Mme Cécile Cukierman. Nous voterons cet article qui constitue le corps du texte.
Sans me mêler des échanges entre le secrétaire d’État et le rapporteur, et sans mettre tout le monde dans le même sac, il me semble que le texte tel qu’il est rédigé sera inévitablement source de contentieux.
En effet, cette proposition de loi prévoit la possibilité de célébrer les mariages dans une salle différente. Il ne s’agit pas simplement du transfert de la salle des mariages de la maison commune vers une autre salle.
Bien évidemment, s’il y a discrimination, après de longues procédures, il sera rendu justice aux personnes concernées qui pourront certainement se marier – si elles ne se sont pas séparées entre-temps. Néanmoins, pourquoi ne pas rédiger la loi de telle sorte que soient évités de futurs problèmes ?
Cette difficulté ne devra pas être éludée dans le cadre de la navette, car nous savons tous en tant qu’élus qu’il existe des intérêts divergents. Nous l’avons constaté encore récemment lors de l’examen de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Nul ne l’ignore, certains élus locaux refusent ces mariages et ne se rendent pas disponibles pour les célébrer. C’est une réalité. Au nom de l’unanimisme, je le dénonce ! Ces élus ne sont peut-être pas très nombreux, mais ils existent : ce n’est pas acceptable et ce n’est pas faire honneur à la République ! (Mme Annie Guillemot applaudit.)
M. Claude Kern. Ce n’est pas l’objet de la proposition de loi !
Mme Cécile Cukierman. Ne mettons pas en place une loi qui permettrait de ne pas accueillir dans la salle des mariages telle ou telle cérémonie sous prétexte que celle-ci ne serait pas disponible ce jour-là. Quand on élabore la loi, il faut également prévoir les exceptions, d’autant que la difficulté que je soulève ici est bien réelle. Nous devons nous prémunir contre de tels risques afin de garantir le mariage de toutes et de tous.
Le groupe CRC votera ce texte. Nous nous félicitons d’ailleurs du travail réalisé en commission. Cependant, j’insiste : il nous faudra réfléchir tous ensemble dans le cadre de la navette pour faire évoluer cette loi dans le bon sens, dans l’intérêt des élus locaux et des familles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Annie Guillemot applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.
(L'article unique est adopté.)
Article additionnel après l'article unique
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Sutour, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1er est applicable en Polynésie française.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Simon Sutour, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, pour permettre l’application de la loi en Polynésie française.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Lenoir. Vous nous comblez !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article unique.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Sutour, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi tendant à permettre au conseil municipal d’affecter tout local adapté à la célébration de mariages
La parole est à M. le rapporteur.
M. Simon Sutour, rapporteur. Cet amendement vise à tirer les conclusions des modifications apportées par la commission des lois. Le texte initial concernait la célébration des mariages uniquement dans les mairies annexes, alors que le texte définitif prévoit leur célébration dans tout local adapté à cette fonction.
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Lenoir. Quel changement de cap !
M. le président. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Par ailleurs, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Il me semble percevoir sur diverses travées quelques signes qui me paraissent annoncer le vote favorable de cette proposition de loi…
M. Jean-Claude Lenoir. On ne peut rien vous cacher ! Vous êtes perspicace !
M. Roland Courteau. D’avance, je remercie le Sénat de son soutien et tout particulièrement le rapporteur, notre collègue Sutour, ainsi que les membres de la commission des lois et sa vice-présidente. Je remercie également le groupe socialiste d’avoir accepté que cette proposition de loi soit mise à l’ordre du jour des travaux du Sénat.
Voilà un texte, mes chers collègues, qui est attendu depuis longtemps par les élus des communes. Nombre de maires, cela a été dit et répété, nous saisissent des problèmes qu’ils rencontrent régulièrement et ne peuvent résoudre pour différentes raisons, notamment dans le cas très fréquent où les locaux de la mairie ne sont pas adaptés à la célébration des mariages, sauf à ce que le conseil municipal réitère à de nombreuses reprises sa demande, ce qui est source de complexité et de lourdeur.
Il s’agit donc d’en finir avec les conséquences qui résultent d’une certaine rigidité et de donner à un tel dispositif toute la souplesse nécessaire. Le Sénat va faire œuvre utile en adoptant dans quelques instants cette proposition de loi et je l’en remercie vivement, en espérant tout aussi vivement, monsieur le secrétaire d’État, que l’Assemblée nationale s’en saisira rapidement afin que le texte parvienne dans les meilleurs délais, comme l’a souligné M. le rapporteur, au bout de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en entrant dans l’hémicycle, je n’étais guère favorable à cette proposition de loi. Les amendements qui ont été adoptés à l’unanimité lui redonnent un sens. Il me paraît important que la décision relève de la responsabilité du conseil municipal et donc des femmes et des hommes élus sur le terrain.
À l’issue de l’examen en commission et en séance publique, votre proposition de loi, monsieur Roland Courteau, a le mérite de la clairvoyance et, surtout, le sens de la responsabilité sur le terrain. Je me sens donc, en cet instant, convaincu de l’intérêt de la voter. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Convaincu et converti !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi tendant à permettre au conseil municipal d’affecter tout local adapté à la célébration de mariages.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
7
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires étrangères a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Sylvie Goy-Chavent membre suppléant du conseil d’administration de l’Agence française de développement.
8
Congés exceptionnels
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant ou d’un conjoint (proposition n° 127 [2011–2012], texte de la commission n° 361, rapport n° 360).
Dans la discussion générale, la parole à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour examiner une proposition de loi ayant pour but d’allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant ou d’un conjoint.
C’est un sujet éminemment sensible. Le décès d’un proche est toujours une épreuve, quelles qu’en soient les circonstances ; une épreuve qui nous a tous touchés, directement ou indirectement.
Il appartient, je le crois, à la société tout entière de manifester sa solidarité mais aussi son empathie face à la douleur d’une mère, d’un père ou d’un conjoint.
Cette solidarité doit se traduire par des droits : le droit notamment à des congés exceptionnels d’une durée décente. Aujourd’hui, la durée légale des congés pour décès fixée par le code du travail varie en fonction du lien de parenté : deux jours pour le décès d’un enfant, deux jours pour le décès d’un conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité et un jour pour le décès d’un père, d’une mère, d’un beau-père ou d’une belle-mère, d’un frère ou d’une sœur.
Dans tous les cas, les congés exceptionnels pour décès, qui sont assimilés à des jours de travail effectifs et sont donc à la charge de l’employeur, ne peuvent aujourd'hui excéder deux jours.
Deux jours, vous en conviendrez tous, c’est insuffisant.
C’est insuffisant si l’on compare le nombre de jours accordés pour un décès au nombre de jours alloués pour les heureux événements, qui sont bien souvent prévisibles : quatre jours pour un mariage, trois jours pour une naissance ou l’arrivée d’un enfant adopté, un jour pour le mariage d’un enfant.
J’avoue que cette différence est difficilement compréhensible et justifiable. En annulant cette différence, la proposition de loi dont vous allez débattre répond à un impératif de cohérence.
C’est insuffisant également au vu des démarches beaucoup plus compliquées et difficiles à accomplir en cas de décès, dans une situation de choc et de détresse. Au-delà de l’organisation des obsèques, les formalités administratives sont nombreuses et complexes. Dans ces circonstances, elles représentent incontestablement un poids particulier. Il faut aussi faire face aux bouleversements qui peuvent toucher toute la cellule familiale ; organiser, par exemple, le retour à l’école des frères et des sœurs. Il faut du temps, tout simplement.
En accordant aux salariés plus de temps, la proposition de loi répond donc à un impératif d’humanité et de solidarité.
Pour remédier à cette insuffisance, certaines conventions collectives prévoient des jours de congés exceptionnels supplémentaires. C’est le cas, par exemple, dans les branches professionnelles de la métallurgie, du bâtiment ou encore des transports routiers. Des accords conclus dans les entreprises peuvent également le prévoir, mais il ne s’agit que d’une faculté.
En fonction de la taille et de la nature de l’entreprise qui les emploie, les salariés ne sont pas égaux et n’en bénéficient donc pas de la même manière. Ils sont alors contraints d’utiliser leur quota de congés annuels pour prolonger cette période autant que nécessaire. S’ils ne parviennent pas à un compromis avec leurs employeurs ou leurs collègues, les arrêts pour maladie, dont ce n’est pas l’objet, deviennent un recours. De tels expédients ne sont satisfaisants pour personne.
En fixant une durée décente aux congés exceptionnels accordés à tous les salariés, cette proposition de loi répond donc à un impératif d’égalité.
Cohérence, solidarité, égalité : autant de valeurs qu’il nous appartient de porter ensemble, en partageant le constat de cette insuffisance du droit et en y remédiant. Il n’est bien sûr pas question de quantifier la douleur ; nous en serions bien incapables. Il s’agit simplement de donner un peu plus de temps à ceux qui sont touchés par le drame que représente la perte d’un enfant ou d’un conjoint. L’octroi de ces jours de congés supplémentaires n’atténuera en aucune façon la douleur des familles. Ce n’est ni le rôle ni le pouvoir du législateur. Cela permettra cependant d’alléger les contraintes matérielles qui pèsent sur ce moment particulièrement difficile.
Je me réjouis que le groupe socialiste ait souhaité inscrire ce texte, qui avait été déposé en 2011 par ce groupe à l’Assemblée nationale, alors dans l’opposition, à l’ordre du jour du Sénat. Les auditions menées par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avaient mis en lumière l’unanimité des représentants syndicaux et associatifs sur cette modification du code du travail. La même unanimité avait régné sur les bancs de l’Assemblée nationale lors du vote, le 17 novembre 2011. Par la voix de mon prédécesseur Xavier Bertrand, le gouvernement de l’époque, qui appartenait à une autre majorité que la mienne, avait émis un avis favorable.
Cette proposition de loi porte donc en elle le sceau du compromis que les parlementaires arrivent parfois à trouver sur certains sujets éthiques ou particulièrement graves.
Il est temps d’appliquer ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points particuliers.
Tout d’abord, il est nécessaire de faire preuve de simplicité. Toute autre démarche serait difficilement explicable, et donc encore plus difficilement applicable.
Ensuite, et je m’exprime là en tant que ministre, il faut que vous votiez ce texte conforme si vous souhaitez qu’il soit appliqué. Sinon, les contraintes de calendrier, auxquelles nous sommes tous soumis, aboutiront à repousser de plusieurs mois, voire de quelques années, une mesure autour de laquelle nous nous étions tous rassemblés à l’époque – et je ne vois pas pourquoi il en irait autrement aujourd'hui.
Face au drame, il n’y a, je le crois, ni droite, ni gauche, ni centre. Le Gouvernement y était favorable en 2011 et, vous l’aurez compris, même s’il a changé, il l’est encore en 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Aline Archimbaud et Corinne Bouchoux ainsi que M. François Fortassin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Durain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a près de quarante ans, les partenaires sociaux s’accordaient sur la possibilité pour les salariés de s’absenter de l’entreprise pour faire face à des événements importants, heureux ou malheureux, de leur vie personnelle, sans effet sur leur rémunération, ni sur leurs congés.
Il y a près de neuf ans, le Sénat décidait, sur le rapport du président de la commission des affaires sociales d’alors, Nicolas About, d’allonger le congé accordé en cas de décès du conjoint ou d’un enfant.
Il y a près de trois ans et demi, l’Assemblée nationale, en adoptant une autre proposition de loi, déposée par Mme Michèle Delaunay, décidait à son tour d’allonger ces congés.
Tel est le parcours singulier du texte aujourd’hui soumis à l’examen du Sénat. Cette proposition de loi, adoptée en 2011 par l’Assemblée nationale, porte de deux à trois jours la durée du congé en cas de décès du conjoint ou du partenaire de PACS, et de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès d’un enfant.
Quels sont les éléments qui motivent l’intervention du législateur ?
J’écarte d’emblée l’idée d’apporter une quelconque compensation à la douleur ressentie par les familles. Combien de temps faut-il pour affronter le deuil ? La loi ne peut donner de réponse à cette question.
Aussi notre commission n’est-elle pas entrée dans un débat pour établir une hiérarchie, pour le moins délicate, entre les épreuves qui peuvent affliger les salariés, tant elles touchent à leur histoire personnelle ou à leur intimité.
Elle a simplement considéré qu’un congé de deux jours était trop bref pour permettre au salarié de faire face, dans de bonnes conditions, aux conséquences du décès, pour assurer l’organisation des obsèques notamment.
Elle a, par ailleurs, noté que la durée du congé était moins élevée en cas de décès des plus proches qu’en cas d’événement heureux, mais surtout, le plus souvent, prévisible, comme un mariage ou une naissance.
Elle a surtout souhaité, selon la logique de socle minimal de droits que constitue le code du travail, rétablir une forme d’équité entre les salariés couverts par des accords collectifs souvent plus favorables – le ministère du travail évalue leur nombre à 9,5 millions, soit 40 % – et ceux qui ne relèvent d’aucune branche professionnelle, ou d’une branche où le dialogue social est peu fructueux.
Naturellement, nous aurions pu souhaiter aller plus loin et apporter davantage de garanties aux salariés. La question du concubin, ou des parents, ou d’autres proches, s’est évidemment posée.
Au cours de notre réunion de commission ce matin, un débat s’est instauré, partageant nos collègues entre ceux qui étaient désireux d’assurer rapidement des garanties plus fortes aux salariés et ceux qui souhaitaient les élargir à l’occasion de l’examen de ce texte, quitte à en reporter la mise en œuvre.
À titre personnel, je pense que notre première responsabilité est de faire aboutir rapidement ce texte.
Tels sont donc les motifs de l’intervention du législateur.
Le texte qui nous est soumis a été amendé en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale. À la différence de la proposition initiale, il ne distingue pas selon que l’enfant est à charge ou non et ne prévoit pas d’augmentation de la durée du congé en cas de décès d’autres parents proches, comme les parents, les beaux-parents, les frères et sœurs.
Ainsi modifié, le texte a fait l’objet d’un très large consensus qui a permis son adoption à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 23 novembre 2011.
Notre commission soutient cette amélioration des droits des personnes affligées par le décès d’un proche et vous recommande d’adopter ce texte. Elle souhaite naturellement que, comme elle l’a fait le 25 mars dernier, le Sénat puisse le voter à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui d’une proposition de loi qui vise à étendre à trois jours le congé alloué à un salarié en cas de décès d’un conjoint ou partenaire de PACS, et à cinq jours en cas de décès d’un enfant. Adoptée par les députés en novembre 2011, elle n’est débattue au Sénat qu’aujourd'hui, soit trois ans et demi plus tard, malgré son caractère consensuel – M. le ministre vient de le rappeler. Nous pouvons enfin discuter de ce qui peut sembler être, à tort, un détail technique, mais qui est, pour toutes les familles confrontées au décès d’un proche et qui traversent une période de grande détresse, d’une grande importance.
La loi prévoit déjà la possibilité pour un salarié de prendre deux jours de congé pour événement familial en cas de décès d’un enfant, d’un conjoint ou partenaire de PACS. C’est un principe d’humanité, de solidarité nationale, qui s’impose.
Mais, au regard de la gravité de ces situations, on comprend bien qu’une durée de deux jours est insuffisante pour les personnes touchées par un drame, lesquelles ont besoin de prendre le temps nécessaire afin de gérer, émotionnellement et de façon pratique, la perte d’un proche.
Les chiffres sont là pour le confirmer : la direction générale du travail estime en effet que 9,5 millions de salariés prennent des congés pour événements familiaux d’une durée supérieure à celle qui est prévue par le code du travail. Cela conduit donc, dans les faits, à chercher des expédients, à faire comme on peut, en prenant, par exemple, des jours de congés classiques, pour ceux qui en disposent, et qui peuvent en poser, ou des jours de congés maladie.
Nous devons promouvoir une exigence d’égalité. C'est ce que fait cette proposition de loi, qui permet d’être plus proche de la réalité des situations des salariés et de rendre plus homogènes les droits à congés pour les événements de la vie.
En l’état actuel des textes, un événement heureux, comme le mariage ou le PACS par exemple, ouvre droit à quatre jours de congés, alors que des événements dramatiques comme le décès d’un enfant ou du conjoint ne permettent au salarié concerné de n’en prendre que la moitié.
Même si, dans l’absolu, la « hiérarchisation » des liens de parenté, qui donne droit à plus ou moins de jours, peut poser question, et même si certains amendements ont été déposés ce matin, après discussion au sein de notre groupe, il nous a paru évident de soutenir cette proposition de loi et de la voter sans amendement, tout simplement pour qu’elle puisse être rapidement appliquée.
Seul un vote conforme permettra que ce texte, déposé il y a trois ans et demi, soit enfin appliqué. Devant la réalité du deuil, de la souffrance, des drames humains que nous évoquons aujourd'hui, il nous semble possible de trouver un consensus dans cet hémicycle. Nous espérons que tous les groupes se rassembleront autour de ce sujet, qui relève d’une question d’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun connaît, pour l’avoir vécue, la douleur qui suit le décès d’un proche, douleur encore plus vive lorsqu’il s’agit d’un membre de sa famille.
Ces événements, qui jalonnent la vie de toute famille, sont inégalement surmontés par chacune et chacun d’entre nous, en fonction des liens qui unissaient la personne décédée à ceux qui restent. Mais ils sont d’autant mieux supportés si la personne peut engager sereinement le travail de deuil.
Actuellement, l’article L. 3142–1 du code du travail prévoit des durées variables d’autorisation d’absence exceptionnelle sans perte de salaire en fonction du lien de parenté du salarié avec la personne défunte. Ces durées sont souvent très insuffisantes à maints égards, compte tenu des difficultés pour organiser des obsèques dignes et accomplir les formalités administratives. Les difficultés rencontrées sont d’autant plus grandes en cas d’éloignement du salarié et de la personne décédée, ou du lieu prévu pour les obsèques.
Si certaines conventions collectives et la pratique d’employeurs bienveillants compensent les manques du dispositif législatif, il n’en reste pas moins que nombre de salariés sont parfois plongés dans la détresse d’un décès sans bénéficier de tout l’accompagnement nécessaire. Cela n’est pas acceptable. Dans une telle situation, les salariés n’ont souvent pour seule solution que de demander à leur médecin un arrêt maladie, afin de pouvoir assister aux obsèques.
Par ailleurs, cet article du code du travail comporte des injustices inacceptables. Je prendrai quelques exemples.
Comment comprendre qu’un salarié bénéficie de quatre jours de congé pour son mariage ou pour la conclusion d’un PACS depuis la loi de 2014, mais que le décès du partenaire du PACS ou du mariage n’ouvre droit qu’à seulement deux jours de congé ?
Il y a là une injustice sociale, qui se double d’une rupture d’égalité entre les salariés du privé et les agents de la fonction publique.
Nous regrettons par conséquent que, à la différence de la proposition initiale de Mme Delaunay, le texte soit réduit aux situations de décès d’un enfant, du conjoint ou du partenaire lié par le PACS.
La proposition de loi n’évoque plus le décès des parents et beaux-parents, ni des enfants, contrairement au texte de 2011.
C'est pourquoi nous soutenons l’amendement visant à porter à trois jours la durée du congé exceptionnel accordé aux salariés en cas de décès du père ou de la mère.
Nous regrettons, enfin, la suppression des jours de congés exceptionnels pour les enfants à la charge des salariés.
Même si, nous en sommes bien conscients, ce texte manque d’ambition, il n’en reste pas moins que les dispositions qu’il contient constituent des avancées non négligeables et humaines, dont l’adoption, il est vrai, n’a que trop tardé.
Pour cette raison, le groupe CRC votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il ne fait aucun doute que chacun ici comprend les problèmes posés par la survenue d’un événement extrêmement douloureux. Nous ne sommes pas là pour quantifier le malheur et accorder un nombre de jours de congé en conséquence.
Je partage pleinement l’objectif de la proposition de loi de Mme Delaunay, qui nous a été présentée après avoir été profondément modifiée, ce que je regrette. Du texte initial, il reste l’augmentation de durée des congés en cas de décès d’un enfant ou d’un conjoint. Les deux jours prévus par le code du travail sont effectivement bien insuffisants au regard des démarches qu’il faut entreprendre, et moralement inadaptés.
Comme l’avait rappelé Michèle Delaunay à l’Assemblée nationale en 2011, « cette situation contraint les salariés à utiliser leurs quotas de congés annuels et, lorsqu’ils ne réussissent pas à s’entendre avec leur employeur ou avec leurs collègues, peut les conduire à solliciter de leur médecin un arrêt de travail » – en général, c’est ce qui se passe – « , ce qui n’est pas satisfaisant ». C’est la raison pour laquelle de nombreuses conventions collectives ont mis en place un régime plus généreux.
Cependant, tous les salariés ne sont pas concernés par ces conventions. Il me paraît donc légitime d’améliorer le régime actuel, et le texte qui nous est proposé va bien sûr dans ce sens.
Si le texte tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale en novembre 2011 est le fruit d’un consensus, la proposition de loi initiale prévoyait d’aller beaucoup plus loin puisqu’elle avait pour objet l’ensemble des congés pour décès.
À mon sens, le texte que nous examinons n’est pas tout à fait satisfaisant au regard des évolutions sociologiques.
Tout d’abord, je déplore qu’il ne fasse pas preuve de la même indulgence dans le cas du décès du père ou de la mère, dans la mesure où les salariés ne bénéficient alors que d’un jour de congé. Il n’aurait pas été déraisonnable de porter cette durée à trois jours, car nous savons que les personnes concernées, parfois âgées, résident dans des maisons de retraite ou dans des EHPAD – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –, et que les démarches à réaliser nécessitent largement plus d’une journée.
Comment peut-on organiser les funérailles de son père ou de sa mère et effectuer toutes les démarches administratives en l’espace d’une seule journée ? Nous le savons bien, ce n’est pas possible !
Par ailleurs, la possibilité d’étendre à trois jours le congé en cas de décès du père ou de la mère avait été proposée par Mme Michèle Delaunay lors de l’examen de la proposition de loi en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mais avait été rejetée à la suite d’un malentendu. J’en appelle à mes collègues du groupe socialiste, qui ont inscrit cette proposition de loi dans le cadre de l’ordre du jour réservé à leur groupe et il convient de les en remercier.
Je rappellerai que le ministre avait déclaré à l’Assemblée nationale que le texte pourrait être rectifié par le Sénat afin de modifier la durée du congé en cas de décès du père ou de la mère.
C’est pourquoi je vous proposerai tout à l’heure, mes chers collègues, d’adopter l’amendement que j’ai déposé sur ce point.
J’évoquerai ensuite une question que l’on a également oubliée. D’ailleurs, sommes-nous ici pour légiférer à la va-vite ou pour résoudre des problèmes de société…