M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut donc être présent pour accompagner les entreprises qui investissent à l’étranger afin qu’elles perdurent. C’est ce que nous faisons.

J’évoquerai maintenant les relations entre l’industrie et la grande distribution.

Dès ma prise de fonctions, lorsque j’ai organisé les premières réunions avec les organisations professionnelles agricoles, la grande distribution et les industries agroalimentaires, j’ai compris combien les débats étaient houleux. Je ne les raconterai pas – peut-être rédigerai-je un jour un livre sur ce point –, mais j’ai compris que chacun se renvoyait la responsabilité. D’ailleurs, le plus facile est de cibler la grande distribution ; pendant ce temps, les transformateurs ne disent rien. (Mme Françoise Gatel fait une moue dubitative.) Croyez-moi, madame la sénatrice, et croyez-en mon expérience, ce n’est pas si simple que cela !

Mme Sophie Primas. C’est vrai !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Chacun a sa responsabilité dans la captation d’une partie de la valeur ajoutée et de la productivité de l’agriculture. C’est ce que l’on appelle le transfert des surplus de productivité. Et, je puis vous le dire, cela va vite. Il faut donc être vigilant.

Nous disposons d’outils, avec la mise en place des tables rondes, le dialogue que l’on a imposé et l’application de la loi relative à la consommation de Benoît Hamon, qui permet d’intégrer les coûts de production dans la négociation, et de renégocier lorsque ceux-ci sont modifiés en cours d’année, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent. Certes, ces outils ne sont peut-être pas suffisants – il y a sans doute encore des choses à faire –, mais on peut d’ores et déjà y recourir.

M. Bizet a ouvert le débat sur la question de la concurrence.

Je suis d’accord, il faut voir ce qu’est un marché pertinent et ce qu’est une position dominante sur un marché pertinent. La position peut être dominante, sans être absolue ni être un problème : si elle ne modifie pas les prix pour les consommateurs. Il convient peut-être de réfléchir à la manière dont les directives relatives à la concurrence ont été conçues à l’échelle européenne. Car, quand le marché est européen, le poulet, lui, est international.

Concernant le lait, quel élément a conduit à la baisse du prix, alors que celui-ci était assez élevé l’an dernier ? C’est la chute du prix de la poudre de lait sur les marchés entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande ; il ne s’agit même pas d’une question européenne. C’est un enchaînement.

Dans les laiteries, il y a de la poudre de lait et des produits transformés – le yaourt, les fromages –, des produits qu’on valorise. Mais si 40 % du lait que vous achetez est de la poudre de lait, le prix du lait baissera dès que celui de la poudre de lait diminuera, car le prix de la poudre de lait influence et pondère le prix d’achat. Il s’agit donc d’un problème à l’échelle mondiale.

On ne peut plus raisonner en termes de concurrence si l’on ne prend pas en compte cet état de fait. Il y a là matière à engager une réflexion pour modifier le droit à la concurrence, afin de le rendre plus compatible avec la réalité internationale.

On m’a demandé des informations concernant les négociations sur le traité transatlantique.

À ce jour, je n’ai pas de nouvelles informations à vous communiquer. Les dernières remontent à ma rencontre, au Salon de l’agriculture, avec le commissaire européen et au développement rural Phil Hogan, qui revenait des États-Unis. Ce qu’il m’a dit était assez clair : il ne se passera pas grand-chose avant l’élection présidentielle américaine.

De toute façon, comme je l’ai déjà dit, concernant les grands enjeux, on reste sur la même ligne : on a indiqué à plusieurs reprises ce que l’on ne pouvait pas accepter concernant les indications géographiques protégées ou encore les conditions sanitaires de production. Des débats seront organisés sur ces points, mais la transparence sera faite, car les parlements nationaux devront se prononcer sur cet accord.

Permettez-moi maintenant de répondre aux quelques questions qui m’ont été posées.

M. Canevet m’a interrogé sur les contrôles dans les abattoirs.

La Cour des comptes nous avait mis un peu en difficulté. À mon arrivée au ministère en 2012, le nombre de suppressions de postes prévu avait été divisé par deux dans le cadre de la loi de finances pour 2013, faisant passer le nombre de suppressions de postes de 120 prévues à 60. Dans la loi de finances pour 2014, les effectifs des contrôleurs sanitaires de la DGAL, la direction générale de l’alimentation, ont été stabilisés. Dans la loi de finances pour 2015, je le rappelle, on crée 60 postes ; c’est du positif. Nous étions obligés de répondre aux remarques de la Cour des comptes, car les conditions sanitaires sont, au-delà d’être primordiales pour la santé publique, l’un des éléments déterminants de notre capacité à exporter.

Si l’on ne sécurise pas nos produits et si l’on n’inspire pas confiance à nos interlocuteurs, on risque de perdre des marchés. On a donc fait un effort en la matière. Je tiens à vous le dire, car c’est important, on est engagé pour respecter cet engagement sur les conditions sanitaires.

Monsieur Arnell, nous sommes en train de finaliser l’arrêté de la loi relative à la qualité de l’offre alimentaire dans les outre-mer dite « Lurel. Nous préparons la liste des produits concernés. C’est important, il n’y a pas de raison d’ajouter dans les produits alimentaires plus de sucre en outre-mer qu’en métropole. Victorin Lurel avait pris un engagement sur ce point ; nous y travaillons, et nous vous tiendrons informé dès que la liste des produits sera établie.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Par ailleurs, je suis allé en Guadeloupe. Aux Antilles, la banane et la canne à sucre sont bien sûr soumis à la concurrence. Mais nous avons défini des stratégies qui, nous le savons, peuvent être gagnantes. J’en veux pour preuve le plan I et le plan II en cours d’élaboration de la banane durable.

L’identification de l’origine de cette banane – cela a été finalisé au moment du Salon de l’agriculture – est très importante. C’est là aussi une manière de valoriser sur le marché français les produits d’outre-mer ; on verra si la première étape de l’agro-écologie permettra de valoriser la production de la banane : cette banane est produite avec le moins de produits phytosanitaires au monde, je le dis et je le répète. Mangez des bananes des Antilles !

Mme Françoise Gatel. Elles sont bonnes !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et c’est une banane durable ! Il faut faire ce choix important.

Monsieur Gattolin, vous avez parlé des aides au maintien de l’agriculture biologique. Cette question a fait l’actualité. Je rappellerai très simplement les faits.

Dans le cadre de la loi de finances de 2013, qui prépare l’exercice de l’année 2014, 104 millions d’euros ont été débloqués pour soutenir un objectif d’augmentation des surfaces en agriculture biologique que l’on s’est fixé. Or le succès a dépassé de loin les objectifs prévus. Comme les crédits ont été fixés dans le cadre de l’article 68 de la PAC utilisé au niveau national, je ne peux pas faire de fongibilité avec les autres aides pour remplacer. On essaiera de trouver une solution pour cette difficulté sur les aides 2014.

Je suis obligé de le dire, oui, nous avons baissé de 25 % les aides au maintien de l’agriculture biologique pour 2014 ; c’est un vrai sujet. Le plan Ambition Bio 2017, qui avance bien – on a dépassé l’Allemagne en termes de surfaces agricoles biologiques ! – sera mis en œuvre en 2015.

Quand je suis arrivé au ministère, les aides au maintien de l’agriculture biologique s’élevaient à 90 millions d’euros, contre 180 millions d’euros, en 2017, à la fin du plan Ambition Bio, dont l’objectif est le doublement des surfaces agricoles. La part des surfaces biologiques est de plus de 4,5 %, contre quelque 3 % auparavant. Je pense que nous atteindrons l’objectif fixé, et nous ferons tout pour qu’il en soit ainsi. À comparer avec l’engagement du Grenelle de l’environnement – on s’en souvient tous, 20 % de surfaces agricoles biologiques d’ici à 2018 –, on a pris un engagement crédible, qu’on est capable de tenir. Voilà ce qui est important, même si je regrette le problème que nous avons rencontré en 2014 à cause du succès plus important que prévu. À nous d’anticiper les choses et de favoriser le développement de l’agriculture biologique !

M. Gremillet a évoqué la suppression des quotas laitiers.

Dans le cadre du plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles, nous allons consacrer, à partir de 2015, avec les régions, 200 millions d’euros par an au soutien et à l’investissement, en fléchant, de manière spécifique, les salles de traite. En effet, il est nécessaire d’améliorer les conditions de travail des agriculteurs pour accroître la productivité : les salles de traite sont un enjeu. Nous favorisons les investissements dans la filière laitière, aux côtés des autres secteurs de l’élevage et agricoles.

Dans le même temps, à l’échelle européenne, on sort du système des quotas laitiers. Je ne suis pas à l’origine de cette mesure ; elle a été décidée en 2008. Il convient donc de voir comment il est possible de restructurer une politique, afin d’éviter que tous les pays ne développent leur production sans se préoccuper de ce qu’il adviendra.

Depuis ma prise de fonctions, j’ai fait trois propositions concernant le post-quotas laitiers. Cela bouge un peu : à la veille de la fin des quotas laitiers, chacun commence à se préoccuper de cette question. Le ministre belge que j’ai rencontré, et les ministres polonais et espagnol sont prêts à discuter. Au-delà du filet de sécurité qui a été mis en place, il faut définir une stratégie pour éviter une chute des prix.

En effet, quand la production ou le troupeau laitier augmente, si les débouchés prévus ne sont pas au rendez-vous, tout le lait revient sur le marché européen, ce qui fait chuter les prix. Au demeurant, les producteurs laitiers anticipent cette baisse et abattent des vaches laitières : un plus grand nombre de vaches de réforme déstabilise alors le marché de la viande. Voilà ce qui se passe. C’est pourquoi il est temps de voir ce que l’on peut faire. Nous avons fait des propositions, elles sont disponibles sur le site du ministère.

Je ne reviendrai pas sur l’amendement Jégo ; j’ai parlé du combat pour le label Viandes de France. Le Sénat va examiner le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dit « Macron ».

Je vous donne ma position : aujourd'hui, la stratégie interprofessionnelle d’identification et de traçabilité, avec l’hexagone et le drapeau bleu-blanc-rouge, est payante. Elle est payante pour les agriculteurs et pour l’industrie. Aussi, il convient de la conforter, plutôt que de la fragiliser. Vous examinerez cette question, mesdames, messieurs les sénateurs, et je vous fais confiance : vous avez compris mon message !

Pour conclure, j’évoque un document (M. le ministre brandit un exemplaire de ce document.) qui vous a été ou vous sera envoyé (MM. les huissiers procèdent à la distribution dudit document.) évaluant, dans chaque région et dans chaque filière, les aides apportées aux filières agricole et agroalimentaire dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité. Vous pouvez ainsi aller discuter des enjeux de compétitivité, des aides de l’État en faveur de la filière agroalimentaire.

Personnellement, je suis très satisfait de ce débat, dont je vous remercie. Je vous le dis, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est mobilisé pour faire en sorte que l’industrie agroalimentaire française soit toujours – il faut qu’elle le reste ! – un enjeu en termes d’image et d’emplois et un enjeu industriel. Surtout, il s’agit d’un bel enjeu pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir de l’industrie agroalimentaire.

14

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 16 mars 2015, à vingt et une heures :

Projet de loi autorisant la ratification de l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (Procédure accélérée) (n° 798, 2013-2014) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 307, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 308, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART