M. le président. L'amendement n° II-443 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 44 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1649 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, il est ajouté la référence : « I. – » ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :
« Les prestataires de services financiers qui souhaitent investir sur les marchés financiers français leurs propres fonds ou ceux de leurs clients révèlent à l’administration fiscale l’identité de leurs clients lorsque ceux-ci sont des ressortissants français, selon un reporting périodique et automatique. Ils fournissent à l’administration fiscale leur identité, leur adresse, les numéros des comptes, le montant des fonds reçus, des fonds investis et le solde des comptes. Est considéré comme le compte d’un ressortissant français, tout compte détenu :
« 1° Par une ou plusieurs personnes de nationalité française ou résidant en France, par une entreprise opérant sur le marché national, par une fiducie ou tout autre association ou partenariat d’entreprises de statut juridique équivalent ;
« 2° Par une entité française, définie comme une entité étrangère pour laquelle tout ressortissant français comme défini à l’alinéa précédent :
« – détient directement ou indirectement, dans le cas d’une entreprise, au moins 10 % des droits de vote, en nombre d’actions ou en valeur ;
« – ou, dans le cas d’un partenariat, bénéficie d’au moins 10 % des intérêts ou dividendes versés ;
« – ou, dans le cas d’une fiducie, reçoit au moins 10 % des intérêts bénéficiaires.
« Il appartient aux établissements financiers de déterminer les bénéficiaires ultimes et réels des entités ainsi considérées. Ces dispositions s’appliquent de la même façon selon que le compte ouvert par les établissements étrangers aux clients tels que définis par les deuxième et troisième alinéas bénéficie de revenus générés par des activités domestiques ou à l’étranger. » ;
3° Au début du deuxième alinéa, il est ajouté la référence : « II.- ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement porte sur la question essentielle des obligations déclaratives des établissements financiers dans notre pays.
Si les banques et établissements financiers français sont soumis à des règles déclaratives précises, il n’en est pas tout à fait de même pour les établissements d’origine étrangère, dont la clientèle française n’est pas forcément connue.
Or on sait que la connaissance réelle des avoirs détenus par les ressortissants nationaux dans l’ensemble des banques ou compagnies d’assurance étrangères peut constituer un élément de prévention et de détection de la fraude et de l’évasion fiscales. C’est dans cette perspective que les États-Unis ont adopté la « loi FATCA » – Foreign Account Tax Compliance Act –, dont nous avons débattu ici voilà quelques mois, dès que l’on parle fraude et évasion fiscales à échelle internationale.
Pour approfondir les résultats inédits obtenus dans le cadre de l’affaire des fichiers bancaires d’UBS, qui ont amené plus de 14 700 contribuables américains à se dénoncer au fisc en 2010, les États-Unis ont donc choisi d’instaurer la transparence obligatoire pour les intermédiaires financiers. La « loi FATCA », comme on le sait, prévoit la communication automatique d’informations par les institutions financières comme une condition sine qua non de l’accès au marché américain.
En clair, l’agrément est accordé pour travailler sur le sol américain en contrepartie du choix de la transparence.
Les établissements financiers doivent donc mettre en place, à destination des autorités fiscales américaines, un reporting périodique et automatique des comptes de leurs clients ressortissants des États-Unis.
S’ils s’y refusent, une retenue à la source de 30 % sera opérée sur les revenus perçus, notamment les dividendes et les intérêts, ainsi que sur le produit de la vente de titres financiers américains.
Une manière comme une autre de procéder à l’allégement du coût apparent de la dette publique !
Cette sanction, qui s’appliquera aux transactions effectuées par les banques tant pour leur propre compte que pour celui de leurs clients, est si dissuasive qu’elle ne laisse pas le choix aux établissements financiers.
Ces derniers seront obligés de fournir les informations demandées, sauf à perdre l’accès au marché américain, ce qui est inconcevable pour elle !
Les États-Unis ouvrent ainsi la voie à un type de mesures extraterritoriales qui permettent de contourner le secret bancaire des autres places financières.
Cette disposition peut tout à fait être dupliquée par d’autres grands pays. La France peut donc montrer le chemin au reste de l’Europe, où l’opacité des placements bancaires dans les paradis fiscaux du continent persiste à tronquer très sérieusement la réalité économique et sociale de l’Union européenne.
Peut-on, par exemple, exiger des Grecs ou des Chypriotes qu’ils renoncent à la garantie des dépôts bancaires des particuliers dans leur pays, alors même que de riches armateurs grecs disposent d’importantes liquidités dissimulées dans des comptes domiciliés au Luxembourg, en Suisse ou en Autriche ?
Et que dire du scandale LuxLeaks, récemment révélé et qui ne fait que confirmer le rôle pour le moins trouble joué par la place de Luxembourg dans le concert européen ?
Le Grand-Duché a eu un Premier ministre qui s’est longtemps érigé en donneur de leçons qu’il était loin de s’appliquer à lui-même, le problème étant que ce Premier ministre, renvoyé par les urnes, est depuis devenu président de la Commission européenne...
Le présent amendement vise à renforcer la transparence des mouvements financiers, qui constitue, à l’évidence, l’un des outils décisifs de prévention et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Outre de répondre à une exigence de l’avancée de notre droit, il participe également d’une aspiration de plus en plus profonde de la société civile, qui ne peut décemment pas comprendre que d’aucuns songent encore à « passer entre les gouttes » alors que l’orage coule à grandes eaux et que la situation des comptes publics est plus que problématique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission est défavorable.
On ne dit pas qu’il n’existe pas, aujourd’hui, un problème d’informations et d’échange d’informations. Il nous semble toutefois que la base législative permettant cet échange d’informations existe déjà.
En effet, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires prévoit cet échange automatique à l’article 1649 AC du code général des impôts.
Et cet échange va bientôt devenir une réalité, car la France s’est engagée à signer le standard de l’OCDE, comme près d’une centaine de pays. De même, certaines directives européennes ont été ou seront révisées en ce sens.
Dès lors qu’il existera un échange automatique d’informations fiscales pesant sur les établissements financiers, dans l’esprit de ce que les États-Unis ont fait avec la « loi FATCA », cela nous semble pleinement satisfaisant.
La disposition législative existe déjà, et son entrée en vigueur effective reposera sur les accords intervenus au sein de l’OCDE, qui vont concerner des centaines de pays.
Modifier unilatéralement la législation française en prévoyant que les établissements communiqueront de manière automatique les informations, sans prévoir un cadre international, n’a pas beaucoup de sens.
Concrètement, si l’échange automatique entre bien en vigueur – c’est confirmé par un certain nombre de directives et d’engagements de la France dont le dernier a été pris à Berlin le 29 octobre 2014 –, cela deviendra une réalité,
Votre intention d’imposer aux établissements financiers de communiquer un certain nombre d’informations est une question lourde. Votre objectif sera toutefois pleinement satisfait par le passage à l’échange automatique, qui deviendra donc très bientôt une réalité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends votre préoccupation visant à assurer à l’administration fiscale la plus large information possible sur les revenus perçus et les actifs détenus par les contribuables Français à l’étranger.
La France a participé activement à l’élaboration d’une nouvelle norme au sein de l’OCDE pour permettre ces échanges automatiques, entre les États, sur les revenus et actifs financiers détenus à l’étranger par leurs résidents fiscaux.
Elle a promu, au sein du G20, l’adoption de cette norme par tous les pays, y compris les centres financiers.
À cette fin, la France a signé le 29 octobre dernier, à Berlin, un accord multilatéral visant à mettre en place la nouvelle norme d’échange automatique d’informations financières. Cet accord marque une étape décisive dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Il a été signé par 51 pays en vue d’une mise en œuvre dès 2017, 43 autres pays s’étant engagés à faire de même prochainement.
L’accord prévoit que les administrations fiscales recevront automatiquement des institutions financières de chaque État signataire un large ensemble d’informations sur les comptes et contrats d’assurance vie, tels que les intérêts, les cessions d’actifs ainsi que le solde et le numéro de compte des particuliers et des entités, et qu’elles les transmettront automatiquement aux autorités fiscales de leur pays de résidence.
En outre, une directive européenne, qui doit organiser au sein de l’Union européenne la mise en place de cette norme internationale, a été parallèlement adoptée par le Conseil ECOFIN du 14 octobre dernier.
Dès 2015, la France recevra des États-Unis des informations sur les comptes bancaires détenus au sein d’établissements financiers américains par des contribuables français. Vous étiez d’ailleurs présent, monsieur Bocquet, lorsque le Sénat a validé cet accord conclu entre la France et les États-Unis.
Il subsiste simplement un petit différend sur le niveau des comptes, qui ne sera pas forcément transmis. Nous espérons le résoudre prochainement.
Le STDR, le service de traitement des demandes de régularisation des avoirs détenus par les Français à l’étranger, a reçu, depuis sa mise en place suite à la circulaire Cazeneuve, près de 35 000 demandes – 34 700 exactement. Ainsi, nombre de contribuables, parfois sur les conseils de leurs organismes financiers, ont pris conscience qu’il était temps de se mettre en règle s’ils ne voulaient pas être « rattrapés par la patrouille », dans la mesure où les informations devraient circuler prochainement automatiquement entre les principaux États, y compris ceux que vous avez évoqués dans votre présentation.
Le Gouvernement estime que les avancées vont bon train.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On est sur la bonne voie, en effet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est vigilant pour qu’aucun retard ne soit pris.
Pour ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qu’il juge assez largement satisfait, même si l’on peut toujours évoquer des délais plus rapides encore. Comme cela a été dit, les éléments techniques rendant possibles ces échanges ont déjà été mis en place par notre administration et par la législation. Certes, tout n’est pas achevé, mais, durant ces derniers mois, pour ne pas dire ces dernières années, de très grands pas ont été effectués et nous serons vigilants pour que nous arrivions enfin à la transparence la plus large et aux échanges automatiques d’informations, qui permettront de juguler les manquements, non seulement à la déontologie, mais aussi à la règle de l’égale contribution de chacun à la charge publique.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je prends acte des propos de M. le secrétaire d’État. Loin de mon esprit l’idée de contester les avancées en matière de transparence des établissements bancaires, en France et dans le monde.
J’ai en mémoire un article du journal Les Échos, du 1er juillet de cette année, consécutif aux déclarations que les banques françaises avaient faites quant à leurs implantations dans les différents territoires à fiscalité privilégiée, pour ne pas employer les termes de paradis fiscaux. La deuxième banque française, que je ne nommerai pas, déclarait détenir une filiale aux Bermudes et y avoir réalisé 17 millions d’euros de chiffre d’affaires avec zéro salarié !
Quand cette information est transmise à l’administration fiscale française, quelle suite donner à une telle information, qui ne manque pas de m’interroger ? Je ne suis ni financier ni économiste, mais il y a sans doute besoin en la matière d’éclaircissements et d’investigations.
La transparence est une condition sine qua non pour avancer vers la solution définitive – visons cet objectif ambitieux – à l’évasion fiscale. Mais une fois la transparence établie, comme agit-on par rapport à ces données ?
M. le président. L'amendement n° II-446, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 44 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 1649 AB du code général des impôts, il est inséré un article 1649... ainsi rédigé :
« Art. 1649…– Toute personne élaborant, développant ou commercialisant un schéma d’optimisation fiscale est tenue de porter ce dernier à la connaissance de l’administration fiscale dès les pourparlers de vente ou d’achat du dispositif.
« Le manquement à cette obligation entraîne l’application de l’amende prévue à l’article 1734. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La question soulevée par cet amendement découle bien évidemment des termes de l’article 44 quaterdecies, qui constitue la version « admissible » d’une disposition, adoptée l’an dernier dans la seconde partie de la loi de finances pour 2014 et qui avait été, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, censurée par le Conseil constitutionnel, notamment au nom de la liberté d’entreprendre.
Notre amendement entend cependant revenir sur le sujet en s’inspirant largement de la loi DOTAS – Disclosure of Tax Avoidance Schemes –, applicable au Royaume-Uni, un État qui montre, pour une fois, qu’il sait être aussi régulateur qu’il est souvent présumé libéral. Ainsi va le monde anglo-saxon…
Je me permets de citer ici le rapport de notre collègue rapporteur général de la commission des finances : « Adoptée en 2004, la loi DOTAS instaure une obligation de déclaration des schémas d’optimisation fiscale pesant sur les promoteurs et les utilisateurs, afin de permettre une réaction rapide de l’administration fiscale britannique. Le fonctionnement du dispositif est le suivant :
« - Le promoteur d’un schéma d’optimisation est tenu de le déclarer à l’administration fiscale dans les cinq jours suivant sa commercialisation. Toutefois, l’obligation déclarative repose sur l’utilisateur du montage lorsque le promoteur est établi hors du Royaume-Uni, lorsque le promoteur est avocat et que certaines obligations légales l’empêchent de le déclarer, ou lorsque l’utilisateur a créé son propre montage. Des pénalités – 5 000 livres sterling, après décision d’un juge, ainsi que 600 livres sterling par jour de retard – sont prévues en cas de non-respect de cette obligation ;
« - Chaque schéma reçoit alors un numéro d’identification individuel ;
« - Tout particulier ou entreprise utilisant ce schéma est tenu de le notifier à l’administration en mentionnant son numéro d’identification dans sa déclaration d’impôts. Des pénalités sont également prévues en cas de manquement à cette obligation ;
« - L’administration peut alors suivre ce schéma et, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires pour l’interdire.
« Le dispositif repose sur une définition précise de la notion de schéma d’optimisation fiscale. L’obligation de déclaration s’applique ainsi dès lors qu’un montage a pour objet principal de procurer un avantage fiscal, et qu’il répond à certains critères, définis par une instruction fiscale, tels que la confidentialité ou le caractère standardisé. La dernière instruction, publiée en avril 2011, comporte plusieurs mesures de renforcement du dispositif. »
On peut d’ailleurs améliorer encore le degré de précision de notre texte, ce que je voudrais faire de suite.
Ainsi, après les mots « schéma d’optimisation fiscale », nous vous proposons de rectifier cet amendement en lui ajoutant les mots : « , conçu comme la combinaison de dispositions législatives et réglementaires en vigueur permettant à l’utilisateur d’escompter une baisse de son imposition », afin de définir avec plus de précision encore ce que nous visons.
Il sera toujours loisible à qui que ce soit de proposer à sa clientèle des schémas d’optimisation fiscale, et même d’en faire profession, mais dans le cadre d’une plus grande transparence des opérations.
Au moment où l’on cherche à pacifier les relations entre les contribuables et l’administration fiscale et où la pratique du rescrit est fortement encouragée, c’est bien le moins que nous puissions faire.
Au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On ne peut qu’être favorable à l’idée de ne pas encourager le recours à des schémas d’optimisation fiscale. Une disposition du projet de loi de finances, que nous examinerons plus tard, prévoit d'ailleurs d’imposer une obligation aux personnes dont les conseils peuvent concourir à concevoir des montages constitutifs d’un abus de droit.
Cependant, instituer, comme vous le proposez, une obligation de déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale pesant sur toutes les personnes qui les développent ou les commercialisent peut poser un problème de constitutionnalité. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013, dans laquelle il a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article 96 de la loi de finances pour 2014. Je cite cette décision dans mon rapport général. Le Conseil constitutionnel avait considéré que, « eu égard aux restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté d’entreprendre et, en particulier, aux conditions d’exercice de l’activité de conseil juridique et fiscal, et compte tenu de la gravité des sanctions encourues […], le législateur ne pouvait […] retenir une définition aussi générale et imprécise de la notion de “schéma d’optimisation fiscale” ».
L’amendement du groupe CRC ne comporte pas de définition plus précise de la notion de « schéma d’optimisation fiscale ». Dès lors, si les dispositions proposées étaient adoptées, elles risqueraient d’être censurées par le Conseil constitutionnel. Compte tenu de ce risque d’inconstitutionnalité, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je partage l’analyse du rapporteur général quant à la solidité juridique de l’amendement. Même si j’ai bien entendu vos précisions orales, monsieur Bocquet, la notion de « schéma d’optimisation fiscale » à laquelle fait référence votre amendement a été contestée par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement estime donc que cet amendement est très fragile, pour ne pas dire plus.
J’aimerais ajouter une petite réflexion, en réponse à vos propos, que j’ai écoutés attentivement, comme toujours. Pourquoi faites-vous preuve d’une telle méfiance à l’égard du rescrit ? J’ai senti de la méfiance dans vos propos. Le Gouvernement souhaite encourager la formule du rescrit ; je parle bien du rescrit, et non pas d’autre chose. Le rescrit est une procédure permettant au contribuable de demander à l’administration fiscale son interprétation d’une situation, afin de se conformer à cette interprétation. Cette procédure clarifie les choses. Elle évite ainsi des contentieux, ou des erreurs, de bonne ou de mauvaise foi, de la part des contribuables. J’encourage le rescrit ; je souligne à nouveau que je parle du vrai rescrit, et non pas du ruling, si vous voyez ce que je veux dire...
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est peut-être la nuance qui distingue nos positions respectives.
Sur le fond, je comprends vos propos. L’administration publie régulièrement sur son site – certains contestent cette démarche, mais nous continuerons dans cette voie – ce qu’on appelle « la carte des radars », c'est-à-dire les schémas qu’elle considère comme illégaux, et donc constitutifs d’un abus de droit. De ce fait, les contribuables qui seraient tentés, éventuellement parce qu’on le leur aurait conseillé, de recourir à ces schémas ne peuvent pas dire qu’ils ne sont pas avertis. Il leur est en outre possible d’utiliser la procédure du rescrit s’ils souhaitent avoir davantage de précisions. Nous sommes favorables à cette procédure.
L’amendement est trop imprécis. Si les dispositions proposées étaient adoptées, elles risqueraient d’être censurées par le Conseil constitutionnel, comme l’ont déjà été, par le passé, des dispositions similaires. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° II-448 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 44 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un chapitre XXI ainsi rédigé :
« Chapitre XXI
« Fiscalité numérique
« Section I
« Régime d’imposition de certains services fournis par voie électronique
« Art. 302 bis ZP. – I. – Lorsqu’une personne non établie en France est redevable de l’un des prélèvements mentionnés aux articles 302 bis ZQ, 302 bis ZR et 1609 sexdecies B, elle est tenue de souscrire une déclaration dont le modèle est fixé par l’administration. Cette déclaration est déposée, accompagnée du paiement, dans les conditions fixées en matière de taxe sur le chiffre d’affaires.
« II. – Cette déclaration est souscrite par le redevable par l’intermédiaire d’un représentant établi en France, accrédité par l’administration fiscale, qui s’engage à remplir les formalités lui incombant, à acquitter les prélèvements à sa place et à tenir un registre des opérations relevant de ce régime d’imposition à la disposition de l’administration fiscale de l’État membre de consommation. Le registre des opérations est suffisamment détaillé pour permettre à l’administration de l’État membre de consommation de vérifier l’exactitude de la déclaration des prélèvements susvisés.
« Lorsque le redevable, qu’il soit établi dans l’Union européenne ou hors de celle-ci, n’a pas de représentant tel que défini à l’alinéa précédent, il souscrit cette déclaration, dans les mêmes conditions que celles prévues par le régime spécial de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée visé à l’article 298 sexdecies F, auprès du service des impôts des entreprises étrangères de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux.
« Section II
« Prélèvements sur certains services fournis par voie électronique
« Sous-Section I
« Taxe sur la publicité en ligne
« Art. 302 bis ZQ. – I. – Il est institué une taxe sur la publicité diffusée en ligne par voie électronique autre que téléphonique, de radiodiffusion et de télévision.
« Cette taxe est due par les personnes qui assurent la régie des services de publicité dont l’objet est de promouvoir l’image, les produits ou les services de l’annonceur.
« On entend par régie toute personne physique ou morale qui fournit à un annonceur ou une agence des services de publicité diffusés en ligne. La régie peut fournir cette prestation pour le compte d’un tiers diffuseur ou en effectuer la diffusion pour son propre compte.
« La taxe est assise sur les sommes, hors commission d’agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies pour les services de publicité destinés à être reçus par le public établi en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer. Sont considérés comme entrant dans le champ d’application de la taxe les services de publicité en ligne fournis au moyen de moteurs de recherches, d’affichage de messages promotionnels, d’affiliation de liens, d’envois de courriels, de comparateurs de produits et de services en ligne sur téléphonie mobile.
« II. – La taxe est calculée en appliquant un taux de 0,5 % à la fraction de l’assiette comprise entre 20 millions d’euros et 250 millions d’euros et de 2 % au-delà.
« III. – Cette taxe est liquidée et acquittée au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de la déclaration, mentionnée au 1 de l’article 287, du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
« IV. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« Sous-Section II
« Taxe sur les services de commerce électronique
« Art. 302 bis ZR. – I. – Il est institué une taxe sur les services de commerce électronique.
« Pour l’application du présent article, est assimilée à un service de commerce électronique la vente ou la location de biens ou de services sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique autre que téléphonique.
« Le fait que le prestataire de services et le preneur communiquent par courrier électronique ne vaut pas présomption que le service soit fourni par voie électronique.
« II. – Cette taxe est due par les personnes qui vendent ou louent les biens et services, au titre des opérations mentionnées au I, à toute personne, établie en France y compris dans les départements d’outre-mer, qui elle-même n’a pas pour activité la vente ou la location de biens et de services.
« III. – La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations mentionnées au I.
« La taxe ne s’applique pas lorsque le chiffre d’affaires annuel du prestataire du service de commerce électronique est inférieur à 460 000 €.
« IV. – Le taux de la taxe est de 1 % de la fraction de l’assiette mentionnée au III. Le cas échéant, les sommes versées au titre de la présente taxe sont diminuées du montant acquitté par le redevable de la taxe sur les surfaces commerciales prévue par l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans la limite de 50 % du montant de la présente taxe.
« V. – Cette taxe est liquidée et acquittée au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de la déclaration, mentionnée au 1 de l’article 287 du présent code, du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
« VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VII. – Le produit de la taxe est réparti entre les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, bénéficiaires nets des versements du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales mentionné à l’article L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales, au prorata des sommes perçues à ce titre l’année précédente. »
II. – Le I est applicable à compter du 1er janvier 2016.
La parole est à M. Éric Bocquet.