Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaire :
M. Philippe Nachbar.
2. Amélioration du régime de la commune nouvelle. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois
3. Mise au point au sujet d’un vote
Mmes Catherine Deroche, la présidente.
4. Amélioration du régime de la commune nouvelle. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) :
Clôture de la discussion générale.
5. Mise au point au sujet d’un vote
Mmes Catherine Deroche, la présidente.
6. Amélioration du régime de la commune nouvelle. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Article additionnel avant l’article 1er
Amendement n° 19 rectifié bis de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Amendement n° 9 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 13 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 2 à 4 bis. – Adoption
Amendement n° 10 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 14 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Charles Guené. – Retrait.
Amendement n° 3 de Mme Jacqueline Gourault. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 16 de M. Jean-Claude Boulard. – Non soutenu.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement n° 1 de M. Jean-Jacques Hyest.
Suspension et reprise de la séance
Article 9 A (nouveau). – Adoption
Amendement n° 11 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 4 de M. Daniel Laurent. – Non soutenu.
Amendement n° 15 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 17 de M. Jean-Claude Boulard. – Non soutenu.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 18 de M. Jean-Claude Boulard. – Non soutenu.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 11
Article additionnel avant l'article 12
Amendement n° 20 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 12 (Suppression maintenue)
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Marylise Lebranchu, ministre
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
8. Délimitation des régions et élections régionales et départementales. – Adoption d’un projet de loi en nouvelle lecture dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article.
Amendement n° 11 de M. Philippe Leroy. – Non soutenu.
Amendement n° 4 de M. René-Paul Savary. – Rejet.
Amendement n° 1 de M. Daniel Percheron. – Non soutenu.
Adoption de l'article.
Article 1er bis (Suppression maintenue)
Amendement n° 2 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 3 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article 3 bis (Suppression maintenue)
Article 6 bis (Suppression maintenue)
Amendement n° 5 de M. Jacques Mézard. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 6 de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 7 de M. Alain Bertrand. – Devenu sans objet.
Amendement n° 8 de M. Alain Bertrand. – Devenu sans objet.
M. André Vallini, secrétaire d'État
Adoption de l'article.
Article 12 bis A (Suppression maintenue)
Amendement n° 12 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
9. Organismes extraparlementaires
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaire :
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Amélioration du régime de la commune nouvelle
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes (proposition n° 77, texte de la commission n° 145, rapport n° 144).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commune, nous le savons tous, est un pilier de notre République. De nombreux élus locaux nous relaient sur le terrain, et ce n’est pas le président de l’Association des maires de France, François Baroin, qui me démentira !
C’est l’échelon d’évidence, un point de repère, celui auquel l’ensemble de nos concitoyens s’identifient.
C’est l’échelle de base de notre démocratie, celle où se noue le lien entre les citoyens et la chose publique ; celle où des élus, souvent bénévoles ou quasi bénévoles, engagés pour leurs administrés, font vivre le dialogue et le débat démocratiques.
C’est le niveau où sont résolus les problèmes du quotidien, celui où les citoyens ont le sentiment d’être protégés. C’est au maire qu’on s’adresse pour débloquer une situation lorsqu’on a besoin d’aide, qu’on cherche à se loger, à trouver une place en crèche ou un travail.
En cette période de crise, sans doute encore plus qu’à n’importe quelle autre période, c’est le lieu de la confiance : celui où les élus peuvent comprendre les attentes, rapprocher les points de vue, expliquer les décisions.
Ce sont autant de raisons qui nous conduisent à vouloir préserver les communes et conserver cette spécificité française. Pour ce faire, il nous faut également répondre à certaines difficultés des communes. Même si la commune est une richesse, cette richesse est aussi une forme d’« émiettement », si j’ose dire. Aussi, il nous faut parfois avancer.
En effet, cet émiettement ne permet pas à toutes les communes de faire face aux obligations qui sont les leurs, ni de développer les services publics nécessaires à la population locale. Il conduit parfois les communes à manquer de compétences en matière d’ingénierie essentiellement, ce qui les rend également captives des bureaux d’études privés dans la concrétisation et la mise en œuvre de leurs projets de territoire.
Depuis la création de nos communes et les dernières grandes réformes de notre organisation territoriale, nos territoires, les enjeux auxquels doit répondre l’action publique ainsi que les attentes de nos concitoyens ont profondément évolué : des problèmes plus complexes, des territoires plus interdépendants, des personnes plus nombreuses et plus mobiles, plus éduquées, plus exigeantes aussi à l’égard de la puissance publique, des bassins de vie et d’emplois plus vastes. Ces mutations appellent une action publique repensée et, sans aucun doute pour les communes, des rapprochements.
Tel est le sens de la montée en puissance de l’intercommunalité, que les gouvernements successifs ont encouragée depuis les années quatre-vingt-dix, une intercommunalité que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit projet de loi NOTRe, dont la Haute Assemblée débattra demain, généralisera et renforcera, afin de repenser la présence physique des services publics au sein de nos territoires et de garantir partout où cela est possible un niveau de services adaptés aux besoins.
Tel est aussi le sens de la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui.
Comme je l’ai indiqué à vos collègues députés, Jacques Pélissard et Christine Pires Beaune, qui sont à l’initiative de ce texte, la fusion de communes n’est pas une alternative à l’intercommunalité. Bien au contraire !
D’abord, la fusion des communes ne répond pas aux mêmes enjeux.
L’intercommunalité, c’est penser l’action publique à l’échelle des territoires vécus, offrir aux communes des perspectives de mutualisation efficaces et opérantes pour créer des services qu’elles ne pourraient offrir seules à leurs habitants.
La fusion de communes, c’est permettre aux communes historiquement ou géographiquement liées, à celles qui n’ont plus les moyens de faire face à certaines contraintes juridiques ou financières ou encore à celles qui souhaitent constituer une véritable « centralité » de se regrouper. Il s’agit de créer des communes plus fortes, pour une efficacité plus grande de l’action municipale.
La commune nouvelle est un complément de l’intercommunalité et un outil au service de la dynamique d’intégration intercommunale. Elle permettra aux communes de peser au sein des nouveaux ensembles et elle garantira, grâce à des communes fortes, des intercommunalités fortes. Ce n’est pas Jean-Pierre Sueur qui défend ce projet depuis longtemps qui me démentira…
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, madame la ministre !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est bien pour répondre aux difficultés des communes les plus petites et pour accompagner la montée en puissance de l’intercommunalité que l’Assemblée nationale a souhaité donner un nouvel élan à la commune nouvelle.
Aujourd’hui, force est de constater que la procédure de fusion n’offre pas encore toutes les facilités ni tous les leviers pour que les élus locaux se saisissent pleinement de ce dispositif. Malgré les améliorations apportées en 2010, seule une douzaine de communes nouvelles ont jusqu’à présent été créées. Pourtant, nombreuses sont celles qui pourraient en bénéficier. Je pense à celles qui peinent à faire face à leurs dépenses de structure incompressibles, à celles qui n’ont pas pu participer, faute de candidat, au premier tour de scrutin lors des élections municipales ou encore à celles qui n’ont aujourd’hui quasiment plus, voire plus du tout, d’habitants.
Nombreuses sont les opportunités offertes par la commune nouvelle en termes de fonctionnement, de finances et d’investissement, le rapporteur Michel Mercier en a fait l’expérience.
À ce sujet, le 31 octobre dernier, nous avons eu avec les députés un débat très riche. Je sais que vous êtes dans les mêmes dispositions s’agissant de ce texte. Le Gouvernement étant, lui aussi, favorable aux incitations qu’introduit cette proposition de loi, l’avenir des communes nouvelles me semble pouvoir être sereinement assuré.
L’avenir des communes nouvelles sera assuré grâce, notamment, à un renforcement de la place et du rôle des maires délégués, à une simplification des procédures en matière de fusion et, enfin, grâce à une consolidation des incitations financières, ce qui, dans la période actuelle, me semble être un signe relativement fort.
Lors du débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale, des ajustements ont été réalisés, des précisions ont été apportées et quelques mesures, comme celles qui sont relatives au nom de la commune, ont été ajoutées, mais l’esprit général du texte n’a pas changé. Le Gouvernement aura donc une position similaire : il apportera un soutien global au texte, aura la préoccupation de l’améliorer et ne formulera seulement que quelques objections.
Ces objections, ce sont les mêmes que celles qu’il a faites à l’Assemblée nationale. Elles concernent, en premier lieu, la prolongation du nombre dérogatoire de conseillers municipaux dans les communes nouvelles, et le risque d’inconstitutionnalité que cela pose.
Je le redis, s’il semble opportun de créer une dérogation pour la période transitoire courant entre la date de création de la commune nouvelle et le renouvellement municipal suivant, il ne me paraît pas possible d’envisager que la dérogation soit prolongée au-delà. C’est pourquoi le Gouvernement vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur cette disposition.
Concernant les travaux de votre commission, le Gouvernement est largement favorable aux précisions et améliorations que vous avez souhaité apporter, car celles-ci vont dans le sens d’un meilleur fonctionnement du dispositif des communes nouvelles. C’est pourquoi nous partageons votre objectif.
Néanmoins, un ou deux ajustements nous semblent nécessaires. Il ne faudrait pas, par exemple, que le régime des communes nouvelles conduise à des modifications substantielles des codes de l’urbanisme ou de l’environnement sans évaluation préalable ni étude d’impact. Ce n’est pas le sens des mesures que nous prenons par ailleurs, pas plus que ce n’est l’intérêt de nos territoires ni de nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle la proposition que vous faites concernant l’application de la loi Littoral ne nous semble pas devoir être maintenue. (M. le rapporteur s’étonne.) Monsieur le rapporteur, je partage votre objectif, mais nous allons être confrontés à quelques difficultés. Le plan local d’urbanisme est un tout : soit le document d’urbanisme est scindé, et la loi Littoral ne s’appliquera alors qu’à une partie des territoires visés ; soit il est un tout, et nous allons avoir quelques difficultés ; mais nous reparlerons ultérieurement de cette question.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce problème est surmontable !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Enfin, concernant les amendements que vous avez déposés, il n’y a pas de problème majeur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est un texte de confiance et de coopération.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans son élaboration d’abord, il procède d’une confiance entre le Gouvernement et les parlementaires et d’une coopération transpartisane au sein du Parlement.
Dans son objet ensuite, il vise à faciliter les coopérations entre les communes et entre les élus. Il s’agit de faire confiance aux élus, en leur donnant les moyens de sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent parfois, en mettant à leur disposition des outils pour garantir le devenir de leurs communes.
Ce texte est donc un texte d’avenir : c’est par la confiance et la coopération que nous assurerons ensemble, État partenaire et collectivités libres, autonomes, le développement de tous les territoires de France.
À ce titre, je sais que certains sénateurs sont déjà mobilisés sur leur territoire pour présenter et expliquer le nouveau dispositif des communes nouvelles. Les rencontres, les conférences et les débats qui sont envisagés me semblent parfaitement concrétiser sur le terrain l’objet de cette proposition de loi. Sachez que le Gouvernement est tout à fait disposé à venir vous soutenir dans ces démarches, s’il en était besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions. – Mme Catherine Deroche applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des richesses de la France, nous le savons bien, réside dans ses 36 000 ou 37 000 communes. Si celles-ci constituent, il est vrai, une richesse pour le développement de nos spécificités et l’engagement de nos concitoyens, un nombre trop important de communes peut apparaître parfois comme un handicap. Aussi est-il normal de proposer des solutions à celles qui désirent se regrouper.
L’expérience le montre, toute tentative autoritaire de procéder à un regroupement des communes dans notre pays est voué à l’échec. Nos communes sont profondément enracinées dans notre histoire – dans notre histoire politique et dans notre histoire tout court, si je puis dire – ainsi que dans notre vie quotidienne.
Lors de la création des communes en 1789, l’État nouveau n’a fait que reprendre et consacrer des bourgs, des villes, des paroisses qui existaient depuis des siècles et des siècles. On ne peut donc pas faire disparaître d’un coup de baguette magique quelque chose qui a plus de 1000 ans et qui correspond à une réalité humaine profonde.
Néanmoins, les choses changent. Aujourd’hui, certaines communes peuvent avoir envie de se regrouper ou en éprouver la nécessité. Dès lors qu’elles ont fait ce choix, il appartient au législateur de les aider de la façon la plus efficace et la plus démocratique qui soit.
J’ai dit que les tentatives antérieures de regroupement autoritaire des communes avaient échoué. C’est si vrai que notre pays, qui comptait 36 551 communes en 1971, avant la loi Marcellin, en compte aujourd’hui 36 767 ! Non seulement, donc, les communes ne se sont pas regroupées, mais certaines se sont scindées, de sorte que les communes sont plus nombreuses aujourd’hui qu’au moment du vote de la loi Marcellin.
Cette réalité prouve combien la commune est enracinée dans notre vie. Le législateur en a tenu compte, en fondant la loi du 16 décembre 2010 sur un principe différent de celui de la loi Marcellin, du reste fort simple : le volontariat. En d’autres termes, si les communes veulent se regrouper, elles peuvent le faire, la loi organisant une procédure pour le leur permettre.
Permettez-moi d’enjamber les considérations historiques qui figurent dans mon rapport écrit pour insister sur la situation qui résulte du vote de cette loi de 2010.
Les communes nouvelles peuvent être créées à la demande des conseils municipaux de toutes les communes concernées. Certes, trois autres hypothèses ont été envisagées par le législateur, mais il faut bien reconnaître que seul ce cas de figure a une valeur réelle. En effet, si la procédure est lancée sur l’initiative du préfet seul, à la demande de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou à la demande des deux tiers au moins des conseils municipaux, c’est que l’idée même d’une commune nouvelle n’est pas acceptée, et qu’il convient d’attendre ou de renégocier.
L’attrait du régime de la commune nouvelle issu de la loi du 16 décembre 2010 réside essentiellement dans l’organisation prévue pour la nouvelle entité ; il tient, en particulier, au statut de commune déléguée reconnu aux communes préexistantes, auxquelles est maintenu un maire délégué. En fait, on applique aux communes nouvelles le schéma prévu par la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite loi PLM, les maires délégués disposant des mêmes pouvoirs que les maires d’arrondissement de ces trois villes. Cette reconnaissance accordée aux anciennes communes est importante ; c’est un argument qui peut parfois jouer.
En somme, la commune nouvelle, qui est l’unique sujet de droit, compte un seul maire et un seul conseil municipal, mais les communes déléguées conservent un maire délégué, qui symbolise la communauté villageoise maintenue et offre à chaque citoyen la possibilité de continuer à disposer d’un interlocuteur de proximité.
Le régime de la commune nouvelle a été instauré, en 2010, au milieu de réticences nombreuses. (MM. Hervé Maurey et Henri Tandonnet approuvent.) Moi qui siégeais au banc du Gouvernement pour défendre devant le Sénat l’idée de la commune nouvelle, je me souviens que l’entreprise n’a pas été un chemin bordé de roses, et c’est le moins que l’on puisse dire !
Elle l’était d’autant moins qu’aucune incitation financière n’était mise en place pour encourager la création de communes nouvelles : celles-ci devaient simplement se voir appliquer le droit commun, ce qui, du reste, peut être très intéressant : souvent, la commune nouvelle comptant par définition plus d’habitants que les communes antérieures, le changement de strate de population s’accompagne d’une augmentation parfois importante de la dotation globale de fonctionnement. Comme l’on connaît mieux ce que l’on a fait, je prendrai l’exemple de la commune nouvelle que j’ai créée : nous avons bénéficié d’un supplément de dotation de l’État de 150 000 euros, sans aucune majoration, mais du seul fait de l’application du droit existant.
Quel est le bilan de la loi du 16 décembre 2010 ? En vérité, il est extrêmement faible : au 1er janvier prochain, il y aura en France seulement dix-huit communes nouvelles.
Toutefois, on observe, de manière paradoxale, un intérêt pour la formule de la commune nouvelle. J’en veux pour preuve le nombre de participants aux réunions des communes nouvelles, qui se tiennent une fois par an : de soixante à la première réunion, ce nombre est passé à quatre cent cinquante-sept, il y a quelques semaines, à Baugé-en-Anjou ! En outre, au dernier congrès de l’Association des maires de France, six cents personnes ont assisté à une réunion organisée sur le thème des communes nouvelles, sous la présidence de notre collègue Mme Jacqueline Gourault.
Comment expliquer l’intérêt des maires pour la commune nouvelle ? Selon moi, il résulte d’au moins deux motifs.
Le premier de ces motifs est très paradoxal. Il faut se représenter, mes chers collègues, que les intercommunalités ont été créées pour protéger l’existence de la commune, pour la conserver.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est juste !
M. Michel Mercier, rapporteur. Le nombre des communes peut parfois sembler trop élevé, a-t-on pensé, mais après tout, il est une richesse, et, du reste, on ne peut rien y changer.
Dès lors que les évolutions actuelles, initiées par la loi du 16 décembre 2010 et peut-être prolongées par la future loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, tendent à la construction d’intercommunalités plus larges, cet échelon va perdre en proximité, et la commune – mais la commune forte – va retrouver de l’intérêt. De là l’utilité de la commune nouvelle, au sein d’intercommunalités agrandies.
Le second motif de l’intérêt que les maires marquent pour la commune nouvelle est, bien entendu, la baisse des dotations de l’État. En effet, les petites communes, et certaines communes moyennes parmi les moins importantes, voient avec crainte la baisse à venir de leurs moyens, qui sont déjà comptés. Dans ces conditions, l’idée de se regrouper pour rendre la gestion publique plus efficace apparaît comme une évidence dans un grand nombre de cas.
De fait, dans ma commune nouvelle, nous avons réalisé des économies de gestion très substantielles grâce à l’effet masse : je pense aux commandes de fournitures scolaires, aux contrats d’assurance et à de nombreuses autres dépenses de fonctionnement. Au total, nous avons gagné plus de 100 000 euros par an, dans une commune qui reste petite. Cet avantage ne peut manquer de susciter l’intérêt des maires.
C’est dire si la présente proposition de loi, fruit des initiatives de nos collègues députés MM. Jacques Pélissard et Bruno Le Roux et destinée à faciliter la création de communes nouvelles, est la bienvenue. La commission des lois du Sénat a reconnu le bien-fondé de la plupart des dispositions du texte transmis par l’Assemblée nationale, visant à rendre plus attractif le dispositif instauré en 2010.
La proposition de loi vise d’abord à faciliter le passage de plusieurs communes à une seule en ce qui concerne la composition du conseil municipal. Cet aspect est relativement important et présente une différence fondamentale avec le régime issu de la loi Marcellin. Alors que celle-ci instaurait un sectionnement électoral de droit, de sorte que certains électeurs ne votaient jamais pour élire le maire, la loi du 16 décembre 2010, tout en prévoyant la présence d’un bureau de vote dans chaque commune déléguée, établit une circonscription électorale unique et des listes de candidats uniques à l’échelle de la commune. Ainsi, tous les électeurs de la commune éliront le maire, ce qui constitue un progrès évident par rapport à la loi Marcellin.
Seulement, des mesures transitoires doivent être prises s’agissant du nombre de conseillers municipaux. En effet, lorsque la commune nouvelle est créée, dans la mesure où la loi du 16 décembre 2010 prévoit que les conseillers ne peuvent pas être plus de soixante-neuf, certains conseillers municipaux des anciennes communes sont nécessairement laissés de côté. La présente proposition de loi prévoit que l’ensemble des conseillers municipaux resteront en fonction jusqu’au renouvellement général du conseil municipal.
Au surplus, la proposition de loi étend la période transitoire au mandat qui suit le premier renouvellement général après la création de la commune nouvelle : au cours de ce mandat, le nombre de conseillers municipaux sera porté au niveau prévu pour la strate de population supérieure, ce qui représente deux ou quatre conseillers municipaux supplémentaires. Cette disposition fera l’objet d’une petite discussion avec le Gouvernement, même si les raisons qui l’ont inspirée sont relativement simples : chacun comprend que passer d’un conseil municipal qui compte soixante-neuf membres à un conseil municipal qui en comporte vingt-trois pose un certain nombre de problèmes humains.
Je précise que ces mesures s’appliqueront à enveloppe constante en matière d’indemnités à verser aux élus, de sorte qu’aucune charge supplémentaire ne sera créée.
Ensuite, la proposition de loi confère aux maires délégués, qui jouent un rôle essentiel et sont, dans le cadre des anciennes communes, les premiers représentants de la commune nouvelle auprès de la population, le statut d’adjoint au maire de droit de la commune nouvelle, hors quota.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Michel Mercier, rapporteur. Cette mesure sera mise en œuvre, comme les dispositions relatives à la composition du conseil municipal, dans le cadre d’une enveloppe d’indemnités fermée.
Les maires délégués voient donc leur rôle conforté, d’autant plus que la conférence des maires, qui existait déjà de fait dans les communes nouvelles, est reconnue sur le plan légal. Cette place renforcée du maire délégué est, je le crois, de nature à faciliter la création de communes nouvelles, car elle rassurera la population sur le maintien de sa communauté villageoise.
Par ailleurs, la proposition de loi fixe une procédure pour le choix du nom de la commune nouvelle. De fait, après qu’on s’est mis d’accord sur tout, il faut bien trouver un nom à la commune ! Or, si cela va parfois de soi, il y a des cas où il y faut un peu de temps… (M. Henri Tandonnet approuve.) La proposition de loi instaure en quelque sorte une procédure qui facilitera le choix du nom : si les communes concernées par la fusion, qui disposeront d’une priorité de décision, ne parviennent pas à s’accorder, le préfet pourra les consulter sur une proposition de nom, ou sur plusieurs.
D’autres dispositions répondent à la nécessité de prendre en compte les spécificités urbanistiques des communes déléguées. Nous en parlerons dans la discussion des articles, notamment en ce qui concerne la question extrêmement importante de la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Loi littoral, dont la commission des lois souhaite que le périmètre d’application ne soit pas modifié par la création d’une commune nouvelle.
La proposition de loi vise également à garantir les ressources budgétaires des communes nouvelles, ce qui est extrêmement important, et prévoit l’attribution à ces communes, pendant une durée transitoire de trois ans, d’une bonification de 5 % de la dotation globale de fonctionnement forfaitaire.
La garantie du niveau de la DGF constatée lors de la création d’une commune nouvelle jusqu'au 1er janvier 2016 est extrêmement forte, puisqu'elle dure trois ans. C’est une garantie pérenne, car elle assure le maintien d’un montant identique de DGF. Les communes nouvelles ne supporteront pas les diminutions de dotations prévues en 2016 et en 2017. Telle est la disposition adoptée par l’Assemblée nationale, à laquelle la commission vous propose de souscrire.
Voilà l’essentiel des dispositions de la proposition de loi qui vous est soumise, mes chers collègues, et qui vise ainsi à faciliter la création de communes nouvelles tout en respectant un principe de base, celui du volontariat : n’en créeront que les communes qui en auront envie ! Certaines communes s'y sentiront poussées pour améliorer la gestion publique ou pour mieux répondre aux attentes de leurs administrés ; elles pourront alors le faire dans le cadre d’une procédure simple et claire, qui préserve les communautés villageoises installées depuis toujours dans notre pays.
Ce texte, dont les petites ou moyennes communes semblent avoir principalement vocation à s'emparer, permet donc un équilibre entre maintien des communautés villageoises et impératif d’une meilleure gestion. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
3
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Lors du scrutin n° 73 relatif à la proposition de résolution sur la reconnaissance de l’État de Palestine présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, MM. Didier Robert et Alain Fouché ont été déclarés votant contre, alors qu’ils souhaitaient s'abstenir.
Mme la présidente. Ma chère collègue, acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Amélioration du régime de la commune nouvelle
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Baroin.
M. François Baroin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce jour est directement issue des travaux de l’AMF, l’Association des maires de France. Je veux rendre hommage à Jacques Pélissard, mon prédécesseur à la tête de cette association : c'est lui qui, en première lecture à l’Assemblée nationale, a mené le débat autour des enjeux qui nous rassemblent ce matin.
Voilà un an, la résolution générale du congrès des maires de France avait pris acte de la nécessité d’une relance de la commune nouvelle, dont, je le rappelle, M. le rapporteur avait été à l’initiative lors de l’adoption de la loi du 16 décembre 2010.
Dans un premier temps, l’AMF avait obtenu l’inscription de mesures incitatives dans le projet de loi de finances pour 2014. Puis une proposition de loi, dont les dispositions avaient été validées par le bureau pluraliste de l’Association, fut déposée à l’Assemblée nationale au mois de janvier dernier par Jacques Pélissard, alors président de l’AMF.
Ce rappel devant la Haute Assemblée de la filiation de la présente proposition de loi me semble utile, non pour faire preuve d’une approche corporatiste, mais pour souligner le caractère de ce texte à la fois innovant et complémentaire des débats qui animent nos territoires autour d’une nouvelle organisation territoriale – débats qui vont d'ailleurs un peu dans toutes les directions, vous me permettrez de le dire !
Il s’agit en effet de la seule réforme structurelle soutenue par une association d’élus locaux qui a toujours préféré l’intérêt général au repli catégoriel.
Dans cet esprit, je citerai la résolution générale du congrès de l’AMF du mois de novembre dernier : « La commune a toujours su s’adapter au cours des siècles et une fois encore la réforme territoriale ne pourra être réussie que par la mobilisation des communes. L’engagement de l’AMF pour la création volontaire de ″communes nouvelles″ prouve que c’est avec la volonté des élus locaux que les grands changements sont possibles ».
Par ailleurs, lors du bureau que j’ai présidé jeudi dernier, l’Association des maires de France a mis en place un groupe de travail destiné au suivi et au soutien de cette réforme. Ce groupe sera coprésidé par l’estimé et respecté rapporteur du présent texte au Sénat, dont l’expérience et la compétence permettront d’éclairer utilement les travaux de l’AMF et, dès maintenant, de projeter une lumière singulière et utile sur les enjeux qui nous rassemblent aujourd'hui.
Cela dit, toute réforme de décentralisation devrait reposer sur la confiance et la liberté.
Tout d’abord, la confiance et la liberté, c’est laisser le choix des périmètres. Il s'agit ainsi de donner aux plus petites communes les moyens d’exercer la clause générale de compétence, de conforter une ville-centre qui pratiquera la mutualisation avec sa périphérie immédiate, de transcender les fractures périurbaines et de transformer une intercommunalité en commune nouvelle. Ce sont là autant d’enjeux qui nous réunissent.
La confiance et la liberté, c’est aussi laisser le choix du ou des objectifs. Il s'agit de faire face aux nouveaux enjeux du XXIe siècle, de mettre en synergie les compétences et le périmètre, de moderniser sur la base du volontariat la gouvernance et les politiques locales, d’écarter les tutelles techniques et financières, de prendre part à l’effort de redressement des comptes publics par la mutualisation renforcée des moyens – le mandat démarré depuis le mois de mars sera celui de la mutualisation accélérée, voulue et non subie par les élus – et de redonner du souffle à la vie démocratique locale, notamment là où sont apparues de réelles difficultés d’établissement des listes – d’ailleurs plus nombreuses – lors du dernier renouvellement.
Il n’y a pas, il ne doit pas y avoir de schéma, de directive, d’obligation, de circulaire. La présente proposition de loi ouvre des potentialités à travers une conception moderne du droit, un droit incitatif et facilitateur. C'est une véritable révolution culturelle ! Et votre présence ainsi que vos propos, madame la ministre, permettent aussi d’espérer un regard positif de l’État sur ces problématiques.
Le fameux principe de subsidiarité constitue un autre mur porteur de cette réforme. Ce n’est pas qu’un terme technique utilisé à l’échelle locale, nationale ou européenne ; c'est une réalité, celle d’un principe de vie en commun dans des bassins de vie, dans des bassins démographiques et dans des structures de partenariat.
Car l’idée est bien qu’il soit permis, avec les communes nouvelles, de replacer le bloc communal au cœur de l’édifice institutionnel et du grand mouvement de décentralisation qui se poursuit.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. François Baroin. Cette réforme exprime une fidélité à la commune, tant appréciée de nos compatriotes. À cet égard, je me permets de rappeler, en ces temps incertains, que la commune et le maire sont les institutions non seulement les plus respectées, mais aussi envers lesquelles la confiance existe encore : le taux que celle-ci atteint figure d’ailleurs parmi les plus élevés. C'est précieux ; il ne faut donc pas tourmenter les communes au-delà du raisonnable.
Cela étant, les principales dispositions de la présente proposition de loi répondent à l’analyse et à la stratégie que je viens de développer.
D’abord, il est proposé d’améliorer la gouvernance des communes nouvelles. La période transitoire est particulièrement délicate, d’où une série d’améliorations et de souplesses concernant la composition des conseils municipaux.
Ensuite, les conditions d’une stimulation financière et d’un pacte financier sont mises en place.
Enfin, le droit de l’urbanisme est adapté à l’équation personnelle de la commune nouvelle.
La commission des lois a apporté la plus-value territoriale du Sénat sur certaines dispositions du texte. Quant à moi, je vous propose, mes chers collègues, d’enrichir ce dernier en vous soumettant trois propositions : la prorogation du délai de rattachement ; la non-pénalisation, dans le cadre du FPIC, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, des communes nouvelles, ce qui constitue un enjeu financier important ; la prolongation du délai d’application de la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
À grand trait et en cinq minutes, je me suis ainsi efforcé, mes chers collègues, de résumer l’esprit, la philosophie, la méthode et les objectifs qu’un grand nombre d’entre nous partagent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. le président de la commission des lois et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, fusions de communes, communes associées, maires délégués, transformations d’établissements publics de coopération intercommunale en communes, tout a été essayé : la panoplie des dispositifs inventés depuis la célèbre loi Marcellin de 1971 est très riche ! Comme l’ont expliqué plusieurs orateurs, notamment M. le rapporteur, la loi Marcellin n’a pas eu beaucoup de succès – vous-même l’avez montré avec talent, madame la ministre.
Pourquoi en a-t-il été ainsi ? Et pourquoi en sommes-nous encore là aujourd'hui ? Je le crois, chacune et chacun d’entre nous connaît la réponse à cette question.
Pourquoi est-il si difficile de réunir et de fusionner des communes en France ? Pourquoi y a-t-il parfois plus de « défusions » à la suite de fusions que de divorces dans la vie civile, ce qui n’est pas peu dire ? Pour une raison très simple, mes chers collègues : depuis la loi du 14 décembre 1789, l’une des grandes lois de la République, les Françaises et les Français ont la commune dans leur cœur, et les brillants réformateurs qui se succèdent butent sur cette réalité ! (M. Jean Desessard approuve.)
On nous répète à l’envi que ces 36 767 communes sont en nombre excessif, que notre pays en compte davantage que toute l'Europe réunie. Mais la France est la France ! C’est un pays où la diversité se rencontre dans de nombreux domaines… De cela, il faut tirer les leçons.
D'abord, il convient de rendre hommage à la commune, comme M. Baroin vient de le faire.
Plutôt que de présenter un inconvénient – ou une multiplicité d’inconvénients –, ces communes, ce sont 550 000 conseillers municipaux, soit autant de citoyens qui, eux, procurent un avantage incomparable : connaître chaque route, chaque chemin, chaque commerce, chaque ferme, chaque entreprise, chaque école, chaque maison… Et lorsque ces diverses réalités sont abordées autour de la table du conseil municipal, alors ces élus savent de quoi ils parlent ! Cette connaissance du terrain, aucune structure technocratique ne saurait l’atteindre.
À cet égard, je veux également rendre hommage à ces 550 000 conseillers municipaux, véritables fantassins de la démocratie et de la cohésion sociale, dont le dévouement est sans limites. Je le dis souvent, rapporter les indemnités que certains d’entre eux perçoivent – et ils constituent une minorité ! – au nombre d’heures passées à l’exercice du mandat montre que la tâche qu’ils assument est assez peu payée.
Pour avancer, la voie française, c'est l’intercommunalité – je le répète depuis deux décennies et demie. Autant la loi Marcellin a rencontré peu de succès, autant les lois de 1992 et de 1999 relatives à l’intercommunalité en ont connu un formidable. En effet, toutes les communes de France, sans exception, appartiennent aujourd'hui à une intercommunalité ! Et n’oublions pas, mes chers collègues, que la plus grande part du chemin – au moins 90 % – a été accomplie grâce au volontariat.
La loi de 1992 n’aurait jamais été adoptée si M. le préfet – et Dieu sait le respect que nous avons pour les préfets de la République – avait dû avoir la charge d’établir les périmètres des intercommunalités. Elle n’aurait jamais été votée si l’on n’avait pas affirmé haut et clair que l’intercommunalité allait de pair avec le maintien des communes et le respect qui leur est dû, et que l'intercommunalité était au service des communes, non l’inverse.
Ce chemin constitue, je crois, la voie française, une voie efficace, puisqu'elle a montré que l’on pouvait mutualiser, associer les efforts et aller de l’avant, notamment dans une intercommunalité de développement, tout en respectant cette cellule de base de la démocratie, où bat le cœur de la République, qu’est la commune.
Cela dit, il faut, selon moi, aller plus loin dans le sens de l’intercommunalité. Mes chers collègues, nous examinerons dès demain le projet de loi dit « NOTRe ». Bien que ce soit un drôle de titre, madame la ministre, on peut sans doute considérer qu’il s’agit d’un pluriel, donc d’une forme de solidarité et d’un refus de l’individualisme. S’il est une mesure de ce texte dont je me félicite, c’est bien celle qui concerne le renforcement de l’intercommunalité.
Je pense en effet que l’intuition première de ce projet de loi est excellente. Cette intuition première – je sais que vous y tenez tout autant que moi, madame la ministre –, c’est la volonté d’aller vers des régions et des intercommunalités fortes. C’est pourquoi il me paraît logique de renforcer les intercommunalités. Pour ma part, le seuil de 20 000 habitants me paraît convenir, dès lors, bien sûr, que la commission départementale de la coopération intercommunale puisse prévoir les exceptions qui s’imposent lorsque sont en cause des secteurs ruraux très peu ou peu peuplés, des vallées de montagne ou des territoires insulaires.
Selon moi, l’avenir de notre pays se dessinera à partir de régions fortes. Je le précise, ces régions ne sont pas uniquement celles dont la superficie est importante : ce sont des régions qui ont les compétences et les moyens appropriés pour aller de l’avant.
Je vois une bonne articulation entre des régions fortes et des intercommunalités de projet fortes, qu’il s’agisse de métropoles, de communautés urbaines, de communautés d’agglomération ou de communautés de communes, le sort du département pouvant être considéré de manière très pragmatique et diversifiée, selon les différents contextes.
Madame la ministre, pour aller dans ce sens, il faut rester le plus fidèle possible à l’intuition de départ de ce projet de loi. Je le répète, je sais combien cette intuition vous est chère.
Je crois que l’avenir est dans cette double articulation entre des régions fortes et des intercommunalités fortes, dans le respect des communes, qui sont le cœur battant de la démocratie.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer Jacques Pélissard, avec qui Jacqueline Gourault et moi-même avons eu l’occasion de travailler sur un certain nombre de propositions de loi adoptées par les deux assemblées. J’ai également plaisir à évoquer Bruno Le Roux, avec qui je partage un certain nombre d’idées et de valeurs. Mes deux collègues députés ont bien fait de déposer la présente proposition de loi, qui permettra d’améliorer les choses dans un certain nombre de cas, et qui n’est nullement contradictoire avec le mouvement que je viens de décrire en faveur de régions fortes et d’intercommunalités fortes et auquel je crois beaucoup.
À mon sens, ce texte s’adresse surtout – c’est son intérêt principal – aux petites et moyennes communes. Certes, il peut être tentant, pour des agglomérations de 200 000 ou 300 000 habitants, de vouloir réaliser des économies en créant une commune nouvelle. Très franchement, mes chers collègues, un tel projet me semble irréaliste.
Quand on connaît la réalité des communes de ce pays, on constate bien que la grande agglomération qui ferait fi de la réalité communale dans laquelle les Français se reconnaissent depuis plus de deux siècles ne peut être qu’une illusion.
En revanche, il existe dans le monde rural, dans le tissu des petites et moyennes communes, des situations où, à l’évidence, des rationalisations sont nécessaires. J’ai infiniment de respect pour les communes de moins de 100 habitants non seulement du département dont je suis l’élu, mais aussi des autres départements français. À vrai dire, si ces communes peuvent être incitées à se regrouper dans le respect de la spécificité de chacune qui pourrait être marquée par l’existence de maires délégués, ce sera une bonne chose.
Par conséquent, facilitons une telle évolution, mais sans trop d’illusions. Au demeurant, les réunions auxquelles M. Mercier a fait allusion montrent un véritable intérêt en la matière de la part d’un certain nombre d’élus. Encourageons donc ce qui va dans le bon sens.
Pour finir, j’évoquerai les incitations financières prévues dans ce texte. Toutefois, pas plus que pour l’intercommunalité, elles ne seront, selon moi, décisives. Les élus de ce pays ont institué des communautés de communes ou des communautés d’agglomération parce qu’ils y croyaient. De la même manière, les communes nouvelles se feront si les élus et les habitants y croient, s’ils perçoivent que c’est un plus. Cela dit, les incitations financières seront bien entendu les bienvenues.
Je le souligne également, l’une des dispositions de ce texte qui permet le maintien des conseils municipaux en l’état jusqu’au prochain renouvellement, ou plutôt le maintien, monsieur le président de la commission, de l’effectif des conseils municipaux, peut entraîner quelques conséquences singulières.
Par exemple, si dix communes décident de fusionner, il faudra sans doute requérir la salle des fêtes de la plus grande d’entre elles pour réunir une importante assemblée, qui sera une sorte de petit parlement. Il y aura peut-être là quelque expérience étonnante, dont nous pourrons tirer profit et parti.
Mes chers collègues, une fois replacée dans le dessein qui est le nôtre, à savoir des régions et des intercommunalités fortes, cette proposition de loi due à Jacques Pélissard et à Bruno Le Roux comporte des avancées incontestables, dont les élus et les habitants pourront tirer parti s’ils le veulent. Ce texte n’aura d’effet, vous le savez bien, que s’il respecte pleinement – tel est le cas, j’en donne acte à ses auteurs et à M. le rapporteur – la souveraine liberté des Françaises et Français. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec 36 681 communes, la France métropolitaine regroupe 40 % du nombre de communes de l’Union européenne.
Parmi ces communes, 31 539, soit plus de 85 %, ont moins de 2 000 habitants. La population moyenne d’une commune française est de 1 750 habitants, contre 4 100 habitants pour le reste de l’Europe. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, il peut se poser un problème si les communes sont trop petites. Il en résulte en effet un émiettement de l’action publique locale, les collectivités n’ayant pas assez de moyens financiers et humains pour répondre aux attentes de leurs habitants.
Une telle situation, tous nos voisins européens l’ont vécue. Mais, à partir des années soixante, ils ont mis en œuvre un mouvement de réduction du nombre de communes. Celui-ci s’est traduit de manière spectaculaire dans certains pays.
Ainsi, entre 1950 et 2007, la Suède, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne, pour ne citer que ces pays, ont respectivement réduit le nombre de leurs communes de 87 %, 79 %, 75 % et 41 %. En France, en revanche, sur la même période, la réduction n’a été que de 3 %.
Ces évolutions sont dues, cela a été dit, à une différence de méthode. Les pays du nord de l’Europe ont fondé leurs réformes communales sur l’autoritarisme. La Suède et la Belgique ont, par exemple, fusionné de force les communes de moins de 500 habitants et les Länder allemands se sont dotés de compétences larges pour redécouper les frontières communales.
En France, en matière de fusion, nous avons préféré privilégier le volontarisme. Au cœur des dispositifs de la loi Marcellin de 1971 et de la loi portant réforme des collectivités territoriales de 2010 se trouve le droit des citoyens à choisir librement les fusions, que ce soit par référendum local, avec le premier de ces deux textes, ou par délibération de leurs représentants élus aux conseils municipaux, avec le second.
Dans notre pays, l’attachement des citoyens à leur commune est fort. Le maire est une personne connue, les services municipaux sont au plus proche de la vie des populations et les communes ont conservé des compétences de premier plan dans l’organisation territoriale de la République. C’est pourquoi les fusions n’ont pas trouvé beaucoup d’écho. L’intercommunalité a ainsi été privilégiée plutôt que le regroupement.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit très clairement dans la continuité de ce volontarisme. Elle vise à faciliter les fusions de communes, en mettant en place plusieurs dispositifs incitatifs, sur le plan aussi bien de la gouvernance que des finances.
Il est ainsi prévu que l’ensemble des conseils municipaux des communes fusionnées se retrouvent dans le nouveau conseil jusqu’aux élections municipales suivantes et que chaque maire délégué ait la qualité d’adjoint au maire de la commune nouvelle, pour assurer une transition institutionnelle souple.
Concernant l’aménagement du territoire, les plans locaux d’urbanisme devront prendre en compte les spécificités relatives aux anciennes communes via l’utilisation de plans de secteur.
Du point de vue financier, les taux de fiscalité des communes fusionnées sont maintenus pendant une période transitoire et les dotations de l’État ne sont pas modifiées pendant les trois ans suivant la fusion.
Il s’agit de mesures pragmatiques, pour accompagner en douceur les fusions de communes.
Si les écologistes sont favorables au renforcement du triptyque intercommunalités-régions-Europe, cela ne veut pas dire qu’ils sont pour la disparition de l’échelon communal.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. Jean Desessard. Nous estimons en effet qu’il s’agit d’un espace démocratique incontournable de notre société, au plus proche des préoccupations des citoyens, conformément à votre description, madame la ministre.
La présente proposition de loi vise à préserver cet espace et à inciter aux regroupements sans empiéter sur la libre administration des collectivités territoriales. C’est pourquoi les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, et, pourrait-on ajouter, bientôt disparues.
Pour commencer, et quitte à remettre en cause la belle unanimité qui règne aujourd'hui dans cet hémicycle, je tiens à rappeler que le consensus n’existe pas. En effet, nous refusons pour notre part de nous inscrire dans ce climat visant à faire de ce débat éminemment politique une simple question de bon sens.
Le texte dont nous discutons aujourd’hui, et qui résulte de deux propositions de loi présentées parallèlement par MM. Pélissard et Le Roux à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans la continuité directe de réformes dont l’échec n’est plus à démontrer et visant à faire accepter la disparition des communes.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Bosino. En 1971, la loi Marcellin avait permis la fusion de communes et créé le statut de « commune associée ». Mais, au cours des décennies suivantes, le nombre de communes a diminué de 5 % seulement.
Pis encore, les quelques communes qui avaient été fusionnées au cours de la période 1971-1972 continuent aujourd’hui de se « défusionner ». Preuve, s’il en est, du succès de cette loi !
En 2010, avec la réforme territoriale voulue par Nicolas Sarkozy, cette logique de fusion a été approfondie, par le biais de la proposition d’un nouveau régime se voulant plus simple, plus souple et plus incitatif.
Quatre ans plus tard, treize communes nouvelles ont vu le jour, soit un regroupement de trente-cinq communes au total. Là encore, l’échec est patent !
Or que nous propose-t-on aujourd’hui à travers cette proposition de loi ? Rien de plus que de « remettre le couvert », si vous me permettez cette expression.
L’objectif affiché est de rendre plus attractives, mais surtout plus incitatives, ces fusions dont personne ne semble vouloir, en mettant en place un certain nombre de mécanismes qui, pour reprendre les mots de Mme la rapporteur à l’Assemblée nationale, visent à lever « certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques, qui expliquent les hésitations des élus locaux et des populations. »
Au sein de l’Association des maires de France, j’ai entendu – et ce n’est pas M. Baroin qui pourra me contredire – des maires protester contre cet acharnement à vouloir faire disparaître les communes.
Mme Jacqueline Gourault. Il ne s’agit pas de cela !
M. Jean-Pierre Bosino. Mais le présent texte ne se fonde pas uniquement sur la volonté d’améliorer le régime de 2010 ; il se place dans le cadre d’une analyse de la situation et des enjeux contemporains, sur lesquels je souhaiterais revenir.
Parmi ces enjeux, le premier est la baisse des dotations financières qui mine l’investissement local et détruit les services publics, lesquels restent pourtant – tout le monde le dit – les derniers remparts face aux conséquences économiques et sociales de la crise systémique que nous vivons.
Cette diminution, nous le savons, n’est pas ponctuelle, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre du projet de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, qui prévoit une réduction de 27 % des dotations aux collectivités locales.
Le deuxième enjeu pour nos communes est, nous dit-on, la vitalité démocratique, laquelle décroît, ce qui se traduit par des difficultés lors des élections municipales à trouver des candidats, mais surtout – et ceux qui n’étaient pas favorables à la parité insistent sur ce point – des candidates.
Enfin, l’élargissement des périmètres intercommunaux prévu dans le projet de loi NOTRe va contraindre à des adaptations structurelles importantes.
Ces difficultés sont réelles et représentent des dangers majeurs pour nos territoires et nos populations.
Ces faits, nous ne les remettons pas en cause. En revanche, ce que nous contestons, ce sont les solutions proposées. Comment imaginer que la réponse aux problèmes que rencontrent nos communes puisse être la suppression de ces mêmes communes ?
Et ce débat n’est pas nouveau. Déjà, en son temps, le marquis de Condorcet prônait le regroupement de plusieurs villages, afin de pouvoir justifier une « notabilisation » des élus et une réduction de leur nombre. Face à cela, Mirabeau, avec d’autres, était partisan d’un découpage administratif transformant les 44 000 paroisses de l’époque en autant de communes.
Aujourd’hui, la France compte plus de 36 000 communes et 600 000 élus. Pourquoi voir dans cette caractéristique un problème ? Ce maillage territorial est au contraire la force de notre pays. Les communes sont la base de notre démocratie, de la proximité. À l’instant, M. Sueur leur a rendu un bel hommage. Ce n’est pas un hasard si le maire reste l’élu le mieux reconnu par nos concitoyens.
Les communes sont l’échelon de base de notre organisation territoriale et assurent, au plus près de nos concitoyens, un rempart contre l’exclusion, l’isolement et le déclassement.
Oui, les communes doivent être de notre temps pour répondre aux besoins des populations et aux exigences économiques, sociales et environnementales. Cela implique davantage de coopération entre les collectivités. Mais pour coopérer, il faut exister. La fusion, ce n’est pas la coopération !
Je voudrais, pour terminer, revenir sur un aspect de la présente proposition de loi qui va encore aggraver la situation financière des collectivités locales.
La section 4 prévoit en effet de nouvelles dispositions fiscales et des incitations financières pour encourager le processus de fusion. Cela passe, notamment, par la garantie, pendant les trois ans qui suivent la fusion, que les communes nouvelles ne connaîtront pas de baisse de leur dotation par rapport à la somme allouée aux anciennes communes alors séparées.
De la même manière, les nouvelles communes continueront de percevoir des financements au titre de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale.
Ces dispositifs, outre le fait qu’ils ne garantissent nullement le maintien des dotations au-delà de la période transitoire, vont conduire mécaniquement à une baisse des dotations des communes qui ne s’inscrivent pas dans un processus de fusion.
On peut donc prévoir que plus le processus de la commune nouvelle rencontrera de succès, plus la dotation des autres collectivités diminuera, puisque le montant de l’enveloppe demeurera le même.
Cela étant, le découpage géographique et administratif de notre territoire doit faire l’objet d’un débat permanent. Mais celui-ci doit être abordé sous l’angle de l’utilité sociale, du dynamisme économique et des enjeux démocratiques. En aucun cas ce découpage ne peut être compris comme une variable d’ajustement ou d’adaptation à des politiques d’austérité visant à la mise en concurrence des territoires et à la dégradation des services publics, afin de les livrer au privé.
C’est pourtant dans ce cadre que se situe la proposition de loi que nous examinons. C’est pourquoi nous ne voterons pas en sa faveur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’origine de la République et la création des communes, de nombreux gouvernements ont œuvré pour réduire le nombre de ces dernières. Force est de constater que ces efforts sont demeurés vains, tout simplement parce que nos concitoyens sont très attachés au fait communal : ils sont pour le regroupement de communes, mais rarement chez eux. (Sourires.)
Nous devons considérer qu’il est difficile de bousculer ce qui correspond à un fait historique, géographique et sociologique.
Au début des années soixante-dix, la loi Marcellin sur les fusions et regroupements de communes a été un échec retentissant et souvent les fusions en découlant se sont transformées en divorces conflictuels.
En 2010, sur l’initiative du gouvernement Fillon, de notre collègue Michel Mercier, alors ministre,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Excellent ministre !
M. Jacques Mézard. … qui a de la suite dans les idées,…
M. Michel Mercier, rapporteur. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … et d’Alain Marleix, un nouveau dispositif de fusion a vu le jour : la commune nouvelle.
Au 1er janvier prochain, ce dispositif aura entraîné la création de dix-neuf communes nouvelles sur plus de 36 000 communes. Autant dire que, malheureusement, il n’a point soulevé l’enthousiasme que l’on espérait, d’où l’initiative de Jacques Pélissard et d’autres collègues députés, qui conduit à la discussion de la présente proposition de loi visant à améliorer ce régime de la commune nouvelle, initiative que le groupe du RDSE soutient, sous le bénéfice des observations que je vais formuler.
Tout d’abord, il serait erroné de penser que la commune nouvelle aurait plus de succès dans les territoires ne s’inscrivant pas dans le fait urbain. Il est plus facile de créer une commune nouvelle en périphérie d’une ville-centre, d’un bourg-centre, que dans le cadre de communes peu peuplées situées à plusieurs kilomètres de ce bourg-centre. Car la peur d’être définitivement abandonnés est très présente chez les quelques élus locaux et habitants déjà privés d’école, de commerces, de services publics : ils imaginent, pas toujours sans raison, que, au sein d’une commune nouvelle, la voirie comme les bâtiments communaux seront délaissés ; ils estiment également que, au lieu de dynamiser leur territoire, la commune nouvelle absorbera définitivement le peu de vie qu’il leur reste.
Ce sentiment – j’y ai été confronté lors des dernières élections sénatoriales – doit être respecté. C’est une réalité. Il faut la prendre en compte et essayer de trouver des solutions adaptées.
À l’opposé, l’opinion de nombre de nos collègues élus locaux évolue positivement vers des fusions de bon sens leur permettant de mieux répondre aux besoins de leurs concitoyens. Pour cela, nous devons simplifier davantage les procédures et respecter impérativement la liberté des conseils municipaux existants, comme l’a dit M. le rapporteur.
Faire confiance à l’intelligence territoriale chère au Sénat, c’est l’aider sans la contraindre.
Les élus locaux ne sont pas forcément conservateurs : ils ont plébiscité le développement de l’intercommunalité, ils sont toujours demandeurs de nouvelles technologies de communication, ils sont prêts à mutualiser.
Aujourd’hui, ce qui les contraint le plus, madame la ministre, ce qui freine les initiatives, c’est l’accumulation de normes,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est certain !
Mme Catherine Deroche. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. … le poids insupportable de la bureaucratie, l’empilement sur le bureau des élus de textes réglementaires, les schémas nationaux et régionaux, les multiples comités de pilotage, les réunions à la préfecture, et j’en passe.
Mme Catherine Deroche. Et des meilleurs !
M. Jacques Mézard. Mettre un coup de pied dans ce fatras administratif : telle est la vraie urgence pour les élus locaux. En dépit des discours à finalité médiatique, on n’en prend pas le chemin !
La création des communes nouvelles se fera très lentement, non seulement parce que le système est encore trop lourd, trop compliqué administrativement, mais aussi, et ce n’est pas une contradiction, parce que la montée en puissance de l’intercommunalité répond à une grande partie des problèmes posés par le nombre des communes.
Sans remettre en cause l’objectif et le bien-fondé de la commune nouvelle, je suis de ceux qui considèrent que l’avenir, c’est l’intercommunalité, et que le vrai moyen de simplifier, de mutualiser, c’est de faciliter le transfert des compétences aux intercommunalités, d’augmenter le nombre de compétences obligatoires avec un dispositif fiscal bonifiant la mutualisation.
Pour cela, les intercommunalités doivent coller aux bassins de vie, ce qui est incompatible avec les seuils de population arbitraires que veut imposer le Gouvernement, décision se surajoutant au désastreux binôme cantonal.
Reste pour les communes nouvelles la question importante de leurs dotations. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre et le présent texte prévoit non seulement une garantie de dotation, mais une friandise, par le biais d’une bonification de dotation forfaitaire.
Monsieur le rapporteur, il y a là une contradiction intellectuelle évidente : la commune nouvelle correspond à un objectif de rationalisation et d’économie, économie que devrait entraîner la fusion de communes. Il est alors peu cohérent d’augmenter la dotation globale des communes fusionnées, lesquelles, contrairement à ce qui s’est passé lors de la création des intercommunalités avec la loi Chevènement, ne procurent pas de nouveaux services à la population.
En outre, les dotations qui seront garanties en supplément aux communes nouvelles seront inscrites au débit des autres communes, ce qui n’est ni juste ni équitable.
En conclusion, les membres du RDSE voteront la présente proposition de loi, qui constituera un progrès, mais sans avoir trop d’illusion sur son efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaite saluer le travail de Michel Mercier, rapporteur, initiateur du dispositif « commune nouvelle » datant du mois de décembre 2010. Il l’a d’ailleurs mis en œuvre par la suite à l’échelon local en créant la commune nouvelle de Thizy les Bourgs, dont il est maire.
M. Jacques Mézard. Très belle commune !
M. Henri Tandonnet. Non seulement il a écrit la loi en cause, mais il s’est également soumis à l’épreuve du suffrage universel avec succès.
L’exercice est original et l’on ne peut trouver meilleur rapporteur.
Le nombre et la taille des communes en France sont très critiqués. Je ne partage pas ces critiques, car elles reviennent à ignorer le lien social et démocratique que constitue ce maillage communal, lequel constitue à mon avis une force pour la France. Je ne reviendrai pas sur ce point, les orateurs précédents l’ayant fort bien exposé.
Dans la réforme territoriale qu’il nous propose, le Gouvernement n’aborde pas la question du regroupement des communes. Je souhaite qu’il s’en tienne au concept de « commune nouvelle », qui laisse une grande liberté à celles-ci.
C’est pourquoi je salue cette proposition de loi, qui apporte de nouveaux éléments clairs et lisibles pour la création d’un cadre communal rénové, fondé sur le volontariat, il est important de le rappeler. En quelque sorte, ce texte permet de consolider le positionnement des communes.
Même si, jusqu’à présent, le dispositif a connu un succès modeste, avec la création de douze communes nouvelles et de sept autres d’ici au 1er janvier prochain, il reste sans conteste un outil d’avenir pour préserver et défendre l’existence de l’échelon communal.
Il permet d’abord de tendre vers plus d’efficacité dans les dépenses publiques en regroupant volontairement des moyens financiers, humains ou immobiliers, afin de rationaliser le fonctionnement et de réaliser des économies substantielles tant sur les achats groupés que sur les assurances, ou encore les fournitures scolaires.
Ce dispositif permet également de sauvegarder les identités communales, puisque nous ne parlons aucunement de fusion de communes, mais que nous discutons bien du regroupement de celles-ci.
Comme avait déjà pu le dire notre collègue Michel Mercier, c’est un nouvel équilibre entre « une gestion mutualisée intégrée et la préservation des identités historiques et culturelles ».
Alors que les capacités de financement se réduisent d’année en année, les équipes municipales qui ont été élues restent pourtant chargées de maintenir leur patrimoine, de soutenir des projets et de veiller au maintien des services. C’est pourquoi il est nécessaire d’encourager cette nouvelle organisation, afin de répondre aux difficultés des très petites communes mitoyennes, en leur offrant les compétences et les moyens financiers propres à leur assurer un avenir.
On ne le dit pas assez, mais c’est aussi libérer les maires délégués des petites communes des contraintes administratives afin de leur assurer une plus grande disponibilité vis-à-vis des administrés et des projets communaux.
Ce dispositif présente un autre aspect essentiel : permettre à nos communes rurales de peser davantage à l’échelon intercommunal.
Loin de penser que la réforme territoriale actuelle ne concerne que les zones urbaines, les métropoles ou les régions, j’estime que le monde rural sera aussi touché lourdement.
Il est réellement nécessaire de faire évoluer l’échelon communal face aux intercommunalités géantes qui risquent de nous être imposées du fait de la révision de leur seuil de constitution inscrit dans le projet de loi NOTRe.
En effet, les petites communes auront d’immenses difficultés à exister et risquent d’être diluées dans des ensembles démographiques très importants. Les communes nouvelles peuvent constituer un bon moyen de restructurer et de démocratiser ces « poids lourds intercommunaux » en rééquilibrant le dialogue au sein de l’agglomération.
C’est l’occasion également pour de petites intercommunalités bien structurées autour d’un bourg-centre et de son bassin de vie de ne pas perdre cette avancée dans le cadre d’une grande intercommunalité, qui en réalité éclaterait la mutualisation de moyens humains et matériels déjà organisés. Effectivement, l’intégration de ces petites structures, qui ont déjà fait l’objet d’une forte mutualisation, dans une grande intercommunalité pourrait conduire à la dispersion des petites communes, des outils – un service de voierie bien organisé, par exemple –, ou encore des moyens humains en les renvoyant au sein d’une grosse agglomération.
La réforme qui nous est soumise constitue une innovation intéressante en raison de la souplesse qu’elle propose, puisqu’elle est fondée uniquement sur une démarche volontaire et qu’elle répond également à la diversité des territoires.
Ces raisons m’amènent à souscrire à l’intérêt de renforcer l’attractivité du système mis en place par la loi de 2010, comme le propose le texte que nous discutons aujourd’hui.
En premier lieu, la présente proposition de loi permet de clarifier certains points relatifs aux communes nouvelles qui pouvaient encore paraître flous, allant de la détermination du nom de la commune nouvelle – sujet sensible – aux dispositions concernant les documents d’urbanisme.
En second lieu, elle vise à améliorer la gouvernance des communes nouvelles. Notons à ce titre des assouplissements à propos, notamment, des conditions de composition du conseil municipal pendant la période transitoire, allant de la mise en place de la nouvelle collectivité au renouvellement de son conseil municipal sans créer de rupture, ou encore de la possibilité pour le maire délégué d’être adjoint de la commune nouvelle. Cette faculté apportera sûrement efficacité et cohésion. Il s’agit d’un élément extrêmement important du texte. À mon avis, ce sera une incitation forte pour l’instauration de communes nouvelles.
Je n’insisterai pas sur les mesures financières favorables : toujours opportunes, elles ne doivent néanmoins pas être le ressort de cette démarche.
Le dispositif de la commune nouvelle offre des solutions novatrices. Dans un contexte de réforme des collectivités et de baisses des dotations de l’État, c’est une réforme territoriale qui peut se fonder sur l’initiative du terrain. Six cents élus ont participé à l’atelier sur les communes nouvelles lors du dernier congrès des maires. Ils ont manifesté un grand intérêt et peu de craintes, en raison du volontariat sur lequel est basée la démarche.
Les membres du groupe UDI-UC voteront ce texte qui donne de nouvelles marges de manœuvre aux élus pour moderniser les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de l’examen du présent texte, qui est attendu par les élus. Il est vrai que les communes nouvelles instaurées par l’excellente loi de 2010 – les zigzags, si je puis dire, que nous connaissons depuis quelques mois montrent à quel point celle-ci comporte des dispositions importantes –, même si elles sont peu nombreuses, sont au cœur des réflexions.
Dans mon département, le Maine-et-Loire, trois communes nouvelles ont été créées au 1er janvier 2013 : Beaugé-en-Anjou, qui regroupe cinq communes, Clefs-Val d’Anjou et Chemillé-Melay qui regroupent chacune deux communes. Dans le cas présent, le nombre des communes est ainsi passé de neuf à trois.
Je voudrais à ce propos saluer l’excellent travail du conseiller général-maire de Beaugé-en-Anjou, ardent défenseur de ce dispositif, aussi bien localement qu’au sein du comité directeur de l’AMF.
La commune nouvelle doit être un outil. Cela a été dit, elle est un instrument de simplification de gestion administrative. Sa constitution doit être volontaire, et absolument non contrainte, non obligatoire. Ce dispositif doit être souple, adapté au territoire et au paysage intercommunal.
En Maine-et-Loire, de nombreux projets de communes nouvelles sont en cours d’élaboration, même à l’échelle des communautés de communes existantes. À chacune de mes rencontres avec les 160 nouveaux maires du département, le sujet de la commune nouvelle qui les préoccupe et les intéresse est abordé.
Cela étant, la proposition de loi que nous examinons est importante du point de vue tant du dispositif mis en œuvre pendant la période de transition depuis les dernières élections jusqu’à la création de la commune nouvelle que du choix du nom, de la conférence des maires, du volet urbanisme et du rattachement à un EPCI.
Mais je souhaite, pour ma part, insister sur deux points.
Le premier concerne les maires délégués. En effet, bien souvent, l’une des critiques qui est opposée à ces communes nouvelles est la perte d’identité, de spécificité, d’histoire des communes qui pourraient se regrouper. À cet égard, le fait qu’un maire délégué puisse devenir adjoint est un bon point. L’une des dispositions importantes du texte est celle qui permet, en cas d’extension d’une commune nouvelle récemment créée – c’est le cas, par exemple, de la commune nouvelle de Beaujé-en-Anjou que d’autres communes souhaitent rejoindre –, aux maires des communes préexistantes de demeurer maires délégués au sein de la « nouvelle commune nouvelle » ainsi constituée.
Le second point a trait aux compensations financières. Celles-ci sont incitatives. Certes, cela ne fait pas tout, mais elles sont néanmoins essentielles en cette période difficile pour les collectivités.
Dans mon département, certains se sont alarmés du laps de temps assez court visé, à savoir d’ici au 1er janvier 2016. Dans la mesure où les équipes municipales sont totalement nouvelles, cela peut se comprendre. En effet, une commune nouvelle ne se bâtit pas en quelques semaines : il faut à la fois une volonté des maires et des conseils municipaux de se regrouper, et, surtout, il convient de faire accepter le nouveau dispositif par la population, ce qui peut parfois s’avérer délicat. Je tenais donc à me faire l’écho de ces maires qui auraient souhaité disposer d’un délai plus long d’un an.
En ces temps difficiles pour les collectivités de budget contraint, marqué par la baisse des dotations et l’alourdissement des charges, et compte tenu de la charge de travail qui pèse sur les épaules non seulement des maires et des élus locaux mais également de l’intercommunalité dont on annonce un élargissement – je rappelle les réticences de mon groupe à l’égard des seuils et des grandes intercommunalités –, le dispositif proposé aux maires me semble bon. Il l’est d’ailleurs particulièrement dans un département comme le mien où le fait intercommunal est très ancien. Nous devons donc l’encourager.
C’est la raison pour laquelle les membres du groupe UMP voteront la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si un maire a pour mission de dessiner un avenir pour sa commune, le Sénat, lui, a vocation à veiller à celui de toutes les communes de France. La proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes tombe donc à point nommé pour redonner des perspectives et peut-être même un nouveau souffle à l’institution communale.
Je ne m’étendrai pas sur le détail des dispositions de ce texte brillamment développées par les orateurs qui m’ont précédé, en particulier par M. le rapporteur.
À l’heure où, au prétexte d’éclaircir le jardin à la française qu’est devenue notre organisation territoriale, on invente de nouvelles géométries complexes, cette proposition de loi présente le grand intérêt de redonner de sa légitimité à la cellule de base de notre organisation territoriale : la commune.
Car on peut le déplorer ou s’en réjouir, mais c’est un fait : l’attachement de nos concitoyens pour l’institution communale ne s’est jamais démenti. Le plus souvent, ils la perçoivent moins comme une entité administrative que comme une communauté humaine, dans l’histoire de laquelle ils inscrivent leur propre existence. Ils y cultivent fréquemment l’attachement à leurs racines et entretiennent des liens sociaux favorisés par la présence d’élus de proximité.
Un Français en déplacement à qui l’on demande d’où il vient ne répondra jamais qu’il a sa maison dans la communauté de communes de Rhône-Crussol ou de l’Ouest Rhodanien ; il dira, madame la ministre, qu’il est originaire de Loudéac, ou monsieur le rapporteur, de Thizy-les-Bourgs, ou encore de La Mure, de Guilherand-Granges, voire de Paris.
Mais il est vrai que cet attachement de nos compatriotes à leurs villes et à leurs villages ne doit pas nous distraire des réalités. Chacun, dans cette enceinte, a pu mesurer que, en dessous d’un niveau critique, la mutualisation des moyens est nécessaire pour continuer à rendre à la population les services qu’elle est en droit d’attendre. C’est tout l’intérêt de la chance historique que représente cette proposition de loi, qui offre aux communes des conditions financières inespérées en ces temps de restrictions budgétaires, pour, comme l’a expliqué M. le rapporteur, réorganiser leur bloc communal.
Utilisant le dispositif de la loi Marcellin, une vingtaine de communes de l’Ardèche ont déjà fait ce choix précurseur de la fusion depuis 1971, parmi lesquelles Saint-Alban-Auriolles, Berrias-et-Casteljau, ou encore Saint-Pierre-Saint-Jean. Autant de noms composés qui témoignent d’une volonté de voir perdurer l’identité des communes fusionnées. Sur ce point aussi, je soulignerai la grande sagesse du présent texte qui, me semble-t-il, est parvenu à trouver le juste équilibre entre l’efficacité de la commune nouvelle aux prérogatives affirmées et les communes déléguées, garantes de la proximité et, disons-le, gardiennes de la mémoire.
Voilà pourquoi miser sur l’intelligence et la bonne volonté des maires et de leur conseil municipal me semble être la meilleure voie.
Il n’y a rien de plus estimable que d’aider des communautés humaines à faire le choix de se fédérer pour bâtir quelque chose qui les dépasse sans les dissoudre. Cette approche est diamétralement opposée de celle du projet de loi NOTRe, dont nous commencerons l’examen dans cet hémicycle dès demain, visant, parfois par la contrainte, à fabriquer des intercommunalités de 20 000 habitants qui enjambent les réalités humaines, géographiques et démographiques.
Tous les partenaires en jeu gagneraient à travailler en suivant ces principes : inciter plutôt que contraindre ; encourager les évolutions plutôt que dicter un modèle éloigné des réalités.
Depuis 2003, l’article 72 de la Constitution dispose que les collectivités s’administrent librement. Allons au bout de cette logique et offrons-leur de s’associer entre elles librement.
Je le disais voilà un instant, nous aurons très prochainement l’occasion de débattre et de faire état de désaccords – peut-être d’ailleurs moins entre nous qu’avec l’Assemblée nationale. Savourons donc aujourd’hui la satisfaction de voter ensemble le présent texte, qui est le fruit d’un consensus nourri par l’expérience et les réalités locales.
Je veux à mon tour rendre hommage à Jacques Pélissard, qui, avant de quitter l’AMF, a non seulement su transmettre le flambeau en des mains hautement qualifiées, mais a également été à l’initiative de ce texte intelligent, pragmatique et qui réunit l’ensemble des élus de bonne volonté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Lors du scrutin n° 73 sur la proposition de résolution présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution sur la reconnaissance de l’État de Palestine, M. François Grosdidier a été déclaré votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Amélioration du régime de la commune nouvelle
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Section 1
Le conseil municipal de la commune nouvelle
Article additionnel avant l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Berson et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : « la participation au scrutin est supérieure à la moitié des électeurs inscrits et que » sont supprimés.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 1er
I. – L’article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-7. – I. – Jusqu’au renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé :
« 1° De l’ensemble des membres des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle ;
« 2° À défaut, des maires, des adjoints, ainsi que de conseillers municipaux des anciennes communes, dans les conditions prévues au II.
« L’arrêté du représentant de l’État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine la composition du conseil municipal, le cas échéant en attribuant les sièges aux membres des anciens conseils municipaux dans l’ordre du tableau fixé par l’article L. 2121-1.
« Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal composé dans les conditions prévues au même II.
« II. – Lorsqu’il est fait application du 2° du I du présent article, l’arrêté du représentant de l’État dans le département attribue à chaque ancienne commune un nombre de sièges en application de la représentation proportionnelle au plus fort reste des populations municipales.
« Il ne peut être attribué à une ancienne commune un nombre de sièges supérieur au nombre de ses conseillers municipaux en exercice et inférieur au nombre de son maire et de ses adjoints en exercice.
« L’effectif total du conseil ne peut dépasser soixante-neuf membres, sauf dans le cas où la désignation des maires et adjoints des anciennes communes rend nécessaire l’attribution de sièges supplémentaires. »
II. – L’article L. 2113-8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-8. – Lors du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal comporte un nombre de membres égal au nombre prévu à l’article L. 2121-2 pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.
« Le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal d’une commune appartenant à la même strate démographique. »
III. – L’article L. 2114-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « par les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 » sont remplacées par la référence : « au chapitre III du présent titre Ier » et le mot : « leurs » est remplacé par le mot : « ces » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l'article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’article 1er traite de la composition transitoire du conseil municipal de la commune nouvelle. Il garantit une représentation des communes déléguées, puisque les conseils sont maintenus jusqu’au renouvellement.
Pour autant, à l’issue de ce renouvellement, qui pourrait par exemple intervenir en 2020, rien n’assure l’effectivité du maintien d’une représentation des communes déléguées au sein du conseil municipal.
Certes, le bon sens politique devrait conduire les listes qui se présenteront à afficher leur représentativité sur l’ensemble du territoire de la commune nouvelle et des communes déléguées.
Cependant, le législateur n’a, à ce stade édicté, aucune règle particulière pour garantir à long terme cette représentation. À court terme, tout ira bien, j’en conviens comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, car les fondateurs de la commune nouvelle auront vraisemblablement à cœur de maintenir le pacte moral qui les lie.
Il existe donc encore, me semble-t-il, un petit angle mort dans la proposition de loi, car rien ne certifie qu’une part significative des nouvelles communes déléguées, si ce n’est l’ensemble d'entre elles, puisse continuer à être représentée au sein du futur conseil municipal de la commune nouvelle, « en mode de croisière ».
Dans l’Yonne, département que j’ai l’honneur de représenter, de nombreuses collectivités réfléchissent à leur regroupement au sein de communes nouvelles. Néanmoins, l’absence de mesures législatives relatives à la représentation des anciennes communes dans la commune nouvelle peut constituer un frein à la conclusion de regroupements.
J’ai notamment en tête les débats au sein de la communauté de communes de l’Orée de Puisaye regroupant quatorze communes qui ont engagé cette réflexion en vue d’un passage à la commune nouvelle.
Ne pourrait-on pas imaginer un dispositif qui, à l’instar du fléchage des conseillers communautaires, prévoirait, par exemple, que 50 % des communes au moins – le quantum doit bien sûr être étudié – seraient représentées dans la première moitié de la liste déposée en vue des élections municipales dans la commune nouvelle ?
Je n’ai pas la solution juridique parfaite, mais il s’agit d’une première contribution au débat. À ce propos, puisque le président de l’Association des maires de France a évoqué tout à l’heure la mise en place d’un groupe de travail de suivi qui serait coanimé par M. le rapporteur, ce sujet pourrait éventuellement être inscrit à l’ordre du jour de ses travaux
Si rien n’est fait, nous risquerions de nous retrouver dans une situation un peu paradoxale : pourrait être nommé maire délégué d’une commune déléguée un conseiller municipal qui ne serait pas lui-même issu de la commune déléguée si celle-ci n’est pas représentée dans le conseil municipal de la commune nouvelle à l’issue du premier renouvellement.
On ne peut pas laisser ce sujet totalement de côté. C’est pourquoi je lance un appel à poursuivre le travail et à imaginer des solutions afin de ne pas entraver les collectivités volontaires qui souhaiteraient se transformer en commune nouvelle, mais qui peuvent éprouver quelques réticences par rapport à l’absence de garanties sur la représentation à long terme. À court terme, je suppose que l’intelligence des hommes pourvoira à tout cela.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Supprimer les alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Le Gouvernement craint l’inconstitutionnalité de la disposition en cause. Le surclassement démographique est prolongé jusqu’à la fin du mandat en cours. Si la demande de prorogation durant le mandat suivant ne pose pas de problème majeur sur le fond, il faut néanmoins faire attention à éviter toute rupture d’égalité. Je tenais à vous en avertir, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que chacun puisse se prononcer en pleine connaissance de cause.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, je vous remercie de nous permettre de choisir en toute connaissance de cause.
L’Assemblée nationale a décidé de maintenir un régime transitoire sur deux mandats, l’un avec la totalité des conseillers élus, et le second simplement avec le nombre de conseillers de la strate démographique supérieure à celle à laquelle donne droit au conseil municipal sa population, soit un gain de deux ou quatre sièges suivant le cas.
Pour sa part, le Conseil constitutionnel rappelle dans toutes ses décisions que son pouvoir n’est pas de même nature juridique que celui du Parlement. Nous pourrions d’ailleurs nous appuyer sur la décision du Conseil relative à la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : il a alors considéré que le fait que les conseillers communautaires de Lyon deviennent ipso jure, dans douze jours maintenant, conseillers métropolitains – les premiers de France – était conforme à la Constitution, même si l’opération n’est pas très régulière, compte tenu de l’objectif recherché. En l’espèce également, eu égard à la finalité visée, le risque d’inconstitutionnalité est faible.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis
L’article L. 2113-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un I ainsi rédigé :
« I. – En l’absence d’accord des conseils municipaux de toutes les communes concernées par la demande de création d’une commune nouvelle sur le nom de celle-ci, le représentant de l’État dans le département soumet pour avis à chacun d’entre eux une proposition de nom. À compter de sa notification, le conseil municipal dispose d’un délai d’un mois pour émettre un avis sur cette proposition. À défaut de délibération dans ce délai, son avis est réputé favorable. » ;
2° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
b) Les mots : « en détermine la date » sont remplacés par les mots : « détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création ».
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 2111-1 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’il a été fait application de l’article L. 2113-16 du même code dans sa rédaction issue du I de l’article 25 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le conseil municipal dispose d’un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi pour prendre une délibération demandant le changement de nom de sa commune. Après consultation du conseil général qui dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer, le préfet décide du changement de nom de la commune par arrêté préfectoral. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La procédure de changement de nom d’une commune n’étant pas suffisamment étayée en droit, le Gouvernement propose de l’encadrer, afin que nos nouvelles communes aient un nouveau nom.
Après avoir discuté avec quelques candidats à la fusion de communes, je peux dire que ce sujet n’est pas secondaire ; il est même extrêmement important. J’encourage les maires à travailler en lien avec leur population.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est convaincue par le Gouvernement et sait faire preuve de grande ouverture d’esprit en émettant un avis favorable sur son amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 2
I A – Après le mot : « délégué », la fin du 1° de l’article L. 2113-11 du même code est supprimée.
I. – Après l’article L. 2113-11, il est inséré un article L. 2113-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-11-1. – Le maire délégué est élu par le conseil municipal de la commune nouvelle parmi ses membres, dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7.
« Par dérogation, le maire de l’ancienne commune en fonction au moment de la création de la commune nouvelle devient de droit maire délégué jusqu’au renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle.
« Les fonctions de maire de la commune nouvelle et de maire délégué sont incompatibles, sauf lorsqu’il est fait application du deuxième alinéa. » ;
II. – Le second alinéa de l’article L. 2113-13 du même code est ainsi rédigé :
« Le maire délégué exerce également les fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle, sans être comptabilisé au titre de la limite fixée à l’article L. 2122-2. »
III. – Le second alinéa de l’article L. 2113-16 du même code est supprimé.
IV. – Le second alinéa de l’article L. 2113-19 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant cumulé des indemnités des adjoints de la commune nouvelle et des maires délégués ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux adjoints d’une commune appartenant à la même strate démographique que la commune nouvelle et des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux maires de communes appartenant aux mêmes strates démographiques que les communes déléguées. » – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Après l’article L. 2113-12 du même code, il est inséré un article L. 2113-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-12-1. – Le conseil municipal d’une commune nouvelle peut instituer une conférence municipale, présidée par le maire et comprenant les maires délégués, au sein de laquelle peut être débattue toute question de coordination de l’action publique sur le territoire de la commune nouvelle.
« La conférence municipale se réunit au moins une fois par an, sur convocation de son président. » – (Adopté.)
Article 4
L’article L. 2113-10 du même code est ainsi modifié :
I. – Le premier alinéa est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Au début, les mots : « Dans un délai de six mois à compter de la création de la commune nouvelle, » sont supprimés ;
b) À la fin, les mots : « délibération contraire du conseil municipal de la commune nouvelle » sont remplacés par les mots : « lorsque les délibérations concordantes des conseils municipaux prises en application de l’article L. 2113-2 ont exclu leur création » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Ce conseil municipal » sont remplacés par les mots : « Le conseil municipal de la commune nouvelle ».
II (nouveau). – Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La création d’une commune nouvelle par fusion de communes dont une au moins est une commune nouvelle est sans effet sur les communes déléguées existantes, sauf décision contraire des conseils municipaux dans les conditions prévues au premier alinéa. » – (Adopté.)
Article 4 bis
(Non modifié)
L’article L. 2113-4 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « après accord » sont remplacés par les mots : « , en l’absence de délibérations contraires et motivées » ;
2° À la deuxième phrase, après les mots : « ainsi que », sont insérés les mots : « , le cas échéant, » ;
3° Au début de la dernière phrase, les mots : « À défaut d’accord » sont remplacés par les mots : « Lorsqu’un conseil général ou un conseil régional a adopté une délibération motivée s’opposant à cette modification ». – (Adopté.)
Section 2
Mieux prendre en compte les spécificités de la commune nouvelle dans les documents d’urbanisme
Article 5 A (nouveau)
L’article L. 321-2 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de création d’une commune nouvelle en application de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, seul le territoire des anciennes communes la composant considérées comme communes littorales au sens du présent article est soumis aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier du code de l’urbanisme. »
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit de supprimer l’article 5 A, qui limite le champ géographique d’application de la loi Littoral au seul périmètre des anciennes communes concernées avant la création de la commune nouvelle.
Si l’on regarde de près les dispositions de la loi précitée, se pose tout d’abord la question de la bande des cent mètres du littoral, laquelle ne sera pas modifiée, qu’il y ait ou non fusion, car les communes visées ne sont pas au bord du littoral.
Ensuite, se pose le problème de la densification en continuité avec le bâti existant. Je suis convaincue qu’il nous faudra évoluer à l’égard d’un certain nombre de petites friches existantes entre des constructions anciennes, dès lors que les services de l’eau, de l’assainissement, du ramassage des ordures ménagères sont assurés, bref la lutte contre la pollution d’origine tellurique. Ce sujet est très important, mais il n’a rien à voir avec la fusion de nos communes.
Pour ma part, j’estime que les dispositions de la loi Littoral doivent plutôt faire l’objet d’adaptations, si elles sont naturellement bien délimitées et entérinées par le Parlement. En effet, même si, aux termes d’une ordonnance, dans telle ou telle région, le pouvoir réglementaire change, il faudra que le Parlement y soit attentif. En réalité, ce point relèvera de l’adaptation du pouvoir réglementaire des régions dans le cadre de la future loi NOTRe.
Cela étant, comme est concerné un document qui est unique, on trouvera de part et d’autre de l’ancienne frontière deux règlements différents, ce qui entraînera sans doute des contentieux. C’est pourquoi je propose de conserver pour l’instant les dispositions de la loi Littoral qui visent essentiellement la densification et de les réexaminer dans le cadre de la discussion du projet de loi NOTRe.
À cette occasion, si nous sommes raisonnables, si nous luttons contre ces grands murs de bétons qui défigurent notre littoral et si, en même temps, nous défendons une densification respectueuse des terres agricoles riches qui deviennent souvent des lieux de construction « en deuxième rideau », aurais-je envie de dire, des communes littorales – la pression est telle que des centaines d’hectares sont absorbées par l’habitat –, nous pourrons sans doute être plus efficaces.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission n’a pas été convaincue par le présent amendement. Madame la ministre, je vous remercie par conséquent des explications complémentaires que vous venez de nous apporter et de l’ouverture intéressante que vous avez évoquée sur la future loi NOTRe. Au demeurant, il me semble impossible d’élargir de manière subreptice le champ d’application de la loi Littoral du fait de la fusion de communes.
En attendant l’examen du projet de loi NOTRe, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais tout d’abord remercier Mme la ministre de l’ouverture qu’elle vient de proposer au sujet de la future loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Cela étant, s’agissant de l’application de la loi Littoral, il reste encore beaucoup à faire ! En effet, les interprétations qui en ont été données par un grand nombre de tribunaux administratifs font preuve de rigidités, qui peuvent contrarier la réalisation de projets utiles de développement ou de construction, notamment dans ce que l’on appelle communément les « dents creuses » dans des hameaux qui ne sont pas préjudiciables à l’environnement.
Mais il ne s’agit pas de cela en l’espèce, M. le rapporteur l’a fort bien dit. Il est simplement question d’éviter que, à la faveur de la création d’une commune nouvelle, le champ d’application de la loi Littoral ne soit soudain étendu aux territoires des communes qui s’agrégeraient à une commune littorale. Or à l’intérieur des terres, dans une commune littorale, on pourrait déjà parfois construire à certains endroits sans polluer le paysage, en raison du relief. Tel est le cas dans certains creux, les constructions n’étant pas visibles depuis le littoral.
À dix, quinze ou vingt kilomètres à l’intérieur des terres, l’instauration de la commune nouvelle risquerait de provoquer des interdictions de construire en nombre, ce qui constitue aujourd’hui une contre-indication majeure à cette création (Mme Catherine Deroche s’exclame.), dans des régions littorales où se trouvent pourtant aussi des communes faiblement peuplées qui éprouvent le besoin de se regrouper pour conserver, dans la proximité, un certain nombre de compétences au lieu de les déléguer à de trop grandes intercommunalités.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois n’a pas eu à délibérer très longtemps, je vous le dis à regret, madame la ministre, pour émettre un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les écologistes soutiendront l’amendement du Gouvernement. Au reste, si la commission des lois n’a pas hésité longtemps avant d’émettre un avis défavorable à son sujet, la commission du développement durable aurait peut-être pu délibérer plus longuement. Il s’agit tout de même d’une question qui la concerne !
Mes chers collègues, je vous donne lecture de l’objet de l’amendement n° 10 : « Le Gouvernement n’est pas favorable à ce que le régime de la commune nouvelle conduise à des modifications substantielles des codes de l’urbanisme et de l’environnement sans évaluation préalable ni étude d’impact. » On le comprend bien, il est question non pas d’aller plus loin, mais de mesurer précisément, avant toute décision, l’incidence environnementale des mesures envisagées.
Cette disposition est très sensée. Elle me semble même relever de la précaution élémentaire. Voilà pourquoi, je le répète, les écologistes y sont favorables.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je comprends l’inquiétude exprimée par la commission. Le fait est que la loi Littoral fait peur, ce que l’on ne peut que regretter.
J’ai bien pris connaissance des travaux que la Haute Assemblée a consacrés à cette question et qui ont été publiés il y a peu : il faut sans nul doute examiner ces dispositions de près. (M. le président de la commission acquiesce.)
Toutefois, le fait de scinder une future commune en deux n’est pas sans poser problème. En effet, en pareil cas, la tentation serait de construire en priorité dans la seconde commune, celle qui serait éloignée du littoral : près du front de mer, les procédures sont plus compliquées et plus lourdes. Or, dans de nombreuses régions de France, la bande de terre agricole constituant cet arrière-pays est d’une très grande qualité.
Aujourd’hui, sous l’effet de la pression foncière, du développement touristique, du renchérissement du coût du foncier autour des grandes villes, on voit déjà les constructions se multiplier de plus en plus loin autour des agglomérations. Ce mouvement n’est pas bénéfique à la France. Nous avons perdu l’équivalent d’un département en terres agricoles en l’espace de dix ans, et ce processus est toujours à l’œuvre.
J’aurais préféré que l’on étudie ce problème dans sa globalité.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour les grandes intercommunalités, j’avais d’ailleurs proposé que l’on puisse réfléchir précisément à l’élaboration du plan local d’urbanisme, ou PLU, en fonction de la présence d’un littoral, d’un site classé, d’un périmètre de captage, d’un espace ou d’un parc naturel, etc. La commission des lois n’a pas repris ma suggestion. Au demeurant, il n’est pas possible d’examiner deux textes de loi en même temps.
Quoi qu’il en soit, nous devons impérativement réfléchir aux moyens d’améliorer nos modes de construction, afin d’éviter la densification du bâti dans les arrière-pays, ou, plus généralement, à la périphérie des espaces remarquables, au rang desquels figurent les littoraux. Ces territoires perdent souvent de très bonnes terres.
N’oublions pas que les mots « commune » et « commun » ont une seule et même racine. La base de la commune, c’est la mise en commun. Je le répète, il aurait été plus réaliste et plus raisonnable de réfléchir à l’avenir de ces espaces dans leur ensemble. Dans le futur, nous pourrons d’ailleurs réexaminer la loi Littoral, pour voir si elle peut autoriser des densifications du bâti, ce qui me semble possible.
Certes, on ne peut limiter ses analyses à sa propre expérience. Je ne ferai qu’évoquer la région dont je suis l’élue, laquelle est irriguée par de nombreuses rias.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très beaux paysages !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La mer remonte, en empruntant leur cours, jusqu’à vingt-cinq kilomètres à l’intérieur des terres. Ainsi, la loi Littoral s’applique extrêmement loin dans l’arrière-pays, ce qui, aujourd’hui, ne pose plus aucun problème : face à cette réalité géographique, les acteurs concernés ont été conduits à réfléchir aux paysages, aux périmètres de captage, aux pollutions d’origine tellurique qui, malheureusement, entraînent, entre autres problèmes, la prolifération d’algues vertes sur certains littoraux. La densification et la préservation des terres agricoles riches ont partant été prises en compte. Le fait d’être inclus dans le périmètre de la loi Littoral n’est donc pas nécessairement un handicap !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, les membres du groupe socialiste s’abstiendront sur cet amendement.
Certes, Mme la ministre l’a rappelé avec raison, la loi Littoral ne doit pas être considérée comme un inconvénient, comme un facteur négatif. Mais, parallèlement, et en l’état actuel des choses, il semble assez logique de dire que cette législation s’applique à un espace donné, en vertu d’un certain nombre de considérations liées à ces espaces naturels spécifiques que sont les littoraux, et qu’il n’y a pas lieu que cela change.
Aussi, cette question mérite réellement d’être approfondie. Il me semble difficile de la trancher aujourd’hui. À court terme, il serait préjudiciable de modifier les espaces définis par le biais de la loi Littoral. Toutefois, à moyen et long termes, il est clair que, dans la mesure où une commune nouvelle sera définie, les dispositions en question s’appliqueront à l’ensemble de son territoire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5 A.
(L'article 5 A est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
L’article L. 123-1-1-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsque le périmètre d’un plan local d’urbanisme comprend des communes déléguées, le plan local d’urbanisme peut comporter des plans de secteur qui couvrent chacun l’intégralité du territoire d’une ou de plusieurs communes déléguées et qui précisent les orientations d’aménagement et de programmation ainsi que le règlement spécifiques à ce secteur.
« Le conseil de la commune déléguée ou le conseil municipal de la commune nouvelle peuvent demander à ce que le territoire d’une ou de plusieurs communes déléguées soit couvert par un plan de secteur. Après un débat au sein de l’organe délibérant chargé de l’élaboration du plan local d’urbanisme, cet organe délibère sur l’opportunité d’élaborer ce plan. »
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu’il existe une ou plusieurs communes nouvelles. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, quoique portant sur un sujet différent, cette disposition relève du même esprit que la précédente. Elle est sans doute beaucoup plus simple.
L’article 5 permet la création d’un plan de secteur sur le territoire d’une ou de plusieurs communes déléguées relevant d’un même PLU. Au nom du Gouvernement, je vous propose de supprimer la possibilité d’élaborer un plan de secteur au sein du PLU pour les communes déléguées. À tout le moins, il y existera un PLU commun.
M. Michel Mercier, rapporteur. Oui !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
Article 6
(Non modifié)
I. – L’article L. 123-1-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de création d’une commune nouvelle, les dispositions des plans locaux d’urbanisme applicables aux anciennes communes restent applicables. Elles peuvent être modifiées, selon les procédures prévues aux articles L. 123-13-1 à L. 123-13-3, ainsi qu’aux articles L. 123-14 et L. 123-14-2, jusqu’à l’approbation ou la révision d’un plan local d’urbanisme couvrant l’intégralité du territoire de la commune nouvelle. La procédure d’élaboration ou de révision de ce dernier plan est engagée au plus tard lorsqu’un des plans locaux d’urbanisme applicables sur le territoire de la commune nouvelle doit être révisé. »
II. – L’article L. 124-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de création d’une commune nouvelle, les dispositions des cartes communales applicables aux anciennes communes restent applicables. Elles peuvent être révisées ou modifiées jusqu’à l’approbation d’une carte communale ou d’un plan local d’urbanisme couvrant l’intégralité du territoire de la commune nouvelle. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Baroin, Mmes Deroche et Cayeux et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. – Une commune nouvelle créée en application de l'article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales et regroupant plus de 5 000 habitants bénéficie d'un délai de vingt-quatre mois au plus après sa date de constitution pour mettre en œuvre les obligations prévues au présent article. »
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Les communes de plus de 5 000 habitants sont tenues de disposer d’une aire d’accueil ou de grand passage pour les gens du voyage. À l’origine, l’amendement déposé tendait à prolonger le délai d’application de cette obligation, après la création de la commune nouvelle, jusqu’en 2020, date de renouvellement général des conseils municipaux. À la demande de la commission, nous avons réduit ce laps de temps à vingt-quatre mois passé la date de création de la commune nouvelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Sur le plan des principes, un report trop lointain de l’obligation faite aux communes de plus de 5 000 habitants d’aménager une aire d’accueil pour les gens du voyage constituerait, à mon sens, un mauvais signal. Il en résulterait, de surcroît, des problèmes d’application technique.
Cela étant, il est nécessaire de laisser un certain délai d’action aux communes qui se regrouperaient, surtout s’il s’agit de nombreux petits villages qui, réunis, en viendraient à atteindre le seuil de 5 000 habitants. Voilà pourquoi la commission a demandé la rectification de l’amendement initial. Ainsi, une commune nouvelle créée en 2015 devra, au cours du mandat municipal, se soumettre à cette obligation.
Cette modification étant apportée, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Rectifiée, cette disposition devient plus acceptable.
Toutefois, les compétences relatives aux gens du voyage vont prochainement être confiées, à titre obligatoire, à l’échelon intercommunal. (M. le rapporteur opine.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. On conçoit la nécessité de donner un délai aux communes, mais, dans cette perspective, je ne vois guère l’intérêt d’une telle mesure. Aussi, je demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, j’en suis bien consciente, cette compétence devrait prochainement être attribuée à l’échelon intercommunal.
Mme Michèle André. Exact !
Mme Catherine Deroche. Je note simplement que tel n’est pas encore le cas.
Cela étant, je suis prête à retirer mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. On le sait très bien, certaines collectivités n’ont pas encore appliqué la loi de 2000,…
M. Jean-Jacques Hyest. … alors même qu’obligation leur en est faite. Elles prendront le temps nécessaire, car ces dispositions sont difficiles à instaurer – il faut notamment trouver un terrain adéquat.
Quoi qu’il en soit, la fixation d’un tel délai est totalement inutile. Je l’indique à mon tour : dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la compétence dont il est question échoit nécessairement aux intercommunalités.
Mme Jacqueline Gourault. Eh oui !
M. Michel Mercier, rapporteur. Dans ce cas, il suffit de retirer l’amendement !
M. Jean-Jacques Hyest. Aussi cet amendement me semble-t-il inutile.
Mme la présidente. Madame Deroche, l’amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
Section 3
Commune nouvelle et intercommunalité
Article 7
I. – L’article L. 2113-9 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après les trois premières occurrences du mot : « intercommunale », sont insérés les mots : « à fiscalité propre » ;
2° Les mots : « peut adhérer » sont remplacés par le mot : « adhère » ;
3° À la fin, les mots : « à compter du 1er janvier de la deuxième année suivant celle de sa création » sont remplacés par les mots : « avant le prochain renouvellement général des conseils municipaux et au plus tard vingt-quatre mois après la date de sa création ».
II (nouveau). – Le I de l’article L. 2113-5 du même code est ainsi modifié :
1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de création d’une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, l’arrêté... (le reste sans changement) » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de l’établissement public » sont remplacés par les mots : « du ou des établissements publics » ;
3° Au troisième alinéa, les mots : « pris par l’établissement public » sont remplacés par les mots : « pris par le ou les établissements publics » ;
4° À la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « conclus par l’établissement public » sont remplacés par les mots : « conclus par le ou les établissements publics » ;
5° À l’avant-dernier alinéa, le début de la première phrase est ainsi rédigé :
« L’ensemble des personnels du ou des établissements publics de coopération intercommunale... (le reste sans changement) » ;
6° Au dernier alinéa, les mots : « substituée à l’établissement public », sont remplacés par les mots : « substituée à ou aux établissements publics ».
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mme Gourault et MM. Tandonnet, Baroin et Guené, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois et par dérogation à l’alinéa précédent, une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et répondant aux objectifs du 1° du III de l’article L. 5210-1-1 ou aux autres règles démographiques fixées par la loi, peut saisir la commission départementale de la coopération intercommunale. Sur décision prise à la majorité de ses membres, la commission départementale de la coopération intercommunale peut autoriser la commune nouvelle à adhérer à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au plus tard lors de la prochaine révision du schéma départemental de coopération intercommunale. Elle se prononce dans un délai de trois mois suivant sa saisine par la commune nouvelle. »
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Cet amendement tend à revenir sur le délai de deux ans accordé aux communes nouvelles pour rejoindre une intercommunalité.
La finalité est de garantir la souplesse nécessaire pour débattre, au sein de la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, d’une éventuelle prolongation de ce délai.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Madame Gourault, cet amendement a suscité un long débat au sein de la commission, qui, au final, ne l’a pas retenu. Aussi, vous l’avez déposé de nouveau en vue de la discussion en séance publique avec MM. Tandonnet, Baroin et Guené. La liste des signataires nous permet de savoir l’origine de cet amendement (Mme Jacqueline Gourault hausse les épaules.), dont la rédaction a été murement réfléchie.
Toutefois, je vous le dis en toute honnêteté : il ne me semble pas possible de vouloir, d’une part, généraliser l’intercommunalité, selon des dispositions que nous avons inscrites, sur votre initiative, dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM », et, d’autre part, repousser l’application de cette mesure !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est délicat !
M. Michel Mercier, rapporteur. Aussi, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, je serai, malheureusement,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et avec une extrême tristesse !
M. Michel Mercier, rapporteur. … contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Madame Gourault, en imposant aux dernières communes isolées de rejoindre un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, en rattachant à l’intercommunalité pertinente les communes enclavées ou placées dans une situation de discontinuité, le législateur a tenu à favoriser l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale.
Mme Catherine Deroche. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. D’ailleurs, par sa décision du 26 avril 2013, le Conseil constitutionnel a élevé ce travail au rang d’objectif d’intérêt général. Ajouter un délai à un autre n’irait qu’à l’encontre du but que vous n’avez cessé de viser.
Mme la présidente. Madame Gourault, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Jacqueline Gourault. Devant tant de sollicitude et de logique, je retire mon amendement, madame la présidente. (Sourires – M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
La seconde phrase du troisième alinéa du II et la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article L. 2113-5 du même code sont ainsi modifiées :
1° Après le mot : « Jusqu’à », sont insérés les mots : « l’entrée en vigueur de » ;
2 Après le mot : « arrêté », sont insérés les mots : « , par dérogation à l’article L. 5210-2 » ;
3° Sont ajoutés les mots : « et les conseillers communautaires représentant les anciennes communes en fonction à la date de création de la commune nouvelle restent membres de l’organe délibérant de l’établissement public ».
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Boulard, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
L’article L. 2113-5 du même code est ainsi modifié :
A. – Au premier alinéa du II, après le mot : « distincts » sont insérés les mots : « mais relevant d’une même catégorie » ;
B. – La seconde phrase du troisième alinéa du II est ainsi modifiée :
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
C. – Le premier alinéa du III est ainsi rédigé :
« Lorsque la commune nouvelle est issue de communes contiguës membres d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre relevant de catégories distinctes, un arrêté du représentant de l’État dans le département prononce le rattachement de la commune nouvelle à l’établissement public de coopération intercommunale relevant de la catégorie disposant de compétences obligatoires en nombre supérieur ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du dernier alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « suivant le prochain renouvellement général des conseils municipaux » sont remplacés par l'année : « 2016 ».
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation avec notre position vis-à-vis du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Comme nous proposons de l’amender de sorte à reporter le délai pour la clause de revoyure, il nous semble normal d’inscrire le même délai dans le texte en discussion aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
L'amendement n° 1, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi et par dérogation aux articles L. 2113-3 et L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale relevant du titre III du livre III de la cinquième partie du même code et situées dans un des départements cités au VII de l’article L. 5210-1-1 du même code sont appelées à se prononcer sur l’un des deux choix suivants :
1° La création d’une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres ;
2° La transformation dudit établissement public de coopération intercommunale en communauté d’agglomération.
Le choix entre ces deux solutions s’effectue dans les conditions de majorité requises au cinquième alinéa de l’article L. 5321-1 dudit code.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement tend à régler le problème des syndicats d’agglomération nouvelle, les SAN. À terme, leur suppression est prévue et offre l’occasion de la constitution d’une commune nouvelle. Cela pourrait advenir dans deux cas au moins.
Je m’aperçois que cet amendement doit être rectifié, madame la présidente, afin de prévoir des solutions dans le cas où l’unanimité ne se fait pas autour du choix mentionné au 1°, c'est-à-dire la création d’une commune nouvelle : alors, les deux premiers alinéas de l’article L. 2113–3 du code général des collectivités territoriales s’appliquent.
Si la majorité prévue au deuxième alinéa de l’article L. 2113–3 n’est pas atteinte, le 2° du présent article s’applique, c'est-à-dire la transformation du SAN en communauté d’agglomération.
Cela me semble très important, car les SAN survivent encore, alors qu’une loi Rocard prévoyait déjà leur transformation en communautés d’agglomération. Il est maintenant temps de passer à l’acte. Je connais, en Seine-et-Marne, un exemple de SAN qui souhaite vivement se transformer en commune nouvelle, même si l’une des communes actuelles n’y est pas favorable. C’est tout à fait cohérent car, rassemblées dans un SAN, ces communes constituent déjà un ensemble très intégré, beaucoup plus que dans toute autre forme de coopération intercommunale.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux en séance quelques instants afin de permettre à la commission de prendre note des modifications apportées par M. Hyest à son amendement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Hyest, et ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi et par dérogation aux articles L. 2113-3 et L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale relevant du titre III du livre III de la cinquième partie du même code et situées dans un des départements cités au VII de l’article L. 5210-1-1 du même code sont appelées à se prononcer sur l’un des deux choix suivants :
1° La création d’une commune nouvelle regroupant toutes les communes membres ;
2° La transformation dudit établissement public de coopération intercommunale en communauté d’agglomération.
Le choix entre ces deux solutions s’effectue dans les conditions de majorité requises au cinquième alinéa de l’article L. 5321-1 dudit code. À défaut d'unanimité pour le choix mentionné au 1°, les deux premiers alinéas de l'article L. 2113-3 du même code s'appliquent. Si la majorité prévue au deuxième alinéa du même article n'est pas atteinte, le 2° du présent article s'applique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Compte tenu des rectifications apportées à cet amendement, l’avis de la commission est très favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
Section 4
Dispositions fiscales et incitations financières
Article 9 A (nouveau)
Avant l’article L. 5211-56 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-55 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-55. – Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’arrêté du représentant de l’État dans le département prononçant le rattachement d’une commune nouvelle à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, en application des II et III de l’article L. 2113-5, les taux de fiscalité votés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels les anciennes communes appartenaient continuent de s’appliquer sur le territoire de celles-ci. » – (Adopté.)
Article 9
L’article 1638 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) (Supprimé)
c) Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les délibérations mentionnées au présent I sont prises avant le 15 avril de la première année au cours de laquelle la création de la commune nouvelle produit ses effets au plan fiscal, dans les conditions prévues à l’article 1639 A.
« Lorsque la procédure d’intégration fiscale progressive n’est pas mise en œuvre, les taux respectifs de chacune des taxes mises en recouvrement en application des 1° à 4° du I de l’article 1379 ne peuvent excéder les taux moyens des communes préexistantes constatés l’année précédant celle au cours de laquelle la création de la commune nouvelle produit ses effets au plan fiscal, pondérés par l’importance relative des bases de ces communes. » ;
d) Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Le présent I est également applicable dans le cas… (le reste sans changement) » ;
2° (Supprimé)
3° (Suppression maintenue)
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les dispositions prévues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014. L’article 18 dudit projet de loi a pour objet de permettre une modulation de la durée d’intégration fiscale progressive à la suite d’une modification du périmètre de l’EPCI.
Il permet notamment aux communes nouvelles de fixer librement la durée d’intégration qu’elles souhaitent voir appliquer, dans la limite de douze ans, afin qu’elles puissent adapter la durée d’harmonisation des taux à leurs besoins et aux enjeux locaux.
La procédure ainsi proposée permet également de prévenir tout ressaut de la pression fiscale, le mécanisme de réduction des écarts de taux prévoyant une évolution par parts égales sur la durée choisie.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement me semble répondre à vos préoccupations, d’autant qu’il est déjà entré dans l’ordre du droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cette mesure est importante. La loi de 2010 prévoyait une durée fixe de zéro ou de douze ans pour harmoniser les taux de fiscalité de la commune nouvelle. Le projet de loi de finances rectificative va plus loin que le texte proposé, puisqu’il laisse toute liberté à la commune nouvelle pour choisir un délai d’harmonisation fiscale. C’est donc une excellente disposition, qui recueille un avis favorable de la commission.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 9 est supprimé.
Article 10
I. – Les trois premières années suivant leur création, l’article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales ne s’applique pas à la dotation forfaitaire des communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant, soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2014, le même article L. 2334-7-3 ne s’applique pas à la dotation forfaitaire des communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014.
II. – Les trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant, soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue à l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. En 2015 et 2016, les communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014 perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue audit article L. 2334-7 au moins égale à celle perçue en 2014.
III. – Les trois premières années suivant leur création, la dotation forfaitaire des communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant une population comprise entre 1 000 et 10 000 habitants, calculée selon les règles prévues aux I et II de l’article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales, est majorée de 5 %.
IV. – Les trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoivent une part “compensation” au moins égale à la somme des montants de la dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales et perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l’année précédant la création de la commune nouvelle.
V. – Les trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoivent une dotation de consolidation au moins égale à la somme des montants de la dotation d’intercommunalité perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l’année précédant la création de la commune nouvelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. D. Laurent, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Remplacer le nombre :
1 000
par le nombre :
500
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La deuxième phrase du I de l’article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales est supprimée.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit de supprimer l’exonération de la contribution au redressement des finances publiques introduite par la loi de finances pour 2014 dans le code général des collectivités territoriales, et qui a suscité dans cette enceinte un enthousiasme fort, dans la mesure où cette garantie est moins favorable que les dispositions de la présente proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Boulard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Les dispositions du présent article sont applicables à toute commune nouvelle créée à compter du 1er janvier 2017 quelle que soit sa taille.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Le dernier alinéa de l’article L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant, soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoivent des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation et de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. En 2015 et 2016, les communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014 perçoivent des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations en 2014. »
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Boulard, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable à toute commune nouvelle créée à compter du 1er janvier 2017 quelle que soit sa taille. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 rectifié bis est présenté par Mme Gourault et MM. Tandonnet, Baroin et Guené.
L'amendement n° 12 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du IV de l’article L. 2334-4 est complétée par les mots : « et hors le montant correspondant à la dotation de consolidation prévue au IV de l’article L. 2113-20 » ;
2° La première phrase du troisième alinéa du 5° du I de l’article L. 2336-2 est complétée par les mots : « et hors le montant correspondant à la dotation de consolidation prévue au IV de l’article L. 2113-20 ».
La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
Mme Jacqueline Gourault. Il s’agit de traiter du cas dans lequel une commune nouvelle est créée sur le périmètre d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. De nombreux calculs ont montré que ceux-ci pouvaient être pénalisés en termes de péréquation horizontale.
La contribution au fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC, est recalculée à l’échelle du nouveau périmètre, alors que les potentiels financiers agrégés, les PFIA, des ensembles intercommunaux et des communes isolées prennent en compte la dotation forfaitaire des communes, et donc la part « consolidation » égale à la dotation d’intercommunalité qu’aurait perçue l’EPCI la même année, ce qui implique une hausse mécanique du PFIA.
Dans la mesure où la dotation d’intercommunalité n’est jamais prise en compte dans le calcul du FPIC, il est logique d’exclure la part « consolidation » du calcul du potentiel financier agrégé des communes nouvelles lorsqu’elles se substituent à un EPCI à fiscalité propre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je retire cet amendement au profit de l’amendement n°5 rectifié bis. Nous sommes aujourd'hui parvenus à un accord : c’est assez rare pour le noter ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 12 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 5 rectifié bis ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cette disposition est importante.
Madame la ministre, vous aviez pris devant l’Assemblée nationale l’engagement de déposer un tel amendement. Le Gouvernement a tenu sa promesse, et je l’en remercie.
Je constate d’ailleurs que vous avez su inspirer, madame la ministre, par des chemins probablement détournés que nous ignorons, Mme Gourault, qui a recopié à l’identique votre amendement, soutenant par là même la volonté du Gouvernement de respecter la parole donnée aux députés.
M. Jean-Pierre Sueur. Les chemins de l’AMF sont impénétrables ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. Devant cette unanimité, la commission se confond en remerciements et émet un avis très favorable !
Mme Jacqueline Gourault. Merci infiniment, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
Je constate, par ailleurs, que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Article additionnel avant l'article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Avant l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l’article L. 2573-3 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « de l’article L. 2113-26 », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigé :
Section 5
Application outre-mer
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement relatif à l’application du texte à la Polynésie française.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 12.
Article 12
(Suppression maintenue)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Les membres du groupe UDI-UC voteront en faveur de la présente proposition de loi, dont ils se réjouissent. Ce texte améliore le dispositif retenu lors de l’adoption de la loi de 2010.
Je me félicite du large consensus qui s’est dégagé aujourd'hui, ce qui n’était pas le cas au mois de février 2010. Je me suis amusé à me replonger dans les débats de cette époque. M. Mercier était alors au banc du Gouvernement. Il s’en souvient et sourit d’ailleurs… Que n’avait dit notamment l’opposition ! M. Sueur avait employé des mots extrêmement durs pour dénoncer le caractère autoritaire des communes nouvelles et avait exprimé sa volonté d’en revenir à la loi Marcellin. Heureusement, le dispositif a été adopté et tout le monde s’en félicite aujourd'hui !
Pour ma part, j’avais souligné que le mécanisme était suffisamment enserré pour limiter la création des communes nouvelles. C’est effectivement ce qui s’est produit puisque, au 1er janvier prochain, on en dénombrera uniquement dix-neuf.
Le dispositif qui nous est soumis aujourd'hui va dans le bon sens, puisqu’il vise à mettre en place des incitations financières absentes dans la loi de 2010. Parmi les dispositions, je citerai la majoration de 5 % de la dotation forfaitaire, le fait que les baisses de dotations ne s’appliqueront pas pendant trois ans dans les communes nouvelles, le renforcement du rôle du maire délégué, ainsi que certaines mesures spécifiques, notamment en matière d’urbanisme.
Toutes ces mesures sont bonnes, d’autant qu’il y a fort à parier, comme l’a souligné M. Mercier, qu’un certain nombre de communes se tourneront vers cette solution dans les années à venir car elles n’arriveront plus à équilibrer leur budget en raison de la baisse des dotations. Ainsi, dans mon département, comme dans beaucoup d’autres, certaines communes n’ont pu équilibrer leur budget de fonctionnement en 2014 qu’en diminuant le montant des indemnités des élus. Quand une collectivité en est réduite à une telle extrémité, il y a fort à parier que, en 2015, 2016 et 2017, elle n’arrivera plus à l’équilibre budgétaire ! Par conséquent, les élus opteront pour la commune nouvelle sur la base du volontariat, mais d’un volontariat quelque peu contraint.
Madame la ministre, je demande au Gouvernement de faire attention à ne pas étrangler nos communes. Cette crainte a été exprimée au cours des débats et je la reprends à mon compte.
La commune est l’échelon de la proximité, de la démocratie, du lien social et de la bonne gestion. Contrairement à ce que certains prétendent, le nombre de communes n’est pas une source de dépenses ou de gaspillage. Je l’avais d’ailleurs dit à un précédent Premier ministre, les petites communes ne gaspillent pour une raison très simple : elles n’ont pas d’argent ! Je crois, bien au contraire, que le bénévolat formidable dont font preuve 500 000 conseillers municipaux est une source d’économie.
Soyons donc vigilants : quelle que soit leur utilité, tous ces dispositifs ne doivent pas porter atteinte à l’existence même de nos communes !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Après l’avoir annoncé lors de la discussion générale, je le confirme, les membres du groupe écologiste voteront en faveur de la présente proposition de loi, après un débat serein qui n’aura pas apporté de modification substantielle. Nous avons réalisé du bon travail et nous avons su créer un cadre sécurisant pour les regroupements. Nous nous en réjouissons.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je remercie sincèrement M. Maurey de me donner l’occasion de revenir sur la logique que je défends depuis quelque temps. (Sourires.)
En effet, j’ai eu le privilège de voter à l’Assemblée nationale les lois de 1981 alors que, mon cher collègue, un certain nombre d’éminents représentants du mouvement centriste n’avaient pas de mots trop durs pour vilipender ces textes – je pense à un élu de l’Ille-et-Vilaine, tout particulièrement. Ces élus ont par la suite reproché le manque de décentralisation… Pourtant, ces lois ont été de grandes lois de liberté, de même que les lois relatives à l’intercommunalité de 1992 et 1999, qui ont toujours fait appel au volontariat des collectivités. C’est ce qui a été positif et productif.
Ensuite, il y a eu des tendances recentralisatrices. Je me suis toujours élevé, monsieur Maurey, vous avez raison de le souligner, contre ce qui apparaissait comme des tentatives autoritaires, qui en l’espèce ne fonctionnent pas.
Monsieur Mézard, j’en conviens, il y a eu la volonté, mais elle a été largement partagée, de boucler le schéma de l’intercommunalité à partir du moment où pratiquement plus de 95 % des communes avaient volontairement fait ce choix.
Ce qui me semble extrêmement positif dans cette proposition de loi, mes chers collègues, c’est qu’elle est totalement fondée sur le volontariat. Comme plusieurs orateurs, je ne nourris néanmoins pas d’illusions excessives. Je l’ai dit au cours de mon intervention liminaire, s’agissant en particulier des grandes agglomérations urbaines, ce serait une profonde erreur que de vouloir imposer ou susciter la création de communes nouvelles, qui se substitueraient à quinze, vingt ou trente communes. En effet, ces communes existent fortement et l’intercommunalité sous forme de communautés d’agglomération, de communautés urbaines et, demain, de métropoles fonctionnera si elle respecte les communes et leur droit à mutualiser les compétences qu’elles souhaitent partager.
En revanche, la loi que nous allons adopter sera précieuse pour les petites et moyennes communes, car elle permettra à celles d’entre elles qui le veulent d’opérer les fusions pouvant leur sembler nécessaires.
Mais quelle que soit la taille de la commune, il est clair que rien ne sera imposé. De toute façon, ce serait illusoire.
La leçon que l’on peut tirer, quelques décennies après le vote de la loi Marcellin de 1971, c’est qu’un certain nombre de discours qui ont été à l’envi répétés sur l’inconvénient majeur que représentait le grand nombre de communes ne correspondent pas à la réalité de notre pays. En effet, je le répète – et ce sera ma conclusion –, les Français ont la commune dans le cœur depuis le 14 décembre 1789. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Jean-Jacques Hyest. Bien avant !
M. Jean Desessard. Vive la commune !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela dure depuis deux siècles, et c’est important. La commune est et restera le cœur battant de la démocratie et de la République !
M. Jacques Mézard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. A contrario, rien dans le débat ne peut nous amener à changer de position.
Évidemment, on a entendu de beaux éloges des élus, de la commune, cœur de la démocratie, la référence à 1789… Mais je considère, et le débat vient de le montrer, que tout pousse, au contraire, à la disparition des communes.
Les références à la loi de 2010, dans la mesure où nous y étions opposés, sont pour nous problématiques, de même que l’insistance des uns et des autres à vouloir que les communes s’adaptent à l’austérité. Vous avez moins de moyens ? Eh bien, fusionnez ! Vous avez des difficultés à trouver des élus ? Fusionnez ! La fusion serait la réponse aux difficultés rencontrées par les communes.
Même si l’on met en avant la notion de volontariat, cela dissimule mal le mouvement incitant, je le répète, à la disparition des communes, notamment parfois en les vidant de leur contenu, de leurs compétences par le biais de l’intercommunalité.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je souhaite remercier l’ensemble des sénateurs qui ont activement travaillé sur cette proposition de loi, qui, il faut le souligner, est issue de l’Association des maires de France. Je remercie, bien sûr, le rapporteur, Michel Mercier, le président de la commission des lois et tous ceux qui ont participé à ce débat.
Je voudrais préciser, après l’explication de vote de M. Bosino, que ce sont bien les maires de France qui ont réclamé ce texte sur les communes nouvelles. Certaines communes, en effet, dans lesquelles il n’est plus possible de trouver des candidats aux élections ou les moyens de gérer un minimum de services, expriment à cet égard une vraie demande. Et comme tout est fondé sur le volontariat, il faut soutenir ces maires qui n’ont pas la chance d’être à la tête de communes suffisamment vastes pour se prévaloir d’une démographie importante, donc d’un potentiel financier leur permettant de répondre aux besoins de leurs citoyens.
Le fait que ce texte ait été adopté à l’unanimité, à l’exception d’un groupe qui ne l’a pas voté, est donc vraiment un encouragement pour eux, et je pense que son adoption définitive interviendra rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Délimitation des régions et élections régionales et départementales
Adoption d’un projet de loi en nouvelle lecture dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (projet n° 156, texte de la commission n° 171, rapport n° 170 rectifié).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis de nouveau pour débattre du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Depuis le début de son examen, nous savons que ce texte s’inscrit dans une réforme qui va transformer, par étapes et en profondeur, l’organisation territoriale de notre République.
La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ? dite « loi MAPAM », a été la première étape. Vous débattrez dès demain du projet de loi sur les compétences, et nous examinons cet après-midi le texte sur la carte des régions.
Ces réformes, dans leur ensemble, répondent à trois exigences.
D’abord, une exigence démocratique, celle de la clarté, car les citoyens doivent savoir qui fait quoi. C'est la raison pour laquelle nous voulons clarifier les compétences des collectivités locales.
Ensuite, une exigence économique, celle de la compétitivité, car nos régions doivent avoir les moyens d’être demain plus attractives et mieux armées dans la compétition économique.
Enfin, une exigence de service public, celle de l’efficacité, car, si nos concitoyens sont toujours plus exigeants, l’argent public est toujours plus rare et nous devons permettre à nos collectivités locales de remplir leurs nombreuses missions à un coût supportable.
C’est donc dans ce cadre général que nous abordons aujourd’hui la dernière étape du projet de loi visant à créer des régions françaises capables de peser à l’échelle européenne, dans un contexte concurrentiel où chaque pays, mais aussi chaque territoire, s’efforce d’attirer les capitaux, les compétences et les talents nécessaires au développement économique.
Or la plupart de nos régions actuelles n’ont pas toujours la dimension requise pour bâtir des stratégies industrielles, lancer des programmes de recherche, attirer des investissements ou réaliser les infrastructures nécessaires.
La réforme que nous proposons permettra de faire passer la population moyenne des régions françaises de 2,6 millions à 4,3 millions d’habitants, ce qui n’est pas neutre. La taille d’une collectivité, quand elle est suffisamment importante, lui permet en effet d’avoir une dimension géographique et une masse budgétaire suffisantes pour développer des actions et lancer des projets de long terme et à grande échelle.
M. Jacques Mézard. Mais bien sûr...
M. André Vallini, secrétaire d'État. Notre volonté est aussi d’adapter notre carte administrative à la nouvelle géographie économique, celle de la mondialisation, celle de la recherche et de l’innovation, pour que l’ensemble des territoires, notamment les territoires périurbains mais également les territoires ruraux, puissent tirer profit de l’appartenance à des régions fortes et puissantes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui ce projet de loi en troisième lecture, car la commission mixte paritaire n’a pas abouti. Ce n’est pas une vraie surprise tant nous savons, les uns et les autres, que le choix de tel ou tel regroupement ne s’impose pas toujours d’évidence et que la carte idéale n’existe pas. (Exclamations ironiques sur les travées du RDSE.)
Mme Catherine Deroche. Oui, mais tout de même…
M. André Vallini, secrétaire d'État. Selon que l’on privilégie les traditions historiques ou les éléments géographiques, les facilités de communication ou les complémentarités industrielles, les flux économiques ou les synergies universitaires, on peut proposer de marier telle région avec telle ou telle autre.
Une chose est certaine, les fameuses identités régionales ne sont en aucune manière menacées par une réforme administrative qui est guidée par le seul souci de l’efficacité.
J’ai vu comme vous que des manifestations avaient eu lieu en Alsace avant-hier. Je tiens à dire aux Alsaciens, comme aux Bretons ou aux habitants de toute autre région, que nous ne cherchons ni à supprimer les identités régionales ni à en forger de nouvelles.
Ces identités sont en réalité provinciales, puisqu’elles remontent à l’Ancien Régime…
M. André Reichardt. Oh !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … et que la plupart n’ont jamais donné naissance à une région ou à un département. Le Berry, la Touraine ou le Dauphiné, la liste est longue de ces territoires qui ne correspondent à aucune circonscription administrative et qui continuent pourtant à exister dans la mentalité collective.
Ces identités ont traversé la Révolution française, la Restauration monarchique, deux Empires, cinq Républiques et elles survivront encore – soyons-en certains ! – à notre réforme administrative.
M. Jacques Mézard. Ce n’est pas sûr !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Vos amendements en commission ont en tout cas montré les deux sujets de divergence que vous avez avec l’Assemblée nationale : ils tiennent à votre opposition, d’une part, à la fusion entre les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées et, d’autre part, à la grande région Est.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Ces questions ont fait l’objet de débats intenses, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et les majorités qui se sont dégagées dans chacune des deux chambres ont transcendé les clivages partisans.
M. Jacques Mézard. Non, non !
M. André Vallini, secrétaire d'État. J’en veux pour preuve que la commission spéciale du Sénat avait voté cet été, en première lecture, un article prévoyant la fusion de Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace, ainsi que, avant même que l’Assemblée nationale ne l’adopte, la fusion entre Nord - Pas-de-Calais et Picardie.
Pour autant, et je veux le souligner, les deux chambres s’accordent sur le périmètre de onze des treize nouvelles régions proposées.
J’en viens au fameux droit d’option : la volonté du Gouvernement, vous le savez, a été de favoriser les fusions entre régions en évitant tout démembrement, mais cette approche doit bien sûr s’accompagner de la souplesse nécessaire.
C’est dans ce cadre que s’est posée la question du transfert d’un département d’une région à une autre. Je sais toute l’importance que le Sénat accorde à cette question. Il nous faut donc trouver, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, un équilibre subtil entre la stabilité nécessaire du nouveau découpage et la flexibilité indispensable pour satisfaire des aspirations locales.
La solution à laquelle est parvenue l’Assemblée nationale nous semble répondre à ces critères.
M. Jacques Mézard. Non !
M. André Vallini, secrétaire d'État. En effet, avec la suppression de l’obligation de tenir trois consultations référendaires locales, une pour chacune des collectivités concernées – consultations qui étaient assorties de surcroît d’exigences de participation électorale minimale –, nous apportons un assouplissement significatif au droit d’option. (M. Jacques Mézard s’esclaffe.)
Vous retenez le principe de délibérations concordantes pour la région d’accueil et le département de départ à la majorité des trois cinquièmes, mais vous considérez que la région d’origine peut seulement s’opposer au transfert du département en question à la majorité qualifiée.
Pour notre part, nous estimons que cette disposition ne respecte pas le principe de libre administration des collectivités territoriales (M. Jacques Mézard s’exclame.), et il ne nous paraît ni possible ni souhaitable que le pouvoir réglementaire puisse modifier le périmètre d’une collectivité sans que celle-ci l’ait approuvé à une majorité qualifiée.
M. Jacques Mézard. Et voilà : c'est le verrou !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Là où l’empreinte du Sénat sur ce texte aura été la plus forte, c’est incontestablement sur la question de la représentation des territoires ruraux. Dès la première lecture, vous aviez exprimé votre volonté que la représentation de ces territoires ne soit pas affaiblie par la réforme de la carte régionale.
Le Gouvernement partage cette préoccupation, mais, vous le savez, nous sommes tenus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’égalité du suffrage : le rapport entre le nombre d’élus et la population représentée ne peut varier que dans d’étroites limites au sein d’une même assemblée.
À la suite d’un travail très approfondi mené avec le rapporteur François-Noël Buffet, dont je veux saluer l’implication, nous avons pu défendre, à l’Assemblée nationale, un amendement qui permet de répondre à vos préoccupations : un nouveau plancher de quatre représentants est fixé pour les départements au-delà de 100 000 habitants. Cette disposition bénéficie notamment à l’Ariège, aux Hautes-Alpes, au Cantal, à la Creuse et aux Alpes-de-Haute-Provence, sans que quoi que ce soit retiré à la Lozère, avec le maintien de deux représentants minimum .
Je crois que nous sommes ainsi allés aussi loin que la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel le permettent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si toutes les propositions émanant de la Haute Assemblée n’ont pas été retenues,…
M. Jacques Mézard. Aucune !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … le Gouvernement et les deux chambres ont convergé, à défaut de toujours se rejoindre, sur les grands axes de cette réforme.
Comme la plupart d’entre vous, je suis un élu local. Il m’est souvent arrivé d’être irrité par l’enchevêtrement des compétences, la dilution des responsabilités, la dispersion des crédits.
Depuis longtemps, je souhaite donc, comme vous, qu’une nouvelle phase de réformes permette de moderniser notre organisation territoriale, pour la rendre plus lisible et plus efficace. C’est l’objet de ce texte, comme de celui qui viendra demain en discussion devant vous.
M. Philippe Dallier. Quelle vision optimiste des choses !
M. Jacques Mézard. Plutôt de l’aveuglement !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Quant à la méthode, je connais les reproches qui ont été faits à ce texte ici il y a quelques mois, lors des deux premières lectures, notamment sur le calendrier et sur la rapidité avec laquelle cette réforme a été faite. Mais, franchement, pensez-vous que six mois de plus, ou même un an, auraient empêché que l’on se heurte aux mêmes problèmes à l’est comme à l’ouest, au nord comme au sud ?
Les rapports se sont multipliés depuis quinze ans : Mauroy en 2000, Balladur en 2008, Raffarin-Krattinger il y a quelques mois, Lambert-Malvy, et d’autres encore ! Le débat a eu lieu, dans nos régions et nos départements, dans la presse quotidienne régionale comme dans l’opinion, avec des sondages, des débats, des tribunes : tout a été dit, et au Sénat plus qu’ailleurs !
Alors, au moment où nous entamons l’avant-dernière étape de la procédure parlementaire, j’aimerais inviter chacun à mesurer la portée historique de notre travail.
C’est toujours en réformant son organisation que la France a avancé.
À la fin du Moyen Âge, pour affermir la monarchie face aux féodalités, la France, avec Philippe Auguste puis Philippe le Bel, a créé l’État.
Au tournant de la Révolution, pour affirmer partout l’État, la France a, avec les Jacobins puis avec Bonaparte, unifié les territoires de la République.
À la fin du XIXe siècle, pour consolider la République, la France, avec Léon Gambetta et Jules Ferry, a inventé la démocratie locale.
Après l’alternance de 1981, pour renforcer la démocratie locale, la France a fait, avec François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, la décentralisation.
C’est une nouvelle page de cette histoire qu’il nous revient d’écrire ensemble aujourd’hui et je remercie le Sénat d’y apporter sa précieuse contribution. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, ce projet de loi est donc examiné pour la dernière fois par notre Haute Assemblée, au terme d’un parcours législatif on ne peut plus chaotique, ponctué de débats passionnés tout autant que passionnels. À cet instant, il convient de dresser un bilan du travail effectué par le Sénat et de faire le point sur l’état du texte.
Tout d’abord, nous avons rétabli l’article 1er A, que l'Assemblée nationale a supprimé en première et en deuxième lectures, suppression qu’elle a confirmée en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire infructueuse.
Or le Sénat souhaitait fortement maintenir cet article, qui rappelle les principes directeurs de notre organisation décentralisée. Nous tenons en effet à dire de façon tout à fait formelle notre attachement à l’organisation de nos territoires et à ses structures.
Sur la carte régionale, c'est-à-dire les articles 1er et 2 de ce projet de loi, la région initialement proposée par le Gouvernement, regroupant les trois régions Centre, Limousin et Poitou-Charentes n’a pas été retenue.
Certaines fusions consensuelles, comme, d’une part, celles de Basse-Normandie et de Haute-Normandie et, d’autre part, celle de Bourgogne et de Franche-Comté, ont finalement été adoptées.
La délimitation de la région Centre n’a pas été remise en cause, mais son nom a été changé au profit de « Centre-Val de Loire » (Mme Jacqueline Gourault applaudit.), plus évocateur de la réalité géographique de cette région, à la suite d’un amendement adopté par notre Haute Assemblée en deuxième lecture, sur l’initiative de nos collègues Jean-Pierre Sueur, Jacqueline Gourault et Éric Doligé.
Ces régions serviront de cadre pour les élections régionales de 2015, ce qui a, d'ailleurs, fait l’objet d’un accord dès la première lecture.
Restent deux divergences sur les limites régionales.
La première porte sur le fait que l’Alsace a été réunie à la Champagne-Ardenne et à la Lorraine. Nous savons que ce sujet fait débat au Sénat, celui-ci ayant réaffirmé sa volonté de voir maintenu le projet alsacien engagé depuis de longs mois. Cette volonté, nous la réaffirmerons ! (Mme Catherine Troendlé applaudit.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La seconde divergence concerne le regroupement, voté par l’Assemblée nationale, des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
M. Roland Courteau. Il faut s’en réjouir !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le Sénat avait, sur cette question, un point de vue différent, qu’il avait traduit dans le projet de loi à l’occasion de la première et de la deuxième lecture. Nous proposerons que le texte soit rétabli en ce sens.
Sur l’évolution des limites territoriales, singulièrement sur les dispositions de l’article 3, le Sénat a supprimé le recours obligatoire au référendum pour faire évoluer les délimitations des régions et des départements, à la faveur de l’amendement de M. Michel Delebarre, rapporteur du texte en première lecture, ce que l’Assemblée nationale a, d'ailleurs, accepté dès cette première lecture.
Le Sénat a souhaité permettre la fusion des départements, ce qui répond à des attentes locales, comme en Savoie. L’Assemblée nationale a finalement accepté cette possibilité, en deuxième lecture.
Pour l’exercice du « droit d’option », un accord existe entre les deux assemblées sur la nécessité d’une majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la décision étant suffisamment importante pour requérir une majorité plus large que les délibérations ordinaires. La réunion d’une majorité qualifiée permettra de garantir fortement la volonté réelle des élus de réaliser ces fusions.
M. Jacques Mézard. Oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En revanche, un désaccord persiste sur le sens devant être donné à l’avis que doit exprimer la région d’origine : le Sénat souhaite que celle-ci dispose d’une faculté d’opposition, tandis que l’Assemblée nationale considère que son consentement doit être requis. En la circonstance, la position sénatoriale nous paraît plus souple et ouvrir plus de possibilités que celle de l’Assemblée nationale, qui nous semble beaucoup plus fermée.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’Assemblée nationale s’est ralliée, pour l’essentiel, à la disposition permettant de rendre ce « droit d’option » plus opérationnel en matière électorale : la répartition des sièges de conseiller régional et des candidats par section départementale pourrait exceptionnellement s’opérer par voie réglementaire, selon une formule fixée par le législateur dont le président de notre commission des lois, M. Philippe Bas, a été à l’initiative, à l’occasion de la deuxième lecture.
Au travers des articles 5 et 12, le Sénat et l’Assemblée nationale ont prévu les dispositions électorales nécessaires à la mise en place, en 2015, de la métropole de Lyon, laquelle formera une section départementale pour l’élection des conseillers régionaux d’Auvergne - Rhône-Alpes. Les mandats des conseillers généraux élus, pour le département du Rhône, dans des cantons compris exclusivement sur l’emprise de la métropole de Lyon cesseront également à cette date.
En outre, je rappelle, s’il en était besoin, que le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté, en deuxième lecture, le même calendrier électoral, qui fait l’objet de l’article 12. Les dates des prochaines élections départementales ont été fixées au mois de mars prochain, les élections régionales, en décembre 2015, et le renouvellement général suivant, au mois de mars 2021.
Enfin, le Sénat a beaucoup travaillé sur le nombre minimal de conseillers régionaux par département, sujet important, qui fait l’objet de l’article 7. En nouvelle lecture, la commission spéciale a approuvé la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption de deux amendements identiques, déposés par nos collègues députés Alain Calmette et Roger-Gérard Schwartzenberg et sur lesquels la commission des lois et le Gouvernement ont émis un avis favorable. Je veux dire que le Sénat n’est pas pour rien dans cette rédaction, à laquelle nos collaborateurs ont participé.
Le Sénat avait fixé ce nombre à « au moins cinq » et l’Assemblée nationale à « au moins deux ». La rédaction proposée retient au moins deux représentants pour les départements comptant moins de 100 000 habitants et au moins quatre pour les autres départements. Cette formule présente l’avantage de respecter la Constitution, alors qu’il était communément admis que la solution précédemment votée par notre Haute Assemblée, si elle se justifiait sur le fond, posait un problème constitutionnel.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale sur ce point garantit une représentation à la fois démographique et territoriale, conformément à ce que nous souhaitons. Par conséquent, je vous proposerai de le voter, ce qui marquerait un consensus très fort. (Protestations sur les travées du RDSE.)
Je rappelle que le Sénat maintiendra l’écrêtement de 10 % des effectifs des conseillers régionaux, à l’exception de ceux de l’Île-de-France, région dont le périmètre ne change pas.
M. Philippe Dallier. Merci !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Certes, ses effets financiers seront limités, mais cette mesure symbolique suffit à marquer notre volonté de participer, autant que faire se peut, au travers du texte, aux efforts d’économies. Les signes comptent !
Pour terminer, je veux remercier le président et l’ensemble des membres de la commission spéciale qui ont participé à la préparation de ce texte, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour débattre, pour la troisième fois, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Vous vous en souvenez, en première lecture – c’était en juillet dernier –, le Sénat n’avait malheureusement pas abordé le fond du texte. En effet, nous avions alors subi de multiples manœuvres d’évitement (M. Jacques Mézard et Mme Catherine Troendlé protestent.), ayant abouti à ce que ce soit l’Assemblée nationale qui, en réalité, l’examine en premier lieu.
Heureusement, lors de la deuxième lecture, les élections sénatoriales, avec lesquelles le texte n’était pas sans lien, étaient derrière nous.
M. Philippe Dallier. Cela change tout ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Non ! Cela n’aurait rien changé !
M. Philippe Kaltenbach. Il semble que la nouvelle majorité sénatoriale soit alors revenue à une volonté de travail constructif.
Je tiens à l’en féliciter, puisque le texte, constructif, que nous avons adopté en novembre dernier témoigne de l’expertise du Sénat.
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
M. Philippe Kaltenbach. Bien sûr, nous n’étions pas d’accord sur tout, mais, au moins, nous avons pu avancer sur le fond des choses, ce qui est positif.
D'ailleurs, sur de nombreux points, un accord a finalement pu être trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Toutefois, sur la question essentielle de la délimitation des régions, qui constitue, en quelque sorte, le cœur du dispositif, un désaccord a subsisté entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, soutenu par la majorité des membres de l’Assemblée nationale ainsi que par les sénateurs socialistes, concernant deux régions.
Dans ces conditions, il était difficile de parvenir à un consensus, raison pour laquelle la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 27 novembre dernier, s’est soldée par un échec. Sa réunion a, d'ailleurs, été extrêmement brève,…
Mme Catherine Troendlé. Sept minutes !
M. Philippe Kaltenbach. … le rapporteur constatant d’emblée que la CMP ne pouvait déboucher sur un accord, puisque les visions continuaient de diverger sur les périmètres de la grande région Est, avec le cas alsacien, et de la région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Philippe Kaltenbach. Néanmoins, il faut noter que nous étions d’accord sur les onze autres grandes régions.
Mais, puisque nous examinons aujourd'hui ce texte pour la troisième fois, nous devons avancer encore.
Les sénateurs socialistes continuent de défendre l’idée d’une carte à treize régions.
Mme Catherine Troendlé. C’est dommage !
M. Philippe Kaltenbach. En effet, nous voulons des régions fortes, sur le plan démographique, pour mieux répondre aux défis du développement économique de nos territoires.
Les régions de la carte adoptée par l’Assemblée nationale, que le groupe socialiste du Sénat soutient, comptent, désormais, en moyenne, un peu plus de 4 millions d’habitants en moyenne. L’évolution est importante, puisque, aujourd'hui, la population des régions métropolitaines s’établit, en moyenne, à quelque 2,5 millions d’habitants. L’effort entrepris en matière de regroupement et de simplification est donc significatif.
Reste le cas des deux régions sur lesquelles un accord n’a pu être trouvé, qui sera largement évoqué dans la suite du débat. Beaucoup de sénateurs alsaciens s’exprimeront après moi à cette tribune pour défendre l’idée que l’Alsace doit rester seule. Je dois dire que je n’ai pas été convaincu par leurs arguments. Bien sûr, nous aimons tous beaucoup l’Alsace, mais nous savons aussi que celle-ci ne compte que deux départements et 1,8 million d’habitants : on est très loin de la moyenne des grandes régions qui seront créées !
Mme Catherine Troendlé. Il n'y a pas que la démographie !
M. Philippe Kaltenbach. Aussi, pour quels motifs devions-nous soustraire la région Alsace à un ensemble législatif cohérent ? Nous voulons de grandes régions, des régions fortes,…
Mme Catherine Troendlé. L’Alsace est forte !
M. Philippe Kaltenbach. … des régions dotées de la compétence économique.
Pourquoi faire un cas particulier de l’Alsace ?
M. Jacques Mézard. Et la Bretagne ?
M. Philippe Kaltenbach. Je le répète, la carte doit être cohérente sur le plan national.
En outre, malgré les réticences qui ont pu être exprimées, aussi bien dans cet hémicycle qu’à l’occasion de diverses manifestations organisées sur le terrain, il est de l’intérêt de l’Alsace d’être intégrée dans la future grande région Est,…
Mme Catherine Troendlé. Certainement pas !
M. Philippe Kaltenbach. … dont Strasbourg serait la capitale. S’il est vrai que l’identité alsacienne est forte, les Alsaciens pourront se saisir de la possibilité de regrouper les départements qui a été ouverte. Nous pourrions alors avoir un grand département de l’Alsace.
M. Guy-Dominique Kennel. Pour quelles économies ?
M. Philippe Kaltenbach. Au reste, celui-ci bénéficierait du dispositif, voté grâce aux sénateurs socialistes, permettant de maintenir l’intégralité de la dotation globale de fonctionnement de deux départements qui fusionnent.
Ce petit avantage financier devrait conforter les volontés de rassemblement de départements. Le secrétaire d'État a évoqué la Savoie, mais on peut également envisager qu’il y ait, demain, un grand département de l’Alsace.
J’attire également votre attention sur la grande région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, que nous souhaitons instaurer, bien qu’elle fasse débat.
M. Alain Bertrand. Est-ce cela, votre cohérence ? Aujourd'hui, le Languedoc-Roussillon compte déjà 3 millions d’habitants !
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur Bertrand, vous aurez l’occasion de vous exprimer ! Quant à moi, j’exprime la position du groupe socialiste.
Si l’on veut que, demain, les régions jouent un rôle économique puissant, si l’on veut qu’elles soient des locomotives, si l’on veut qu’elles puissent aider les entreprises, notamment les PME, et accompagner la compétitivité nécessaire à la reprise économique du pays, elles doivent être fortes.
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Catherine Troendlé. C’est le cas !
M. Philippe Kaltenbach. C’est cette volonté qui a conduit le Gouvernement à regrouper les régions.
Même si cette raison n’a pas été évoquée, la réforme de la carte des régions a également vocation à accompagner le mouvement d’urbanisation à l’œuvre en France depuis plusieurs décennies. Nous le savons, 60 % des Français vivent aujourd'hui dans de grandes aires urbaines. Nous avons tenu compte de cette évolution, l’an dernier, avec la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui a permis la création des métropoles de Paris, Lyon et Marseille, mais également la création de métropoles régionales.
M. Philippe Dallier. On verra ce qu’il en restera !
M. Alain Bertrand. Pour les métropoles, on sait trouver des solutions ! Il en va autrement de la ruralité…
M. Philippe Kaltenbach. Dans un souci de cohérence et d’efficacité, le périmètre des régions devait s’adapter à ces métropoles, dans l’intérêt de celles-ci, qui seront ainsi dotées d’une aire économique à même de les soutenir, mais aussi dans l’intérêt des autres territoires, qui bénéficieront de la locomotive métropolitaine. Les territoires les plus fragilisés et les plus ruraux des futures grandes régions pourront bénéficier de la dynamique ainsi créée et être « tirés » par les métropoles.
Comme l’a dit M. le secrétaire d'État, la carte parfaite n’existe pas. Nous sommes beaucoup à être de cet avis ! D'ailleurs, si chacun d’entre nous avait dû proposer sa propre carte des régions, il n’est pas certain que beaucoup de cartes auraient coïncidé.
Les débats ont été longs. J’ai entendu, ici ou là, qu’il n'y avait pas eu de concertation.
M. Jacques Mézard. Il n’y a eu aucune concertation !
M. Philippe Kaltenbach. Pourtant, voilà de très nombreux mois que nous discutons de la nouvelle carte des régions, et à Paris, et en région !
M. Jacques Mézard. Où, en région ?
M. Philippe Kaltenbach. La discussion a eu lieu partout et chacun a pu avancer ses arguments. Désormais, il faut choisir !
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Philippe Kaltenbach. Et, bien sûr, c’est au Parlement qu’il revient de le faire.
À cet égard, les sénateurs socialistes estiment que la carte à treize régions est la meilleure et la plus consensuelle possible.
J’observe d’ailleurs, sans vouloir enfoncer le couteau dans la plaie, chers collègues représentant l’Alsace, que de nombreux sénateurs UMP des régions Champagne-Ardenne et Lorraine ont déposé un amendement par lequel ils revendiquent aussi l’existence d’une grande région composée de la Champagne-Ardenne, de la Lorraine et de l’Alsace. Cela démontre que les clivages partisans ont pu être dépassés sur certains aspects de ce découpage régional.
Mme Catherine Troendlé. Ils se sont trompés !
M. Philippe Kaltenbach. Nous avons donc recherché le consensus le plus large et, grâce aux débats, qui ont été fournis, nous sommes parvenus à une carte me semblant être porteuse d’avenir pour le pays.
Je souhaite maintenant insister sur deux points, susceptibles de nous rassembler sur pratiquement toutes les travées.
Le premier point concerne la représentation des territoires les plus ruraux.
À l’unanimité ou presque, et sur l’initiative, notamment, de Jacques Mézard, que je salue, nous avions approuvé cette idée qu’il fallait un minimum de cinq conseillers régionaux par département. Après discussions à l’Assemblée nationale, un compromis a pu, semble-t-il, être trouvé avec le Gouvernement, garantissant que la mesure ne sera pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel.
La solution arrêtée assure aux départements comptant moins de 100 000 habitants un minimum de deux conseillers régionaux.
M. Jacques Mézard. Un seul département est concerné !
M. Philippe Kaltenbach. Effectivement – j’en prends à témoin notre collègue Alain Bertrand –, un seul département est concerné : la Lozère, qui compte environ 70 000 habitants et se verra garantir, indépendamment des circonstances, deux postes de conseiller régional.
M. Alain Bertrand. Ce n’est pas conforme à la Constitution !
M. Philippe Kaltenbach. Les autres départements, comptant donc plus de 100 000 habitants, seront assurés de quatre sièges de conseiller régional. Bien évidemment, ces sièges supplémentaires bénéficieraient plus particulièrement à des départements dont la population avoisine 100 000 habitants, parmi lesquels le Cantal - département cher à Jacques Mézard -,…
M. Jacques Mézard. Vous l’avez assassiné !
M. Philippe Kaltenbach. … l’Ariège, la Creuse, les Hautes-Alpes ou encore les Alpes-de-Haute-Provence.
Certes, ces seuils sont inférieurs à ce que nous souhaitions, puisque nous avions fixé un minimum de cinq conseillers régionaux. Pour autant, c’est toujours mieux que les résultats que ces départements obtiendraient peut-être si la loi était appliquée en l’état : la Lozère pourrait ne compter aucun conseiller régional et le Cantal n’en compter qu’un ou deux !
Ces avancées doivent donc être saluées, et ce, surtout, parce qu’elles ne risquent pas de subir les foudres du Conseil constitutionnel. Nous sommes effectivement tenus par le fameux tunnel des 20 % – nous ne le connaissons que trop bien ! – qui s’impose à nous en matière de découpage cantonal. Il serait hasardeux, je pense, de ne pas respecter cette disposition.
M. Alain Bertrand. La Lozère est un sous-territoire, et nous sommes des sous-citoyens !
M. Philippe Kaltenbach. Vous avez la garantie de disposer de deux sièges de conseiller régional, mon cher collègue, et il faut bien tenir compte du Conseil constitutionnel et de sa jurisprudence !
M. Alain Bertrand. Le Conseil constitutionnel n’est pas élu !
M. Philippe Kaltenbach. Peut-être n’est-il pas élu, mais nous devons respecter sa jurisprudence !
Quoi qu’il en soit, tout cela permet de progresser. Faudra-t-il envisager, demain, d’autres avancées ? Pourquoi pas ! Mais, dans ce cas, peut-être faudra-t-il aussi changer la Constitution !
M. Alain Bertrand. Que le groupe socialiste vote cela est indigne !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, seul M. Philippe Kaltenbach a la parole !
M. Philippe Kaltenbach. Le second point, dont nous avons beaucoup débattu et sur lequel nous sommes parvenus à un accord, est celui du droit d’option.
C’est de manière tout à fait consensuelle que nous avions adopté, ici, au Sénat, un droit d’option avec une double majorité qualifiée fixée à 60 %. Cette majorité qualifiée - 60 % des membres du conseil départemental du département souhaitant passer d’une région à une autre et 60 % des membres du conseil régional de la région d’accueil - ne soulevait pas de difficulté. En revanche, une divergence subsiste quant au vote de la région de départ.
Au Sénat, nous nous accordons tous sur un droit de veto permettant à la région d’appartenance du département de s’opposer au départ, à une majorité qualifiée. Les sénateurs socialistes souhaitent rester sur cette position, d’ailleurs retenue en commission spéciale ; les députés défendent, quant à eux, l’idée que la région de départ doit donner son accord, également à la majorité qualifiée.
Notre position m’apparaît plus souple. Elle prend mieux en compte les réalités et doit permettre à un département qui, à une large majorité de ses représentants, souhaite changer de région d’évoluer plus facilement.
Pourrons-nous, en continuant à travailler avec l’Assemblée nationale, faire bouger sa position à l’occasion de la quatrième lecture du projet de loi, qui aura lieu dans quelques jours ? Nous l’espérons !
Mme Catherine Troendlé. Ce serait bien !
M. Philippe Kaltenbach. Je vous le dis sans détour, madame Troendlé : j’ai peu d’espoir sur la carte… (Sourires.)
Il faut se faire à l’idée que la carte demeurera composée de treize régions ! En revanche, il est encore possible que l’Assemblée nationale évolue sur le droit d’option, ce qui serait perçu positivement sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, mais également par les collectivités locales.
En effet, si l’on accorde un droit d’option, il faut tout de même que celui-ci, même très encadré, soit effectif. Avec un mécanisme comportant trop de verrous, il sera difficile pour un département de passer d’une région à l’autre. Nous avons proposé des ouvertures et, désormais, la balle est dans le camp de l’Assemblée nationale !
Pour conclure, mes chers collègues, je constate qu’après un départ particulièrement désastreux pour l’image du Sénat,…
M. Jacques Mézard. C’est vous qui êtes désastreux !
M. Philippe Kaltenbach. … nous avons réussi à travailler ensemble pour faire évoluer la position de notre assemblée sur la carte et apporter des modifications au projet de loi dans son ensemble.
Les évolutions ont concerné différents aspects : j’ai évoqué le droit d’option et la représentation des territoires ruraux ; le rapporteur de la commission spéciale a fait état de nombreux points sur lesquels nous avons pu trouver un accord avec l’Assemblée nationale.
Cela montre tout l’intérêt de ne pas demeurer dans des postures…
Mme Catherine Troendlé. Il ne s’agit pas de postures !
M. Philippe Kaltenbach.… et d’aborder le fond des textes, en travaillant concrètement pour que les positions puissent s’harmoniser !
Je note, à cet égard, que, même sur la date des élections, une question engendrant fréquemment des clivages, surtout lorsqu’il s’agit de reporter lesdites élections - on sait à quel point l’opposition a tendance à vilipender tout gouvernement envisageant de décaler un rendez-vous électoral -, nous avons pu trouver un terrain d’entente. Les élections régionales ont ainsi été renvoyées à décembre 2015.
Ainsi, par la discussion, nous parvenons à élaborer des textes prenant en compte la position des différents groupes présents, ici, dans notre Haute Assemblée, mais également à être à l’écoute des territoires.
Je crois donc, mes chers collègues, que nous avons bien travaillé sur ce projet de loi. Cela étant, il est probable que la position de la commission spéciale sera suivie par notre Haute Assemblée et, en conséquence, comme en seconde lecture, le groupe socialiste s’abstiendra. Nous sommes vraiment attachés à une carte comportant treize régions et ne souhaitons pas voir le nombre de régions porté à quinze. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour la troisième fois consécutive, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Le débat sur l’organisation territoriale de notre pays, il faut le souligner, continue de se dérouler dans des conditions critiquables – mais, contrairement à ce que vous avez déclaré, monsieur Kaltenbach, pas désastreuses !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Absolument !
Mme Éliane Assassi. Oui, les conditions de ce débat sont critiquables, et sur plusieurs points.
Premier motif de critique, la confusion entretenue sur cette réforme qui, scindée en plusieurs textes, amenée par touches successives, a fini par devenir illisible pour les citoyens et même pour beaucoup d’élus de notre pays – je suis en mesure de le dire, pour mener de nombreuses initiatives avec eux, en particulier dans mon département.
Deuxième motif de critique, tout cela s’est construit sans un acteur majeur de toute réforme : le peuple, le peuple de France ! Au moment où les citoyens aspirent à être davantage associés aux décisions prises pour leur avenir, et comme vous vous l’avez vous-même redit, monsieur le secrétaire d’État, toutes les mesures existantes en matière de consultations ou de référendums, y compris dans les projets de loi, ont été écartées au profit de décisions prises par des élus.
C’est donc un rendez-vous manqué, à l’heure où nos concitoyens perdent confiance en leurs élus !
Précipiter cette réforme sans consulter le peuple est, selon nous, le symptôme de la poursuite des attaques portées contre la République. Cela dénote un certain mépris pour la démocratie et la souveraineté populaire, et une soumission - que le Gouvernement veille l’entendre ou non - à la seule volonté d’une Commission européenne qui, favorable aux régions et à l’austérité, a pour ambition de dissoudre le cadre national pour faciliter la circulation des capitaux et des travailleurs sans droit !
Cette réforme s’inscrit dans la « droite ligne », c’est le cas de le dire, de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a engagé le morcellement de la République, guidée par une politique libérale dont l’objectif était d’opérer de vastes transferts d’activités publiques rentables vers le secteur privé et de diminuer considérablement les dépenses publiques.
Elle se situe dans la continuité des réformes engagées sous le quinquennat du président Nicolas Sarkozy, réformes animées par le désengagement financier et politique de l’État, sans contrepartie ni garantie d’égalité, avec, pour méthode, la mise en compétition « à la libérale » des territoires.
J’ai pourtant souvenir – et ce n’est pas si ancien - que la gauche tout entière avait combattu la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
M. Michel Mercier. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Or, depuis l’élection de cette même gauche et son arrivée au pouvoir, il n’a été question ni d’abroger cette réforme de Nicolas Sarkozy, et ce malgré les promesses faites, ni même de la détricoter ! Certains oublient facilement les engagements d’hier…
Bien évidemment, on s’est occupé du conseiller territorial, qui remplaçait les conseillers généraux et régionaux.
M. Michel Mercier. C’était une bonne réforme !
Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point, monsieur Mercier… D’une certaine manière, cela me rassure !
Donc, seul le conseiller territorial a été supprimé, du fait de l’adoption d’une proposition de loi déposée par notre groupe au Sénat.
Ainsi la réforme de François Hollande approfondit-elle la logique libérale plus étroitement encore !
Somme toute, il est légitime de vouloir éventuellement modifier l’organisation territoriale, mais cette modification doit s’accompagner d’une amélioration de la vie de nos concitoyens. S’il n’apparaît pas évident pour certains, ce point est très important pour nous.
N’est-ce pas là l’objectif principal qui doit guider cette réforme et même toute réforme ?
Les nouvelles régions ne devraient-elles pas contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales ? Le seul projet qui nous a été proposé est fondé sur l’argument, repris encore aujourd'hui, d’une attractivité accrue pour de grandes régions, dont la puissance devrait permettre de résoudre les problèmes. Nous savons bien qu’il n’en est rien !
L’Île-de-France est, en la matière, l’exemple le plus criant. Région puissante, c’est aussi la région dans laquelle les inégalités sociales et territoriales sont les plus marquées et continuent de se creuser. La taille et la puissance ne règlent donc pas tous les problèmes.
M. Philippe Dallier. Mais la métropole, peut-être…
Mme Éliane Assassi. Par ailleurs, la réforme de François Hollande bafoue l’article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, prévoyant que les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés.
Le regroupement des régions a été dessiné sur un coin de table et s’apparente, permettez-moi l’expression, mes chers collègues, à du « marchandage de tapis ». C’est un recul démocratique majeur, symbole d’un refus de dialogue avec les élus et les citoyens, symbole aussi d’une forme d’autoritarisme à caractère technocratique !
Quant à la droite, qui, à l’occasion de la première lecture, s’offusquait de la méthode employée, elle fait aujourd’hui alliance avec le parti socialiste pour ôter tout pouvoir d’intervention aux citoyens dans ce processus de modification des territoires de la République.
La droite sénatoriale n’a-t-elle pas voté, en première lecture, la motion référendaire demandant l’organisation d’un référendum sur ce texte de loi ? Simple position d’affichage ou manifestation d’une forme de « schizophrénie » ?
L’UMP et le PS sont en parfaite adéquation sur le fond de ce texte et les objectifs fixés, comme M. Kaltenbach l’a partiellement expliqué encore à l’instant. Cette entente montre qu’il est plus fait appel à des réflexes identitaires ou protectionnistes qu’à l’intérêt général - contrairement à la musique que j’entends trop souvent, ce n’est pas du tout dans nos pratiques. À ce niveau, on peut constater l’influence des « baronnies » régionales ! C’est particulièrement vrai pour l’Alsace, dont les élus exercent une certaine pression au nom d’enjeux n’ayant rien à voir avec l’intérêt général !
Mme Catherine Troendlé. Bien sûr que si !
Mme Éliane Assassi. C’est ici que commence la mise en concurrence des territoires !
M. Guy-Dominique Kennel. C’est vous qui le dites !
Mme Éliane Assassi. Cette approche conduit à privilégier une réflexion sur les périmètres des territoires, exacerbant les égoïsmes locaux, plutôt que sur le fond des choses : les raisons et objectifs conduisant à revoir le redécoupage des régions.
Étant donné l’importance des enjeux liés au renforcement des futures régions – enjeux tout à fait avérés -, nous attendions que soient appréhendées et mesurées les conséquences d’une telle refonte de la délimitation des territoires régionaux sur les plans économique, social, culturel, financier et, bien entendu, institutionnel et juridique, sans oublier le développement durable.
Cette exigence avait d'ailleurs été pointée du doigt au regard de l’extrême indigence des éléments contenus dans l’étude d’impact.
Il n’en a rien été ! Nous avons pourtant appris depuis longtemps que, si ce travail préalable n’est pas fait, l’échec est assuré.
Avant d’organiser une nouvelle carte des régions, la logique aurait voulu que nous examinions en priorité les fonctions et les compétences de ces nouvelles collectivités régionales pour déterminer l’espace qu’elles devraient occuper.
Mme Catherine Troendlé. Oui !
M. Jean-Marie Bockel. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Avant de réfléchir aux périmètres de ces nouvelles institutions locales, il aurait fallu également s’interroger sur les moyens financiers et humains dont elles pourront disposer pour exercer leurs nouvelles compétences.
M. Philippe Dallier. C’est tout à fait vrai !
M. Henri Tandonnet. Là, vous avez raison !
Mme Éliane Assassi. Encore aurait-il fallu associer l’ensemble des forces sociales intéressées et organiser, j’y reviens, un véritable débat national tranché par une consultation populaire.
N’essayez pas de « cacher » aux citoyens que des régions de grande taille, disposant de compétences très élargies et d’un pouvoir réglementaire, portent le germe d’une organisation fédéraliste se substituant à notre République une et indivisible.
Avouez-le, derrière ce redécoupage des régions, sous couvert de renforcer l’attractivité de leur territoire, se cache un projet politique bien plus vaste, celui d’une réorganisation complète de notre République qui vise à faire disparaître bon nombre de collectivités locales.
Ce sera destructeur pour notre pacte social, destructeur pour notre pacte républicain.
Centralisatrice et inefficace, cette réforme va se traduire, en outre, par un véritable gaspillage des deniers publics. En effet, contrairement à la fable mille fois répétée par les partisans de ces « hyperrégions », les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous. La réorganisation des services, les transferts de compétences envisagés, l’harmonisation des régimes indemnitaires des personnels, la refonte de toute la communication institutionnelle et de la signalétique régionale, seront autant de surcoûts qui sont totalement passés sous silence aujourd’hui.
Pour notre part, nous restons attachés à l’organisation de notre République, à ses trois niveaux de collectivités, même si nous pensons que d’importantes modifications devraient être mises en œuvre pour en démocratiser toujours plus le fonctionnement, pour améliorer les services publics locaux, développer tous les partenariats possibles, pour monter des projets communs entre collectivités territoriales, dans le respect de toutes les parties prenantes, pour renforcer l’efficacité de l’action publique et toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population. Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas aussi archaïques que certains se plaisent à le dire !
Ce qui nous est présenté aujourd’hui, au nom du « parti du mouvement », ce fameux parti du mouvement, devrais-je dire, n’est qu’un mauvais « replâtrage » de notre monarchie républicaine, une Ve République bis, pire que la précédente par certains aspects.
Ce qui est devant nous, ce n’est pas la voie de la réforme, mais celle d’une contre-réforme centralisatrice, reniant le mouvement initié il y a trente ans par un gouvernement de gauche qui œuvrait alors pour une décentralisation démocratique au service d’un projet émancipateur.
Cette volonté politique, qui n’est plus portée par un certain nombre de nos collègues, nous anime toujours ; c'est la raison pour laquelle nous voterons une nouvelle fois contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi sur les fusions de région constitue pour nous l’un des pires exemples de la dérive de notre régime, au mépris de la démocratie parlementaire et de la démocratie tout simplement. (M. Michel Mercier s’exclame.)
Monsieur le secrétaire d’État, il fallait un exécuteur des mauvaises œuvres. Dois-je rappeler que ce texte ne résulte d’aucun programme, que rien n’avait préparé son annonce soudaine, en avril 2014 ? Il n’est en rien le fruit du rapport sénatorial Raffarin-Krattinger, comme certains ont osé l’affirmer ; les dénégations de nos deux collègues à ce titre sont claires, ce que nous avait d’ailleurs très fermement rappelé Yves Krattinger lors de la commission spéciale de juillet, je le cite : « Je ne trouve pas, dans le projet qui nous est proposé, de vision politique globale, lisible, claire ». Notre excellent ancien collègue socialiste ajoutait : « On ne peut pas dessiner la France des nouvelles régions en quelques heures, sur un coin de table » Et pourtant, vous le faites !
Ce texte, qui vise à bouleverser l’organisation territoriale, n’a été précédé d’aucune concertation – prétendre encore aujourd’hui le contraire est fallacieux –, d’aucune étude d’impact sérieuse ; il correspondait à un message médiatique consécutif à la débâcle des municipales.
La réforme territoriale méritait mieux que ce gâchis, cette absence totale de cohérence de texte en texte, de la loi MAPAM à la fusion des régions et au projet de loi NOTRe, du rétablissement de la clause de compétence générale à sa suppression, de l’annonce de l’élimination des départements puis des conseils généraux à leur maintien, le tout combiné avec l’arrivée du fameux binôme départemental, que nous avions ici été les premiers à condamner et dont aujourd’hui personne ne veut !
Quelle logique pouvait-il y avoir à découper de nouvelles régions avant de travailler sur leurs ressources financières et sur leurs compétences ?
Quelle logique, quand le découpage décidé ne tient nullement compte des bassins de vie,…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … de la géographie, de l’histoire, de la sociologie, de l’économie, mais repose essentiellement sur les diktats des grands hiérarques du parti majoritaire, lesquels préparent de fait le pouvoir exorbitant de leurs successeurs de l’opposition actuelle avec, pour couronner le tout, l’entrée en force de l’extrême droite, inéluctable, en conservant l’ancien mode électoral appliqué à de grandes régions ?
Beau travail, monsieur le secrétaire d’État !
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Ce découpage partisan, nul ne saurait le nier lorsque l’on constate le maintien de la Bretagne, le transfert en cours de débat du Limousin vers l’Aquitaine, à la demande du maire de Tulle, qui s’en est prévalu publiquement, l’accord évident entre le président de l’Aquitaine et celui de Midi-Pyrénées pour se partager les fiefs voisins…
Pauvre région Centre, qui reste toute seule agrandie du titre de « Val-de-Loire »…
M. Jean-Pierre Sueur. Elle s’en trouve très bien ainsi !
M. Jacques Mézard. Évidemment !... Ce qui est la démonstration, monsieur Sueur, qu’il ne s’agissait pas de fabriquer de grandes régions, puisque vous restez une petite région…
M. Jean-Pierre Sueur. Six départements, une région forte !
M. Jacques Mézard. … mais, il est vrai, avec de grands élus !
Mme Jacqueline Gourault. Merci !
M. Jacques Mézard. Comment ne pas revenir sur la procédure utilisée par l’exécutif pour déposer d’urgence ce projet de loi, le combat du mois de juillet du Sénat sur le rejet de la procédure accélérée par la conférence des présidents, à ma demande, la saisine du Conseil constitutionnel sur la squelettique étude d’impact, la motion référendaire, rappelée par Éliane Assassi ?
L’exécutif a reproché au Sénat d’avoir rendu une copie blanche. Si nous avions fait des propositions, nous dit-il, il en aurait été tenu compte. J’ai annoncé dès mes interventions de ce mois d’octobre que le Sénat allait rendre une copie complète, un travail constructif, des propositions raisonnables en acceptant le principe de la fusion des régions, mais j’ai aussi annoncé que le Gouvernement ne tiendrait strictement aucun compte du travail du Sénat.
Et c’est exactement le cas, dans la mesure où vous faites balayer par vos députés pratiquement toutes les propositions émanant du texte sénatorial : sur le nombre des régions, en refusant la proposition de l’Alsace ; sur le Languedoc-Roussillon, en persistant à vouloir le marier de force avec Midi-Pyrénées ; sur le droit d’option des départements, que vous supprimez de fait.
Unique atténuation due à la sagesse du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, seul à être sensible aux propositions du RDSE : la garantie de quatre conseillers régionaux par département – hélas, en écartant un seul département, la Lozère, ce qui constitue une discrimination lamentable. Il s’agit d’ailleurs d’une avancée symbolique, puisque j’ai calculé que mon département compterait cinq élus. Toutefois, il fallait un message. Vous l’avez au moins retenu partiellement. Je tiens d'ailleurs à remercier notre rapporteur, François-Noël Buffet, d’avoir tenu compte de la position que j’avais exprimée et d’avoir beaucoup travaillé à convaincre l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
Mais quel mépris à l’égard de la Haute Assemblée ! Le 12 juillet dernier, Mme la ministre Lebranchu répondait à la question d’actualité de notre regretté collègue Christian Bourquin : « Il va de soi que le Premier ministre laissera le débat au Sénat totalement ouvert ». Elle a dû confondre ouverture et cadenas !
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
M. Jacques Mézard. De fait, ce projet de loi est un affront à tout promoteur du débat démocratique.
Alors que, voilà quelques jours, le Président de la République déclarait vouloir qu’il soit recouru au référendum pour les projets locaux à la suite de l’affaire du barrage de Sivens, le Gouvernement a refusé de consulter même les collectivités locales concernées, régions et départements. Exit les demandes de l’Alsace. Exit le vote du conseil régional d’Auvergne. Je souris en écoutant l’actuel président de la région Auvergne, qui a d’ailleurs changé d’avis en quelques heures, s’opposant au départ à ce projet de fusion avant de le trouver aujourd’hui excellent, alors qu’ils n’étaient que 14 sur 47, au sein du conseil régional d’Auvergne, à approuver la fusion et qu’une majorité de députés de toutes sensibilités s’est exprimée contre.
Le comble du mépris de la représentation régionale, c’est le Languedoc-Roussillon, mais j’y reviendrai.
Le Sénat, sur la proposition du rapporteur et de notre groupe, a rejeté la fusion de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon. Sachez, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, que vous et moi avons été qualifiés dans les médias par le président Malvy d’avoir été « minables et médiocres ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Oh !
Mme Catherine Troendlé. C’est scandaleux !
M. Jacques Mézard. Voilà où mène l’excès de pouvoir des présidents de conseils régionaux, un pouvoir que le projet va encore conforter !
Mme Jacqueline Gourault. Jamais M. Mézard ne dirait cela !
Mme Catherine Troendlé. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Exactement, madame Gourault, je ne me le permettrais pas !
Le conseil régional du Languedoc-Roussillon a voté contre la fusion par 65 voix contre une, toutes sensibilités confondues. Le président Bourquin, notre collègue, était venu dans cet hémicycle, quelques semaines avant de décéder, lors de la séance de questions d’actualité du 12 juillet dernier, confirmer le regret absolu de cette fusion par son conseil régional. Pour ce qui est de la courtoisie à l’égard d’un homme qui venait exprimer un dernier cri, le Gouvernement ne s’est point illustré.
Oui, le Gouvernement a su profiter de la disparition de Georges Frêche, puis de Christian Bourquin pour perpétrer ce mauvais coup, contraire à toute l’histoire de ces deux régions. Il n’y a pas de place pour deux métropoles régionales dans la même région, monsieur le secrétaire d’État, région qui ira du Gard et de la Lozère jusqu’au nord du Lot. Ce n’est pas de l’aménagement du territoire. Imaginez la réaction de Georges Frêche face à un projet qui détruit son œuvre ! J’avais promis au président Bourquin de mener son combat jusqu’au bout ; je le fais avec fidélité et conviction.
Comment ne pas parler à ce moment des départements ruraux excentrés que ce projet va finir de marginaliser ? Vous créez des îles de l’intérieur, éloignées de Paris et tout autant, voire plus, des nouvelles métropoles régionales ; des départements dont la représentation tellement faible dans les nouveaux conseils régionaux étouffera définitivement l’expression et sans nul doute le développement. Mais je sais que cela intéresse peu le Gouvernement.
Quand j’entends vos représentants déclarer que la grande région Rhône - Alpes-Auvergne est tellement riche qu’elle nous fera nos routes et développera notre économie, je suis triste parce que je sais que c’est une tromperie. Dans un pays qui n’a jamais pu réaliser de liaisons transversales, éloigner encore plus nos territoires de la métropole régionale, c’est irresponsable.
Le Gouvernement sait que ces territoires crient à l’abandon, à l’injustice, d’où les déclarations sur l’égalité des territoires, mission confiée cyniquement, permettez-moi de le dire, au ministère du logement. Mais là, nous sommes dans la communication, pas dans le concret ni dans le lien avec le terrain, ce lien que vous détruisez avec les textes institutionnels que vous imposez sans concertation depuis deux ans : non-cumul – sauf pour les nouveaux grands conseillers régionaux -, absurde binôme départemental, projet de loi NOTRe et, demain, une partie de la loi Macron qui contribuera à vider les territoires ruraux…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … de ce qui leur reste de matière grise, de professions libérales et de cadres, au profit de structures financières logées à Paris et dans les métropoles.
Merci, monsieur le secrétaire d’État !
En revanche, ces textes aboutissent à éradiquer des sensibilités politiques telles que celles que j’ai l’honneur de représenter. Et votre parti a encore enfoncé le clou lors des dernières sénatoriales.
Encore merci !
Cela étant, vous aurez aussi contribué, monsieur le secrétaire d’État, à avancer à grands pas vers l’éradication de votre propre sensibilité. Je ne sais si vous nous suivrez ou nous précéderez dans la tombe…
M. Jean-Pierre Sueur. Dans la tombe ? Tout cela est un peu excessif !
M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, avec humilité, j’ai souvent une pensée affectueuse pour le président Monnerville ; je ne saurais mieux conclure qu’en vous citant quelques mots de son discours du 18 décembre 1968 sur le référendum de 1969 : « […] messieurs du Gouvernement, il vient un jour où les peuples, enfin éclairés, refusent de pardonner à ceux qui les ont abusés ». Gaston Monnerville rappelait ensuite le discours que prononça Clemenceau – cher au Premier ministre, Manuel Valls – en 1910, sur le Sénat : « Les événements m’ont appris qu’il fallait donner au peuple le temps de la réflexion. […] Le temps de la réflexion, c’est le Sénat ».
Je constate que vous avez malheureusement peu à faire de la réflexion du Sénat. En conséquence, c’est à l’unanimité que le groupe du RDSE votera le texte du Sénat et rejettera celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nos interventions, qu’il s’agisse de celles d’aujourd’hui ou des précédentes lectures, témoignent une fois de plus de l’absence de vision du Gouvernement dans sa démarche, comme vient de le souligner notre collègue Jacques Mézard avec talent.
Le Gouvernement a décidé, depuis le début, de mettre la charrue avant les bœufs, alors que la clarification des compétences, dont l’examen ne débutera que demain avec la discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République aurait dû être le point de départ de toute réforme.
Nous le regrettons vivement.
Surtout, je demeure convaincu qu’aucune réforme territoriale ne pourra produire pleinement ses effets sans une réforme en profondeur de l’État. C’est bien là un préalable indispensable ! Or je constate que l’exécutif semble bien peu enclin – au-delà des paroles – à faire bouger les lignes sur ce sujet...
Malgré toutes ces critiques, le Sénat a démontré, lors de ses travaux tant en commission spéciale qu’en séance publique, qu’il entendait s’impliquer de manière constructive dans ce processus de réforme. Nous avons ainsi apporté des modifications substantielles à ce texte, notamment sur le droit d’option, et établi une carte équilibrée et cohérente en rejetant, lors d’un vote sans appel, un amendement visant à réformer la trop grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, ou ALCA.
Malgré cela, le Gouvernement et la majorité socialiste continuent de se montrer complètement fermés, ne laissant aucune place au dialogue et au bon sens. On l’a compris, le Gouvernement veut imposer sa carte à treize régions. Dans ce contexte, la commission mixte paritaire n’avait aucune chance d’aboutir.
Cette attitude jusqu’au-boutiste est d’autant plus incompréhensible que la formation de cette région ALCA – aussi grande que la Belgique ! – repose sur des arguments méconnaissant les réalités historiques, culturelles, sociales et économiques de nos territoires.
On nous rétorque que l’Alsace ne pourrait rester seule, car elle n’atteindrait pas la fameuse « taille critique » – vous l’avez encore dit à l’instant, monsieur le secrétaire d’État. Or, si l’on regarde nos voisins, on constate qu’il n’y a pas d’optimum régional. Par ailleurs, quid de la Corse et de la Bretagne, inchangées ? L’argument ne tient pas... Plutôt qu’à la taille des régions, c’est à leur gouvernance qu’il fallait s’atteler, en leur donnant plus de marges de manœuvre afin qu’elles disposent des moyens nécessaires pour mener des politiques territoriales ambitieuses.
À cet égard, l’Alsace souhaite toujours s’inscrire dans une démarche innovante à travers une union des collectivités alsaciennes, dotée de compétences nouvelles, financées par des transferts de fiscalité. Cette expérimentation unique, qui répondrait aux objectifs de simplification et de proximité, pourrait servir d’exemple... Les trois assemblées départementales et régionale se sont largement prononcées en faveur de cette option. Dès lors, pourquoi bâillonner cette initiative ?
On nous rétorque ensuite que l’hostilité des Alsaciens à cette grande région serait synonyme de repli sur soi... C’est tout le contraire ! Une telle affirmation laisse transparaître un raisonnement purement hexagonal, faisant fi de la position de l’Alsace, au cœur de l’Europe. Nous nous sommes engagés depuis plusieurs années déjà – plusieurs décennies, même – dans une coopération transfrontalière dense et dynamique dans le bassin rhénan, avec nos voisins suisses et allemands.
La carte, telle qu’elle a été modifiée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Gouvernement, a été perçue comme une provocation par les Alsaciens, ce qui n’a pas manqué de susciter – hélas ! – la résurgence d’un discours autonomiste, pourtant ultra-marginal depuis soixante-dix ans. Bravo ! Beau succès ! Moi qui suis issu d’une famille qui, dès l’entre-deux-guerres, a combattu les autonomistes et a été combattue par eux de manière virulente, je ne pensais pas que notre génération connaîtrait cette résurgence. Que voilà un bel exploit, monsieur le secrétaire d’État !
Par ailleurs, le républicain que je suis, et comme nous le sommes tous, ne peut que déplorer les propos outranciers tenus à notre encontre par quelques-uns, originaires d’autres régions. Je mets ces propos, pour l’essentiel, sur le compte d’une profonde incompréhension, voire d’un vrai désarroi.
Comment le Gouvernement peut-il rester sourd à la mobilisation des Alsaciens, très inquiets ? Un redécoupage ne peut procéder de l’improvisation, alors même que notre pays a signé, rappelons-le, la charte européenne de l’autonomie locale, qui prévoit une consultation préalable à toute modification des limites territoriales locales...
Monsieur le secrétaire d’État, la méthode employée par le Gouvernement est inacceptable : on nous demande de nous prononcer sur le contenant avant le contenu, sans études d’impact dignes de ce nom. On veut nous imposer une nouvelle carte des régions sans concertation, sans prise en compte des identités. On refuse de prendre en considération les apports du Sénat, émanation des collectivités locales. Vraiment, tout cela est très dommageable et laissera des traces...
À l’heure de cette ultime lecture, dont l’issue ne laisse guère de place à l’optimisme, je regrette que l’Alsace apparaisse comme une variable d’ajustement et que la voix de la Haute Assemblée, la voix de l’assemblée des territoires, ne soit pas suffisamment écoutée.
Une démarche pleinement concertée eût été pourtant indispensable pour poser les jalons d’une réforme territoriale réussie. Mme Assassi a fait allusion aux lois de 1982 : je fais partie de ceux qui ont voté ces textes, et je n’en retrouve pas ici le souffle !
Monsieur le secrétaire d’État, qui sème le vent, récolte la tempête ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ici même, à cette tribune, le Premier ministre, il y a quelques semaines de cela, déclarait vouloir être à l’écoute des territoires et du Sénat, qui en est le représentant.
On sait ce qu’il est advenu. Ouvrant avec vingt minutes de retard la réunion de la commission mixte paritaire chargée sinon d’établir un texte commun, du moins de rapprocher les positions des deux assemblées, son président déclarait qu’il n’y avait pas lieu de siéger, car aucun rapprochement n’était possible !
Ainsi, l’Assemblée nationale a rétabli un texte semblable à celui qu’elle avait adopté en deuxième lecture, hormis la disposition – introduite par notre assemblée – concernant la représentation des petits départements au sein des conseils régionaux.
La commission spéciale du Sénat, dans la continuité de ses travaux antérieurs, a établi un texte reprenant ses positions afin, comme l’a rappelé le président Larcher lors du lancement de la conférence territoriale le 10 décembre dernier, de « porter d’une voix commune les attentes des collectivités locales »...
Tout cela me conduira à formuler trois observations sous forme de critiques.
La première critique tient à la méthode.
Jamais une réforme territoriale n’aura été élaborée avec autant de légèreté. Nul n’ignore ici avec quelle précipitation et quelle confusion ce projet a été conçu par le Gouvernement, afin de lui permettre de répondre à l’urgence médiatique et d’afficher, pour un temps, un visage réformateur. L’objectif était visiblement non pas de créer des territoires pertinents et cohérents, mais d’afficher la division par deux du nombre de régions. Voilà qui explique le refus d’écouter le Sénat et l’absence de concertation avec laquelle ce projet a été conduit.
Autre point choquant, cette réforme répond aux intérêts de quelques-uns et non à ceux de tous les territoires.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Dominique de Legge. Là encore, personne n’ignore que ce projet de loi a été décidé par quelques-uns, dans leur intérêt, à l’insu de tous les autres.
Cette « réforme d’en haut » est donc la parfaite illustration des contradictions du Gouvernement, partagé entre ses incantations girondines et ses réflexes jacobins. Or on ne peut pas à la fois, monsieur le secrétaire d’État, être girondin et jacobin, pousser les régions à se déployer et décider de tout à leur place, y compris du choix du siège de la capitale régionale.
Enfin, cette réforme s’inscrit dans une chronologie totalement incohérente. En effet, comment le Parlement peut-il examiner un projet de loi visant à délimiter les régions, alors même que nous ne savons rien des compétences de ces futures collectivités ?
Nous avions voulu, avec l’article 1er A, corriger cette incohérence en mettant en perspective chaque échelon de notre administration territoriale et, ce faisant, poser quelques principes sur les missions et fonctions de chacun d’eux. Mais vous l’avez refusé.
Cette initiative sénatoriale était d’autant plus fondée qu’elle venait tenter de conclure une période de cacophonie gouvernementale. Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État, de la clause de compétence générale : à peine avait-elle été rétablie dans le texte sur les métropoles, que Mme Lebranchu annonçait sa suppression. Souvenez-vous de la déclaration du président Hollande en janvier 2014 devant les Corréziens, affirmant que le département était l’échelon de proximité par essence, tandis que le Premier ministre annonçait sa suppression trois mois plus tard.
La délimitation des régions dépend étroitement du sort qui sera réservé plus tard aux départements. Il est inenvisageable de vouloir, dans le même temps, supprimer l’échelon départemental et diviser par deux le nombre des régions...
Débattre de la taille des régions avant de fixer leurs domaines d’intervention et refuser de préciser comment elles fonctionneront demain, en lien avec les autres collectivités territoriales – je vous le dis comme je le pense, monsieur le secrétaire d’État –, relève au mieux de l’amateurisme, au pire, je le crains, de l’incompétence notoire.
La deuxième critique tient aux principes qui guident ce texte.
Pourquoi cette fixation, cette obsession, sur la taille des régions, comme si c’était l’alpha et l’oméga de leur puissance et de leur efficacité ? Alors que toutes les études européennes contredisent l’idée que la taille fait la puissance, le Gouvernement n’a eu pour seul horizon que la taille de ces futures régions.
Ainsi cette réforme va-t-elle engendrer des régions sans logique territoriale, sans logique économique, sans logique démocratique, avec des élus encore un peu plus éloignés des territoires et des électeurs. Quant à l’argument des économies d’échelle, il a fait long feu ; même vous, vous n’osez le reprendre !
Venons-en maintenant aux compétences elles-mêmes. Alors que chacun s’accorde à dire que les régions doivent avoir des missions stratégiques, vous voulez leur confier des tâches de gestion qui, tout naturellement, seraient exercées de manière plus pertinente au niveau départemental, niveau que vous voulez supprimer – ou que vous vouliez supprimer, tant il est vrai que l’on ne sait plus vraiment ce que vous voulez ; d’ailleurs, le savez-vous vous-même ?
Je ne peux que regretter, une fois encore, votre refus de prendre en considération l’article 1er A, lequel avait au moins le mérite, à défaut de répondre à toutes les questions, de donner un cadre et une perspective.
Enfin, la troisième critique tient au fond du texte, je veux parler du cœur du dispositif, de cette nouvelle carte régionale ignorante des attentes comme des besoins !
Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir déjà dénoncé un découpage arbitraire, sourd aux réalités locales comme aux demandes des populations et des élus.
Cette volonté gouvernementale de proposer un texte qui institue un point de non-retour dans le découpage des régions est on ne peut plus antidémocratique. C’est pourquoi il est indispensable d’offrir la possibilité à deux départements de fusionner, et à un département de demander son rattachement à une autre région.
C’est ce que nous avons appelé le « droit d’option ». Quand vous avez écrit ce texte, pour vous, la cause était entendue : il n’y avait plus de départements et vous pouviez donc faire l’impasse sur cet échelon territorial. Vous vouliez jumeler des régions deux à deux – ou à trois –, mais refusiez d’imaginer que des départements puissent changer de région.
Nous avions ici, au Sénat, introduit un droit d’option qui permettait des évolutions. Mais, pour que ce droit d’option puisse fonctionner, encore fallait-il qu’il ne devienne pas un droit de veto. C’est en ce sens que nous avions assoupli les conditions dans lesquelles un département pouvait quitter une région pour en préférer une autre.
Alors que, pour ce qui est de quitter une région, il fallait que trois cinquièmes des membres des conseillers régionaux de la région de départ expriment un désaccord, vous avez préféré permettre à une minorité de blocage de deux cinquièmes de s’y opposer.
Vos discours sur la libre administration des collectivités territoriales, sur l’initiative locale, sur l’adaptation aux territoires, ou encore sur la concertation, se trouvent en totale contradiction avec vos actes. Je ne peux pas, à ce stade, ne pas évoquer le cas d’une région qui m’est chère : comme d’autres ont parlé ou parleront encore de l’Alsace, permettez-moi de dire deux mots de la Bretagne.
Alors que vous avez invoqué une taille critique de quatre à six millions d’habitants pour refuser à l’Alsace ce qu’elle souhaitait, vous n’êtes pas du tout gêné de laisser la région Bretagne à quatre départements, avec trois millions d’habitants. Où est la logique ?
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Philippe Dallier. Très bien !
M. Dominique de Legge. Ce qui serait vrai dans un cas ne le serait pas dans l’autre ? Cela montre bien l’arbitraire total qui règne dans cette affaire.
Arbitraire d’autant plus grave, monsieur le secrétaire d’État, que, depuis vingt ans, avec des majorités successives et différentes, cette région vote des vœux pour retrouver son périmètre historique. Et, parmi les défenseurs de ces vœux, figurent deux de vos collègues ministres, dont celui qui est en charge de la décentralisation… Ce double langage, l’un à Rennes, l’autre à Paris, est à proprement parler insupportable et inacceptable !
La solution retenue pour la Bretagne est la plus mauvaise qui soit. Vous en faites la région la plus petite de France, la plus périphérique, et vous ne réglez pas le problème de ses limites géographiques !
La carte que vous défendez tout comme la manière dont vous avez abordé ce débat sont révélatrices de votre mépris des territoires, sacrifiés sur l’autel des petits arrangements entre amis, pour permettre à certains de conserver leurs féodalités. Leurs auteurs, et ceux qui cautionnent de tels arrangements, n’en sortent pas grandis ; ils participent du discrédit qui touche trop souvent la classe politique.
Dans un contexte de mondialisation et de crise économique et financière, plus personne, à l’exception des extrêmes, ne conteste la nécessité de réformer. Cela vient d’être souligné, le préalable à toute véritable réforme, à toute décentralisation véritable, c’est la réforme de l’État lui-même. Or, monsieur le secrétaire d’État, cette réforme, vous vous y refusez ; vous préférez ajouter de la confusion à la confusion pour tenter de masquer vos échecs et vos divisions, pour faire illusion !
Aussi est-ce à juste titre que la commission spéciale du Sénat réaffirme la vocation de chacune des collectivités territoriales et rétablit une carte plus cohérente, assortie d’un véritable droit d’option, porteur d’évolutions et d’ajustements.
C’est pourquoi le groupe UMP votera le texte établi par la commission spéciale, sous l’autorité de son président Jean-Jacques Hyest et de son rapporteur François-Noël Buffet, à qui nous rendons hommage. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale nous renvoie, pour examen en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Nous arrivons au terme d’un marathon parlementaire qui nous aura mobilisés de manière très intensive, avec des débats riches, parfois passionnés, toujours intéressants, reflétant la complexité et la variété des situations de nos territoires, dont les uns et les autres se sont faits les porte-parole.
Pour nous, sénateurs, cette ultime lecture du texte au Sénat est, aux termes de la Constitution et des dispositions en découlant, extrêmement formelle, puisque le dernier mot – songeons-y, mes chers collègues – reviendra aux députés. À l’occasion de cette discussion générale, je ferai donc le choix d’évoquer le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, sans anticiper sur les nouvelles propositions, ou sur les anciennes propositions déposées de nouveau.
La carte des régions va donc être redessinée en treize nouvelles entités. Je salue tout d’abord le principe d’un redécoupage régional, globalement admis, à certaines exceptions près, se fondant sur des polarisations territoriales, sur des logiques économiques et de développement, mais aussi sur des volontés collectives d’agir ensemble sur un territoire auquel les habitants s’identifient.
Cette version définitive ne fait pas que des satisfaits, que des heureux ; j’en ai parfaitement conscience. Cela étant, aucune carte ne sera jamais parfaite. Je crains que, sur ce point, le débat ne soit sans fin.
Ainsi, à titre personnel, et les différents orateurs se sont également exprimés sur ce mode, j’aurais été – et je demeure – favorable à la solution d’une Bretagne à cinq départements plutôt qu’à la solution retenue. Mais, en l’état du projet de loi, je constate que de nombreux élus bretons, y compris de l’UMP, approuvent le maintien de la région dans ses limites actuelles.
Au-delà – et en dépit – de quelques situations particulières, il faut constater, je l’ai dit, que ce redécoupage ne pose pas de question fondamentale. Manifestement, cette nouvelle carte correspond mieux aux enjeux contemporains et à venir de l’action publique territoriale.
M. René-Paul Savary. Ah bon ?
M. Yannick Botrel. Par ailleurs, pour ce qui concerne la représentation des départements au sein des nouveaux conseils régionaux, le texte qui nous est finalement soumis permet de dégager une solution assurant une représentativité acceptable des territoires ruraux, tout en garantissant l’égalité de suffrage, laquelle découle de la Constitution. Il y a tout lieu de nous féliciter de la prise en compte réelle de cet enjeu.
Ainsi, le département de la Lozère, dont l’exemple a été cité, disposera de deux représentants, quand l’Ariège, le Cantal, la Creuse, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence disposeront de quatre sièges.
Je considère qu’il s’agit là d’un signal très positif envoyé à la France des territoires : la République est certes indivisible, mais la loi prend en compte les territoires urbains autant que les ruraux, dans la limite que la Constitution – réalité incontournable – nous impose.
Enfin, point particulièrement intéressant, le droit d’option pourra finalement être exercé entre janvier 2016 et mars 2019, soit un délai significatif, supérieur à celui qui était initialement prévu. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, mes chers collègues, je considère que ce droit d’option devrait permettre avec profit de procéder aux ajustements pertinents de la carte définitive des régions - nous avons entendu quelques suggestions à ce sujet.
À ce stade, il faudra un vote concordant à 60 % – c’est-à-dire aux trois cinquièmes – des trois collectivités concernées pour activer cette disposition. Certes, le droit d’option n’est pas aussi ouvert que je l’aurais souhaité, mais je note qu’il n’était pas intégré, dans un premier temps, dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. Il y a donc une avancée incontestable et significative sur ce point. C’est grâce au travail du Parlement, notamment du Sénat, que cette possibilité a été introduite dans le texte. J’ajoute que le Gouvernement s’était rallié à cette proposition par les voix du Premier ministre et du ministre de l’intérieur.
Ainsi, c’est par le droit d’option que la carte des régions françaises pourra être finalisée, en prenant en compte plus précisément les situations régionales et leur diversité, à laquelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, s’est référé.
Je ne doute pas que cet outil sera utilisé dans les mois à venir. Cependant, ma crainte est que la souplesse introduite pour ce faire soit insuffisante. Dans l’hypothèse où rien ne serait changé, le temps nous montrera si le choix technique retenu, la triple majorité qualifiée et concordante, permettra de rendre le dispositif opérationnel. Je dois dire, mes chers collègues, ma circonspection sur ce point.
Pour conclure, je tiens à rappeler que, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012, le candidat François Hollande s’était engagé en faveur de nouvelles avancées en matière de décentralisation et de vie démocratique territoriale. Nous sommes engagés sur cette voie et, contrairement à ce qui a été indiqué, le Président de la République et le Gouvernement ont écouté les associations d’élus, ce qui a conduit à l’examen de trois textes sur le sujet, en lieu et place d’un seul. Je m’inscris donc en faux contre l’idée selon laquelle il n’y aurait pas eu de concertation.
Avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM », avec le présent texte, et enfin avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou NOTRe, dont nous commencerons l’examen en séance dès demain, on ne peut que constater la volonté du Gouvernement à ce sujet. Je tiens d’ailleurs à saluer l’ensemble des membres du Gouvernement concernés, ainsi que leurs administrations respectives, de leur implication sur ces projets complexes mais essentiels pour préparer l’avenir de notre République et de notre démocratie territoriale.
J’ai la conviction que nous allons dans un sens favorable à la décentralisation et que nous poursuivons le cheminement entamé en 1982. Nous aurons l’occasion de le faire dès demain, avec le début de l’examen du projet de loi NOTRe sur les compétences de chacun de niveaux d’administration. À cet égard, je ne vois pas en quoi ce débat arriverait trop tard. Les deux textes auraient-ils été examinés dans l’ordre inverse que ce choix n’eût pas non plus été épargné par les critiques, peut-être émanant des mêmes travées !
Telles sont, mes chers collègues, les considérations dont je souhaitais vous faire part. Philippe Kaltenbach a exprimé la position du groupe socialiste ; je n’y reviendrai donc pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans grande surprise, après l’échec de la commission mixte paritaire et l’examen du présent projet de loi en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, la commission spéciale du Sénat a rétabli et voté la semaine dernière un texte affirmant de nouveau la position de notre assemblée sur certains points qui n’ont pas été pris en compte par les députés, notamment sur la question du redécoupage des régions.
En effet, les deux chambres ont proposé des cartes trop différentes pour que les conditions d’un rapprochement puissent être trouvées. Des divergences fortes demeurent donc aujourd’hui.
Tout au long de la navette, la commission spéciale et la Haute Assemblée ont tenté de proposer un texte alternatif par rapport à celui de l’Assemblée nationale, texte dont l’équilibre, malheureusement, n’a pas été respecté au fil des lectures.
Je regrette notamment que les modifications apportées par les députés en deuxième lecture sur le droit d’option des départements n’aient pas tenu compte des conditions d’exercice que nous avions suggérées. Alors que ce droit d’option, introduit par le Sénat, ne figurait pas dans le texte initial, le groupe UDI-UC avait fait adopter un amendement tendant à introduire de la souplesse pour permettre à un département de changer de région d’appartenance.
Le dispositif de cet amendement précisait que la région d’origine pouvait s’opposer à ce changement de rattachement si et seulement si cette opposition réunissait une majorité des trois cinquièmes de son assemblée. Ceci aurait ouvert une réelle possibilité, pour certains départements, de rejoindre la région à laquelle ils se rattachent naturellement. Je pense, par exemple, au cas de la Picardie, qui a suscité de vifs débats ; la question du rattachement des départements de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne pourrait être traitée avec un peu plus de discernement si le droit d’option avait été plus souple que celui qu’ont imposé les députés.
Force est de constater que ce projet de loi, qui redessine nos régions, n’a nullement été discuté avec les principaux intéressés. À l’évidence, ce redécoupage aurait requis un dialogue avec les collectivités territoriales, afin de bien saisir les enjeux de chacun des territoires, lesquels, ne l’oublions pas, sont les premiers concernés par cette réforme.
Si le but de la réforme est de rechercher des économies, il faut néanmoins qu’il y ait un minimum d’affectio societatis pour trouver des outils mutualisés et partager des projets communs.
Alors que nous sommes aujourd’hui obligés d’organiser des consultations et des concertations publiques pour un grand nombre de projets locaux, le Gouvernement n’a pas pris la peine d’associer les territoires à cette réflexion, pas plus qu’il n’a été capable de raisonner en termes de bassin de vie. Dans ces conditions, et sans critères objectivement solides, il est inévitable que ce redécoupage ne soit ni rassembleur ni porteur de dynamisme.
Le piège procédural qui nous a été tendu par le Gouvernement nous amènera à discuter dès demain, avec le début de l’examen du projet de loi NOTRe, des compétences territoriales. Nous sommes aujourd’hui dans une procédure inversée, qui nous oblige à discuter du redécoupage des régions sans connaître réellement le champ de leurs compétences. Cela revient à tailler une veste et un pantalon pour quelqu’un dont on ne connaît absolument pas les mensurations ! Or, mes chers collègues, une réforme efficace n’est-elle pas avant tout une réforme pensée globalement et non à l’emporte-pièce ?
Je m’interroge donc énormément sur la solidité de l’équilibre territorial qui sera trouvé. On voit déjà poindre un conflit entre métropoles et régions.
Je m’interroge également sur les enjeux intrarégionaux, notamment sur les « chefs-lieux » qui abriteront les préfectures de régions. Le lieu de l’hôtel de région sera à déterminer par les élus, tout comme le ou les lieux de tenue des réunions du conseil régional ; cela aura des conséquences locales importantes.
La réforme n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact sur l’avenir des actuelles préfectures de région qui perdront ce statut. Quelles seront les conséquences en matière d’attractivité du territoire, d’évolution de l’emploi public ou encore de présence territoriale de l’État ?
Il me semble qu’imposer des emplois administratifs contraints aux métropoles, déjà submergées par l’afflux de population, n’est pas la solution à adopter. La future capitale de la région ne pourrait-elle pas plutôt être un outil de rééquilibrage territorial, afin de ne pas concentrer l’activité uniquement sur les villes les plus denses ?
Une fois le texte promulgué, nous devrons donc faire face à toutes sortes de défis, qui n’auront aucunement été anticipés et qui toucheront directement la vie des territoires, les citoyens et leurs emplois.
En définitive, ce texte n’a donné aucune ligne de conduite générale au redécoupage. Le cap n’est pas celui de régions fondées sur une métropole centrale, ni celui d’un regroupement de régions intermédiaires. C’est pourquoi je me pose encore la question du bien-fondé de la carte défendue par la majorité présidentielle.
Tout au long de l’examen de ce projet de loi, le Sénat a souhaité redonner la parole aux territoires. Force est de constater que, dans la droite ligne de la position gouvernementale, l’Assemblée nationale s’y oppose, ce qui est assez surprenant, à l’heure où nous recherchons tous la concertation générale. L'Assemblée nationale revisiterait plus favorablement le droit d’option ; j’espère que notre collègue Philippe Kaltenbach a raison.
Le groupe de l’UDI-UC, dans sa majorité, votera le texte issu des travaux du Sénat, qui cherche à gommer une grande partie des travers qui nous ont été imposés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier nos deux collègues Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale, et François-Noël Buffet, rapporteur, pour l’excellent travail réalisé au cours des nombreuses séances qui nous ont réunis tant dans l’hémicycle qu’en commission.
Monsieur le secrétaire d'État, et si nous parlions de nouveau des ambitions de l’Alsace ?...
Mme Catherine Troendlé. En octobre dernier, une manifestation en faveur de la création du Conseil unique d’Alsace a mobilisé 12 000 à 15 000 personnes. Les Haut-Rhinois étaient massivement présents. Une pétition a recueilli 60 000 signatures. Les élus locaux se sont fortement mobilisés, en adoptant des centaines de motions prises en conseil municipal. Les trois assemblées – le conseil régional et les deux conseils généraux – se sont exprimées à plus de 96 % pour l’engagement de la fusion des trois collectivités.
Les arguments défendus depuis plusieurs années par les Alsaciens en faveur de ce projet ambitieux ont recueilli une large adhésion au Sénat ; le vote massif exprimé en commission spéciale a été confirmé en séance publique.
Monsieur le secrétaire d'État, là où vous avez brandi le danger du repli sur soi, nous avons convaincu nos collègues que notre région était résolument tournée vers les autres, avec une coopération transfrontalière extrêmement dynamique, à force de moult exemples institutionnels et des nombreuses actions mises en œuvre.
Monsieur le secrétaire d'État, là où vous avez brandi l’argument de la taille stratégique, nous avons également convaincu nos collègues que l’Alsace était une région offensive et dynamique économiquement.
M. le Premier ministre avait affirmé qu’il prendrait acte de la décision du Sénat et qu’il souhaitait parvenir à un compromis entre les deux chambres. Nous pensions alors, légitimement, que les débats au Sénat allaient peser sur ceux qui allaient suivre à l’Assemblée nationale.
Mais la parole de M. le Premier ministre ne pèse guère : il n’a en rien tenu sa promesse de prendre en compte le positionnement du Sénat. Pourtant, une large adhésion de certains groupes de la majorité présidentielle avait concouru à ce vote massif.
Rien n’y fait ! Les représentants des territoires peuvent être ignorés. C’est un déni de démocratie, ni plus, ni moins.
Restait la commission mixte paritaire ou plutôt, dirais-je, un simulacre de commission mixte paritaire,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Tout à fait !
Mme Catherine Troendlé. … expédiée en sept minutes !
Voilà ce que vaut une réforme territoriale qui modifiera fondamentalement notre pays pour les cinquante prochaines années !
Le Gouvernement avec sa majorité à l’Assemblée nationale veut passer tout simplement en force. L’Alsace doit plier ! À genoux, l’Alsace !
D’abord, c’est l’annonce purement électoraliste de la fermeture de Fessenheim. Ensuite, c’est la fin du droit d’option des frontaliers. Puis, le coup – un coup dur -asséné aux entreprises suisses implantées sur l’EuroAirport, qui est pourtant un dynamiseur économique. Enfin, c’est le report à 2030 de la liaison ferroviaire Rhin-Rhône.
Monsieur le secrétaire d'État, l’Alsace est toujours debout ! Elle souffre, mais elle ne pliera pas ! Jamais !
Les manifestations se durcissent, se multiplient, et le Gouvernement reste sourd ! Pourtant, ce que demandent l’Alsace et les Alsaciens, c’est tout simplement un droit à l’expérimentation, le droit de vous prouver que le projet alsacien s’inscrit parfaitement dans les objectifs qui sont les vôtres avec ce projet de loi, puisqu’il améliorera la gouvernance territoriale et contribuera à l’efficience des politiques.
Rendre l’Alsace encore plus compétitive signifie également de nouvelles richesses, et l’Alsace partage déjà largement les siennes, en contribuant aux différents fonds de péréquation dont bénéficient de nombreux départements et de nombreuses communes de France !
Pourquoi le Président de la République, qui, lui aussi, s’est engagé à nous recevoir officiellement dès le mois de juillet dernier, ne répond-il pas à nos appels maintes fois réitérés ? Même pas un accusé de réception, monsieur le secrétaire d’État !
Un Président de la République qui ne tient pas ses promesses. Un Premier ministre qui ne tient pas ses engagements. Oui, nous avons le sentiment d’un véritable mépris, le sentiment que notre région doit être sacrifiée, tout simplement !
La voix des Alsaciens n’est pas entendue. Le peuple n’a rien à dire ! Circulez, il n’y a rien à voir ! C’est le sentiment dominant dans une région qui n’a pourtant jamais déçu la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous connaissons déjà l’issue de notre débat ainsi que celle de l’ultime lecture qui aura lieu à l'Assemblée nationale : nous aurons une France métropolitaine à treize régions.
Je soutiendrai la position de la majorité du Sénat, mais projetons-nous dans l’avenir et interrogeons-nous sur la suite. J’ai en effet la conviction que le redécoupage des régions est, certes, une réforme mal née, mais que nous serons capables de la redresser.
Oui, cette réforme est mal née, car la population n’y a pas été associée, pas plus que n’a été pris en compte l’avis des collectivités.
Voilà quelques semaines, le Premier ministre a rendu hommage ici même à la mémoire de Christian Bourquin. Vous connaissez tous l’opposition de notre regretté collègue et, derrière lui, celle de toute la région Languedoc-Roussillon, à la fusion avec la région Midi-Pyrénées, et telle est aussi la position du président de région actuel. Nul doute que, si Georges Frêche vivait encore et était encore président de cette région, cette réforme n’aurait pas abouti. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Oui, mal née, cette réforme est à contretemps. La première élection au suffrage universel des conseils régionaux date de 1985. Trente ans après, les identités régionales ont trouvé leur ancrage. Il est peut-être dommage de venir perturber ces équilibres.
Mais cette réforme est aussi dénuée de toute cohérence : l’État n’a pas présenté la future organisation. Aussi, le risque de créer un conflit institutionnel entre les régions et les métropoles est majeur. Je regrette qu’il n’ait pas été suffisamment pris en compte dans les propositions formulées.
Enfin, cette réforme n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact. L’argument avancé quant aux économies nous laisse perplexes.
En résumé, cette réforme est mal née parce qu’elle a été faite pour Bruxelles ou, plutôt, pour ce que l’on croit en France que Bruxelles attend de nous, et non pour les habitants.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, cette réforme, nous serons capables de la redresser, par la modestie, en nous concentrant sur l’essentiel des métiers de la région, de la région stratège ; en résistant au syndrome de la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf et aux discours des présidents sortants qui célèbrent à l’envi les dizaines de milliers de kilomètres carrés ou les millions d’habitants, tel le nouveau Graal, quand pourtant, on le sait, le très à la mode « Big is beautiful » a si souvent été démenti par les réalités.
Nous serons aussi capables de redresser cette réforme en priorisant les investissements. La région nouvelle ne doit pas vouloir tout faire : elle doit se concentrer sur l’économie et les infrastructures ; elle doit se réinventer en matière de développement et d’innovation, en pariant sur les talents.
Il faudra aussi s’attacher à la proximité, à la recherche acharnée de la proximité. À titre d’exemple, avec 422 lycées, 597 collèges et 5 000 circuits scolaires, la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon n’est pas gérable depuis Toulouse ou Montpellier.
Au jacobinisme national ne doit pas succéder le jacobinisme régional. Le temps est venu, chers collègues, d’un girondisme régional.
Nous serons également capables de redresser cette réforme par le respect des identités et de la diversité des territoires, par la recherche des justes équilibres, par une diplomatie permanente, par le respect des partenaires. Oui, il faudra que le futur conseil régional traite comme des égaux les métropoles, les départements, le bloc local, les communes et les intercommunalités.
Avec pragmatisme, je crois qu’une réforme même mal née pourra connaître des résultats favorables. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du RDSE)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’un de nos plus illustres prédécesseurs en ces lieux, l’immense Victor Hugo, disait de l’Alsace qu’elle était une terre bien particulière. Pas à cause de son identité et de son caractère, non ! Mais à cause de son destin. À cause de l’histoire qui l’a placée à cet endroit précis où deux mondes se rencontrent et s’achoppent : le monde latin et le monde germanique.
L’Alsace est une terre de France. C’est la République sur le Rhin. C’est aussi, pour le pays tout entier, la promesse de l’Europe comme destin.
Aussi, ceux qui veulent aujourd'hui rayer notre région de la carte administrative, disent-ils, des régions françaises ne portent-ils pas simplement atteinte à l’Alsace, à son identité, à sa langue, à sa culture. C’est à la France qu’ils attentent, ni plus ni moins, à sa diversité, à son histoire, à son destin. Oui, monsieur le secrétaire d'État, c’est la France – la France et rien d’autre ! – qu’ils sont en train de défaire.
Qu’est-ce que la France ? C’est au fond la seule question qui vaille et la seule question que nous devons nous poser au moment où le Gouvernement entend réorganiser le pays.
La France, c’est, pour nous, un long et patient édifice. Ce sont des provinces qui se sont rencontrées, au fil de l’âge, et se sont unies par la conquête et les armes, les mariages et les charmes. Et, au final, ces provinces ont fini par apprendre à se connaître et s’apprécier. Pour tout dire, elles ont fini par s’aimer.
Et pourquoi l’Alsace s’est-elle sentie si bien dans le creuset français ? Simplement parce qu’elle était reconnue. Parce qu’on prenait ses spécificités non pas comme des traits d’exotisme, mais comme de vraies chances et de véritables potentialités d’ouverture continentale pour l’ensemble français.
L’Alsace, c’est la France sur le Rhin, la porte vers l’Allemagne et la Mitteleuropa.
Voilà pourquoi les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays depuis deux siècles n’ont jamais voulu dissoudre l’Alsace dans quoi que ce fût.
Avec votre réforme, monsieur le secrétaire d'État, vous êtes en train de rompre avec la diversité constitutive de notre pays. Et vous le faites pour d’obscures raisons. Un peu de technocratie par-ci, à n’en pas douter, beaucoup de chicaneries politiciennes par-là !
Vous nous expliquez que les régions françaises sont trop petites par rapport à leurs homologues européennes. Vous savez bien qu’elles sont juste dans la moyenne. Et si l’on s’en tient à leur seule superficie, elles comptent parmi les plus grandes d’Europe.
On est ici dans un certain déni de la réalité.
En fait, il n’existe aucun argument valable, aucune raison sensée, aucun mobile rationnel qui milite en faveur de la réforme territoriale aujourd’hui proposée. Tous les spécialistes – les géographes, les démographes, les aménageurs, mais également les économistes – nous disent, à l’instar de Jean Tirole, prix Nobel d’économie, que j’ai personnellement entendu, que cette réforme ne va pas dans le bon sens, qu’elle n’entraînera aucune économie, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Tout à fait !
M. André Reichardt. … que c’est non pas la taille des régions qu’il faut revoir, mais leurs moyens et leurs compétences.
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. André Reichardt. Or c’est au moment où s’achève le débat sur la carte des régions que le débat sur les moyens, les compétences, les pouvoirs des régions commence à peine.
À la vérité, la décentralisation n’est pas assez aboutie dans notre pays. Le problème ne vient pas de la taille des régions, mais uniquement du manque absolu de confiance entre l’État central et les pouvoirs locaux – une situation qui ne date pas d’aujourd’hui. Songez que, en Europe, le budget régional s’élève à 2 500 euros par habitant en moyenne, tandis que nous peinons, en France, à atteindre les 400 euros.
Strasbourg a eu un grand député. Il s’appelait Benjamin Constant, qui a écrit ceci : « La variété, c’est la vie ; l’uniformité, c’est la mort ».
Cette réforme aurait pu relever un défi : comment inventer une organisation du pays à la hauteur des enjeux de ce siècle ? Comment organiser chacun de nos territoires d’une façon optimale ? Comment lui permettre de se développer, de rayonner, d’attirer des capitaux et des investisseurs internationaux, pour renforcer l’ensemble français ? Voilà quels étaient les enjeux !
En lieu et place, on nous sert – pardonnez-moi de le dire ainsi, mais c’est la passion qui m’anime – un tripatouillage cartographique qui est à la grande politique ce que le Canada dry est à l’alcool !
Monsieur le secrétaire d’État, on aura tout de même entendu un Premier ministre de la République accuser les Alsaciens d’être repliés sur eux-mêmes et sur leur identité. Heureusement que nous avons un grand sens de l’humour, sans quoi nous l’aurions pris au sérieux, et nous nous serions fâchés… L’Alsace est l’une des toutes premières régions exportatrices de France, l’une des régions où les investisseurs étrangers s’implantent le plus. Quant à l’université de Strasbourg, la première du pays à avoir pris son autonomie, elle est parmi les premières pour l’accueil des étudiants étrangers.
Les Alsaciens aiment l’Alsace ; ils l’aiment ouverte, rayonnante, accueillante. Notre identité, notre culture, notre langue, nous les aimons, parce qu’elles nous permettent d’être suffisamment solides pour accueillir les autres. Qu’on ne vienne donc pas nous donner des leçons d’ouverture !
Malheureusement, le Gouvernement est resté sourd à tous nos arguments, ici comme à l’Assemblée nationale. Les députés ont pris de haut notre projet et le vote de la Haute Assemblée, pourtant tout juste renouvelée de moitié. Pis, l’exécutif a souscrit auprès des élus locaux des engagements que sa majorité, à l’Assemblée nationale, s’est empressée de démolir. On aura rarement vu, dans l’histoire de la République, une majorité aussi convaincue que la démocratie consiste à s’écouter parler et à se convaincre soi-même qu’on a raison !
Monsieur le président, mes chers collègues, nous allons une nouvelle fois rejeter, dans quelques instants, le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, qui noie l’Alsace dans une grande région dont une immense majorité de la population alsacienne ne veut pas. Puis, à l’Assemblée nationale, la majorité socialiste fera à nouveau comme si le Sénat n’avait pas voté.
Dès lors, en Alsace, nous attendrons – je le dis calmement – qu’une nouvelle majorité vienne à son tour, puisque les majorités sont, par nature, appelées à passer. L’Alsace, elle, n’entend pas passer ; elle demeurera, fidèle à elle-même au long du temps : attractive, rayonnante et accueillante, cultivant d’autant plus son identité et son histoire qu’elle n’hésite jamais à s’ouvrir à l’Europe et au monde. Oui, l’Alsace restera, parce qu’elle en a vu d’autres et que l’histoire l’a dotée d’une vertu essentielle en politique : la patience ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici que nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Les péripéties de ce texte en disent long sur la difficulté à aborder le débat, pourtant essentiel, de l’organisation institutionnelle de notre pays et de la nécessaire réforme territoriale. Du reste, ce sujet qui nous occupe depuis un certain temps va continuer de nous occuper, puisque, dès demain, nous commencerons l’examen en séance publique du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Comme Henri Tandonnet vient de le souligner, et comme nous le pensons tous, nous n’avons pas fait les choses dans le bon ordre : à l’évidence, il fallait débattre d’abord des compétences, puis de la taille, et non l’inverse. Aurions-nous procédé dans l’ordre, certaines des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui ne se seraient pas posées de la même manière.
Nous, écologistes, sommes les promoteurs de ce que nous appelons la « décentralisation différenciée ». Nous défendons une décentralisation véritable, qui prenne en compte les spécificités des territoires. La différenciation que nous appelons de nos vœux concerne bien entendu l’exercice des compétences, dont nous parlerons dès demain, mais aussi la composition même des territoires et leurs limites géographiques.
En effet, ménager de la souplesse dans les délimitations territoriales nous semble fondamental pour que les collectivités territoriales de notre pays présentent des configurations adaptées aux réalités du vécu des habitants, cohérentes avec les coopérations existantes entre les acteurs des territoires et respectueuses de la diversité, de l’histoire, des cultures et des dynamiques économiques.
C’est pourquoi le groupe écologiste a présenté, au fil des lectures du projet de loi, de nombreux amendements répondant à la nécessité d’adapter les limites territoriales aux réalités et aux aspirations des habitants dans leur volonté de vivre ensemble, de « faire territoire » ; au cours de cette nouvelle lecture, qui sera la dernière, je défendrai encore deux amendements sur des questions que nous jugeons essentielles, étant entendu que, pour ce qui est des modifications des limites territoriales, le projet de loi est inacceptable en l’état.
Nous avions dit « souplesse » et nous avions même pensé que les compromis trouvés au Sénat ne seraient plus remis en cause, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.
En ce qui concerne le droit d’option permettant une carte plus fine, qui remédie aux absurdités du découpage technocratique des années cinquante, nous savons bien que la procédure existante pour le rattachement d’un département à une autre région est totalement inapplicable Le Gouvernement et le Parlement avaient indiqué dès l’origine leur volonté d’assouplir le dispositif. À cet égard, la version modifiée du projet de loi adoptée par le Sénat en première lecture constituait déjà un compromis. (M. le président de la commission spéciale approuve.)
Seulement voilà : l’Assemblée nationale, soutenue et même inspirée par le Gouvernement, est revenue en arrière, au nom de je ne sais quelle peur – quelle peur ?– de voir les territoires s’occuper d’eux-mêmes. Résultat : on a rétabli dans le projet de loi un véritable droit de veto pour la région quittée, sous la forme d’une délibération qui permet à une minorité de blocage des deux cinquièmes de s’opposer au rattachement d’un département à une autre région.
Revoilà le dispositif parfaitement verrouillé, donc inapplicable !
C’est pourquoi nous proposerons une nouvelle fois de remplacer ce droit de veto par un avis de la région de départ, en amont des délibérations concordantes du département et de la région d’accueil. Une solution tellement plus logique !
À défaut, nous proposerons une solution de repli – sait-on jamais – consistant à substituer, pour l’avis de la région quittée, la majorité simple à la majorité des trois cinquièmes, majorité qualifiée dont je tiens à signaler qu’elle n’est exigée pour aucune autre décision d’une assemblée locale.
Au cours des précédentes lectures, j’ai défendu, au nom du groupe écologiste, divers amendements tendant à créer des dispositifs nouveaux pour faciliter les redécoupages territoriaux. Je n’y reviendrai pas cette après-midi en cette ultime lecture, mais je me permets de prendre date. En effet, les écologistes ont toujours défendu, sur les questions d’organisation institutionnelle, des propositions qui, de prime abord, peuvent sembler originales, au point de provoquer parfois quelques quolibets – notre ancienne collègue Hélène Lipietz et moi-même en avons plusieurs fois essuyé –, mais qui finalement font leur chemin.
Ainsi, il y a quelques années encore, défendre des schémas prescriptifs régionaux n’était guère populaire dans cette assemblée.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Attention !
M. Ronan Dantec. Nous en reparlerons pourtant dès demain.
Je subodore même que l’adoption du suffrage universel direct pour les intercommunalités, à laquelle les oppositions sont encore vives dans notre hémicycle, n’est plus qu’une question de temps,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Certainement pas !
M. Ronan Dantec. … car c’est tout simplement le sens de l’histoire.
Le refus par l’Assemblée nationale de voir naître une collectivité unique d’Alsace, en dépit de la volonté clairement exprimée des élus du peuple et des habitants, est inacceptable. De quoi au juste avons-nous peur ? Il faut faire confiance aux territoires, nous le répétons suffisamment dans cet hémicycle.
La question alsacienne révèle, en tout cas, l’absence totale de cohérence et de méthode dans cette réforme.
En vérité, l’absence de méthode saute aux yeux. On aurait pu penser que, convaincu de la justesse de son analyse, aux termes de laquelle les régions françaises sont trop petites, le Gouvernement taillerait à la hussarde une nouvelle carte, en assumant son refus de toute concertation préalable – procédé au demeurant plus que discutable. L’exemple de l’Ouest montre qu’il n’en a rien été : l’autoritarisme réservé à l’Alsace, privée du droit de définir son propre avenir, n’a eu d’égal que la faiblesse manifestée à l’égard de la Bretagne et de Pays de la Loire, les barons socialistes ayant pesé de tout leur poids pour empêcher une quelconque évolution.
M. Guy-Dominique Kennel. Très bien !
M. Ronan Dantec. L’ouest de la France, justement, parlons-en quelques instants. Quelle catastrophe, monsieur le secrétaire d’État, et quel aveu d’impuissance de la part de l’État ! L’incohérence de la réforme est telle que sa crédibilité s’est délitée au fil de la Loire…
À l’évidence, Nantes et Rennes devaient appartenir, demain, à la même région. Elles sont unies par une logique culturelle, comme parties d’un même territoire breton vécu et identifié, mais aussi économique, eu égard au pôle métropolitain Loire-Bretagne, qui réunit Brest, Rennes, Nantes et Angers, mais aussi eu égard au rapprochement en cours des universités de ce territoire. Elles sont unies encore par une logique d’aménagement du territoire, puisque l’axe Nantes-Rennes influence tous les territoires environnants. Dire qu’il ne sera pas chapeauté par une région unique, alors que nous voterons au début de l’année prochaine des schémas régionaux prescriptifs d’aménagement du territoire…
Nous sommes dans l’absurdité la plus totale !
Hélas, le poids de l’immobilisme a prévalu. Je regrette vraiment que l’État n’ait pas été au bout de la logique. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement avait accepté une grande région Aquitaine, en sorte que la région Centre se retrouvait seule, la carte pertinente sautait aux yeux : faire deux régions à partir des trois existantes, en coupant Pays de la Loire en deux, était la seule solution. L’État aurait dû prendre ses responsabilités. Il ne peut pas dire qu’il les prend ailleurs, mais qu’il ne les prend pas dans l’Ouest !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Ronan Dantec. Pourtant, telle est la réalité aujourd’hui ! Au bout du compte, nous nous retrouvons avec des régions trop petites ; c’est le cas de la Bretagne, ainsi que M. Dominique de Legge l’a déploré, mais aussi de la région Centre.
Il faut reconnaître, monsieur le secrétaire d’État, que la responsabilité de cette situation n’incombe pas seulement à l’État. Que de postures, que de virements de bord, que de louvoiements de la part des élus de l’Ouest, notamment de Bretagne et de Pays de la Loire ! Vous n’avez vraiment pas été aidé par des élus qui ont préféré la posture à un véritable débat. (M. le président de la commission spéciale rit.)
Réclamer à la tribune la Bretagne historique est facile – je peux le faire aussi –, mais nous savions tous que cette formule ne réglerait pas le problème, de même que nous savions tous qu’aucun consensus n’existait au sujet d’une région limitée à la Bretagne historique, notamment en Loire-Atlantique et parmi les élus nantais, dont l’avis comptait.
Dans ces conditions, il fallait trouver une autre solution, soit que l’État prenne ses responsabilités, comme il l’a fait ailleurs, en construisant deux régions claires – une région Val-de-Loire et une région Bretagne-Armorique – soit qu’il remette le problème en débat dans les territoires, à l’échelle des départements. Le Gouvernement n’a fait ni l’un ni l’autre.
Il est vrai aussi que les élus ont préféré la posture, parce que la plupart des élus socialistes de l’Ouest voulaient le statu quo pour des calculs politiques de court terme ; hélas, ils l’ont obtenu.
Je continue de penser que le projet que j’ai défendu, avec plusieurs autres parlementaires écologistes et socialistes, était une meilleure réponse à la complexité de la situation que le slogan de la réunification de la Bretagne. Il s’agissait de faire une région unique Bretagne-Pays de la Loire avec en son sein une entité politique bretonne formée à partir des cinq départements actuels, puisque des fusions de départements sont envisagées ailleurs.
Nous en sommes loin, mais je pense que nous y reviendrons !
En définitive, la discussion de ce projet de loi aura témoigné de l’incapacité de notre pays à organiser le débat public sur le territoire, à forger des compromis et à susciter des dynamiques de consensus.
Une réforme territoriale ne peut être menée qu’avec et pour les citoyens et les acteurs des territoires. Or les mécanismes de participation citoyenne que nous avons proposés ont été systématiquement rejetés : la loi qui sera adoptée ne fera pas avancer d’un pouce la démocratie participative locale ! C’est regrettable, parce que cette démocratie pourrait être complémentaire de la démocratie représentative, et faire renaître le désir du débat public, de l’investissement politique et, tout simplement, du vote – car l’abstention progresse aussi aux élections territoriales.
Il y avait place pour la consultation et l’initiative citoyennes dans les processus de redéfinition des limites territoriales ; à cet égard aussi, une occasion a été manquée.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, et parce que j’arrive de Lima, j’attire votre attention sur la conférence des parties à la convention de l’ONU sur le changement climatique, qui se tiendra en décembre 2015 au Bourget. Enjeu majeur pour l’avenir de l’humanité et temps fort pour le rôle de la France sur la scène internationale, ce sommet doit être au premier plan des débats qui animeront notre pays en décembre prochain, parce que la mobilisation des territoires et celle des citoyens sont des leviers indispensables pour enrayer le dérèglement climatique en cours.
Or nous craignons que la parfaite concomitance de ce sommet et des élections régionales ne brouille les débats. Il convient d’autant plus de réfléchir à ce problème, qui est aujourd’hui sur la place publique, que les régions joueront désormais le rôle déterminant de chef de file pour l’énergie et le climat, et qu’elles seront bientôt chargées d’élaborer les schémas prescriptifs d’aménagement durable du territoire, qui incluront les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.
Organiser les deux événements en même temps n’a donc pas grand sens. Il faudrait que, au lendemain de la conférence sur le climat, les acteurs régionaux puissent se saisir du cadre défini à Paris pour agir dans les territoires. Au lieu de quoi, on s’apprête à faire les choses dans le mauvais ordre – une fois de plus, mais c’est presque une tradition !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais interrogé sur ce sujet lors de la deuxième lecture et je dois admettre que votre réponse m’avait laissé un peu sur ma faim. Je continue de penser qu’il serait plus logique de repousser les élections régionales au début de 2016.
En définitive, j’ai le sentiment que la réforme des délimitations des régions, qui aurait pu emporter l’adhésion des citoyens, parce qu’il existe une demande forte de rénovation de la vie publique – en témoignent les débats vigoureux, les manifestations et les diverses expressions dans nombre de territoires –, va continuer d’alimenter la suspicion et de susciter l’anxiété au sujet de la capacité de l’État à mener des réformes cohérentes. Dire que l’objectif affiché était tout l’inverse !
Tout ce que je viens de dire pourrait malheureusement se résumer en deux mots : déficit démocratique. Les écologistes ont avancé de multiples propositions pour renforcer la démocratie locale. Nous en avons débattu sans succès dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, mais nous les représenterons lors de la discussion du projet de loi NOTRe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ah !
M. Ronan Dantec. Pour l'instant, l'absence de dispositions visant à rénover la démocratie locale est inquiétante, car il s’agit d’un volet essentiel. Il est pourtant évident que l'augmentation de la taille et des pouvoirs des régions doit s'accompagner d'un renforcement de la démocratie à l'échelle régionale. Que ne l’avons-nous fait !
Une méthode contestable, très peu d'avancées et des incohérences flagrantes : si le groupe écologiste réserve encore son vote sur le texte dans l’attente des résultats de cette nouvelle lecture, nous ne nous faisons guère d'illusions, à ce stade, sur l'issue de ce rendez-vous manqué. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la délimitation des régions
Article 1er A
Dans le respect des compétences attribuées par la loi aux différentes catégories de collectivités territoriales et à leurs groupements, par application du principe de subsidiarité :
1° Les communes constituent la cellule de base de l’organisation territoriale de la République décentralisée et l’échelon de proximité de vie démocratique. Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont un outil de coopération et de développement au service des communes ;
2° Les départements sont garants du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur leur territoire ;
3° Les régions contribuent au développement économique et à l’aménagement stratégique de leur territoire.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président de la commission spéciale, je suis venu spécialement à Paris cet après-midi pour redire tout le mal que je pense de cette réorganisation territoriale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C'est bien !
M. René-Paul Savary. L’article 1er A rappelle quelques principes qui fondent notre démocratie depuis des lustres, concernant les rôles respectifs de la commune, du département et de la région. Cette organisation territoriale a fait ses preuves, mais vous la remettez en cause, monsieur le secrétaire d'État, sans nous proposer une formule acceptable par nous, qui permette des économies et une clarification des compétences.
On est en droit de s'interroger ! Le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités n’est pas pertinent, il ne pourra pas s’appliquer, en particulier quand la densité de population est inférieure à 20 habitants par kilomètre carré ! Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État ! Il faut donc remettre en cause ce seuil.
Les départements demeurent : dont acte, mais leur image a été dégradée, leur personnel est angoissé, démotivé, et ignore qui sera demain son patron… Les départements étaient particulièrement performants dans l’exercice de leurs missions : quelle sera la valeur ajoutée d’un transfert de la gestion des collèges aux régions, par exemple ? Les départements continueront pendant six ans à assumer les dépenses liées au revenu de solidarité active : ils seront bientôt exsangues et se retrouveront progressivement en situation de déficit de fonctionnement comptable. Cela arrivera dès 2015 pour un grand nombre d’entre eux. Il est temps de prendre ses responsabilités et de faire des propositions, or le projet de loi NOTRe n’en contient aucune à cet égard.
Faire de grandes régions stratégiques peut se comprendre, monsieur le secrétaire d'État, mais si on veut leur attribuer les compétences en matière de stratégie, de développement économique, d’orientation et de formation professionnelle, il faut, pour être cohérent, leur confier aussi la politique de l’emploi. Mais on perçoit bien les réticences du Gouvernement devant une telle proposition.
C'est la raison pour laquelle il me semble très important de rétablir les bases de l'organisation territoriale au travers de cet article 1er A, que je voterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission spéciale et M. Claude Kern applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er
I. – L’article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le second alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. – Sans préjudice des dispositions applicables aux régions d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Corse, les régions sont constituées des régions suivantes, dans leurs limites territoriales en vigueur au 31 décembre 2015 :
« – Alsace ;
« – Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes ;
« – Auvergne et Rhône-Alpes ;
« – Bourgogne et Franche-Comté ;
« – Bretagne ;
« – Centre ;
« – Champagne-Ardenne et Lorraine ;
« – Île-de-France ;
« – Languedoc-Roussillon ;
« – Midi-Pyrénées ;
« – Nord-Pas-de-Calais et Picardie ;
« – Basse-Normandie et Haute-Normandie ;
« – Pays de la Loire ;
« – Provence-Alpes-Côte d’Azur. »
I bis et II. – (Non modifiés)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par MM. P. Leroy, Adnot, Baroin, Grosdidier, Huré, Husson, Laménie, Namy, Gremillet, Pierre, Longuet et Nachbar, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« – Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 4, présenté par M. Savary, Mme Férat et M. Détraigne, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;
II. - En conséquence, alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement a été déposé ce matin, à 10 heures, par les sénateurs marnais. Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes comme les Alsaciens : nous ne plierons pas !
M. André Reichardt. Très bien !
M. René-Paul Savary. Châlons-en-Champagne est victime des mesures gouvernementales : la ville perd 1 045 emplois militaires avec le départ du 1er régiment d'artillerie de marine, qui touche 3 000 personnes, et elle perdra d’autres emplois encore demain, avec la nouvelle organisation territoriale, étant donné l’absence de concertation sur la désignation du siège de la préfecture de la grande région.
On nous dit qu’il s’agit de créer de grandes régions stratégiques, avec des métropoles qui tireront tout le monde vers le haut. Dans votre projet, la métropole pour Reims et Châlons-en-Champagne serait Strasbourg. Or, sur 100 personnes qui utilisent quotidiennement le TGV Est, 90 se rendent à Paris,…
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. René-Paul Savary. … effectuant un trajet de trois quarts d’heure, 6 vont à Metz ou à Nancy, 4 à Strasbourg ! Telle est la réalité économique du département de la Marne ! N’essayez pas de nous faire croire que Strasbourg va tirer ce département, situé aux portes du Grand Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, nous misions sur le droit d’option des départements, qui pouvait permettre d’aboutir à une organisation territoriale cohérente en donnant aux territoires la possibilité de reprendre la main. Mais, là encore, les propositions du Sénat, pourtant justement calibrées, me semble-t-il, grâce notamment à l'amendement de M. Tandonnet, se sont heurtées au fait majoritaire.
Je crois important de tenir compte des volontés exprimées par les territoires. Ainsi, l’Alsace, avec sa métropole européenne, Strasbourg, souhaite trouver une organisation territoriale correspondant à son bassin de vie, de même que le Nord-Pas-de-Calais.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René-Paul Savary. Reste cet espace composé de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine, placé sous le rayonnement de trois métropoles : Lille, Strasbourg et Paris. Ces territoires, aux caractéristiques assez voisines, ont pour l’heure des difficultés à envisager positivement l’avenir : notre amendement vise à les réunir, afin de constituer un ensemble plus cohérent que ce que prévoit le projet de loi. (M. André Reichardt applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Percheron, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
« - Picardie ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à réunir, au sein d’une même région, la Champagne-Ardenne, la Lorraine et la Picardie. Or, en deuxième lecture, le Sénat comme l’Assemblée nationale s’étaient opposés à une telle fusion. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste votera contre l'amendement n° 4. Nous avons déjà expliqué que nous étions favorables au maintien de la carte actuelle. Je trouve quelque peu étonnant que M. Savary juge cohérente une grande région formée de la Champagne-Ardenne, de la Lorraine et de la Picardie, qui composent un ensemble pour le moins hétéroclite et sans fondement solide.
Je regrette par ailleurs que l’amendement n° 11, visant à réunir l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine, n’ait pas été défendu. Aux termes de son exposé des motifs, « cet amendement propose de revenir à l'idée naturelle de regrouper en une seule les trois régions frontalières de l'arc nord-est que sont l'Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine. […] La fausse bonne idée de donner à l'Alsace la facilité d'exprimer son particularisme en restant seule à l'écart de cet arc nord-est, serait un mauvais signal, pour l'Alsace d'abord, car l'isolement est réducteur. Mauvais signal pour l'Europe qui doit promouvoir les grands desseins partagés plutôt que les replis identitaires. »
Je ne trouve pas un mot à retrancher à cet argumentaire.
Mme Éliane Assassi. La droite n’a plus besoin de défendre ses amendements, c'est le groupe socialiste qui le fait…
M. Philippe Kaltenbach. Il peut arriver que nous soyons d’accord avec des opinions exprimées sur d’autres travées que les nôtres. Il est possible de dépasser des clivages purement partisans !
Mme Éliane Assassi. C'est comme avec le collectif budgétaire !
M. Philippe Kaltenbach. Madame Assassi, il vous arrive aussi de voter avec la droite ! Assumez-le !
Mme Éliane Assassi. Qui a voté le collectif budgétaire avec la droite ? C'est vous !
M. Philippe Kaltenbach. Pour ma part, j’assume complètement l’idée qu’il faut créer une grande région à l’est de la France. Si cet amendement avait été défendu, je l’aurais voté avec plaisir.
M. André Reichardt. La position de ses auteurs a évolué, c’est pour cela qu’ils ne sont pas là !
M. Philippe Kaltenbach. Pour en revenir à l'amendement de M. Savary, je redis que le groupe socialiste votera contre.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le groupe écologiste votera aussi contre cet amendement. Nous nous félicitons que, en commission, on ait réinscrit sur la carte une région Alsace.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Ronan Dantec. Je ne pense pas que cette décision prospérera, mais c'était symboliquement important.
On a beaucoup reproché à l’Alsace de vouloir se replier sur elle-même. Il me semble que c'est plutôt l’inverse, et que la carte proposée traduit surtout un repli franco-français. (M. André Reichardt applaudit.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C'est vrai.
M. Ronan Dantec. En effet, son élaboration ne prend absolument pas en compte les interactions à l'échelle européenne. Or nous vivons aujourd’hui en Europe, et nos coopérations régionales relèvent pour partie de l’échelle européenne, et non de l’échelle française.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Ronan Dantec. À l’évidence, l’avenir de l’Alsace réside dans une coopération avec la région allemande située de l’autre côté du Rhin. Tel est le fonctionnement territorial de la France et de l'Europe d'aujourd'hui ! Ainsi, l’essentiel de l’argumentaire contre le maintien d’une collectivité territoriale unique d’Alsace est inspiré par une vision franco-française étriquée.
Sur l’ensemble de la carte, notre avis est plus nuancé. Pour ce qui concerne la région Midi-Pyrénées, les écologistes étaient favorables à la construction d’une grande région correspondant à l’ancien comté de Toulouse. Nous ne sommes donc pas systématiquement partisans du maintien de petites régions. Comme je l’ai expliqué tout à l'heure, il faut trouver des réponses prenant en compte la diversité des territoires. (MM. Claude Kern et André Reichardt, Mme Catherine Troendlé applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Le modèle alsacien de fusion des départements et de la région vaut aussi pour le Nord-Pas-de-Calais : de grandes métropoles peuvent rayonner sur de petites régions.
Si nous proposons de réunir la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine, c’est parce qu’elles ont des PIB équivalents et des densités de population voisines, variant entre 70 et 100 habitants au kilomètre carré. Leurs territoires relèvent en grande partie de la troisième couronne parisienne.
La superficie de la Marne est égale à celle du Haut-Rhin et du Bas-Rhin réunis, soit 8 000 kilomètres carrés, mais mon département compte seulement 565 000 habitants, soit 50 habitants au kilomètre carré, contre 1,9 million d’habitants et 200 habitants au kilomètre carré pour l’Alsace. Là est la différence, monsieur Kaltenbach !
En Alsace, les transports en commun sont pleins de voyageurs et circulent sur de courtes distances. Dans des régions comme les nôtres, nous avons du mal à les remplir et ils parcourent de longs trajets. D’un côté, vous avez des recettes, de l’autre, des dépenses…
En revanche, la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine présentent des profils similaires. La Picardie et la Champagne-Ardenne possèdent des pôles de compétitivité de rang mondial sur les agro-ressources, la transformation de la matière, le développement durable. La Lorraine et la Champagne-Ardenne se retrouvent autour du pôle de compétitivité Matéralia, consacré aux énergies renouvelables et à la métallurgie. Il existe donc de vraies complémentarités. C’est la raison pour laquelle notre amendement a du sens.
Si ce grand territoire ne possède pas de métropole, il se trouve placé sous le rayonnement des trois grandes métropoles que sont Lille, Strasbourg et Paris. Il sera sûrement plus facile de travailler dans cet espace que dans une région conçue et imposée par l’Assemblée nationale !
Les Alsaciens ne veulent pas de la Champagne-Ardenne et les habitants du Nord-Pas-de-Calais ne veulent pas de la Picardie, mais nous, nous sommes rassembleurs !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Suppression maintenue)
Article 2
I. – Lorsqu’une région mentionnée à l’article 1er est constituée par regroupement de plusieurs régions :
1° Son nom provisoire est constitué de la juxtaposition, dans l’ordre alphabétique, des noms des régions regroupées, à l’exception de la région constituée du regroupement de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie, qui est dénommée « Normandie » ;
2° Son chef-lieu provisoire est fixé par décret pris avant le 31 décembre 2015, après avis du conseil municipal de la commune envisagée comme siège du chef-lieu et des conseils régionaux intéressés. L’avis de chaque conseil régional est rendu après consultation du conseil économique, social et environnemental régional et après concertation avec les représentants des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des organisations professionnelles représentatives. Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet de décret par le Gouvernement ;
2° bis (Supprimé)
3° Son nom et son chef-lieu définitifs sont fixés par décret en Conseil d’État pris avant le 1er octobre 2016, après avis du conseil régional de la région constituée en application de l’article 1er rendu dans les conditions prévues au I bis du présent article ;
3° bis (Supprimé)
4° (Supprimé)
I bis. – Dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions, le conseil régional élu au mois de décembre 2015 se réunit provisoirement au chef-lieu de la région.
Pour l’application du 3° du I du présent article et par dérogation aux articles L. 4132-5 et L. 4132-8 du code général des collectivités territoriales, le conseil régional adopte, avant le 1er juillet 2016, une résolution unique comportant :
1° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du nom définitif de la région ;
2° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du chef-lieu définitif de la région ;
3° L’emplacement de l’hôtel de la région ;
4° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil régional et de ses commissions ;
5° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil économique, social et environnemental régional et de ses sections ;
6° Le programme de gestion des implantations immobilières du conseil régional.
Cette résolution ne peut prévoir qu’une même unité urbaine regroupe le chef-lieu proposé, l’hôtel de la région et le lieu de la majorité des réunions du conseil régional que si elle est adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du conseil régional. À défaut de résolution unique adoptée, les avis prévus aux 1° et 2° du présent I bis sont réputés favorables et les délibérations fixant l’emplacement de l’hôtel de la région et les lieux de réunions du conseil régional ne peuvent prévoir qu’ils sont situés dans la même aire urbaine que le chef-lieu.
Les règles fixées aux 3° à 6° sont applicables pendant le premier mandat suivant le renouvellement des conseils régionaux après la promulgation de la présente loi. Elles peuvent être modifiées pendant ce mandat par une résolution adoptée dans les mêmes formes.
II. – (Non modifié)
III. – L’article L. 4132-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’emplacement de l’hôtel de la région sur le territoire régional est déterminé par le conseil régional. »
IV. – À compter de la publication de la présente loi, la région Centre est dénommée « Centre-Val de Loire ».
Dans l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, les références à la région Centre sont remplacées par les références à la région Centre-Val de Loire.
V. – (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – À compter du 1er janvier 2016, le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 3114-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, après le mot : « généraux », sont insérés les mots : « , adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, » ;
b) Le II est abrogé ;
2° L’article L. 4122-1-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Un département et la région d'accueil limitrophe peuvent demander, par délibérations concordantes adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région précitée. La demande de modification est inscrite à l'ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l'initiative d'au moins 10 % de leurs membres.
« La région d'origine du département peut s'opposer à cette procédure par une délibération adoptée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de l'assemblée délibérante, dans les quatre mois qui suivent la notification de ces délibérations par les présidents des deux assemblées concernées. À défaut, son avis est réputé favorable. » ;
b) Le II est abrogé ;
c) (Supprimé)
2° bis L’article L. 4123-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, après le mot : « régionaux, », sont insérés les mots : « adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, » ;
b) Le II est abrogé ;
c) (Supprimé)
3° L’article L. 4124-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, après le mot : « région », il est inséré le mot : « métropolitaine » et, après le mot : « délibérantes », sont insérés les mots : « , adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, » ;
b) Le II est abrogé.
I bis. – (Supprimé)
I ter. – Lorsque, en application de l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales, un département est inclus dans le territoire d’une région, l’effectif du conseil régional de la région dont est issu ce département, l’effectif du conseil régional de la région dans laquelle il est inclus et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection du conseil régional de chacune de ces régions, déterminés au tableau n° 7 annexé au code électoral, sont fixés par décret en Conseil d’État avant le prochain renouvellement général.
L’effectif des conseils régionaux concernés et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection de ces conseils régionaux sont déterminés selon les règles suivantes :
1° Il est soustrait à l’effectif global du conseil régional de la région dont est issu le département un nombre de sièges égal à la part de la population de ce département par rapport à la population totale de cette région, arrondi le cas échéant à l’unité inférieure ;
2° Il est ajouté à l’effectif global du conseil régional de la région dans laquelle est inclus le département un nombre de sièges égal à la part de la population de ce département par rapport à la population totale de cette région, arrondi le cas échéant à l’unité supérieure ;
3° Le nombre de candidats par section départementale dans chacune des régions est déterminé en fonction de la population de chaque département à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. À ce nombre, sont ajoutés, pour chaque section départementale, deux candidats.
Les chiffres des populations prises en compte sont ceux des populations légales en vigueur.
À titre transitoire, les conseillers régionaux ayant figuré, lors du précédent renouvellement général, comme candidats de la section départementale concernée au sein de la région dont est issu ce département poursuivent, à compter de la publication du décret mentionné au premier alinéa du présent I ter, leur mandat au sein du conseil régional de la région dans laquelle il est inclus jusqu'au prochain renouvellement général.
I quater. – Lorsque, en application de l’article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, plusieurs régions sont regroupées en une seule région, l’effectif du conseil régional de cette région et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection de son conseil régional, déterminés au tableau n° 7 annexé au code électoral, sont fixés par décret en Conseil d’État avant le prochain renouvellement général.
L’effectif du conseil régional et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection de ce conseil régional sont déterminés selon les règles suivantes :
1° L’effectif du conseil régional est égal à la somme des effectifs des conseils régionaux des régions regroupées ;
2° Le nombre de candidats par section départementale est déterminé en fonction de la population de chaque département à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. À ce nombre, sont ajoutés, pour chaque section départementale, deux candidats.
Les chiffres des populations prises en compte sont ceux des populations légales en vigueur.
II. – Les articles L. 4122-1-1 et L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les I ter et I quater du présent article, sont abrogés à compter du 1er mars 2019.
III. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 7 et 8
Rédiger ainsi ces alinéas :
« I. – Un département et la région d’accueil limitrophe peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région précitée. La demande de modification est inscrite à l’ordre du jour du conseil départemental, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres.
« Avant les délibérations du département et de la région d’accueil limitrophe, le projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle se trouve ce département. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification, par le président du conseil départemental, de l’inscription à l’ordre du jour de la délibération visant à la modification des limites départementales. »
III. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 16
Après le mot :
métropolitaine
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il faut revenir au bon sens : quand les gens ont envie de s’unir, on ne doit pas s’y opposer ! Néanmoins, il convient de demander l’avis de la famille, même si ce n’est pas très moderne… En effet, la région quittée est concernée elle aussi par cette union. Au demeurant, avis ne signifie pas veto.
À la différence de l’amendement n° 9, certes de même nature, nous précisons l’ordre dans lequel le processus devra se dérouler : il faudra demander l’avis de la région susceptible d’être quittée, avant que la région d’accueil et le département souhaitant faire jouer son droit d’option ne délibèrent.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 12
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 7, première phrase
Supprimer les mots :
des trois cinquièmes
III. – Alinéa 16
Après le mot :
« métropolitaine »
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s’agit d’un amendement de repli maximal, visant à retenir la règle de la majorité simple, au lieu de celle de la majorité des trois cinquièmes. Si jamais l’amendement n° 2 n’était pas adopté, il me semble que notre assemblée pourrait se retrouver sur une telle proposition.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 10
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
2° L’article L. 4122-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4122-1-1. – I. – Un département et une région, lorsqu’ils sont limitrophes, peuvent demander, par délibérations concordantes à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région concernée. La demande de modification est inscrite à l’ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres.
« II. – Ce projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région dont le département demande à être détaché. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la notification des délibérations du conseil régional et du conseil départemental intéressés.
« III. – La modification des limites territoriales des régions concernées est décidée par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement a été adopté par le Sénat à une large majorité au mois de juillet dernier. Certes, des élections sénatoriales ont eu lieu depuis lors, mais cela devrait au contraire aboutir à conforter la position de notre assemblée sur cet excellent amendement, qui vise à faciliter l’exercice du droit d’option.
En effet, ne nous faisons pas d’illusions : le texte voté par l’Assemblée nationale à la demande du Gouvernement interdit de fait l’exercice du droit d’option pour les départements. Il ne faut pas prétendre que le dispositif actuel accorde un peu de liberté aux départements qui voudraient changer de région ! Nous le savons tous, réunir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des assemblées délibérantes de la région d’origine, du département et de la région d’accueil est strictement impossible.
Je soutiens qu’il faut faciliter l’exercice du droit d’option. Si un département demande, à la majorité des trois cinquièmes de son assemblée délibérante, à rejoindre une autre région limitrophe et si celle-ci exprime son accord également à la majorité des trois cinquièmes, une telle convergence de vues doit être respectée. Cela évitera certaines situations catastrophiques.
Ce qui est actuellement prévu, monsieur le secrétaire d’État, c’est la réunion forcée, non démocratique, de territoires. Le message est le suivant : le Gouvernement a raison ; les départements qui veulent bouger ne bougeront pas, parce que, moi, Gouvernement, j’en ai décidé ainsi !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.
S’agissant du droit d’option et des conditions dans lesquelles il peut s’exercer, le Sénat a souhaité que la région d’accueil, ainsi que le département qui veut la rejoindre, expriment leur volonté à la majorité des trois cinquièmes de leurs assemblées délibérantes, mais il a aussi voulu conditionner la réalisation de ce transfert à l’absence d’opposition de la région quittée.
Nous avons déjà souligné, au cours de précédents débats, que les représentations des collectivités locales concernées élues au suffrage universel direct devaient pouvoir s’exprimer sur une décision aussi importante. Lors de la précédente lecture, nous avions établi le principe que l’opposition de la région quittée devrait être affirmée à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. C’était déjà une forme d’assouplissement. L’Assemblée nationale n’a pas retenu cette formule, puisqu’elle est revenue à sa position initiale, selon laquelle la région de départ doit donner son accord à la majorité des trois cinquièmes.
Notre système est plus souple et facilite l’exercice du droit d’option. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a souhaité y revenir. Nous ne désespérons pas d’aboutir à un accord sur ce point avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Le droit d’option est un sujet très délicat. Nous y avons tous beaucoup réfléchi, et j’ai moi-même évolué sur cette question. Comme vous tous, j’étais favorable à un assouplissement. Or un assouplissement a bel et bien été introduit, puisque les trois consultations référendaires, pour lesquelles la participation minimale prévue était assez élevée, ont été supprimées.
Concernant l’accord à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés de l’assemblée délibérante de la région d’origine, si un tel seuil peut paraître élevé, il n’est pas inatteignable. Lorsqu’un département voudra quitter une région – nous pensons tous à un département et à une région en particulier, monsieur Dantec –, ce sera très difficile à accepter et à vivre, économiquement et financièrement, pour la région quittée. Pour elle, il s’agira presque d’une amputation (M. Ronan Dantec le nie.) : il faut aussi avoir cela à l’esprit. Les gens de Bretagne, de Loire-Atlantique et des Pays de la Loire le savent bien !
Cet aspect des choses ne doit pas être négligé ! On peut entendre qu’un département veuille quitter une région, mais prévoir qu’il puisse quasiment pour cela se passer de l’accord, exprimé à une majorité renforcée, de la région de départ, revient presque à instaurer une sorte de tutelle sur cette dernière de la région d’accueil et du département concerné. Il y a un équilibre très subtil, très délicat à trouver. La position des députés s’en approche, même si elle n’est pas totalement satisfaisante. Elle permet en tout cas une avancée assez significative vers un assouplissement du droit d’option.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’amendement n° 2.
M. Ronan Dantec. Monsieur le secrétaire d’État, je crains que le débat sur la réunification de la Bretagne ne fasse de nombreuses victimes collatérales… L’avenir de la Loire-Atlantique n’est pas lié, aujourd'hui, au droit d’option. C’est un problème de désaccord entre les élus de l’ouest sur la taille de la future région.
Les dispositions prévues par cet amendement n’ont pas vocation à être appliquées à la Bretagne. L’avenir de la Loire-Atlantique est un sujet majeur – ce n’est pas moi qui dirai le contraire, m’investissant fortement sur le dossier de la réunification de la Bretagne depuis quelques décennies –, mais cessons de nous focaliser sur ce département s’agissant du droit d’option. Je le répète, le cas de la Loire-Atlantique ne relève pas de cette problématique.
En revanche, pour d’autres territoires, peut-être la Picardie ou certains départements du Massif central, le droit d’option pourra jouer un rôle important. Le poids politique de la Loire-Atlantique ne doit pas empêcher de l’instaurer.
Par ailleurs, le travail que nous avons réalisé en commission, en nous appuyant sur un amendement déposé par Henri Tandonnet, visait à trouver un compromis. Il s’agissait de prévoir que le droit d’option pourrait s’exercer en l’absence d’opposition de la région de départ exprimée à la majorité des trois cinquièmes. Vous rejetez très clairement une telle solution, monsieur le secrétaire d’État, et donnez à entendre que le Gouvernement demandera à l’Assemblée nationale de revenir sur notre vote.
Dans ces conditions, en cas de rejet de l’amendement n° 2, je vous invite, mes chers collègues, à vous replier sur l’amendement n° 3, qui prévoit le recours à la majorité simple. Que l’Assemblée nationale vienne ensuite nous expliquer en quoi une telle règle, qui prévaut habituellement, ne serait pas acceptable ! Au stade où nous en sommes, il s’agit d’essayer de limiter la casse !
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste a toujours défendu l’idée que le droit d’option devait être le plus souple possible. En première lecture, nous avions même soutenu qu’une majorité simple pourrait suffire.
Le débat m’a amené à me rallier au principe d’une majorité qualifiée de 60 %. Je continue à penser que la région de départ doit disposer d’un droit de veto, sans qu’un vote en faveur de l’exercice du droit d’option soit nécessaire. Selon moi, une telle solution irait dans le sens d’une plus grande souplesse. Le Gouvernement semble fermer la porte, mais je crois que nous aurions intérêt à en rester à la position arrêtée par la commission, afin d’être plus forts devant l’Assemblée nationale. Nous pouvons espérer aboutir à un compromis, mais encore faut-il rester raisonnables.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments de mes collègues, même si, comme en attestent les propos que j’ai tenus tout à l’heure lors de la discussion générale, je n’avais pas besoin d’être convaincu.
Un certain nombre d’entre nous ont exprimé leur insatisfaction à l’égard du redécoupage des régions proposé par le Gouvernement. Je n’y reviendrai pas, sauf pour souligner que nous sommes globalement d’accord. Néanmoins, quelques points, peu nombreux, font débat. Ronan Dantec a raison de dire qu’il faut s’extraire du débat breton, ancien et passionné, et aborder la problématique dans sa globalité, à l’échelle du territoire national.
Pour ma part, je suis profondément convaincu que le droit d’option, tel qu’il est conçu, ne sera pas opérationnel, hélas ! En effet, on trouvera toujours une majorité pour voter contre l’exercice du droit d’option.
Telles sont les raisons qui me conduisent à soutenir ces amendements. Je fais confiance à la sagesse des territoires, à la démocratie territoriale. Laissons la possibilité à ceux qui le souhaitent de s’emparer de cette faculté, qui d’ailleurs ne prospérera peut-être pas.
En conclusion, ma position ne sera donc pas celle qu’a exprimée mon collègue et ami Philippe Kaltenbach au nom du groupe socialiste : à titre personnel, je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Finalement, M. le secrétaire d’État nous avoue que le droit d’option ne concerne qu’un département limitrophe de la Bretagne… (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Pas du tout !
M. Jacques Mézard. La réalité est tout autre ! Nous comprenons que vous rencontrez des difficultés avec d’éminents élus d’une partie du nord-ouest de la France, mais, quant à moi, je vous dis que le droit d’option concerne tout le territoire national. Certains départements vont se retrouver complètement exilés aux confins des très grandes régions nouvellement créées : je pense au Gard ou à la Lozère par rapport à Toulouse, au Cantal par rapport à Lyon. Il est naturel que ces départements, désormais coupés de leur bassin de vie naturel, se posent la question de l’exercice du droit d’option.
Or exiger une majorité des trois cinquièmes, cela revient à tout bloquer, même si certaines régions ont peut-être envie de se débarrasser des pauvres… Pour cette raison, il sera aussi plus difficile que vous ne le pensez de trouver des territoires d’accueil.
En tout cas, il n’est pas normal de s’opposer à un exercice démocratique, au travers d’un texte dont l’élaboration n’a rien de démocratique. On ne citera aucun nom, mais on sait bien qui bloque l’exercice du droit d’option. Ce ne sont pas des méthodes pour élaborer un texte de la République.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Mézard, ce que j’ai dit vaut évidemment pour tous les territoires et les départements de la République. Chacun pense à la Loire-Atlantique, certes, mais on peut également évoquer le Gard, le Cantal, la Lozère,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Et l’Oise !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … d’autres départements encore, qui ne sont toutefois pas si nombreux, puisqu’ils se comptent aisément sur les doigts des deux mains.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Nous avons tous défendu la possibilité, pour les départements, d’exercer le droit d’option. En deuxième lecture, nous nous étions mis d’accord pour que ce droit puisse jouer à la condition que l’organe délibérant de la région d’origine ne s’y oppose pas à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés : ce n’est pas du tout la même chose que devoir recueillir une approbation à la majorité des trois cinquièmes !
Le Sénat avait adopté cette position dans la perspective d’un rapprochement éventuel avec l’Assemblée nationale, qui n’a pas eu lieu. Pour ma part, je demande que nous en restions à la solution retenue par le Sénat en deuxième lecture. Si nous changeons une nouvelle fois de point de vue, nos interlocuteurs considéreront que le Sénat n’a pas une position ferme sur le sujet. Il y va de la cohérence de notre propos !
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Suppression maintenue)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Chapitre II
Dispositions relatives aux élections régionales
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 6
Le tableau n° 7 annexé au code électoral est remplacé par un tableau ainsi rédigé :
«
Région |
Effectif du conseil régional |
Département |
Nombre de candidats par section départementale |
|
Alsace |
47 |
Bas-Rhin |
29 |
|
Haut-Rhin |
22 |
|||
Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes |
165 |
Charente |
12 |
|
Charente-Maritime |
20 |
|||
Corrèze |
9 |
|||
Creuse |
6 |
|||
Dordogne |
14 |
|||
Gironde |
43 |
|||
Landes |
13 |
|||
Lot-et-Garonne |
11 |
|||
Pyrénées-Atlantiques |
21 |
|||
Deux-Sèvres |
13 |
|||
Vienne |
14 |
|||
Haute-Vienne |
13 |
|||
Auvergne et Rhône-Alpes |
184 |
Ain |
17 |
|
Allier |
10 |
|||
Ardèche |
10 |
|||
Cantal |
6 |
|||
Drôme |
14 |
|||
Isère |
31 |
|||
Loire |
20 |
|||
Haute-Loire |
8 |
|||
Métropole de Lyon |
33 |
|||
Puy-de-Dôme |
17 |
|||
Rhône |
12 |
|||
Savoie |
12 |
|||
Haute-Savoie |
20 |
|||
Bourgogne et Franche-Comté |
100 |
Côte-d’Or |
21 |
|
Doubs |
21 |
|||
Jura |
11 |
|||
Nièvre |
10 |
|||
Haute-Saône |
10 |
|||
Saône-et-Loire |
22 |
|||
Yonne |
14 |
|||
Territoire de Belfort |
7 |
|||
Bretagne |
83 |
Côtes-d’Armor |
17 |
|
Finistère |
25 |
|||
Ille-et-Vilaine |
28 |
|||
Morbihan |
21 |
|||
Centre |
77 |
Cher |
11 |
|
Eure-et-Loir |
15 |
|||
Indre |
9 |
|||
Indre-et-Loire |
20 |
|||
Loir-et-Cher |
12 |
|||
Loiret |
22 |
|||
Champagne-Ardenne et Lorraine |
122 |
Ardennes |
11 |
|
Aube |
12 |
|||
Marne |
21 |
|||
Haute-Marne |
8 |
|||
Meurthe-et-Moselle |
26 |
|||
Meuse |
9 |
|||
Moselle |
36 |
|||
Vosges |
15 |
|||
Guadeloupe |
41 |
Guadeloupe |
43 |
|
Île-de-France |
209 |
Paris |
42 |
|
Seine-et-Marne |
25 |
|||
Yvelines |
27 |
|||
Essonne |
24 |
|||
Hauts-de-Seine |
30 |
|||
Seine-Saint-Denis |
29 |
|||
Val-de-Marne |
25 |
|||
Val-d’Oise |
23 |
|||
Languedoc-Roussillon |
67 |
Aude |
12 |
|
Gard |
20 |
|||
Hérault |
26 |
|||
Lozère |
5 |
|||
Pyrénées-Orientales |
14 |
|||
Midi-Pyrénées |
91 |
Ariège |
8 |
|
Aveyron |
12 |
|||
Haute-Garonne |
34 |
|||
Gers |
9 |
|||
Lot |
8 |
|||
Hautes-Pyrénées |
11 |
|||
Tarn |
15 |
|||
Tarn-et-Garonne |
10 |
|||
Nord-Pas-de-Calais et Picardie |
153 |
Aisne |
16 |
|
Nord |
68 |
|||
Oise |
23 |
|||
Pas-de-Calais |
39 |
|||
Somme |
17 |
|||
Basse-Normandie et Haute-Normandie |
102 |
Calvados |
23 |
|
Eure |
20 |
|||
Manche |
17 |
|||
Orne |
11 |
|||
Seine-Maritime |
41 |
|||
Pays de la Loire |
93 |
Loire-Atlantique |
35 |
|
Maine-et-Loire |
22 |
|||
Mayenne |
10 |
|||
Sarthe |
17 |
|||
Vendée |
19 |
|||
Provence-Alpes-Côte d’Azur |
123 |
Alpes-de-Haute-Provence |
6 |
|
Hautes-Alpes |
6 |
|||
Alpes-Maritimes |
29 |
|||
Bouches-du-Rhône |
51 |
|||
Var |
27 |
|||
Vaucluse |
16 |
|||
La Réunion |
45 |
La Réunion |
47 |
» |
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
(Suppression maintenue)
Article 7
(Non modifié)
Le code électoral est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 338-1 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, un département dont la population est inférieure à 100 000 habitants ne compte pas au moins deux conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de deux sièges au moins.
« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, un département dont la population est égale ou supérieure à 100 000 habitants ne compte pas au moins quatre conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de quatre sièges au moins.
« Le ou les sièges ainsi réattribués correspondent au dernier siège ou aux derniers sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional et répartis entre les sections départementales en application du premier alinéa, sous réserve du cas où les départements prélevés seraient attributaires d’un seul ou de deux sièges si le département compte une population de moins de 100 000 habitants, ou de moins de cinq sièges si le département compte au moins 100 000 habitants. » ;
b) Après les mots : « selon les », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « règles prévues aux deux premiers alinéas. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque section départementale compte au moins cinq conseillers régionaux. »
II. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 338-1 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Si, après répartition des sièges en application de l’article L. 338 et du présent article, ont été élus moins de cinq conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l’effectif du conseil régional afin d’atteindre le seuil de cinq conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.
« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti selon les règles prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 338.
« Les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l’ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je suis tenace… Je demande encore une fois à la Haute Assemblée d’être logique avec elle-même en confirmant son vote de première lecture, par lequel elle avait adopté par scrutin public, en juillet dernier, par 334 voix contre 1, un amendement identique à celui-ci.
Tout à l’heure, j’ai remercié le rapporteur de s’être beaucoup battu pour arracher une meilleure représentation des petits départements. Je lui en donne acte, car je sais que sa tâche a été difficile. Pour autant, je persiste à considérer qu’il faut assurer un minimum de cinq conseillers régionaux à chaque département.
L’argument que nous oppose le Gouvernement est à mes yeux à la fois totalement fallacieux et dangereux. Selon lui, ce serait le Conseil constitutionnel qui s’opposerait à la fixation de ce seuil. Or prenons un exemple que je connais bien, celui du Cantal : il y a une liste de six candidats pour la section départementale ; il peut donc y avoir six élus. C’est ainsi dans la quasi-totalité des départements. Si la loi permet que le département compte six représentants au conseil régional, comment ma proposition de garantir un minimum de cinq conseillers pourrait-elle contrevenir à la position du Conseil constitutionnel ? Telle est la réalité, et vous n’avez aucun argument à y opposer, malgré tous les efforts de vos collaborateurs de la direction générale des collectivités locales, la DGCL !
Votre but, c’est que les petits départements soient sous-représentés. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Je sais bien que mon argument gêne la DGCL, mais il serait bon que, un jour, ce soient les élus qui commandent dans ce pays !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque section départementale compte au moins quatre conseillers régionaux. »
II. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 338-1 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Si, après répartition des sièges en application de l’article L. 338 et du présent article, ont été élus moins de quatre conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l’effectif du conseil régional afin d’atteindre le seuil de quatre conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.
« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti selon les règles prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 338.
« Les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l’ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli.
Au terme de la négociation menée avec l’Assemblée nationale et le ministre de l’intérieur – qui lui au moins a fait un effort… –, nous avons obtenu que les départements de plus de 100 000 habitants comptent au moins quatre conseillers régionaux. Par cet amendement, nous demandons que ce seuil minimal de représentation vaille pour tous les départements : on ne peut pas accepter qu’un unique département français soit marginalisé ! Est-ce ainsi que vous récompensez notre excellent collègue Alain Bertrand de la confiance qu’il a toujours témoignée au Gouvernement ? Cela étant, vous avez pour habitude de trahir la fidélité…
Adopter cet amendement ne changera pas la face de l’organisation territoriale, ne changera rien au fonctionnement de la très grande région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, mais ce sera faire œuvre de justice.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Bertrand et Mézard, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, chaque département ne compte pas au moins deux conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de quatre sièges au moins.
« Le ou les sièges ainsi réattribués correspondent au dernier siège ou aux derniers sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional et répartis entre les sections départementales en application du premier alinéa, sous réserve du cas où les départements prélevés seraient attributaires de moins de cinq sièges.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. La chose est grave.
À l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat un accord semble être intervenu pour assurer un minimum de quatre conseillers régionaux aux départements de plus de 100 000 habitants. Seule restera à l’écart du dispositif la Lozère, ce département sous-républicain peuplé de gueux, de bouseux qu’on ne connaît pas bien…
Agir ainsi, c’est s’en prendre aux plus faibles, et c’est contraire à l’esprit républicain ! On invoque l’opposition du Conseil constitutionnel, alors même que celui-ci avait accepté, lors de la création du conseiller territorial, qu’un traitement particulier soit réservé aux territoires peu peuplés, à seule fin d’équité républicaine.
On me dit que le groupe socialiste serait d’accord pour fixer le seuil à quatre conseillers régionaux au-dessus de 100 000 habitants parce que cela convient à tel ou tel élu qu’il s’agit de ne pas mécontenter… Mais c’est scandaleux pour la Lozère, et déshonorant pour les parlementaires qui acceptent de tels arrangements ! Je sais, monsieur Vallini, que vous êtes attaché à la Lozère et que vous connaissez la ruralité et l’hyper-ruralité. Que diriez-vous, monsieur Kaltenbach, si je m’autoproclamais compétent pour organiser la métropole parisienne ? C’est surréaliste !
Il faut revenir au bon sens, à une République qui ait les pieds sur terre, qui ne soit pas façonnée par des élus en plastique. C’est ainsi que nous pourrons lutter pour l’emploi, pour le développement économique.
Il s’agit donc d’un amendement d’équité extrêmement important pour le plus petit département de France, qui ne saurait être considéré comme un territoire sous-républicain peuplé de sous-citoyens !
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Bertrand et Mézard, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer (deux fois) le mot :
deux
par le mot :
trois
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
d’un seul ou de deux
par les mots :
d’au moins trois
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président de la commission spéciale et moi-même ne sommes pas en plastique, monsieur Bertrand.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ni en plastique, ni trop plastiques, d’ailleurs !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous sommes comme nous sommes, mais nous essayons de livrer nos convictions, sachant que la commission spéciale ne saurait se départir d’un raisonnement juridique.
Nous comprenons tous, ici au Sénat, que s’en tenir au seul critère démographique n’est pas une position acceptable. En effet, cela aboutit à mettre peu à peu le monde rural à l’écart, ce qui est extrêmement dangereux. C’est un principe qui nous anime depuis le début.
Par ailleurs, nous avons a minima la responsabilité institutionnelle de veiller à ne pas faire encourir aux travaux de la Haute Assemblée une censure certaine du Conseil constitutionnel.
À cet égard, je voudrais préciser que les écarts de représentation évoqués pour certains petits départements ne correspondent plus à la situation actuelle. Ils étaient possibles avec l’ancien découpage cantonal, mais le nouveau ne les permet plus. Les simulations que nous avons effectuées sont bien sûr fondées sur les nouvelles circonscriptions régionales.
Nous avons cherché à préserver les choses. La solution qui a d’abord été proposée était d’assurer un minimum de deux représentants régionaux aux départements de moins de 100 000 habitants,…
M. Alain Bertrand. Il n’en existe qu’un !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. … puis on est passé à quatre.
M. Alain Bertrand. C’est faux !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je ne sais, mon cher collègue, si on peut l’affirmer avec autant de certitude que vous le faites !
M. Alain Bertrand. Mais si !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je peux vous dire que les services de Gouvernement, ceux de l’Assemblée nationale et les nôtres y ont travaillé. C’est la réalité !
Si nous n’arrivons pas à faire prospérer cet accord entre les deux assemblées, que se passera-t-il ? Le Sénat se fera peut-être plaisir en votant une représentation minimale de cinq conseillers, mais l’Assemblée nationale reviendra à son texte d’origine, c’est-à-dire à deux conseillers !
M. Alain Bertrand. Allons-y !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous aurons alors tout perdu !
Il se trouve que nous avons là une piste d’accord avec l’Assemblée nationale. Il n’y en a pas beaucoup sur ce texte, pour les mille raisons que nous avons évoquées ensemble.
M. Alain Bertrand. Et la Lozère ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est cela ou rien, mon cher collègue ! Dès lors, il nous faut aller vers cet accord, qui permettra d’assurer un minimum de quatre sièges au conseil régional.
M. Alain Bertrand. Mais non !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est en tout cas la position qu’a défendue la commission spéciale. C’est la raison pour laquelle son avis est défavorable sur les quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Dès le début de l’examen de ce projet de loi, le Sénat a appelé l’attention du Gouvernement sur ce sujet difficile de la représentation minimale que l’on doit garantir aux départements les moins peuplés.
Lors de la dernière lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 9 décembre dernier, les députés ont introduit des garanties de représentation supplémentaires, en prévoyant que les départements de moins de 100 000 habitants seraient représentés par au moins deux conseillers régionaux, tandis que les départements de 100 000 habitants et plus seraient représentés par au moins quatre conseillers régionaux.
Ces règles de représentation minimale sont conformes au principe d’égalité démographique. Elles ne conduiront pas à une surreprésentation de certains départements par rapport à d’autres au sein d’une même région. Elles respectent le fameux « tunnel » démographique de plus ou moins 20 %, qui suppose qu’aucun département ne soit systématiquement surreprésenté en ayant un nombre d’habitants par élu inférieur de plus de 20 % à la moyenne régionale.
L’ensemble de ces dispositions, soutenues par le Gouvernement, a été repris à son compte par la commission. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis un peu étonné que, comme l’a dit en substance Jacques Mézard, ce soient le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État qui fassent la loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ils l’interprètent.
M. Pierre-Yves Collombat. D’où sort cette règle des 20 % ? J’ai cherché dans la Constitution, mais en vain !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il existe une jurisprudence en la matière.
M. Pierre-Yves Collombat. Ensuite, je trouve étrange que l’on anticipe les décisions du Conseil constitutionnel. La loi créant le conseiller territorial prévoyait un minimum de quinze représentants par département. Le Conseil constitutionnel avait alors « chipoté à la marge », en se livrant à des contorsions arithmétiques assez extraordinaires, tout en admettant que prévoir une représentation minimale incompressible pour tout département n’était absolument pas scandaleux.
Par conséquent, cette fameuse règle, qui nous vient apparemment des dieux, semble tout de même être à géométrie largement variable. Mais cela, on l’a oublié !
Enfin, il convient aussi de faire le lien entre ce texte et le projet de loi NOTRe à venir, qui confère aux régions des pouvoirs très importants, notamment en matière d’aménagement et de développement. Je veux bien que l’on saucissonne tout et que, la tête dans le guidon, on ne voie que ce qui est devant soi, mais il faudrait tout de même essayer d’élargir le propos !
Je ne trouve donc pas ces propositions scandaleuses. Au contraire, cela me paraît être le minimum du minimum, et je trouve vraiment très étonnant que l’on en soit encore à chipoter un représentant de plus à la Lozère.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je m’efforce d’être cartésien. Les « petits départements » peuvent, en fonction du résultat des élections, avoir autant d’élus que de candidats. C’est le cas du mien : six candidats figurent sur la liste de section départementale. Cela signifie que, en fonction des suffrages exprimés et de la liste arrivée en tête, mon département peut obtenir six élus. Je défie quiconque de me prouver juridiquement le contraire ! D’ailleurs, un éminent représentant du groupe socialiste qui a fait des simulations m’a indiqué que, dans la plupart des cas de figure, mon département aurait cinq élus.
Or vous continuez à prétendre que le Conseil constitutionnel serait opposé à ce que l’on fixe à ce niveau la représentation minimale assurée à chaque département, alors qu’il ressort de la loi, eu égard au nombre de candidats, que ce nombre d’élus pourra être atteint. Quand on m’aura démontré le contraire, je changerai peut-être d’avis, mais pour l’heure j’attends toujours !
Nous avons déposé un amendement de repli fixant le minimum à quatre conseillers régionaux : dès lors que, dans l’immense majorité des cas, le résultat des élections donnera un nombre d’élus supérieur ou égal à quatre, je ne vois vraiment pas quel effort cela représente de l’adopter. Je le redis : nous sommes face à une position de principe !
Il a fallu batailler pour arriver à un minimum de quatre représentants pour les départements comptant plus de 100 000 habitants, et je remercie encore une fois M. le rapporteur de ses efforts. Je rappelle que la position initiale du Gouvernement était de garantir un conseiller par département, ce qui n’avait aucun sens, sinon celui d’envoyer un message d’humiliation aux petits départements. Or de tels messages, nous en avons suffisamment reçus depuis deux ans…
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Si le Conseil constitutionnel avait accepté le principe de quinze représentants au minimum par département, c’est qu’il considérait que l’on pouvait réserver un traitement particulier à des territoires à faible population, afin que le conseil territorial puisse fonctionner.
Aujourd’hui, si l’on fixe le minimum à quatre conseillers par département, cela représentera 1,5 % ou 2 % de l’effectif du conseil régional, qui comptera 150 membres, voire davantage. Pour représenter un département, qui est tout de même un échelon important dans l’organisation de la République, c’est le minimum minimorum !
Messieurs les président et rapporteur de la commission spéciale, je sais que vous avez travaillé sérieusement, mais cela ne suffit pas à assurer l’équité républicaine. Vous dites à un département français qu’il n’aura pas son dû. Ce que la caste des constitutionnalistes appellent le « bloc constitutionnel » comprend aussi, me semble-t-il, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or figurez-vous que, même en Lozère et dans d’autres petits départements comme l’Ariège, les Alpes-de-Haute-Provence ou autres, depuis que l’école publique existe, on apprend à lire ! Je ne vois pas pourquoi nous serions moins égaux en droit que les autres !
C’est une question d’équité républicaine, et non une question de gauche, de droite, de Constitution, de Conseil constitutionnel, de Conseil d’État… Ici au Sénat, comme nos collègues de l’Assemblée nationale, nous devons prendre de bonnes mesures pour notre République. C’est pourquoi je vous appelle tous, quelle que soit votre sensibilité politique, à voter mon amendement tendant à prévoir un minimum de quatre conseillers régionaux pour tous les départements de France, sans exception. Ce n’est tout de même pas grand-chose !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce débat est très important, et je voudrais interroger M. le rapporteur. Sur le fond, il nous faut envoyer un message de ras-le-bol devant le terrorisme de la loi du quantitatif, qui prévaut partout ! (MM. Pierre-Yves Collombat et Alain Bertrand applaudissent.) En effet, c’est en permanence la prime au plus grand, qui gagne toujours alors que, on le voit bien, la grande dimension tue la dimension humaine sans apporter de solutions aux problèmes et en en créant au contraire de nouveaux !
Ainsi, fixer à 20 000 habitants le minimum de population pour les intercommunalités aboutit à fragiliser des structures à dimension humaine pour privilégier la formation d’ensembles toujours plus grands.
En matière économique, on a compris les avantages des petites et moyennes entreprises, des structures à taille humaine, pour décentraliser, responsabiliser, motiver, mais, en matière d’aménagement du territoire, on en est resté à la loi des grands nombres et on met en place des schémas que l’on ne maîtrise pas.
Si les très grandes métropoles étaient capables de régler tous les problèmes, nous y serions très favorables, mais on voit bien qu’elles ne font qu’en créer de nouveaux.
Au fond, quand les structures fonctionnent et que les territoires ont une dynamique, quelle qu’elle soit, il faut essayer de protéger cette dernière. Au travers de ces amendements, on sort de la loi du quantitatif pour passer à une reconnaissance statutaire : un département, du seul fait qu’il est un département, a des droits. En particulier, il a droit à la reconnaissance de sa dignité. C’est aussi cela, la République : il n’est pas dit qu’un territoire est forcément égal à un autre. Ce sont les citoyens qui sont égaux, quels que soient les territoires sur lesquels ils vivent : ce n’est pas parce que l’on vit sur un territoire fragile que l’on est un sous-citoyen ! (M. Alain Bertrand applaudit.)
Personnellement, je suis très sensible à cette volonté sénatoriale de reconnaître au territoire en tant que tel un statut lui permettant de revendiquer, en l’occurrence, une représentation digne.
C’est essentiel à un moment où l’on assiste, à l’évidence, à une remise en cause du département et des petites communes. Systématiquement, la loi rampante du quantitatif conduit à affaiblir les structures au sein desquelles la dimension humaine est le mieux reconnue. Plus on sera systématique, moins on sera humain ! On voit bien à quoi nous conduit la course à la grande dimension : à être dirigés non plus par des hommes, mais par des directives, des règles, des réglementations, des procédures. (Mme Éliane Assassi rit.) Que demande-t-on très souvent à nos fonctionnaires ? De vérifier la conformité aux procédures, plutôt que d’apprécier, grâce au bon sens, la qualité de la décision. Il est bon de dire de temps en temps « stop » à ces dérives du quantitatif, qui nous mènent vers des horizons inconnus, en abandonnant des valeurs précieuses.
C’est pourquoi je suis tenté de voter ces amendements. Je suis assez d’accord avec MM. Mézard et Bertrand pour dire qu’il ne faut pas avoir peur d’affronter le Conseil constitutionnel ; sinon, autant lui donner tous les pouvoirs : entre le Conseil d’État en amont et le Conseil constitutionnel en aval, nous n’aurions plus grand-chose à faire ! (Mme Catherine Troendlé opine.)
En revanche, il est vrai, monsieur le rapporteur, qu’il ne faudrait pas, en rompant l’accord trouvé avec l’Assemblée nationale, nous retrouver avec une formule plus défavorable que celle que nous avons obtenue. Pour éviter ce risque, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’accord avec l’Assemblée nationale porte sur le texte que nous examinons ce soir. C’est après l’échec de la commission mixte paritaire qu’une modification a été apportée sur le point qui nous occupe, par le biais d’amendements de collègues députés fortement inspirés, il faut bien le dire, par le Sénat.
Je voudrais apporter une petite précision. Il est vrai que, depuis 2003, l’élection régionale se fait à l’échelle de la région. Chaque électeur devant être traité de la même manière, nous sommes tenus de respecter le fameux « tunnel » de plus ou moins 20 %.
M. Alain Bertrand. Mais non !
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé, et les amendements nos 6, 7 et 8 n’ont plus d’objet.
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Chapitre III
Dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Chapitre IV
Dispositions relatives au calendrier électoral
Article 12
I et I bis. – (Supprimés)
I ter. – Pour l’application du code électoral au renouvellement général des conseils départementaux en mars 2015 :
1° L’article L. 50-1, le dernier alinéa de l’article L. 51 et le premier alinéa de l’article L. 52-1 ne sont applicables qu’à partir du 17 septembre 2014 ;
2° Le second alinéa de l’article L. 52-1 n’est applicable qu’aux dépenses engagées à partir du 17 septembre 2014 ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 52-4 et l’article L. 52-11 ne sont applicables qu’à partir du 17 septembre 2014 si le compte de campagne déposé par le binôme de candidats ne mentionne que des recettes et des dépenses effectuées à compter de cette date ;
4° L’article L. 52-8-1 n’est applicable qu’à partir du 17 septembre 2014 ;
5° (Supprimé)
II. – Par dérogation à l’article L. 336 du code électoral :
1° Le premier renouvellement général des conseils régionaux et de l’Assemblée de Corse suivant la promulgation de la présente loi se tient en décembre 2015 ;
2° Le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 prend fin en décembre 2015. Toutefois, dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions en application de l’article 1er de la présente loi, le président de chaque conseil régional gère les affaires courantes ou présentant un caractère urgent entre la date du scrutin et le 31 décembre 2015 ;
3° Les conseillers régionaux élus en décembre 2015 tiennent leur première réunion :
a) Le lundi 4 janvier 2016 dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions en application de l’article 1er de la présente loi ;
b) À la date prévue à l’article L. 4132-7 du code général des collectivités territoriales dans les autres régions ;
4° Le mandat des conseillers régionaux et des membres de l’Assemblée de Corse élus en décembre 2015 prend fin en mars 2021 ;
5° (Supprimé)
III, IV, IV bis, V et VI. – (Non modifiés)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l'article.
M. Ronan Dantec. La conférence internationale sur le climat de 2015 se tiendra en même temps que les élections régionales. Je rentre de Lima, où j’ai assisté à un rendez-vous important, coprésidé par le ministre péruvien de l’environnement et par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et totalement consacré aux engagements des acteurs non étatiques, notamment des collectivités territoriales et des régions.
Si les responsables des régions françaises, dans les six mois qui précèdent les élections régionales, décident de mobiliser leurs moyens pour engager au côté de la société civile la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le font savoir, le coût de cette action de communication ne risque-t-il pas d’être intégré dans les comptes de campagne ? C’est une vraie question, car du fait de la concomitance des dates des élections et de la Conférence des parties de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, on se priverait de la capacité de mobilisation des territoires français. Ce serait une absurdité totale !
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais obtenir une réponse assez précise sur ce point, car c’est en fonction de celle-ci que nous pourrons, ou non, engager la mobilisation des régions françaises en vue de la COP. Une dynamique forte est à l’œuvre à l’échelle internationale : il ne faudrait pas qu’elle soit cassée en France, uniquement à cause d’une concomitance de dates.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. La question était d’abord de savoir s’il était possible d’organiser en même temps des élections régionales et la Conférence sur les changements climatiques.
De ce point de vue, il n’y a pas de souci à avoir : l’ensemble du Gouvernement et toutes les collectivités territoriales de la République se mobiliseront pour les deux événements en même temps. On peut très bien à la fois organiser des élections régionales et réussir la Conférence sur les changements climatiques.
Concernant la question précise que vous soulevez, il suffira – si j’ose m’exprimer ainsi –, pour les présidents de région sortants, de résister à la tentation d’apposer leur photo et d’inscrire leur nom en très gros sur les documents, de mobiliser les citoyens sans mettre en valeur les élus régionaux personnellement. La règle est toute simple : dans l’année qui précède les élections, il faut être de moins en moins actif en termes de promotion des exécutifs sortants et privilégier la communication sur l’action menée par la collectivité en vue de la réussite de la COP.
M. Ronan Dantec. Ça va être ingérable !
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis A
(Suppression maintenue)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Chapitre V
(Division et intitulé supprimés)
Article 13
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au dernier alinéa du I de l’article 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, les mots : « 28 février » sont remplacés par les mots : « 1er mars ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. La loi du 27 janvier 2014 a prévu un calendrier ambitieux pour la rationalisation de la carte intercommunale en grande couronne parisienne, afin qu’elle soit concomitante avec la mise en œuvre de la métropole du Grand Paris, au 1er janvier 2016.
À l’été 2014, il est apparu que ce calendrier devait être desserré afin de donner plus de temps à la première phase d’élaboration du schéma régional de coopération intercommunale.
Ainsi, un amendement tendant à créer un article 13, adopté en commission en première lecture à l’Assemblée nationale, a allongé de trois à cinq mois la durée de consultation sur le projet de schéma et reporté la date d’adoption du schéma par le préfet du 28 février au 30 avril 2015.
Par la suite, ce calendrier a été de nouveau décalé au 31 mai, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, au prix d’un resserrement du calendrier des échéances suivantes, à savoir la consultation de la commission régionale de la coopération intercommunale sur les projets non prévus au schéma, la date butoir d’adoption des arrêtés de projet de périmètre, la consultation des conseillers municipaux et des EPCI, ainsi que de la chambre régionale de commerce et d’industrie, sur les arrêtés de projet, tout en maintenant une mise en œuvre effective du schéma au 1er janvier 2016.
Toutefois, le calendrier adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale semble désormais trop contraint concernant les dernières phases, qui devront se dérouler en 2015. Par ailleurs, le processus conduit par le préfet de la région d’Île-de-France a bien avancé.
C’est pourquoi le Gouvernement trouve préférable et plus sûr d’en revenir aujourd’hui au calendrier initialement prévu par la loi MAPTAM, qui semble désormais soutenable et permet d’arrêter le schéma régional de coopération intercommunale avant les élections départementales.
Dans cette perspective, étant donné l’état d’avancement de la procédure parlementaire sur ce projet de loi, seul un amendement du Sénat à l’article 13 permettrait à l’Assemblée nationale de revenir sur ce calendrier lors de la lecture définitive, qui doit avoir lieu après-demain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ce que l’on nous propose, c’est de faire un faux amendement de suppression. C’est clair !
Mme Éliane Assassi. Ça y ressemble !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. J’ai été rapporteur du projet de loi de révision constitutionnelle de 2008 : ou bien le texte de la commission a un sens, ou bien il n’en a pas ! Cela voudrait dire que le texte de la commission ne sert à rien, puisque, de toute façon, selon l’interprétation de certains, les amendements devraient être votés en séance. C’est ce que l’on nous demande. Déjà, sous la présidence de Jean-Pierre Sueur, le même cas s’était produit, et le Sénat s’y était refusé.
Dans la mesure où nous avons supprimé l’article 13 en première et en deuxième lectures, tandis que l’Assemblée nationale l’a rétabli, cela revient à demander au Sénat de se déjuger.
On invoque, pour nous convaincre, je ne sais quel accord général. Très bien ! Embrassons-nous, Folleville ! (Sourires.) On voudrait réduire cette question à une lutte entre les administrateurs de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat : non ! Il ne faut pas méconnaître la révision constitutionnelle de 2008.
Monsieur le secrétaire d’État, je comprends bien votre souhait d’arranger les choses. Mais, en définitive, on nous propose…
Mme Éliane Assassi. De nous déjuger !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. … de décaler d’une journée la date limite d’élaboration du schéma régional de coopération intercommunale d’Île-de-France, tout en nous assurant que nous avons, à bon droit, supprimé l’article 13. Il ne faut pas se moquer du monde ! (Mme Éliane Assassi rit.) Ce n’est pas la peine de voter des révisions constitutionnelles si c’est pour employer de telles méthodes ! Qu’il soit adopté par le Sénat en commission ou en séance publique, un amendement de suppression n’en est pas moins effectif. Sinon, ne demandons plus aux commissions d’élaborer des textes. Avouez qu’il s’agit là d’un déni de la révision de 2008.
Ce matin encore, j’ai plaidé pour le consensus, mais c’était avant de prendre connaissance de l’amendement du Gouvernement. Deux autres solutions étaient possibles : que le Gouvernement dépose un amendement tendant à supprimer l’article 13, ou bien que l’Assemblée accepte le texte du Sénat sans cette disposition. Ce n’est pas interdit !
Nous avons dit et répété à nos collègues députés que nous ne voulions pas de cet article : nous l’avons supprimé en première et en deuxième lectures, et ils n’ont toujours pas compris. Voter cet amendement, ce serait renoncer, de fait, au pouvoir confié aux commissions d’établir leur propre texte.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. le président. En conséquence, l’article 13 demeure supprimé.
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
M. le président. Les autres dispositions du présent projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. La proposition du Sénat est de réunir la Champagne-Ardenne à la Lorraine. En vertu de l’article 3, les départements disposent d’un droit d’option : ainsi, l’Aisne, appartenant actuellement à la Picardie, pourra le cas échéant choisir de rejoindre le bassin marnais. Ce serait logique, puisque nombre de ses habitants fréquentent l’université et le centre hospitalier universitaire de Reims. Ces territoires appartiennent à un même bassin de vie et d’emploi. C’est là une avancée par rapport aux propositions initiales du Gouvernement.
Désormais, il importe de définir les compétences dévolues à ces nouvelles régions, formant une organisation territoriale très particulière. J’ajoute qu’il sera primordial de veiller à ce que chaque niveau de collectivités dispose des moyens nécessaires pour assumer au mieux ses responsabilités.
Ces réserves étant posées, je voterai le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Je tiens à réaffirmer la position de la grande majorité des Alsaciens.
Je veux dénoncer un déni de démocratie. En effet, 58 % des Alsaciens qui se sont exprimés lors du référendum de 2013 ont dit « oui » à l’Alsace unique. Certes, la mobilisation ne fut pas au rendez-vous, mais la configuration n’était pas la même qu’aujourd’hui. Au reste, un faible taux de participation ne peut suffire à disqualifier un scrutin.
Par ailleurs, 96 % des élus des conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et du conseil régional d’Alsace ont voté contre la grande fusion proposée.
Je tiens en outre à dénoncer, à la suite de notre collègue Jacques Mézard, le véritable gâchis d’une réforme territoriale pourtant nécessaire. Elle a été menée à la hâte et sans aucune concertation avec les collectivités territoriales concernées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes pour l’innovation, pour la simplification, pour une meilleure lisibilité de l’organisation territoriale et pour davantage d’économies, pourquoi vous obstinez-vous à refuser à une région la mise en œuvre d’une expérimentation intéressante et innovante ? Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir créer une méga-région dépourvue de toute cohérence géographique et historique, de toute vision économique, de tout projet d’avenir ?
Ce que les Alsaciens veulent, ce n’est ni l’autonomie ni un quelconque repli identitaire. Ils attendent simplement, de votre part, une véritable ouverture d’esprit, un tant soit peu de bon sens, pour que nous puissions expérimenter le conseil unique d’Alsace, dans une région Alsace unie et forte, pour un développement serein de notre pays, la France.
La majorité du groupe UDI-UC votera ce texte. Je ne peux manquer de saluer, en conclusion, l’excellent travail du rapporteur de la commission spéciale, François-Noël Buffet, et de son président, Jean-Jacques Hyest.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Au terme de ce processus législatif, je ne puis qu’exprimer la grande déception des membres du groupe écologiste. Les uns et les autres n’ont pas ménagé leurs efforts pour améliorer ce texte. En dépit des divergences, nous avions tous la volonté d’aboutir à un résultat plus cohérent.
Alors que nous nous apprêtons à passer au vote, je suis presque tenté de demander : à quand la prochaine loi relative à la délimitation des régions ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ah !
M. Ronan Dantec. En effet, nous sommes restés au milieu du gué…
À l’évidence, il s’agit d’une occasion manquée. L’avenir de l’action publique en France passe par la mise en place de territoires forts, tout le monde le reconnaît, mais l’État manifeste toujours une forme de peur des territoires. Cette contradiction, présente dès l’ouverture de ce chantier, n’a pu être dépassée. Aussi aboutissons-nous à un texte dont les incohérences sont flagrantes : les cas de l’Alsace et de la Bretagne le montrent à l’envi.
Cette situation va susciter de nouvelles anxiétés. On ne peut qu’avoir très peur en constatant que l’État ne contrôle pas ses propres processus législatifs, et nos concitoyens ne sont absolument pas dupes de la faiblesse du texte final.
Mme Catherine Troendlé. Tout à fait !
M. Ronan Dantec. Or, contrairement à d’autres, je n’ai jamais considéré que cette réforme n’était que de la poudre aux yeux et qu’il y avait des chantiers plus importants à ouvrir. Depuis longtemps déjà, pour ainsi dire depuis le découpage des circonscriptions d’action régionale, on sait que le périmètre des régions pose problème. Aussi étais-je très favorable à la proposition initiale de Manuel Valls, même si l’élaboration de la carte régionale aurait été plus sereine et plus approfondie si nous avions pu commencer par débattre des compétences.
Quoi qu’il en soit, nous avons raté l’occasion de bien mener cette réforme et, surtout, d’associer à la réflexion nos concitoyens, lesquels ont été encore moins consultés que les élus territoriaux. Il suffit pourtant de jeter un coup d’œil à la presse pour constater que ce débat intéresse l’opinion publique : il a suscité nombre de contributions. C’est un de ces sujets dont on discute à la fin des repas de famille.
C’était l’occasion de susciter un désir de politique. On aboutit malheureusement à une réforme technocratique, où les rapports de force politiques immédiats, y compris les calculs personnels, ont pris le dessus. On ne peut qu’en concevoir une extrême déception.
Parallèlement, le présent texte nous donnait l’occasion de renforcer la démocratie territoriale : dès lors que l’on crée des régions plus grandes, on peut redéfinir des contre-pouvoirs, des organes permettant d’animer le débat démocratique pour que les citoyens puissent s’approprier les nouveaux ensembles régionaux. Sur ce point, je ne jetterai pas la pierre qu’au seul Gouvernement, car je n’ai guère reçu de soutien dans cet hémicycle…
Nous avons émis nombre de propositions en ce sens, non sans accueillir favorablement des suggestions issues d’autres familles politiques : nous nous sommes heurtés à un mur, notamment au Sénat, et à une grande frilosité devant un renforcement de la démocratie territoriale. Cela témoigne, de la part des parlementaires et des grands élus territoriaux, d’une certaine peur du débat démocratique dans les territoires et de l’affirmation de contre-pouvoirs. Dans quelques dizaines d’années, ces difficultés auront été oubliées et nous aurons dépassé, je l’espère, le découpage régional que le Parlement va adopter.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse sur la place qui sera réservée aux grands élus régionaux lors de la préparation de la conférence Paris Climat 2015 m’inquiète : en somme, ils seront invités à s’écarter dès qu’une photo sera prise ; ce n’est pas acceptable !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Ronan Dantec. En conclusion, les membres du groupe écologiste voteront contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Pour ma part, je le redis, je suis absolument hostile à la création de grandes régions. Toutefois, je voterai le texte qui nous est soumis, pour une raison évidente : il maintient l’Alsace en tant que région à part entière.
Comme en deuxième lecture, le Sénat doit, aujourd’hui, adresser un message clair et fort à l’Assemblée nationale et au Gouvernement, en faveur de la diversité, du droit à l’expérimentation en matière d’aménagement du territoire, de l’efficacité.
L’Assemblée nationale doit comprendre que le Sénat, récemment renouvelé pour moitié, est le représentant des territoires et que ces derniers ont droit à la diversité et à l’expérimentation dans notre République.
J’appelle le Gouvernement à se soucier de l’efficacité de cette réforme. Les conseillers régionaux alsaciens qui seront désignés l’an prochain seront à tout le moins gênés par cette loi. Aujourd’hui, la totalité des parlementaires alsaciens, la très grande majorité des Alsaciens ne veulent pas de cette grande région. À n’en pas douter, les conseillers régionaux qui seront élus dans un an traîneront les pieds. J’ignore quand interviendra l’alternance politique, mais, le moment venu, ils n’auront de cesse de revenir sur ce texte.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ainsi du temps, alors que les problèmes du chômage, de la résorption des déficits méritent toute notre énergie. Il est regrettable que nous passions du temps à mettre en place une réforme institutionnelle que l’Alsace, je le répète, ne fait pas sienne, c’est le moins que l’on puisse dire.
Par souci d’efficacité, je vous en conjure, écoutez les Alsaciens ! Ils vous ont dit tout le mal qu’ils pensaient de cette grande région, non pas en raison d’une volonté de repli sur eux-mêmes, j’y insiste, mais parce qu’ils considèrent leur région comme un poste avancé sur le Rhin et qu’ils savent pouvoir apporter, dans cet espace, tout ce que la France est en droit d’attendre d’eux.
Au moment où vous allez porter ce message à l’Assemblée nationale, ayez une dernière fois à l’esprit cette revendication alsacienne. Nous avons besoin de votre appui pour faire comprendre au Gouvernement et à la majorité de l’Assemblée nationale que le sort qu’ils entendent réserver à l’Alsace n’est pas le bon. (MM. Pierre Charon et René-Paul Savary applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Si je devais caractériser le projet du Gouvernement de redécoupage de la carte régionale, je dirais qu’il n’est sous-tendu par aucune logique repérable, sinon de convenance, qu’il exprime une méconnaissance de la géographie et de l’histoire de la France, qui ne sont pas celles de l’Allemagne fédérale – dont, par ailleurs, les Länder sont de taille et de capacité économique très variables –, qu’il tend à définir le contenant avant le contenu, enfin qu’il n’établit pas que ce charcutage institutionnel produira des économies de gestion ou une dynamisation du développement économique.
Quand bien même cette réforme aurait les effets attendus, sa mise en œuvre se soldera par une paralysie des institutions régionales durant plusieurs années, dans la mesure où elles seront mobilisées par leur réorganisation au moment où elles devraient consacrer leurs forces à la lutte contre la crise.
Le Sénat a fait ce qu’il pouvait pour éliminer les aspects les plus pénalisants de ce projet, s’agissant notamment du sort réservé aux départements les plus petits. Cela mérite d’être souligné.
C’est donc mû par un triste réalisme, et la mort dans l’âme, que je soutiendrai le texte issu des travaux de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. J’ai entendu quelques paroles assez dures sur ce projet de loi. Pourtant, au terme de longs débats, tant dans l’hémicycle qu’en commission, nous sommes parvenus à un consensus sur quelques grandes idées : il faut des régions plus fortes, moins nombreuses et jouissant d’une véritable compétence économique, conformément d’ailleurs aux préconisations du rapport Raffarin-Krattinger.
Le débat, c’est vrai, avait mal commencé, en juillet dernier. Certains avaient la volonté de l’empêcher, mais, finalement, le Sénat a pu pleinement jouer son rôle et faire valoir son expertise sur un texte concernant directement les collectivités ; je m’en félicite.
Le projet de loi initial a été largement amélioré. Je tiens à saluer la capacité d’écoute et la recherche permanente du consensus ou du compromis manifestées par le président et le rapporteur de la commission spéciale. Je remercie André Vallini, Bernard Cazeneuve et Marylise Lebranchu, qui se sont succédé au banc du Gouvernement, d’avoir toujours été attentifs aux propositions et aux observations du Sénat.
Cela nous a permis d’élaborer un texte qui est désormais, à mon sens, quasiment abouti, avec la constitution de grandes régions, un calendrier électoral revu et la prise en compte de la demande des plus petits départements de bénéficier d’une meilleure représentation, encore renforcée tout à l'heure par un vote de cette assemblée qui devrait satisfaire notre collègue Alain Bertrand et la Lozère. Nous avons également avancé sur le droit d’option.
Sur ces quelques points, il faudra sûrement convaincre encore l’Assemblée nationale, dans quelques jours. Pour l’essentiel, cela étant, ce texte fait l’objet d’un large consensus.
Le groupe socialiste s’abstiendra, en raison d’une réserve, que j’ai exprimée tout à l'heure, sur le découpage et le nombre des régions. Il faut pourtant la relativiser, car nous ne divergeons après tout que sur deux régions : la région Grand-Est et la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Nous nous accordons sur 85 % de la carte.
Nous continuons à soutenir qu’il faut des régions suffisamment grandes, qui puissent être des moteurs sur le plan économique. Nous voulons cette cohérence. C’est pourquoi, même si nous sommes tout à fait conscients des avancées qui ont été obtenues au Sénat pour progresser vers le texte le plus consensuel possible, la carte ne nous satisfait pas encore entièrement. Nous nous abstiendrons donc, comme en deuxième lecture. Il ne s’agit bien entendu pas d’un vote de défiance à l’encontre du Gouvernement. Nous espérons que l’Assemblée nationale reviendra à une carte à treize régions, plus conforme à nos souhaits.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le groupe RDSE votera unanimement le texte de la commission. Ce n’est pas qu’il nous enthousiasme, même si nous saluons, encore une fois, les efforts du président Hyest et du rapporteur Buffet pour faire évoluer aussi positivement que possible un projet de loi dont nous connaissons tous les vices initiaux.
Mon cher collègue Kaltenbach, j’ai trouvé votre intervention surréaliste ; vous nous avez emmenés hors du domaine du réel… Ce texte fait donc, selon vous, l’objet d’un large consensus : nous sommes tous d’accord sur tout, c’est le bonheur général, et vous concluez en annonçant votre abstention. Certes, chacun est libre de prendre les positions qu’il souhaite, mais la vôtre me semble relever davantage de l’humour que du législatif !
En réalité, ce qui s’est exprimé depuis le début de l’après-midi, c’est une très forte défiance à l’égard de ce projet de loi. Le Sénat a voulu montrer qu’il était prêt à faire œuvre constructive en passant outre la méfiance, sinon le mépris, du Gouvernement. Quel message a-t-il reçu en réponse ? Un veto, sur pratiquement tous les points : sur la carte, sur le droit d’option ; sur la représentation des petits départements, un effort relatif a été consenti, mais la situation reste parfaitement inacceptable, en particulier pour l’un de ces départements.
Nous savons en outre, les uns et les autres, que les conséquences de ce découpage à la hache sur un coin de table seront catastrophiques pour nombre de territoires. En découpant ainsi les régions, sans aucune cohérence, on ne peut pas obtenir de bons résultats. J’entendais un de nos excellents collègues annoncer que nous y reviendrions après l’alternance : c’est bien ce qui va se produire ! À force de laisser quelques technocrates imposer des textes sans aucune concertation ni véritable réflexion, notre pays est condamné, à chaque alternance, à tout reprendre de zéro !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Eh oui !
M. Jacques Mézard. C’est catastrophique pour l’image de notre travail auprès de nos concitoyens, et c’est extrêmement dangereux.
Le Président de la République, pour des raisons que j’ignore, a voulu passer en force, dans des conditions tout à fait regrettables : il en voit aujourd’hui les conséquences, non seulement au Parlement, mais aussi dans l’opinion. Pour avoir voté pour lui, je suis l’un des premiers à déplorer cet état de fait.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Comme l’a dit M. Raffarin, on veut des régions toujours plus grandes, des métropoles, des capitales régionales, et l’on marginalise les petits départements, la ruralité. On continue à créer des métropoles, à tout concentrer, en pensant certainement que les importantes difficultés que rencontre notre pays, notamment en matière de chômage, de détresse sociale ou d’éducation, s’en trouveront réglées comme d’un coup de baguette magique. Pour ma part, je suis convaincu que c’est toute la République qui doit s’atteler à ces questions.
En tant que frêchiste, j’ai une pensée émue pour Christian Bourquin et Georges Frêche. Je salue aussi l’action de Damien Alary, actuel président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, qui se bat pour maintenir la région. J’ai bien entendu MM. Vallini, Cazeneuve et Valls. Je suis certes favorable à ce que l’on rendre les régions plus efficaces et performantes, en matière économique, de recherche, d’infrastructures, d’emploi, d’exportation. Cependant, il faut aussi tenir compte des réalités !
La situation de la région Alsace a été décrite abondamment et précisément par notre collègue André Reichardt. Il en va de même pour le Languedoc-Roussillon : avec ce texte, vous allez casser une organisation territoriale qui marche, enrayer la dynamique montpelliéraine, même si M. Saurel, excellent maire récemment élu, pense le contraire ! La cohérence méditerranéenne autour de l’axe Perpignan-Montpellier-Nîmes sera perdue : la région s’étendra jusqu’aux confins des Hautes-Pyrénées.
Permettez-moi de le rappeler, la région Languedoc-Roussillon, c’est 3 millions d’habitants, 70 milliards d’euros de PIB, une façade méditerranéenne ouverte sur le Maghreb et l’Afrique. Nos ports sont aujourd'hui en perte de vitesse et concurrencés par des ports italiens, voire maghrébins. S’il était parmi nous, Georges Frêche ne serait pas content de voir remise en cause une région qui est pourtant de taille européenne.
Je veux dire à MM. Vallini, Cazeneuve et Valls que ce qui importe dans leur réforme, ce n’est pas de ramener le nombre des régions à treize, à quatorze ou à quinze ; ce qui importe, c’est de trouver des masses critiques intéressantes. Oui, il faut diminuer le nombre des régions, car certaines d’entre elles, qui comptaient 700 000 ou 800 000 habitants, ne pouvaient pas être fonctionnelles, mais le Gouvernement se serait honoré en retenant les propositions qui lui ont été faites sur la base d’une carte à quinze régions. Cela aurait permis de dégager au Sénat une large majorité en faveur du texte, et cela aurait été une meilleure façon de procéder. (M. Jacques Mézard applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°76 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 214 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 40 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
9
Organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Observatoire national des zones sensibles, ainsi que d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national des villes.
Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 décembre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe)
À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
2. Discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Jean Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 174, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;
Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (n° 140, 2014-2015) ;
Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 150, 2014-2015) ;
Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 154, 2014-2015) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 157, 2014-2015) ;
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 184, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART