M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat, consacré à la situation de l’industrie agroalimentaire française, est organisé à la demande du groupe UDI-UC et notamment de Mme Gatel, que je remercie de son initiative. Nous avons là l’occasion de résumer, au cours d’une discussion dans cet hémicycle, les enjeux et les stratégies propres à ce secteur.
Cet échange de vues me semble tout à fait utile. En effet, – ce constat a été rappelé – l’agroalimentaire représente, en France, quelque 500 000 emplois. En outre, ce secteur industriel concourt à l’excédent de notre balance commerciale.
À ce titre, je tiens à rappeler que cet excédent se mesure par la différence entre ce que la France exporte et ce qu’elle importe. Les exportations ont été largement abordées au cours de ce débat. N’oublions pas que nous devons, parallèlement, relever un défi spécifique : la reconquête d’une partie de notre marché intérieur.
Mme Sophie Primas. Absolument !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Au cours des dernières années, la France a eu de plus en plus largement recours à des productions venant de l’extérieur. En conséquence, l’excédent commercial doit aujourd’hui faire l’objet d’une double stratégie : exporter plus et importer moins. Ne le perdons pas de vue. Les discussions partent très vite vers les grands horizons, par-delà les mers, vers l’océan Indien ou les Amériques. (Sourires.) On en oublierait presque que nous avons, avant tout, une responsabilité vis-à-vis de notre marché national.
Les emplois de l’agroalimentaire sont territorialisés – c’est un aspect important – et répartis au sein de PME et de PMI. (Mme Françoise Gatel acquiesce.)
Nous le savons tous dans cet hémicycle pour l’observer dans nos départements respectifs, ces emplois sont liés à des territoires spécifiques. J’ajoute que, sans les activités agroalimentaires associées à l’agriculture, un certain nombre de régions seraient presque privées d’industrie. Cette filière n’en est que plus importante. Non seulement elle regroupe un grand nombre d’emplois, mais ces derniers sont très territorialisés. Voilà pourquoi nous devons veiller à préserver la capacité des entreprises concernées à pérenniser leur activité, à assurer leur développement et à financer leurs investissements.
À travers cette industrie, c’est son image que la France diffuse, en Europe et dans le monde. De surcroît, l’agroalimentaire est, pour nous, une source d’attractivité, ne serait-ce que pour le tourisme que notre pays polarise. Dans toutes les régions touristiques, chacun a sans doute à l’esprit ce que représentent la restauration et donc la production agroalimentaire française. Il faut comprendre au sens large l’enjeu dont il s’agit, sous un angle industriel mais aussi de manière culturelle, en lien avec la gastronomie.
Je l’ai souligné en ouvrant mon propos : ce débat est important en ce sens qu’il vise à définir de grandes stratégies.
Le ministère de l’agriculture suit cette double stratégie, que je viens de mentionner et qui, selon moi, est à même de faire l’unanimité : favoriser l’exportation tout en réduisant notre dépendance et nos importations si c’est possible – je vais tenter de vous prouver que tel est le cas.
Certains orateurs ont rappelé que l’agroalimentaire bénéficiait précédemment d’un ministre délégué, qui, c’est vrai, s’est révélé être un acteur important. À présent, j’assume cette responsabilité avec un jeune délégué interministériel, nommé par le Président de la République. Je l’ai dit, l’administration de mon ministère va être réorganisée, en particulier la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, la DGPAAT. Il convient d’y intégrer les enjeux de l’agroalimentaire, que ce soit en termes de pilotage politique ou sur le plan administratif. À mon sens, c’est un signal fort de l’attachement que la France voue, et que je voue moi-même à la transformation des produits agricoles.
Je suis ministre non seulement de l’agriculture mais aussi de l’agroalimentaire : aucun produit agricole n’est consommé sans avoir été transformé. (Mme Françoise Gatel opine.) Les degrés de transformation peuvent être plus ou moins élevés. On distingue à ce titre la première, la deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième transformation. Quoi qu’il en soit, nous consommons des produits transformés – je ne cesse de le répéter ! – ou transportés. Les aliments ne sont pas consommés sans qu’une action soit opérée, ne serait-ce que par la récolte de la production.
Le premier enjeu, c’est la modernisation et la compétitivité. Il a été évoqué au cours de cette discussion et vaut dans les deux sens, pour notre capacité à exporter et à éviter les importations.
En la matière, je rappelle que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, comme le pacte de responsabilité, lequel permet des allégements de charges patronales sur les bas salaires, sont des dispositifs essentiels dans un secteur qui emploie beaucoup de main-d’œuvre, notamment de personnes rémunérées aux alentours du SMIC. C’est précisément la cible du CICE.
Gardons en tête les montants dont il s’agit, car il faut bien mesurer l’ampleur de l’effort accompli.
Entre 2012, époque à laquelle ces dispositifs n’étaient pas encore en vigueur, et 2015, 771 millions d’euros d’allégements supplémentaires ont été accordés à l’industrie agroalimentaire. Entre 2012 et 2017, nous ambitionnons de porter cette somme à 1,1 milliard d’euros. Voilà l’effort qui est fait, pour une industrie qui – certains l’ont rappelé – avait besoin de retrouver de la compétitivité. Le pacte de responsabilité s’applique parfaitement à l’industrie agroalimentaire et contribue à l’amélioration de sa compétitivité.
Il fallait faire ce choix, à une condition près : que le CICE, dont bénéficient en particulier les PME, ne soit pas absorbé dans des négociations commerciales destinées, en définitive, à réduire les prix. (M. Henri Cabanel acquiesce.) Je m’en assure dès que j’en ai l’occasion. Lors des négociations commerciales menées au début de cette année, j’ai systématiquement formulé ce rappel. Au titre du pacte de responsabilité, la nation mobilise un total de 32 milliards d’euros. Si cet effort se traduit par une simple baisse des prix sans conforter la compétitivité et les capacités d’autofinancement du secteur, notre pays ne pourra pas le poursuivre longtemps. Chacun doit assumer ces responsabilités.
Soyons, tous ensemble, extrêmement attentifs à ces questions, chaque fois que de telles négociations sont menées. Je le répète, chaque acteur a sa responsabilité, y compris les organisations patronales. Lorsque des pourparlers ont lieu entre la grande distribution et les industries au sein d’une instance comme le MEDEF, chacun doit garder cet impératif à l’esprit. Le ministre n’est pas censé devoir rappeler, en permanence, l’importance de l’enjeu : l’État ne mobilisera pas 32 milliards d’euros tous les ans ! Cette somme doit donc servir à la compétitivité, à l’autofinancement et aux capacités d’investissement pour l’avenir.
La Banque publique d’investissement, ou BPIFrance, est également mobilisée en faveur de ce secteur. Au reste, Guillaume Garot avait veillé à ce que cette instance consacre une ligne budgétaire spécifique aux entreprises de l’agroalimentaire. Le nombre d’entreprises soutenues a crû de 50 % entre 2011 et 2014, et le montant des prêts accordés a augmenté de 40 %. C’est un progrès. Il faut encore améliorer ces résultats. La France a besoin de ces investissements.
En outre, lors de mon arrivée au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, j’avais constaté, avec Guillaume Garot, la faiblesse des investissements consacrés à cette industrie. Or, lorsque les investissements s’affaissent en capacité comme en rentabilité, la compétitivité décline. Il s’agit donc d’une perspective majeure pour ce secteur.
Vous le constatez, la compétitivité s’améliore, grâce au CICE et au pacte de responsabilité. Les capacités de financement et d’investissement existent. Encore faut-il être capable de déployer une stratégie à moyen et long termes. C’est, me semble-t-il, ce qui a fait défaut par le passé.
À mon sens, au-delà du débat politique portant sur ce qui a été fait ou non, il faut avant tout savoir où l’on veut aller. Voilà pourquoi les plans de la nouvelle France industrielle ont toute leur importance. Rien n’est pire que de rester statique : c’est loin d’être la meilleure manière de déterminer sa direction, de choisir un chemin, d’engager des financements et des investissements. Il faut tracer des perspectives.
Je le répète, c’est ce que fait le Gouvernement dans le cadre des plans de la nouvelle France industrielle. Heureuse coïncidence, je me suis rendu ce matin même au ministère de l’économie. Emmanuel Macron et moi-même avons fait le point sur trois plans en cours de discussion, que je vais vous détailler en présentant un certain nombre de chiffres relatifs aux financements et aux accompagnements de l’État.
Tout d’abord, nous avons examiné le plan textile. Je le dis à cette tribune : il est frappant de constater que cette industrie, il y a peu encore jugée obsolète et en voie de disparition, est en train de renaître et de se fixer, grâce aux textiles intelligents, des objectifs extrêmement ambitieux et innovants. Ces projets vont rendre à cette industrie sa place historique, qu’elle avait perdue et qu’elle doit reconquérir.
Ensuite, nous avons détaillé le plan relatif à la forêt. La filière bois est essentielle et nous lui avons consacré, dans cet hémicycle, d’importants débats au titre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Enfin, nous nous sommes penchés sur le plan relatif à l’alimentation de demain, aux industries agroalimentaires. Il se décline en cinq volets qui ont été mentionnés et sur lesquels je reviens à mon tour.
Premièrement, – c’est, pour moi, un objectif prioritaire – nous devons investir dans les abattoirs pour améliorer leur productivité. Ces investissements sont essentiels. Madame Gatel, vous l’avez souligné avec raison, pour rendre cette filière attractive, il faut tenir compte d’un certain nombre de critères, en particulier de la pénibilité.
Mme Françoise Gatel. Oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut assurer la prise en compte de ce facteur, avec toute la simplicité nécessaire pour que les chefs d’entreprise ne soient pas dans l’impossibilité de l’appliquer. C’est une nécessité absolue pour renforcer l’attractivité de ce secteur. La compétitivité des métiers de la viande et l’investissement dans les abattoirs constituent la priorité des priorités. Je le répète, le manque d’investissement dans ce domaine explique pour partie les difficultés que nous subissons aujourd’hui.
Deuxièmement, il faut ouvrir le marché de l’alimentation fonctionnelle, pour développer des productions de plus en plus adaptées aux besoins nutritionnels. Cette question a été soulevée, au cours de ce débat, à propos de la silver economy. Comment adapter les produits alimentaires selon les âges et les besoins ? Cet enjeu, essentiel pour l’avenir, compte au rang des axes stratégiques que nous avons tracés.
Troisièmement, il convient de se pencher sur les emballages du futur, qui seront connectés à un ensemble de systèmes numériques par un système de codages. Nous devrons également travailler sur ce sujet spécifique.
Quatrièmement, il faut traiter la question du froid, dans le cadre de l’entreprise verte. Il s’agit, plus précisément, des économies d’énergie qui devront être faites, demain, pour assurer aussi des gains de productivité. C’est, là encore, un point majeur : certains produits sont stockés à moins 50 ou moins 30 degrés alors qu’ils pourraient se conserver à moins 18 degrés. Est-ce nécessaire ? Ne peut-on pas dégager des économies ?
Mme Françoise Gatel. Bien sûr !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comment économiser ? Ce sont là de vrais sujets. La stratégie pour le froid figure au rang des investissements que nous devons assurer au titre de ce plan. La réunion de ce matin a permis de le rappeler. À cette occasion, le président de l’Association nationale des industries agroalimentaires, l’ANIA, en charge de ce dossier, a fait une présentation de grande qualité. Pour ma part, j’ai parfaitement assimilé ces enjeux.
Cinquièmement et enfin, il faut garantir la qualité et la sécurité des aliments et des boissons. Il s’agit concrètement de l’information digitale du consommateur et de la garantie de traçabilité – je vais y revenir.
Naturellement, – certains orateurs m’ont interrogé sur ce point – ce plan doit être accompagné. Le Gouvernement s’en chargera. Ce matin, nous avons précisément pris les décisions nécessaires pour l’accompagnement des plans qui vont être mis en œuvre, qu’il s’agisse du textile, de la forêt ou de l’agroalimentaire.
Sur cette base, le programme d’investissements d’avenir, le PIA, est mobilisé à hauteur de 120 millions d’euros sur trois ans pour l’agriculture et l’agroalimentaire. Il a été confié à FranceAgriMer.
Sur ces 120 millions d’euros pour la période 2015–2017, 14 millions d’euros sont d'ores et déjà investis dans la modernisation des serres pour améliorer leur compétitivité. L’objectif, ce sont des économies d’énergie dans la production de fruits et de légumes. Cela varie selon les régions, mais en Bretagne, par exemple, on sait de quoi il s’agit. En Normandie, dans le Sud-Est et dans le Sud-Ouest, les enjeux sont importants.
Par ailleurs, 20 millions d’euros sont destinés aux abattoirs. Les échanges avec FranceAgriMer, l’établissement public qui pilote ce PIA, sont engagés. Un accompagnement à hauteur de 20 millions d’euros sur les abattoirs est donc acquis.
Le reste est en cours de discussion. Par ce programme important, l’État se mobilise et accompagne l’effort de modernisation.
Dans ce cadre, avec le commissariat général à l’investissement, le CGI, il est également prévu de consacrer 20 millions d’euros, en plus des chiffres déjà avancés, à la dimension agroalimentaire du plan « Nouvelle France ». Il s’agit de la préparation de cette nouvelle France industrielle, avec l’abattoir du futur, l’entreprise du futur, la gestion, l’anticipation sur le froid et sur le digital. Ces points, extrêmement importants, sont en cours de mise en œuvre.
Pour relever le défi de l’emploi et de l’attractivité, il faut mettre en place un ensemble de processus. Nous y travaillons. Le conseil supérieur de la filière s’est engagé dans cette voie, un accord a été trouvé en juillet 2013, avec l’objectif de créer potentiellement 90 000 emplois, ainsi que – c’est important – 150 000 postes pour des jeunes en alternance.
Une réflexion a en outre été engagée à propos de la qualité de la vie au travail, parce que l’on sait bien que développer l’attractivité, c’est aussi donner envie de faire carrière dans ces métiers, là où les entreprises expriment des besoins.
Nous poussons les filières de l’agroalimentaire à trouver un accord de branche sur le pacte de responsabilité, c’est-à-dire la contrepartie à l’ensemble du dispositif que je viens d’évoquer et qui aboutira en 2017 à un montant d’allégements de charges supplémentaires de 1,1 milliard d’euros dans le secteur. Je tenais à le répéter car cela fait partie des enjeux. Cet accord est en négociation. Une réunion a eu lieu récemment au moment du Salon de l’agriculture pour encourager les partenaires sociaux à avancer le plus rapidement possible sur ce sujet important.
Nous en sommes donc là : l’accent est mis sur la compétitivité et l’investissement, avec des stratégies visant à reconquérir notre marché national, quand nous l’avons perdu, tout en nous donnant les moyens de conquérir des marchés à l’exportation.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué dans votre introduction la question de la filière volaille, en parlant de Tilly-Sabco. Vous avez toutefois oublié d’évoquer Doux, contrairement à votre collègue du Finistère, M. Canevet, qui connaît Daniel Créoff.
Quand je suis arrivé, c’était la liquidation judiciaire et ses conséquences en termes de suppressions d’emplois. J’ai maintenu durant une année supplémentaire, contre l’avis de la Commission, des restitutions à l’exportation, à hauteur de 50 % de leur niveau antérieur, en 2012. Ces aides ont donc été versées tout au long de l’année 2013 jusqu’en 2014. L’engagement de les stopper à cette date avait été contracté bien avant ma prise de fonctions, en 2004, à Hong Kong, dans le cadre des négociations de l’OMC. Le paquet comprenait à l’époque la fin de ce dispositif en Europe.
Que s’est-il passé ? Cette stratégie a fait débat, je vais donc vous l’exposer clairement. Il fallait tout d’abord trouver un fonds de retournement pour régler une partie de la dette due à la banque Barclays par l’entreprise de M. Doux. Le fonds de M. Calmels, avec M. Marion, a ainsi permis de régler cette question et a investi dans l’entreprise.
Ensuite, je tiens à le dire, j’ai pris contact, à plusieurs reprises, d’abord avec l’ambassade d’Arabie Saoudite, puis avec le groupe Almunajem, afin de sécuriser le débouché à l’exportation. Ce groupe a pris, lui aussi, des parts dans l’entreprise.
Une fois ces deux points acquis, des objectifs stratégiques et économiques ont été élaborés par l’entreprise, avec un plan d’investissement, que nous avons suivi. Nous avons misé sur la parité euro-dollar : l’équilibre avait été évalué autour de 1,30 dollar pour un euro, on est aujourd’hui à 1,10 dollar,…
M. le président. Non, 1,04 !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … et même 1,04 dollar pour un euro, car cela continue de baisser. Monsieur le président, je vois que vous suivez l’actualité de notre monnaie.
M. André Gattolin. Il lit les pages Bourse !
M. Stéphane Le Foll, ministre. L’entreprise Doux est aujourd’hui capable de dégager des bénéfices, et elle a d’ailleurs annoncé récemment des créations d’emplois en CDI en Bretagne.
Ce potentiel, et ces débouchés, que nous devons organiser, éclairent la reprise de Tilly-Sabco, qui est engagée, autant que le choix stratégique d’une filière nouvelle de poulets nourris à base d’algues.
Il est vrai que pendant des années, Doux, au lieu d’investir en Bretagne pour améliorer notre propre compétitivité, notre organisation sanitaire et la structuration de la filière, s’est engagé de l’autre côté de l’Atlantique, au Brésil. Cette démarche n’a pas produit de résultat (M. Michel Canevet opine.), si ce n’est l’affaiblissement de l’entreprise.
Heureusement, nous avons restructuré tout cela et nous sommes aujourd’hui sur la voie du redressement. Il faut rappeler de temps en temps que la France gagne aussi en agroalimentaire ! Une filière qui était pratiquement condamnée est en train de se redresser. C’est un point positif !
Dans le même temps, la reconquête du marché intérieur par la filière volaille est engagée, avec le fameux poulet standard. Je ne vais pas évoquer les poulets labellisés : venant du canton de Loué, je pourrais, vous le pensez bien, en parler longuement ! (Sourires.) Des engagements ont été pris par un abattoir sarthois, dont la taille est aujourd’hui suffisante et qui a investi, avec d’autres, dans la reconquête du marché des poulets standard.
Aujourd’hui, comme l’expliquait un article des Échos, nous consommons près de 80 % de produits importés. Ils viennent parfois du Brésil, mais souvent de Belgique, c’est-à-dire d’Europe. La reconquête de notre marché est donc essentielle pour réduire le déficit ou améliorer l’excédent de notre balance commerciale. Cela fait partie des objectifs que nous poursuivons aujourd’hui.
J’en viens à la filière porcine ; c’est un vrai sujet. Depuis 2010, il n’y a pas si longtemps, nous produisons entre cinq et six millions de porcs en moins. (M. Jean Bizet opine.) Nous étions aux alentours de vingt-cinq millions de porcs par an en 2010, nous sommes descendus aujourd’hui à dix-neuf ou vingt millions, quand l’Allemagne est passée de quarante à soixante millions.
Une fois ce constat posé, que fait-on ? Nous mettons en œuvre les mêmes dispositions afin d’agir sur la compétitivité, avec le CICE, sur le soutien à l’investissement, c’est la question des abattoirs, sur l’accompagnement des restructurations douloureuses, comme nous l’avons fait avec Gad à Lampaul et à Josselin, avec une entreprise, SVA Jean Rosé, adossée à un grand groupe de distribution.
Madame la sénatrice, dans cette situation, lorsque la fermeture menace, avec le risque de voir disparaître des milliers d’emplois, on choisit des stratégies avec des repreneurs, voilà l’enjeu.
AIM a, malheureusement, rencontré également des problèmes, qui ne sont pas liés à la conjoncture, nous en sommes tous d’accord, mais à une structure un peu datée et à une gestion qui n’a pas été à la hauteur. Que devons-nous faire ?
Trois possibilités ont été envisagées, que nous avons étudiées, je le dis, en parfaite harmonie avec les collectivités territoriales, département et région, dont les couleurs politiques diffèrent. Cette bataille autour de la défense d’une industrie et de ses emplois a bien été menée en commun. Mais ces trois projets n’ont finalement pas pu aboutir.
Nous travaillons maintenant sur une reprise de l’abattoir sous forme de SCOP. Encore faut-il définir une stratégie par rapport à la production porcine normande et trouver le moyen de valoriser cette production à l’échelle du marché national.
Une réflexion a été engagée au ministère jusqu’au mois de juin : je ne laisserai pas la filière porcine sans apporter des réponses structurelles ! Que fait-on à partir des constats que nous établissons aujourd’hui. Ainsi, pourquoi, dans un marché au cadran, rencontrons-nous aujourd’hui des difficultés ? Quand il est orienté à la baisse, cela descend très bas, mais quand il faut que les prix remontent, ils ne peuvent le faire de plus de cinq centimes par adjudication.
Comment faire pour gérer cela d’une manière plus adaptée à la réalité du marché de la filière porcine ? Aujourd’hui, les pièces dont nous avons besoin sont variées : ce qui se vend, ce ne sont pas des carcasses entières, mais des produits de découpe de toutes sortes, selon les saisons, depuis les grillades de l’été et du printemps jusqu’aux morceaux spécifiques de l’hiver.
Il faut que la filière soit plus structurée. Nous y travaillons avec la Fédération nationale porcine, dont l’assemblée générale a lieu en juin à Ploërmel. J’entends bien y avancer des propositions afin de tracer, là encore, des perspectives de redressement.
Dans le même temps, nous avons introduit de la simplification au niveau de la production, en raccourcissant les délais en ce qui concerne les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE. C’était un problème.
Il est inutile de prendre trois ans pour instruire un dossier s’il est possible de le faire en six mois. Ne perdons pas de temps. Nous devons à la fois être efficaces et respectueux des normes et des règles, mais ne laissons pas croire qu’il est préférable de consacrer trois ans à un dossier. Non, l’objectif est d’aller plus vite, sans remettre en cause les règles environnementales.
Des efforts stratégiques ont donc été consacrés à la filière porcine, ils continuent.
L’évocation du label « Viandes de France » me permet de répondre à la question posée par l’amendement Jégo adopté à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi « Macron ». Cette démarche est essentielle et va se prolonger. Je vous annonce ainsi que nous discutons, en particulier avec la filière porcine, pour l’étendre au-delà des viandes non transformées, vers les produits transformés, et en particulier la charcuterie. Quand la traçabilité est facile à établir, nous devons aller jusqu’au bout pour valoriser la production française. Tel est l’enjeu.
L’amendement Jégo contrarie cette stratégie, que je compte appliquer à d’autres secteurs : je vais mettre en œuvre le label « Fleurs de France » – très beau slogan : les « Fleurs de France » ! Nous avons perdu 80 % de notre production horticole, il est temps de réagir et de la mettre en valeur.
Nous travaillons également aux labels « Miels de France » et « Légumes de France », afin de permettre la valorisation de la production française, et de lui assurer des débouchés, en particulier auprès des consommateurs français qui cherchent à acheter français.
Parallèlement, je milite en faveur de l’établissement d’une stratégie européenne pour la traçabilité, à travers l’étiquetage européen sur les origines des viandes, transformées et dans les plats cuisinés en particulier. C’est un problème à gérer au niveau de l’Europe. Mais nous, nous pouvons, et nous devons, avancer. On voit bien, depuis la crise des lasagnes au cheval, que la mise en œuvre du label « Viandes de France » est un atout et nous allons continuer à mettre l’accent sur la traçabilité dans notre pays. Cela vaut donc pour plusieurs filières.
Nous devons également nous mobiliser sur la question des fruits et des légumes à l’école. J’apprends que nous disposons de 12 millions d’euros de crédits européens pour donner des fruits à l’école mais que nous n’en utilisons que 1 million d’euros ! De temps en temps, il faut vraiment secouer la boutique ! Alors que certaines productions de fruits et légumes font face à des difficultés, nous abandonnons 10 millions d’euros destinés, au surplus, à les distribuer aux écoles. Cela ne me paraît franchement pas responsable ! Nous sommes en train de régler ce problème, et je veux que cela soit fait avant le début de la saison des fruits et des légumes.
L’export : quel beau sujet ! Quand je suis arrivé au ministère, j’ai constaté que Ubifrance, Sopexa, l’AFIT agissaient, que tout le monde s’en mêlait, chacun avec sa petite boutique pour exporter, qui en Thaïlande, qui en Corée, qui en Chine… Si vous allez à Shanghai, vous verrez que les Français sont représentés ! La filière porcine, la filière bovine, les légumes, la charcuterie, tout ce que vous voulez ! Tout le monde a son petit truc.
Il est temps de mettre un peu d’ordre ! Quand je dis cela, c’est le ministre qui parle, mais ce n’est pas si facile de le faire ! Pour ce qui concerne la responsabilité du ministre, on a avancé. Mais il y a tout de même des manières de traiter et de gérer les choses. Si tout était un peu plus coordonné, c’est sûr et certain, ce serait plus efficace et cela coûterait moins cher. Pour notre part, nous avons fait ce qui était de notre responsabilité.
En effet, on a mis en place un comité export au sein de l’administration, qui fonctionne bien. Celui-ci nous a permis d’ouvrir des marchés. Il travaille aujourd’hui en particulier sur la viande bovine en Algérie, en Turquie, au Maroc, sur l’ensemble des marchés disponibles. C’est un enjeu fort.
Ce comité a également permis des ouvertures importantes ; je pense, pour la Chine, à la charcuterie, au travers d’abattoirs et de coopératives bretonnes. Ainsi, une grande coopérative des Côtes-d’Armor a aujourd'hui son agrément. Mais, je le dis au passage, si les négociations peuvent prendre fin très vite en Chine, il faut beaucoup de temps pour les faire aboutir. En l’occurrence, la négociation remonte au voyage du Président de la République en 2013 pour aboutir à un agrément en 2015. Les relations de confiance mutuelle exigent un travail continu. Nous avons beaucoup œuvré en la matière parce qu’il est très important d’ouvrir ces marchés à l’exportation.
Mieux accompagner les entreprises : il faut à la fois élaborer une stratégie pour ce qui concerne les TPE et les PME et fournir un accompagnement personnalisé.
Plus de 120 PME exportatrices ont été repérées. Nous les soutenons au travers d’une politique et d’une diplomatie économiques s’appuyant sur des attachés pour les affaires agricoles et agroalimentaires dans chacune des ambassades.
À ce titre, j’indique que je viens de nommer une attachée dans différents pays stratégiques pour la France, notamment dans la grande Afrique de l’Ouest, qui représente des enjeux importants. Dans le cadre du Quai d’Orsay, mais aussi avec les moyens du ministère de l’agriculture, on essaie donc de développer une diplomatie en la matière.
Rationaliser les outils publics d’accompagnement à l’export : le travail est en cours. Il a avancé, avec la création de Business France. Voilà qui est fait. Ce matin, lors des débats que nous avons eus sur les plans d’avenir, nous avons parlé de la disponibilité de Business France pour soutenir les entreprises et les PME à l’exportation et les aider à préparer les montages financiers.
Par ailleurs, nous sommes en train de finaliser le fameux débat entre Ubifrance et Sopexa. Il s’agit de mettre en œuvre une stratégie unique lors des grands salons internationaux, afin d’éviter que de multiples opérateurs ne viennent chacun parler de la France : il vaut mieux en parler une seule fois et de manière très claire, plutôt que d’avoir plusieurs intervenants, car cela peut conduire à une certaine cacophonie. Imaginez une dizaine de Français devant un Chinois : l’un lui parlera de l’ouest de la France, un autre du sud, un autre encore du nord ; l’un fait de la charcuterie, l’autre des légumes. Il est temps de s’organiser pour parler de la France, et c’est ce que nous sommes en train de faire. C’est très important pour favoriser les implantations et assurer un suivi des entreprises.
En effet, une entreprise qui a obtenu un débouché peut, deux ans après, faute de suivi, quitter le pays concerné et le marché est alors perdu.