Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en mai 2012, l’engagement n° 54 du programme de François Hollande promettait « un pacte de confiance et de solidarité [pour les collectivités], garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel ». Pourtant, les collectivités territoriales abordent l’année 2015 avec anxiété.
M. Michel Savin. Encore une promesse non tenue !
M. Jean-François Husson. Tenues de présenter un budget à l’équilibre, elles sont aujourd’hui confrontées à une baisse drastique des dotations de l’État.
Ce retrait de l’État intervient alors que l’épargne brute des collectivités ne cesse de diminuer depuis 2012 – de presque 10 % –, du fait de la faible croissance des recettes fiscales et des premières diminutions des concours financiers de l’État.
Le ralentissement des dépenses de gestion des collectivités depuis trois ans ne réduit pas l’effet de ciseaux, d’autant qu’une hausse des frais de personnel et des diverses prestations sociales, comme l’a dit notre collègue Vincent Delahaye, a été imposée aux collectivités.
La baisse, déjà observée, de l’épargne brute a une double conséquence : la diminution de l’investissement et l’augmentation de la dette.
Au lieu de considérer que les collectivités avaient apporté leur contribution au redressement des finances publiques et de leur laisser le temps de rétablir l’équilibre de leurs comptes, votre gouvernement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, a fait le choix de programmer une baisse des dotations de 11 milliards d’euros d’ici à 2017 ! Ainsi, les collectivités auront subi une diminution de 28 milliards d’euros, pas moins, de 2013 à 2017.
Le bloc communal sera plus particulièrement visé par ces baisses : alors qu’il représente 56 % des dépenses publiques locales, il supportera une baisse de 70 % des dotations qui lui sont destinées.
Dans votre budget, le montant de l’emprunt est de 200 milliards d’euros environ, pour des investissements de 16 milliards d’euros environ. Les collectivités, soumises, elles, à une obligation d’équilibre budgétaire et ne pouvant emprunter que pour investir, seraient-elles le dindon de la farce ? L’État semble en tout cas avoir plus de facilité à imposer une rigueur budgétaire aux collectivités qu’à lui-même !
Pour illustrer l’effort demandé par l’État aux collectivités, j’indiquerai que le montant total des moyens budgétaires mis en œuvre par les seize communautés urbaines et métropoles est de 11 milliards d’euros, soit le coût de la totalité des actions des communes et des communautés de France en matière de culture et de sport.
De nombreux spécialistes estiment que les dépenses d’équipement vont diminuer de 30 %, sans pour autant freiner l’endettement des collectivités locales, comme nous avons pu l’observer en 2014, des collectivités qui devront donc arbitrer entre la préservation du capital existant et la réalisation de nouvelles infrastructures ou d’investissements répondant à des besoins nouveaux ; je pense notamment au numérique, à la performance énergétique.
Dans le domaine des travaux publics, François Baroin l’a dit tout à l’heure, c’est la perte de 70 000 emplois qui est quasiment annoncée.
Par conséquent, loin de soutenir la croissance, l’effort qui est demandé aux collectivités locales fait peser un risque réel de récession.
La loi de programmation des finances publiques 2015-2017 instaure un objectif national d’évolution de la dépense publique qui regroupe les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités locales, hors amortissement des emprunts.
Le Gouvernement entend ainsi inciter les collectivités à participer à l’effort national de réduction des déficits. C’est logique ! Sinon que, le choix d’un tel indicateur montre à quel point le Gouvernement est dans l’erreur : consolider les dépenses de fonctionnement et d’investissement n’apparaît pas des plus judicieux. L’effort des administrations doit essentiellement porter sur le fonctionnement, afin de dégager de l’épargne et de soutenir les dépenses d’investissement, vertueuses pour le développement économique de nos territoires.
Au-delà de la baisse des dotations, votre gouvernement évoque régulièrement depuis un an l’idée de réformer « sans attendre » la DGF, ce qui suscite questionnement et inquiétude.
Lors des dernières Assises de la ruralité, le relevé de conclusions prévoyait de « rééquilibrer les dotations et aides financières aux collectivités rurales, en faveur des territoires ruraux ».
Si l’on peut accepter de revoir, sur le principe, les dotations aux collectivités, convenons que leurs écarts résultent de calculs connus et ont leur justification. Surtout, évitons que cette question ne dérive trop vite vers le faux débat « urbain contre rural ».
Il convient d’ailleurs de rappeler que la DGF n’est pas une dotation mesurant l’aide de l’État ; elle n’est que le remboursement d’un prélèvement fiscal opéré par l’État en remplacement d’un autre prélèvement fiscal opéré antérieurement par les collectivités locales.
Enfin, s’agissant des dotations aux collectivités locales et/ou des modalités financières de leur accompagnement, permettez-moi, madame la ministre, de formuler une proposition.
Puisqu’il faut essayer de faire mieux avec moins, essayons d’être imaginatifs et audacieux, en sortant quelque peu des sentiers battus. Pourquoi ne pas imaginer un dispositif nouveau et incitatif de dotations qui seraient attribuées par un système de bonification pour les projets d’investissement qualifiés de structurants, qui répondraient à des choix stratégiques s’intégrant par exemple dans des schémas de service et d’équipements élaborés par les élus et participant aux dynamiques de développement et d’attractivité des territoires ? La durée de bonification pourrait être limitée, pour permettre d’adapter le montant des enveloppes dédiées dans le temps et selon les territoires.
L’objectif serait d’inviter les collectivités à hiérarchiser leurs projets et à privilégier les opérations structurantes, considérant qu’aujourd’hui de nombreux projets qui s’inscrivent dans cet esprit et cette démarche ne peuvent plus être financés.
Je pense, par exemple, aux projets scolaires.
Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous prie de conclure, car vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
M. Jean-François Husson. Je conclus, madame la présidente.
L’accueil des enfants, le périscolaire, la restauration scolaire, les lieux de pratique sportive, l’empilement des normes et les nouveaux rythmes scolaires ont progressivement transformé nos écoles, qui se limitaient hier aux seules salles de classe, en de nouveaux « complexes polyvalents de services éducatifs et scolaires », gourmands en espace et fort coûteux.
Si l’on ajoute, par exemple, les équipements sportifs et de loisirs, vous mesurez la nécessité de penser les projets à de nouvelles échelles, pour conforter la vitalité et l’attractivité de nos territoires, de nos villages comme de nos villes : beau défi qu’il nous faut relever ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je consacrerai l’essentiel de mon intervention au fonds de soutien aux collectivités territoriales, mais je souhaite préalablement répondre à ceux de nos collègues qui sont revenus sur le problème des dotations.
Je crois qu’il faut cesser ce jeu qui consiste, un jour, à réclamer des économies et, le lendemain, à crier au loup quand un gouvernement essaie d’en faire.
On peut très bien, aujourd’hui, en tout cas dans un premier temps, procéder à des économies de fonctionnement sans toucher à l’investissement. J’en veux pour preuve la région que je préside actuellement et qui vient d’adopter son budget : nous avons diminué ce dernier, mais nous avons augmenté les dépenses d’investissement de 5 % parce que nous avons réduit les dépenses de fonctionnement de 13 millions d’euros. Nous avons même voté un plan de relance pour l’investissement de 193 millions d’euros pour soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics ainsi que d’autres secteurs, en accélérant des processus précédemment mis en place. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Il est possible de sortir du discours misérabiliste : les économies, il faut en faire, tout le monde est d’accord sur ce point. Cela vaut pour tout le monde, et pas seulement pour les autres…
Je suis d’accord sur le fait que cette baisse du fonctionnement va inéluctablement régler le problème que soulève le projet de loi NOTRe, car nous allons être obligés de nous replier intégralement sur nos compétences obligatoires et d’oublier celles qui sont optionnelles.
M. François Patriat. Évidemment, les collectivités locales que nous aidions disposeront sans doute désormais d’un budget plus limité pour le sport, la culture et l’environnement.
Je veux également dire quelques mots du FPIC, le fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales, dont le mécanisme aboutit aujourd’hui à une situation aberrante, avec de plus en plus de communes contributrices – et ce sont parfois des communes de petite taille –…
M. Alain Marc. Tout à fait !
M. François Patriat. … et de moins en moins de communes bénéficiaires.
Un rapport d’information sénatorial sera remis avant le 1er septembre 2015 sur le sujet. J’en attends beaucoup, espérant que, dans la prochaine loi de finances, il nous permettra d’établir un peu plus de justice et d’équilibre. (M. Michel Bouvard applaudit.)
J’en viens au fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts à risque.
La question de son utilité se pose actuellement avec une grande acuité compte tenu de la hausse du franc suisse. La Suisse a décidé de laisser s’envoler sa monnaie vis-à-vis de l’euro, et de très nombreuses collectivités vont être frappées de plein fouet. Leur cas risque de poser problème au regard du nombre et des montants des contrats de prêt qui avaient été conclus sur la base de la parité entre l’euro et le franc suisse.
C’est une nouvelle douche froide pour les collectivités locales, madame la ministre, car cette appréciation du franc suisse met de plus en plus en péril les finances de beaucoup de communes,…
M. Michel Bouvard. Absolument !
M. François Patriat. … mais aussi de nombreux départements et régions ayant souscrit des emprunts toxiques.
Ce n’est pas le premier coup de semonce pour les collectivités, qui avaient déjà eu des sueurs froides en 2011. Depuis, les choses ont évolué, mais les renégociations avec les banques, notamment la Société de financement local, la SFIL, sont loin d’être achevées. Les collectivités devront pourtant s’y astreindre si elles veulent bénéficier du nouveau fonds de soutien de 1,5 milliard d’euros, créé pour les aider à se « désintoxiquer ».
Un grand nombre des emprunts toxiques « non déclenchés », c’est-à-dire « dormants », car assis sur une parité euro/franc suisse, qui ne posait pas de problème jusqu’à présent, sont aujourd’hui touchés de manière colossale. Très souvent, les taux d’intérêt sont multipliés par deux pour les collectivités, ce qui explique en partie la crainte du monde local.
Institué par la loi de finances pour 2014, le fonds de soutien aux organismes publics ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers structurés à risque est en passe d’être absorbé. Il avait été calibré sur une indemnité de remboursement anticipé globale et simulée à l’instant t, qui ne prenait évidemment pas en compte la possible activation de ce risque.
Je me réjouis que le Gouvernement compte faire un geste envers les 900 collectivités locales ayant souscrit ce type d’emprunts. Après l’appréciation brutale de la devise helvétique, et l’envol des taux d’intérêt affectant ces emprunts, il est urgent d’agir pour éviter des conséquences dramatiques sur les finances publiques.
Est déjà actée une remise à plat des modalités du fonds de soutien, qui serait alimenté par les banques et l’État. Ce fonds devait être initialement doté « de 1,5 milliard d’euros sur quinze ans pour aider les collectivités locales les plus fortement affectées par les emprunts structurés et alléger le coût de sortie de ces emprunts à risque », comme l’a rappelé ici M. le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert – il devrait nous le redire demain matin en commission des finances.
Toutefois, l’appréciation du franc suisse a définitivement rendu la dotation du fonds de soutien obsolète. En effet, la somme de 1,5 milliard d’euros devait couvrir en partie l’indemnité de remboursement anticipé globale – estimée à 6 milliards d’euros – dont devaient s’acquitter les collectivités pour en finir avec cette affaire des prêts toxiques.
Avec l’appréciation du franc suisse, cette indemnité globale a bondi de plusieurs milliards, absorbant le 1,5 milliard d’euros du fonds.
Conscient de l’effet significatif de ces évolutions sur les finances locales, le Gouvernement doit donc faire le point sur les conditions d’accompagnement des collectivités par le fonds de soutien.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, faut-il faire payer davantage les banques ?
Pour résoudre cette crise, la voie retenue semble donc être l’augmentation des moyens du fonds de soutien, ainsi que la répartition de la charge entre État, banques et collectivités locales. Une question reste en suspens : quelle part prendront les banques dans la résolution de cette affaire qui ne les concerne à vrai dire quasiment plus puisque la banque la plus impliquée, la SFIL, est publique ? Je le rappelle, celle-ci a repris la plus grande partie des activités de la défunte Dexia, l’ancien leader du marché des prêts aux collectivités locales.
Si elles ne sont quasiment plus concernées, les banques privées ont toutefois participé à la commercialisation des prêts durant les années 2000 et abritent, pour certaines, des entités qui ont confectionné des produits financiers structurés complexes, ensuite adossés aux prêts souscrits par les collectivités, prêts qui sont à l’origine de cette crise. Avez-vous, madame la ministre, la volonté d’agir pour les faire payer davantage ?
C’est le fonctionnement du fonds qui doit être revu au regard de l’envolée du franc suisse. Ce fonds doit être alimenté, à raison de 200 millions à 300 millions d’euros chaque année, par l’État et par la taxe sur le risque systémique prélevée auprès des banques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus de trente ans après la décentralisation de 1982, les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs au service des citoyens, des entreprises et des territoires. Réalisant plus de 70 % de l’investissement public et assumant à elles seules 21 % de l’action publique, elles constituent un des derniers moteurs actifs de la croissance et préparent, au travers des réalisations d’aujourd’hui, la France de demain.
Ainsi, l’évolution des finances locales est un enjeu non seulement pour l’équilibre économique et budgétaire global de notre pays, mais aussi pour la vie quotidienne des collectivités et des habitants des territoires, dans toute leur diversité.
La brutalité de la baisse massive des dotations, laquelle représentera 12,5 milliards d’euros entre 2014 et 2017, est d’autant plus regrettable qu’elle s’inscrit dans un contexte fiscal nouveau.
Depuis la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités sont privées du pouvoir de taux sur les deux tiers de la nouvelle fiscalité économique constituée de la CVAE et de la CFE.
Gardons à l’esprit cette réalité que François Baroin a rappelée en ouvrant ce débat : la dette des collectivités, qui pourrait être qualifiée de « bonne dette » dans la mesure où elle correspond à des investissements, représente moins de 10 % de la dette publique nationale.
En réduisant aussi fortement les dotations au cours des prochaines années, le Gouvernement va fragiliser la situation financière des collectivités.
En outre, cette décision ne tient pas compte de la spécificité des collectivités et des marges de manœuvre très étroites dont elles disposent.
Pour faire face à leurs dépenses contraintes, les départements ne disposent que de leviers à l’effet très réduit : les taux de DMTO, de taxe d’aménagement, de taxe sur la consommation finale d’électricité et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans l’Aveyron, le département dont je suis l’élu, en augmentant ces taux d’un point, le conseil général ne dégage guère que 450 000 euros de recettes supplémentaires, somme qu’il convient de mettre en regard des quelque 362 millions d’euros que représente son budget.
Je n’évoquerai pas les régions, dont les marges de manœuvre sont encore plus étroites.
Quant aux communes, elles doivent assumer le coût des nouvelles charges et politiques publiques, à commencer par la réforme des rythmes scolaires. Sans revenir sur la question de la pertinence de cette réforme, je signalerai amicalement au Gouvernement que l’Aveyron applique la semaine de quatre jours depuis plus de vingt ans et que ses résultats sont les troisièmes meilleurs de France pour l’enseignement primaire !
Avec l’augmentation des charges et la diminution des dotations, l’effet de ciseaux se précise. Il est particulièrement dangereux pour les collectivités, et donc pour l’investissement.
L’heure est bien à l’ajustement du rythme d’évolution de la dépense publique locale, mais je crains que, dans l’urgence, les réductions ne portent d’abord sur les dépenses d’investissement.
En tant qu’élu d’un département rural, je suis inquiet. En effet, certaines communes ne seront pas en mesure d’engager les projets qu’elles avaient envisagés et qui auraient permis d’alimenter les carnets de commandes des entreprises locales. Si les commandes régressent, le petit tissu économique local, composé en grande partie d’entreprises familiales, sera le premier à souffrir au sein des communes rurales aveyronnaises.
Madame la ministre, je ne puis manquer d’évoquer l’actualité, à travers le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Chaque année, le département de l’Aveyron consacre entre 50 millions et 60 millions d’euros d’investissements aux routes.
M. François Patriat. C’est son rôle !
M. Alain Marc. M’honorant de présider la commission des infrastructures routières et des transports publics du conseil général, je puis vous assurer qu’il s’agit bien des seuls investissements, et non de l’entretien.
La compétence des routes doit être transférée à la région. Or l’Aveyron, qui est à mi-chemin entre Montpellier et Toulouse, ne disposera que de neuf conseillers régionaux sur les cent cinquante que comptera la grande région Midi-Pyrénées–Languedoc-Roussillon. Quel sera son pouvoir de décision politique en la matière, alors qu’il faut aménager une seconde rocade autour de Toulouse et une autre autour de Montpellier ? Ce pouvoir n’existera tout simplement plus. Ainsi, l’investissement routier aveyronnais perdra entre 50 millions et 60 millions d’euros, mais aussi 1 000 emplois directs liés aux routes. Je vous invite à méditer ces chiffres, dans la perspective de la deuxième lecture du projet de loi NOTRe !
M. François Patriat. Les emplois en question ne vont pas disparaître !
M. Alain Marc. Certes, cher collègue, mais ils quitteront l’Aveyron pour aller vers Montpellier et Toulouse.
M. Alain Marc. Cet élément mérite d’être pris en compte.
L’effort d’économies doit porter prioritairement sur les dépenses de fonctionnement. M. Patriat a cité l’exemple de sa région à cet égard. Pour sa part, le département de l’Aveyron a vu ses effectifs passer en six ans de 1 800 à moins de 1 700 personnes : nous aussi, nous avons donc accompli des efforts considérables sur le fonctionnement. Des gains de productivité et d’efficacité sont bel et bien possibles.
Au niveau du bloc communal, le temps de la mutualisation et de la recherche systématique des gains de productivité est venu. Toutefois, mutualisation ne signifie pas agrégation à tout prix des collectivités. En effet, en pareil cas, le fonctionnement de ces dernières finit souvent par coûter plus cher, alors que, par le jeu des conventions, la création de syndicats mixtes, etc., on peut obtenir une véritable mutualisation sans alourdir les coûts de fonctionnement.
J’aimerais d’ailleurs que la vérité des comptes s’impose et qu’elle soit vérifiée. Pour l’heure, force est de reconnaître que nous avons régressé dans la connaissance de la réalité de la dépense locale.
La recherche des bonnes pratiques et le « rapport qualité-prix » du service public local doivent devenir la règle. Ils sont préférables à des transferts à l’aveugle entre collectivités, opérés par le biais d’amendements parlementaires au gré des rapports de force du moment.
Mes chers collègues, les élus locaux que nous sommes ont pris conscience de la crise des finances publiques. L’État, qui porte 80 % de la dette publique,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Alain Marc. … est désormais dans l’incapacité, et pour longtemps, de soutenir les transferts financiers entre son budget et ceux des collectivités territoriales.
C’est une nouvelle étape qui s’ouvre pour les finances locales. Si nous devons l’accepter, nous devons exiger, en contrepartie, que l’État nous laisse les marges de manœuvre indispensables pour répondre à ce défi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, avant que Marylise Lebranchu ne conclue nos débats, je tiens à vous apporter quelques précisions.
Monsieur Patriat, vous avez évoqué le problème que pose la récente appréciation à la hausse du franc suisse liée à la décision des autorités monétaires helvétiques.
Vous l’avez rappelé, dans le cadre de la loi de finances pour 2014, le Gouvernement a mis en place un fonds de soutien doté de 1,5 milliard d’euros sur quinze ans. Le rôle de ce fonds est d’aider les collectivités territoriales les plus fortement affectées par les emprunts structurés, dits « emprunts toxiques », à en sortir ou à en alléger le coût.
Ce fonds est alimenté par les banques et par l’État. Il peut intervenir, pour chaque emprunt, jusqu’à hauteur de 45 % du coût de sortie.
La Banque nationale suisse, la BNS, ayant décidé le 15 janvier 2015 de modifier sa politique de change, le franc suisse s’est apprécié de près de 20 % par rapport à l’euro. L’annonce de la BNS a eu un impact direct sur les emprunts à risque indexés sur ce taux de change, emprunts que certaines collectivités territoriales ont souscrits.
Le taux de change entre l’euro et le franc suisse sert en effet de référence dans le calcul des intérêts et de l’indemnité exigible en cas de remboursement par anticipation d’une part des prêts structurés.
Le Gouvernement est bien conscient de l’impact que ces évolutions auront sur les finances des collectivités concernées dès les prochaines semaines. Néanmoins, ces conséquences dépendront de la parité franc suisse–euro, laquelle, à ce stade, ne peut encore être précisément déterminée : elle peut encore évoluer.
Le Gouvernement conduira sans tarder, avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les banques et les associations d’élus, un premier dialogue approfondi sur l’évolution des conditions d’accompagnement des collectivités territoriales affectées par ce problème. Conformément à vos souhaits, monsieur le sénateur, deux principes guideront ces travaux : l’équité et la soutenabilité du dispositif de solidarité que nous devrons instaurer.
J’en viens à la baisse des dotations.
La situation présente est très dure, mais, Dieu merci, il y a un avenir, et des solutions permettent de faire face aux difficultés financières. Marylise Lebranchu les exposera dans quelques instants.
Sans relativiser ou sous-estimer en quoi que ce soit les difficultés financières auxquelles les collectivités sont confrontées, il convient de situer la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales dans son contexte et, d’abord, de rappeler que cette réduction des dotations s’inscrit dans le cadre de l’indispensable redressement des finances publiques. Chacun en convient dans cet hémicycle, cet effort de maîtrise des finances publiques est nécessaire, et François Baroin l’a d’emblée reconnu.
Qu’il me soit permis de souligner que le plan d’économies du Gouvernement s’élève à 50 milliards d’euros sur trois ans, alors que le principal parti d’opposition, l’UMP, représenté au sein de cette assemblée – c’est d’ailleurs sur l’initiative du groupe UMP que le présent débat a été organisé –, propose pour sa part un plan de 150 milliards d’euros d’économies. Je ne sais quel sort serait réservé aux collectivités avec un tel plan… Pour notre part, nous nous « limitons » donc à 50 milliards d’euros.
Avec la majorité de l’Assemblée nationale, qui a voté la dernière loi de finances, nous avons décidé d’étaler sur trois ans la baisse de 11 milliards d’euros dont font l’objet ces dotations, à raison de 3,670 milliards d’euros par an.
Pour 2015, la baisse est répartie entre chaque niveau de collectivités selon son poids dans les recettes totales : on aboutit à des montants, arrondis, de 2 milliards d’euros pour le bloc communal, 1,1 milliard d’euros pour les départements et 450 millions d’euros pour les régions.
Cette répartition n’est pas figée pour 2016. Elle sera de nouveau en discussion lors de l’examen du projet de loi de finances, cet automne.
L’effort demandé aux collectivités territoriales représente en moyenne 1,6 % de leurs recettes totales, soit 3,670 milliards d’euros sur 229 milliards d’euros. C’est loin d’être neutre, mais ce n’est pas nécessairement l’étranglement que certains décrivent.
M. Michel Bouvard. C’est une moyenne…
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cet effort, aussi important soit-il, est proportionné au poids de la dépense publique locale dans la dépense publique globale, à savoir 20 %. Ces 11 milliards d’euros représentent 21 % des 50 milliards d’euros d’économies. L’effort demandé est donc à l’image de la part des dépenses du bloc communal, des départements et des régions dans la dépense publique française.
Sur ces 50 milliards d’euros d’économies, étalés sur trois ans, l’État va supporter 18 milliards d’euros.
Certains orateurs ont affirmé que l’État ne s’imposait pas à lui-même ce qu’il exigeait des collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. André Vallini, secrétaire d'État. C’est faux : l’État s’astreint à un effort bien plus sensible.
Quant au secteur social, il assumera 21 milliards d’euros d’économies.
Pour ce qui est, maintenant, de la péréquation, il est vrai que le dispositif actuel n’est pas parfait. Divers mécanismes de péréquation, au rang desquels le FPIC, se sont accumulés au fil du temps. M. Guené a parlé de sédimentation : l’architecture d’ensemble est devenue très compliquée, voire illisible (M. Michel Bouvard acquiesce.), même pour les élus locaux, même pour ces spécialistes des finances locales que vous êtes.
Il n’empêche que la péréquation signifie la solidarité. À système constant, nous avons veillé à la renforcer. Je songe à la péréquation verticale, renforcée de 407 millions d’euros pour le bloc communal et de 20 millions d’euros pour les départements. Je songe également à la péréquation horizontale, avec 210 millions d’euros supplémentaires pour le FPIC, qui atteindra ainsi 780 millions d’euros en 2015.
Par ailleurs, les recettes des collectivités territoriales vont, en dépit des contraintes, continuer à croître en 2015.
Ce mouvement est dû, d’abord, à la revalorisation des bases fiscales. Ces dernières seront rehaussées de 0,9 %,…