M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Direction de l’action du Gouvernement |
1 260 140 688 |
1 241 342 149 |
Coordination du travail gouvernemental |
567 724 768 |
603 407 707 |
Dont titre 2 |
198 141 351 |
198 141 351 |
Protection des droits et libertés |
97 882 072 |
98 321 280 |
Dont titre 2 |
37 960 097 |
37 960 097 |
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées |
594 533 848 |
539 613 162 |
Dont titre 2 |
106 452 621 |
106 452 621 |
M. le président. L'amendement n° II-45, présenté par M. Canevet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Coordination du travail gouvernemental Dont titre 2 |
|
6 000 000 |
|
6 000 000 |
Protection des droits et libertés Dont titre 2 |
||||
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées Dont titre 2 |
||||
Total |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Solde |
- 6 000 000 |
- 6 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Le Gouvernement a proposé par la voie d’un amendement, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, d’augmenter de 6 millions d’euros les crédits du SGMAP, pour ce qui concerne la direction interministérielle de la sécurité des systèmes d’information.
La commission des finances du Sénat s’est interrogée sur la pertinence d’une telle mesure, considérant qu’elle n’était pas justifiée. Selon nous, il convient de vérifier que ces crédits supplémentaires sont véritablement nécessaires. C’est pourquoi nous sommes réservés à l’idée d’adopter la proposition du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel visant à obtenir certains éclaircissements.
En premier lieu, vous souhaitez savoir, monsieur le rapporteur spécial, comment seront employés les 6 millions d’euros supplémentaires attribués à la direction interministérielle de la sécurité des systèmes informatiques de l’État, la DISIC.
Tout d’abord, ces crédits permettront d’identifier les leviers d’économies sur l’informatique de l’État. En effet, les dépenses ministérielles pour les systèmes d’information représentent un montant annuel de 4 milliards d’euros, malgré les efforts engagés depuis plusieurs années.
Dans ce contexte, la DISIC et les ministères ont engagé en 2014 un travail de mise en évidence des leviers d’optimisation. Ce travail a permis d’identifier les mutualisations qui pouvaient être faites et les améliorations qui pouvaient être apportées à la conduite des projets.
Pour mettre en œuvre ces mutualisations, la DISIC devra effectuer, en 2015, des études et des travaux de cadrage avec l’ensemble des ministères. Or les crédits d’études dont elle dispose aujourd’hui sont insuffisants pour mener à bien une tâche d’une telle ampleur, puisqu’ils ne sont que de 1 million d’euros.
L’amendement adopté à l’Assemblée nationale vise donc, en premier lieu, à donner à la DISIC des crédits d’études supplémentaires. Cette dépense, loin d’être vaine, est un véritable investissement sur l’avenir : grâce aux économies réalisées et aux marges dégagées, nous pourrons moderniser et diminuer les coûts des systèmes d’information.
L’amendement a un deuxième objectif : permettre à la DISIC de faire face aux nouvelles missions qui lui ont été confiées par un décret du 1er août 2014.
La DISIC est désormais chargée du renforcement et de la sécurisation des investissements informatiques des ministères. Elle devra, dès 2015, s’assurer que les plans d’investissement sont mis en œuvre et suivis dans le temps. Concrètement, elle exercera les missions suivantes : une mission d’appui ; une mission de sécurisation des projets ; une mission d’expertise sur les grands choix technologiques de l’État.
Enfin, sur les 6 millions d’euros d’augmentation, 2 millions d’euros seront consacrés au lancement du projet « État plateforme », qui permettra à tous les usagers de bénéficier d’un mécanisme unique d’identification.
J’ajoute qu’il s’agit d’un des points majeurs de la modernisation de l’État sur lequel nous, Français, sommes un peu en retard, contrairement aux Britanniques, par exemple. Il nous faut donc consentir un effort de rationalisation, d’unification et d’investissement afin d’en tirer – espérons-le, car c’est nécessaire – un important retour sur investissement. Nous devons absolument parvenir à une plus grande modernisation et à une plus grande interactivité en ce qui concerne l’action de l’État et l’information des citoyens, y compris des contribuables.
Au bénéfice de ces observations, je vous demande de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-45 est-il maintenu ?
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Compte tenu du niveau des moyens alloués au SGMAP et des explications qui ont été formulées à l’instant par M. le secrétaire d’État, la commission des finances accepte de retirer cet amendement afin de donner des crédits au Gouvernement pour accroître la modernisation de l’action publique au niveau des systèmes d’information.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je souhaite apporter une dernière précision, car la commission des finances m’avait aussi interrogé sur le devenir des crédits inscrits au sein du programme des investissements d’avenir pour le développement des services publics en milieu rural.
Sur ce sujet, je tiens à rassurer le Sénat : si ces crédits ne sont plus mentionnés parmi les investissements d’avenir, ce n’est pas parce que le projet a été abandonné. Tout au contraire, nous avons accéléré le soutien aux services publics ruraux en mettant en place, à partir de 2015, des espaces mutualisés, c’est-à-dire des pôles d’accès aux services au public associant l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs publics et privés. Notre objectif est ambitieux puisque nous envisageons la création de 1 000 espaces mutualisés d’ici à 2017 afin que tous les territoires ruraux puissent être couverts.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
budget annexe : publications officielles et information administrative
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
État C
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Publications officielles et information administrative |
201 109 189 |
189 129 629 |
Édition et diffusion |
76 989 354 |
63 718 015 |
Pilotage et ressources humaines |
124 119 835 |
125 411 614 |
Dont charges de personnel |
75 403 846 |
75 403 846 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
9
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Écologie, développement et mobilité durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres
Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 50 ter, 50 quater et 50 quinquies), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (et article 64), du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
La parole est à M. Jean-François Husson, rapporteur spécial.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une appréciation globale que je vais m’efforcer d’étayer : le budget qui nous est proposé ne permet pas de conduire la politique écologique dont la France a pourtant besoin.
Ce budget est d'ailleurs moins critiquable pour ce qu’il contient que pour ce qu’il ne contient pas. C’est une sorte de « budget des absences », parfaite illustration d’une « pensée magique » qui ignore les conséquences budgétaires sur le long terme des décisions prises au gré de l’instant, qui obèrent plus l’avenir qu’elles ne le préparent. On nous parle en effet de transition énergétique pour la croissance verte, mais ce budget nous paraît bel et bien celui d’un certain nombre d’engagements non tenus.
La mission « Écologie, développement et mobilité durables », tous programmes confondus, reçoit une dotation globale de 7,9 milliards d'euros en autorisations d’engagement et de 7,3 milliards d'euros en crédits de paiement, contribution de l’État au compte d’affectation spéciale « Pensions » incluse.
Cette dotation connaît une baisse globale de 6 % par rapport à l’année dernière, et ce à périmètre constant. Ce montant est également inférieur à l’annuité 2015 précisée dans le budget triennal 2013-2015.
Le nombre de dépenses fiscales diminue en 2015, tandis que leur coût augmente. C’est là un paradoxe, et ce n’est pas le seul de ce budget. En effet, quelle est donc la cohérence de ce gouvernement en matière de fiscalité écologique lorsque, par exemple, il abandonne l’écotaxe poids lourds et ne consulte même plus le comité pour la fiscalité écologique pour préparer le budget pour 2015 ?
J’en viens à présent aux cinq programmes qui m’incombent.
Premièrement, la dotation, analogue à celle de l’an passé, du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », connaît une fâcheuse réitération. Comme en 2014, où sont donc les engagements du Gouvernement lorsqu’il présentait cette mesure comme exceptionnelle ? En effet, le fonds de roulement des agences de l’eau sera une nouvelle fois ponctionné, et cette hémorragie pourrait bien se poursuivre au-delà de 2015 ! Lorsque l’on connaît le travail de ces agences aux côtés des collectivités territoriales, une telle démarche, convenez-en, n’est pas sans risque.
Deuxièmement, la dotation du programme 159, « Information géographique et cartographique », principalement consacrée au financement de la subvention pour charges de service public de l’IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière, est quasiment reconduite par rapport à son niveau de l’an passé. Certes, le Gouvernement soulignera les difficultés de gestion de cet établissement public, fleuron de l’information géographique, mais il serait utile de connaître les mesures concrètes qu’il compte prendre pour remédier à ses difficultés présentes et préparer son avenir.
Troisièmement, la dotation baissière du programme 181, « Prévention des risques », est, quant à elle, problématique, car elle met en péril le devenir de l’Autorité de sûreté nucléaire, acteur clé de la prévention des risques nucléaires. Alors que notre parc nucléaire est vieillissant, comment peut-on faire preuve d’une telle irresponsabilité ?
M. Richard Yung. Oh là là !
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. D’ailleurs, la fermeture programmée de réacteurs nucléaires, encore rentables, sans qu’aucune mesure soit prise pour préparer l’inévitable indemnisation de l’opérateur EDF, participe de cette incohérence qui risque de mettre à mal l’industrie nucléaire pour des raisons peut-être plus politiques qu’environnementales.
Quatrièmement, la baisse du programme 174, « Énergie, climat et après-mines », s’avère mécanique, dirais-je, du fait de la diminution du nombre de ses ayants droit. Elle n’est donc nullement à mettre au compte de la gestion performante du Gouvernement.
D’ailleurs, en matière de performance économique, la gestion du programme 217, « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », qui est le principal de la mission, enregistre une légère baisse par rapport à son niveau de 2014. Ce programme assure ainsi le financement de l’ensemble des emplois du ministère de l’écologie, qui connaissent à nouveau une décroissance, même si elle est de moindre ampleur que les années précédentes.
Présenté comme mesure phare de ce programme par le Gouvernement, le regroupement des sites induits par la rationalisation des services a fait l’objet de sérieux atermoiements. En 2012, la location était présentée comme une démarche financièrement vertueuse pour loger les agents à la Défense dans la tour Sequoia. Désormais, il vous faut nous convaincre, toujours au nom de la rigueur budgétaire, d’accepter l’idée d’un crédit-bail pour ces mêmes locaux. Nous devrons donc être vigilants et vérifier si les économies invoquées aujourd'hui sont bel et bien au rendez-vous.
J’en viens, à présent, au compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres », qui se décompose en deux programmes.
Le premier, le programme 791, « Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres », enregistre une dotation en baisse, tandis que le second, le programme 792, « Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants », reçoit une dotation équivalente à vingt-six fois son niveau de l’année passée. Il lui faut ainsi assurer les charges induites par le nouveau superbonus qui a été annoncé cet automne. Cette modification va-t-elle être efficace lorsque l’on sait que les véhicules concernés par ce nouveau superbonus demeurent très spécifiques, et ce alors que la très grande majorité des Français doit faire face à la crise économique et reporter sine die l’acquisition d’un nouveau véhicule, leur pouvoir d’achat étant mis à mal ?
J’en profite pour revenir sur une question qui a été posée récemment à l’occasion de la discussion d’une proposition de loi du groupe écologiste. Celle-ci nous a conduits à nous demander s’il ne serait pas temps de modifier le bonus-malus pour en faire un outil de lutte contre les émissions de particules fines et de dérivés oxydés de l’azote.
M. André Gattolin. Il serait temps, en effet !
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Cette proposition de loi n’a pas été adoptée par le Sénat, mais elle a mis en avant un véritable enjeu sur lequel, madame la ministre, nous souhaitons vous entendre.
Mes chers collègues, fort de ces remarques, qui portent sur un budget ne répondant ni aux enjeux d’une écologie moderne et efficace ni aux impératifs du développement durable identifiés – faut-il le rappeler ? – lors du Grenelle de l’environnement, je vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) ni ceux du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
M. Roger Karoutchi. Remarquable exposé !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année encore, le débat budgétaire sur les infrastructures de transport sera entièrement parasité par la saga de l’écotaxe. Du report l’an dernier à l’abandon cette année, cette ressource tant attendue n’arrivera finalement jamais dans les caisses de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Madame la ministre, je dois admettre que nous avons eu du mal à vous suivre dans vos tergiversations. Nous sommes d’ailleurs heureux que vous puissiez aujourd’hui vous exprimer devant la représentation nationale sur le sujet. En effet, vous n’aviez pu vous rendre disponible pour répondre à l’invitation de notre commission des finances le 29 octobre dernier, et, le lendemain, lors des questions d’actualité au Gouvernement, vous n’aviez pas souhaité répondre à la question que je vous avais adressée. Depuis lors, nous avons eu l’occasion de lire beaucoup de choses dans la presse, mais vous conviendrez qu’un dialogue direct est bien préférable si l’on veut éviter tout malentendu.
Je disais donc que nous avons eu du mal à vous suivre. Permettez-moi de rappeler quelques épisodes de la saga de l’écotaxe.
À l’automne 2013, l’écotaxe est suspendue après le mouvement des Bonnets rouges. À la demande du groupe socialiste, le Sénat crée une commission d’enquête sur le contrat signé entre l’État et Ecomouv’, le consortium privé chargé de collecter l’écotaxe. Comme vous le savez, j’ai présidé cette commission d’enquête.
Nous avons conclu que le recours à un prestataire extérieur était la meilleure des solutions pour l’État, qu’au regard des pièces examinées ce contrat avait été conclu de manière régulière et, enfin, que le prix élevé reflétait les exigences de l’État en termes de fiabilité du système de recouvrement, notamment au vu des demandes faites par les douanes.
Nous avons également obtenu la certitude que, au début de l’année 2014, le système mis en place par Ecomouv’ était en parfait état de fonctionnement.
Nous avons enfin constaté qu’un dispositif en tout point similaire existait et fonctionnait sans problème en Allemagne, pays où l’écotaxe rapporte 4 milliards d’euros par an.
En un mot, notre appréciation était positive sur le contrat Ecomouv’.
Parallèlement à nos travaux, notre collègue député Jean-Paul Chanteguet a rendu un rapport sur les évolutions possibles de l’écotaxe.
Sur la base de ces deux rapports, vous avez choisi, madame la ministre, d’une part, de transformer l’écotaxe en péage de transit poids lourds, dont le produit était moitié moindre, et, d’autre part, de confirmer Ecomouv’ comme partenaire de l’État par le biais d’un protocole d’accord signé, cet été, entre la société et votre ministère. Ce protocole reconnaît que le système fonctionne et prévoit l’indemnisation du cocontractant si l’État vient à rompre ses engagements.
Alors que le péage de transit poids lourds devait entrer en vigueur au 1er janvier 2015 et que le budget pour 2015 a été construit en tenant compte de cette ressource, nous apprenons par voie de presse que l’écotaxe est « suspendue sine die ». Pour l’anecdote, l’annonce est tombée au moment même où la commission des finances auditionnait le secrétaire d’État chargé du budget, qui a eu l’air aussi surpris que nous...
Enfin, le 30 octobre dernier, lors des questions d’actualité au Sénat, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, vous avez indiqué, en réponse à l’une de mes questions, que l’État résiliait le contrat signé avec la société Ecomouv’.
Pardonnez-moi d’avoir été un peu longue, mes chers collègues, mais il me semblait extrêmement important que nous ayons tous en tête ces éléments factuels.
La décision de résilier le contrat revient, de mon point de vue, à un abandon de l’écotaxe puisque l’État ne dispose plus des moyens pour la recouvrer. Sur cette question, madame la ministre, vous avez récemment déclaré : « Il y a beaucoup de confusion sur ce sujet : ce n’est pas la suspension de l’écotaxe qui est inscrite dans la loi, c’est la suspension des modalités de l’application de cette écotaxe sous la forme du contrat Ecomouv’, qui n’était pas opérante ».
Je vous rejoins sur un point : la confusion est grande. J’espère que vous nous aiderez à y voir plus clair à l’issue de ce débat.
Pour ma part, je soutiens que votre décision de résilier le contrat emporte nécessairement l’abandon de l’écotaxe, et cela entraîne deux conséquences d’un point de vue budgétaire.
La première, c’est le paiement d’une indemnité de résiliation à Ecomouv’, qui pourrait s’élever à 830 millions d’euros.
Aujourd'hui, nous assistons une fois encore aux atermoiements de votre ministère. Vous avez déclaré que le contrat ne serait pas constitutionnel, que le Gouvernement choisirait la voie de la négociation avec Ecomouv’, et que, éventuellement, la voie contentieuse serait une possibilité. Cette méthode me paraît préjudiciable pour l’image de l’État et de la France en général. Le protocole d’accord signé en juin dernier, sous votre autorité, est très clair sur les conséquences financières d’une résiliation décidée unilatéralement par l’État.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à de nombreuses reprises sur le sujet. Que le contrat soit ou non constitutionnel, c'est un faux problème, car, pour autant qu’il existe, il ne concerne que l’État. Dans tous les cas, Ecomouv’ est légitime à demander l’application stricte du contrat et du protocole d’accord et donc le paiement sans condition de l’indemnité de résiliation.
Il ne me paraît pas normal, dans un pays démocratique comme le nôtre, que l’État donne l’impression qu’il veut se soustraire à ses engagements contractuels pour des motifs fallacieux. Les investisseurs étrangers nous regardent, et ce type de comportement nous discrédite collectivement.
Je le dis ici solennellement : au vu des arguments aujourd’hui avancés, la voie contentieuse serait très périlleuse pour les finances de l’État.
En attendant, le Gouvernement tergiverse et a refusé d’inscrire le montant de l’indemnisation tant dans le projet de budget pour 2015 que dans le budget rectificatif pour 2014. Certes, le secrétaire d’État s’est engagé à ce que cette somme ne soit pas prélevée sur les crédits de l’AFITF, et nous y veillerons. Mais, alors, comment sera-t-elle financée ?
J’ai régulièrement posé cette question depuis l’annonce de la résiliation. Pour l’instant, je n’ai pas obtenu de réponse ; on m’a seulement donné des prétextes qui servent à repousser le moment où le Gouvernement devra faire face à ses responsabilités. Pour cette raison, j’estime que le budget des transports pour l’année 2015 est frappé d’insincérité. Mais ce n’est pas la seule conséquence de votre décision. Faute d’écotaxe, nous allons continuer à manquer cruellement de moyens pour réaliser les infrastructures de transport nécessaires à notre pays.
M. Bruno Sido. Eh oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. En effet, comment financer durablement l’AFITF sans écotaxe ? Le Gouvernement a trouvé une réponse pour 2015, à savoir l’affectation de la hausse de 2 centimes des taxes sur le diesel pour les véhicules légers et la hausse de 4 centimes des mêmes taxes sur les poids lourds, pour un montant total de 1,2 milliard d’euros. Ainsi, pour 2015, l’Agence est assurée de disposer d’un budget au moins égal à celui de 2014, soit 1,9 milliard d’euros ; il pourrait même atteindre 2,24 milliards d’euros.
Voilà pour 2015... Malheureusement, cette affectation n’est que temporaire et laisse entière la question du financement de l’AFITF à partir de 2016. Mais, surtout, quel grand écart entre les paroles et les actes !
M. Claude Raynal. Oh !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. Les paroles, c'est annoncer qu’on va faire payer les transporteurs étrangers qui utilisent gratuitement les infrastructures routières. Les actes, c'est une hausse de taxes qui pèsera, d’abord et avant tout, sur les ménages et les transporteurs français, car nous savons – vous l’avez vous-même dit, madame la ministre – que les transporteurs étrangers font le plein à la frontière et traversent notre pays sans quasiment rien dépenser.
L’écotaxe permettait de mettre à contribution les transporteurs étrangers dans le respect des règles européennes. La hausse du prix du diesel représente une perte de pouvoir d’achat pour les Français de 1,2 milliard d’euros.
Je voudrais enfin évoquer le plan social, désormais inévitable, chez Ecomouv’. Entre 200 et 300 emplois vont être supprimés, principalement à Metz, dans une région qui connaît déjà de graves difficultés économiques. À une période où le Gouvernement concentre ses efforts pour « inverser la courbe du chômage », était-il bien nécessaire de détruire tous ces emplois ?
Vous l’aurez compris, nous jugeons très sévèrement cette décision d’abandonner l’écotaxe. Il s’agissait de la première taxe écologique vraiment novatrice en France. Vous l’avez abandonnée…
M. Jean Germain. Non !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. … pour de mauvaises raisons. Au surplus, cette décision intervient à un moment où les comptes de l’AFITF connaissent un déséquilibre inquiétant. Depuis sa création, elle a engagé 34 milliards d’euros. À ce jour, elle doit encore mandater 16 milliards d’euros. Son président nous a dit que l’Agence commençait à ne plus être capable de faire face aux rythmes des paiements, puisqu’elle a constitué une dette de plus de 700 millions d’euros vis-à-vis de RFF.
Dans un contexte où nous ne savons pas quelles seront ses ressources, nous devons donc appeler à la prudence en matière d’engagements nouveaux, en particulier les plus lourds d’entre eux. À cet égard, je ne vous cache pas mon inquiétude sur l’élaboration des plans de financement de la ligne ferroviaire Lyon-Turin et du canal Seine-Nord.
Avant de conclure, je dirai un mot sur le compte d’affectation spéciale portant le nom improbable, que personne ne comprend, de « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Ce compte porte les crédits destinés à financer les trains d’équilibre du territoire, c’est-à-dire une quarantaine de lignes structurellement déficitaires dont l’exploitation est assurée par la SNCF sous l’autorité de l’État. Ces trains d’équilibre représentent tout de même 309 millions d’euros. Année après année, nous constatons une préoccupante augmentation de la dépense sur ce budget.
L’État, en tant qu’autorité organisatrice, doit faire des choix. La mission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire récemment confiée à Philippe Duron me paraît donc bienvenue. En attendant ses conclusions, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de ce compte d’affectation spéciale. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)