Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaire :
M. Bruno Gilles
2. Communication d’un avis sur un projet de nomination
3. Dépôt d’un rapport du Gouvernement
4. Candidatures à un groupe de travail
5. Candidature à une commission
6. Candidatures à des commissions mixtes paritaires
7. Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente, M. Pierre-Yves Collombat
8. Nouvelle organisation territoriale de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 734 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 816 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 675 de M. Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement n° 817 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 66 rectifié de M. Alain Bertrand. – Rejet.
9. Communication d’avis sur des projets de nomination
10. Nominations des membres d’un groupe de travail
11. Nomination d’un membre d’une commission
12. Nouvelle organisation territoriale de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 737 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 738 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 1012 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 1002 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 739 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 403 de M. Jean-François Husson
Suspension et reprise de la séance
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Amendement n° 403 de M. Jean-François Husson (suite). – Retrait.
Amendement n° 346 rectifié de M. Éric Doligé. – Rejet.
Amendement n° 613 de Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 613 rectifié de Mme Marie-Christine Blandin. – Adoption.
M. Bruno Retailleau, Mme la présidente
M. Pierre-Yves Collombat, Mme la présidente
13. Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
14. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
15. Nouvelle organisation territoriale de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 295 de M. Pierre Jarlier. – Adoption.
Amendement n° 109 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rectification de l’amendement devenant identique à l’amendement n° 824.
Amendement n° 818 de M. Christian Favier. – Adoption.
Amendement n° 347 de M. Éric Doligé. – Non soutenu.
Amendement n° 819 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 1000 de M. Ronan Dantec. – Adoption.
Amendement n° 105 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 820 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 821 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 735 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 166 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 395 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 822 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 823 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 736 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 102 rectifié de M. Daniel Laurent. – Retrait.
Amendement n° 688 rectifié de M. Michel Mercier. – Retrait.
Amendement n° 740 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur
Amendement n° 826 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendements identiques nos 167 rectifié de M. Jean-Pierre Grand, 225 de M. Louis Nègre, 653 de M. Gérard Collomb et 682 de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet des amendements nos 167 rectifié, 653 et 682, l’amendement 225 n’étant pas soutenu.
Renvoi de la suite de la discussion.
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaire :
M. Bruno Gilles
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi qu’à l’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques, la commission des affaires économiques, lors de sa réunion du 13 janvier 2015, a émis un vote favorable, par quatorze voix pour et onze bulletins blancs, à la nomination de M. Sébastien Soriano aux fonctions de président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Acte est donné de cette communication.
3
Dépôt d’un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en œuvre du dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la commission des affaires sociales.
4
Candidatures à un groupe de travail
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des trente-sept sénateurs membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité.
La liste des candidats présentés par les groupes a été publiée.
Ces candidatures seront ratifiées si je ne reçois pas d’opposition dans le délai d’une heure.
5
Candidature à une commission
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Philippe Marini, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
6
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
7
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous indique que 1 103 amendements ont été déposés sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et que 928 d’entre eux restent à examiner.
Pour que la discussion des articles puisse, comme prévu, s’achever la semaine prochaine, il paraît préférable, en accord avec la commission des lois et le Gouvernement, d’ouvrir la séance du lundi 19 janvier, à seize heures et le soir.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cette nouvelle modification de notre ordre du jour appelle de ma part un certain nombre d’objections.
Si nos collègues franciliens ont tout loisir d’aller et venir entre l’hémicycle et leur domicile, c’est plus difficile lorsqu’on réside à mille kilomètres de la capitale… Car on peut aussi avoir d’autres obligations ! Monsieur Hyest, je sais bien que ce n’est pas pour nous ennuyer que vous avez proposé que nous siégions lundi, mais vous admettrez que cela peut être compliqué pour certains.
Du reste, plus le temps passe, plus nos conditions de travail se dégradent, et cela finit par être assez pénible. Il devient impossible de travailler ainsi ! Il ne reste qu’à décider d’une séance infinie, qui ne se terminerait qu’avec la mort de ses participants !
Mme la présidente. Mon cher collègue, cette proposition s’explique par le nombre d’amendements déposés. Il a été décidé de proposer de ne siéger que lundi prochain à partir de seize heures, et non lundi matin ou même durant le week-end, comme cela aurait pu être le cas puisque la conférence des présidents avait envisagé cette éventualité.
Y a-t-il d’autres observations quant à l’ouverture de la séance du lundi 19 janvier, à seize heures et le soir ?…
Il en est ainsi décidé.
8
Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet n° 636 [2013-2014], texte de la commission n° 175, rapport n° 174 et avis nos 140, 150, 154, 157 et 184).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier (suite)
Des régions renforcées
Chapitre unique (suite)
Le renforcement des responsabilités régionales
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er.
Article 1er
Suppression de la clause de compétence générale et pouvoir réglementaire des régions
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 1111-10 est abrogé ;
2° L’article L. 4221-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « région », sont insérés les mots : « , l’accès au logement, l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine » ;
d) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi.
« Un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions.
« Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application de l’avant-dernier alinéa sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’État dans les régions concernées. » ;
3° L’article L. 4433-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « dans les domaines de compétence que la loi lui attribue » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « région », sont insérés les mots : « , l’accès au logement, l’amélioration de l’habitat » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 294 est présenté par M. Collombat.
L'amendement n° 584 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° 815 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 294.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons déjà largement débattu de cette question de la compétence générale ; je serai donc succinct.
S’agissant des départements, si j’ai bien compris, la compétence générale s’appellera désormais « solidarité territoriale ». De deux choses l’une : soit la notion de compétence générale avait un intérêt et il faut alors la maintenir, soit elle n’en avait pas et je ne vois pas pourquoi il faudrait la conserver sous un autre nom.
Même si l’on considère que les régions et les départements pourront participer au financement d’opérations dont les communes prendraient l’initiative, il n’empêche que des problèmes se poseront au sujet d’un certain nombre d’organismes.
Si la commission des lois a accepté des amendements prévoyant que, par exemple, l’Institut du droit local alsacien-mosellan, les brigades vertes d'Alsace-Lorraine ou les sociétés de sauvetage en mer pourraient recevoir des financements de diverses sources, c’est bien parce qu’elle a perçu que, à défaut, des problèmes risquaient de surgir. Mais il y a beaucoup d’autres organismes auxquels on n’a pas pensé et qui, eux, vont donc se trouver confrontés aux pires difficultés.
Ce matin, en commission des lois, nous avons évoqué le cas des organismes universitaires tels que les établissements de formation des professeurs, qui ne peuvent vivre aujourd'hui dans nos territoires que grâce à une participation financière des départements. Je nous souhaite bien du plaisir lorsque nous devrons, demain, rattraper les coups manqués au moment de l’élaboration de cette loi, c'est-à-dire faire en sorte que perdurent tous ces organismes qui, d’une façon ou d’une autre, concourent actuellement à l’animation de nos territoires, mais qui ne sont pas explicitement mentionnés dans ce texte parmi ceux qui peuvent être subventionnés par les départements et les régions.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour présenter l'amendement n° 584.
M. Philippe Adnot. Le vote ou le rejet des dispositions que nous examinons m’apparaît comme l’acte le plus important que nous accomplirons au cours de cette session parlementaire.
Ces amendements identiques visent d’abord à revenir sur la suppression de la compétence générale aux régions. Ce point ayant été réglé hier, je n’y reviendrai pas. En ce qui me concerne, j’avais déposé un tel amendement avant tout pour faire plaisir aux régions et conférer de la souplesse à leur action.
En cet instant, je veux insister sur le fait que l’article 1er confère aux régions un pouvoir réglementaire et législatif. Mesdames, messieurs les parlementaires, mes chers collègues, vous les gaullistes et vous tous qui savez vous appuyer sur l’histoire, avez-vous bien pris la mesure des conséquences de cet article s’il est adopté en l’état ? Voici en effet ce que dispose son alinéa 9 : « Un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions. »
Cette disposition n’est rien de moins que la remise en cause du parlementarisme ! Elle accorde aux régions, dans leur domaine de compétence, le pouvoir de modifier non seulement le règlement, mais également les dispositions législatives. Si nous votons cela, nous supprimons de facto le Sénat !
Les compétences des régions seront ainsi considérablement élargies : elles disposeront non seulement d’un pouvoir réglementaire, mais aussi, selon le texte proposé par la commission, c'est-à-dire celui sur lequel nous devons nous prononcer, d’un pouvoir législatif !
Si nous votons cela, il n’y aura plus de Parlement et la France ne sera plus une. Sur les frontons de nos édifices, nous ne pourrons plus écrire « Égalité » !
M. François Patriat. Allons donc !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 815.
Mme Cécile Cukierman. L’objectif de cet article 1er est double.
Il vise d’abord à retirer à la région la clause de compétence générale et à renforcer son pouvoir réglementaire, faute de pouvoir lui attribuer un pouvoir d’adaptation de la loi, comme certains le souhaitent.
J’ai défendu hier un amendement tendant à réaffirmer l’existence de la clause de compétence générale pour les régions et les départements. Certains nous ont objecté qu’elle n’avait en fait aucune réalité, mais qu’il fallait la maintenir pour les communes, ce qui montre qu’elle tout de même bien une réalité.
Pour ce qui est des régions, dont le territoire va se trouver encore plus étendu demain, elles font jouer, en dehors de leurs attributions propres, la clause de compétence générale pour soutenir des projets locaux, mais aussi en intervenant dans les domaines du logement, de la santé et, plus généralement, de la vie sociale. La question, dès lors, se pose de savoir ce que vont devenir ces actions. Comment, sans l’apport des régions, les projets locaux pourront-ils être menés à bien ?
Certes, les élus locaux demandent, tout comme l’ensemble de la population, plus de visibilité et d’efficacité dans l’action publique, afin que celle-ci soit couronnée de succès, mais ils ne souhaitent pas la fin de l’intervention de tel ou tel niveau de collectivité dans tel ou tel domaine. Ils sont bien peu à regretter, par exemple, que la région ou le département agissent en lien avec une association ou dans le cadre d’un projet communal, qu’ils l’approuvent ou non.
On peut déplorer qu’il soit difficile pour une association ou une commune d’accomplir les démarches nécessaires en vue d’obtenir un soutien financier de la région, mais il est fort rare que l’on regrette la possibilité, pour la région, d’intervenir sur l’ensemble des territoires qui la composent.
Les principaux arguments avancés pour soutenir la suppression de la clause de compétence générale sont ceux de la lisibilité de l’action publique et de sa rationalisation, rendue nécessaire par la diminution de la dépense publique. Nous récusons ces arguments. Ce que les citoyens demandent, ce sont les services et les équipements publics dont ils ont besoin ; peu leur importe de savoir qui pourra ou ne pourra plus les mettre en place ! À leurs yeux, seul le résultat compte.
S’agissant du deuxième objectif de cet article, qui a trait au pouvoir réglementaire des régions, il n’est nul besoin de rappeler dans ce texte de loi les termes de notre Constitution. Un prochain amendement recueillera, nous n’en doutons pas, le soutien d’une majorité qui ne cesse de rappeler qu’il est inutile de répéter ce qui figure déjà dans nos textes.
Pour toutes ces raisons nous demandons la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
C’est un constat commun, chaque niveau de collectivités s’occupe de tout. Dès lors, le but primordial de ce projet de loi est de clarifier les compétences.
Bien sûr, la commune, elle, va conserver la clause de compétence générale : c’est logique, car la commune, de toute façon, ne peut pas exercer des compétences au-delà de son territoire. En revanche, pour ce qui est des autres niveaux de collectivités, nous essayons de leur confier des compétences d’attribution. Cela pose certes quelques problèmes : certains ont cité l’intervention de départements sur des sites universitaires qui, pour n’être pas très importants, n’en sont pas moins nécessaires. Cela s’apparente un peu à la solidarité territoriale…
En 2010, on a tenté l’expérience des chefs de file, mais il apparaît maintenant qu’il faut aller plus loin.
Car nous raisonnons en tant qu’élus, mais il faut aussi se demander ce que pense le citoyen, ce que pense le chef d’entreprise et, d’une manière générale, ce que pensent les interlocuteurs de la collectivité ? Nous avons reçu les divers représentants de la société civile ; ils souhaitent que l’on affirme enfin clairement les différentes compétences, comme c’est le cas dans les autres pays.
La région ne devrait pas s’occuper de ce qui ne la regarde pas, notamment des subventions attribuées à des associations locales uniquement par clientélisme. Certaines régions s’y entendent très bien ! Moi, je pense qu’il faut en finir avec ces pratiques.
Bien sûr, la clarification des compétences ne sera pas sans conséquence. Pour certains, des passerelles sont nécessaires, car tout n’est pas aussi simple qu’on veut bien le dire. En tout cas, si nous voulons clarifier les compétences, il faut supprimer cette fameuse clause de compétence générale, qui n’a, je le dis une fois de plus, aucun contenu juridique. Le problème, c’est qu’elle a été interprétée de telle façon que, au bout du compte, tout le monde s’occupe de tout ! Il est certain que le contrôle de légalité aurait pu être plus strict… Il y a bien eu quelques exceptions, mais elles ont été rares. Et c’est ainsi que, à tous les échelons, on a sa politique dans tous les domaines !
Il n’est pas concevable que chacun puisse continuer à mener dans son coin ses petites politiques, et cela en dépit de la loi.
Madame Cukierman, vous avez soulevé la question du financement de certaines actions. Il est vrai que celles qui ne sont pas indispensables ne bénéficieront plus d’autant de fonds qu’avant. Chacun devra se recentrer sur ses compétences obligatoires. Du reste, dans les conseils généraux, on le sait bien ! N’est-ce pas, monsieur le président Favier ?
On parle de compétence générale, mais c’est la loi qui fixe les compétences. Si la loi dit que telle collectivité a telle compétence, cela signifie que les autres ne peuvent pas l’exercer. De même, quand on parle de libre administration des collectivités locales, c’est toujours dans les conditions prévues par la loi.
Quant au pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, je concède qu’il est déjà inscrit à l’article 72 de la Constitution et que notre texte ne fait que le répéter. Il est évident que toutes les collectivités, dans leur domaine de compétence, ont un pouvoir réglementaire.
M. Philippe Adnot. Le texte donne aussi aux régions un pouvoir législatif !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, monsieur Adnot ! Ne faites pas dire au texte de la commission ce qu’il ne dit pas ! Ce que nous prévoyons, c’est que les conseils régionaux peuvent présenter des propositions. Mais n’est-ce pas ce que vous faites tous les jours, même en tant que représentant d’une collectivité locale ! Ils peuvent faire des suggestions, mais ils ne prennent ni le pouvoir réglementaire ni le pouvoir législatif en ce qui concerne l’ensemble des régions.
En revanche, dans l’exercice de leurs compétences, les collectivités ont un pouvoir réglementaire. Cela va de soi. Monsieur le président du conseil général de l’Aube, lorsque vous limitez la vitesse sur la voirie départementale ou lorsque vous établissez le règlement de l’aide sociale, n’exercez-vous pas un pouvoir réglementaire ?
M. Philippe Adnot. Si, mais cela ne modifie pas la loi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour tous ces motifs, nous sommes défavorables à la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés hier sur la clause de compétence générale.
J’ai entendu les inquiétudes concernant l’aspect social du logement. Nous y avons répondu, de même qu’au souci de nos concitoyens concernant les maisons de santé. Nous répondons également à la question du développement économique, qui est évidemment essentielle, ainsi qu’à l’impératif d’un développement coordonné, cohérent et porteur de redressement, avec les infrastructures, l’enseignement supérieur et la recherche.
Il n’y a pas de crainte à avoir : nul ne sera abandonné après la suppression de la clause de compétence générale.
Je m’appuierai sur un document que certains connaissent bien : le rapport Queyranne, Demaël, Jurgensen de 2013, sur les aides aux entreprises, commandé dans le cadre de la modernisation de l’action publique.
Sur les 110 milliards d’euros de dépenses publiques budgétaires et fiscales d’aide aux entreprises, on évalue à 6,5 milliards d’euros l’aide directe aux entreprises accordée par les collectivités, avec des frais de gestion relativement élevés, d’un montant d’environ 700 millions d’euros, soit 11 % du total de leurs interventions. Cela s’explique par une très grande dispersion des aides.
Nous avons actuellement en France plus de 6 000 dispositifs différents au niveau local. La réduction des coûts de gestion découlera de la clarification des compétences et permettra aussi aux créateurs, aux agriculteurs, aux artisans et aux associations de l’économie sociale et solidaire d’avoir un interlocuteur ayant tout pouvoir.
Pour le reste, je dirai simplement que le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement parce que le travail de la commission est de qualité et lui convient parfaitement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je ne reviens pas, pour le moment, sur la clause de compétence générale, sachant qu’un amendement qui tendait à l’établir en principe a été repoussé hier soir. J’y reviendrai toutefois lorsqu’il s’agira de la clause de compétence générale des départements. Si les régions ne veulent pas de la clause de compétence générale, ce n’est pas à moi de la défendre pour elles !
En revanche, chers collègues, je vous invite à lire attentivement l’alinéa 9 de l’article 1er tel qu’il nous est soumis par la commission : « Un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce sont bien des « propositions » !
M. Philippe Adnot. … tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions. »
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas dit autre chose !
M. Philippe Adnot. Monsieur le rapporteur, vous pouvez être partisan d’une organisation de notre pays où les régions, avec des règlements et des textes législatifs différents, auraient directement recours à l’Europe. Ce n’est pas le schéma que, pour ma part, je défends.
Si vous acceptez d’entrer dans un système où chacune des régions pourra définir le texte législatif à sa convenance, vous n’aurez plus un pays uni et le mot « Égalité » inscrit sur les frontons de tous les bâtiments publics n’aura plus de sens.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Nous avons engagé le débat sur la clause de compétence générale dès 2008. Avec M. Alain Lambert, nous avions alors rencontré des responsables de collectivités pour leur proposer des expérimentations, notamment en spécialisant certaines compétences. Nous nous demandions si ce schéma permettrait un meilleur fonctionnement, s’il serait source d’économies, de plus grande efficacité, de transparence.
Ce schéma avait alors été refusé, notamment par l’Association des régions de France et l’Assemblée des départements de France.
Monsieur Adnot, ce n’est pas aux collectivités locales de dire ce qu’elles souhaitent faire ; c’est à l’État de dire aux collectivités ce qu’elles doivent faire et avec quels moyens. C’est le rôle du Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
MM. Alain Gournac et Gérard Longuet. C’est le rôle du législateur !
M. François Patriat. Or la clause de compétence générale, c’est la solution de facilité : on peut demander tout à tout le monde, car les guichets sont multiples ! Différentes structures étudient, chacune de leur côté, les mêmes dossiers ! Autrement dit, si nous conservons la clause de compétence générale, nous n’aurons ni simplification, ni clarification, ni efficacité.
Avec la diminution des dotations aux collectivités, chaque collectivité doit, déjà aujourd'hui, se recentrer sur ses compétences obligatoires. Mais comment échapper à des demandes de toutes sortes, dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la transition énergétique, de la culture, du sport ? Et les collectivités courent le risque d’être montrées du doigt si elles ne versent pas leur participation, alors même qu’elles n’en ont pas les moyens !
La clarification est donc nécessaire, et elle passe par la suppression de la clause de compétence générale. Je suis même partisan d’aller plus loin que ce que propose la commission en définissant des compétences uniques par collectivité. Tant qu’on maintiendra des compétences optionnelles, on entretiendra la difficulté à laquelle les collectivités sont confrontées, car elles ont parfois du mal à refuser telle ou telle aide pour leurs territoires et, de ce fait, multiplient des interventions dont le niveau, disons-le, ne les rend pas toujours très efficaces.
Je suis donc pour la suppression de la clause de compétence générale et pour une spécialisation maximale des compétences – je pense d’ailleurs que cette position est désormais majoritaire au sein de l’Association des régions de France –, afin que nous puissions mieux remplir notre mandat, être plus efficaces économiquement, mais aussi afin que notre action soit plus claire et que nous nous soyons mieux en mesure de répondre aux besoins qui se font réellement sentir sur le terrain des collectivités que nous avons à gérer.
Le pouvoir réglementaire, les régions le demandent, monsieur Adnot, parce qu’elles sont différentes. Si l’on est décentralisateur, il faut aller au bout de la démarche et admettre que, dans notre pays, les situations sont différentes d’une région à l’autre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et Mme Marylise Lebranchu, ministre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Je le reconnais, mon explication de vote sera de nature à ajouter un peu de confusion à notre débat ! (Sourires.) Bien que je sois totalement favorable à l’individualisation des compétences des collectivités territoriales, je voterai néanmoins ces amendements identiques. En effet, il faut répondre à une contradiction qui apparaît dans le texte.
Avec la suppression de la clause de compétence générale, les transports en commun de la région d’Île-de-France seront découpés, avec, d'une part, une zone centrale, futur noyau dirigeant, sous le label « métropole », qui réclame la compétence des transports, et, d'autre part, la grande couronne, que je représente et qui devra gérer les niveaux supérieurs des lignes RER.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a rien à voir !
M. Francis Delattre. Autrement dit, nous allons gérer 20 % des parties extrêmes des lignes.
Il y a là une contradiction. En Île-de-France, les transports ne peuvent relever que de la compétence régionale, sauf à vouloir démanteler la région. Ou alors, expliquez-nous ce que nous allons devenir ! En effet, nous sommes dans un processus ascensionnel, à moins d’inscrire dans le texte qui régira la future métropole que les transports restent de la compétence de la région.
Ce sont cinq millions d’habitants qui sont concernés. Nous l’avons bien compris, certains départements sont « à l’aise » – il y a la Seine-Saint-Denis, bien sûr, mais, tout le monde le sait, ce département est une terre d’avenir, avec toutes les réserves foncières qu’elle recèle, et elle est proche du cœur de Paris ! –, et il y a les futurs relégués, que je représente. Eh bien moi, je n’ai pas envie de rester silencieux face à cette avancée technocratique !
À plusieurs reprises, notamment lors d’une réunion quelque peu consensuelle, j’ai indiqué à Mme la ministre que nous étions confrontés à ce problème et je lui ai demandé des réponses. Je n’en ai pas eu !
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous savez ce que signifie découper le syndicat des transports d’Île-de-France en morceaux ! Cela entraînera, à mon avis, le désordre pendant un certain nombre d’années.
Que l’on éclaircisse ce point, et nous pourrons, les uns et les autres, mener une réflexion un peu plus aboutie sur ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président de la commission, vous savez beaucoup de choses, je le sais, mais en dépit de l’amitié que je vous porte, je me demande ce qui vous fait dire que les collectivités, régions ou départements, font n’importe quoi – qu’elles jettent l’argent par les fenêtres, notamment !
En fait, s’il existe des doublons, ils sont rares. Et quand il y en a, les financements viennent en appoint pour faire aboutir un dossier. Pour ne parler que des compétences en matière économique, ce n’est certainement pas en supprimant ces possibilités de financement que l’on va dynamiser notre économie.
Si l’on examine ce qui se passe dans d’autres pays, on voit que l’organisation n’est pas plus lumineuse qu’en France, notamment dans les pays fédéraux. En effet, les États ou les Länder exercent une véritable tutelle sur les collectivités et les communes. S’il y a plus d’ordre, c’est parce qu’on leur coupe les vivres ! Là encore, je ne pense pas que ce soit de cette façon que l’on dynamisera notre pays.
Concernant la question des compétences réglementaires, j’ai, moi aussi, un peu de mal à comprendre. Aux termes de l’alinéa 8 de l’article 1er, « le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ».
Si l’on en fait la même interprétation que pour les départements ou les communes, les exécutifs pourront rendre plus rigoureuses les obligations réglementaires. Sur ce point, je n’ai pas d’objection. D’ailleurs, pourquoi en irait-il différemment pour la région ? Mais si cela va de soi, pourquoi le préciser ?
Si l’on va plus loin, on constate que la rédaction de l’alinéa 9 est, sinon amphigourique, du moins complexe : donner aux régions la possibilité d’avoir des réglementations différentes pose problème.
On va peut-être régler un problème en supprimant la clause de compétence générale – ou ce qui passe pour l’être – et en donnant à la région des libertés – ou des pseudo-libertés – en matière réglementaire, mais on va en créer d’autres !
Mes chers collègues, au lieu de clarifier, de simplifier et de dynamiser, je vous fiche mon billet que l’on va rendre les responsabilités des régions plus complexes et plus obscures, avec une efficacité moindre.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu hier : la suppression de la clause de compétence générale est une décision politique, avant d’être une décision technique.
Lors de l’examen de la précédente loi relative à la réforme territoriale, on a dit parfois, avec un peu d’emphase, tout le bien que l’on pensait des régions : il fallait que celles-ci soient plus grandes et renforcées, ce que nous avons fait, au moins pour ce qui concerne la taille. Or, aujourd'hui, ces nouvelles régions, qui ont besoin de légitimité, ne détiendraient plus la clause de compétence générale. Cela vous semble-t-il cohérent, mes chers collègues ?
Je rejoins les propos de mon collègue Pierre-Yves Collombat, ce qui n’arrive pas tous les jours ! (Sourires.) Pour ce qui concerne l’organisation territoriale de la République, il faut d’abord penser aux petites communes, dans les territoires fragiles, qu’ils soient situés à la périphérie des grandes villes ou en milieu rural, qui possèdent la clause de compétence générale et sont donc censées s’occuper de tout, avec des moyens faibles. En tout cas, elles sont interpellées sur tous les sujets ! Si l’on supprime à tous les échelons la clause de compétence générale, ces communes n’auront, sur certains sujets, aucune autre collectivité avec laquelle discuter et qui pourrait les protéger.
Or on ne peut pas savoir aujourd'hui quels problèmes les communes devront traiter demain et quel lien se créera à l’avenir entre les communes, le bloc communal et les régions. En supprimant la clause de compétence générale, on prend un risque réel. En outre, on va devoir faire une liste à la Prévert !
Des régions qui n’ont pas les mêmes compétences vont fusionner. Chacune va se demander quelles compétences elle va conserver et exercer. Ainsi, on complexifie énormément les choses, alors que, avec la clause de compétence générale, on crée un couple, avec le bloc communal et la région, et cela n’empêche pas de spécialiser le département. Pour répondre en partie aux propos de M. Hyest, on limite ainsi l’enchevêtrement, puisque la compétence générale ne concernerait que deux échelons.
Selon moi, il convient donc absolument de restaurer la clause de compétence générale des régions. Aussi, je vous propose, mes chers collègues, quitte à donner l’impression de prêcher pour ma paroisse, de vous rallier à l’amendement n° 734 du groupe écologiste, qui sera examiné dans quelques instants et qui tend à maintenir un certain nombre d’alinéas intéressants, notamment l’alinéa 9, de nature à introduire un peu de souplesse.
De plus, notre amendement vise à reprendre les dispositions des deux amendements de Christian Favier. Je veux donc dire à nos collègues qui souhaitent réintroduire la clause de compétence générale que les dispositions de notre amendement peuvent faire consensus.
Aujourd'hui, il est absolument essentiel d’envoyer un signal politique. C’est d’ailleurs en ce sens que l’on a présenté les choses. La région est une collectivité territoriale clef, qui va monter en puissance avec la loi précédemment adoptée. Elle doit donc être en dialogue permanent avec le bloc communal et protéger ce dernier. Or ce dialogue ne pourra être instauré que si elle a la compétence générale. C’est un acte politique majeur, sur lequel nous devons nous exprimer.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Comme les membres de mon groupe, je suis favorable à la suppression de la clause générale de compétence pour les régions.
Toutefois, monsieur le rapporteur, l’article, tel qu’il est rédigé, paraît ambigu, ainsi que l’a souligné mon collègue Philippe Adnot.
En effet, dans le texte de la commission, il est indiqué que des propositions pourront être formulées pour modifier ou adapter des dispositions législatives. Tout cela mérite d’être précisé. Pourquoi parle-t-on de modifications de dispositions législatives ? Celles-ci relèvent de la responsabilité du législateur, et il me semblerait anormal qu’il en aille autrement. Aussi, j’aimerais avoir des explications sur ce point.
Concernant la suppression de la clause de compétence générale, il ne me paraît pas logique que des collectivités soient amenées aujourd'hui à financer les mêmes projets. Mme la ministre a évoqué précédemment la multiplicité des intervenants dans le domaine économique, mais force est de constater que c’est l’État, dans ses différentes interventions, qui en général demande la mise en place de cofinancements locaux. S’il y a pluralité de financements, c’est bien souvent à cause de l’État ! Il convient donc de clarifier également les compétences et le rôle de chacun.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ma part, je suis prêt à suivre la commission.
Élu d’une petite commune dans un territoire hyper-rural, je puis vous dire que, pour constituer un pôle d’excellence rurale, j’ai dû monter quatre dossiers : un pour la région, un pour le département, un pour l’État et un pour l’Europe !
Je crois avoir compris que la suppression de la clause de compétence générale entraînerait une clarification des compétences, avec un chef de file et un seul dossier. Toutefois, j’aimerais savoir s’il peut y avoir des passerelles entre le département et la région.
Les communautés de communes et les communes auront une compétence générale. Concernant les autres collectivités, il convient de clarifier les compétences. Le département sera le guichet unique pour ce qui concerne le domaine social et le collège. Mais existera-t-il des passerelles avec la région pour ce qui concerne le tourisme, le sport et l’économie ?
L’hyper-ruralité devrait être davantage affirmée dans le texte, qu’il s’agisse de la politique de l’État ou des politiques territoriales, notamment l’économie.
La région peut être le guichet unique pour ce qui concerne le tourisme et l’économie. Mais, dans les communes rurales, ne faut-il pas prévoir un relai entre la grande région et le département ? L’État doit peser pour que les régions rurales ne soient pas oubliées.
Cela signifie-t-il qu’il peut y avoir des financements croisés avec le chef de file ? Ce point est pour moi très important. Ai-je bien compris ?…
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Il faut avant tout être clair : il convient de dire aux Français, dans le cadre de cette réforme, à quoi sert chaque collectivité. C’est pourquoi je partage l’idée selon laquelle il faut prévoir une spécialisation de nos collectivités.
Les financements croisés ne rendent pas les choses très lisibles. Les régions deviendront de plus en plus grandes. Ainsi, elles seront sollicitées dans tous les domaines et devront arbitrer. Maintenir la compétence générale à un niveau de proximité, c'est-à-dire au plus près du terrain, me paraît donc tout à fait justifié.
En outre, c’est l’élément de base qui permettrait d’inciter aux regroupements intercommunaux. Toutefois, encore faut-il qu’il y ait des intérêts intercommunaux ! Si, au contraire, les régions interviennent dans n’importe quel endroit et sur n’importe quelle petite unité, cela ne favorisera pas les regroupements.
Je pense sincèrement qu’il est préférable de rester sur cette idée d’une compétence générale exercée dans la proximité, plutôt que de la maintenir au niveau des régions. En effet, cela aurait un effet inverse, qui nuirait à la cohérence de l’ensemble de la présentation de la réforme et nous ramènerait à une situation qui est celle du passé, quand il existait des financements croisés, c’est-à-dire quand des élus traitaient les mêmes dossiers à différents endroits.
Je me souviens que, lorsque j’ai été élu maire en 1995, ma première surprise a été de traiter au niveau du district des dossiers que je retrouvais ensuite lorsque j’étais conseiller général.
Confrontés à des dossiers que nous avions déjà vus, nous passions alors souvent à autre chose, d’autant que le financement provenait tout autant de la région que du département. Il s’agissait donc de tout sauf d’un système d’analyse pointue.
C’est la raison pour laquelle je considère que l’on ne doit pas laisser aux régions cette clause de compétence générale. Par conséquent, je partage l’avis de mon groupe et de la commission sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Hubert Falco, pour explication de vote.
M. Hubert Falco. Je voudrais apporter deux précisions. Tout d’abord, notre collègue Patriat affirme que l’État « dit aux collectivités ce qu’elles doivent faire ». Toutefois, l’État n’impose rien aux collectivités, il formule seulement des propositions, et c’est le législateur qui décide.
Ensuite, je suis quelque peu surpris de l’intervention de notre honorable et cher collègue Adnot, qui est président de conseil général. Nous nous plaignons très souvent avec les élus locaux que nos propositions ne sont pas prises en considération. Or le texte ne prévoit pas d’attribuer un rôle législatif à la région ; il prévoit seulement pour les élus la possibilité de faire des propositions de législation. Toutefois, en réalité ce sera toujours le législateur qui décidera de la législation.
M. Philippe Adnot. Dans ce cas, c’est superfétatoire !
M. Hubert Falco. Voilà, mes chers collègues, les deux précisions que je souhaitais apporter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. L’ensemble des membres de mon groupe votera évidemment contre ces amendements identiques de suppression, et cela pour deux raisons très simples.
Tout d’abord, je rappelle que nous défendions déjà la même position lors de l’examen du texte de 2010, qui n’a pas prospéré.
Ensuite, lorsque l’on parle ici de doublon, je pense notamment aux frais d’études. Et lorsque l’on considère, par exemple, le nombre d’études successives qu’il faut réaliser pour un même dossier, on s’aperçoit qu’il y a là probablement une marge de progrès assez substantiel à faire. En effet, ces études peuvent être faites une fois par l’intercommunalité, une fois par le pays, une fois par le parc, une fois par la région et une fois par le département…
Par conséquent, nous ne voterons pas ces amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. À vrai dire, je me suis longuement interrogé avant d’arriver à me déterminer sur cette question de la clause de compétence générale.
Lorsqu’il était question de supprimer la clause de compétence générale pour les régions et les départements, la motivation était bien entendu double.
Tout d'abord, il s'agissait de faire des économies et de recentrer les collectivités sur leurs compétences obligatoires. Ensuite, comme l’ont souligné plusieurs d’entre nous, il s'agissait d’éviter des doublons et la multiplication des dossiers réalisés par ces collectivités de base que sont les communes et les intercommunalités.
Sur le premier sujet, lorsque l’on regarde ce qui s’est passé depuis que ce débat a été ouvert, on s’aperçoit, s’agissant des régions et des départements, que, contraintes par la perte d’une partie de leur autonomie en matière de fiscalité et par la réduction progressive – après une période de quasi-stagnation – des dotations de l’État, les collectivités se sont repliées sur elles-mêmes et sur leurs compétences obligatoires.
Aujourd’hui les dépenses situées hors du champ des compétences obligatoires, pour les régions, mais aussi, et a fortiori, pour les départements, sont devenues très minoritaires, pour ne pas dire qu’elles sont en voie de disparition dans un certain nombre de cas.
On s’aperçoit aussi que la spécialisation, avec la notion de chef de file, qui avait déjà été introduite par les lois précédentes, notamment en matière économique, a permis de rationaliser les choses s'agissant des dépôts de dossiers. En effet, sans la convention et le respect de la logique de chef de file, aucune intervention ne peut avoir lieu. Je pense que c’est plutôt cette perspective qu’il faudrait approfondir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ça ne marche pas !
M. Michel Bouvard. Parmi les arguments qui ont été évoqués hier soir, deux m’ont finalement rallié à l’idée qu’il fallait maintenir la clause de compétence générale.
Tout d’abord, le fait est que nous serons toujours confrontés à des situations que nous n’aurons pas prévues, qu’il y aura toujours des problèmes de frontières et d’interprétation. Pour être plus précis, je prendrai deux exemples empruntés à des sujets que je connais un peu.
Est-ce qu’un investissement sur un domaine skiable sera considéré comme une intervention économique ou comme une intervention touristique ? Est-ce que, lorsque nous serons confrontés, à tel ou tel endroit, à un phénomène qui n’aura pas été prévu et pour lequel des interventions se révéleront nécessaires dans des secteurs que l’on n’aura pas nécessairement envisagés, nous ne serons pas bloqués dans notre capacité d’intervention ?
En effet, comme nous l’avons dit hier soir, il est possible, parce que nous sommes enfermés dans nos strictes compétences obligatoires, qu’une défaillance de l’initiative privée se produise ou qu’un besoin à satisfaire apparaisse.
Cela dit, je pense qu’il y a moins d’inconvénients à maintenir la clause de compétence générale qu’à la supprimer et que nous devons renforcer les notions de chef de file et identifier clairement sur un certain nombre de compétences quelle est la collectivité de référence, de façon à ce que les autres ne puissent pas agir sans son accord et sans qu’elle assure le portage de l’ensemble du dossier.
Voilà la position à laquelle je suis arrivé et la raison pour laquelle je voterai en faveur des amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Mes chers collègues, j’ai l’impression qu’il existe deux mondes dans cet hémicycle : le monde réel et le monde des juristes.
Notre collègue Michel Mercier nous a appris hier soir que la compétence générale avait une description fonctionnelle et une description juridique et que les deux ne se recoupaient pas. Fort bien !
Ensuite, Mme la ministre nous a expliqué hier soir que, quoi qu’il arrive, aucune des communes de France ne manquerait d’argent et qu’elles pourraient toutes mener à bien leurs différents projets, grâce à la manne des financements départementaux, régionaux, nationaux ou européens.
Un collègue a affirmé que ce qui freinait les regroupements intercommunaux, c’était le fait que les compétences ne soient pas claires. En réalité, tout le monde sait ce qui freine les communes ! Un excellent membre du Conseil constitutionnel, qui habite non loin de Clermont-Ferrand (Sourires.), me disait l’autre jour que les communautés de communes étaient freinées tout simplement parce qu’elles n’ont pas un sou !
Pour faire face à ce manque de moyens, on a incité les gens vivant dans les communes rurales et hyper-rurales à se regrouper pour mener à bien plus de projets, mais cela ne change rien au fait qu’ils n’ont pas d’argent. (M. Francis Delattre applaudit.)
Il existe donc bien deux mondes dans cet hémicycle : il y a ceux qui croient – pas au sens religieux du terme –, et il y a les pragmatiques. Mes chers collègues, pour vous rendre compte de ce problème, je vous invite à vous référer à ceux qui sont issus de la ruralité ou de l’hyper-ruralité, comme Daniel Chasseing, voire de la ruralité proche des villes ou de la ruralité post-industrielle.
Rappelez-vous les dernières inaugurations auxquelles vous êtes allés : si vous avez demandé au maire ou au président de la communauté de communes comment il était parvenu à tel aménagement, il vous a répondu que c’est parce qu’il avait reçu un peu d’aide de la part de l’Europe, de la région, du département, voire de la réserve parlementaire.
Sur la clause de compétence générale, que ce soit pour la région ou pour le département – je suis assez de l’avis de Ronan Dantec sur ce point –, ce que l’on va toucher au cœur, ce sont les petites collectivités, les petites communes.
Madame la ministre, votre loi comprend plusieurs aspects. Vous créez d'abord les métropoles. S’y ajoutent les pôles d’équilibres territoriaux et ruraux, qui étaient auparavant le pendant des métropoles dans la loi pour les ruraux et qui, comme vous vous en êtes sans doute aperçus, mes chers collègues, vous ont rendu service sur le terrain.
Le Premier ministre a affirmé clairement qu’il entendait défendre la ruralité et que celle-ci souffrait dans notre pays. Or supprimer la clause de compétence générale, c’est porter un coup supplémentaire à la ruralité. En effet, les ruraux ont besoin de tous pour mener à bien les micro-projets, les petites manifestations culturelles et sportives, pour l’agroalimentaire et pour la transformation des produits.
Il est donc nécessaire que l’on prenne en compte toutes les ruralités. Je puis comprendre que le Gouvernement ne veuille pas prendre en compte l’hyper-ruralité, même si je sais que M. le secrétaire d'État est sensible à cette question, mais cela ne doit pas l’empêcher de considérer toutes les formes de ruralités !
Il existe la ruralité proche des villes, qui représente quelque 25 % du territoire, la ruralité résidentielle, assez riche, qui comprend aussi la ruralité des littoraux, la ruralité post-industrielle, à la fois dans l’est et dans l’ouest, qui représente quelque 25 % du territoire, et la grande ruralité avec des petites vallées et des zones de montagne, qui représente 50 % du territoire.
À l’intérieur de ces diverses formes de ruralité, il faut aussi distinguer celles qui souffrent le plus d’éloignement, de faiblesse économique, et qui ont un nombre d’habitants deux fois plus faible que dans le reste du territoire.
Néanmoins, il ne s’agit là que d’une définition scientifique. Ce que les ruraux demandent avant tout, c’est que l’on ne s’occupe pas que des métropoles ! Ces dernières, elles vont s’en sortir ; les capitales régionales, elles vont s’en sortir ; les villes de plus de 5 000 habitants, elles vont s’en sortir ; les grandes communautés de communes, elles vont s’en sortir. Puis, resteront les oubliés, les derniers de la classe permanents… C’est cela que je veux stigmatiser ici. Supprimer la clause de compétence générale peut sans doute paraître séduisant, mais c’est purement et simplement une vue de l’esprit.
Par ailleurs, je suis interloqué quand j’entends notre collègue François Patriat, président de région, affirmer qu’il est nécessaire de cadrer les compétences des régions, sinon celles-ci risquent de ne pas faire les bons choix !
Pour ma part, j’ai confiance dans les élus. Ayant été vice-président de l’excellent Georges Frêche pendant quinze ans (Exclamations.), je fais confiance aux conseillers régionaux et aux présidents de conseil régionaux pour savoir ce qu’il est nécessaire de faire.
Mes chers collègues, songez que l’on risque d’arrêter des milliers de chantiers et de priver le pays de plusieurs milliards d’euros d’investissements si l’on supprime ces clauses de compétence !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Alain Bertrand. J’en ai la conviction intime et je sais que telle n’est pas la volonté de Mme la ministre, du Premier ministre et du Président de la République. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous enjoins de prendre les bonnes décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis désolé de constater un certain nombre de non-compréhensions autour de cette volonté de clarification des compétences.
On nous dit qu’il faut changer, mais c’est toujours à la condition que rien ne change.
M. Michel Bouvard. Ah, Lampedusa ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais dans ce cas, nous pouvons rentrer chez nous !
Certains ont voté la suppression de la clause générale de compétences en 2010, mais ne sont aujourd’hui plus d’accord. Pourquoi ? Cela reste pour moi un mystère, monsieur Bouvard. Sans doute votre réflexion a-t-elle progressé depuis que vous êtes sénateur…
M. Michel Bouvard. Je n’ai pas voté cette suppression !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche, nous avons prévu, je vous le signale, de faire du département la collectivité qui assure la solidarité territoriale.
Il s’agit là d’un point extrêmement important, parce qu’il est évident que de grandes régions, avec des compétences stratégiques, ne sont pas forcément les mieux à même de développer des politiques en faveur des petites entreprises, par exemple de commerce rural. On en revient au problème de l’hyper-ruralité – ou de la ruralité, car, je vous l’avoue, je ne vois pas tellement de différence entre les deux concepts. Tout cela est prévu dans le texte, mais on oublie de le dire.
Il est évident, en revanche, que certaines régions, dans une concurrence intéressée, doublonnent les actions d’autres collectivités. Or je pense que c’est là du gaspillage de crédits publics et qu’il est préférable que chacun se concentre sur ses compétences.
Refuser de l’admettre, mes chers collègues, reviendrait à donner raison à ceux qui soutiennent que les collectivités territoriales sont trop nombreuses ! Dès lors, je vous demande de bien réfléchir à la position que vous allez prendre.
J’ajoute que, dans certains domaines qui posent des problèmes particuliers, comme le tourisme, la commission des lois, ayant jugé le projet de loi présenté par le Gouvernement beaucoup trop favorable aux régions, a fait prévaloir sa conception d’une compétence partagée ; je vous en reparlerai, notamment, lors de l’examen de l’article 4. En effet, parce que nous connaissons les réalités, nous savons que l’on ne doit pas aller trop loin dans la spécialisation. De même, nous avons prévu un certain nombre de passerelles.
Par ailleurs, mes chers collègues, je trouve tout de même extraordinaire que l’on considère les collectivités territoriales comme étant vouées à se disputer les compétences et la faveur des autres collectivités, alors qu’il s’agit pour elles de coopérer.
À cet égard, je vous rappelle que des dispositions générales, figurant à l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, permettent à une collectivité territoriale de déléguer aux collectivités territoriales de niveau inférieur la gestion de certaines compétences. En vérité, cette notion de coopération est très importante !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nombre de nos collègues ont déposé pléthore d’amendements au sujet des conventions. Laissons plutôt aux collectivités territoriales la liberté de s’entendre entre elles ! (M. Gérard César acquiesce.) N’est-il pas envisageable, en effet, que celles-ci s’entendent sur un certain nombre de sujets, au-delà des compétences propres qui leur sont attribuées ?
Monsieur Bouvard, vous avez décrit certains problèmes qui se posent en montagne : ainsi, la construction de pistes ressortit à la fois au tourisme et à l’économie. Au titre du tourisme, c’est plutôt le département qui est concerné, ou peut-être la communauté de communes ou la commune ; au titre de l’économie, c’est la région qui participera, parce que tel est son rôle.
Mes chers collègues, si nous ne commençons pas par supprimer la clause de compétence générale, qui, au demeurant, n’a pas une grande signification sur le plan juridique, nous ne progresserons pas dans notre effort de clarification des compétences (M. Joël Guerriau acquiesce.), alors que cet effort constitue, selon la commission des lois, la raison d’être du présent projet de loi, s’il y en a une !
M. Philippe Kaltenbach. Très bon exposé !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je crois, mes chers collègues, que notre pays a besoin d’une réforme territoriale et je suis convaincu que les Français l’attendent. (M. Pierre-Yves Collombat manifeste son scepticisme.) On peut être en désaccord avec le contenu du texte soumis à notre examen, mais la nécessité d’une réforme saute aux yeux des Français !
De fait, la multiplication de certaines pratiques au fil des années a fait du « millefeuille administratif » un thème essentiel du débat politique. Cette expression vise la coexistence, pour la réalisation de nombreux projets, de trois ou quatre institutions, mobilisées et sollicitées, parfois, en dehors de leur cœur de compétence. Quant aux élus, ils s’épuisent à rechercher des financements en frappant à toutes les portes !
Dans ces conditions, la suppression d’un échelon peut sembler la solution la plus simple ; d’ailleurs, le Gouvernement lui-même a failli y céder. En réalité, il n’y a pas trente-six façons d’aborder la réforme territoriale : soit, en effet, on supprime un échelon, soit on fait le choix de la spécialisation pour mettre un terme aux doublons et à cette compétition déplaisante, aggravée par les différences de majorités politiques, entre des collectivités territoriales de niveaux différents, qui cherchent à se faire valoir dans la réalisation des projets. Ces pratiques ne sont pas efficaces et provoquent l’augmentation du coût de l’administration de nos territoires.
Aussi bien, mes chers collègues, soit vous voulez la suppression d’un échelon et le maintien de la clause de compétence générale, soit vous appuyez une réforme fondée sur la recherche du bon échelon pour chaque type de services, d’infrastructures et de compétences. (M. Philippe Kaltenbach acquiesce.) Si, comme moi, vous optez pour la seconde solution, il faut être cohérent et admettre que tout le monde ne peut pas tout faire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dans cette perspective, chaque collectivité territoriale doit disposer non pas de toutes les compétences, mais de celles qu’elle est le mieux placer pour exercer.
C’est la raison pour laquelle, examinant la question de la clause de compétence générale pour les régions, la commission des lois a pris une position de principe au sujet de cette clause en ce qui concerne toutes les collectivités territoriales. Je recommande au Sénat de soutenir la position que notre commission a adoptée, après mûre réflexion ; elle nous engage résolument dans une voie où le département conserve toute sa place dans l’architecture de nos collectivités territoriales.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 294, 584 et 815.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 734, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Compte tenu du rejet des amendements tendant à supprimer l’article 1er, le présent amendement tend à s’apparenter à un baroud d’honneur… Il a pour objet de restaurer la clause de compétence générale pour les régions, sans toucher aux autres dispositions de l’article, dont certaines nous semblent intéressantes.
Certains nous reprochent de prétendues contradictions, mais nous, écologistes, avons toujours promu une approche régionale des territoires. Or il est assez logique que des régionalistes défendent la clause de compétence générale pour les régions ! En revanche, nous ne la défendons pas pour les départements, parce que nous appuyons l’idée de réduire l’enchevêtrement des compétences.
Il me semble que notre position, loin d’être incohérente, repose sur une vision assez claire de l’organisation territoriale de la République. Les dispositions du présent amendement, qui en sont l’expression, me semblent de nature à opérer une synthèse entre plusieurs des amendements qui seront présentés dans quelques instants.
Mme la présidente. L'amendement n° 816, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise à maintenir la clause de compétence générale des régions, et par conséquent son versant financier, de sorte que les régions puissent toujours contribuer au financement des opérations d’intérêt régional des départements, des communes et de leurs groupements, ainsi que des groupements d’intérêt public.
Il s’agit non pas d’imposer une obligation aux régions, mais de leur offrir une faculté, dont elles pourront disposer dans le cadre du principe constitutionnel de libre administration.
Nombre de nos collègues remettent en cause les financements croisés. Je leur fais observer que ceux-ci sont bien souvent le seul moyen de mettre en place de nouveaux équipements et de nouveaux services, dans les petites communes, bien sûr, mais aussi dans d’autres collectivités territoriales.
Par exemple, dans mon département, nous venons de lancer, avec le secrétaire d’État aux sports, un projet de centre national consacré au handball : cette Maison du handball, installée à Créteil, sera à ce sport ce que le centre de Clairefontaine est au football.
Il est évident qu’aucune collectivité territoriale ne peut assumer seule un équipement de cette importance. De fait, si la construction de ce centre a pu être décidée, c’est parce que le département a accepté de s’engager auprès de la Fédération française de handball, que la région a accompagné le projet et que la communauté d’agglomération Plaine centrale du Val-de-Marne a elle aussi participé à son financement.
Sans doute, on peut prétendre que tout cela est un peu superflu. Pour ma part, je pense au contraire que, dans la période que nous traversons, il est très important que des équipements de ce type voient le jour, parce qu’ils présentent un intérêt non seulement régional, mais aussi national : en l’occurrence, les équipes françaises de handball portent les couleurs de notre pays dans le monde entier avec une réelle réussite.
Par ailleurs, ces équipements présentent aussi un intérêt local : ainsi, la Maison du handball sera un levier de motivation pour de nombreux jeunes des quartiers qui, en côtoyant les équipes de France, seront incités à s’investir dans le centre.
À l’évidence, ces questions sont non pas simplement théoriques, mais extrêmement pratiques : si nous voulons vraiment que des projets continuent de voir le jour, il faut laisser aux collectivités territoriales la liberté de réaliser des financements croisés, d’autant que ce système n’est pas aussi compliqué qu’on veut bien le dire. En outre, quand les collectivités territoriales sont gérées par des majorités différentes, les élus font souvent la démonstration qu’ils sont capables de s’entendre et d’unir leurs forces pour mener des projets d’intérêt général utiles et intelligents.
Selon nous, supprimer le versant financier de la clause de compétence générale ralentirait l’investissement public, dont nous connaissons l’importance pour l’emploi et pour le développement économique, particulièrement dans une période de crise.
Mme la présidente. L'amendement n° 675, présenté par MM. Cazeau, Rome et Tourenne, Mme Perol-Dumont, MM. Madrelle et Daudigny, Mmes Bataille et Claireaux et MM. Cornano, Miquel, Cabanel et Courteau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
dans les domaines de compétences que la loi lui attribue
par les mots :
sauf dans les domaines de compétences que la loi lui interdit
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Depuis hier soir, si j’ai bien compris, la notion de compétence générale est remplacée par celle de solidarité territoriale, beaucoup plus, au demeurant, pour le département que pour la région. D’ailleurs, pourquoi la région ne pourrait-elle pas se voir appliquer le même principe ? Le texte ne dit pas le contraire !
Toujours est-il que la notion de solidarité territoriale me paraît floue par rapport à celle de compétence générale. Des problèmes vont certainement se poser pour savoir si elle est appliquée ou non, notamment dans certains cas limites. Or, en cas de difficulté, qui décidera : le préfet, le président de la collectivité territoriale ?…
C’est pourquoi les auteurs de cet amendement proposent d’inverser le principe prévu dans le projet de loi : l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales disposerait non pas que « le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région » dans les domaines de compétences que la loi lui attribue, mais qu’il les règle, sauf dans les domaines de compétences que la loi lui interdit.
Cette rédaction améliorerait la sécurité juridique du dispositif relatif au champ de compétence des régions et limiterait les contentieux à venir.
Mme la présidente. L'amendement n° 817, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise à permettre au conseil régional de rester en mesure de statuer sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer en vertu des lois et des règlements, ainsi que sur tous les objets d’intérêt régional dont il est saisi. Il nous paraît essentiel de maintenir ce droit d’intervention, qui est l’une des dimensions fondamentales de la compétence générale que, à nos yeux, les régions doivent conserver.
Toute collectivité territoriale doit être à même d’exercer les compétences qu’elle est le mieux placée pour assumer. De ce fait, la région ne peut pas voir son champ d’intervention limité à certaines compétences fixées par la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Bertrand, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux alinéas précédents, le conseil régional peut statuer, dans le périmètre des territoires dits hyper-ruraux, sur tous les objets d'intérêt régional dont il est saisi. » ;
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. On ne peut pas légiférer de manière uniforme pour tout le pays et pour toutes les circonstances ; une telle méthode comporte des inconvénients graves. Il faut bien plutôt faire preuve d’une certaine nuance et d’une certaine sensibilité.
Les citoyens n’ont déjà pas compris les deux premières parties de la réforme, du moins dans le monde rural. L’hyper-ruralité et la ruralité ne peuvent pas être absentes du présent projet de loi, qui doit définir la future organisation territoriale du pays.
J’insiste sur un point : si l’on maintient la clause de compétence générale, on évitera cet écueil pour les régions et les départements, et si l’on ne la maintient pas, il faut alors « spécialiser » – je reprends un terme utilisé par le rapporteur – pour les territoires ruraux et hyper-ruraux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh bien oui !
M. Alain Bertrand. L’État et le Gouvernement affirment eux-mêmes qu’une partie de la réponse au problème de la ruralité et de l’hyper-ruralité réside dans une solidarité et une programmation communes – par exemple entre les métropoles et les zones rurales – ou dans l’élaboration de schémas régionaux d'aménagement du territoire qui tiennent compte de la ruralité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils n’en veulent pas non plus !
M. Alain Bertrand. Toutefois, si les clauses de compétence excluent l’action de la région et du département, ce ne sera même pas possible. C'est pourtant essentiel et indispensable… Aussi, pourquoi refuserions-nous, au travers de cette loi, de prendre en compte la ruralité et l’hyper-ruralité ?
M. Alain Bertrand. Et c’est la même chose pour les contrats de plan État-région.
Dire que les régions et les départements s'impliqueront, c'est surréaliste ! Vous le savez tous, ces collectivités rencontrent déjà des difficultés financières. Et vous nous dites qu’il faut supprimer la clause de compétence générale ! Si vous la supprimez, quand vous tomberez sur un président de conseil général ou de région qui voudra faire moins bien, ou ne rien faire,…
Mme Jacqueline Gourault. C'est déjà le cas !
M. Alain Bertrand. … il s'appuiera sur cette disposition !
Ne supprimons pas cette clause et préservons ainsi l’intérêt du pays, des citoyens et des collectivités les plus faibles : on ne peut pas bâtir une politique en s'appuyant sur quatre ou cinq mille communes, même si nous, les ruraux, savons ce que nous devons aux politiques de la ville et des agglomérations, au travers d’une solidarité réelle. Et je sais que les habitants et les élus des agglomérations et des villes – du moins pour les meilleurs d’entre eux ! – sont solidaires de la ruralité et de l’hyper-ruralité… (M. Gérard Collomb applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer la clause de compétence générale en quelque sorte par appartement, alors que les amendements précédents tendaient à supprimer l’immeuble tout entier ! (Sourires.) On connaît cette méthode, qui permet de débattre plusieurs fois de la même chose…
Comme nous sommes pour la suppression de la clause de compétence générale, nous ne pouvons qu'être opposés à ces amendements – le contraire n’aurait pas de sens.
Ces amendements ont cependant leurs nuances. L’amendement n° 734 est limpide ; vous l’avez défendu, monsieur Dantec, et nous y sommes bien sûr défavorables. Il en va de même pour l’amendement n° 816 de M. Favier, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l’article 1er – tout cela est bien clair !
J’en viens à l’amendement n° 675 de M. Cazeau. Quand nous disons « dans les domaines de compétence que la loi lui attribue », il préfère, pour sa part, une formulation négative : « sauf dans les domaines de compétence que la loi lui interdit ». (Sourires.) Voilà une curieuse conception de la clause de compétence générale, avouez-le ! (M. Bruno Sido s'esclaffe.) Nous n’en sommes pas moins défavorables à cet amendement.
L’avis de la commission est également défavorable sur l’amendement n° 817 de M. Favier qui tend, lui, à supprimer le cinquième alinéa de l’article 1er.
J’en viens à l’amendement n° 66 rectifié de M. Bertrand. Sachez, mon cher collègue, que nous adorons l’hyper-ruralité – et la ruralité aussi, d'ailleurs, et même la France dans toute sa diversité, en fin de compte ! (Sourires.)
Vous avez réalisé un travail remarquable, un travail d’enquête, de sociologue, de géographe, et pas seulement d’élu local. Néanmoins, je pense que votre proposition de restreindre les compétences du conseil régional à certains sujets sur certains territoires n’est pas tenable. Si l’on confie une compétence, elle doit être globale et s'adresser à tous les territoires, et pas seulement à une partie d’entre eux.
Je vous l’ai dit – vous le savez bien, d'ailleurs –, je crois beaucoup au rôle des départements dans les zones rurales. C'est aussi pour cela que nous sommes attachés à cette collectivité ! Au moins depuis la décentralisation, les départements ont beaucoup contribué au développement rural (M. Bruno Sido acquiesce.), que ce soit en permettant aux zones rurales de s'équiper ou en y intervenant en matière d’assainissement ou d’eau potable, sans oublier l’économie. À cet égard, je souligne que leur capacité d’intervention économique résulte, dans ce projet de loi, d’amendements adoptés par la commission des lois, afin que s'exerce la solidarité territoriale. Et là, que visons-nous d’abord, sinon la ruralité, et même l’hyper-ruralité ?
Mes chers collègues, je ne vous comprends donc pas très bien, et j’aurais préféré que vous ne pensiez pas que le conseil régional, parfois un peu lointain, puisse régler tous les problèmes de l’hyper-ruralité. Mais vous évoluerez !
L’avis de la commission sur l’amendement n° 66 rectifié est donc également défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Pour ce qui concerne les amendements nos 816 et 817, je rappellerai à M. Favier, qui a fait référence à la future Maison du handball, que le sport et la culture restent des compétences partagées.
À propos de l’amendement n° 675 de M. Cazeau et de l’amendement n° 66 rectifié de M. Bertrand, mesdames, messieurs les sénateurs, j’attirerai votre attention sur l’une des dispositions les plus importantes – me semble-t-il – de ce projet de loi, qui figure à l’article 24. Marylise Lebranchu et moi-même en sommes très fiers. En effet, notre législation prévoirait pour la première fois que les conseils généraux, que l’on désignera différemment dans quelques semaines, mais que nous continuons à appeler ainsi…
M. Bruno Sido. Et pour longtemps !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … – peut-être, monsieur le sénateur –, pourront financer les actions, les équipements, les investissements et les projets du bloc communal – communes et intercommunalités.
Jusque-là, c'était bien sûr le cas. M. Hyest vient de le dire, les conseils généraux, dans toute la France, quelles que soient les couleurs politiques des majorités départementales, ont énormément travaillé depuis trente ans, depuis la décentralisation, pour aider les communes – notamment les communes rurales, les territoires ruraux – à s'équiper et à se développer dans le domaine de l’eau, de l’assainissement, de l’électrification ou du sport et de la culture. Chacun sur ces travées le sait bien.
Cependant, les conseils généraux ne le faisaient que parce qu’ils le décidaient. Certes, ils étaient sollicités, mais ils auraient pu refuser en affirmant que cela n’entrait pas dans leur compétence, puisque cela ne figurait pas dans la loi. Celle-ci mentionnait en effet les collèges, les routes, l’action sociale, le financement des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, mais pas la solidarité territoriale.
Or, pour la première fois, les conseils départementaux pourront exercer cette compétence dans la loi de la République. C'est donc la meilleure réponse que nous pouvons vous apporter, monsieur Bertrand. Au Gouvernement, nous avons évidemment lu avec beaucoup d’intérêt votre rapport sur l’hyper-ruralité, et ce document – que l’on appelle désormais le « rapport Bertrand » ! – a notamment inspiré Manuel Valls quand il a décidé de lancer les assises de la ruralité,… (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique de Legge. Quelle avancée !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … que nous avons tenues dans toute la France.
Marylise Lebranchu pourra en témoigner, pour avoir participé à plusieurs de ces travaux décentralisés – avec, pour la dernière réunion, dans les Hautes-Pyrénées, Sylvia Pinel, la ministre de l’égalité des territoires, cher monsieur Mézard ! –, le Premier ministre fait référence, chaque fois qu’il en a l’occasion, aux travaux du sénateur Bertrand ! (Exclamations et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Oui, on peut effectivement l’applaudir !
Le Gouvernement est en train de mettre en forme le compte rendu de tous ces travaux, de faire la synthèse des assises qui ont eu lieu dans tous les départements et les régions où cela a été possible. Un comité interministériel sera réuni au cours du premier trimestre de 2015 par Manuel Valls sur cette question des territoires ruraux et de l’hyper-ruralité, et une série de mesures sera décidée par le Gouvernement. Certaines seront peut-être de nature législative, et le Parlement sera alors saisi.
Toutefois, M. Bertrand, vos travaux et votre remarquable rapport (Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.) ne resteront pas lettre morte ! C'est une façon de dire à la Haute Assemblée que l’hyper-ruralité et la ruralité en général sont une préoccupation constante du Gouvernement, comme en atteste l’article 24 de ce texte de loi, aux termes duquel les départements seront tenus d’aider les communes et les intercommunalités rurales.
M. Bruno Sido. C'est faux !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Si la région ne le fait pas ou ne peut plus le faire dans certains domaines, puisqu’elle n’aura plus la compétence générale, les départements exerceront donc cette solidarité essentielle à la vie de nos territoires ruraux.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces cinq amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Ces amendements voisins et dont les dispositions sont finalement assez répétitives ont au moins le mérite de nous permettre de demander aux ministres de bien vouloir répondre, si c'est possible, à une question très précise.
Je m'en excuse auprès de tous les collègues de province, mais le problème que je vais évoquer concerne la région parisienne. Nous nous retrouvons, madame la ministre, avec une métropole qui réclame la compétence en matière de transport, et dont on nous dit qu’elle l’aura. On a visiblement beaucoup travaillé sur ce dossier… Par ailleurs, six millions d’habitants, tout comme les élus, ignorent ce que deviendra l’actuelle armature des transports en commun de la région parisienne, dont j’imagine que chacun ici connaît les interférences.
Pourra-t-on admettre que la grande couronne se contente de gérer les prolongements des lignes du RER ? C'est un vrai problème !
Mme Nicole Bricq. Et le STIF, le Syndicat des transports d'Île-de-France ?
M. Francis Delattre. Il faudrait nous dire très clairement que la compétence transport demeure attribuée à la région.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Francis Delattre. Sinon, se produira en Île-de-France un bouleversement total de l’armature des transports qui sera problématique. M. le rapporteur, qui est sénateur de la Seine-et-Marne, me surprend.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne suis pas ici en tant que représentant de la Seine-et-Marne, mais en tant que parlementaire !
M. Francis Delattre. En effet, il devrait avoir le même problème que nous.
Pour le reste, mes chers collègues, nous vivons une séance extraordinaire. Nous venons d’apprendre, de la part du président de la commission et du Gouvernement, qu’il va de soi que les départements seront finalement préservés, que leurs compétences seront même précisées et leurs moyens accrus, leur avenir étant visiblement assuré après 2020.
Mme Jacqueline Gourault. Les choses se passent toujours ainsi !
M. Francis Delattre. Nous vivons donc un moment historique ! Évidemment, certains sont très informés, d’autres le sont moins. Or j’imagine que les seconds sont plus nombreux que les premiers dans cet hémicycle. Quoi qu’il en soit, madame la ministre, c'est là une très bonne nouvelle. Mais le problème des transports de la région parisienne demeure.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Les dispositions d’un certain nombre d'amendements de sénateurs n’appartenant pas au groupe UMP présentent un véritable intérêt. Il est vrai que nous sommes ici assez nombreux à ne pas avoir une vision exclusivement parisienne et à bénéficier d’une expérience dans les exécutifs des régions. Tout à l'heure, on parlait de départements qui ont fait beaucoup pour la ruralité. Certes ! Mais ils l’ont fait aussi avec l’appui des villes. Le département n’a pas les moyens de financer la ruralité sans l’ossature d’un certain nombre de villes.
Philippe Bas évoquait tout à l'heure les financements croisés. Mais heureusement qu’ils existent depuis des années ! Sans eux, beaucoup de choses ne se seraient pas faites. Nous sommes tout de même l’un des pays d'Europe où les financements sont les plus importants. On arrive à presque 80 % pour certains projets. C'est formidable ! Beaucoup de citoyens l’ignorent, mais pas les élus, qui savent à qui s'adresser.
Enfin, la lecture de certains amendements, comme ceux de M. Favier, me fait remarquer que les départements ne pourront pas assumer, seuls, certaines opérations. Or il existe des opérations d’intérêt régional qui appellent une intervention de la région. Prenons l’exemple de mon département. On est en train de réaliser un Center Parc dans la Vienne. (M. le secrétaire d'État acquiesce.)
M. Henri de Raincourt. Et un autre dans l’Isère ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Dans l’Isère, il ne marche pas, à la différence de ce qui se passe dans la Vienne ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Center Parcs assume bien sûr la plus grosse part du financement, mais, outre la mobilisation de moyens financiers du département, la région apparaît aussi comme partenaire, et, sans elle, je ne vois pas comment l’on pourrait réaliser l’opération…
Ces amendements visent donc à traduire une certaine sagesse, une certaine expérience que nous avons acquise. Je ne vois pas comment, nous qui exerçons des responsabilités au sein des départements, nous pourrions nous engager dans certaines réalisations sans l’aide que la région peut décider d’accorder, en application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Je trouve donc que certaines dispositions de ces amendements sont très intéressantes. Même si l’on ne partage pas cet avis dans mon groupe, j’ai ma liberté de parole, n’est-ce pas ? Et je la garderai ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. – M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Henri de Raincourt. Allons bon !
M. Alain Fouché. Je voterai donc l'amendement n° 816 de M. Favier.
Mme Jacqueline Gourault. C'était très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous dire que je siège ici en tant que rapporteur de la commission des lois, et non en tant que sénateur de mon département ! Et même si je suis francilien, je suis maire d’un village de 350 habitants. Par conséquent, la ruralité, je connais ! Certains propos ou échos me sont donc particulièrement désagréables.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas parisien. J’ai d’ailleurs assez critiqué dans le passé le parisianisme de certains projets. Mme la ministre va vous répondre, monsieur Delattre, mais essayez de comprendre l’architecture de ce projet de loi ! Nous évoquerons la métropole de Paris. Des amendements seront défendus par le Gouvernement, ainsi que par nos collègues. Pourquoi vouloir tout mélanger et parler de tout à tout moment ? Clarifions donc le débat, pour nos interlocuteurs et pour le public !
M. Francis Delattre. Le texte évoque la « clause de compétence générale des régions » ! Nous sommes en plein dans le sujet !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous le savez très bien, la région d’Île-de-France possède un statut particulier. Il existe même un syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.
Mme Nicole Bricq. Depuis 2006 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La compétence en matière de transports est exercée par la région depuis 2006, et il n’est pas question, cher collègue, de remettre en cause cette situation.
En effet, si on confiait cette compétence aux métropoles, je craindrais, en tant que représentant de la grande couronne, que nos territoires ne soient complètement oubliés. C’est d’ailleurs l’un des problèmes de la métropole parisienne, on le sait très bien ! Il faut que les régions conservent des compétences suffisantes. Sinon, elles s’étioleront, et les régions situées à la périphérie des métropoles finiront par disparaître.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la logique du système !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est toute la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
M. Francis Delattre. C’est bien, monsieur le rapporteur, de vous en apercevoir !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le sais depuis toujours, et je le savais déjà lors de l’examen du projet de loi précédent, monsieur Delattre. Je ne vous ai d'ailleurs pas beaucoup entendu à ce moment-là.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne reprendrai pas l’ensemble du débat. Je vous dirai simplement, monsieur Delattre, qu’une loi, votée en 2006 – ce n’est pas moi ni la majorité présidentielle actuelle qui l’avons portée –, a créé le STIF. Le droit est simplement accordé aux collectivités territoriales d’être, si elles le souhaitent, autorités organisatrices de transports, ou AOT, de second rang.
Pourquoi une telle possibilité a-t-elle été ouverte ? Parce que des collectivités territoriales de cette région l’ont demandé pour les transports infrarégionaux. Je ne citerai pas les noms des élus qui sont venus nous demander avec insistance une telle possibilité, afin de régler certains problèmes ne relevant pas de la compétence du STIF…
9
Communication d’avis sur des projets de nomination
Mme la présidente. Conformément aux articles 13 et 65 de la Constitution, la commission des lois a émis un vote défavorable – 13 voix pour, 22 voix contre et un bulletin blanc – à la nomination, par M. le Président de la République, de Mme Soraya Amrani-Mekki aux fonctions de membre du Conseil de la magistrature, et un vote favorable – 25 voix pour, 10 voix contre, un bulletin blanc – à la nomination, par M. le Président de la République, de M. Jean Danet aux fonctions de membre du Conseil de la magistrature.
Par ailleurs, conformément aux mêmes dispositions, la commission des lois a émis un vote favorable – 20 voix pour, 6 voix contre, 2 bulletins blancs – à la nomination, par M. le Président du Sénat, de Mme Jacqueline de Guillenchmidt aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
La commission a également émis un vote favorable – 24 voix pour, 6 voix contre, 5 bulletins blancs – à la nomination, par M. le Président du Sénat, de M. Georges-Éric Touchard aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Acte est donné de cette communication.
10
Nominations des membres d’un groupe de travail
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes politiques ont présenté leurs candidatures pour le groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame MM. Philippe Adnot, Philippe Bas, Alain Bertrand, Jérôme Bignon, Jacques Bigot, Jean Bizet, Jean-Pierre Bosino, Mme Nicole Bricq, MM. Henri Cabanel, Vincent Capo-Canellas, Gérard Collomb, Philippe Dallier, Mmes Annie David, Catherine Deroche, Jacky Deromedi, MM. Jean Desessard, Philippe Dominati, Mmes Anne Emery-Dumas, Dominique Estrosi Sassone, M. Jean-Marc Gabouty, Mmes Catherine Génisson, Pascale Gruny, Corinne Imbert, Sophie Joissains, Fabienne Keller, Élisabeth Lamure, MM. Jean-Claude Lenoir, Didier Marie, Jean-Pierre Masseret, Pierre Médevielle, François Pillet, Michel Raison, Claude Raynal, Alain Richard, Jean-Pierre Sueur, Henri Tandonnet et Yannick Vaugrenard membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité et MM. Gilbert Barbier, Jean Louis Masson et Jean-Vincent Placé suppléants.
Il appartiendra au Sénat de transformer ce groupe de travail en commission spéciale, après la transmission du projet de loi, conformément aux dispositions de l’article 16 de notre règlement.
11
Nomination d’un membre d’une commission
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Alain Vasselle membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Philippe Marini, démissionnaire de son mandat de sénateur.
12
Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 737, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 4131-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-1. – Les régions sont administrées par un conseil régional composé d’une assemblée élue au suffrage universel et d’un conseil exécutif élu en son sein.
« L’assemblée régionale désigne en son sein un président pour la durée du mandat. La commission permanente est présidée par le président de l’assemblée qui est membre de droit. L’assemblée régionale procède parmi ses membres à l’élection du conseil exécutif.
« L’assemblée régionale règle par ses délibérations les affaires régionales. Elle contrôle le conseil exécutif.
« Les conseillers exécutifs et le président du conseil exécutif sont élus au scrutin de liste avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms que de sièges à pourvoir. Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Si aucune liste n’a recueilli au premier et au deuxième tour la majorité absolue des membres de l’assemblée, il est procédé à un troisième tour. Dans ce dernier cas, la totalité des sièges est attribuée à la liste qui a obtenu le plus de suffrages. Le président du conseil exécutif est le candidat figurant en tête de la liste élue. Le mandat de conseiller à l’assemblée régionale est incompatible avec la fonction de conseiller exécutif.
« Le président du conseil exécutif prépare et exécute les délibérations de l’assemblée. Il est l’ordonnateur des dépenses et prescrit l’exécution des recettes du conseil régional. Il est le chef des services du conseil régional et gère ses personnels. Il délègue par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l’exercice d’une partie de ses attributions aux conseillers exécutifs. Ces délégations ne peuvent être rapportées sans un vote d’approbation du conseil exécutif. En cas d’empêchement pour quelque cause que ce soit, le président du conseil exécutif est provisoirement remplacé par un conseiller exécutif dans l’ordre de la liste élue.
« Les dates et l’ordre du jour des séances sont arrêtés par le président de l’assemblée après consultation des membres de la commission permanente et la conférence des présidents de groupe. Douze jours au moins avant la réunion de l’assemblée, le président du conseil exécutif transmet au président de l’assemblée un rapport sur chacune des affaires qui doivent être examinées par l’assemblée, ainsi que, le cas échéant, les projets de délibération correspondants. L’ordre du jour de l’assemblée comporte par priorité et dans l’ordre que le président du conseil exécutif a fixé les affaires désignées par celui-ci.
« Le président et les conseillers exécutifs ont accès aux séances de l’assemblée. Ils sont entendus, sur leur demande, sur les questions inscrites à l’ordre du jour. Les commissions établies au sein de l’assemblée sur le fondement de l’article L. 4132-21 peuvent convoquer pour une audition tout membre du conseil exécutif ou tout membre de l’administration du conseil régional.
« L’assemblée peut mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif par le vote d’une motion de défiance. La motion de défiance mentionne la liste des noms des candidats aux mandats de président et de conseillers exécutifs en cas d’adoption de la motion de défiance. Il n’est délibéré sur cette motion que lorsqu’elle est signée du tiers des conseillers à l’assemblée. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion. Sont seuls recensés les votes favorables à la motion, qui n’est considérée comme adoptée que lorsqu’elle a recueilli le vote de la majorité absolue des membres composant l’assemblée. Lorsque la motion de défiance est adoptée, les conseillers exécutifs retrouvent leur siège de conseiller à l’assemblée régionale et les candidats aux mandats de président et de conseillers exécutifs entrent immédiatement en fonction. » ;
…° L’article L. 4131-2 est abrogé ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. J’espère que notre assemblée ne considérera pas, une fois encore, que le groupe écologiste est par trop en avance sur son temps ! (Murmures amusés.) En effet, l’histoire de ces dernières années nous a souvent donné raison, notamment en ce qui concerne l’organisation territoriale…
Cet amendement vise la parlementarisation des assemblées régionales, à l’image de ce qui se fait au niveau national, où il s'agit même d’un principe de la démocratie.
La séparation des pouvoirs entre l’assemblée délibérante et le pouvoir exécutif et la responsabilité de l’exécutif devant le pouvoir délibératif constituent de véritables avancées démocratiques. Les pouvoirs et surtout la taille des régions étant aujourd'hui renforcés, il nous semble nécessaire d’accompagner cette réforme par une évolution démocratique, en distinguant, comme c’est déjà le cas pour l’assemblée de Corse, l’assemblée du conseil exécutif.
Je le souligne, c’est ainsi que fonctionnent de très nombreuses collectivités territoriales européennes. En la matière, nous ne sommes donc pas en avance. Il s’agit plutôt d’essayer de rattraper ce qui se fait déjà largement ailleurs.
Aujourd'hui, ce débat émerge réellement sur la place publique. Un certain nombre de collectivités prennent des initiatives. Par exemple, la Guyane et la Martinique ont décidé, par référendum, d’aller progressivement vers le système de gouvernance qui est déjà applicable en Corse. Il est donc temps que nous mettions nous aussi en œuvre ce système, qui correspond à l’évolution des régions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Dantec, quand on est en avance, il faut persévérer ! Le modèle corse est certainement le meilleur en matière de stabilité politique. Il convient donc de l’encourager ! (Sourires.)
On peut concevoir – cela existe dans d’autres pays – un organe exécutif et une assemblée délibérative. Mais franchement, cela constituerait un alourdissement certain. Nos concitoyens nous reprochent déjà beaucoup les dépenses de structure ; ce n’est peut-être pas la peine d’en rajouter !
Monsieur Dantec, vous aviez déjà présenté un amendement similaire au cours de l’examen du précédent projet de loi, et vous en présenterez un autre dans le prochain texte, car la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Mon avis est quelque peu différent de celui de M. le rapporteur, avec qui j’ai déjà eu l’occasion d’aborder cette question.
Effectivement, compte tenu de la taille et des compétences nouvelles des régions, la question est posée. Elle a d’ailleurs été posée récemment, de façon transpartisane, au sein de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Un tel sujet exige un travail précis, ainsi qu’une concertation approfondie avec les élus régionaux. Les uns et les autres se sont d’ailleurs saisis de ce sujet, qui est intéressant, mais complexe. J’ai beaucoup échangé à ce propos avec M. Jacob, ainsi qu’avec d’autres, qui sont allés observer le fonctionnement particulier de l’assemblée de Corse.
Je le répète, la question est posée, mais je ne sais pas si nous aurons l’occasion de beaucoup avancer en la matière avant la lecture de ce texte par l’Assemblée nationale. Toutefois, la commission des lois de l’Assemblée nationale demande que nous ayons un échange en la matière.
Certains élus sont allés observer un tel fonctionnement en Allemagne, en Corse ou en Italie. Pour ma part – je l’avais souligné au cours de l’examen du projet de loi MAPTAM, c'est-à-dire de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, monsieur le sénateur –, je n’avais pas bien compris les ressorts démocratiques liés à cette question. M. le rapporteur a raison, une telle évolution aurait un prix, mais la démocratie a un coût.
Même si la question reste posée, je ne puis donc émettre ne serait-ce qu’un avis de sagesse sur cet amendement, dont les dispositions n’ont pas été suffisamment étudiées.
Mme la présidente. L'amendement n° 738, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 4132-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4132-6. – L’assemblée régionale établit son règlement intérieur dans le mois qui suit son renouvellement. Ce règlement intérieur détermine notamment les droits des groupes constitués en son sein en vertu de l’article L. 4133-23. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition, s’agissant en particulier de la fixation de l’ordre du jour de ses délibérations. » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est beaucoup moins complexe que le précédent.
Selon moi, il est temps que les droits de l’opposition progressent dans les assemblées régionales. Nous pouvons tous basculer, un jour ou l’autre, dans l’opposition ou la majorité. Pourquoi donc ne pas essayer de trouver un consensus en la matière, dans la mesure où nous ne savons jamais à quoi ressemblera l’avenir ?
Notre proposition est donc extrêmement simple : le règlement intérieur, au moment du renouvellement de l’assemblée régionale, doit reconnaître les droits spécifiques des groupes d’opposition. Cela constituerait une avancée démocratique logique, si l’on considère l’importance prise par les nouvelles régions. Ainsi, compte tenu de l’évolution en cours, je dirais presque que cet amendement relève du bon sens.
Mme Cécile Cukierman. Il y en a qui préparent l’avenir… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’opposition possède déjà des droits. Si le règlement intérieur doit être établi à chaque renouvellement… Franchement, il s’agit là de détails, qui relèvent du règlement intérieur ! Or on réglemente de plus en plus les détails. C’est d’ailleurs pour cette raison que les lois deviennent incompréhensibles.
Monsieur Dantec, vous aviez déjà déposé un amendement similaire, dont l’objet, aux yeux de la commission, ne relève pas de ce texte.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mon avis est plus nuancé que celui de M. le rapporteur.
Vous avez raison, monsieur Hyest, nombre de ces dispositions relèvent du règlement intérieur. Toutefois, il s’agit ici d’une mesure intéressante, à savoir le droit accordé aux groupes d’opposition de fixer l’ordre du jour des délibérations du conseil régional. Il s’agit de permettre que des questions ne figurant pas à l’ordre du jour puissent y figurer. Certains règlements intérieurs des assemblées régionales – pas tous – ont adopté une telle disposition. Il s’agit donc d’une vraie question, que je ne balaie pas d’un revers de main.
Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. J’ai connu les deux structures, le département et la région.
M. Bruno Sido. Eh bien ! (Sourires.)
M. Alain Fouché. Du reste, je ne suis pas le seul : c’est le cas d’un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues.
L’opposition est souvent mieux traitée dans les départements que dans les régions,…
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Alain Fouché. … au sein desquelles elle est parfois malmenée en dépit des règlements.
M. Bruno Sido. C’est Ségolène ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Détrompez-vous, mes chers collègues, je ne parle de personne en particulier, d’autant que je n’ai strictement rien contre Mme Royal. (Rires sur les travées du groupe communiste.) Ne faites donc pas de mauvais esprit ! (M. Bruno Sido s’esclaffe.)
Au demeurant, cette question mérite réflexion, en vue d’apporter certaines améliorations concernant la situation des oppositions qui sont maltraitées depuis plusieurs années. Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui et se manifeste dans des régions de diverses tendances politiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Il faut toujours renforcer les droits de l’opposition, quelle que soit l’assemblée délibérante. Cela a été le cas à plusieurs reprises pour les communes, et il est sans doute nécessaire d’y revenir, car c’est un progrès pour l’ensemble de la démocratie. D’ailleurs, il est de l’intérêt de la majorité que l’opposition puisse formuler des propositions et exercer un contrôle, éventuellement pour tirer la sonnette d’alarme.
Néanmoins, le renforcement des droits de l’opposition n’est pas l’objet principal du présent texte et devrait peut-être être prévu au sein d’un texte spécifique, peut-être une proposition de loi.
Surtout, il faut être précis et exiger par exemple que, dans le règlement intérieur des collectivités, l’opposition dispose d’un « droit de niche », afin de pouvoir débattre d’une délibération qu’elle inscrirait elle-même à l’ordre du jour des travaux de l’assemblée.
En l’espèce, tel que cet amendement est rédigé, je ne vois pas à quoi son adoption aboutirait, sinon à donner tout pouvoir à la majorité d’établir un règlement susceptible d’intégrer les souhaits de l’opposition, mais sans aucune certitude sur ce point.
Si l’on veut être précis, il faut un texte de loi qui donne des droits spécifiques et impose dans les règlements que ces droits soient bien reconnus et ensuite appliqués. Je viens d’ailleurs de déposer une proposition de loi en ce sens, pour que les droits créés par la loi et figurant ensuite dans les règlements soient réellement appliqués.
En effet, les responsables d’exécutifs locaux ont tendance à ne pas respecter les normes applicables, y compris les lois qui ont été votées. (Exclamations.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !
M. Philippe Kaltenbach. C’est souvent le cas dans les conseils municipaux et très fréquemment dans mon département, les Hauts-de-Seine.
Des efforts doivent donc être consentis dans le cadre que je viens d’exposer. Nous pourrions ainsi avancer de manière assez consensuelle, pour renforcer les droits de l’opposition.
M. Henri de Raincourt. L’idée est bonne !
Mme la présidente. L'amendement n° 1012, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa de l’article L. 4132-21 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le président de la commission des finances de l’assemblée régionale est un conseiller d’opposition. » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, extrêmement précis, vise finalement à répondre à l’intervention de M. Kaltenbach.
Monsieur le rapporteur, c’est tout de même à la représentation nationale de garantir les droits de l’opposition dans le débat démocratique national. Si, au lieu d’agir lors de l’examen du projet de loi NOTRe, nous attendons de déposer de nouvelles propositions de loi, nous alourdirons notre travail parlementaire, ce qui ne me semble pas tout à fait rationnel.
Vous m’aviez répondu la dernière fois que ce n’était pas le moment pour en parler ; aujourd’hui, il s'agit du bon texte, afin que la représentation nationale assure plus de démocratie dans la gestion des collectivités. En effet, si l’on peut accepter une part d’autogestion à l’échelle régionale, honnêtement, il vaut mieux attendre de la représentation nationale la protection des droits de l’opposition.
Cet amendement est donc beaucoup plus simple, car ses dispositions s’inspirent d’actions qui existent déjà au niveau national et de ce qui a cours au sein d’un certain nombre de collectivités, notamment la ville de Nantes, qui a confié la présidence de la commission des finances à l’opposition. Je peux vous dire d’expérience que, depuis quelques mois, cette mesure a grandement amélioré la qualité du débat au sein de notre assemblée.
Il s’agit donc d’affirmer très clairement que le président de la commission des finances de l’assemblée régionale est un conseiller d’opposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Veuillez m’en excuser, monsieur Dantec, ces dispositions concernant les bonnes pratiques des assemblées parlementaires me paraissent hors sujet, d’autant que, dans une collectivité locale, le rôle du responsable des finances est quelque peu différent de celui qu’il exerce dans une assemblée parlementaire, où l’on examine le budget de l’État. (Protestations sur quelques travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Non, ce n’est pas pareil, chers collègues ! Dans une région, on n’est même pas obligé de créer une commission des finances.
Mme Cécile Cukierman. En agissant ainsi, on favorise l’opposition, qui monte au créneau !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Peut-être Mme la ministre sera-t-elle cette fois encore plus nuancée que moi,…
M. Bruno Sido. C’est pour cela qu’elle est ministre ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais, pour ma part, je suis assez carré ! Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Dans la mesure où aucun débat n’a eu lieu au sein du groupe socialiste, j’expose ma position personnelle. Je tiens à dire que des régions ont déjà mis en place ce système, notamment la région d’Île-de-France, qui est présidée par une personnalité socialiste, Jean-Paul Huchon, et qui a décidé, voilà quelques années, de confier la présidence de la commission des finances à un élu de l’opposition, par ailleurs sénateur, puisqu’il s’agit de M. Karoutchi.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas n’importe qui ! (Sourires.)
M. Philippe Kaltenbach. Cet exemple montre que, en associant l’opposition, on assure un meilleur contrôle des dépenses et des décisions de la majorité. Cette pratique est positive à l’usage, à l’Assemblée nationale comme au Sénat,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais il ne faut pas obliger !
M. Philippe Kaltenbach. … et nous proposons de l’étendre aux régions agrandies au travers de cet amendement.
À titre personnel, je voterai cet amendement, car cette mesure représenterait un pas supplémentaire pour associer l’opposition, la respecter et faire en sorte qu’elle soit entendue et écoutée, quelle que soit son importance par rapport au groupe dirigeant.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est l’avenir !
M. Philippe Kaltenbach. En conclusion, nous ne serons pas trop prévoyants en posant des principes en ce sens, afin que l’opposition soit en mesure de contrôler l’exécutif.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Dans le texte relatif au cumul des mandats, un parlementaire ne peut pas être maire d’une commune de trente habitants…
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Alain Fouché. … ou vice-président d’une collectivité. En revanche, un parlementaire peut être président d’une commission des finances, avec tous les avantages et les moyens que cela représente, notamment le secrétariat, le chauffeur, etc. C’est bien la preuve, madame la ministre, que cette loi comporte certaines lacunes, pour le dire respectueusement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Cécile Cukierman. Citons une exception : M. Karoutchi !
Mme la présidente. L'amendement n° 1002, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa de l’article L. 4132-21-1 est ainsi rédigé :
« À la demande d’un cinquième de ses membres, l’assemblée régionale établit en son sein une mission d’information et d’évaluation, chargée de recueillir des éléments d’information sur une question d’intérêt régional ou de procéder à l’évaluation d’un service public régional. Un même conseiller régional ne peut s’associer à une telle demande plus d’une fois par an. » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je ne désespère pas que l’un de mes amendements soit adopté !
Le présent amendement, beaucoup plus modeste que le précédent, tend à s’inscrire dans la dynamique du débat au sein des assemblées régionales et à rejoindre les propos de M. Kaltenbach.
Il s’agit simplement d’affirmer que l’assemblée régionale établit en son sein une mission d’information et d’évaluation, chargée de recueillir des éléments sur une question d’intérêt régional ou de procéder à l’évaluation d’un service public régional. Un même conseiller régional ne peut s’associer à une telle demande plus d’une fois par an.
Mme Cécile Cukierman. On peut choisir son service public !
M. Ronan Dantec. Ces dispositions ne seraient pas lourdes à instaurer, puisque nous les mettons régulièrement en œuvre au Sénat.
À cet égard, nous savons tous l’importance de nos missions parlementaires, y compris pour construire des consensus destinés à faciliter l’action publique et à sortir du débat politicien. Grâce au renforcement du rôle des régions et à leur agrandissement, ce droit d’information au profit des élus régionaux permet aussi à l’opposition d’intervenir dans le débat.
Eu égard à l’objet très modeste de cet amendement, nous pourrions aisément trouver un consensus en la matière, me semble-t-il.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces missions d’information relèvent du règlement des assemblées. Nous n’allons pas tout inscrire dans la loi.
M. Gérard Longuet. Parfaitement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par ailleurs, assez curieusement, monsieur Dantec, vous n’avez pas prévu les mêmes dispositions pour les départements. C’est étonnant ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. C’est suspect !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ne voudriez-vous plus des départements ?…
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’étais prête à demander la rectification de cet amendement pour que les départements soient également concernés.
M. Alain Fouché. Et pourquoi pas les communes, aussi ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Toutefois, je préfère m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait inscrire dans la loi que le conseil régional a le droit d’évaluer un service dont il s’occupe. On ne ferait rien d’autre que ce qui est écrit dans le code général des collectivités territoriales.
M. Michel Delebarre. Et alors ?
Mme Cécile Cukierman. Il n’y a plus de compétence générale, mais la liberté d’administration subsiste !
M. Yves Détraigne. La région se gère par ses propres moyens. Si elle estime devoir réexaminer telle politique ou la façon dont est géré tel service, elle le fait en interne et personne ne l’en empêchera. Il n’est nul besoin de le prévoir dans la loi. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Je ne saisis pas l’intérêt de cet amendement.
Aujourd’hui, si une collectivité, une région ou un département veut créer une commission sur un problème particulier, elle peut évidemment le faire. (M. Michel Delebarre acquiesce.) Un droit est conféré à l’opposition, à la minorité du conseil régional, puisque les décisions sont prises par une majorité qui peut parfois se montrer agressive à l’égard de sa minorité et l’écraser quelque peu.
Aux termes de cet amendement, quelque 20 % des membres du conseil régional peuvent solliciter la création d’une commission et l’obtenir.
Si, dans toutes les assemblées régionales et départementales, la majorité était ouverte et donnait spontanément des droits à l’opposition, on n’aurait pas besoin de créer des règles. Tel n’est malheureusement pas le cas.
Certes, l’Île-de-France a accordé la présidence de la commission des finances à l’opposition sans qu’une loi l’impose. Néanmoins, si l’on veut généraliser ce type de pratiques et faire en sorte que l’opposition soit mieux associée aux décisions prises et puisse se prévaloir des mêmes droits, il faut passer par la loi.
Il en a été de même pour les communes : tous les droits de l’opposition y ont été actés par des lois, parce que, hélas, peu de communes ont donné des droits à leur opposition de manière spontanée, sans y être contraintes.
M. Pierre-Yves Collombat. Et il y a encore beaucoup à faire !
M. Philippe Kaltenbach. Ce pas supplémentaire, nous avons l’occasion de le faire. En rectifiant cet amendement afin d’ouvrir ses dispositions aux départements, nous avancerions vers un fonctionnement plus démocratique de ces assemblées.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Les arguments évoqués contre mon amendement ne correspondent pas tout à fait à ma proposition, et je remercie Philippe Kaltenbach de son intervention.
Les droits de l’opposition sont importants. Tous, nous avons intérêt à ce que celle-ci soit en mesure de participer davantage au débat démocratique régional.
Toutefois, outre le problème des droits de l’opposition, il convient d’évoquer aussi l’apparition de très grandes régions.
M. Jacques Mézard. Elles seront énormes !
M. Ronan Dantec. Certains sous-territoires de ces régions ne vont-ils pas apparaître, qui auront des questions à poser ? Accorder un droit à 20 % des conseils régionaux, cela permet à un ensemble territorial au sein d’une région de s’exprimer.
Mme Cécile Cukierman. Si l’on voulait conserver la proximité, il ne fallait pas faire de grandes régions ! On tricote à Noël et l’on détricote après le Nouvel An ! (Exclamations.)
M. Jacques Mézard. Exactement !
M. Ronan Dantec. Non, ma chère collègue. Il y aura, dans ces grandes régions, des élus différents. Que ceux-ci puissent mettre à l’ordre du jour des travaux spécifiques constituerait une avancée démocratique, qui pourrait servir à tout le monde.
Sur ce point, je le répète, nous devrions pouvoir trouver un consensus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, je tiens à vous le dire sans énervement : l’argument qui vient d’être avancé ne me laisse pas sans voix – vous l’avez constaté… (Exclamations amusées.) Pour le coup, l’expression habituelle n’est pas pertinente !
Cette justification me surprend. On nous a répété qu’il fallait de grandes régions. Un certain nombre d’entre nous ont dit : faisons attention à la proximité, aux spécificités locales,…
M. Jacques Mézard. Oui !
Mme Cécile Cukierman. … aux particularités que cette réforme va gommer. On nous a répondu qu’il n’y avait pas de souci.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré : « Il y a des problèmes, on les examinera après. »
Mme Françoise Laborde. Mais après, c’est maintenant !
Mme Cécile Cukierman. C’est peut-être la manière de les traiter.
Quoi qu’il en soit, j’entends aujourd’hui qu’il faut garantir les spécificités locales au sein des grandes régions, notamment en permettant à 20 % des membres d’un conseil régional d’obtenir la création d’une mission d’information et d’évaluation. Honnêtement, je suis tentée de répondre qu’il ne fallait pas créer de très grandes régions. (M. Jacques Mézard acquiesce.) Ces ensembles susciteront des problèmes, c’est certain !
Par ailleurs, même si la clause de compétence générale est supprimée pour les départements et les régions, ces collectivités territoriales conserveront, me semble-t-il, leur liberté réglementaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Monsieur Dantec, vous proposez une proportion d’un cinquième : pourquoi pas un sixième ou un quart ? Les collectivités territoriales doivent être libres de s’organiser, par le biais de leur règlement intérieur.
Les membres du groupe auquel j’appartiens s’accordent à dire que les droits de l’opposition, la représentativité des élus doivent être garantis et confortés dans le fonctionnement interne des assemblées locales, notamment grâce aux règlements intérieurs. Mais décider à la place des collectivités territoriales la manière dont elles doivent fonctionner pour ainsi dire au quotidien, via des dispositions de cette nature, c’est autre chose. Sur ce plan, personnellement, je ne vous suis plus !
Mme la présidente. L'amendement n° 739, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 4134–1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il a pour mission d’éclairer le conseil régional sur les enjeux et les conséquences économiques, sociales et environnementales des politiques régionales. Il porte une attention particulière à leur impact sur le long terme et à leur inscription sur une trajectoire de transition écologique de l’économie. Il peut être saisi de toute question relevant des compétences du conseil régional par le président de l’assemblée régionale, par tout groupe politique constitué en son sein en vertu de l’article L. 4133–23. Il peut également demander l’inscription d’une communication à l’ordre du jour de l’assemblée régionale, qui donne lieu à un débat sans vote. » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement tend, lui aussi, quoique sur un autre sujet, à animer le débat régional.
Mes chers collègues, au cours des discussions que j’ai eues avec tel ou tel d’entre vous, j’ai constaté avec une certaine surprise que les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER, ont aujourd’hui une image assez négative. J’entends beaucoup de choses à leur sujet.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quelle est leur utilité ?
M. Ronan Dantec. Malgré tout, il me semble que, dans ces grandes régions, il est nécessaire de maintenir une instance regroupant l’ensemble des acteurs pour débattre et éclairer la décision publique. C’est l’évolution normale de la démocratie : il faut que les acteurs souhaitant prendre part au débat puissent s’exprimer.
À ce titre, cet amendement vise à redéfinir les CESER. Ses dispositions concordent parfaitement avec les dispositions votées au titre de la loi précédente.
Le CESER a pour mission d’éclairer le conseil régional sur les enjeux et les conséquences économiques, sociales et environnementales des politiques régionales. Il porte une attention particulière à leur impact à long terme – c’est un élément clef du débat démocratique – et notamment sur les enjeux écologiques. Il peut être saisi de toute question relevant des compétences du conseil régional par le président de cette assemblée – celui-ci peut ainsi s’appuyer sur cette instance – et par tout groupe politique constitué en son sein. Il peut également demander l’inscription d’une communication à l’ordre du jour du conseil régional, laquelle donne lieu à un débat sans vote. Ainsi, le CESER ne s’immisce pas dans la décision politique du conseil régional.
De nombreux éléments sont remontés des territoires, et nos précédents débats ont mis au jour nombre de frustrations. Je songe par exemple aux conseils de développement, qui ont failli être oubliés par les lois précédentes. Les structures les réunissant n’ont pas manqué de le relever.
La manière dont nous avons débattu a, elle-même, suscité des frustrations : elle donnait l’impression d’un monde où seul l’élu, quelque peu enfermé dans sa tour d’ivoire, décidait de tout.
Il est plus que temps d’émettre des signaux contraires. Bien sûr, la décision publique reste du ressort de l’élu. Cet amendement ne tend nullement à remettre en cause ce principe. Toutefois, il faut assurer un débat avec l’ensemble des acteurs du territoire. Voilà pourquoi il convient de s’appuyer, à l’échelle régionale, sur les CESER, en leur donnant des missions plus claires, en leur confiant plus de capacités d’intervenir dans le débat, et en affirmant qu’ils sont là pour éclairer les décisions publiques à moyen et long termes face aux impératifs politiques qui, parfois, se limitent au court terme.
M. Alain Fouché. Les moyens existent déjà !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les CESER tels qu’ils existent nous paraissent fonctionner normalement. D’aucuns trouvent même que l’on accorde un rôle bien important à ces instances au regard de leur utilité.
M. Henri de Raincourt. C’est gentiment dit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission n’entend ni étendre ni réduire les attributions de ces instances de dialogue et de conseil.
Monsieur Dantec, vous souhaitez imposer la remise d’avis, de communications. Vous allez de nouveau dans le sens d’une réglementation excessive.
M. Ronan Dantec. Non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Des rapports sont établis. Ils sont demandés par les collectivités, très bien. Mais, pour votre part, – c’est extraordinaire ! – vous êtes un réglementariste absolu.
M. Éric Doligé. Il fallait le dire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous voulez tout réglementer. C’est épatant ! Laissons vivre les structures telles qu’elles existent. Si certaines ne fonctionnent pas, tant pis. Si d’autres fonctionnent très bien, tant mieux.
Vous l’aurez compris, je suis défavorable à cet amendement.
MM. Bruno Sido et Alain Fouché. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable. Aujourd’hui, les CESER fonctionnent bien. Ils ont trouvé leur place au sein des institutions régionales. Laissons les nouvelles régions se mettre en place, les nouveaux conseils régionaux être élus. Après 2016, nous verrons s’il y a lieu de modifier l’organisation, le fonctionnement et le rôle des CESER.
M. Alain Fouché. Cessons d’alourdir le système !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Cet amendement tend à renforcer les pouvoirs et missions des CESER…
M. Ronan Dantec. Des missions, pas des pouvoirs !
M. Bruno Sido. Attention !
M. Jacques Mézard. Monsieur Dantec, je me permets de citer textuellement l’objet de votre amendement : « Cet amendement vise à renforcer les pouvoirs et missions des CESER ». (M. Henri de Raincourt rit. – M. Ronan Dantec opine.)
M. Bruno Sido. Ah !
M. Jacques Mézard. Nous savons tous ce que sont les CESER. (M. Bruno Sido rit.) Le problème de ces conseils, c’est d’abord leur composition, la nomination de leurs membres. Il faut le dire, même si cela ne fait pas plaisir dans nos régions : ces instances sont essentiellement – pas toujours – un moyen de faire plaisir, dans tel ou tel domaine, à ceux qui disposent du pouvoir de nomination. (M. Alain Fouché s’exclame.)
Qu’en résulte-t-il ? Des rapports, qui sont certainement lus par l’immense majorité de nos concitoyens… (Sourires sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Minimum ! (Nouveaux sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Mouiller. Personne ne les lit !
M. Jacques Mézard. En contrepartie, ces CESER représentent un coût, correspondant aux indemnités de leurs membres, aux divers frais de fonctionnement.
Si c’est cela, la représentation ultime de ce que vous appelez « la société civile », sans être, pour ma part, le représentant de la société militaire (M. Gérard Longuet s’exclame.), je voterai avec conviction contre cet amendement. Cette mesure ne fera pas avancer la démocratie.
M. Michel Vaspart. Oh non !
M. Jacques Mézard. Je note par ailleurs que vous souhaitez presque, à travers d’autres amendements, créer des sortes de sénats dans les régions.
M. Michel Vaspart. Exactement !
M. Jacques Mézard. Or on sait l’affection que vous avez pour la Haute Assemblée… (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Michel Mercier. Ça va mieux !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le secrétaire d’État, en réponse à vos propos, je me permets de vous poser cette question, qui me semble importante : a-t-on prévu de reconfigurer les CESER à l’échelle des nouvelles régions ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Jacques Mézard. Ainsi, ce sera encore mieux qu’avant !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous aurons donc des grands CESER…
Mme la présidente. L'amendement n° 403, présenté par MM. Husson, Calvet, Houpert, Danesi, Gremillet, D. Laurent, Houel et Cardoux, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
habitat
insérer les mots :
, la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Mes chers collègues, la loi MAPTAM a créé une nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, que je désignerai dans la suite de mon intervention par le sigle GEMAPI. (Sourires et exclamations amusées sur diverses travées.)
Cette compétence est confiée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Néanmoins – nous le savons tous –, une large part des actions de gestion de l’eau et de prévention des inondations reste en dehors du bloc de compétence GEMAPI et nécessite de ce fait une maîtrise d’ouvrage appropriée qui, au total, est largement « supra locale ». Je songe à la gestion des grands ouvrages, à l’animation territoriale des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, aux stratégies locales de gestion des risques d’inondation ou encore aux programmes d’action de prévention contre les inondations, les PAPI.
Manifestement, ces actions de bassin nécessitent l’implication de tous les niveaux de collectivités – des communes aux intercommunalités à fiscalité propre en passant par les départements et les régions – au regard des enjeux multiples de la transversalité, des échelles de bassin qui dépassent largement les limites administratives et de la nécessité de créer des synergies entre les diverses politiques publiques, qu’elles touchent à l’aménagement du territoire, aux solidarités et à l’équité entre les territoires, à l’énergie, à la biodiversité, au tourisme, à la culture, etc.
Or le présent projet de loi supprime la clause de compétence générale pour les départements et les régions.
Par ailleurs, vous l’avez compris, une gestion équilibrée et durable dans le domaine de l’eau et des inondations implique une complémentarité entre les actions conduites et menées par les communes sur leur territoire et les intercommunalités au titre de leurs compétences propres et celles qui sont menées à l’échelle des différents bassins versants. Ces dernières permettent d’assurer la cohérence globale de l’action sur le bassin versant, un accompagnement approprié des collectivités territoriales et de leurs groupements par la mise en place d’une ingénierie qualifiée, et la mise en œuvre des bons outils de programmation et de planification à diverses échelles.
Enfin, j’attire l’attention de la Haute Assemblée sur le fait qu’un certain nombre de dispositifs sont déjà en cours de mise en place, depuis un certain temps – je reviendrai sur ce point dans quelques instants, en explication de vote.
Mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement, pour que la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant soit portée au nombre des compétences régionales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai l’impression que nous allons beaucoup débattre de la GEMAPI… (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Auparavant, on parlait de lutte contre les inondations. C’était français, par conséquent c’était plus simple. (Même mouvement.)
M. Bruno Sido. Oh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est peu ou prou de cela qu’il s’agit !
Cela étant dit, cette mesure laisse la commission assez perplexe. Des dispositions législatives établies sur l’initiative de deux de nos collègues et votées récemment…
M. Jean-François Husson. C’est bien le problème !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … plus précisément au titre de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, portent sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.
Depuis quelque temps, certaines collectivités se posent des questions en la matière. Elles agissent notamment par le biais d’établissements publics.
C’est une chose d’attribuer aux régions la promotion des actions menées en la matière. C’en est une autre de leur confier la compétence de gestion proprement dite par bassin versant. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)
Mes chers collègues, en la matière, la France a connu des systèmes très divers, au rang desquels les syndicats de rivière. Pour ma part, je me permets de rappeler que j’ai pris part à la création de l’Entente Marne,…
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … qui couvre cinq départements, jusqu’à la Meuse,…
M. Gérard Longuet. En effet !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … et réunit ainsi tout un pan du Bassin parisien.
Pendant vingt-cinq ans, l’Entente Marne a mené des actions coordonnées, entre les départements de la Marne, de la Haute-Marne, de la Meuse, de Seine-et-Marne, etc., au titre de la Marne, bien sûr, mais aussi des rivières adjacentes. Nous avons accompli un travail formidable. Voilà pourquoi j’ai eu tendance à dire aux autres territoires : faites comme nous,…
M. Jean-François Husson. Et l’EPALA ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … il n’est pas nécessaire de voter encore de nouvelles lois !
À mon sens, ces attributions peuvent être englobées dans la compétence d’aménagement du territoire. (M. Jean-François Husson manifeste sa circonspection.) C’est possible, cher collègue ! Dès lors, les régions pourront contribuer au financement des initiatives menées.
Le département peut-il, en outre, être indifférent au sujet ? Rien ne l’interdit, mais, franchement, commencer à attribuer des compétences qui appartiennent à d’autres collectivités… Ce n’est pas possible ! La situation deviendrait incompréhensible : sans action de la région, les établissements publics ne pourraient se mettre en place !
Un véritable problème se pose aussi au niveau des ressources et de la redevance, dont nous savons très bien par qui elle est versée. Des amendements seront présentés sur le sujet.
Pour ma part, je souhaiterais donc que nous en restions là pour l’instant et que nous différions la discussion. Nous aurons d’autres occasions d’évoquer les questions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Ainsi, à ce stade, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sur l’initiative du Sénat, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, voilà maintenant quelques mois, et l’ouverture du champ de cette compétence aux régions ne semble pas aller dans le sens de la simplification.
Nous avons effectivement permis aux régions de conserver une possibilité d’intervention en matière de gestion de l’eau dans les différents domaines listés au I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, à l’exclusion des missions constituant la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, qui, en conséquence, constituera une compétence exclusive du bloc communal. Cette disposition est le fruit d’un long débat, précis, construit, que nous avons conduit dans cette enceinte, un débat de clarification sur lequel, bien évidemment, le Gouvernement ne souhaite pas revenir.
En revanche, lors de cette même discussion concernant les demandes de délégation de compétences des régions – peut-être le sujet sera-t-il à nouveau discuté au cours de l’examen du présent projet de loi –, il a été acté qu’une région de France souhaite aujourd'hui disposer d’une compétence spécifique en matière de gestion de l’eau. Mais cette demande porte sur un transfert de compétences détenues par un organisme de niveau supérieur, et non inférieur, dans le but d’intervenir plus efficacement sur d’importants dossiers de pollution tellurique affectant le littoral.
Je suis donc quelque peu gênée. Je comprends l’argument développé, mais nous sommes allés tellement dans le détail de cette compétence par le passé qu’il me semble nécessaire, aujourd'hui, de la laisser s’établir.
Ainsi, c’est au titre des travaux que nous avons menés ensemble, sur l’initiative, je le rappelle, de plusieurs groupes du Sénat, que je demande aux auteurs de l’amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il me semble que, face à ce problème particulièrement important, une certaine confusion demeure… La fameuse compétence GEMAPI, compétence de gestion des milieux aquatiques – ils devaient bien être pris en compte – et, surtout, de prévention des inondations, appartient bien au bloc communal, qui peut l’exercer dans le cadre de syndicats mixtes. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici : l’amendement traite de l’approvisionnement en eau !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Est-ce bien cela ?
M. Pierre-Yves Collombat. Oui ! La compétence GEMAPI n’est pas concernée. Le niveau régional, que je ne défends pas souvent, m’apparaît tout de même comme le bon niveau pour veiller à la gestion équilibrée et durable des ressources en eau.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et les bassins ?
M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement fait référence à la « gestion équilibrée et durable des ressources en eau » !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les agences de l’eau s’occupent de ces sujets !
M. Pierre-Yves Collombat. Elles ne sont pas, à elles seules, le bras armé ! Elles interviennent concurremment avec d’autres collectivités !
Je reconnais néanmoins l’existence d’un petit problème annexe : des établissements publics de bassin sont, de fait, déjà actifs dans le domaine de la prévention des inondations et dans le domaine de l’approvisionnement en eau et certains m’ont expliqué qu’ils commençaient à rencontrer quelques difficultés. Le préfet leur oppose que telle action n’est pas de leur ressort, car entrant dans le cadre de la compétence GEMAPI, que telle autre est du domaine de l’approvisionnement en eau ; le bassin est considéré comme appartenant à des catégories différentes selon les aspects considérés. Bref, c’est un bazar ! (M. Jean-François Husson acquiesce.)
Donc, si nous pouvions dire clairement qui peut faire quoi dans cette affaire, cela présenterait au moins l’avantage de ne pas paralyser des dispositifs existants, et qui fonctionnent. D’après ce qui m’a été rapporté – je ne l’ai pas vérifié –, ceux-ci font l’objet d’interprétations diverses de la part de l’administration et, de ce fait, voient leurs actions entravées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce qui est proposé n’y changera rien !
M. Pierre-Yves Collombat. La gestion équilibrée et durable des ressources, ce n’est pas la prévention de l’inondation ! C’est une autre compétence ! (M. le rapporteur s’exclame.) Je ne lis pas très bien, mais ça, j’arrive à le comprendre ! C’est : comment assurer l’approvisionnement en eau d’un ensemble ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La région n’a pas aujourd'hui de compétence dans ce domaine.
M. Pierre-Yves Collombat. On peut effectivement décider qu’elle n’en aura pas. Mais on peut aussi penser que si la région est amenée à développer une vision stratégique, à intervenir sur les compétences stratégiques, elle est en droit d’agir en matière d’approvisionnement en eau. En Provence, jusqu’à ce que Gaston Defferre crée, avec d’autres élus, notamment des départements, le canal de Provence, nous rencontrions de très sérieux problèmes d’approvisionnement en eau. Ces problèmes ont été réglés de cette manière.
Je ne prétends pas que le système peut être reproduit partout, mais, très franchement, il ne me paraît pas scandaleux qu’il incombe à la région de se préoccuper d’un sujet tout de même essentiel pour le développement ! Quelle articulation prévoir avec d’autres s’agissant des réalisations concrètes ? Peut-être faut-il se poser la question… Mais ne confondons pas tout !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sur ce point, nous sommes d’accord !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je ne suis pas toujours d’accord avec mon collègue Pierre-Yves Collombat sur ces sujets.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça, c’est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Mais, en l’occurrence, je suis, moi aussi, très surprise. En effet, il nous est formellement proposé d’insérer les mots « la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant », mais l’argumentation développée dans l’objet de l’amendement porte sur de nombreux points concernant la protection face au risque d’inondation.
Cela me pose une difficulté car je ne sais pas quelle question les auteurs de l’amendement souhaitent véritablement évoquer. S’il s’agit de la gestion de la ressource en eau, il y a effectivement un sujet, me semble-t-il. En revanche, s’il s’agit des risques d’inondation, cela nous renvoie véritablement à la question de fond dont nous avons débattu au tout début de la séance de cet après-midi. La suppression de la clause de compétence générale de la région et des départements soulèvera une véritable difficulté en matière de gestion du risque d’inondation.
On le sait bien, la plupart des problèmes d’inondation ne s’arrêtent pas aux limites des intercommunalités et, souvent, le sujet posé les dépasse même très largement. Sur un bassin comme celui de la Loire, que nous sommes quelques-uns, ici, à bien connaître, le dispositif de protection – les digues situées tout au long du fleuve – est du ressort de l’État, mais ces digues n’ont pu être renforcées que par l’intervention complémentaire des conseils généraux et conseils régionaux. Si cette participation disparaît, c’est un délai absolument impossible à mesurer aujourd'hui qui sera nécessaire pour pouvoir améliorer la protection des populations.
Cet amendement soulève donc une question, mais repose sur un argumentaire de nature différente. Dès lors, et ne voyant pas quelle direction ses auteurs entendent suivre, je ne sais pas trop quoi faire, sinon m’abstenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement a tout son sens, compte tenu de la nouvelle dimension territoriale qui est celle des régions.
On revendique une compétence économique au niveau de la région – c’est ce qui est proposé. Comment pouvons-nous envisager de dissocier, dans des ensembles régionaux ayant désormais une taille importante, la compétence en termes de gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant et l’action économique ? Comment pouvons-nous l’imaginer ? Sur cet aspect – mais il en va de même sur un sujet comme celui de l’artificialisation des sols –, le niveau communal est dépassé !
L’enjeu est donc le lieu de cohérence, et je suis étonné par les propos de notre rapporteur. Nous proposons, me semble-t-il, une solution de simplification, une colonne vertébrale à l’action, par l’addition des compétences. Sans ce niveau supérieur que constitue une grande région, et les liens pouvant exister, dans ce cadre, entre développement économique et gestion de la ressource en eau au niveau du bassin versant, il manque d’une certaine manière un outil fondamental. L’agence de bassin ne peut remplir ce rôle puisque la compétence en matière de développement économique est attribuée à la région.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout cela n’a rien à voir avec le développement économique.
M. Jean-François Husson. Mais si !
M. Daniel Gremillet. Bien sûr que si !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Alors, tout est dans tout !
M. Bruno Sido. Et inversement !
M. Daniel Gremillet. Tel est en tout cas le sens de notre amendement, et c’est pourquoi je le défends. Cette proposition a au moins une finalité très intéressante : mettre en cohérence à la fois l’action économique, la protection des ressources et la notion de bassin versant.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je reconnais également l’intérêt de cet amendement. Peut-être la problématique est-elle effectivement double. D’un côté, la question des ressources en eau, qui est fondamentale – le sujet a été évoqué par nos collègues. Comme on ne cesse de le répéter, l’eau est un bien précieux. De l’autre, la lutte contre les inondations constitue également une préoccupation quotidienne, chaque année apportant, dans de nombreux départements, son lot de drames humains liés à des crues violentes.
Je vais, à cet égard, me référer à l’exemple du fleuve Meuse, qui prend sa source dans le département de la Haute-Marne, avant de traverser les départements des Vosges, de la Meuse et des Ardennes, puis la Belgique et les Pays-Bas. Des inondations dramatiques ont eu lieu en 1993 et 1995. Sur l’initiative des régions Champagne-Ardenne et Lorraine, on a alors procédé à la constitution de l’Établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents – l’EPAMA – pour, justement, anticiper ce type de phénomène, qui a eu de terribles retombées sur l’habitat, avec un coût humain et économique considérable. Je ne parle pas des entreprises ayant malheureusement dû déménager ou de l’ensemble des documents d’urbanisme qu’il a ensuite fallu mettre en place.
La création de l’EPAMA, après les inondations de 1995, a nécessité une forte mobilisation de l’ensemble des élus et des forces vives, à l’échelle des deux régions, des départements, villes et intercommunalités concernés. Cet exemple montre, au regard de l’amendement examiné, tout l’intérêt que peuvent aussi représenter l’échelon régional et une compétence régionale élargie. Cette structure, qui mobilise tout de même de nombreux niveaux de collectivités territoriales, a permis, à travers l’aménagement de la Meuse, de lutter contre les inondations, de protéger les habitants, les aménagements urbains et les activités existantes.
Il y avait vraiment un coût humain. Cet exemple montre quel est le niveau d’action pertinent. Ensuite, c’est une question de bonne communication entre les différents échelons territoriaux, il faut trouver les financements et ce sont des compétences partagées.
Cet amendement a au moins le mérite de poser les bonnes questions.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis quelque peu nostalgique de la clause de compétence générale des régions. Si nous l’avions conservée, je crois que nous aurions pu gagner beaucoup de temps.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout ! Et pourquoi gagner du temps ?
M. Ronan Dantec. Mais passons…
La question de l’eau est complexe : selon les territoires, interviennent bien évidemment les communes et les intercommunalités, les agences de l’eau, mais souvent les régions – notamment en accompagnement de contrats de sous-bassin –, et parfois les départements.
Cet amendement, tel qu’il est rédigé, va nous poser d’autres problèmes : il précise une compétence, donc le conseil régional la prend et, à partir de là, on revient au point de départ.
N’aurions-nous pas intérêt à faire de la question de l’eau, laquelle a une tendance fâcheuse à ne pas respecter les limites administratives et notre beau découpage,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Ronan Dantec. … une compétence partagée, à l’instar de la culture ou d’autres domaines ?
Je ne vois pas d’autre solution. Beaucoup d’exemples ont été cités, mais examiner chaque projet en détail serait inextricable, car il n’existe pas deux projets identiques sur l’eau. (M. Gérard Longuet opine.)
Par ailleurs, quatre ou cinq questions différentes peuvent se poser : inondation, ressource, biodiversité… Une fois que l’on aura mis tout cela, on ne trouvera jamais la phrase miracle !
Nous ne pourrons sûrement pas le faire cet après-midi, madame la ministre, mais ne pourrait-on en revenir à une compétence partagée sur l’eau ? L’intelligence collective fera le reste, nos collectivités territoriales sauront trouver des stratégies communes. Je ne vois pas d’autre solution.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je suis rarement de l’avis de mon collègue Dantec, mais je trouve qu’il vient de parler d’or.
Les affaires d’eau sont en effet d’une grande complexité, et si je devais faire du mauvais esprit, je dirais que seule Pauline Réage a réussi à gagner un peu d’argent avec les histoires « d’O ». (Sourires.)
M. Bruno Sido. C’était trop tentant !
M. Gérard Longuet. Ces questions sont horriblement compliquées : on ne fait que perdre et on s’engage à peu près sans limite.
Pour être très simple, je suis favorable à la suppression de la clause de compétence générale. Il faut toutefois bien savoir que la suppression de cette clause, qui présente l’immense avantage de protéger les élus locaux que nous sommes de la tentation d’intervenir dans des domaines qui ne sont pas strictement de notre compétence – ce qui aboutit, il faut bien le reconnaître, au renchérissement permanent de la dépense publique –, présente un inconvénient : il est des domaines qui supposent des actions conjointes de différents niveaux sur un même projet.
Assez curieusement, nous avons tous remarqué que les limites des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre n’ont simplement rien à voir avec les causes et les conséquences d’une inondation.
J’ai participé, cher Marc, à la création de l’EPAMA après les grandes inondations de 1995. Or il apparaît très clairement que c’est la façon de traiter les sols, cher collègue Daniel Gremillet, en amont des communes inondées qui aboutit à l’inondation. Ce sont donc des territoires ayant fait un choix agricole ou urbanistique qui envoient le problème en aval à des communes qui n’ont pas les moyens de l’assumer. (M. le rapporteur acquiesce.) Il y a donc un devoir de solidarité entre territoires. C’est une première évidence.
Il en est une seconde. L’amendement proposé par notre collègue Jean-François Husson traite à la fois des inondations et de la ressource en eau. Et là notre collègue Mézard a tout à fait raison : la ressource en eau est au cœur de la compétence des régions. L’eau est un bien rare, indispensable au développement de notre économie. Dans un certain nombre d’activités industrielles, notamment dans l’agroalimentaire et la chimie, les capacités considérables en eau sont une sécurité pour le développement.
Si les régions n’ont pas le droit de participer à la gestion de cette ressource parce que la clause de compétence générale aura été – à juste titre – supprimée sans que l’on ait intégré dans leur compétence économique la capacité à intervenir en matière d’eau, il est évident que nous aboutirons à une paralysie.
Certes, il existe les établissements publics, mais ils ne disposent pas des moyens suffisants. Ils vont donc se tourner vers toute une série de partenaires, qui pourront à tout moment se retrancher derrière la fin de la clause de compétence générale pour expliquer qu’ils n’ont pas le droit d’intervenir (M. Jean-Pierre Grand opine.), quand bien même il s’agit d’une question passionnante…
Par ailleurs, pardonnez-moi d’être un peu long, ce ne sont pas les territoires qui ont les plus fortes ressources en eau qui en ont la plus grande utilisation. Il faut donc bien que l’eau des territoires qui en produisent soit mise au service des territoires industriels ou fortement peuplés qui, eux, en ont besoin. (M. le rapporteur acquiesce.)
De la même façon, ce ne sont pas les territoires les plus inondés qui sont à l’origine des sources d’inondation. Et ce sont parfois des territoires qui n’ont rien à voir ni avec les dégâts de l’inondation ni avec l’origine de celle-ci qui vont devoir stocker de l’eau intermédiaire pour écrêter les pointes d’inondation.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas certain que l’amendement de notre collègue règle le problème. Toutefois, en l’adoptant, nous mettons le pied dans la porte (M. Jean-François Husson opine.) et nous obligeons à une réflexion sur un problème majeur qui, s’il n’est pas évoqué dans le cadre de ce texte, risque d’affaiblir considérablement le sens de notre travail, en particulier sur la compétence des régions, dont il faut bien reconnaître que la taille et les nécessités de développement économique leur donnent un rôle principal, mais non exclusif.
En effet, si nous avons créé l’EPAMA, nous n’avons pas entendu pour autant exonérer l’État de ses responsabilités en matière de cours d’eau domaniaux. De la même manière, les collectivités locales n’ont pas à exonérer les propriétaires riverains de leurs responsabilités en matière de gestion des cours d’eau privés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Quand on construit les grandes régions, on doit leur donner toutes les compétences.
J’habite une région où a été construit un magnifique aménagement pour transporter l’eau : le canal Philippe Lamour.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Jean-Pierre Grand. Si l’amendement de nos amis Husson, Calvet et autres n’était pas adopté, expliquez-moi comment un tel ouvrage pourrait aujourd’hui être bâti ? Ce ne serait pas possible ! (M. Gérard Longuet acquiesce.) À l’époque, l’État s’en chargeait, mais nous savons que ce n’est plus possible.
Nous avons des projets en Languedoc-Roussillon, notamment celui d’aller capter de l’eau dans le Rhône et de l’amener à Barcelone. Les blocs municipaux vont-ils gérer de tels projets ? Bien sûr que non !
Aujourd’hui, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en train de nous ligoter nous-mêmes ! Demain, notre seul argument sera de dire que nous ne pouvons le faire parce que nous n’avons pas les compétences.
Par ailleurs, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez une certaine expérience des collectivités locales, vous savez que le mal absolu induit par la suppression de la clause de compétence générale est la tutelle d’une collectivité sur une autre. On ne peut ignorer le fait politique, on ne peut ignorer qu’à partir du moment où une collectivité ne dispose plus de toutes les compétences, elle est totalement dans la main des autres collectivités.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vraiment ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Grand. J’habite une région où l’eau a une grande importance. Or, cette eau, il faut la transporter pour répondre aux besoins. Il faut donc, à un moment donné, une compétence globale : comment construire des tuyaux dans des espaces que l’on ne gère pas ? Cela me paraît quelque peu compliqué…
C'est pourquoi je considère que l’amendement n° 403 est un amendement de bon sens et qu’il faut absolument le soutenir. (M. Jackie Pierre applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Tout cela montre bien que nous sommes des apprentis sorciers. Nous votons texte sur texte sans tenir compte de ce qui a été fait précédemment.
Après l’adoption de la loi MAPTAM et la GEMAPI, ma première réaction a été d’écrire au préfet, mon département étant le premier, à égalité avec un autre, des dix-neuf financeurs de l’Établissement public Loire. Je souhaitais l’avertir que je n’apporterais plus le concours de mon département, les communes étant dorénavant en charge de ces problématiques. Pourquoi le conseil général devrait-il cofinancer des actions relevant d’une responsabilité de l’État ?
Le préfet m’a répondu que je ne pouvais faire ça, que nous allions trouver une solution pour contourner le texte…
M. René-Paul Savary. Cela n’a donc rien changé !
M. Éric Doligé. … et faire en sorte que toutes les collectivités participent au financement de ces ouvrages d'une importance telle qu’il était évident que l’État était incapable d’assumer cette responsabilité…
Nous ajoutons des textes à des textes sans jamais trouver la bonne solution. Cela pose de véritables problèmes.
Certains s’en souviennent peut-être, nous avons créé, il y a quelques années, les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB. J’en étais quelque peu à l’origine, ayant fondé le premier d’entre eux : l’Établissement public Loire. Ces organismes fonctionnent bien. Peut-être faudrait-il chercher une solution à ce niveau ?
Pourquoi ne pas se pencher sur ces questions dans un autre texte, au lieu de prendre un risque considérable en matière de gestion des inondations et de gestion de l’eau dans ce projet de loi ? Une réflexion de fond doit être menée. Si l’on s’amuse à rajouter une couche supplémentaire au détour de chaque texte que nous examinons, la question sera totalement intraitable : on ne trouvera pas de solution et l’État devra se dépatouiller seul avec des problèmes qu’il est totalement incapable de gérer, ne disposant ni des moyens ni des connaissances de terrain nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je voudrais d’abord remercier un certain nombre de collègues de leurs interventions – même si elles ne sont pas toutes convergentes –, et notamment Gérard Longuet pour sa plaidoirie en faveur de cet amendement.
Ce dont il est ici question, c’est du vécu post-loi MAPTAM du 27 janvier 2014. Ce dispositif s’applique dans plusieurs départements de Lorraine. Les enjeux qui ont été rappelés au service et au titre du développement économique – mais pas seulement – sont portés par l’ensemble des territoires : communes, intercommunalités, départements, régions…
Ne nous voilons pas la face : en matière d’inondation, une partie de la compétence est, de fait, partagée. Or, si les régions ne sont pas autour de la table, les établissements publics territoriaux de bassin ne pourront assurer les financements nécessaires. C’est aussi clair que cela, et c’est ce qu’il est en train d’advenir entre la Meurthe-et-Moselle et les Vosges. D’ailleurs, cette demande est également portée par l’Association française des EPTB. Nous devons être vigilants.
Dans leur discours, les collectivités emploient de plus en plus souvent les mots « mutualiser », « rationaliser », « travailler ensemble »… Nous sommes également dans cet état d’esprit. Je ne suis d’ailleurs pas du tout choqué par la spécialisation, c’est-à-dire la suppression de la clause de compétence générale.
Toutefois, il ne faut pas tout faire disparaître. De vraies logiques ont été mises en place dans le cadre des bassins. Les rivières traversent plusieurs départements, parfois plusieurs régions. C’est plutôt faire preuve d’intelligence que de laisser collaborer les acteurs concernés.
Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre n’ont pas les moyens de gérer seuls ces dispositifs. C’est pourquoi le Sénat, qui est aussi au service des communes et des territoires, doit adopter cet amendement. Ce faisant, nous mettrons le pied dans la porte afin que cette question soit traitée – sereinement – au cours de la navette parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’évoquerai deux arguments en faveur de l’adoption de cet amendement.
Le premier est d’ordre géographique : quand on parle de gestion de qualité de l’eau, de ressource en eau, on ne peut que parler des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, pour lesquels la notion de bassin versant est fondamentale.
Or si l’on prend le temps d’étudier la cartographie des grands bassins versant en France, il apparaît de manière évidente que la bonne dimension est la dimension régionale. Il s’agit d’ailleurs d’un périmètre minimal pour certains de ces bassins versants. À mes yeux, c’est un point essentiel.
Le second argument est d’ordre pratique. Il faut savoir que la plupart des investissements dans le domaine de l’environnement et de la gestion de l’eau ou en matière économique et touristique sont aussi appuyés par des financements européens, dont il faut rappeler que les régions sont les organes de gestion.
Ces deux arguments me semblent compléter ce qui vient d’être dit à l’appui de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Cet amendement, dont je comprends les motifs, me paraît très intéressant. Néanmoins, je le considère plutôt comme un amendement d’appel, qui mériterait d’être beaucoup plus travaillé en commission.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que j’ai dit !
M. Charles Guené. Sa motivation première, soyons clairs, revient en réalité à se demander à qui passer la patate chaude du financement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !
M. Charles Guené. Doit-on pour autant transférer cette compétence à la région ? On pourrait tout aussi bien la confier aux intercommunalités, surtout si la région, dotée de cette nouvelle compétence, confie ensuite la réalisation des travaux à des établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, ou aux agences de l’eau.
On le voit très bien, le problème de fond n’est donc pas tant celui de la compétence ou du niveau de gestion que celui du financement. À mon sens, transférer cette compétence aux régions dans l’idée qu’elles auraient les moyens de la financer n’est pas satisfaisant. Dans ces conditions, en effet, pourquoi garder les EPTB et les agences de l’eau ? Il nous faut par conséquent trouver un système qui permette de dégager des financements sans pour autant que l’échelon de base se dessaisisse de la compétence.
J’indique que des financements nouveaux ont déjà été trouvés ; je rappelle en effet qu’une taxe d’un montant maximal de 40 euros par habitant a été mise en place pour ce faire. Par ailleurs, une partie des services fournis dans ce domaine sont de nature industrielle et commerciale.
Dès lors, refiler le bébé à la région n’est pas forcément une solution satisfaisante ; la question mérite d’être regardée de beaucoup plus près.
M. Gérard Longuet. Il faut au moins donner cette possibilité à la région !
M. Charles Guené. Certes, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut lui en donner la compétence.
M. Gérard Longuet. Non, bien sûr !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais remercier Jean-François Husson d’avoir mis le problème sur la table. La gestion de l’eau est sans doute l’une des compétences les plus éclatées en France, y compris au sein des grandes directions de l’État.
Deux questions différentes se posent : celle de la compétence et celle du financement. Il me semble néanmoins possible de sortir par le haut de ce débat.
Ces sujets concernent tout particulièrement l’élu vendéen que je suis. Le département sort à peine du procès Xynthia, intenté à la suite des problèmes de submersion qu’il a connus. La Vendée compte également des réserves de substitution, dont fait partie le marais poitevin, visant à assurer un équilibre entre l’agriculture et le biotope.
S’agissant de la compétence, il me semble que l’échelon régional n’est pas le bon, car il est trop éloigné.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !
M. Bruno Retailleau. Très franchement, quand un « coup de grisou » est annoncé, en mer ou ailleurs, la gestion des digues doit être le fait de personnes, techniciens ou élus, situées à proximité.
Je sais également que nous ne parviendrons pas à mener les chantiers de stockage de l’eau ou de protection contre les submersions marines et les inondations si la région n’est pas partie au tour de table. Or je comprends que, pour l’auteur de cet amendement, les régions doivent y être associées, afin de pouvoir boucler les financements.
Attention, mes chers collègues, vous connaissez la règle : une compétence transférée ne peut l’être que de manière exclusive. Charles Guené l’a souligné, transférer cette compétence à la région, c’est dessaisir plusieurs acteurs locaux de cette responsabilité. Or il me semble qu’ils sont les mieux à même, parce qu’ils sont plus proches du terrain, de l’assurer efficacement.
Il y a deux façons de résoudre le problème.
La première est celle qui a été évoquée par Mme la ministre ; selon elle, les régions pourront sans problème financer les travaux de défense contre les submersions marines ou les inondations.
La seconde consiste à rectifier l’amendement dont nous discutons, afin d’indiquer que les régions pourront participer au financement des travaux. Cela aurait le mérite d’atteindre nos objectifs en matière de compétence comme de financement.
Je souhaite donc entendre Mme la ministre sur ce point : les régions pourront-elles financer les travaux en la matière, ce qu’en somme, bien légitimement, demande Jean-François Husson ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Démonstration a été faite que nous légiférons trop ! Il semble que tout le monde ait oublié que nous avons adopté la loi sur l’eau, qui traitait notamment des EPTB.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Bruno Sido. La Meuse est le seul fleuve français qui ne coulera que dans sa région ; tous les autres en traverseront plusieurs.
M. Jean-François Husson. Il n’y a qu’à faire une seule région en France ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Il est donc intéressant, dans ce cas, de constituer un EPTB.
Par ailleurs, l’idée de faire participer les régions comme les acteurs locaux au tour de table me semble bonne.
Pardonnez-moi ma perfidie, mes chers collègues, mais de nombreux amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Mme la présidente de la commission des finances, qui n’est hélas pas présente en séance actuellement – je reconnais qu’elle a beaucoup de travail –, aurait probablement invoqué cet article pour cet amendement, qui, à ce titre, ne me semble pas recevable.
M. Pierre-Yves Collombat. Elle l’a déjà fait, sur l’article 28 !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Qu’il me soit permis de vous faire part, mes chers collègues, de l’expérience du département de la Somme. En 2001, ce département a connu des inondations très importantes. Pendant un mois, 70 % de la population du département a vécu les pieds dans l’eau.
À cette époque, d’ailleurs, les plus folles rumeurs ont circulé : Paris aurait inondé la Somme pour sauver sa candidature à l’organisation des jeux Olympiques. Il n’en était rien, bien sûr : je n’ai jamais vu de l’eau remonter la pente.
Néanmoins, à la suite de ce traumatisme, le conseil général a pris l’initiative de créer un syndicat mixte, l’AMEVA, associant le département et les intercommunalités, pour gérer le bassin versant du fleuve Somme, qui correspond d’ailleurs, à peu près, à l’ensemble du territoire départemental. Cela a été particulièrement efficace pour traiter cette problématique ; tellement efficace, d’ailleurs, que le conseil général a confié au syndicat mixte, à compter du 1er janvier dernier, la totalité des problèmes liés à l’eau, depuis le captage jusqu’à l’assainissement, en passant par la gestion du fleuve lui-même.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà, c’est ce qu’il faut faire !
M. Christian Manable. Les services compétents du conseil général ont également été mis à la disposition du syndicat mixte.
Nous avons procédé de la même façon pour assurer la protection du trait de côte de la Somme, qui se déroule sur 65 kilomètres et correspond d’ailleurs au linéaire de la côte belge. Cette zone court de grands dangers : elle englobe des bas-champs, que l’on appelle en d’autres termes des « polders ». Des communes se situent donc en dessous du niveau de la mer. En 1991, d’ailleurs, une submersion dramatique y a eu lieu. Nous avons, là encore, confié à un syndicat mixte la gestion de ce trait de côte, qui a permis notamment la construction d’épis pour protéger ces zones extrêmement sensibles.
Je rejoins donc Bruno Retailleau sur ce point : c’est dans la proximité qu’il faut gérer ce genre de problèmes, ce qui n’empêche pas, bien sûr, l’intervention financière des régions, comme le fait d’ailleurs le conseil régional de Picardie dans la Somme, pour les deux dossiers que je viens d’évoquer.
En conséquence, à titre personnel, je ne voterai pas pour cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Il s’agit d’une question particulièrement complexe, sur laquelle, d’ailleurs, je partage plutôt les points de vue exprimés par Bruno Sido et Bruno Retailleau.
Le sujet, en effet, ne me semble pas mûr : la ressource en eau des bassins versants est gérée par des établissements publics, les EPTB, qui regroupent des collectivités territoriales, souvent des départements, lesquels pilotent le système, en accord avec les agences de l’eau. J’ai été président de l’Association française des EPTB, à la suite d’Éric Doligé, d’ailleurs ; je connais donc bien la situation.
Il n’est pas toujours facile d’impliquer les régions. Le bassin de la Dordogne, par exemple, va du Puy-de-Dôme, en Auvergne, à la Gironde, en Aquitaine, ce qui pose le problème de la répartition des compétences. Or j’ai rarement senti la volonté de la région Aquitaine de s’immiscer dans la gestion de ces sujets.
M. Jean-François Husson. Si elle ne le veut pas, qu’elle ne le fasse pas !
M. Bernard Cazeau. Le système actuel des EPTB fonctionne à peu près bien car il couvre presque tout le territoire national. Certes, des financements restent encore à trouver.
M. Jean-François Husson. C’est le plus important !
M. Bernard Cazeau. Même si nous ne voulons plus de financements croisés, il va bien falloir y penser pour ce domaine, qui implique les diverses collectivités territoriales.
Néanmoins, il me semble que l’on ne peut pas, à travers un amendement, transférer cette compétence à la région ; le bouleversement serait d’autant plus important que la situation n’est pas mûre.
Je propose donc, avec Bruno Sido et Bruno Retailleau, d’y réfléchir. Je le répète, la solution pourrait éventuellement passer par des cofinancements.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement déposé par Jean-François Husson était extrêmement utile. Je n’ai pas dit qu’il était excellent.
M. Jean-François Husson. C’est moi qui ai dit qu’il était excellent ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Chaque auteur d’amendement considère que l’amendement qu’il présente est excellent… (Nouveaux sourires.)
J’insiste néanmoins sur un point : confier cette compétence à la région signifie que les départements ne s’en occuperont plus !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Or il me semble que ce n’est pas ce que nous souhaitons !
Je le signale par ailleurs, les syndicats intercommunaux, entre autres acteurs, sont fortement investis dans ce domaine, et ce depuis longtemps ; ils font même payer une redevance pour ce faire.
Nous avons adopté une loi pour régler les problèmes liés aux inondations. Or cet amendement traite également de la ressource en eau. Il s’agit d’un tout autre sujet, mon cher collègue. Pardonnez-moi, mais les limites des régions administratives n’ont parfois rien à voir avec les bassins versants. La nappe de Beauce, par exemple, s’étend du sud de la forêt de Fontainebleau jusqu’à Chartres. S’agit-il de l’Île-de-France ou de la région Centre ?
En matière de lutte contre les inondations, le problème est réglé par l’action des EPTB. En effet, rien n’interdit aux régions, aux départements, aux intercommunalités ou aux communes de créer des syndicats mixtes.
M. Jackie Pierre. Les collectivités n’en veulent plus !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait adopter de nouvelles dispositions sur ce point.
M. Jean-François Husson. Mais cela ne fonctionne pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si, cela fonctionne, mon cher collègue ! Vous pensez peut-être que cela fonctionnera mieux si la compétence est transférée aux régions ? Certainement pas, même s’il faudra sûrement leur accorder une compétence de pilote en la matière, sans quoi cela n’avancera pas du tout.
Gérard Longuet l’a indiqué, les compétences sont partagées entre les échelons communaux, départementaux et régionaux. Le plus simple, dans ces conditions, c’est que chacun d’entre eux fasse pour le mieux avec les moyens existants.
C’est ce qu’on a fait pour le tourisme. Certains travaux nécessitent un certain niveau. Les régions ne peuvent pas faire office d’opérateur, ça ne fonctionnerait pas, car ce n’est pas leur habitude ; elles n’ont pas d’expertise dans ce domaine, contrairement à d’autres collectivités. N’oublions pas que le principal acteur dans ce domaine, qui devrait aussi être le principal opérateur, qui bénéficie de ressources considérables issues des redevances, ce sont les agences de l’eau ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Michel Mercier. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’agence de l’eau Seine-Normandie, c’est un budget de 6 milliards d’euros par an ! Ces sommes servent-elles à lutter contre les inondations, à préserver la ressource en eau ? Il faut le rappeler de temps en temps.
La première loi sur l’eau, qui a créé les agences de l’eau, est née sous l’impulsion d’un sénateur dont chacun ici se souvient : M. Lalloy.
M. Henri de Raincourt. Élu de Seine-et-Marne !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait, et ingénieur général du génie rural ! Ce texte a été une initiative formidable. Grâce à lui, les ressources en eau ont été mieux protégées, la lutte contre les inondations a été plus efficace, mais pas partout, car toutes les collectivités ne se sont pas entendues ; et c’est seulement lorsque les catastrophes surviennent qu’elles se posent la question de savoir ce qui leur est arrivé…
Si vous approuvez cet amendement…
M. Bruno Sido. Article 40 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne vais pas exciper de l’article 40 !
M. Bruno Sido. Moi si !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans ce cas, y a-t-il parmi nous un représentant de la commission des finances ? Je n’en vois pas…
M. Henri de Raincourt. Laissez la ministre répondre !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’autres articles seront concernés. Ce n’est pas peut-être pas la peine de voter une disposition si c’est pour la modifier ensuite !
Mme la présidente. Mes chers collègues, si l’article 40 est invoqué, le vote sur l’amendement sera réservé jusqu’à ce que la commission des finances se soit prononcée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je me suis exprimée sur la question et sur le travail que nous avons déjà accompli. Nous avons discuté durant des heures des moyens.
La région peut-elle intervenir financièrement sur des sujets de ce type ? Nous avons les uns et les autres refait l’historique : Josselin de Rohan, président du conseil régional de Bretagne, a bien réussi à inscrire la compétence « eau » dans la région Bretagne après un rapport du CESER – preuve que les CESER sont parfois utiles –…
M. Henri de Raincourt. Il faut le dire à M. Mézard !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … intitulé L’eau, enjeu économique majeur. L’eau est en effet un enjeu économique majeur.
La liste des compétences citées n’est pas exhaustive : suivant les questions posées – équipements, grandes réserves d’eau, trait du littoral, habitat sinistré, etc. –, la région pourra intervenir pour financer le tourisme, l’aménagement durable, le développement économique, l’agriculture, l’aménagement du territoire, la protection de la biodiversité ou les équipements structurants.
M. Bruno Retailleau. Et la défense contre la mer ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai parlé du trait de côte. Celui-ci concerne le tourisme, y compris les sentiers de randonnée, ainsi que l’habitat, monsieur Retailleau, puisque la région peut intervenir dans le domaine du logement.
Au vu de toutes ces compétences, je ne vois pas, à ce moment du débat, comment la région pourrait ne pas être autorisée à financer. La liste des compétences est suffisamment longue. De plus, y figure une prérogative majeure, qui est l’aménagement du territoire. Comment l’eau, le trait de côte, la lutte contre les inondations, la participation à certains plans de prévention des risques, ou PPR, hautement importants au niveau économique – nous avons tous connu des ateliers industriels obligés de déménager ou de ne pas s’installer compte tenu d’un PPR – ne feraient-ils pas partie de l’aménagement du territoire ? Avec tout cela, il me semble que nous répondons aux doutes sur les financements possibles.
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Sido, invoquez-vous toujours l’article 40 ?
M. Bruno Sido. Oui, madame la présidente, je maintiens mon invocation de l’article 40 ; c’est la façon la plus élégante de régler le problème… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Madame la présidente de la commission des finances, l’article 40 est-il applicable à l’amendement n° 403.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Comme vous pouvez vous en douter, la commission des finances a été très attentive à la recevabilité financière de l’ensemble des amendements déposés sur ce texte.
M. Michel Delebarre. Bien !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. L’intention du Gouvernement est très précise concernant certains transferts de compétences.
La commission a fait un rappel détaillé de sa jurisprudence sur l’article 40. Dans ce texte, le transfert ne s’opère pas uniquement de l’État vers les collectivités, il se fait également entre certaines collectivités – bloc communal ou intercommunal –, dans l’un ou l’autre sens. L’intention du Gouvernement semble avoir été de renforcer les compétences des régions. Nous en avons tenu compte pour juger de la recevabilité financière des amendements.
En l’occurrence, concernant l’amendement n° 403, l’article 40 n’est pas applicable.
Mme la présidente. Je rappelle que l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances ou la commission des affaires sociales. Le débat est clos.
Rappel au règlement
M. Bruno Retailleau. Tout cela me paraît bien complexe. C’est d’ailleurs la première fois que j’entends une telle interprétation de l’article 40. J’aimerais que les présidents de groupe puissent en discuter. Les irrecevabilités sont nombreuses – article 40, entonnoir, article 41 – et leur régime est assez clair. J’aimerais comprendre pourquoi l’article 40 n’est pas opposable ici.
Mme la ministre nous a assuré que les régions pourraient – c’est le point important pour nos collègues, notamment pour Jean-François Husson – apporter leur écot et participer à des travaux de protection : digues fluviales ou digues maritimes, stockage de l’eau. Si tel est le cas, soit !
M. Bruno Retailleau. Sinon, j’aurais demandé au rapporteur d’accepter de sous-amender cet amendement afin d’avoir cette garantie, que Mme la ministre vient de nous apporter.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je souhaite apporter une précision à M. Retailleau. La jurisprudence relative à l’article 40 figure dans un document précis établi sous la précédente présidence,…
M. Bruno Sido. Il n’a aucune valeur !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. … et il serait utile que chacun d’entre nous s’en imprègne !
Par ailleurs, qu’il s’agisse de la loi de finances ou d’un texte comme celui-ci, particulièrement complexe, la commission des finances examine de manière très stricte tous les amendements. La cellule des administrateurs qui travaille sur ce point est d’une précision absolue.
Quoi qu’il en soit, je me tiens à votre disposition et je suis prête à me rendre dans les différentes commissions pour débattre de tout cela.
Mme la présidente. Mes chers collègues, pour répondre à la question de M. Retailleau, je donne lecture de l’article 45, alinéa 4, de notre règlement : « Tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution, sur une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ou sur l’article L.O. 111–3 du code de la sécurité sociale. L’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances ou la commission des affaires sociales. »
Le débat est donc clos.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Monsieur Husson, l'amendement n° 403 est-il maintenu ?
M. Jean-François Husson. Au regard des assurances données par Mme la ministre, je retire mon amendement. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Jean-François Husson. Mes chers collègues, il est bien d’approuver, mais le plus important reste devant nous. Croyez bien que nous serons collectivement d’une extrême vigilance ; si nous avons posé cette question, c’est parce que le problème existe.
Mme la présidente. L’amendement n° 403 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. Doligé, Cardoux, Magras, Milon, Laménie et Houel, Mme Deroche, M. Calvet et Mme Giudicelli, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. J’espère que cet amendement, que je présente en l’absence d’Éric Doligé qui a dû s’absenter, ne suscitera pas un débat aussi long que le précédent.
Il s’agit, là encore, dans le cadre de notre débat, d’opérer une clarification des compétences croisées, superposées entre les départements, les agglomérations et les régions. En l’occurrence, cet amendement vise à supprimer le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine des compétences de la région.
La politique de la ville et la délégation des aides à la pierre ont été fixées par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. L’État a confié ces deux compétences aux agglomérations et aux départements, avec la possibilité pour les agglomérations de les confier elles-mêmes aux départements.
Dans le Loiret, par exemple, département qu’Éric Doligé et moi-même connaissons bien, ces deux compétences sont exercées presque en totalité par le département, sauf pour l’agglomération d’Orléans qui a bien naturellement souhaité conserver ces compétences.
Donner aux régions la possibilité d’intervenir en se superposant aux agglomérations et aux départements alors qu’actuellement tout se passe correctement est une source de complexité supplémentaire, du fait de la superposition des compétences. D’autant que la politique de la ville et la délégation des aides à la pierre sont avant tout des politiques de proximité et on voit mal comment les super régions qui ont été définies pourraient exercer efficacement de telles compétences.
Le bon sens conduit donc à proposer la suppression de cette compétence pour les régions.
Mme la présidente. L'amendement n° 613, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
à la politique de la ville
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d’éducation » ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le rapporteur Jean-Jacques Hyest nous a dit que, lorsqu’une compétence est attribuée à une collectivité, les autres n’ont plus le droit d’intervenir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est ce qui a motivé cet amendement pragmatique, qui porte sur un sujet très précis et beaucoup moins ambitieux que celui de l’eau.
Il est impossible de nier l’implication des collectivités territoriales sur les questions éducatives. Je parle non pas de la pédagogie et des programmes, mais des politiques d’accompagnement de la scolarité qui permettent de faciliter le quotidien des élèves et de leurs parents : financement des livres, aide aux transports scolaires, tarifs modulés pour la restauration scolaire, aide à l’équipement…
Or la suppression de la clause de compétence générale prise à la lettre mettrait un terme à ces dispositifs et entraînerait une forte augmentation des coûts à la charge des familles.
En fonction des régions, il existe de nombreux dispositifs qui visent à promouvoir l’égalité des chances en matière d’éducation et de formation.
Par exemple, chaque année, la région Poitou-Charentes accorde une aide de 70 euros à chaque élève scolarisé dans les lycées publics et privés sous contrat, dans les établissements régionaux d’enseignement adapté, dans les maisons familiales et rurales, ainsi qu’aux élèves domiciliés en Poitou-Charentes et inscrits au CNED, le Centre national d’enseignement à distance.
Cette aide, qui s’adresse à près de 55 000 lycéens de Poitou-Charentes, contribue au pouvoir d’achat des familles dans le cadre des frais de rentrée scolaire.
L’amendement proposé par le groupe écologiste garantit la conformité légale des délibérations concernées aux collectivités engagées afin qu’elles ne puissent pas être contestées par le contrôle de légalité effectué par les préfets.
Il nous paraît utile d’inscrire dans la loi que la région peut continuer à soutenir les politiques d’éducation. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 346 rectifié vise à supprimer la possibilité de soutien des régions à la politique de la ville et à la rénovation urbaine, qui a été introduite par la commission.
Vous comprendrez bien que nous ne soyons pas favorables à cet amendement puisque nous avons pensé au contraire qu’il fallait que les régions s’investissent et soutiennent ces politiques.
M. Michel Delebarre. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 613 de Mme Blandin nous paraît superflu. Il est vrai que les régions mettent en place un certain nombre d’actions en faveur des lycéens, comme le font d'ailleurs les départements pour les collégiens, puisqu’ils mènent à peu près les mêmes politiques de soutien, ou de gratuité. Ces politiques ne relèvent-elles pas de leur compétence en matière de lycées ? Moi, je pense que oui, mais j’attends les éclaircissements de Mme la ministre sur ce point. Si elle me confirme que cette politique relève bien des compétences des régions, ce n’est pas la peine d’en rajouter et de compliquer les choses et, dans ce cas, je serai défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je partage l’avis défavorable du rapporteur sur l'amendement n° 346 rectifié ; la commission des lois a effectué un travail de qualité sur ce sujet et nous l’approuvons.
Sur l'amendement n° 613, je souligne que je suis plutôt partisane, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, de sécuriser le soutien aux politiques éducatives que mènent effectivement les régions aujourd’hui. C’est évident, me semble-t-il, pour les lycées, qu’il s’agisse de la mise à disposition de documents, de l’accompagnement à l’intérieur des lycées des personnels non enseignants, par exemple, mais ce n’est pas le cas pour le CNED, l’enseignement par correspondance, l’accompagnement des élèves en centres de formation d’apprentis, les CFA, et pour beaucoup d’actions de ce type.
Je m’en remets donc à la sagesse sur cet amendement, car je pense, comme vous, madame Blandin, qu’aujourd’hui plus que jamais l’accompagnement des enfants, des jeunes ne se résume pas aux cours. Peut-être est-il bon effectivement de sécuriser cette possibilité pour les régions.
Mme Marie-Christine Blandin et M. Ronan Dantec. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote sur l'amendement n° 346 rectifié.
M. Georges Labazée. Je suis défavorable à l'amendement n° 346 rectifié, présenté par M. Cardoux.
Par ailleurs, j’aimerais, madame la ministre, vous poser une question : le dispositif de rénovation urbaine intègre-t-il la compétence en matière de logement ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Georges Labazée. Je vous remercie de cette précision.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mon explication de vote portera sur l’amendement précédent puisque je n’ai pas pu m’exprimer à propos de l’interprétation de l’article 40. (Exclamations sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. Monsieur Collombat, je vous propose d’attendre que notre assemblée se soit prononcée sur les deux amendements qui sont en discussion, d’autant que j’ai été saisie d’une demande de rappel au règlement de la part du président Retailleau sur cette question de l’article 40, sur laquelle nous reviendrons donc ultérieurement.
M. Pierre-Yves Collombat. Soit !
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Mon explication de vote sera en même temps une demande de clarification. En effet, je ne comprends pas tout du paysage qui est le nôtre.
La politique de la ville et la rénovation urbaine sont des sujets que nous venons de valider au travers d’un texte qui a été adopté voilà peu par le Parlement.
Cette politique, qui est aujourd’hui portée par les collectivités, est coordonnée et animée par les intercommunalités. Le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine nous est présenté comme un élément important qui relèverait désormais d’une intervention de la région.
Je suis pour ma part extrêmement favorable à ce que les régions puissent continuer à intervenir et à soutenir la politique de la ville.
Dans ma région, le conseil régional a contribué à hauteur de 450 millions d’euros à l’effort de l’ANRU, qui était de 900 millions d’euros, ce qui lui a permis d’intervenir sur un territoire de référence extrêmement important. Ce cofinancement a eu bien sûr un effet de levier considérable sur les fonds européens et sur les fonds des collectivités locales.
J’aimerais donc savoir si la suppression de la clause de compétence générale et une définition comme celle qui nous est présentée ne nous enlèvent pas la possibilité d’avoir une intervention forte des régions. Une clarification sur ce point me paraît nécessaire, compte tenu du débat qui vient d’intervenir, d’autant que je ne suis pas la plus grande juriste de cette assemblée.
Je suis convaincue qu’il ne faut pas priver la région de cette possibilité d’intervention, qui, je le répète, exerce un effet de levier sur les fonds européens et sur les collectivités, sans pour autant déposséder les collectivités locales et leurs groupements de leurs compétences. Si c’est bien au niveau des collectivités de proximité que sont menées les politiques de la ville, cela veut-il dire qu’on nous enlève la possibilité d’avoir une intervention forte des régions ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
Mme Valérie Létard. Si une intervention forte des régions peut être inscrite dans le texte sans priver les territoires de proximité du pilotage, je suis tout à fait favorable au retrait de cet amendement et au maintien de la politique de la ville et de la rénovation urbaine parmi les interventions régionales. C’est une nécessité.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. Tout a été dit par Valérie Létard lors de son intervention, que je partage totalement.
Mais on me dit que le texte de la commission nous donne satisfaction.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Delebarre. Je vous crois, monsieur le rapporteur, d’abord parce que je vous sais intelligent et ensuite parce que je suis à peu près sûr que vous savez lire ! (Sourires.) Je n’ai donc aucune raison d’émettre le moindre doute.
Dès lors que cela figure dans le texte de la commission, il n’est pas nécessaire d’y revenir dans un amendement puisque nous en partageons la finalité.
Sur l’amendement n° 613, je suggère, surtout dans le contexte des événements qui viennent de se dérouler, de ne pas prendre de position qui serait contraire à l’idée que la région peut intervenir dans le soutien aux politiques éducatives. On a tous dit qu’il y avait sans doute des éléments de manquement à l’éducation dans ce qui s’est passé ces derniers jours. Alors, si les régions veulent mettre en place des actions, soutenons leur démarche ! Je voterai donc l’amendement de Mme Blandin.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Permettez-moi d’exprimer un point de vue de terrain qui va dans le sens des deux interventions précédentes.
Je suis maire et président d’une communauté d’agglomération située en zone rurale et qui relève de la politique de la ville. Un des quartiers de cette agglomération va intégrer les deux cents quartiers faisant l’objet d’un soutien de l’ANRU. Sur des territoires pauvres, dont les moyens d’investissement sont limités, il est absolument fondamental que les conseils régionaux puissent continuer à intervenir, faute de quoi les aménagements que nous ferons ne seront pas à la hauteur des besoins de ces quartiers.
Je voulais justifier ma position par rapport à cet amendement n° 346 rectifié en vous disant que je m’opposerai à la suppression de l’intervention des régions en matière de rénovation urbaine et de politique de la ville.
Sur l’amendement n° 613, je souligne qu’il serait souhaitable de continuer à mettre en œuvre une logique que l’on connaît depuis longtemps. Même si l’intervention en matière éducative des régions se « limite » – elle est bien entendu importante – la plupart du temps à des actions logistiques – je pense en particulier à la fourniture d’ordinateurs portables – et non à des interventions dans le domaine purement éducatif, il faut donner la possibilité à nos régions de poursuivre cette démarche tout à fait essentielle.
Mme la présidente. Monsieur Cardoux, l'amendement n° 346 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, ayant été chargé, par son premier signataire, de défendre cet amendement, je ne me sens pas le droit de le retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, il faut toujours lire le texte de la commission… Je dois avouer que c’est grâce à René Vandierendonck, qui y tenait beaucoup, que la politique de la ville et la rénovation urbaine, qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial, ont été introduites dans le texte.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Létard, vous avez donc satisfaction. (M. Michel Delebarre opine.) Je ne comprends vraiment pas pourquoi nos collègues ont soutenu que la région ne devrait plus s’occuper de ces questions. Il faudra m’expliquer cette position ! Mais toujours est-il que vous avez, je le redis, parfaitement satisfaction. Si vous ne votez pas l’amendement de M. Doligé, c'est le texte de la commission qui s’appliquera. Elle a, me semble-t-il, bien fait son travail.
Sur le deuxième aspect, je pense, madame la ministre, qu’on peut le laisser. Il faudra vérifier que cela s’applique bien également aux collèges. Je suis donc maintenant favorable à l’amendement de Mme Blandin.
M. Michel Delebarre. C’est ça, l’intelligence !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Cette explication de vote sera quelque peu bizarre. Sur le fond, nous sommes contre l’amendement de M. Doligé, mais je souhaiterais anticiper sur la suite de la discussion. Si, par malheur, se dégageait une majorité pour soutenir cet amendement, la mauvaise rédaction du mien ne permettrait pas au Sénat d’en débattre, les services de la séance ayant mis nos deux amendements en discussion commune.
Mme Marie-Christine Blandin. Je rectifie donc mon amendement, avec une rédaction de substitution qui ne floue pas l’idée d’arbitrage, en retirant la mention de la rénovation urbaine.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 613 rectifié, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
et le soutien aux politiques d’éducation
Je mets aux voix l'amendement n° 346 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 613 rectifié.
(L'amendement est adopté.) – (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que je suspendrai la séance vers dix-huit heures quinze afin que chacun puisse se rendre aux vœux du président du Sénat.
Rappels au règlement
M. Bruno Retailleau. Je souhaite clore les discussions que nous avons eues sur l’article 40 de la Constitution en revenant sur l’interprétation qu’en fait aujourd’hui la commission des finances, à la suite du travail conduit par l’excellent président précédent Philippe Marini.
À mon sens, cette interprétation atteint notre droit d’amendement.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. L’article 40 peut bien évidemment être opposé à des amendements qui tendent à augmenter les charges non pas de l’État, mais des collectivités. Ce que je mets en cause, c’est l’asymétrie du jugement de la commission des finances. Celle-ci estime que le Gouvernement veut renforcer les compétences des régions et que, par conséquent, tous les amendements qui iraient contre ce mouvement peuvent être déclarés irrecevables au titre de l’article 40. On peut d’ailleurs se demander si le Gouvernement veut vraiment attribuer toutes les compétences aux régions – Mme la ministre pourra nous répondre sur ce point.
Pour ma part, j’ai entendu ici à la tribune le Premier ministre tenir des propos qui n’allaient pas exactement dans ce sens.
Je conteste donc non pas l’application de l’article 40 à des amendements concernant les collectivités, mais son application asymétrique selon que l’amendement tend à favoriser les compétences dévolues aux régions ou celles qui sont dévolues aux départements.
En cas de doute, il serait souhaitable que la prochaine conférence des présidents puisse délibérer de cette question. Je vais d’ailleurs adresser un courrier au président du Sénat en ce sens. Pour moi, cette interprétation ampute le droit constitutionnel d’amendement dont dispose chaque parlementaire. (Très bien ! et applaudissements plusieurs travées de l'UMP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. Monsieur Retailleau, acte vous est donné de ce rappel au règlement. Nous verrons la suite qui lui sera donnée.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour un rappel au règlement.
M. Pierre-Yves Collombat. Mon rappel au règlement porte sur le même sujet. Voilà un magnifique exemple de l’interprétation qui est faite depuis des années de l’article 40 de la Constitution dans notre assemblée. Je ne reviendrai pas sur ce que notre collègue Retailleau qualifie d’asymétrie et qui correspond en réalité au fait que la commission des finances anticipe sur ce que veut faire le Gouvernement.
Ce qui me choque, ce n’est pas que le Gouvernement oppose l’article 40 à certains amendements – c’est prévu dans la Constitution –, mais que la commission des finances anticipe sur la base de la jurisprudence Marini – je vous conseille la lecture de ce document, qui donne envie de rire… ou plutôt de pleurer.
Je voudrais insister ici sur l’absence de cohérence, et je vais vous en faire la démonstration.
M. Michel Delebarre. Ah !
M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement n° 403, qui prévoit une compétence régionale en matière de gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant, n’a pas été déclaré irrecevable sur la base de l’article 40 ; en revanche, mon amendement prévoyant une compétence partagée – l’eau étant une ressource partagée – que j’ai déposé à l’article 28, précisément parce que je sentais bien qu’il y avait un problème, l’a été. (Marques d’ironie sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l'UMP.)
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous trouvez cela cohérent…
M. Bruno Sido. C'est scandaleux !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas scandaleux, car j’en ai l’habitude, mais ce n’est pas cohérent !
Puisque nous sommes en train de repenser les méthodes de travail du Sénat, il faut bien se rendre compte que l’article 40 pose un véritable problème. Je ne fais pas de fixation sur la question, contrairement à ce que certains font semblant de croire, mais je veux insister sur le fait que ce sujet est vraiment au cœur même de nos prérogatives en matière d’amendement. Si l’on peut à tout propos, n’importe quand, nous opposer l’article 40, ce n’est plus la peine de venir débattre !
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. J’en viens à une question annexe, et là je m’adresse au rapporteur et au président de la commission. Puisqu’il y a un problème d’interprétation sur l’intervention, d’une part, des régions et des départements en matière de gestion de la ressource en eau et, d’autre part, des syndicats mixtes en matière de protection contre les inondations, nous pourrions peut-être régler élégamment cette question lors de l’examen de l’article 28, comme le disait notre collègue Dantec. Je sais que l’intervention des établissements publics de bassin a déjà soulevé des contestations.
La loi MAPTAM a confié la compétence aux intercommunalités, qui l’exercent au niveau des bassins versants dans des syndicats mixtes, à la fois parce qu’ils sont plus nombreux et qu’ils permettent de faire intervenir différents acteurs : les régions et les départements – ces derniers étant ceux qui interviennent actuellement le plus en matière de protection contre les inondations, alors même que cette compétence ne leur est pas clairement attribuée.
Finalement, le problème n’a pas été tranché précédemment, mais il serait bon qu’il le soit à l’occasion de l’examen de l’article 28. D’ici là, il faudrait trouver une rédaction qui permette – je le répète – de régler élégamment ce problème. Je ne sais qui pourra présenter cette nouvelle formulation, en tout cas pas un sénateur puisque, pour nous, le train est passé !
Ainsi, nous n’aurions pas perdu totalement notre temps.
Mme la présidente. Monsieur Collombat, acte vous est donné de ce rappel au règlement.
13
Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.
La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mmes Catherine Morin-Desailly, Colette Mélot, Vivette Lopez, Marie-Annick Duchêne, M. David Assouline, Mme Claudine Lepage et M. Patrick Abate ;
Suppléants : M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Cartron, Dominique Gillot, Françoise Laborde, MM. Jean Pierre Leleux, Claude Kern et Michel Savin.
Il va également être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Michèle André, MM. Philippe Dominati, Albéric de Montgolfier, Jean Pierre Vogel, Olivier Cadic, Jean Germain et Éric Bocquet ;
Suppléants : MM. Yannick Botrel, Michel Bouvard, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, François Fortassin, Antoine Lefèvre et Richard Yung.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
14
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l’adaptation et à l’entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d’autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon, déposés sur le bureau du Sénat le mercredi 14 janvier 2015.
15
Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 295, présenté par MM. Jarlier et Vial, Mme Gatel et M. Savin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au troisième alinéa, les mots : « l’aménagement de son territoire » sont remplacés par les mots : « l’aménagement et l’égalité de ses territoires » ;
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement vise à compléter les dispositions de l’article 1er pour inclure la notion essentielle d’égalité des territoires dans la compétence d’aménagement des territoires des régions. Il s’inscrit, à ce titre, dans l’objectif de promotion de l’égalité des territoires qui figure dans l’exposé des motifs du projet de loi.
Cet ajout est très important, car une vraie question se pose : comment l’égalité des territoires sera-t-elle assurée dans le cadre de la future répartition des compétences entre les collectivités, en miroir avec le rôle que joue déjà l’État en la matière ? Cette question se pose d’abord sur le plan local, avec le renforcement des intercommunalités ou des communes nouvelles autour d’espaces de solidarité – solidarité fiscale, financière, compétences et services communs, pour ne donner que ces exemples. Elle se pose ensuite à l’échelle des départements, avec la solidarité territoriale que le projet de loi veut consacrer dans leurs compétences. C’est évidemment nécessaire, car les conseils généraux œuvrent déjà fortement à cette solidarité, qui est un facteur de cohésion territoriale indiscutable. Cependant, il faut bien reconnaître que cet exercice trouve ses limites dans le niveau de richesse des départements : les plus pauvres d’entre eux ne seront pas en mesure d’assurer seuls cette solidarité territoriale. Notre collègue Alain Bertrand y a fait référence précédemment pour les secteurs hyper-ruraux et Valérie Létard l’a également rappelé pour les secteurs urbains.
C’est donc bien aussi à la région, dans l’exercice de sa compétence d’aménagement du territoire, de tenir compte de la capacité de contribution, des forces et des faiblesses des territoires, pour assurer un développement régional équilibré. C’est un enjeu majeur du projet de loi, car, au moment où l’État n’a plus les moyens d’assurer seul cette cohésion territoriale, c’est bien aussi à l’échelle des nouvelles grandes régions qu’une plus juste répartition des richesses peut être utilement mise au service d’un aménagement équitable des territoires.
Nous le savons, il existe de nouvelles opportunités de trouver de réelles complémentarités entre l’urbain et le rural, qu’il ne faut surtout pas opposer. La plupart des géographes que nous avons entendus lors des auditions nous l’ont d'ailleurs dit. Un nouveau mode de développement qui associe la puissance des métropoles et les atouts du monde rural est possible. Il répond aussi à des attentes fortes dans notre société.
Les régions sont en mesure de créer ces nouveaux liens dans le cadre de la compétence d’aménagement du territoire. C’est donc bien elles qui pourront prendre en compte la diversité des territoires dans les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, les SRADDT, au sein de politiques spécifiques territoriales, comme celles de la montagne ou du littoral – plusieurs régions mènent déjà ces politiques – ou encore dans la planification des grandes infrastructures et des grands équipements. Encore faut-il que le principe d’égalité des territoires soit inscrit dans le marbre de la loi pour l’exercice de ces compétences. C’est à cette inscription que tend cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’égalité des territoires n’est pas une compétence, mais un objectif. Ayons un minimum de cohérence, sinon on ne va plus rien comprendre ! Par ailleurs, elle pourrait être en contradiction avec le chef de filat des départements en matière de solidarité territoriale.
Cela dit, elle figure, bien évidemment, parmi les objectifs du SRADDT. Nous le verrons ultérieurement, lorsque nous examinerons l’article 6.
Mon cher collègue, si je comprends la bonne intention qui inspire votre amendement, sachez qu’il n'y a pas d’aménagement du territoire sans souci d’une certaine égalité des territoires. La commission sollicite donc le retrait de votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Si l’on raisonne en termes de règles de droit, le rapporteur a raison.
Cela dit, l’objectif que vous évoquez, monsieur le sénateur, est juste. Au moment de la création des métropoles, nous avions déjà dit que nous voulions non pas des métropoles parties prenantes à la stratégie de Lisbonne, en concurrence les unes avec les autres, mais des métropoles responsables de leurs territoires. In fine, nous avions conclu ensemble que c’était à la région d’assurer la cohérence et d’être attentive à l’ensemble de ses territoires, avec les métropoles. De ce point de vue, il est vrai que le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire peut répondre à l’objectif d’égalité des territoires.
Au fond, la rédaction de l’amendement ne me heurte pas. Dès lors, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur Jarlier, l'amendement n° 295 est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Le rapporteur a déclaré que l’égalité des territoires n’était pas une compétence. Cependant, aux termes de l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, dont mon amendement vise à modifier la rédaction, il est indiqué que le conseil régional « a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire ».
La rédaction que je propose me semble aller dans le sens d’une meilleure prise en compte de la solidarité régionale, raison pour laquelle je maintiens mon amendement. Il s’agit de consacrer non pas l’exercice d’une compétence spécifique, mais la promotion d’une véritable égalité des territoires. Il importe de l’affirmer, d’autant que beaucoup de secteurs ruraux se sentent isolés, abandonnés et ont peur des futures grandes régions. Leur dire clairement que des politiques spécifiques permettant d’assurer une meilleure égalité des territoires – comme celle de la montagne, qui existe déjà dans certaines régions, ou celle du littoral – seront menées me semble de nature à les rassurer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Comme nombre d’entre vous, je suis particulièrement attaché à l’égalité des territoires. Il n’est de débat où je n’intervienne pour promouvoir un équilibre et tout simplement la justice entre les territoires. Toutefois, je me méfie toujours des déclarations d’intention. Notre rôle n’est pas de délivrer des messages ; il est de faire la loi !
Qu’apporterait concrètement d’inscrire dans la loi – je pense d’ailleurs que l’auteur de l’amendement s’est calé sur le texte initial du Gouvernement et non pas sur celui de la commission – « l’aménagement et l’égalité de ses territoires » en lieu et place de « l’aménagement de son territoire » ? Ce qui nous importe, c’est une juste répartition des compétences et des moyens dans les régions, les départements et, d'ailleurs, au niveau de chaque collectivité.
Pour être élu dans le même département et être confronté aux mêmes réalités, mon excellent collègue sait aussi bien que moi que certains territoires sont mieux vus par l’exécutif régional et plus favorisés que d’autres, qui sont mis à l’écart. C’est cette difficulté qu’il convient d’éviter, mais ce n’est pas en consacrant la promotion de « l’égalité de ses territoires » parmi les compétences du conseil régional que l’on y arrivera. Ce qu’il faut, c’est parvenir à un équilibre par la répartition des compétences et par la distribution des fonds, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd'hui. Ce sera difficile, mais nous devons tous ensemble chercher à atteindre cet objectif. À cet égard, comme je l’ai déjà dit, je considère personnellement que la mise en place de très grandes régions fait courir un risque, qui ne sera malheureusement pas atténué par l’ajout auquel tend l’amendement.
J’ai défendu ici, au nom du groupe du RDSE, une proposition de résolution relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires. Ce texte a été voté à l’unanimité par le Sénat de la République, avec l’appui du Gouvernement, représenté à l’époque par Mme la ministre Cécile Duflot. Qu’est-ce que cela a donné concrètement ? Rien !
Soyons donc extrêmement prudents. L’aménagement du territoire, notion à laquelle nous sommes tous attachés, inclut forcément l’égalité des territoires. L’égalité des territoires, ce n’est pas l’égalitarisme !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet !
M. Jacques Mézard. C’est le fait que chaque territoire puisse bénéficier de moyens justes pour se développer. Voilà pourquoi je ne crois pas qu’une déclaration d’intention puisse rassurer quiconque sur le terrain.
M. René-Paul Savary. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. Ce qui rassurerait les élus, ce sont des dispositions relatives à la répartition des fonds.
M. René-Paul Savary. Il faudrait surtout des moyens !
M. Jacques Mézard. Pour terminer, mes chers collègues, sachez que je viens de recevoir un courrier du président de ma région, qui m’informe que la communauté d’agglomération que je préside verra ses subventions gelées tant que je ne reconnaîtrai pas mes erreurs… Si c’est ça l’égalité des territoires, je m’inquiète pour l’avenir des régions !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. En Midi-Pyrénées, la richesse par habitant connaît des différences assez surprenantes d’un département à l’autre. Par exemple, à Toulouse, place du Capitole, tous les habitants ont le très haut débit, alors que, dans mon département de l’Aveyron, les habitants, eux, n’y ont pas accès. Cela veut bien dire que, dans cette région, l’aménagement du territoire et l’égalité des territoires n’ont pas la même signification partout.
En matière de très haut débit, un département comme le mien souffre de deux handicaps : nous n’y avons accès que cinq à dix ans après nos amis toulousains et, lorsque nous l’avons, nous le finançons nous-mêmes. Ce n’est pas normal ! L’égalité des territoires suppose que les hommes et les femmes de ces territoires soient traités de la même manière. Voilà pourquoi je soutiens la proposition de notre collègue et ami Jarlier.
M. Claude Kern. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je partage l’avis de Mme la ministre sur l’aménagement du territoire.
On peut supposer que les élus des futurs conseils régionaux, doués d’intelligence, de bon sens et soucieux de l’intérêt général, concevront une politique d’aménagement du territoire qui veille à l’égalité. Néanmoins, on peut aussi avoir des régions qui, pour des raisons stratégiques, décident de concentrer leurs investissements sur une partie de leur territoire, considérant que celle-ci irriguera le reste de la région.
Comme le montre l’exemple du très haut débit que vient d’évoquer notre collègue, il faut veiller à ce que l’aménagement du territoire se fasse avec un souci de développement équilibré de l’ensemble du territoire, que celui-ci soit métropolitain, périurbain ou rural. Voilà pourquoi je soutiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans les agglomérations, on le sait très bien, aucune collectivité n’a eu à s’occuper du très haut débit. Ce sont les opérateurs qui s’en sont chargés, car il y a une clientèle. Même dans une grande région comme l’Île-de-France, on aurait attendu très longtemps le très haut débit si le département et les intercommunalités, avec l’aide de la région, ne s’étaient pas pris en main.
Ce n’est pas l’égalité que nous visons, c’est l’équilibre. Ce n’est pas pareil ! D’ailleurs, l’égalité n’est pas une très bonne notion en la matière. Les territoires étant différents, elle ne peut pas exister. Mieux vaut trouver des solutions spécifiques en fonction des problèmes.
Si l’on veut éviter la fracture numérique, il faut que les collectivités se prennent en charge. Je parle d’expérience ! Les deux tiers du territoire de mon intercommunalité sont déjà couverts par le haut débit, car nous avons fait ce qu’il fallait : le département a participé à l’effort en zone rurale, alors qu’il ne l’a pas fait du tout en milieu urbain.
Je le répète, ne confondez pas égalité et équilibre. Lisez le texte de la commission : on y parle plus d’équilibre des territoires que d’égalité. C’est une notion qui me paraît préférable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. On peut discuter à l’infini de toutes ces notions. Pour ma part, je veux dire à M. le rapporteur que l’égalité n’est pas l’uniformité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pourtant souvent comme ça en France !
M. Michel Mercier. Je veux également dire à Mme la ministre que, quand le Gouvernement décide de créer un ministère chargé de l’égalité des territoires ou de transformer la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale en commissariat général à l’égalité des territoires – à titre personnel, je le regrette, parce que j’appréciais l’appellation DATAR ; je l’avais rétablie lorsque j’ai eu l’occasion de le faire –, il faut que cela ait un sens.
Qu’est-ce que veut dire « égalité des territoires » ? Cela signifie non pas que l’on veut l’uniformité sur tout le territoire, mais que l’on donne un sens à l’action.
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est un peu tiré par les cheveux !
M. Michel Mercier. Les années passant, c’est un exercice qui nous sera de plus en plus difficile, monsieur le rapporteur. Profitons-en pendant que nous en avons encore… (Sourires.)
Pour parler en droit – nous pouvons tous le faire, nous sommes tous juristes –, il s’agit de la notion d’égalité telle qu’elle est entendue par le Conseil d’État depuis l’arrêt Société l'Alcool dénaturé de Coubert de 1938.
Quoi qu’il en soit, il n’y a pas lieu de se disputer sur le sujet. M. Jarlier a simplement voulu dire que l’égalité des territoires doit être l’un des objectifs de la politique d’aménagement du territoire que mènera la région, ni plus, ni moins. Est-ce que l’égalité des territoires, dont l’une des collègues de Mme Lebranchu a la charge, ça marche ou pas ? Ça, c’est une autre affaire…
En votant l’amendement, nous ajouterons l’idée d’égalité à celle de diversité, et je pense notamment au droit local. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Notre collègue Mercier vient d’avoir le mot juste : il s’agit d’orienter l’action publique. Or parler d’aménagement du territoire ne suffit pas, il faut indiquer le sens de l’action. La proposition de notre collègue Jarlier vise précisément à dire que l’aménagement du territoire doit aller le sens de l’égalité d’accès, de l’égalité des chances, ce qui donnera évidemment plus de responsabilités aux prochaines équipes régionales.
Je veux insister sur un point : on a voulu créer de grandes régions pour avoir dans chacune d’entre elles quelques territoires riches – je pense notamment aux grandes métropoles – ayant la capacité d’entraîner l’ensemble du territoire. C’est donc bien l’idée d’égalité qui était derrière, les territoires les plus dynamiques, les plus riches de ces grandes régions contribuant à favoriser l’égalité d’accès et l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire.
Ajouter ces mots donne du sens à l’action, comme l’a dit notre collègue Mercier. Dès lors, pourquoi s’en priver ? Nous voterons donc l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 295.
(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 109 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 10, 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit du pouvoir réglementaire des régions.
Le texte initial du Gouvernement comme celui de la commission ouvrent la possibilité à un conseil régional de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires. Ces modifications ou ces adaptations devront bien évidemment passer par le Gouvernement et par la voie législative ou réglementaire.
La validation du législateur n’est cependant pas suffisante pour écarter tout danger. Lorsque la majorité régionale sera en adéquation avec la majorité nationale, on verra rapidement les règles en vigueur varier selon les régions. C’est extrêmement dangereux pour l’avenir de la République, bâtie sur des principes qu’il convient de respecter. Nous ne pouvons donc souscrire à une telle idée.
Mme la présidente. L'amendement n° 818, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Si nous présentons cet amendement de suppression de l’alinéa 8, c’est parce que notre amendement de suppression de l’article 1er n’a pas été adopté. Il s’agit donc d’un amendement de repli.
L’alinéa 8, qui est ajouté à l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, prévoit des dispositions générales concernant les compétences attribuées à la région. Ce faisant, il attribuerait à la région un pouvoir réglementaire particulier, qui s’exercerait dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi. Or la formulation retenue n’est en fait qu’une réécriture de l’article 72 de notre Constitution, qui en son troisième alinéa dispose que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». De ce fait, cet alinéa 8 ne présente aucune valeur normative supplémentaire au regard de notre Constitution. Il n’y a donc pas lieu de rappeler cette règle, qui fait déjà partie de notre arsenal législatif.
En outre, inscrire un tel alinéa exclusivement en faveur des régions serait même restrictif pour les autres collectivités qui, en vertu de notre Constitution, disposent aussi de ce pouvoir réglementaire.
Notre commission ayant donné un avis favorable à cet amendement, nous espérons qu’il sera adopté par l’ensemble de notre assemblée.
Mme la présidente. L'amendement n° 347, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :
I - Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
mais résulte également de la volonté des exécutifs régionaux à proposer des évolutions législatives ou réglementaires
II. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces propositions pourront faire l'objet de propositions de loi formalisées qui seront par la suite soumises à l'avis de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 819, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent
par le mot :
peut
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Comme nous l’avons déjà dit, supprimer la clause de compétence générale ôtera aux collectivités leur capacité d’intervention générale. C’est pourquoi nous sommes opposés à une telle mesure.
Pour pallier cette suppression, on voit bien que chacun tente à travers des amendements d’élargir certaines compétences pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Les collectivités se retrouveront en effet orphelines lorsque la clause de compétence générale sera supprimée. Or de nombreux projets existent grâce à l’affirmation du principe de compétences partagées entre différents niveaux de collectivités, car ils peuvent ainsi bénéficier de financements croisés. Dès lors que ces projets répondent aux besoins des populations, nous ne voyons pas où est le mal.
Cet amendement s’inscrit dans le cadre de cette réflexion. Il porte plus spécifiquement sur la possibilité offerte aux conseils régionaux de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions. Il ne vise donc pas à octroyer un quelconque pouvoir législatif aux régions.
L’alinéa 9 de cet article précise que ces propositions peuvent être émises à l’initiative d’un conseil régional ou de plusieurs conseils régionaux par délibérations concordantes. Notre amendement vise donc à supprimer la mention de délibérations concordantes de plusieurs conseils régionaux et à n’introduire dans la loi que l’action d’un seul conseil régional, afin de rendre la procédure plus simple. La précision contenue dans la rédaction de cet alinéa est en effet inutile : une proposition peut être portée par un seul conseil régional ou par plusieurs. Pourquoi exiger que les délibérations soient parfaitement concordantes ? Il ne nous semble pas nécessaire d’autoriser explicitement cela dans le texte.
Mme la présidente. L'amendement n° 1000, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
fonctionnement
insérer les mots :
d’une, de plusieurs ou
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le projet de loi reprend une disposition applicable à la Corse. L’Assemblée territoriale de Corse a déjà élaboré plusieurs propositions dans le domaine réglementaire, mais elles sont restées sans effet. En effet, selon la loi actuelle, l’adaptation d’une disposition réglementaire proposée par une ou plusieurs régions a vocation à s’appliquer à toutes les autres. Or ce système ne marche pas.
Avant que certains ne s’alarment dans l’hémicycle, je précise que notre amendement ne vise pas à détricoter la République. Une telle interprétation serait vraiment très exagérée ! C’est toujours l’État qui décide.
Nous devons libérer les énergies dans les régions et affirmer que les situations ne sont pas identiques d’un territoire à l’autre. Quand les régions, fortes de leur propre expérience, transmettent au Gouvernement des propositions d’adaptation réglementaire, il faut simplement prendre en compte leurs différences. La décision, qui revient ensuite au Gouvernement et au Parlement, pourrait ne s’appliquer que dans quelques régions. En ajoutant ainsi de la souplesse, le système pourrait fonctionner.
On l’a suffisamment dit : ce pays est, sinon perclus de conservatisme – cette formulation est sans doute un peu trop rude pour certains –, en tout cas « solidifié », et nous avons du mal à discuter et à identifier le meilleur fonctionnement pour l’action publique. Nous devons émettre un signal.
Nous avons pris des décisions concernant la taille des régions, nous nous apprêtons à prendre des mesures importantes dans ce texte. Par nos signaux, nous devons dire aux territoires, notamment aux régions : « partagez votre propre expérience, dites-nous ce qu’il faut faire en termes réglementaires pour que cela fonctionne mieux, et l’État prendra ses responsabilités ». Nous améliorerons ainsi l’efficacité de l’action publique, ce qui générera des économies.
Cet amendement vise donc à faciliter les choses. Comme l’ont dit les uns et les autres, nous cherchons à rendre plus lisible l’action territoriale et à renforcer la démocratie territoriale. Si nous ne tenons pas compte du fait que certains systèmes ne fonctionnent pas bien, si nous ne sommes pas assez à l’écoute de ce qui remonte des territoires, nous serons en contradiction avec le travail que nous menons dans le cadre de ce texte.
Cet amendement est nourri de l’expérience du fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse. Il n’est pas pour autant destiné qu’à la Corse. La région Centre ou la région Nord-Pas-de-Calais seront confrontées aux mêmes difficultés. Faisons comprendre aux collectivités et aux régions que l’on est à l’écoute de leurs propositions pour améliorer l’action publique.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 53 rectifié est présenté par MM. Kern et Médevielle, Mme Goy-Chavent, M. Guerriau, Mme Joissains et M. Canevet.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Bigot, Mme Schillinger et M. Masseret.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que le droit local applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin pour les régions concernées.
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.
M. Claude Kern. L’article 1er du présent projet de loi donne la possibilité aux régions de formuler des propositions d’évolution des lois et règlements les concernant.
L’objet de cet amendement est d’ouvrir le champ sur lequel les régions peuvent se prononcer selon le droit local pour la ou les régions comportant les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l'amendement n° 87.
M. Jacques Bigot. En complément de ce qui vient d’être dit, je rappelle qu’une inquiétude s’était fait jour concernant l’instance chargée du droit local, qui ne concerne que trois des dix départements de la vaste région qui vient d’être créée.
Cet amendement tend donc à permettre à cette nouvelle grande région, qui disposera du pouvoir d’émettre quelques observations sur les lois, de s’intéresser à ce droit particulier, qui s’applique depuis 1918 dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application de l'avant-dernier alinéa sont rendues publiques. Elles sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre, au représentant de l'État dans les régions concernées et aux commissions du Parlement. » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il est retiré.
Mme la présidente. L’amendement n° 105 rectifié est retiré.
L'amendement n° 820, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer les mots :
et au représentant de l’État dans les régions concernées
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’alinéa 10 de cet article prévoit que les propositions de modifications législatives ou réglementaires adoptées par les conseils régionaux sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’État dans les régions concernées.
Notre amendement tend à limiter le transfert de ces propositions au seul Premier ministre et, donc, à supprimer la référence au préfet. En effet, celui-ci ne dispose pas d’une compétence législative, ce qui rend inutile le transfert des propositions des conseils régionaux.
Le préfet est le dépositaire de l’autorité de l’État dans la région. Il représente le Gouvernement et met en œuvre la politique gouvernementale. Son rôle en matière législative se limite au contrôle de légalité des actes des collectivités. Celui-ci, qui s’effectue une fois les décisions rendues, vise à contrôler la conformité de ces dispositions à la loi.
Le préfet peut présenter un recours pour demander la modification ou le retrait des dispositions illégales et, in fine, en l’absence de modifications satisfaisantes, déferrer les actes au tribunal administratif, qui est le seul à pouvoir prononcer l’annulation d’un acte qu’il juge contraire à la légalité.
Ainsi, si la transmission des propositions de modifications législatives au Premier ministre nous semble légitime, dans la mesure où le Gouvernement dispose du pouvoir d’initiative législative, la transmission au préfet ne nous semble ni utile ni légitime.
Mme la présidente. L'amendement n° 821, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
et au représentant de l’État dans les régions concernées
par les mots :
et au Sénat
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Comme vient de le dire Annie David, nous ne pensons pas que le transfert des propositions de modifications législatives et réglementaires adoptées par les conseils régionaux au préfet soit utile ou souhaitable.
Il serait plus pertinent que ces propositions soient transmises à notre assemblée. Le Sénat joue en effet un rôle particulier : les sénateurs sont les élus des élus, en particulier de ceux des collectivités territoriales. Notre assemblée est non seulement la représentante des collectivités territoriales de la République, comme l’affirme l’article 24 de la Constitution, mais dispose également du pouvoir législatif. Ainsi, les projets de loi concernant les collectivités lui sont transmis en premier. À ce titre, l’envoi des propositions à notre commission des lois présente un intérêt particulier, puisqu’elles seront alors transmises à une assemblée qui participe à l’élaboration de la loi.
Nous proposons donc par cet amendement de remplacer le transfert des propositions au préfet par leur transfert au Sénat.
Mme la présidente. L'amendement n° 735, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
À défaut de réponse dans un délai de douze mois, leur silence vaut acceptation. Le Parlement se saisit de la loi d’adaptation.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le système en vigueur pour l’Assemblée de Corse présente un défaut : rien n’est prévu si le Gouvernement se contente de ne pas répondre aux propositions émises, ce qui est le cas pour un certain nombre d’entre elles. C’est l’une des raisons pour lesquelles le système ne fonctionne pas aujourd’hui.
Cet amendement s’inspire de la récente réforme de simplification administrative, qui a posé le principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation. Ainsi, si le Gouvernement ne répond pas au bout de douze mois, le Parlement est saisi de la question. La décision est donc toujours du ressort de la représentation nationale.
Mme la présidente. L'amendement n° 166, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’État dispose d’un délai de trois mois pour répondre aux propositions formulées. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Je présenterai en même temps l’amendement n° 395, qui est jumeau.
Ces deux amendements prévoient respectivement d’imposer une réponse de l’État et de transformer des délibérations concordantes adoptées par au moins deux tiers des conseils régionaux en proposition de loi au Sénat. On aurait pu indiquer que le Gouvernement est obligé de déposer un projet de loi, mais je n’ai pas osé aller jusque-là pour le moment.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Encore heureux !
M. Jean-Pierre Grand. Je suis conscient qu’il s’agit là d’une injonction adressée au Gouvernement, ce qui pose quelques difficultés d’ordre constitutionnel,…
M. Jean-Pierre Grand. … mais ce pouvoir de proposition doit être réel, afin de donner un sens aux traditionnels vœux et motions votés par les collectivités locales.
Madame la ministre, pour faire avancer la déconcentration, il faut obliger le Gouvernement à soumettre les vœux émis par les régions à la représentation nationale. Les grandes régions que vous avez créées, et que j’ai votées, sont de gros engins sans moteur, vous le savez comme moi. Nous devons leur donner les moyens de leur existence, de leurs ambitions et de leur pouvoir. Aujourd’hui, elles n’en disposent pas. Les votes des assemblées régionales ne doivent pas rester lettre morte.
Mme la présidente. L'amendement n° 395, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de délibérations concordantes adoptées par au moins deux tiers des conseils régionaux, les propositions formulées font l’objet d’une proposition de loi déposée au Sénat. » ;
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 822, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces propositions sont annexées à l’étude d’impact du premier projet de loi, concernant les collectivités territoriales, suivant leur envoi au Premier ministre. » ;
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Les conseils régionaux disposeront de la possibilité de faire des recommandations et d’émettre des avis pour des modifications législatives les concernant, qui seront transmis au Premier ministre. Il nous paraît également utile de porter ces propositions à la connaissance des assemblées parlementaires, qui sont conduites à se prononcer sur les textes de loi et qui disposent du droit d’amendement.
Par cet amendement, nous proposons d’annexer les propositions formulées à l’étude d’impact du premier projet de loi concernant les collectivités territoriales qui suit leur transmission. Ce faisant, le législateur aura connaissance de l’ensemble des remarques formulées par les principaux intéressés sur les projets de loi qu’ils votent et pourra légiférer en toute connaissance de cause. Annexer ces propositions au projet de loi reviendra également à les rendre plus accessibles et plus visibles pour l’ensemble des citoyens.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 824, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je serai très brève sur cet amendement de repli et de cohérence.
Comme nous l’avons demandé à propos de l’alinéa 8, nous proposons de ne pas inscrire dans le code général des collectivités territoriales la règle du pouvoir réglementaire des régions, en l’occurrence d’outre-mer, qui figure déjà dans notre Constitution.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai que le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, y compris celui des régions d’outre-mer, est inscrit dans la Constitution. Comme c’est prévu par la Constitution, ce n'est effectivement pas la peine de le réinscrire dans la loi.
Mes chers collègues, c’est extraordinaire, certains d’entre vous se lancent – plus ou moins bien d’ailleurs – dans des innovations constitutionnelles considérables. Certains veulent donner instruction au Premier ministre, d’autres veulent donner obligation de déposer des propositions de loi. Mais dans quelle République vit-on ? Veuillez m’excuser, mais, avec vos propositions, il n’y a plus de République ! Ou, plus exactement, il n’y a plus d’institutions : vous faites fi des représentants de l’État et de leurs responsabilités.
Franchement, je vous le dis, madame la ministre, je regretterais presque d’avoir conservé les dispositions prévues dans le texte initial, car cela donne lieu à des initiatives contestables sur le plan juridique. Je regrette que l’éminent constitutionnaliste qu’est Michel Mercier se soit absenté…
L’amendement n° 109 rectifié de M. Mézard est en partie satisfait.
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est favorable aux amendements nos 818, 824 et 1000,…
M. Ronan Dantec. Pour une fois !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais elle est défavorable à tous les autres, car elle n’a pas souhaité modifier les règles en matière de hiérarchie des normes, de responsabilité de chacun, etc.
M. André Reichardt. Et l’Alsace !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le droit local d’Alsace-Moselle, mon cher collègue ! N’oubliez pas la Moselle ! D’ailleurs, c’est extraordinaire, notre collègue Claude Kern a parlé d’une ou des régions concernées. Mais, hélas ! la Moselle, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin se trouvent maintenant dans la même région.
M. Yves Détraigne. Hélas !
M. André Reichardt. Ce n’est pas sûr ! On attend la décision du Conseil constitutionnel !
M. Claude Kern. On a toujours espoir !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais je rappelle que les conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou adapter des dispositions législatives ou réglementaires concernant les compétences. Or le droit local ne concerne pas que les compétences des régions ; il en traite même très peu ! Mais vous pouvez toujours faire des propositions… D’ailleurs, vous le savez fort bien, la commission des lois du Sénat s’est intéressée à plusieurs reprises au droit local d’Alsace-Moselle, et nous avons formulé des propositions, que nous avons adoptées. D’ailleurs, nous souhaiterions que certaines d’entre elles en cours d’examen soient votées.
Bien entendu, on peut accepter des adaptations ; c’est d’ailleurs ce que prévoit le texte. Pour ma part, je pense que le système corse est un peu excessif.
M. Gérard Collomb. Oh !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et il n’a donné que peu de résultats.
Certains veulent en rajouter. L’un de nos collègues a proposé un amendement prévoyant que le Parlement se saisira des propositions des conseils régionaux si le Gouvernement ne répond pas dans un certain délai. Mais dans quel monde vit-on ? Je n’aurais jamais imaginé que des parlementaires aillent aussi loin.
M. Jacques Chiron. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le dis gentiment, je ne souhaite pas que la Haute Assemblée soit brocardée par nos collègues députés. D’habitude, notre assemblée parlementaire est connue pour son sérieux.
M. André Reichardt. Tout à fait !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement demande le retrait d’un certain nombre des amendements en discussion.
Le projet de loi initial comportait des dispositions,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Que nous avons gardées !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ainsi que cela a été souligné, le pouvoir réglementaire des régions d’outre-mer est prévu dans la Constitution.
Lors des débats relatifs à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la loi MAPTAM, nous avions rappelé que des demandes visant à adapter des dispositions réglementaires ou législatives peuvent être formulées.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de rappeler le cas de la Corse. En effet, quarante-deux demandes d’adaptation de dispositions réglementaires, pour la plupart d’entre elles, n’ont pas été suivies d’effet. Avec l’aide de la direction générale des collectivités locales et certains services de l’État, nous avons essayé de savoir pour quelles raisons celles-ci n’ont pas abouti.
Dans la plupart des cas, je le dis comme je le pense – volontairement, je ne mets pas de termes juridiques derrière tout cela –, ces demandes n’ont pas été prises en compte suffisamment tôt ou n’ont pas été examinées à cause d’un problème de procédure et de méthode. Nous avons donc décidé de reprendre toutes ces propositions. D’ailleurs, l’une des propositions concernant la redevance de mouillage sera soumise à votre vote dans les jours qui viennent. Cette demande nous a été transmise conjointement par les présidents de l’Assemblée de Corse, l’organe délibérant, et du Conseil exécutif. La gestion des parcs naturels les empêche d’installer des ports de plaisance. Or ils voient passer un certain nombre d’usagers qui ne versent rien à la collectivité. Mais il semble que cette adaptation n’ait pas l’heur de vous convenir ; nous discuterons de ce sujet ultérieurement.
C’est donc à partir de cette analyse que nous avons voulu réécrire les choses. Vous avez raison, nous aurions pu ne pas le faire. Mais nous voulions rappeler que ce droit existe. Nous en avions d’ailleurs parlé lors de l’adaptation de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques aux cours d’eau à régime torrentiel. Sans adaptation réglementaire, on est obligé de prévoir que la loi s’appliquera de telle façon dans les zones de montagne, de telle autre dans les zones littorales, etc. Nous sommes donc obligés de décliner une multitude de dispositions complexes – et on en oublie souvent – qui finissent par alourdir nos textes législatifs. L’idée est donc d’alléger au maximum les lois.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Disons dans les futures lois ce qui est adaptable et ce qui ne l’est pas ; c’est cela qui est important.
Dès lors que le Parlement estime que telle disposition est adaptable, les régions s’en saisiront ou pas. Après avoir mené de longues discussions sur ce fameux droit, qui n’a pas été utilisé, ai-je envie de dire, voilà l’idée qui est la nôtre.
Les lois doivent prévoir les adaptations possibles. Très peu d’adaptations seront possibles pour les lois déjà adoptées. Bien souvent, les dispositions n’ont pas été prévues dans cette optique. Mais je pense que c’est une possibilité : il faut prévoir des lois-cadres, avec des adaptations possibles.
Vous avez parlé de l’unité de la République. L’unité existe en matière de droit. Sur un tout autre sujet, il a été dit que l’unité nationale, ce n’est pas l’uniformité. Et, sur nos territoires notamment, l’uniformité n’existe pas !
M. Pierre Jarlier. Exactement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai évoqué en aparté la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, un exemple qui parle de lui-même.
Mme Espagnac ainsi qu’un certain nombre d’élus des Pyrénées nous ont alertés sur l’impossibilité des élus dans cette région d’adapter cette loi aux torrents – on est obligé d’attendre une nouvelle loi pour pouvoir enlever les troncs d’arbre ! – et donc de prendre des mesures pour éviter les inondations. Vous le voyez, il faut régler les problèmes de cette nature.
L’idée est simple : la loi offre un cadre aussi rigide que possible – la loi est forcément rigide, comme je l’ai entendu dire précédemment –, mais elle doit s’adapter aux territoires. C’est ce qu’il nous importe de faire. Les longues discussions avec les élus régionaux et locaux, ainsi qu’avec un certain nombre de parlementaires ayant participé à différents colloques, ont abouti à cette même conclusion.
En revanche, pour ce qui concerne le droit local, il en va autrement. Les dispositions prévues par le Gouvernement et qui ont été reprises dans le texte présenté par la commission concernent bien les adaptations au niveau des compétences. Il s’agit bien de propositions d’adaptation d’une loi dans le cadre des compétences de la région. Il ne saurait y avoir d’adaptation en dehors du champ de ses compétences. Or le droit local n’entre pas dans le champ de ses compétences.
Certes, on pourrait se poser la question pour ce qui concerne les centres de formation d’apprentis. Le droit local comporte effectivement des différences concernant l’apprentissage, le statut des maîtres d’apprentissage. Mais c’est le seul sujet ; je ne vois pas d’autres points qui pourraient faire l’objet d’une adaptation spécifique. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas l’objet de cette discussion.
Même si cela ne figure pas dans les lois, ces propositions sont de droit. Mais, aujourd'hui, nos assemblées régionales ne les inscrivent pas suffisamment à l’ordre du jour de leurs travaux.
Permettez-moi d’ajouter que nos préfets de région représentent le Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si les préfets de région ne peuvent même plus représenter le Gouvernement, quid de la République que nous aimons tant, avec un État fort et des représentants très présents dans les territoires, qui jouent un rôle. C’est pourquoi je n’ai pas compris que certains d’entre vous veuillent transmettre les propositions uniquement au Premier ministre, pas plus que je n’ai compris que d’autres souhaitent que le silence, au terme de douze mois, vaille accord. Dans ce cadre, c’est impossible !
M. Ronan Dantec. Non ! C’est à défaut de réponse du Gouvernement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement pourrait avoir l’obligation de dire pourquoi il a accepté ou pas de donner suite aux propositions, mais ce n’est pas ce que vous avez écrit dans votre amendement, monsieur Dantec.
Cela étant, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 109 rectifié. Je pourrais aller jusqu’à dire que cet amendement est satisfait, mais je sais que cette réponse ne vous satisfera pas, monsieur Mézard… Peut-être accepterez-vous de le retirer ?
Je demande également aux auteurs des amendements nos 818 et 819 de bien vouloir retirer leurs amendements respectifs, à défaut le Gouvernement émettra un avis défavorable.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1000, qui apporte une précision.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 53 rectifié et 87 relatifs au droit local. Pour les raisons avancées par le rapporteur, je demande le retrait des amendements nos 820 et 821, ainsi que de l’amendement n° 735, qui est anticonstitutionnel, monsieur Dantec. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il n’est pas utile d’attendre les commentaires désobligeants…
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 166 et demande le retrait de l’amendement n° 395, qui n’est absolument pas conforme à la Constitution, ainsi que de l’amendement n° 822.
En revanche, suivant le rapporteur, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 824, puisque telle était notre position dans le projet de loi initial.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, je retire les amendements nos 166 et 395.
Je voudrais dire cependant à M. le rapporteur que j’ai été un peu surpris par ses propos, car la Constitution date de 1958, or nous sommes en 2014.
Ceux qui aujourd’hui prônent la VIe République veulent en réalité revenir à la IVe République, mais je n’en suis pas !
Cela étant, tout ce que nous votons ne servira pas, parce que cela ne changera rien ! La région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées conservera ses 500 000 demandeurs d’emploi, son PIB restera identique et la sous-industrialisation demeurera.
Ce que je demande, c’est que l’on donne d’autres pouvoirs aux régions, ce qui implique par là même une déconcentration des pouvoirs de l’État, y compris des pouvoirs fiscaux.
Monsieur le rapporteur, nous sommes à un tournant : sachons toucher aux vaches sacrées ! Soyez assuré toutefois de mon attachement aux institutions de la Ve République.
Mme la présidente. Les amendements nos 166 et 395 sont retirés.
La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Monsieur le rapporteur, ayant noté que vous étiez sensible et attentif au droit local d’Alsace-Moselle et à son évolution, notamment en ce qui concerne les centres de formations d’apprentis, je retire l’amendement n°53 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n°53 rectifié est retiré.
La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Les amendements identiques nos 53 rectifié et 87 concernent le droit local. Certes, le premier d’entre eux vient d’être retiré.
Je n’ai pas, à titre personnel, proposé une disposition similaire à celle qu’ils comportent, car, en Alsace-Moselle, c’est plutôt l’Institut du droit local alsacien-mosellan, ou IDL, qui est chargé de faire des propositions visant à modifier des dispositions législatives, voire réglementaires. Il ne s’en prive d’ailleurs pas, puisqu’il saisit les parlementaires à cette fin, lesquels font leur travail en proposant des modifications.
Madame la ministre, il est donc tout à fait possible de proposer des atténuations au droit en cours d’élaboration. C’est traditionnellement ce que fait la commission du droit local d’Alsace-Moselle, qui a succédé à la commission d’harmonisation du droit privé, que je présidais, chaque fois qu’un texte concernant le droit local est examiné.
Par conséquent, les propositions de mes collègues ne me paraissent absolument pas en dehors du champ des possibilités offertes à une région de présenter des propositions tendant à faire évoluer une modification législative ou réglementaire en cours d’élaboration.
Cela étant, il me paraît essentiel de permettre, particulièrement dans la grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, si tant est que le Conseil constitutionnel la valide, à l’Institut du droit local de faire des propositions visant à faire évoluer la législation nationale, ce dont il ne se prive pas d’ailleurs, je le répète. En effet, il m’a permis de déposer une proposition de loi, qui a néanmoins été retoquée à l’issue d’un marathon sur lequel je préfère ne pas m’éterniser : il était téléguidé.
Quoi qu’il en soit, la vraie préoccupation de l’Institut du droit local alsacien-mosellan est d’avoir les moyens lui permettant de fonctionner. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé qu’il reçoive des subventions de fonctionnement à la fois des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de la Moselle et de la région Alsace, et, le cas échéant, des autres régions constituant la désormais grande région. MM. les rapporteurs, tant René Vandierendonck que Jean-Jacques Hyest, s’y sont déclarés favorables, et la Haute Assemblée sera prochainement saisie d’un amendement en ce sens. J’ai donc obtenu satisfaction.
Néanmoins, j’ai bien noté que M. Kern avait retiré son amendement. Si M. Bigot maintient le sien, je le voterai, ne serait-ce que pour permettre à la région de faire valoir son opinion, lorsqu’un texte de droit général est discuté au Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Il s’agit là d’un cas particulier : l’amendement n’est pas satisfait, mais son retrait est satisfaisant…
J’ai été ravi d’entendre M. le rapporteur rappeler que le droit local d’Alsace-Moselle relève du Parlement, et que, même si l’Alsace se retrouve dans une grande région, le droit local continuera d’exister, y compris l’IDL, qui n’est jamais qu’une association de droit local, suivant la loi de 1908 toujours en vigueur.
Cela étant, je retire l’amendement n° 87.
Mme la présidente. L’amendement n° 87 est retiré.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je tiens d’abord à remercier la commission, tout particulièrement son rapporteur, et Mme la ministre de leurs avis favorables sur l’amendement n°1000 : celui-ci devrait donc être adopté et l’alinéa 9 de l’article 1er gagnera en lisibilité.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 735, j’étais tout à fait conscient de son caractère provocateur et un peu anticonstitutionnel. Il s’agissait d’un amendement d’appel, pour ne pas dire d’alarme. Comme l’a fort bien expliqué Mme la ministre, le fait que les propositions émanant de Corse n’étaient pas suivies d’effet constituait un véritable problème.
Toutefois, accorde-t-on au Gouvernement un temps maximal de réponse à partir du moment où une proposition lui est soumise ? Cette discussion pourra avoir lieu dans le cadre de la navette. Cela étant, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 735 est retiré.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l'amendement n° 109 rectifié.
M. Jacques Mézard. Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, la commission accepte la suppression des alinéas 15 et 16 de l’article 1er.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Jacques Mézard. Dans ces conditions, je rectifie mon amendement et retire ma demande de supprimer les alinéas nos 7 à 10.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 109 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, et ainsi libellé :
Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
Ainsi rédigé, cet amendement est désormais identique à l’amendement n° 824. Par conséquent, je les mettrai aux voix en même temps.
Je mets aux voix l'amendement n° 818.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 824 et 109 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 823, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Il s’agit d’un amendement à la fois de repli et de cohérence.
L’alinéa 13 de l’article 1er supprime la disposition selon laquelle, en outre-mer, le conseil régional « statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et les règlements et sur tous les objets d’intérêt régional dont il est saisi. » Il supprime donc la compétence générale des régions d’outre-mer, comme pour celles de métropole.
Nous nous sommes déjà opposés à une telle mesure. C’est pourquoi, restant cohérents, nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission, elle aussi cohérente, émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Tout aussi cohérent, le Gouvernement est également défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 736, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les régions sont habilitées, en application du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution et des articles L.O. 1113-1 à L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales, à fixer des règles spécifiques dans toutes les matières pour lesquelles elles sont compétentes.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Avec cet amendement, nous souhaitons donner suite à la promesse du Président de la République, qui avait annoncé, lors des états généraux de la démocratie territoriale au mois d’octobre 2012, que le droit à l’expérimentation serait élargi et assoupli.
Nous avons déjà débattu de cette question : élargir ce droit est un moyen de répondre à la nécessaire adaptation aux spécificités des territoires. Par ailleurs, permettre l’égalité des territoires, notion que nous avons inscrite aujourd'hui dans la future loi, impose d’autoriser l’expérimentation et l’adaptation de chaque territoire à sa propre réalité. Aussi, nous devons libérer les énergies et établir des politiques publiques qui correspondent au mieux à cette réalité.
Le présent amendement, contrairement à celui que je viens de retirer, est très encadré puisqu’il vise d’une part, la Constitution – les écologistes aimeraient cependant plus de souplesse – et, d’autre part, le code général des collectivités territoriales, ce qui permet d’éviter toute dérive et de répondre aux inquiétudes que pourrait susciter dans cet hémicycle l’exercice de cette expérimentation. Ce dernier sera précisé par décret, limité dans le temps et fera l’objet d’un rapport d’évaluation que le Gouvernement transmettra au Parlement. Enfin, selon le code précité, tout acte émanant du droit d’expérimentation peut faire l’objet d’un recours suspensif décidé par le préfet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On progresse dans l’innovation constitutionnelle ! (Sourires.) Avec cet amendement, on a atteint le sommet ! (Exclamations.)
Mon cher collègue, votre interprétation du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution n’est pas du tout correcte ! Voulez-vous que je vous le relise ?
J’aurais pu, du reste, demander que cet amendement soit déclaré irrecevable ! Il n’est tout de même pas concevable que, pendant cinq ans, chaque région ait des règles spécifiques et fasse ce qu’elle veut, telle une sorte de république autonome.
M. Bruno Retailleau. C’est du fédéralisme !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est plus que du fédéralisme, car il existe des règles communes en matière fédérale !
Par conséquent, au nom de la commission, je vous demande, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis très défavorable.
Disons que son examen est un moment de détente… (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer M. le rapporteur, le Gouvernement est très défavorable à cet amendement, qui présente un risque d’inconstitutionnalité majeure.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit non pas seulement d’un risque, mais d’une réalité.
M. André Vallini, secrétaire d'État. En effet, car eu égard au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, cet amendement est totalement inconstitutionnel.
Par conséquent, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Dantec, l'amendement n° 736 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 736 est retiré.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Au cours de nos débats, nombre d’orateurs ont déjà exposé les inquiétudes qui se font jour, au sein de notre assemblée, concernant les éventuelles interventions des régions dans tel ou tel domaine, alors qu’elles ne disposent pas explicitement de la compétence correspondante.
Comme l’a justement rappelé M. le rapporteur, c’est une sorte de vente à la découpe de cette compétence générale. Il déclare, par ailleurs, qu’elle n’existe pas dans notre droit, alors qu’il a affirmé hier que les communes en disposent.
Or nos discussions ont prouvé qu’il est illusoire de vouloir tout régenter et définir précisément tous les secteurs d’activités dans lesquels nos régions devraient intervenir pour tenter de maintenir leur action à son niveau actuel.
Avec la suppression de la clause de compétence générale, objet du présent article, nous le savons, les régions ne pourront plus agir dans certains domaines, contrairement à ce qu’elles font actuellement. Il ne faut donc pas s’en étonner ou tenter de contourner le problème par le biais d’amendements déposés sur ce texte ou sur des textes ultérieurs.
Afin d’éviter d’ouvrir la porte à un droit jurisprudentiel au contour incertain, les membres du groupe CRC voteront bien évidemment contre l’article 1er et vous invitent, mes chers collègues, à les suivre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 102 rectifié, présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert et M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre unique du livre premier de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-… - Pour l’exercice de leurs missions de développement économique, de formation et d’aménagement du territoire, les régions concluent des conventions de partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie de région. D’une durée de cinq ans, ces conventions s’inscrivent dans les priorités fixées par les schémas régionaux et garantissent ainsi la coordination et la complémentarité des compétences.
« Ces conventions font l’objet d’un débat dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement, très simple, vise à associer les chambres de commerce et d’industrie aux réflexions, aux projets, ainsi qu’à toute étude économique des collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Une telle association étant prévue à l’article 2, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Jean-Pierre Grand. Cette demande étant aimablement formulée, j’y accède.
Mme la présidente. L'amendement n° 102 rectifié est retiré.
L'amendement n° 688 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du III de l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« III. ― La conférence territoriale de l’action publique est présidée, par période de deux ans, alternativement par le président du conseil régional ou de l’autorité exécutive de la collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution, par un des présidents des conseils généraux ou un représentant de l’autorité exécutive des collectivités territoriales exerçant les compétences des départements sur le territoire de la région, ou par un représentant issu des catégories prévues aux 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° du II du présent article. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Le présent amendement tend à instaurer une présidence tournante, afin de prendre en compte le rôle nouveau dévolu à la conférence territoriale de l’action publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les conférences territoriales de l’action publique, ou CTAP, viennent d’être créées par une loi récente. Laissons-les vivre et procédons ensuite aux ajustements nécessaires. La commission ne souhaite pas modifier l’équilibre atteint pour l’instant.
C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Michel Mercier. Pour vous être agréable, monsieur le rapporteur, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 688 rectifié est retiré.
L'amendement n° 740, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant la faisabilité de l’évolution de la représentation régionale vers un système bicaméral, une première chambre représentant les citoyens, élue dans le cadre d’une circonscription unique à l’échelle de la région, l’autre chambre représentant les territoires, élue par circonscriptions infrarégionales, au niveau des bassins de vie.
Ce rapport établira les modalités d’expérimentation dans les régions volontaires.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à ce que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport sur l’évolution éventuelle de la représentation régionale vers un système bicaméral.
Si vous avez lu attentivement le rapport sur l’hyper-ruralité, mes chers collègues, vous devez vous souvenir qu’il comprenait une proposition de cette nature ! Par conséquent, celle que je vous soumets n’est pas fantaisiste, contrairement à ce que certains pourraient dire … (Sourires.)
Cependant, dans les très grandes régions, comment trouver l’équilibre entre la représentation des citoyens, c'est-à-dire une majorité claire, et celle de l’ensemble des territoires, avec un projet politique applicable à l’ensemble de la région ? Un système de type bicaméral pourrait permettre d’apporter une réponse à cette question extrêmement importante.
Je ne vous propose pas, ce soir, d’adopter définitivement un tel système. Toutefois, dans la lignée du rapport sur l’hyper-ruralité, même s’il concerne des territoires infra-régionaux, il serait intéressant de disposer d’un rapport qui examine notamment la situation dans d’autres pays.
Quoi qu’il en soit, ce débat reprendra et il est cohérent avec les mesures votées sur la taille de ces grandes régions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut rédiger des rapports sur des choses qui existent, mais en l’espèce vous demandez un rapport sur une éventualité…
Déposez donc une proposition de loi ! Vous ne vous privez d’ailleurs pas de rédiger de tels textes qui impliquent des changements profonds dans la gouvernance des collectivités locales !
Je ne vois franchement pas à quoi servirait un rapport ! Et d’ailleurs, qu’est-ce que le Gouvernement nous dirait ? Il établirait quels sont les avantages et les inconvénients ?
Madame la ministre, pourriez-vous élaborer un tel rapport ? La direction générale des collectivités locales pourrait-elle plancher sur un tel document ?
La commission vous demande donc, monsieur Dantec, de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Comme je l’ai dit tout à l’heure à M. Dantec, ce débat a lieu dans différentes instances et la commission des lois de l’Assemblée nationale a commencé à faire un travail sur ce thème.
Le Gouvernement ne fera pas de rapport sur le sujet. Il a rédigé un certain nombre de notes décrivant ce que serait le droit dans ce cas de figure, mais il ne fera pas plus.
Je conçois votre insistance : nous avons bien compris que vous étiez favorable au régime bicaméral pour les régions, monsieur Dantec.
Cela étant, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Dantec, l'amendement n° 740 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Je désirais entendre la réponse de Mme la ministre. L’Assemblée nationale étant aussi intéressée par cette question, qui ressurgira de toute façon, je ne voudrais pas influencer de façon négative son travail. C’est pourquoi je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 740 est retiré.
Article 2
Développement économique
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Les 4° à 6° du II de l’article L. 1111-9 sont abrogés ;
1° B (nouveau) Les premier et dernier alinéas de l’article L. 1511-1 sont supprimés ;
1° Après le chapitre Ier du titre V du livre II de la quatrième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre Ier bis
« Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation
« Art. L. 4251-12. – La région est la collectivité territoriale responsable de la définition des orientations en matière de développement économique sur son territoire. Sous réserve des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie, elle est seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire. Elle adopte à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
« Le schéma définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises.
« Il précise les actions menées par la région en matière d’interventions économiques et d’aides aux entreprises et organise leur complémentarité avec les actions menées par les autres collectivités territoriales et leurs groupements en application des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie.
« Il veille à ce que ces actions ne contribuent pas aux délocalisations d’activités économiques au sein de la région ou d’une région limitrophe.
« Il définit également les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire.
« Dans les régions frontalières, il peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités des États voisins.
« Art. L. 4251-13. – Le schéma fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 et avec les organismes consulaires. Il est adopté par le conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.
« Art. L. 4251-14. – Les orientations et les actions du schéma applicables sur le territoire d’une métropole visée au titre Ier du livre II de la cinquième partie du présent code ou sur le territoire de la métropole de Lyon sont élaborées et adoptées conjointement par l’organe délibérant de la métropole concernée et le conseil régional. À défaut d’accord, les actions conduites par une métropole ou la métropole de Lyon sont compatibles avec le schéma.
« Art. L. 4251-15. – Le schéma est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans la région. Ce dernier s’assure du respect, par le conseil régional, de la procédure d’élaboration prévue par le présent chapitre.
« S’il n’approuve pas le schéma, le représentant de l’État dans la région en informe le conseil régional par une décision motivée qui précise les modifications à apporter au schéma. Le conseil régional dispose d’un délai de trois mois à compter de sa notification pour prendre en compte les modifications demandées.
« Art. L. 4251-16. – Sous réserve de l’article L. 4251-14, les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’intervention économique sont compatibles avec le schéma.
« Art. L. 4251-17. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre. »
II. – La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 711-8 du code de commerce est complétée par les mots : « , compatible avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales ».
III. – Le deuxième alinéa de l’article 5-5 du code de l’artisanat est complété par les mots : « , compatible avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales ».
IV. – (Supprimé)
IV bis (nouveau). – L’article 7 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est abrogé.
V. – Le présent article est applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.
Mme la présidente. La parole est à le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avant d’entamer la discussion des articles 2 et 3, il me paraît nécessaire de rappeler de façon claire la logique du travail de la commission sur ces articles qui renforcent la compétence économique des régions.
Dans l’ensemble du projet de loi, la commission a supprimé un certain nombre de transferts de compétences du département vers la région pour ne pas remettre en cause le rôle nécessaire des départements à l’égard de certaines compétences et ne pas les dévitaliser.
Dans un souci d’équilibre, elle a voulu non seulement renforcer – c’est très positif – les compétences laissées à la région, en particulier en matière de développement économique, mais également lui donner des responsabilités complémentaires nouvelles, notamment en matière d’emploi, comme nous le verrons lors de l’examen de l’article 3 bis.
La commission a donc approuvé la logique de clarification des compétences prévues par le projet de loi qui vise particulièrement la suppression de la clause générale de compétence, tout en cherchant à aller un peu plus loin en matière de décentralisation pour la région.
Dans ces conditions, elle a précisé les dispositions des articles 2 et 3 relatives à l’attribution à la région d’une compétence économique renforcée. La région ne serait pas simplement chef de file.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À l’article 2, le contenu du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation a été précisé : celui-ci comporterait non seulement les orientations générales, mais aussi les interventions économiques que la région entend mener. Par ailleurs, la commission des lois a agréé le principe de la compatibilité des actions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements avec le schéma régional approuvé par le préfet, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’une obligation de conformité.
J’ajoute que les rapporteurs ont déposé, au nom de la commission, l’amendement n° 1021 visant à énoncer clairement que les compétences économiques des métropoles et des intercommunalités ne sont pas remises en cause par le présent projet de loi, non plus que la loi du 27 janvier 2014. Les actions conduites à ces échelons devront simplement être compatibles avec les orientations fixées dans le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
Les rapporteurs défendront également l’amendement n° 1023 tendant à créer, pour l’élaboration de ce schéma, une procédure précise et détaillée faisant intervenir la conférence territoriale de l’action publique et accordant une place particulière aux groupements de collectivités compétents en matière économique, ainsi qu’aux chambres consulaires. Cet amendement vise même à instaurer une sorte de seconde délibération lorsqu’une majorité qualifiée d’intercommunalités émet un avis défavorable sur le projet de schéma.
Cette procédure donnera aux collectivités territoriales infrarégionales et à leurs groupements un vrai droit de regard non seulement sur les orientations générales de la politique régionale dans le domaine économique, mais aussi, je le répète, sur les actions concrètes que la région compte mener, ce que la rédaction initiale du projet de loi ne permettait pas.
En outre, nous examinerons l’amendement n° 698 présenté par Michel Mercier visant à autoriser la signature de conventions avec les intercommunalités pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
L’ensemble de cette procédure imposera à la région une véritable co-élaboration du schéma. Notre objectif est clairement d’éviter que ce schéma ne soit élaboré par la région de façon unilatérale. En vérité, si la région veut donner à ce document une portée réelle, elle devra l’élaborer et le mettre en œuvre en liaison étroite avec les intercommunalités et les métropoles. Il n’y aura pas de jacobinisme régional !
S’agissant en particulier des métropoles, le projet de loi prévoit une procédure spéciale d’élaboration et d’adoption conjointes des dispositions du schéma qui les intéressent. L’obligation de s’entendre sera plus forte dans le cas d’une région traitant avec une métropole, car on ne peut imaginer que les deux s’ignorent dans le domaine de l’action économique (M. Michel Delebarre acquiesce.) ; des interventions coordonnées sont nécessaires dans l’intérêt de l’ensemble des territoires de la région, tant il est vrai que le rayonnement économique de la métropole s’étend à tout le territoire régional, et même parfois au-delà.
À l’article 3, la commission des lois a prolongé la logique du projet de loi en matière de clarification des compétences et de limitation des financements croisés dans le domaine économique. Elle a souhaité donner aux régions et aux métropoles des responsabilités équivalentes pour le soutien aux pôles de compétitivité et pour le pilotage de ceux-ci. Ces précisions devraient dissiper un certain nombre d’inquiétudes et satisfaire un certain nombre de préoccupations à l’origine de divers amendements.
Peut-être conviendra-t-il aussi d’envisager la question de la période transitoire précédant l’adoption des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. De fait, les départements interviennent aujourd’hui beaucoup dans ce domaine.
M. Michel Bouvard. C’est bien de s’en souvenir !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’en suis parfaitement conscient, mon cher collègue, d’autant plus que je suis conseiller général ! (M. André Reichardt rit.)
Je vous rappelle enfin qu’une collectivité territoriale n’est pas obligée de tout faire : en vertu de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, elle peut déléguer l’exercice de certaines de ses compétences. Cette procédure est mise en œuvre tous les jours, et je vous supplie, mes chers collègues, de laisser vivre ce droit conventionnel, qui est certainement l’un des moyens les plus fructueux de favoriser la coopération entre collectivités territoriales !
Tel est l’esprit dans lequel la commission des lois a travaillé, et telles sont les conclusions auxquelles elle est parvenue.
M. André Reichardt. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. Je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur de la façon dont il guide nos débats. Après tout, il est dans l’opposition ; sur un certain nombre de sujets, il pourrait se dire : c’est le texte du Gouvernement, laissons aller ! Or il ne le fait pas. Au contraire, il nous exhorte, les uns et les autres, à suivre, même sur les questions un peu rugueuses, une ligne de conduite tendue vers l’intérêt général.
M. André Reichardt. En effet !
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Gérard Collomb. Comme vous, mes chers collègues, je me suis rendu tout à l’heure aux vœux de M. le président du Sénat. Ce dernier a souhaité que la Haute Assemblée n’adopte pas une attitude d’opposition systématique au Gouvernement, mais qu’elle recherche avec celui-ci des solutions communes, dans l’intérêt de notre pays.
M. Bruno Retailleau. Ça n’a pas toujours été le cas !
M. Gérard Collomb. Au commencement de ce débat sur les compétences économiques, il me paraît nécessaire de procéder à un examen de la situation de notre pays.
Depuis le début de la crise, en 2008, nous avons perdu 280 000 emplois salariés et 700 000 emplois industriels. C’est dire si la situation est grave !
Avec un certain nombre d’amis sénateurs, j’ai rencontré, à midi, l’un des meilleurs observateurs de l’évolution économique de notre pays et de ses territoires : M. Laurent Davezies, dont les livres, que je vous invite à lire, jettent sur l’état de notre pays un éclairage selon moi extrêmement fécond.
Or que dit M. Davezies ? Grosso modo, qu’il s’est produit un changement considérable : le système productif d’aujourd’hui n’est plus celui des années soixante et soixante-dix, et celui des prochaines années ne le sera pas davantage. En particulier, dans l’actuelle économie de la connaissance, la croissance est de plus en plus enregistrée là où le monde universitaire et de la recherche est interconnecté à une masse critique d’entreprises.
Or, mes chers collègues, c’est très largement au sein des métropoles que ces conditions sont réunies. Remarquez qu’il s’agit non pas d’un a priori idéologique, mais d’un constat : de fait, c’est dans les métropoles que la croissance est réalisée et que des emplois continuent d’être créés, alors qu’ailleurs on en perd.
Dès lors, il est légitime de s’interroger sur les relations qui doivent être nouées entre les métropoles et les périphéries, y compris les départements hyper-ruraux. À cet égard, je souscris à plusieurs des propos qui ont été tenus cet après-midi ; en particulier, j’ai trouvé excellente l’intervention de M. Alain Bertrand.
C’est en effet dans ces relations que réside la solution, car les métropoles ne se développent pas au détriment du reste du territoire. Au contraire, là où une métropole existe, tout l’hinterland en bénéficie, comme on le constate sur le terrain ; et c’est lorsqu’il n’y a pas de métropole que des difficultés apparaissent. Aussi devons-nous peut-être inventer de nouveaux systèmes de coopération et de partenariat entre les grandes métropoles et un certain nombre de territoires hyper-ruraux. (M. Alain Bertrand acquiesce.)
Mes chers collègues, il est vrai que les grandes métropoles sont riches, qu’elles produisent de la richesse, mais elles en redistribuent aussi. Ainsi, M. Davezies a calculé que la part de l’Île-de-France dans le PIB de notre pays – je prends l’exemple de cette région pour ne pas être accusé de parler pour ma paroisse, si je puis dire… – avait crû de 27 à 31 %, tandis que la part du total des revenus perçu par les franciliens avait baissé de 25 à 22,5 %. En d’autres termes, les métropoles jouent un rôle redistributif extrêmement important, par l’intermédiaire de leurs prélèvements sociaux et de ce que Laurent Davezies appelle l’« économie résidentielle ».
Si nous voulons avancer dans ce débat, et surtout réussir à faire sortir notre pays de la crise, nous devons imaginer une coopération entre, d’une part, les métropoles et les régions et, d’autre part, les territoires qui se trouvent hors de la sphère d’influence des métropoles : c’est dans cet esprit qu’il convient, selon moi, d’examiner la question des compétences économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Alain Bertrand et André Reichardt applaudissent également.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, sur l'article.
M. François Patriat. Au cours de la séance du 28 octobre dernier, M. le Premier ministre a souligné sa volonté de favoriser l’essor de régions fortes, de régions « qui devront bénéficier de leviers puissants, de leviers stratégiques, pour préparer leur avenir et celui de notre pays. »
Je tiens à réaffirmer avec force que, contrairement à ce que j’entends souvent, les régions ne réclament rien ; elles ne réclament aucune compétence supplémentaire et, en particulier, elles n’entendent pas prendre celles des départements. (M. René-Paul Savary s’exclame.) Elles demandent seulement les moyens d’assumer pleinement leurs missions, notamment les deux missions essentielles que le présent projet de loi leur confère : l’aménagement du territoire et le développement économique.
Leur rôle majeur dans le domaine économique se traduit par le pilotage du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation et par la définition des régimes d’aides aux entreprises. Il est en effet nécessaire que ce travail soit accompli à une échelle géographique permettant la mobilisation de l’ensemble des partenaires utiles, depuis les acteurs de la recherche jusqu’à ceux du financement, en passant par ceux de la formation : il ne saurait donc être réalisé à un échelon infrarégional – ce propos est complémentaire de celui que vient de tenir M. Collomb.
Les rapports Gallois et Queyranne-Demaël-Jürgensen ont dressé un constat sans appel : les interventions économiques des pouvoirs publics sont fragmentées, sédimentées et ne sont pas majoritairement orientées vers la compétitivité de demain, fondée sur les « quatre I » que sont l’investissement, l’industrie, l’innovation et l’international. Alors que l’on confie aux régions une compétence majeure dans le soutien au développement économique, il faut leur donner les leviers d’action leur permettant d’accompagner le redressement économique.
L’article 2 du présent projet de loi consacre un nouvel outil de planification : le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, que M. le rapporteur vient de présenter. Ce document stratégique, conçu à la lumière des expérimentations menées depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, assurera, selon moi, la cohérence des interventions économiques des collectivités territoriales, dans un souci de clarification des compétences et d’amélioration de la lisibilité.
Les modalités de co-élaboration de ce schéma par les régions, les collectivités territoriales infrarégionales et leurs partenaires vont faire l’objet d’un débat nourri. Prescriptif, ce document définira les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’international et d’investissement immobilier ; il permettra d’assurer la complémentarité des actions menées par l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements, et d’éviter que les aides versées par ceux-ci ne soient des vecteurs de délocalisation des entreprises au sein de la région ou au détriment des régions limitrophes.
Il s’agit, je le répète, d’améliorer la lisibilité des interventions, mais aussi, notamment, de simplifier les procédures et de réduire la dispersion des moyens, tous objectifs auxquels tiennent fortement les entreprises et les collectivités territoriales.
Seulement, madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’ai quelques bémols à formuler. En effet, cette architecture de la compétence économique impose au législateur de clarifier l’action publique en faveur des entreprises, en octroyant à la région une compétence exclusive pour ce qui concerne les interventions économiques directes et indirectes qui devra être exercée en liaison avec l’exercice par le bloc communal de sa compétence exclusive en matière immobilière et de foncier d’entreprise – une compétence que les régions reconnaissent tout à fait.
À cet égard, l’amendement n° 758 rectifié du Gouvernement vise à supprimer la notion d’interventions économiques en tant que compétence exclusive des régions au prétexte, selon son objet – j’en suis quelque peu étonné – qu’elle restreindrait la capacité des EPCI en matière de création de zones industrielles. L’expression « interventions économiques » a pour finalité, au contraire, de couvrir, au-delà de la simple allocation d’aides directes aux entreprises, l’ensemble de ce que l’on appelait auparavant les « aides indirectes ».
L’objectif est bien de proposer un interlocuteur unique à toutes les entreprises du territoire régional en matière d’interventions économiques hors secteurs immobilier et foncier, et de mettre en cohérence au sein d’un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation co-élaboré l’ensemble des interventions en faveur des entreprises, afin que ces dernières s’approprient les stratégies régionales.
Enfin, je m'exprimerai sur les capacités de financement de l’action publique en cohérence avec ces deux compétences exclusives, et mes propos feront sans doute réagir certains d’entre vous, mes chers collègues. En effet, le projet de loi supprime les compétences des départements en matière d’interventions économiques sans prévoir, dans le même temps, l’octroi aux régions des ressources correspondantes. Cette situation met gravement en péril les entreprises susceptibles d’en bénéficier à l’heure où elles ont pourtant plus que jamais besoin d’être soutenues et accompagnées.
Il est donc nécessaire que l’exercice des deux compétences exclusives susvisées s’accompagne d’un transfert de fiscalité permettant de redéployer vers les régions et le bloc communal la somme de 1,6 milliard d’euros que les départements consacraient jusqu’alors au soutien aux entreprises, sous peine de voir baisser l’effort national en faveur des entreprises.
Par ailleurs, comme le Premier ministre l’avait dit, il convient de tirer les conséquences sur la fiscalité économique de la clarification proposée sur les compétences en matière de développement économique en redistribuant la CVAE aux deux seuls échelons qui disposeront d’une compétence exclusive en l’espèce, à savoir l’échelon communal-EPCI-métropoles et les régions. (M. René-Paul Savary s'exclame.) C’est l’objet de deux amendements que je présenterai tout à l'heure.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 195 est présenté par M. Collombat.
L'amendement n° 825 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 195 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 825.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement, de principe, tend à la suppression de l’article 2, pour quatre raisons essentielles.
Si nous ne sommes pas opposés au renforcement des compétences économiques des régions, nous ne pouvons accepter qu’il intervienne sans la moindre réflexion, sans la moindre proposition en termes de moyens financiers et budgétaires en faveur de celles-ci pour leur permettre de mettre en œuvre ces compétences et de faire face à leurs obligations.
De même, nous ne pouvons accepter qu’aucun objectif ne soit fixé à un tel développement des actions économiques des régions, hormis celui de veiller à ce que ces actions ne contribuent pas aux délocalisations au sein de la région ou d’une région limitrophe. Rien n’est déterminé en termes d’emploi, de conditions de travail, de formation, d’élévation des qualifications ou d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Rien n’est non plus prévu en matière de contrôle des fonds publics ainsi utilisés.
Nous ne pouvons pas non plus accepter que le renforcement de cette compétence économique des régions s'effectue au détriment de la libre administration des autres collectivités qui mènent des actions dans ce domaine et qui, demain, ne le pourront plus.
Cela dit, l’article 2 crée un nouveau concept, une nouvelle notion juridique non prévue par la Constitution, avec laquelle elle entre même en contradiction : il fait de la région la collectivité responsable des orientations en matière de développement économique, et donne de ce fait à cette dernière une tutelle sur les autres collectivités, ce qui est en principe rigoureusement interdit par notre loi fondamentale.
Enfin, pour que la région puisse imposer ces orientations et les rendre opposables aux autres collectivités, le préfet est appelé à approuver le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Ce faisant, le texte rétablit un contrôle a priori des préfets sur l’action de la région et, par ricochet, sur celle des autres collectivités.
Nous ne pouvons donc pas davantage accepter ce recul en matière de décentralisation par la remise en cause de l’un des piliers essentiels des lois de 1982 qui ont justement aboli la tutelle préfectorale et son contrôle a priori, remplacé par un contrôle a posteriori.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission tenant beaucoup à l’article 2, elle ne peut qu’être défavorable à sa suppression !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement avait proposé un système équivalent. À l’issue du travail de la commission, des avancées intéressantes ont été réalisées, et d’autres évolutions auront probablement lieu.
Quoi qu’il en soit, madame Assassi, vous dites qu’il n’y a pas de conditionnalité en matière de formation professionnelle ou d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Mais on ne peut à la fois défendre la liberté des collectivités locales et demander que la loi fixe les conditions, y compris politiques, d’exercice des compétences ! (Mme Éliane Assassi s'exclame.) Et la conditionnalité des aides relève justement de l’assemblée délibérante, qui sera jugée en fonction de la mise en œuvre de celles-ci.
Si nous définissions le type de conditionnalité de telle ou telle collectivité, mieux vaudrait en revenir à la situation qui prévalait avant la décentralisation, et ne plus rien décentraliser du tout !
Mme Éliane Assassi. Et la clause de compétence générale ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La conditionnalité des aides est un vrai sujet, et suscite débat depuis longtemps. Autant je pense que vous avez parfaitement raison de souligner son intérêt, autant il me paraît évident qu’elle ne saurait relever de la loi, mais relèvera seulement de chaque assemblée.
Par ailleurs, quand une collectivité a la responsabilité du développement économique et de la cohérence de l’action, elle est responsable de tous les territoires. Cette notion de responsabilité – il s’agit de s’interroger sur ce que l’on fait et sur la façon de rendre compte – ne me gêne pas du tout.
Madame Assassi, votre amendement étant en totale opposition avec projet de loi, le Gouvernement ne pourra qu’y être très défavorable si vous le mainteniez, ce que je crains…
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. La position que je défends me paraît équilibrée.
Les régions ne peuvent pas dire aux métropoles qu’elles accapareront tout le pouvoir en termes d’innovation, de matière grise en ne leur laissant que la construction des murs. Aucun président de métropole, quelle que soit sa couleur politique, ne pense qu’il n’est pas de son devoir de favoriser le développement économique sur son territoire en faisant travailler ensemble les universitaires, les chercheurs, les entrepreneurs… Encore aujourd'hui, ce n’est pas facile, mais l’on commence à fabriquer des écosystèmes performants. Alors je vous le dis : on ne peut pas casser cela, sauf à détruire toute la dynamique existante.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais on ne le casse pas !
M. Gérard Collomb. Pour ma part, je pense qu’il faut trouver une juste articulation entre ce que doivent respectivement faire les régions et les métropoles.
Par ailleurs, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, demain, nos débats seront lus et interprétés par le juge administratif quand un conflit éclatera sur tel ou tel point. S'il apparaît que nous avons décidé que la région s'occupe de manière exclusive de l’innovation ou du développement économique, vous vous exposerez à des difficultés pour développer certains projets.
Je vais prendre un exemple. À Lyon, les sciences du vivant sont fondamentales : la moitié du développement de la ville en découle. Or si, demain, la majorité régionale choisit de renoncer au développement d’un laboratoire P4 – on y manipule des virus du type Ebola – pour des raisons qui lui sont propres et ne l’inscrit pas dans le schéma, alors les sciences du vivant seront, en quelque sorte, jetées à la poubelle !
Si nous allons dans cette direction, nous rencontrerons de grandes difficultés au cours des prochaines années. C'est pourquoi je souhaite que la position équilibrée retenue par la commission soit acceptée.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 826, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s'agit d’un amendement de repli.
Dans la filiation des réformes de 2004, qui ont introduit dans la Constitution la notion de « chef de file », la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a désigné la région comme chef de file dans le domaine de l’action économique.
Les alinéas 2 et 3, dont nous demandons la suppression, abrogent de fait ce chef de filat.
Certes, nous n’avons pas soutenu la loi précitée, non parce que nous refusions le travail en commun, nécessaire, des collectivités territoriales, mais parce que nous estimions qu’octroyer à une collectivité la mission d’organiser l’action publique de toutes les collectivités dans un domaine donné était contraire au principe de libre administration.
Nous aurions préféré, comme nous l’avions alors expliqué, que les chefs de file coordonnent et impulsent l’action publique, sans en être forcément les organisateurs.
Or le texte qui nous est soumis ce jour va encore plus loin dans la remise en cause du principe de libre administration, car, comme nous venons de le voir, il fait de la région la collectivité responsable de l’action économique. Son schéma s’imposera aux autres collectivités, celles-ci ne pouvant plus intervenir.
Finalement, nos craintes se sont révélées fondées. L’objectif était bien de ficeler, d’encadrer l’action des collectivités par le biais de la détermination et de la mise en place des chefs de file, qu’il faut aujourd'hui redéfinir.
Mais cela n’étant pas encore suffisant, vous nous proposez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, d’entraver encore plus l’action de ces collectivités en instituant une véritable tutelle de l’une sur les autres.
Parce que nous le refusons, nous vous soumettons, mes chers collègues, cet amendement qui tend à la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 2.
Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par MM. Grand et Lemoyne.
L'amendement n° 225 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 653 est présenté par M. Collomb.
L'amendement n° 682 est présenté par Mme Micouleau.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.
M. Jean-Pierre Grand. Nous sommes au cœur du sujet. Dès lors que l’on supprime la qualité de chef de file en matière de développement économique, il s'ensuit évidemment l’attribution d’une compétence presque exclusive aux régions. Mais alors, pourquoi avoir créé les métropoles ? Tous les présidents de métropole ne peuvent imaginer une seconde qu’ils n’auront plus de compétence économique ! Certes, on nous dit qu’une partie demeurera… Monsieur le maire de Lyon, vous avez raison de rappeler que la justice sera susceptible de rendre des décisions remettant en cause celles des métropoles.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, j’ai de bonnes raisons pour vous tenir ce discours. Au départ, j’étais opposé à la métropole de Montpellier. En effet, à la différence des autres métropoles, nous n’avions pas eu le sas de décompression, si j’ose dire, de la communauté urbaine, et j’avais estimé à l’époque que passer directement de la communauté d’agglomération à la métropole méritait, à tout le moins, discussion. La commission mixte paritaire a fait en sorte que la transformation de Montpellier – de même que celle de Brest, me semble-t-il – en métropole nécessite le vote des communes et du conseil d’agglomération.
Je me suis rangé à cette idée, dans la mesure où je savais que la métropole aurait avec la région une compétence partagée, à nos yeux essentielle, dans le domaine économique. Je travaille toutes les semaines avec ma collègue de Toulouse dans le cadre de l’élaboration de la future grande région. Nous parlons non pas de football, mais bel et bien d’économie !
Pouvez-vous imaginer que la métropole de Montpellier ou celle de Toulouse pourraient, demain, ne jouer aucun rôle dans le domaine économique, lequel serait uniquement dévolu à la région ? Ce n’est pas possible dans des villes universitaires, où la recherche explose et où les industries qui y sont liées émergent et enregistrent des résultats fantastiques.
Je demande donc que l’alinéa 2 de l’article 2 soit supprimé. Sinon, tout le travail, toute la volonté des élus, toute la beauté de l’action commune et partagée entre nos régions et nos métropoles seraient réduits à zéro ! On ne peut pas repartir dans nos territoires en devant expliquer que le Sénat de la République a supprimé aux métropoles la compétence économique.
Mme la présidente. L’amendement n° 225 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour présenter l’amendement n° 653.
M. Gérard Collomb. Nous venons de l’entendre, celles et ceux qui représentent les métropoles ne dénient pas aux régions leur rôle dans le domaine économique, ni même en matière de coordination des différentes actions de sorte que celles-ci trouvent une résonance sur l’ensemble des territoires. Mais prévoir une compétence exclusive, c’est impossible ! Ce serait nier tout ce que nous faisons. Dans une métropole, le développement économique passe d’abord par l’action des élus.
Je me souviens d’un temps où Montpellier était une toute petite ville, qui n’apparaissait pas sur les radars nationaux. Puis, à force d’énergie, elle a attiré les universitaires et les entreprises. Des start-up sont apparues, et c’est désormais une grande agglomération.
C’est exactement ce que nous voulons continuer à faire. Je l’ai dit tout à l’heure, un tel développement ne bénéficiera pas simplement aux métropoles, mais diffusera dans tout le territoire. Par conséquent, nous devons étudier le moyen de mettre en place une telle articulation, pour que l’expansion des métropoles s’étende à l’ensemble du territoire.
J’écoutais tout à l’heure M. Pierre Jarlier au moment de la discussion de l’amendement sur l’égalité des territoires. Mais pour assurer cette égalité, une proclamation ne suffit pas ; il faut ensuite des actions concrètes.
Permettez-moi d’évoquer de nouveau la métropole de Lyon. Michel Mercier et moi-même, nous avons réuni les compétences, sur le territoire de l’agglomération, de la communauté urbaine et du département. Nous sommes-nous désintéressés pour autant des territoires périphériques ? Non, nous avons prévu une dotation de compensation de 75 millions d’euros par an, pour développer les territoires autour de la métropole. Cela, c’est de la solidarité concrète. Il s’agit non pas simplement d’afficher un principe vague, mais de donner du corps à notre volonté.
Donnons donc de la chair à nos textes et permettons un développement solidaire des métropoles, de leur périphérie et de l’ensemble des territoires, en particulier ruraux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° 682.
Mme Brigitte Micouleau. Je défends un amendement identique à ceux qui ont été déposés par MM. Jean-Pierre Grand et Gérard Collomb, que je remercie de leurs propos.
Selon moi, la région doit conserver son rôle de coordinateur en matière de développement économique, tout en permettant aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements d’exercer leurs compétences dans ce domaine.
Il faut trouver une juste articulation, sans casser tout ce qui existe, comme vous l’avez indiqué monsieur Collomb. La métropole ne peut pas vivre sans développement économique !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces amendements visent simplement à revenir à la loi précédente, aux termes de laquelle la région est le chef de file. Mais si le chef de filat et les schémas sont conservés, comment le système pourra-t-il fonctionner ? Ainsi, si le texte vise à abroger ces dispositions, c’est parce qu’un nouveau dispositif est adopté.
Je le répéterai autant de fois qu’il le faudra, il n’est pas question de remettre en cause les responsabilités des métropoles, M. Collomb m’en a d’ailleurs donné acte. Le texte proposé par la commission et qui sera précisé à la suite de l’adoption d’amendements ne vise à remettre en cause ni la responsabilité des métropoles ni celle de l’ensemble des intercommunalités, lesquelles, je vous le rappelle, ont des compétences obligatoires en matière économique. Même la communauté de communes la moins sophistiquée des intercommunalités à fiscalité propre possède de telles compétences !
La volonté partagée du Gouvernement et de la commission, c’est de donner aux régions une plus grande responsabilité en matière économique. Or j’ai l’impression que cette volonté suscite une certaine méfiance. (Murmures d’approbation sur les travées de l’UMP.) Mais je ne sais pas pourquoi ! Certes, les territoires les moins proches du noyau dur de la région ont parfois l’impression d’être un peu oubliés sur le plan économique. (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Mouiller. C’est sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La réalité, c’est que ces problématiques sont souvent prises en compte par les départements.
M. Bruno Retailleau. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Selon moi, il faut changer complètement notre organisation. Si la région faisait, en tant que chef de file, ce qu’elle voulait en matière économique, tel était également le cas des autres collectivités, qui soupçonnaient parfois certaines régions de ne pas être très dynamiques. Ainsi, quand on se penche sur les chiffres relatifs à l’action économique, on s’aperçoit que ce ne sont pas les régions qui dépensent le plus, puisque les départements, monsieur Patriat, se situent presque au même niveau d’investissement, ce qui constitue tout de même un paradoxe !
Nous avons donc essayé de trouver des solutions à ces problèmes, non seulement pour permettre une unification, mais aussi pour éviter une perte d’efficacité de l’action des collectivités. Or tel est le cas si tout le monde s’occupe de tout, c’est une évidence ! Rappelons-nous ce que nous ont dit les représentants des entreprises, notamment les chambres de commerce et d’industrie. Celles-ci n’ont pas toujours été très élogieuses concernant les collectivités, critiquant le manque de concertation entre elles, ce qui oblige les entreprises à fournir des dossiers extrêmement compliqués à chacune.
Nous avons par conséquent tenté de clarifier la situation, tout en permettant l’élaboration des schémas par toutes les collectivités, de la manière la plus participative possible.
La commission ne peut donc être favorable à ces amendements. En effet, on ne peut conserver le chef de filat et donner des compétences nouvelles aux métropoles. Cela n’aurait aucune cohérence ! Sinon, mieux vaut ne pas voter l’article 2 et ne rien changer, puisque tout va très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. M. Collomb a dit des choses fort justes sur le rayonnement des métropoles, en évoquant également l’époque où les collectivités concernées n’étaient pas nommées ainsi.
Quand on a la chance, ce qui n’est pas le cas de toutes les régions, d’avoir une voire deux métropoles – je pense à la région Rhône-Alpes avec Lyon et Grenoble –, on sent bien que le développement économique est tiré par les métropoles. La région Rhône-Alpes et, demain, la région Rhône-Alpes-Auvergne, ainsi que tous les départements qui la constituent, bénéficieront bien évidemment des retombées de ce qui se passe, notamment, à Lyon. D’ailleurs, les élus de Clermont-Ferrand le savent bien, qui ont soutenu la fusion de ces régions.
M. Jacques Mézard. Une minorité d’entre eux !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Ce fut le cas du maire de Clermont-Ferrand, en tout cas.
Mais qui s’occupera de la question économique ? Ce seront les métropoles, bien sûr, et la région. On n’interdit en aucun cas aux métropoles de continuer à faire ce qu’elles font. Et elles agiront davantage encore demain. En effet, les régions, surtout celles qui seront agrandies, auront tellement à faire hors des métropoles, que, certes, elles n’abandonneront pas le terrain économique, j’en suis à peu près certain, mais elles laisseront les métropoles continuer à jouer le rôle éminent qui est le leur. Je fais confiance à l’intelligence des élus, aux hommes et aux femmes qui seront, demain, à la tête des régions et des métropoles, pour s’entendre, sous le contrôle des citoyens, des médias et des entreprises, pour faire le maximum et agir dans la même direction.
Qui peut imaginer une seconde que le président de telle ou telle région entrera en concurrence avec celui de telle ou telle métropole ? (Sourires.)
M. Michel Savin. C’est pourtant le cas aujourd'hui !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Et si c’était le cas, qui peut penser qu’une telle situation pourrait durer ? Les élus sont des personnes responsables, y compris, et peut-être même surtout, quand ils ne sont pas de la même couleur politique !
Je l’ai dit l’autre jour à Lyon, où vous m’aviez convié, monsieur Collomb. Vous aviez réuni tous les présidents des communautés urbaines, notamment de Bordeaux et de Nice. Nous avons évoqué ces questions durant toute une matinée, et nous sommes tombés d’accord : il convient de faire confiance à l’intelligence des élus des métropoles et des régions, pour faire en sorte qu’elles soient ensemble, demain, les moteurs du développement économique.
Aux yeux du Gouvernement, ces amendements n’ont donc pas lieu d’être.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. J’ai bien entendu les discours sur les métropoles qui donnent le sentiment que seules ces dernières auront intérêt à l’avenir à s’intéresser à leur territoire.
Or, alors que ma région avait perdu 25 000 emplois dans le secteur du textile et que ce territoire n’avait plus aucun avenir, le conseil général a décidé de développer l’enseignement supérieur et de créer une université et une école doctorale, dont la réputation internationale est excellente, qui forment aujourd'hui 10 % des ingénieurs en France. Autour, nous avons mis en place une pépinière et des hôtels d’entreprises. C’est le département qui a bâti cette technopole, que tout le monde vient voir. Vous-même, monsieur le président du conseil régional de Bourgogne, vous vous y êtes rendu, et vous avez apprécié ce que nous avons fait.
Au sein de la nouvelle région qui sera la nôtre, la métropole la plus proche est située à 400 kilomètres de notre territoire ! Faudra-t-il attendre que le développement progresse concentriquement pour qu’il arrive jusqu’à nous ?
Nous ne remettons pas en cause le texte visant à confier la réalisation du schéma aux régions. Soit, les régions seront responsables des primes et des entreprises en difficulté. Jusqu’à présent, elles n’ont jamais voulu s’en occuper ! Nous sommes les seuls à le faire ! Une telle évolution ne me pose aucun problème : les régions peuvent, demain, s’occuper de toutes les entreprises en difficulté. Croyez-moi, elles auront du pain sur la planche !
Au nom de ce que nous avons créé, au nom de notre capacité à créer des entreprises nouvelles que toutes les technopoles de France viennent voir, je réclame, pour nos territoires éloignés des métropoles, le droit d’exister dans le nouveau système, en passant des conventions avec la région. Pourtant, monsieur Hyest, vous n’avez pas cité tout à l’heure le département comme l’un des acteurs possible, aux côtés de la région, permettant de faire progresser les territoires qui en ont besoin.
Je le répète, je n’ai de problème ni avec les métropoles ni avec la responsabilité économique des régions. Mais nos territoires ont aussi le droit de vivre ! (M. Michel Bouvard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. J’entends que les métropoles tireraient l’économie du territoire à elles seules et que, selon un message quelque peu « paupériste » à l’égard de l’hyper-ruralité, les départements construiraient des universités. Je n’ai pas visité toutes les régions de France, mais j’en connais quelques-unes. Les régions ne s’intéresseraient pas à l’enseignement supérieur, ne créeraient aucun incubateur ou pépinière d’entreprises, n’assureraient pas le lien avec la Banque publique d’investissement et ne s’occuperaient pas des entreprises en difficulté ? Ce n’est pas du tout la réalité.
On prétend que la métropole ne se tournera pas vers tous les territoires. Pourtant, MM. Courtois et de Raincourt peuvent-ils dire que la région Bourgogne n’a pas contribué au développement économique de leur ville ? N’est-elle pas aujourd’hui le moteur du développement de l’économie ?
Si nous devons clarifier la situation au travers de ce texte, il convient, comme le demandent les régions, non pas de leur permettre d’empiéter sur le rôle des autres collectivités, mais de faire en sorte qu’elles puissent assurer pleinement et sereinement, en accord avec les autres collectivités, les missions que la loi leur a attribuées.
Cher ami Gérard Collomb, peut-on imaginer qu’une région s’opposerait à ce qu’un département des neurosciences, soutenu par la métropole, soit créé ou élargi ? C’est impensable ! La région Bourgogne – je l’évoque car je la connais – a toujours accompagné les projets structurants, défendus par les métropoles, les villes, et nous l’avons fait ensemble.
Toutefois, la région a fixé le cadre, et c’est souvent elle qui participe le plus au financement. D’ailleurs, je remarque fréquemment que la région est appelée à financer en dehors de ses compétences, alors que l’inverse n’arrive jamais !
Je citerai un exemple : on demande à la région de contribuer au financement de la route Centre-Europe Atlantique, la RCEA, de l’A7, des contournements de telle ou telle agglomération ou métropole, et elle s’exécute. Mais dès qu’elle sollicite les autres collectivités pour obtenir de l’aide à propos des voies ferrées, personne ne se manifeste. C’est toujours à sens unique, et je pourrais évoquer de nombreux exemples similaires.
Ne retombons pas dans ces guerres picrocholines qui ont lieu depuis des années. Soit on élabore une loi qui ne sert à rien et l’on ne change rien, soit on vote un texte qui clarifie, qui permet de réaliser des économies et rend plus performant. Tel est, je le crois, l’objet du présent projet de loi que je soutiendrai. (Mme Nicole Bricq applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Ce sujet est extrêmement important et doit à ce titre être éclairci.
La France connaît un chômage de masse endémique, et toutes les politiques publiques doivent avoir pour objectif de le faire diminuer. La compétence économique a pour finalité le développement de l’emploi dans notre pays. Il est donc important que les pierres que nous allons poser aujourd’hui soient comprises de tous.
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je voudrais savoir si je comprends bien l’intention de la commission.
La compétence économique doit allier, selon moi, à la fois l’efficacité et une forme de souplesse. En France, on adore les jardins à la française, mais la réalité est souvent un peu plus complexe. Si j’ai bien compris, le texte de la commission prévoit un certain nombre d’instruments destinés à apporter un peu de souplesse…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Bruno Retailleau. … et à clarifier la compétence générale. La région définirait l’orientation, mais les autres niveaux de collectivités seraient associés.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Plus que cela !
M. Bruno Retailleau. Je vais vous exposer ce que j’ai compris et vous m’indiquerez si je me trompe ou non.
Premier instrument de souplesse : la commission a-t-elle bien dans l’esprit que la commune, donc la métropole, et l’intercommunalité via la commune conservent la clause générale de compétence ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Cette clause générale de compétence inclut donc, pour ce niveau, communal et intercommunal métropolitain, la compétence économique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Bruno Retailleau. Veuillez m’excuser d’être un peu pédagogique, mais le sujet l’impose.
Deuxième instrument de souplesse : la commission a-t-elle bien retenu le principe non pas de stricte conformité, mais de compatibilité par rapport au schéma ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Bruno Retailleau. Troisième instrument : dans l’élaboration des schémas régionaux, la commission a-t-elle prévu un mécanisme de coproduction tel que les régions ne puissent pas ignorer des avis majoritaires émanant d’intercommunalités, de partenaires au sein des conférences territoriales de l’action publique ?
Tout à l’heure, monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que la CTAP pourrait obliger les régions à procéder à une deuxième lecture, sur l’initiative d’une majorité de collectivités présentes au sein de cette conférence. La réponse est donc : oui.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, allez-vous émettre, au nom de la commission, un avis favorable sur l’amendement déposé par notre excellent collègue Michel Mercier qui tend à prévoir des conventions, notamment avec les intercommunalités, en matière de développement économique ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur Oui !
M. Bruno Retailleau. Enfin, puisque Philippe Adnot n’a pas encore obtenu de précision, la voie de la convention restera-t-elle possible entre les régions dans le cadre du schéma et avec les départements ?
M. Bruno Retailleau. Si vous répondez « oui » à l’ensemble de ces questions, vous aurez levé les préoccupations d’un grand nombre d’entre nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien qu’étant rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, je ne me suis pas encore exprimée dans ce débat, mais nous avons déjà eu, sur ce thème, une petite discussion au sein de la commission des lois.
Nous entrons dans le cœur du sujet, la mécanique des interventions économiques : tout en retissant des liens entre les collectivités et en accordant un grade supplémentaire à la région dans le pilotage de la stratégie de développement économique et l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation tout en lui donnant le pouvoir réglementaire dans ce domaine et, de ce fait, un rôle nettement plus important qu’avant, nous devons déterminer, comme vient de le rappeler Bruno Retailleau, la traduction concrète de ces orientations dans le présent texte.
C’est vrai, rien n’empêche une commune ou une intercommunalité, qui conservent la clause de compétence générale, de soutenir un projet de développement économique, quel qu’en soit le sujet.
La commission des affaires économiques avait d’ailleurs approuvé à l’article 2 un amendement allant dans ce sens, et l’idée qu’il contient a été reprise par la commission des lois. Les deux commissions ont donc pu se rejoindre sur le principe de la co-élaboration, et c’est un premier point dont je me réjouis, car j’approuve pleinement l’analyse de mes collègues.
Un second volet a été également très largement précisé par M. le rapporteur et par Michel Mercier : la validation par la CTAP de la co-élaboration. Ces précisions sont rassurantes, sécurisantes.
M. Michel Bouvard. Voilà !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. En revanche, nous avons une petite divergence de vues sur la validation et l’articulation, territoire par territoire, qu’il soit départemental, métropolitain ou intercommunal, de projets économiques entre la région et les territoires.
Comment pourrons-nous, grâce à des conventions territoriales d’exercice concerté, alors que les pouvoirs de la région seront nettement plus importants qu’avant, disposer d’un document empêchant la région d’imposer ses décisions par exemple à un territoire métropolitain ? Certes, ce dernier fait ce qu’il veut chez lui, mais avec les financements, ou non, de la région.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. En effet, la région est maître des orientations stratégiques sur le territoire régional. Toutefois, elle peut travailler avec ses partenaires, les rassurer, les sécuriser sur l’orientation stratégique future au sein de chaque territoire.
Par exemple, la région pourra décider dans son schéma que la logistique sera coordonnée dans deux périmètres bien identifiés de son territoire et distincts de la métropole de Lyon, sauf s’il s’avère que plusieurs industries ont absolument besoin d’un pôle de développement logistique essentiel.
Un schéma peut très bien avoir été présenté et co-élaboré et ne pas faire consensus, car il n’a pas été contractualisé dans ces conventions territoriales. Vous pourrez bien sûr imaginer un schéma, monsieur Collomb, mais si la région n’est pas d’accord avec vous, vous n’obtiendrez aucun financement régional et pas davantage de fonds structurels européens dont il revient à la seule région de déterminer l’opportunité et d’accorder ou non le bénéfice. Concrètement, vous pourrez mettre au point votre projet, mais vous disposerez du tiers des financements nécessaires pour le réaliser.
MM. Bruno Retailleau et Gérard Collomb. C’est déjà le cas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai aujourd’hui !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Oui, mais on renforce les compétences des régions. C’est une nécessité pour qu’il y ait un pilote dans l’avion, mais il faut…
M. Bruno Retailleau. De la souplesse !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Cette nuance est importante et prévue par l’amendement de Michel Mercier qui tend à permettre des conventions. Celles-ci doivent être systématiques,…
M. Michel Bouvard. Sécurisées !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. … afin de rassurer l’ensemble des territoires quant à la possibilité d’un travail partenarial avec chacun d’entre eux à l’égard d’une stratégie régionale de développement économique.
Pour avoir été longtemps élue régionale et pour être présidente d’intercommunalité, je suis sensible aux deux niveaux et très favorable à ce partenariat, à un binôme, en quelque sorte, entre un échelon qui définit des stratégies et des instances territoriales qui les mettent en œuvre et connaissent parfaitement la politique économique des territoires.
Les différents niveaux doivent construire ensemble ces priorités stratégiques de façon cohérente : l’arbitrage de la région doit ensuite être affiné, territoire par territoire, au moyen de conventions territoriales d’exercice concerté. L’absence de telles conventions entraînerait systématiquement des difficultés, car des régions peuvent être très proactives et d’autres moins. C’est une sécurité pour les uns et les autres. Pour autant, la compétence forte des régions n’est pas remise en question. (Mme Annie Guillemot applaudit.)
Mme la présidente. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous propose de prolonger la séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen de ce texte. (Assentiment.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je m’étais exprimé avant l’examen des amendements pour répondre aux interrogations de nos collègues. Je croyais avoir à peu près tout dit, mais je m’aperçois que je n’ai pas été compris. C’est toujours ennuyeux, car dans ce cas on ne peut pas se mettre d’accord.
Premièrement, en vertu de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales que je ne cesse de vous rappeler, mes chers collègues, on peut conventionner, on peut déléguer. C’est une disposition générale.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. On peut…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je citerai une nouvelle fois l’exemple d’une grande région, l’Île-de-France, qui dispose de la compétence en matière de transports scolaires mais qui n’est pas capable de l’exercer. Elle a donc délégué les transports scolaires aux départements de grande couronne, car ce domaine ne relève habituellement pas de la région.
Deuxièmement, en matière économique, il y a une compétence spécifique des métropoles et des intercommunalités. Le développement économique est l’une des compétences des intercommunalités – elles peuvent l’exercer plus ou moins bien –, que les communes doivent obligatoirement leur déléguer. Cela n’est pas récent et date au moins, je vous le rappelle, des lois Chevènement.
Par conséquent, la région n’est pas la seule à détenir une compétence économique. Notre action a consisté à sécuriser le rôle des intercommunalités et des métropoles dans le cadre de la compétence plus forte des régions en matière économique.
C’est vrai, le département a joué un rôle – quelquefois d’ailleurs parce que d’autres ne l’assumaient pas,…
M. Michel Bouvard. Exact !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … ce qui est regrettable. On peut concevoir que les conseils départementaux agissent dans le cadre de conventions. Au reste, ces derniers seront associés à l’établissement du schéma. C’est le principe de la co-élaboration : la région ne décide pas toute seule, dans son coin. Il est important de le rappeler !
À travers ce texte, nous tentons d’assurer l’attribution de compétences aux régions. Nous avons examiné l’amendement de Michel Mercier après l’établissement du texte de la commission. Plus largement, nous avons été à l’écoute de toutes les interrogations de nos collègues.
Monsieur Retailleau, je réponds « oui » à toutes vos questions ! Je relève simplement une légère divergence entre Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et la commission des lois : de même que la région, les intercommunalités ne peuvent imposer leurs vues,…
M. Alain Bertrand. La région n’est pas obligée de financer !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … faute de quoi on renverserait la logique suivie. On ne peut pas en venir à contraindre tel ou tel acteur.
M. Gérard Collomb. Non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À cet égard, l’amendement de M. Mercier me paraît intéressant : les régions peuvent contractualiser ou aider des opérations spécifiques, ce en dehors de conventions puisque l’économie relève des compétences régionales.
Je le répète, nous nous sommes réellement efforcés de tenir compte de toutes les interrogations, afin que ce schéma régional soit, pour la région tout entière, un vecteur de progrès. De surcroît, nous avons essayé de réduire le nombre des interlocuteurs. Nul n’ignore que, dans tel ou tel cas, on aboutit à un jeu de chasse aux subventions.
Parallèlement, il faut permettre à toutes les collectivités d’agir en matière économique, à l’exception du département. Ce dernier pourra poursuivre son action en la matière, dans le cadre de conventions, mais il ne disposera plus à terme de compétences propres de cette nature, c’est certain.
Vous le savez : les régions ont fini par admettre, non sans de grandes difficultés, que ce n’était pas en s’attribuant les routes, les collèges, etc. qu’elles deviendraient de grandes institutions.
M. Bruno Retailleau. Mais elles réclament toujours les routes !
M. Michel Bouvard. Et elles les prennent !
M. François Patriat. Pas les routes !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, monsieur Retailleau, le Gouvernement le croit peut-être, mais nous allons lui faire comprendre que ce n’est pas possible. (Sourires.)
M. Michel Bouvard. Et la RN 90 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Passez-moi l’expression, mais ce sont des querelles de marchands de tapis. Là n’est pas l’essentiel.
Un accord a abouti entre les régions et les départements : il faut accepter que les régions soient véritablement les pilotes en matière économique.
M. Bruno Retailleau. Je suis d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire. Tout travail peut être amélioré. Cela étant, si l’on veut, par le biais d’un certain nombre d’amendements, maintenir le chef de file, je vous le dis franchement : on peut d’emblée abandonner les articles 2 et 3 du présent texte et passer à autre chose.
M. Jean-Pierre Grand. Pourquoi pas ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’espère avoir répondu à vos légitimes interrogations !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Avant tout, je tiens à remercier M. le rapporteur. L’exercice qu’il mène est compliqué. Il s’est beaucoup investi dans l’examen du présent texte, qui renferme un grand nombre d’articles, et je lui sais gré des précisions qu’il vient de nous apporter.
Je tiens à réagir à ses propos au regard de l’intervention de Valérie Létard.
Les conventions sont parfaitement possibles, y compris vis-à-vis des départements,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. … M. le rapporteur vient de nous le dire. Au reste, dans un certain nombre de régions, l’intervention par voie de convention restera à mon sens nécessaire pour prévenir tout jacobinisme régional. Tel est l’esprit des propos que nous avons entendus voilà quelques instants.
À cet égard, je me demande si Michel Mercier accepterait de rectifier son amendement n° 698, afin d’étendre lesdites conventions non aux seules intercommunalités mais à l’ensemble des territoires. Le terme générique « territoires » permettrait d’inclure toutes les collectivités et intercommunalités.
M. le rapporteur nous l’a judicieusement rappelé : le code général des collectivités territoriales contient déjà cette disposition. Son introduction dans le présent projet de loi offrirait une sécurité à l’ensemble des acteurs. Elle permettrait ainsi d’apaiser le débat et de chasser les légitimes alarmes d’un certain nombre de nos collègues, sans pour autant dénaturer les dispositions dont il s’agit.
J’ajoute que nous pourrions, de la sorte, aboutir à un consensus entre les commissions des lois et des affaires économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Ce débat met au jour la volonté qui, aujourd’hui, semble majoritaire au sein de la Haute Assemblée.
D’une part, il faut confier aux régions une responsabilité renforcée en matière économique.
D’autre part, il faut tenir compte des grandes agglomérations, notamment des métropoles, même si, comme Mme la rapporteur pour avis l’a indiqué, il ne s’agit pas uniquement d’elles.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous n’avons jamais dit le contraire !
M. Gérard Collomb. Il faut que ces acteurs puissent poursuivre leur action économique.
Mes chers collègues, ce qui me choque le plus, c’est que la région soit déclarée, au septième alinéa de l’article 2, « seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire. » Ne pourrait-on pas supprimer le mot « seule » ? Contrairement à ce que suggère cette disposition, il faut chercher à articuler les initiatives des régions avec celles des autres acteurs économiques du territoire ! Supprimer ce mot aurait le mérite de donner une première concrétisation à nos discussions. (Mme Caroline Cayeux et M. Jean-Pierre Grand applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Mes chers collègues, à mon tour, je vous déclare qu’il me semble absolument nécessaire d’éviter toute ambiguïté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y en a pas !
M. Jean-Pierre Grand. Si l’on affirme que la région est « seule compétente en matière économique », on suggère que les autres collectivités ne le sont pas.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. (Brandissant le rapport de la commission des lois.) Sans préjudice !
M. Alain Bertrand. Le mot « seule » tend à exclure !
M. Jean-Pierre Grand. Tout à fait, mon cher collègue.
Aussi, monsieur le rapporteur, il me semble que vous pourriez faire dans notre direction un petit pas qui, à nos yeux, serait une immense avancée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Ce n’est pas possible !
Mme Nicole Bricq. Et ce n’est pas un petit pas !
M. Jean-Pierre Grand. Aujourd’hui, il est impératif de sécuriser juridiquement l’ensemble de ces dispositions. Il ne faudrait pas que la Cour des comptes vienne demain nous expliquer que tel ou tel acteur exerce des compétences qui ne sont pas les siennes, et que des contentieux s’ensuivent. Nous demandons simplement à travailler dans la sérénité.
La situation est suffisamment compliquée comme cela sur le terrain. Nous avons suffisamment de soucis pour tenter d’industrialiser nos territoires, nous éprouvons suffisamment de craintes face à un chômage grandissant : décrochons dès maintenant cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes !
Vous l’aurez compris, je rejoins totalement M. le maire de Lyon sur ce point. Les maires de la métropole de Montpellier souscrivent unanimement à cette analyse, et je suis certain qu’il en va de même dans la France entière. Pourquoi une commission parlementaire ne tiendrait-elle pas compte d’une telle demande – je dirai même une telle supplique, tant cet enjeu est essentiel pour nous ? Il s’agit de la base de notre action, du fondement de nos préoccupations.
Monsieur le rapporteur, je vous en prie, sécurisons l’action des différents acteurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà qui suffit !
Mme la présidente. Monsieur Mercier, pourriez-vous répondre brièvement à la demande que vous a adressée M. Retailleau ?
M. Michel Mercier. Madame la présidente, je doute qu’il me soit possible d’être bref sur un tel sujet. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Cela étant, je vais tâcher de répondre le plus rapidement possible.
Sur ce problème complexe, il me semble que nous confondons deux questions, et que c’est la raison pour laquelle nous ne parvenons pas à trouver une bonne solution.
Le Gouvernement et la commission ont la volonté de reconnaître à la région la compétence la plus complète possible en matière de développement économique. C’est vrai que d’autres dispositions fixent, notamment pour les EPCI, cette attribution comme la première compétence obligatoire. On aboutit partant à des situations quelque peu contradictoires.
Toutefois, si on lit attentivement le présent article, on constate que la compétence économique de la région porte sur la définition des moyens d’action. Il ne s’agit donc pas nécessairement de ces moyens eux-mêmes. (M. Bruno Retailleau opine.)
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Il s’agit de l’orientation !
M. Michel Mercier. J’entends bien les remarques formulées, notamment, par MM. Adnot et Retailleau, sans oublier bien sûr les propos tenus par M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois.
Une réponse ne figure-t-elle pas à l’article 1111-8 du code général des collectivités territoriales que M. Hyest a cité à plusieurs reprises ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Mercier. Cet article organise les délégations de compétences. Plutôt que d’y faire référence en indiquant son seul numéro, on pourrait en transcrire les dispositions dans le présent texte, ce qui satisferait au moins partiellement M. Adnot : rien n’empêche la région de déléguer telle compétence économique à un département. Ce dernier n’obtient pas pour autant cette compétence : la région la conserve, elle l’exerce simplement par son intermédiaire.
Quant à l’amendement que j’ai déposé après le vote du texte de la commission, il traduit une idée initialement exprimée par Valérie Létard. Après avoir constaté que l’amendement déposé par ses soins risquait de mourir assez vite, après les débats de la commission, j’ai déposé cet amendement n° 698, en repli. Il tend à préciser que, pour réaliser son schéma, la région peut conclure une convention avec l’intercommunalité. J’insiste sur le fait que Mme Létard et, plus largement, l’ensemble de la commission des affaires économiques souhaitent l’emploi du verbe « pouvoir » au lieu du verbe « devoir », qui pose un certain nombre de problèmes.
Madame la présidente, pardonnez-moi ces explications un peu longues, qui sont uniquement destinées à clarifier la situation. Compte tenu de l’heure avancée, et étant donné que nous avons déjà accumulé beaucoup de retard, il me semblerait bon de rédiger clairement ces dispositions à la faveur d’une courte suspension de séance.
M. Alain Bertrand. Oui !
M. Michel Mercier. Je songe notamment à la question de la délégation et à l’exécution du schéma. C’est ce que je suggère à M. le président de la commission et à M. le rapporteur. On pourrait ainsi aboutir à une solution raisonnable aux yeux de chacun et rassurer tous les acteurs en sécurisant leurs actions.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, en vérité, il me semble que nous ne sommes pas très loin d’aboutir à une solution acceptable. (Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, acquiesce.)
J’entends bien les remarques qui ont été formulées par plusieurs orateurs au cours de cette discussion. Je me permets de rappeler que nous nous sommes engagés dans une voie conduisant à spécialiser les collectivités territoriales plutôt qu’à en supprimer un échelon.
Nous avons décidé, par principe, que la compétence en matière de la politique économique, à laquelle nous souhaitons rattacher la politique de l’emploi, serait principalement attribuée au conseil régional et à son président. Il est important de le rappeler.
Parallèlement, les compétences de proximité doivent, à nos yeux, être maintenues à l’échelon départemental – nous aurons l’occasion d’examiner cette question dans la suite de ce débat.
Ainsi, nous disposerons de collectivités fortement caractérisées.
Bien sûr, il faut également prendre en compte le bloc communal et intercommunal, comprenant notamment les métropoles. Il s’agit là d’un enjeu majeur. En effet, nous ne voulons pas porter atteinte à la capacité essentielle dont disposent ces acteurs d’exercer, sur leur territoire et par tous les moyens, des compétences permettant d’assurer le développement économique local. Nous ne voulons pas que l’affirmation de la compétence régionale pour l’économie assèche les responsabilités du bloc communal en matière de développement économique. (M. Jean-Pierre Grand applaudit.) Il s’agit là, pour nous tous, d’un point absolument fondamental. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous ne jugeons pas a priori l’affirmation de la compétence en matière de politique économique de la région incompatible avec la pérennisation de cette responsabilité reconnue de longue date au bloc communal.
Dès lors, un seul point complique le débat. Il s’agit non pas d’un quelconque soupçon – nous sommes d’accord sur le principe, le Gouvernement y compris –, mais de la nécessité d’établir une rédaction claire.
Il me semble que nous devons aussi avoir à l’esprit, dans le cadre de notre discussion sur l’article 2 portant sur le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, l’article 3 à venir. C’est dans ce dernier article que doivent figurer les précisions et clarifications que nous appelons de nos vœux.
Un certain nombre d’éléments de souplesse, précédemment rappelés par M. le rapporteur, ont déjà été prévus, puisque les dispositions de l’article 2 préservent les compétences du bloc communal et de la métropole de Lyon. Mais nous pouvons sans doute faire un peu mieux du point de vue de l’articulation entre l’échelon régional, le niveau départemental et le bloc communal.
En particulier, nous sommes en mesure, si toutefois M. le rapporteur en est d’accord, de préciser l’alinéa 6 de l’article 3 par le biais d’un amendement, que nous pourrions vous présenter dans quelques minutes. Au lieu d’écrire « le conseil régional peut déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leurs groupements », formule un peu générale, nous pourrions opter pour une rédaction plus précise, en indiquant : « le conseil régional peut déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux départements, aux communes et à leurs groupements, ainsi qu’à la métropole de Lyon dans les conditions prévues par la loi. Il peut déléguer la gestion de tout ou partie des prêts ou avances. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Cette précision, me semble-t-il, serait de nature à dissiper une partie des inquiétudes qui ont été exprimées.
Mme la présidente. Monsieur le président, nous en sommes à l’article 2, et non à une éventuelle réécriture de l’article 3. Pour la clarté des débats, je souhaite que nous respections l’ordre de la discussion. La nuit portant conseil, elle permettra à chacun de réfléchir à la poursuite de nos travaux.
Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements qui sont actuellement examinés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous pourrons tous, d’ici à demain matin, relire le texte élaboré par la commission. Certes, certains points ne sont pas explicitement indiqués. Mais lorsque l’on écrit que les dispositions sont applicables sous réserve de tel ou tel article, on vise bien des collectivités ! La région dispose donc de la compétence, mais, bien sûr, sous réserve des compétences attribuées aux autres collectivités. Cette formulation, je me permets de le souligner, n’a rien de monstrueux et existe dans tous les textes de loi. C’est ainsi que les lois sont construites !
En outre, non seulement nous apportons ces réserves, mais la commission présentera aussi – je l’ai rappelé - un amendement relatif à l’alinéa 7 de l’article 2, tendant à ajouter des précisions sur le sujet.
Enfin, je l’ai également mentionné, l’adoption des amendements que nous examinons actuellement reviendrait à maintenir le rôle de chef de filat de la région, alors même que la compétence ne serait confiée qu’à elle. Il y aurait là une incohérence !
Mme la présidente. Compte tenu de nos impératifs horaires, je vous propose, mes chers collègues, de procéder au vote sur ces amendements et de renvoyer la suite de la discussion à demain.
Je mets aux voix l'amendement n° 826.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167 rectifié, 653 et 682.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 44 amendements au cours de la journée ; il en reste 883.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
16
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 15 janvier 2015 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 174, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;
Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (n° 140, 2014-2015) ;
Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 150, 2014-2015) ;
Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 154, 2014-2015) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 157, 2014-2015) ;
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 184, 2014-2015).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat).
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 15 janvier 2015, à zéro heure vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART