Mme Annie David. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Nous le disons avec elle : « On ne consomme pas de soins par plaisir. »
Pour mener les deux objectifs de désendettement et de solidarité, le Gouvernement choisit une voie certes difficile, il faut le reconnaître, qui concilie le redressement progressif de nos comptes et la recherche d’une plus grande solidarité.
Les auteurs de la présente proposition de loi nous proposent de gager le manque à gagner de 1,65 milliard d’euros sur une augmentation à due concurrence de la contribution additionnelle à la C3S.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Là, je vois pointer un désaccord de fonds entre votre position et la politique économique du Gouvernement. Je me permets de le souligner, car la suppression de la contribution additionnelle à la C3S fait partie du pacte national de responsabilité et de solidarité. C’est un engagement pris par le Gouvernement pour répondre à la demande des entreprises, dont les marges sont effectivement très faibles, de voir leurs charges diminuer. D’ailleurs, toutes les mesures qui ont été mises en œuvre à cet égard pour redresser notre compétitivité commencent à produire des effets.
Monsieur Cardoux, vous qui avez affirmé que la croissance de la France ne s’élèverait pas forcément à 1 % d’ici à la fin de l’année 2015, je vous donne rendez-vous. Vous allez certainement être agréablement surpris, parce que tous les indicateurs, notamment celui de l’investissement, sont en train de repartir à la hausse.
La C3S doit disparaître en 2017. Je rappellerai qu’elle abondait jusqu’alors le RSI, en perdition, pour compenser ses déficits. Celui-ci sera adossé au régime général ; en échange, c’est l’État qui abondera à la fois la CNAV, en alimentant le Fonds de solidarité vieillesse, et la CNAM. Ce rappel me paraît justifié, à la suite de la manifestation qui a eu lieu lundi dernier. Sur ce point, la nation, en assumant cette charge nouvelle pour les comptes sociaux, fera un effort de solidarité à l’égard de ces travailleurs indépendants.
Je veux voir dans votre proposition, madame Cohen, un appel à faire de l’accès à la santé une action prioritaire du Gouvernement. Celui-ci – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé – ne reste pas l’arme au pied : au 1er juillet 2015, le Gouvernement ayant répondu à l’appel de sa majorité parlementaire, franchises et participations forfaitaires seront supprimées pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé , à l’instar de ce qui a été décidé pour la CMU. Vous ne pouvez nier que la justice a motivé l’action gouvernementale.
L’accès à la santé pour tous et particulièrement pour les pauvres est un fil conducteur du projet de loi relatif à la santé qui sera examiné par nos collègues députés en principe à partir de la semaine prochaine. La généralisation du tiers payant participe aussi à cet objectif. Nous apportons tout notre soutien à Mme la ministre, qui a réaffirmé tout récemment l’attachement du Gouvernement à la généralisation du tiers payant tout en offrant des contreparties raisonnables aux médecins.
Le groupe socialiste ne déviera pas de sa ligne : mener à bien le désendettement en élargissant par ailleurs les plages de solidarité. Cette stratégie mise en œuvre depuis 2012 par le Gouvernement doit être poursuivie. Voter la proposition de loi du groupe CRC nous en écarterait dans la mesure où nous ne réduirions pas nos déficits, pas plus que nous n’élargirions les plages de solidarité. C’est une autre voie, plus globale, qu’a choisie le Gouvernement. Par conséquent, nous ne pourrons pas voter cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes ont largement combattu, en 2007, la mise en place des franchises médicales.
En effet, nous étions et demeurons en désaccord avec l’argument selon lequel il faudrait responsabiliser les patients, argument qui découle du constat selon nous fallacieux que la crise des finances de la sécurité sociale serait essentiellement due à une tendance des Français à surconsommer en matière de santé.
Déjà à l’époque, nous considérions que le déficit des comptes de la sécurité sociale avait essentiellement d’autres origines.
En effet, ceux qui veulent cantonner la réflexion et l’action dans ce domaine aux questions budgétaires n’abordent pas, à notre avis, les causes réelles des difficultés financières actuelles.
Par exemple, l’augmentation du budget annuel des soins pour les maladies chroniques depuis une quinzaine d’années est à peu près équivalente au déficit de l’assurance maladie : une dizaine de milliards d’euros par an. Cela signifie que, si le taux de maladies chroniques était aujourd’hui identique à celui qui prévalait voilà quinze ans, toutes choses égales par ailleurs, le déficit annuel de l’assurance maladie serait inexistant. Une de nos priorités en matière de santé est donc de faire reculer ces maladies.
Par ailleurs, si on améliorait l’accès aux droits, on diminuerait le non-recours aux soins et on limiterait de façon drastique – des milliards d’euros sont en jeu, les chiffres l’attestent – les dépenses différées et donc aussi le déficit de l’assurance maladie. En effet, un tiers de nos concitoyens déclarent par exemple avoir renoncé à des soins pour des raisons financières.
M. Michel Le Scouarnec. Très juste !
Mme Aline Archimbaud. En outre, le fait qu’ils retardent la prise en charge de leurs problèmes de santé provoque à terme – cela a déjà été dit – un surcoût pour l’assurance maladie, leur état de santé étant beaucoup plus dégradé que s’ils avaient été traités plus en amont.
Les franchises médicales n’ont donc absolument pas réglé le problème du déficit de l’assurance maladie.
Elles n’ont d’ailleurs pas non plus amené les Français à moins consulter, comme le démontre le rapport remis sur le sujet en 2010 par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé.
De plus, comme l’ont notamment rappelé nos collègues du groupe CRC, elles ont créé une injustice, contraire au principe fondateur de la sécurité sociale qui voudrait que l’on cotise à la sécurité sociale selon ses moyens pour être aidé ensuite selon ses besoins.
Les personnes qui ont le plus besoin de l’assurance maladie, celles qui sont les plus malades sont aussi celles qui paient chaque année le plus de franchises médicales. J’en veux pour preuve le fait que 42 % des recettes provenant de ces franchises sont supportées par des patients en affection de longue durée.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe écologiste du Sénat ne s’opposeront pas à cette proposition de loi.
Nous soutenons le principe d’un retour en arrière, s’agissant d’une mesure que nous avons combattue en 2007 et en 2008. Toutefois, nous nous interrogeons sur la pertinence qu’il y a à agir en ce sens aujourd’hui, unilatéralement, étant donné le coût que la suppression des franchises et des participations forfaitaires représenterait pour les finances sociales.
Surtout, depuis 2008, les crises économiques, environnementales et sociales se sont considérablement amplifiées, et d’autres phénomènes très graves ont surgi.
Ainsi, de un à deux millions de personnes – ce sont là des données récentes publiées au titre de l’étude du fonds CMU à la fin de 2013– ne parviennent pas à faire ouvrir leurs droits à la CMU complémentaire, alors qu’elles sont a priori éligibles à ce dispositif. Ces dernières ne se posent donc même pas la question des franchises : elles se posent la question d’aller chez le médecin ! (Mme Nicole Bricq acquiesce.) Nous retrouvons ici le problème du renoncement aux soins.
De même, pour l’aide à la complémentaire santé, environ deux millions de personnes seraient victimes de cette difficulté. De surcroît, l’on ne connaît pas le nombre, à coup sûr très élevé, des bénéficiaires potentiels de l’aide médicale d’État, l’AME, qui, eux non plus, ne parviennent pas à faire ouvrir leurs droits.
Sans accès aux droits, il n’y a pas d’accès aux soins : nous le répétons depuis un certain nombre de mois. Il y a là, nous semble-t-il, un problème ultra prioritaire à résoudre.
S’y ajoute une autre question, sur laquelle nous insisterons beaucoup au cours des débats sur le projet de loi relatif à la santé : celle du nombre très élevé de personnes victimes d’affections liées à l’environnement. La réduction des causes de ces maux n’est encore que très peu prise en compte par notre système de santé, au regard des dégâts provoqués. C’est pourtant un enjeu de recherche essentiel.
Comprenez-nous bien : nous ne disons pas que le problème des franchises médicales n’est pas important. Nous considérons simplement que, au regard des marges de manœuvre très restreintes dont dispose aujourd’hui la France, nous aurions peut-être intérêt à doser nos efforts, à les concentrer et à mobiliser notre pays, à le mettre en mouvement sur l’essentiel.
À l’heure actuelle, les questions à notre avis ultra prioritaires en matière de santé, celles auxquelles il faut consacrer l’essentiel des investissements au cours des mois à venir, sont les suivantes : l’explosion des inégalités, l’accès insuffisant aux droits en général et la faiblesse de nos politiques de prévention et de santé environnementale. À nos yeux, c’est à ces domaines qu’il faut consacrer l’essentiel des investissements au cours des mois à venir. J’espère que la discussion du projet de loi relatif à la santé permettra d’aboutir positivement.
J’ai d’ailleurs déposé un amendement de repli visant, dans un premier temps, à exonérer des franchises et des participations forfaitaires les seules personnes souffrant d’une affection de longue durée, ou ALD. Cette disposition serait moins ambitieuse que la proposition de loi, mais elle permettrait peut-être de se concentrer sur l’injustice la plus flagrante et de faciliter le consensus. Toutefois, Mme la rapporteur m’ayant demandé de retirer mon amendement, j’accéderai à sa demande, après avoir exposé ma proposition.
Quant à notre position définitive, nous la ferons connaître à l’issue de ce débat. (Mmes Nicole Bricq et Éliane Assassi applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte économique où les classes populaires subissent particulièrement l’austérité, les renoncements aux soins progressent très fortement dans certains territoires.
En partant des réalités vécues au quotidien et rapportées par les professionnels de santé eux-mêmes, on dresse le constat suivant : en ce début de XXIe siècle, il n’est pas rare de voir des patients contraints de sélectionner, dans l’ordonnance prescrite par leur généraliste ou leur spécialiste, les seuls médicaments qui sont remboursés, quitte à mal se soigner, à s’exposer à des complications et, en définitive, à coûter plus cher à la société.
Le système des franchises médicales et des participations forfaitaires a été bien décrit par Annie David et Laurence Cohen, et je n’y reviendrai donc pas. Il aboutit à ce que, parfois, des assurés sociaux voient leurs indemnités journalières amputées, parce que la sécurité sociale a récupéré en une seule fois leur montant. Dans quelle société d’insécurité vivons-nous ? Essayons un instant de nous mettre à la place des personnes en situation particulièrement précaire !
Ce système des franchises médicales et des participations forfaitaires constitue, au fond, une médecine à deux vitesses, avec un droit d’entrée symbolique pour les personnes les plus aisées et un frein à l’accès aux soins pour de nombreux malades. Au reste, l’on n’est pas riche lorsqu’on gagne le SMIC et que l’on paye les franchises médicales et les participations forfaitaires.
Plusieurs orateurs l’ont souligné : le niveau élevé du taux de renoncement aux soins pour raisons financières devrait nous interpeller, nous inciter à interroger notre système de santé et nous contraindre à évaluer sa pertinence, dans un contexte marqué par une crise économique et sociale sans précédent.
Par exemple, l’argument consistant à défendre le maintien des franchises médicales et des participations forfaitaires au nom de la responsabilisation des patients ne tient pas : ce sont les professionnels de santé qui sont prescripteurs.
Comme certains nous l’ont suggéré, nous aurions pu limiter notre texte aux patients les plus précaires, pour lesquels l’injustice des franchises médicales est particulièrement criante. Je songe notamment aux 4,2 millions de personnes souffrant d’hypertension artérielle sévère, qui doivent désormais acquitter les franchises médicales. (Mme la rapporteur acquiesce.)
Toutefois, nous considérons que la technique de la rustine permanente n’est pas de nature à forger une politique ambitieuse de santé publique, fondée sur la prévention et l’accès facilité aux soins.
Ainsi, nous défendons un véritable projet de société, avec la prise en charge à 100 % des dépenses de santé par notre système de sécurité sociale. Tel est notre objectif à long terme.
En effet, notre vision de la protection sociale ne se réduit pas aux affections de longue durée. Nous voulons construire un modèle d’ensemble dans lequel, comme une de nos collègues l’a déjà dit, les assurés cotisent en fonction de leurs moyens et reçoivent en fonction de leurs besoins.
Nous défendons un projet de société où la sécurité sociale prendrait en charge à 100 % les dépenses de santé des assurés sociaux. Ce projet de société, soutenu par Ambroise Croizat lors de la création de la sécurité sociale, est loin d’être une utopie.
Certains me rétorqueront peut-être que la sécurité sociale n’a jamais remboursé à 100 %. Au lendemain de la guerre, un compromis historique a effectivement été conclu, qui a laissé une place au régime mutualiste. Pour autant, notre société est aujourd’hui immensément plus riche qu’elle ne l’était à cette époque : notre pays était alors totalement dévasté et ruiné.
M. Michel Le Scouarnec. C’est vrai !
M. Dominique Watrin. De grands groupes économiques monopolisent des richesses sans précédent : les seules sociétés du CAC 40, qu’elles soient financières ou non financières, ont vu leurs profits passer, en un an, de 40 milliards d’euros à 56 milliards d’euros. Il y a de quoi donner le tournis !
On nous répète sans cesse que les caisses sont vides. Mais, à nos yeux, ce qui manque, c’est avant tout une volonté politique.
Soumettre les revenus financiers à une contribution équivalente à celle qu’acquittent les entreprises permettrait de dégager environ 77 milliards d’euros.
M. Michel Le Scouarnec. Oui !
M. Dominique Watrin. Prenons pour base les revenus financiers des entreprises financières et non financières. En 2010, ces derniers s’élevaient à 317 milliards d’euros : en soumettant ces revenus au taux actuel de cotisations patronales des entreprises, on pourrait dégager 41 milliards d’euros pour la maladie, 26 milliards d’euros pour les retraites et 17 milliards d’euros pour la famille. Ce système de financement nous donnerait largement de quoi assurer une couverture à 100 % des frais de santé des patients et permettrait, par là même, de limiter les effets de long terme que subit une population renonçant ou reportant des soins.
Par ailleurs, ce dispositif aurait un effet bénéfique sur le vieillissement, question essentielle que le Sénat examinera prochainement.
Pour l’heure, notre proposition de loi est beaucoup plus modeste, chacun l’admettra. Certes, elle présente un coût de 1 milliard d’euros. Mais vous constatez que l’argument financier ne tient pas, lorsqu’on examine les profits dégagés par les grands groupes du CAC 40.
Chères sénatrices, chers sénateurs de gauche, nous vous demandons simplement de voter en cohérence avec vos positions passées : votez cette proposition de loi, supprimez les franchises médicales et les participations forfaitaires instaurées par la droite. Ce serait faire un premier pas important. Ce serait surtout soutenir une mesure de justice et de progrès ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, divers points soulevés au cours de ce débat appellent quelques précisions de ma part.
Monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, vous avez évoqué le déremboursement des médicaments anti-arthrosiques. Dans les faits, le mécanisme de ce déremboursement est très simple : c’est celui qui prévaut pour toutes les évaluations de médicaments.
On le sait bien, avant sa mise sur le marché, un médicament ne peut faire l’objet que de prescriptions limitées, dans le cadre d’études. Ensuite, lorsqu’il est mis sur le marché, il est de nouveau évalué par la Haute Autorité de santé, la HAS, dès lors qu’il est prescrit assez largement. Les études menées à ce stade permettent de juger si, à grande échelle, un médicament présente ou non une réelle utilité.
Il se trouve que, selon la HAS, les traitements dont il s’agit n’ont pas l’utilité nécessaire, notamment au regard de leurs potentiels effets secondaires, qui doivent être pris en compte : tous les médicaments sont susceptibles de présenter des effets secondaires néfastes.
En l’espèce, la HAS a jugé que le service médical rendu n’était pas suffisant. C’est elle qui a décidé cette mesure. Ensuite, un arrêté de déremboursement a bien été pris, mais c’est là une procédure automatique dès lors que la Haute Autorité de santé a prononcé un jugement de cette nature.
M. Gilbert Barbier, vice-président de la commission des affaires sociales. C’est tout de même la ministre qui a décidé…
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Par ailleurs, je souhaite donner à la Haute Assemblée quelques précisions quant à l’organisation du paiement des franchises, lorsque le tiers payant sera généralisé.
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En effet, je constate que cette réforme suscite des interrogations sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
Les uns et les autres l’ont rappelé, le flux annuel de participations forfaitaires et de franchises représente, actuellement, environ 1,5 milliard d’euros.
Sur cette somme – je cite les chiffres de 2012 –, 600 millions d’euros ont été directement recouvrés via les règlements des assurés, hors tiers payant aux professionnels de santé. Dans ces cas, l’assurance maladie rembourse du montant de la consultation l’assuré ayant fait l’avance des frais, en retranchant le montant de la franchise ou de la participation forfaitaire.
Parallèlement, 900 millions d’euros ont été inscrits en créances sur les assurés. Que se passe-t-il en pareil cas ? Les sommes dues sont automatiquement recouvrées par les caisses d’assurance maladie sur des paiements ultérieurs correspondant à d’autres actes. Toujours en 2012, elles ont porté à 70 % sur les remboursements ultérieurs de soins de médecins, à 9 % sur les remboursements de soins dentaires, à 11 % sur les prestations en espèces et ont été recouvrées à 10 % par d’autres voies.
Que va-t-il se passer avec la généralisation du tiers payant ?
Lorsque les dispositifs de participation à la charge des assurés sont associés à la dispense d’avance de frais, ils entraînent mécaniquement l’apparition de créances de l’assurance maladie sur les assurés.
La généralisation du tiers payant en 2017 conduira de facto à supprimer la principale voie de recouvrement des participations forfaitaires et des franchises qui n’ont pas été récupérées directement lors du remboursement.
Pour sécuriser ce recouvrement, il est proposé d’introduire dans le projet de loi relatif à la santé, dont le Sénat débattra d’ici à quelques semaines, le principe d’un paiement par prélèvement bancaire après autorisation de l’assuré, et de conditionner le bénéfice du tiers payant à cette autorisation de prélèvement.
Mme Catherine Procaccia. Vous allez créer une usine à gaz !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Un décret devra être pris en vue de l’application de ce dispositif. Le paiement par prélèvement bancaire, à l’image de ce que font les grands opérateurs pour optimiser le recouvrement de leurs créances, a été recommandé par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans le rapport qu’elle a consacré, en 2013, au tiers payant. Les caisses disposent d’ores et déjà des coordonnées bancaires des assurés.
Bien entendu, cette procédure nouvelle sera strictement soumise aux plafonds annuels et subordonnée, pour l’assuré, à l’acceptation de cette option, attestée par la remise d’une autorisation de prélèvement.
Ces quelques précisions étant apportées, je tiens à vous rappeler les éléments dynamiques du déficit de la sécurité sociale, que les uns et les autres ont évoqué. À cet égard, il me semble utile de mentionner quelques chiffres.
En 2007, ce déficit s’élevait à 9,3 milliards d’euros. Il a atteint son niveau maximum en 2011, avec 20,9 milliards d’euros. Sa résorption est désormais en bonne voie : en 2013, d’après les chiffres définitifs, il s’établissait à 15,5 milliards d’euros. Nous ne disposons encore que d’évaluations provisoires pour 2014, mais je peux vous affirmer que l’amélioration se poursuit. Tout porte à croire qu’elle s’accentuera encore en 2015. Bien entendu, nous devons continuer nos efforts.
C’est la raison pour laquelle, en l’état actuel du déficit de la sécurité sociale, le Gouvernement ne peut être favorable à la proposition de loi. En tout état de cause, je tenais à rappeler ces chiffres importants.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Laurence Cohen, rapporteur. Je souhaite d’abord saluer la qualité des débats, qui nous ont permis d’aborder le fond de cette problématique. Le Gouvernement paraît d’accord avec mon groupe, ce qui est plutôt une bonne nouvelle,…
M. Michel Le Scouarnec. Et une nouveauté !
Mme Laurence Cohen, rapporteur. … mais il n’ira pas jusqu’à préconiser un vote favorable. Il y a là, tout de même, une fâcheuse contradiction, qui s’explique par l’entêtement du Gouvernement – nous ne cessons de le dénoncer en vain – à ne s’en prendre qu’aux dépenses.
Il existe pourtant, selon nous, et nous l’avons encore démontré aujourd’hui, d’autres moyens de faire entrer de l’argent dans les caisses de la sécurité sociale, en privilégiant de nouvelles recettes.
Madame la secrétaire d’État, vous considérez qu’il faut diminuer les dépenses inutiles. Mais de quoi s’agit-il ? Pressurer de nouveau l’hôpital public pour en extraire 3 milliards d’euros ? Si vous souhaitez réduire les dépenses inutiles, abrogez la tarification à l’acte, comme le Gouvernement s’y était engagé ! Plusieurs rapports récents du Sénat ont montré les terribles dégâts qu’elle provoque.
Vous prétendez que nous ne sommes pas dans le bon tempo, et Mme Bricq reprend vos propos.
Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas dit cela !
Mme Laurence Cohen, rapporteur. Vous l’avez dit en substance, c’est ainsi que je l’ai compris ! Et cela correspond aux discussions que nous avons eues en commission, durant lesquelles vous vous disiez d’accord sur le fond mais émettiez néanmoins quelques réserves.
Cela étant, quel est donc le bon tempo ? Nous formulons régulièrement des propositions visant à améliorer l’accès aux soins de l’ensemble de la population – tous les exemples que nous avons avancés, et qui ont été repris par différents intervenants, indiquent que le renoncement aux soins est une réalité –, or vous les rejetez à chaque fois.
En revanche, étrangement, la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité ou du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui concernent les grandes entreprises et les grands groupes, n’a souffert d’aucun temps de latence ! L’instauration de telles mesures est possible rapidement, sans que soit exprimée de résistance !
Mme Nicole Bricq. Au contraire, il y a eu un grand temps de latence !
Mme Laurence Cohen, rapporteur. Le problème véritable est là : l’appel à la raison que constitue notre proposition de loi n’est pas entendu. Aujourd’hui, nos concitoyens n’en peuvent plus, notamment en matière de santé. Un tel comportement porte préjudice à l’ensemble de la population !
J’ajoute que les différents exemples présentés montrent bien que les malades les plus fragiles sont ceux qui subissent de plein fouet les franchises et les forfaits. Annie David rappelait ainsi que, selon la responsable de l’association AIDES, les patients souffrant du VIH, sans complication, consacrent au moins un mois de ressources aux dépenses de santé. Comment peut-on l’accepter en 2015 ? Ce ne sont pas des rumeurs, c’est la réalité !
Chère collègue Aline Archimbaud, vous proposez d’exonérer des franchises et participations forfaitaires les malades souffrant d’affections de longue durée, ou ALD. L’ensemble de mon groupe et moi-même soutenons fortement votre proposition, mais vous l’avez bien constaté à travers les différentes interventions, nous n’avons pas la majorité dans cette enceinte. Nous avons déjà avancé une idée similaire et nous sommes prêts à la soutenir lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Défendons alors ensemble un amendement en ce sens, au moins, on ne nous reprochera pas de ne pas choisir le bon véhicule législatif ! Cela étant, comme notre proposition de loi va être rejetée aujourd'hui, votre amendement n’a donc aucune chance d’être adopté.
S’il est impossible de faire adopter des mesures ambitieuses, essayons au moins d’aider les plus fragiles !
Je regrette vraiment, madame la secrétaire d’État, que vous ne vous appuyiez pas sur ceux qui pourraient jouer un rôle moteur dans le pays pour créer un autre rapport de forces. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires
Article 1er
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les II et III de l'article L 322-2 sont supprimés ;
2° L'article L. 322-4 est abrogé ;
3° À la première phrase du I de l'article L. 325-1, les mots : « à l’exception de celles mentionnées aux II et III de cet article » sont supprimés ;
4° Le second alinéa de l'article L. 432-1 est supprimé ;
5° Le premier alinéa de l'article L. 711-7 est supprimé.
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 2° de l'article L. 242-1, les mots : « à condition, lorsque ces contributions financent des garanties portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, que ces garanties ne couvrent pas la participation mentionnée au II de l’article L. 322-2 ou la franchise annuelle prévue au III du même article » sont supprimés ;
2° L’article L. 863-6 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l'article L. 871-1, les mots : « à la condition que les opérations d’assurance concernées ne couvrent pas la participation forfaitaire et la franchise respectivement mentionnées au II et au III de l’article L. 322-2 du présent code et qu’elles respectent les » sont remplacés par les mots : « au respect des ».