l’adoption des crédits, a finalement décidé de proposer l’inverse, en raison de cette minoration.
Cette réduction est d’autant plus regrettable, monsieur le secrétaire d'État, qu’elle fait écho à des annulations de crédits importantes pour la fin de la gestion 2014, annulations intervenues par décret d’avance sur la présente mission. Ce sont ainsi près de 200 millions d’euros en autorisations d’engagement et 264 millions d’euros en crédits de paiement qui ont été annulés. Comme le Président de la République, je dirai que les dépenses de recherche doivent être sanctuarisées : ce sont elles qui permettent l’innovation, dont nous savons bien qu’elle est devenue aujourd’hui le moteur de la croissance.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'État, que soient rétablis les 66 millions d’euros de crédits prévus initialement dans le projet de loi de finances pour 2015.
Au-delà de la nécessaire préservation des crédits de la recherche, j’aimerais rapidement évoquer trois enjeux qui me paraissent structurants pour l’avenir de notre recherche.
Tout d’abord, force est de le constater, en France, le financement de la recherche par projet peine à émerger. Hors PIA, il représente tout au plus 10 % des crédits du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Au niveau national, l’érosion des projets financés par l’Agence nationale de la recherche montre que des progrès sont nécessaires.
Certes, après avoir diminué, les crédits alloués à l'Agence nationale de la recherche sont maintenant stabilisés, mais à un niveau qui nous paraît à la limite de l’opérationnalité. Il s’agit non pas d’augmenter à tout prix les financements sur projet au détriment des crédits récurrents, mais de trouver le bon équilibre entre ces deux modes de financement.
Par ailleurs, un autre équilibre doit être trouvé s’agissant des projets sélectionnés par l’ANR : 80 % de ces derniers relèvent de la recherche fondamentale, et certains opérateurs souhaitent donc que ce pourcentage baisse au profit de la recherche technologique.
La fixation d’un préciput véritablement compatible avec les frais de fonctionnement d’un laboratoire est en outre nécessaire pour éviter l’asphyxie de nos organismes de recherche. Si l’augmentation récente du préciput doit être saluée, des marges de progrès, là aussi, sont encore possibles.
Le programme des investissements d’avenir a permis de lancer des projets ambitieux, et il constitue, de notre point de vue, une réussite. Toutefois, même en cette période de forte contrainte budgétaire, il faut rappeler que les PIA doivent rester des programmes innovants tournés vers l’excellence, et non se substituer à des dotations budgétaires.
Au niveau européen, la France ne semble pas avoir tiré tous les bénéfices des différents programmes de recherche de l’Union européenne. Nos performances apparaissent comme insuffisantes au regard des capacités de la recherche française et dans la mesure où la France est le deuxième contributeur au budget de l’Union européenne. Le programme Horizon 2020 est maintenant doté en France d’un accompagnement renforcé des chercheurs, ce dont il faut se féliciter.
Cependant, ce dispositif ne semble pas avoir encore produit tous ses résultats. La France, avec une contribution de 16,6 % au budget, aurait en effet obtenu un peu moins de 10 % des financements accordés aux lauréats des trente-huit premiers appels à projets du programme Horizon 2020.
Quant au niveau local, l’effort du Gouvernement dans les nouveaux contrats de projets État-région 2015-2020 doit être reconnu, même s’il demeure limité eu égard aux contrats précédents et aux futures compétences renforcées des régions.
Le deuxième défi concerne la complémentarité entre recherche publique et recherche privée. Alors que la recherche publique est financée, de façon lisible et transparente, par dotation budgétaire, la recherche privée est soutenue par l’État au travers d’aides directes, mais, surtout, par quatorze dépenses fiscales dont le coût global s’élèverait à environ 6 milliards d’euros en 2015, le crédit d’impôt recherche, ou CIR, représentant près de 90 % de ce total.
L’effet attractif du CIR auprès des entreprises internationales n’est plus à démontrer, de même que son effet de levier, un euro de CIR générant 1,30 euro de recherche supplémentaire. Mais il convient de souligner que l’effort de recherche des entreprises françaises reste insuffisant, alors même que le soutien de l’État à la recherche privée est important.
Aussi, plusieurs pistes devraient être explorées pour que le crédit d’impôt recherche soit parallèlement plus favorable aux organismes publics de recherche et à l’embauche de docteurs.
D’une part, les dépenses privées de recherche sous-traitées à des organismes publics sont actuellement plafonnées dans l’assiette du CIR à 12 millions d’euros par entreprise. Pour favoriser le recours des entreprises privées à la recherche publique, ce plafond pourrait être relevé à 20 millions d’euros.
D’autre part, le taux de CIR de 5 % appliqué aux dépenses de recherche supérieures à 100 millions d’euros pourrait être conditionné à la conclusion de contrats de recherche avec des organismes publics ou à l’embauche de docteurs. En 2012, le nombre de docteurs recrutés par les entreprises s’est élevé à 1 305. Si ce chiffre a triplé en cinq ans, il reste faible quand on sait que 12 000 docteurs sont diplômés chaque année et que la recherche publique, y compris l’enseignement supérieur, en recrute 2 500.
Je voudrais par ailleurs rappeler, monsieur le secrétaire d'État, qu’une autre dépense fiscale, la taxation à taux réduit des plus-values résultant de la cession de brevets, présente un coût élevé, de l’ordre de 400 millions d’euros en 2014. Or son efficacité ne nous semble pas pleinement justifiée. Aussi, je propose que cette dépense fiscale soit supprimée ; les marges de manœuvre ainsi dégagées pourraient alors être réallouées en faveur d’un plan de relance de l’emploi scientifique, qui nous paraît nécessaire.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Berson. Je conclurai, madame la présidente, par quelques mots sur le troisième défi, l’emploi scientifique, qui rencontre aujourd’hui de grandes difficultés.
Bien que les plafonds d’emplois des programmes consacrés à la recherche ne connaissent pas de diminution significative, plusieurs opérateurs m’ont fait remarquer que ces plafonds n’étaient pas atteints, souvent en raison du resserrement des crédits des laboratoires. Et tous m’ont également fait part des difficultés qu’ils rencontraient pour maintenir leurs programmes de recrutement.
Mme la présidente. Mon cher collègue, il faut conclure !
M. Michel Berson. En témoignent le nombre élevé de personnels contractuels et le fait que la diminution du nombre des départs à la retraite aboutit à une réduction des possibilités d’embauche.
Un dernier mot, madame la présidente,…
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur le rapporteur !
M. Michel Berson. … pour dire qu’il me paraît primordial de conserver un emploi scientifique de qualité. Les pistes que je viens d’esquisser permettraient d’y contribuer. Selon moi, nous pourrions atteindre cet objectif grâce à une meilleure reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives et la fonction publique ainsi que, j’y insiste, à une sanctuarisation des financements publics dédiés aux chercheurs.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances du Sénat a décidé de rejeter les crédits de la mission, après la réduction des crédits intervenue à l’Assemblée nationale en seconde délibération.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, je ne sais pas exactement sur quel article du Sénat se fonde mon rappel au règlement.
Je précise d’emblée que je n’ai rien – bien au contraire ! – contre Valérie Létard, qui est sur le point d’intervenir. (Sourires.) Je m'étonne cependant que la commission de la culture, qui porte en quelque sorte la recherche et l’enseignement supérieur, soit reléguée dans la discussion après la commission des affaires économiques. Cela ne me paraît vraiment pas logique ! S’agit-il tout simplement de l’ordre alphabétique ? S’il en était ainsi, on pourrait à mon avis trouver – et j’en appelle à la réflexion des uns et des autres – un fondement un peu plus prestigieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Philippe Adnot et Mme Marie-Annick Duchêne applaudissent également.)
Mme la présidente. Mon cher collègue, je prends acte de votre demande. C'est effectivement l’ordre alphabétique qui s'applique en vertu du règlement du Sénat. Néanmoins, monsieur Carrère, je m'engage à faire part de votre remarque au bureau du Sénat ainsi qu’en conférence des présidents. Je vous ferai bien évidemment savoir quelle suite y sera donnée.
M. Jean-Louis Carrère. Je vous remercie ! Si la commission des affaires économiques s'appelait « commission économique », le problème serait réglé ! (Sourires.)
Mme la présidente. Pour aujourd'hui, nous nous en tiendrons à l’ordre annoncé (Nouveaux sourires.), et la parole revient donc à présent à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis !
M. David Assouline. Dans l’ordre alphabétique, L n’est pas avant G !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur le volet « recherche » de la MIRES, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur.
J’irai donc droit au but, sans m’attarder sur les crédits, si ce n’est pour regretter, bien évidemment, la ponction de 135,5 millions d’euros qu’a effectuée le Gouvernement à l’Assemblée nationale en seconde délibération afin de financer les emplois aidés. Certes, la recherche n’est pas la seule touchée, aux côtés de l’enseignement supérieur, et il conviendra d’ailleurs de voir précisément sur quels postes portera ce prélèvement.
Mais comment ne pas déplorer que l’on prélève sur des projets de recherche et d’innovation qui, précisément, devraient permettre d’éviter, demain, le recours à de tels emplois ? Les emplois aidés sont certainement très utiles, mais, selon nous, il ne faut pas les financer en ponctionnant des moyens sur ce qui prépare les emplois de demain !
Alors oui, comment ne pas déplorer ce prélèvement dans un contexte où, plus que jamais, la Recherche et développement, ou R&D, conditionne directement notre compétitivité et l’avenir de notre industrie ? Quel est le sens d’une telle démarche et d’un tel choix budgétaire ?
Monsieur le secrétaire d'État, il y a là un paradoxe sur lequel le Gouvernement devrait s'expliquer pour nous dire s'il compte ou non rétablir finalement la situation et remettre cette somme au budget, ainsi que nos collègues de la commission de la culture – je m'empresse, à cette occasion, de les saluer ! (Sourires.) –…
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes nombreux ! (Nouveaux sourires.)
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. … proposent d'ailleurs de le faire par voie d’amendement.
Je dirai également deux mots de la situation « limite » dans laquelle se trouvent nombre d’organismes de recherche du fait de la baisse de leur dotation d’État. Si l’on y ajoute les obligations de mise en réserve, mais aussi les mesures de régulation budgétaire, on parvient à des situations d’impasse financière, alors que leurs missions ne cessent de s’élargir. Ceux qui le peuvent accroissent leurs ressources propres, mais cela les place dans une situation de dépendance à l’égard des partenaires privés.
Pour ceux qui ne peuvent pas valoriser leurs activités, il n’y a pas d’autre solution que de tailler dans les moyens de fonctionnement, en commençant par les effectifs, voire d’arrêter ou de renoncer à des programmes de recherche, comme c’est le cas pour certains. Est-ce là vraiment, monsieur le secrétaire d’État, la meilleure façon de préparer l’avenir de notre recherche, de défendre ce qui constitue la marque de fabrique de notre pays, le génie français, et sa capacité à apporter une valeur ajoutée ?
J’en viens à présent au thème principal du rapport pour avis, à savoir le volet « recherche » des contrats de projets État-région. La cinquième génération de contrats, pour la période 2007-2014, s’achève cette année, et la sixième est en cours de finalisation. C’est un enjeu fort pour la territorialisation de programmes de recherche et d’innovation, en lien avec les collectivités et les acteurs du développement économique local. Nombre de grands organismes de recherche y émargent dans toutes nos régions et vont y chercher la capacité à créer des partenariats avec le tissu économique et territorial.
Or les perspectives avancées par le Gouvernement pour les contrats 2014–2020 sont préoccupantes s’agissant du volet « recherche ». L’enveloppe de l’État est bien évidemment en recul fort, et certaines régions sont particulièrement touchées. La mienne, le Nord-Pas-de-Calais – d’autres connaissent également des situations extrêmement inquiétantes –, verrait sa dotation divisée par dix, le mandat de négociation initiale ayant été fixé à 2,8 millions d’euros en matière de recherche pour un territoire de 4 millions d’habitants. Comment, avec des moyens aussi faibles, accompagner des projets de R&D structurants pour des filières d’avenir, en partenariat avec les organismes de recherche concernés et le tissu industriel ?
Il ne faut pas oublier non plus que ces financements servent de base pour obtenir des cofinancements européens. Malgré l’enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros sur le volet « enseignement supérieur et recherche » de ces contrats de projets qu’a décidée le Gouvernement, le compte n’y est malheureusement toujours pas.
J’ai donc cherché à déposer un amendement visant à transférer une centaine de millions d’euros supplémentaires sur le volet « recherche » des contrats de projets. Toutefois, je n’ai pas pu le faire, pour des raisons techniques : seul le Gouvernement a la main sur une telle décision. Aussi voudrais-je obtenir, monsieur le secrétaire d’État, l’engagement que soit inscrite une nouvelle action dans les programmes 172 et 192, finançant ce volet « recherche » des contrats de projets, et dotée d’une centaine de millions d’euros.
Ces financements pourraient provenir du PIA, le programme d’investissements d’avenir, qui poursuit bien les mêmes objectifs. Simplement, cette nouvelle action serait territorialisée, assurerait la pérennité des projets déjà lancés dans le cadre des contrats de projets et le rattrapage des inégalités observées entre les régions. À défaut, un coup d’arrêt risque fort d’être porté à une telle dynamique, qui conditionne la compétitivité et l’emploi dans nos territoires.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les analyses et propositions que m’a inspirées, en tant que rapporteur pour avis, l’étude du volet « recherche ». La commission des affaires économiques a fait preuve d’ouverture en émettant un avis de sagesse sur ces crédits et non un avis d’emblée défavorable, car elle attend de connaître la position du Gouvernement quant au rétablissement des 135 millions d’euros précédemment ponctionnés et au rattrapage des contrats de projets.
Pour ma part, je déterminerai ma position après vous avoir entendu sur les différents points soulevés, monsieur le secrétaire d’État, et après avoir observé le résultat des votes sur le rétablissement du budget. Nous saurons ainsi comment le Gouvernement souhaite, à l’avenir, défendre fermement sa politique en matière de recherche. Les emplois aidés sont certainement un moyen d’accompagner nos politiques de lutte contre les difficultés et le chômage. Mais il ne convient en aucun cas de les mettre en place au détriment des emplois de demain et de l’avenir de la recherche. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)