PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Candidatures à deux organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger, d’une part, au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages et, d’autre part, au sein du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.
La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Gérard Miquel et de M. Alain Fouché pour siéger au sein de ces organismes extraparlementaires.
Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
9
Accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire
Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire (proposition n° 203, texte de la commission n° 253, rapport n° 252).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec plaisir que je reviens devant vous pour l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi déposée par les sénateurs Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, que la Haute Assemblée a adoptée le 22 octobre dernier.
Oui, c’est avec plaisir que je vous retrouve cet après-midi, car cette séance marquera, selon moi, la fin de la remise en cause, douloureusement vécue sur les territoires, de conseils communautaires, constitués de bonne foi sur la base d’accords locaux mais fragilisés par le rappel de certains principes constitutionnels sur lesquels je ne reviendrai pas.
Je tiens de nouveau à saluer la réactivité et la justesse de l’initiative des sénateurs Alain Richard et Jean-Pierre Sueur pour trouver le plus rapidement possible une solution à ces difficultés rencontrées depuis l’été dernier dans de nombreux départements. Ils l’ont fait avec intelligence et pragmatisme, emportant la conviction tant du Gouvernement que du Parlement dans son ensemble.
En effet, votre proposition de loi a été adoptée le 18 décembre dernier par l’Assemblée nationale, qui a introduit quelques modifications, afin de prendre en compte l’avis du Conseil d’État et d’apporter quelques précisions, élaborées en bonne intelligence par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Dussopt, et par vous-même, monsieur Alain Richard.
Le texte sur lequel vous allez vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, a donc été coélaboré par les deux assemblées. Il s’agit d’un texte transpartisan, qui a, de plus, reçu, l’aval total du Gouvernement. Tout cela est assez rare pour être souligné.
Le fait que vous vous soyez prononcée, madame le rapporteur, pour une adoption sans modification, afin d’assurer, dans le prolongement des travaux de la commission des lois, un vote conforme, illustre la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour trouver une solution efficace et rapide au problème qui nous était posé. Je crois que cet objectif peut être atteint aujourd’hui, même s’il sera sans doute nécessaire, pour sécuriser pleinement la solution trouvée dans l’éventualité d’une nouvelle question préalable de constitutionnalité, d’envisager une saisine du Conseil constitutionnel, en application de l’article 61 de la Constitution.
En conclusion, en mon nom et au nom de Bernard Cazeneuve, empêché aujourd’hui, je remercie les auteurs de cette proposition de loi, ainsi que l’ensemble des groupes parlementaires, qui, par leur soutien, ont conféré davantage de force à ce texte attendu par les élus locaux, et je les remercie également de bien vouloir l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Françoise Gatel et Jacqueline Gourault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après son adoption le 18 décembre 2014 par l’Assemblée nationale, le Sénat est appelé à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire.
Déposée par nos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, cette proposition de loi vise à remédier à la censure par le Conseil constitutionnel, le 20 juin 2014, des dispositions introduites à l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales, qui avaient pour objet de permettre aux communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération de répartir entre elles, par un accord conclu à la majorité qualifiée, les sièges de conseillers communautaires en tenant compte de leurs populations respectives.
Ce texte réintroduit la faculté d’un accord, plus strictement contraint pour respecter la décision du Conseil constitutionnel.
En première lecture, le Sénat s’est attaché à renforcer l’encadrement de l’accord local proposé pour resserrer les écarts à la proportionnelle démographique qui en résultent au regard des limites admises par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence sur le respect du principe d’égalité devant le suffrage.
Saisie à son tour, l’Assemblée nationale, suivant son rapporteur, le député Olivier Dussopt, a poursuivi la démarche sénatoriale.
Entre-temps, le Conseil d’État a été saisi par le Premier ministre sur la constitutionnalité du recours à un accord local de répartition des sièges de conseillers communautaires, lequel lui a également demandé, en cas de réponse positive, les marges de manœuvre offertes au législateur pour encadrer la répartition issue d’un tel accord.
Les principes contenus dans l’avis rendu le 20 novembre 2014, transmis à votre rapporteur par le Gouvernement, ont conduit le rapporteur de l’Assemblée nationale « à réécrire l’article 1er afin d’intégrer l’essentiel des réserves émises par le Conseil d’État ».
Par ailleurs, la proposition de loi a été complétée par les députés, sur l’initiative de leur commission des lois, pour « sécuriser juridiquement la possibilité de recourir à un accord local en cas d’annulation » juridictionnelle de la répartition antérieure des sièges de l’organe délibérant.
En première lecture, la commission des lois a modifié sur trois points l’article 1er relatif aux nouvelles modalités de composition de l’organe délibérant des communautés de communes ou d’agglomération par accord des conseils municipaux. D’abord, pour exclure de l’attribution autorisée d’un siège supplémentaire par rapport à l’effectif qui résulterait de l’application de la proportionnelle démographique les communes ayant bénéficié de la garantie du siège de droit pour toute commune. Ensuite, pour attribuer à ces communes un siège supplémentaire au cas où leur représentation serait inférieure de plus d’un cinquième par rapport à la proportionnelle démographique. Enfin, pour apprécier la sous-représentation d’une commune par sa part dans la population totale de l’intercommunalité.
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de notre collègue Alain Joyandet pour définir l’écart permis par le « tunnel » de 20 % autorisé par la jurisprudence constitutionnelle. Ce travail a été poursuivi et complété par l’Assemblée nationale.
Au terme de ses travaux, selon les mécanismes de l’accord local, un écart à la limite des 20 % serait autorisé dans deux cas précisément déterminés.
En premier lieu, lorsque la répartition des sièges par application des principes légaux, notamment l’attribution d’un siège au moins à chaque commune et l’interdiction pour l’une d’entre elles de détenir plus de la moitié des sièges, conduirait à un écart de représentation d’une commune supérieur à 20 % de la moyenne. Cette dérogation ne serait cependant possible que si l’accord, au pire, maintenait ou, au mieux, réduisait cet écart.
En second lieu, lorsque, par application de la représentation proportionnelle à la population, une commune obtiendrait un siège de conseiller communautaire, elle pourrait en obtenir un second en vertu de l’accord, pour permettre « une représentation plurielle et paritaire de chacune des communes au sein de l’organe délibérant ».
Ainsi que le précise le rapporteur de l’Assemblée nationale, ce tempérament lui a été suggéré par notre collègue Alain Richard, auteur de la proposition de loi. Ce dispositif permettra aux communes d’être pleinement parties prenantes à la vie intercommunale.
L’Assemblée nationale a renforcé la majorité qualifiée exigée pour l’adoption de l’accord local – les deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population totale ou l’inverse –, en y intégrant le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse lorsque celle-ci est supérieure au quart de la population totale.
Cette condition, déjà très présente dans le droit en vigueur, à commencer pour ce qui concerne la création d’un établissement public de coopération intercommunale, devrait favoriser un fonctionnement harmonieux de la communauté.
L’Assemblée nationale a étendu les principes retenus pour encadrer l’accord local à la faculté aujourd’hui offerte aux communes, hors la métropole d’Aix-Marseille-Provence, de créer et répartir un volant de sièges au plus égal à 10 % du nombre total de sièges résultant de l’application des règles légales.
Pour les communautés de communes ou d’agglomération, ce dispositif est ouvert aux communes qui n’auraient pas conclu d’accord local. Cette décision est prise à la majorité qualifiée des deux tiers/moitié.
Aux termes de l’article 1er, la répartition des sièges supplémentaires sera soumise aux mêmes règles que celles qui ont été retenues pour encadrer l’accord local en ce qui concerne les écarts de représentation à la moyenne.
L’article 1er bis, résultant de l’adoption d’un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale, fixe les modalités de désignation des conseillers communautaires entre deux renouvellements des conseils municipaux en cas d’annulation de la composition d’un organe délibérant d’un EPCI à fiscalité propre. Cet article vise à compléter l’article L. 5211–6–2 du code général des collectivités territoriales, qui règle la composition d’un organe communautaire entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux en cas de création d’un EPCI à fiscalité propre, de fusion d’établissements ou d’extension du périmètre intercommunal, pour y intégrer expressément l’hypothèse de l’annulation par le juge administratif de la répartition des sièges au sein du conseil communautaire.
En séance publique, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à assouplir la constitution des listes de conseillers municipaux non titulaires d’un mandat communautaire afin de pourvoir les sièges supplémentaires attribués à une commune par rapport au nombre qu’elle détenait lors du dernier renouvellement général des conseils municipaux.
Désormais, les communes auront la possibilité de constituer des listes incomplètes. Ainsi, lorsque le nombre de candidats figurant sur une liste incomplète sera inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus seront attribués à la liste qui aurait obtenu la plus forte moyenne suivante.
L’innovation proposée contribuera à une meilleure représentation du pluralisme du conseil municipal au sein de l’assemblée communautaire, car elle permettra à tous de constituer une liste, quand bien même le nombre de candidats potentiels serait inférieur au nombre de sièges à pourvoir.
Le nouvel article 1er ter procède aux coordinations découlant de l’article 1er.
L’article 2 permet aux intercommunalités touchées par la censure de l’accord local résultant de la décision du Conseil constitutionnel de recourir à cet accord dans sa version rénovée par le présent texte pendant une période de six mois à compter de sa promulgation. Le Sénat en avait adopté le principe sous réserve d’une clarification rédactionnelle.
Le dispositif a été complété par la commission des lois de l’Assemblée nationale, puis modifié, en séance publique, avec l’adoption d’un amendement du Gouvernement.
D’une part, en cas de renouvellement intégral ou partiel du conseil municipal d’une commune membre d’une communauté de communes ou d’agglomération dont l’organe délibérant a fait l’objet d’un accord local avant le 20 juin 2014, il sera procédé à une nouvelle détermination du nombre et de la répartition des sièges communautaires dans un délai de deux mois à compter de l’événement rendant nécessaire le renouvellement du conseil municipal. Il s’agit ainsi de fixer la nouvelle répartition et le nombre de conseillers communautaires à élire avant le début des opérations électorales, lesquelles doivent être organisées dans les trois mois après l’annulation définitive, en application de l’article L. 251 du code électoral.
D’autre part, les dispositions résultant de l’article 1er bis permettant la constitution de listes incomplètes afin de pourvoir les sièges supplémentaires attribués à une commune seraient applicables.
Ces précisions complètent utilement la faculté ouverte aux intercommunalités par l’article 2.
L’intitulé de la proposition de loi initiale qui visait expressément les communautés de communes ou d’agglomération a été modifié en conséquence de l’insertion, à l’article 1er, de modifications applicables à toutes les catégories d’EPIC à fiscalité propre, y compris les communautés urbaines et les métropoles.
Monsieur le ministre, il me reste à vous interroger sur une incertitude qui appelle une précision de votre part. Pourriez-vous préciser les conséquences sur l’exécutif d’une intercommunalité des modifications affectant la composition du conseil municipal de l’une des communes membres ?
Aux termes des travaux des deux assemblées, et au bénéfice de votre réponse, monsieur le ministre, la commission des lois a considéré que le législateur, au fil de la navette, s’est efforcé de préserver dans les meilleures conditions de sécurité juridique la faculté d’un accord local pour faciliter le consensus intercommunal.
C’est pourquoi elle a adopté la présente proposition de loi sans modification.
La commission des lois soumet donc à la délibération du Sénat le texte ainsi établi pour la proposition de loi. (MM. Robert Laufoaulu et Jean-Claude Frécon ainsi que Mme Françoise Gatel applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour répartir dans une intercommunalité – communauté de communes ou communauté d’agglomération – le nombre de sièges, nous avions, depuis la loi de 2010, deux solutions : soit appliquer le tableau, qui résulte de la répartition proportionnelle en fonction de la population ; soit passer un accord « en tenant compte » de la population – c’étaient les termes exacts.
Au sein de mon département du Loir-et-Cher, dans à la communauté de communes de la Sologne des Rivières, à laquelle appartient Salbris, une commune que je connais bien, un accord avait été passé à la majorité qualifiée, avec plus des deux tiers des communes membres représentant plus de la moitié de la population. Or cette majorité qualifiée s’était faite contre la ville-centre de Salbris, si bien que le Conseil constitutionnel, après la question prioritaire de constitutionnalité posée par le maire de Salbris, a jugé que la répartition des sièges était manifestement disproportionnée par rapport à la réalité de la population des communes membres. Par cette décision, le Conseil constitutionnel a en effet considéré que les dispositions de cet accord méconnaissaient le principe d’égalité devant le suffrage et devaient être déclarées contraires à la Constitution.
Le problème concernait Salbris, mais cette décision s’appliquait, dans un grand nombre de cas, aux communes qui avaient passé un accord local, soit 90 % des communes !
Nous savons que, postérieurement à la date de la publication de la présente décision, au mois de juin 2014, quand le conseil municipal d’au moins une des communes membres était renouvelé, il fallait répartir de nouveau les sièges. Tel était également le cas lorsque les communes ont des instances en cours ou lorsque les intercommunalités sont impactées par un changement de périmètre, et nous sommes en période de changement de périmètre, passé ou à venir. Cette décision impactait par conséquent un grand nombre de communautés de communes.
Il fallait donc trouver une solution respectueuse du principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune membre. Je remercie nos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur d’avoir proposé cette modification, qui permettra, j’en suis sûre, de soulager un certain nombre de situations.
Je ciblerai les points les plus importants, et en premier lieu la modification des conditions de majorité. Si l’accord des deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population ou l’inverse est toujours requis, en complément, le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse, lorsque celle-ci est supérieure au quart de la population totale de l’intercommunalité, devra donner son accord. Autrement dit, il y a une sorte de droit de veto (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) de la commune-centre, dès lors qu’elle représente plus du quart de la population total de l’intercommunalité.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Ce n’est pas un droit de veto !
Mme Jacqueline Gourault. Je suis d’accord avec cette décision : c’est ce qui existait autrefois, et qui avait été supprimé par la loi de 2010. On ne peut pas faire de bon accord contre la ville-centre (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame de nouveau.), comme on ne peut pas faire de bon accord sans les villes plus petites. C’est une décision équilibrée.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ça…
Mme Jacqueline Gourault. En deuxième lieu, j’évoquerai le nouveau dispositif de l’accord local. La répartition se fait non plus « en tenant compte » de la population, mais « en fonction » de la population, ce qui permet de mieux respecter la proportionnalité, laquelle est, au regard de la loi et du principe de l’égalité devant le suffrage, un point très important.
L’accord local sera encadré par les principes suivants. Les trois premiers sont inchangés : chaque commune dispose d’au moins un siège ; aucune commune ne pourra détenir plus de la moitié des sièges ; le nombre de sièges octroyés par la loi pourra être majoré, en cas d’accord, jusqu’à 25 % de sièges supplémentaires.
Toutefois, il y a désormais un autre élément : la part de sièges attribuée à chaque commune ne pourra s’écarter du tunnel de 20 % de la proportion de sa population dans la population globale des communes membres, sauf dans deux cas.
Premièrement, on pourra déroger aux 20 % lorsque la répartition effectuée en cas de désaccord, c’est-à-dire en appliquant le tableau, conduirait à ce que la part de sièges attribuée à une commune s’écarte de plus de 20 % de la proportion de sa population dans la population globale, tant que l’accord passé n’amplifie pas cet écart de représentation, ou le réduit ; deuxièmement, lorsque deux sièges seraient attribués à une commune pour laquelle la répartition à la proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne contribuerait à l’attribution d’un seul siège.
En conclusion, soit on applique le tableau – je me permets de le dire, il y a des endroits où cela fonctionne –, soit on fait un nouvel accord, qui doit respecter une répartition « en fonction » de la population, et non pas « en tenant compte » de la population – ce qui est plus précis – et en respectant le tunnel des 20 %, principe constitutionnel que chacun connaît.
Le groupe UDI-UC est ravi de voter cette proposition de loi. (Mme Françoise Gatel et M. Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me paraissait judicieux de revenir en quelques minutes sur le parcours accompli par cette proposition de loi depuis que nous l’avons déposée, en rappelant que l’intention à l’origine de ce texte était purement palliative, ou réparatrice.
Certains collègues entreprennent de leur côté un parcours de portée constitutionnelle, souhaitant que la règle constitutionnelle d’égalité du suffrage soit corrigée, pour permettre, du moins s’agissant des élections locales, des écarts de représentation supérieurs à un écart de 1 à 1,5. En effet, quand on dit « 80 % à 120 % de la moyenne », cela signifie que, selon les situations, un électeur d’un secteur pèsera une fois et demie un électeur du secteur voisin.
Pour ma part, je ne me suis pas placé dans cette problématique. Il m’a semblé que dans un délai relativement bref – cela a tout de même pris plus de six mois –, on pouvait trouver une solution qui rétablisse la possibilité d’un accord local. Un tel accord était souhaité dans la plupart des communautés de communes ou d’agglomération et restait d’autant plus nécessaire que nous sommes dans une période de mobilité des communautés : un grand nombre de conseils communautaires allaient être remis en cause.
La proposition de loi que nous avons élaborée se cale pour l’essentiel dans l’écart de plus ou moins 20 %, mais tentait, en interprétant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, d’ouvrir un peu plus cette possibilité d’écart de représentation.
Je souligne que, dans une décision de 1995, le Conseil constitutionnel avait énoncé de façon extrêmement précise ce que devait être, selon lui, la représentation des communes dans une communauté de communes ou d’agglomération. La réforme de 2010, sur ce point, a appliqué de façon stricte les principes énoncés par le Conseil constitutionnel dans la partie « barème démographique », soit les paragraphes II à V de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales, mais elle a rétabli dans le I du même article la possibilité d’un accord local qui sortait de ce barème de représentation. D’où cette remarque simple : nous avons au moins la certitude que le Conseil constitutionnel admet le principe d’un accord local.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Richard. Effectivement, même si ce point n’a pas été expressément soulevé en 2010, dans la saisine qui lui fut adressée à l’encontre de la loi de réforme des collectivités territoriales, le simple fait qu’il y ait une alternative au barème démographique aurait sauté aux yeux du Conseil constitutionnel et, s’il considérait qu’il fallait s’en tenir au barème démographique, il aurait écarté dès le départ cette disposition ; or, il ne l’a pas fait. Nous savons donc que nous avons la possibilité de rétablir une base d’accord local, la question étant l’étendue des écarts.
Je ne reprends pas ce qu’a dit très justement le rapporteur, Mme Troendlé, pour bien décrire ce qui a changé. Je souligne simplement que nous pouvons avoir, notamment avec M. Collombat, une différence d’appréciation sur l’exigence de faire figurer la ville la plus importante dans les partenaires de l’accord local. On peut certes défendre l’idée que, dès l’instant où des communes atteignent la majorité qualifiée des deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population, elles pourraient, en se coalisant, – comme à Salbris, mais il y a d’autres cas – imposer à la commune principale le prélèvement d’une partie de sa représentation. Dans la mesure où l’idée de principe, respectueuse de l’autonomie communale, est celle d’un accord local, cette stratégie diverge de l’idée d’un accord ! Pour ma part, il m’a paru, au contraire, plutôt cohérent avec la démarche d’accepter cette condition supplémentaire de l’accord local.
L’un des critères de droit à l’aune desquels sera appréciée l’opportunité de rétablir la possibilité d’un accord local de répartition tient au motif justifiant la dérogation au principe d’égalité devant le suffrage. En effet, le Conseil constitutionnel exige, pour admettre une dérogation à ce principe, qu’elle repose sur un motif d’intérêt général. Or je conviens que, en première lecture, nous n’avons pas été très explicites à cet égard ; je tâcherai cet après-midi d’être plus précis.
Un argument a déjà été exposé par Mme le rapporteur : pour que les communes participent pleinement à la vie de l’intercommunalité, il est préférable qu’elles puissent s’appuyer, à chaque fois que cela est possible, sur au moins deux délégués, ce qui permet, en outre, de réaliser la parité. Je rappelle que, dans le même esprit, lorsque le conseiller territorial a été instauré, le Conseil constitutionnel a accepté la disposition fixant un nombre minimal incompressible de quinze conseillers territoriaux pour former un conseil général, alors même que ce seuil aurait entraîné une surreprésentation assez substantielle des électeurs de certains départements au sein du conseil régional. Il a donc jugé que le droit pour une collectivité territoriale d’exercer pleinement ses prérogatives, par une organisation appropriée, constituait un motif d’intérêt général suffisant.
Ce principe doit valoir aussi pour les communes les plus faiblement représentées au sein des intercommunalités, dans la mesure où les communautés de communes et les communautés d’agglomération exercent désormais les compétences des communes dans un grand nombre de domaines. C’est si vrai que les délégués au conseil communautaire sont fortement sollicités par leurs collègues de la municipalité et par les habitants au sujet de toute une série de missions assumées par l’intercommunalité. En outre, les conseils communautaires comportent généralement quatre, cinq, six, voire sept commissions spécialisées. Or il n’est pas très facile pour un délégué unique de siéger dans tous ces organes.
Mes chers collègues, il me semble donc que de réels motifs de bonne administration et d’exercice de la libre administration des communes justifient que l’on facilite l’extension de la représentation des plus petites communes.
Par ailleurs, nous avons tenu compte des observations présentées par l’Assemblée nationale sur un certain nombre de sujets. En particulier, nous devons à nos collègues députés deux apports pratiques touchant à la procédure applicable en aval, lorsqu’un conseil communautaire est remis en cause.
D’une part, agissant un peu dans l’urgence, nous avions négligé une circonstance possible : nous avions bien prévu la possibilité de rouvrir un accord local de répartition dans le cas d’un conseil communautaire antérieurement transformé, mais les députés ont remarqué que cette transformation pourrait très bien se produire dans les mois à venir. En effet, des contentieux pourront encore se déclarer, sans compter les recompositions futures d’intercommunalités. Nos collègues députés ont comblé cette lacune, et ils ont eu raison.