Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans la première version de cet amendement, cher au sénateur Dassault, comme l’a précisé notre collègue Gautier, la formule proposée était rendue obligatoire pour les entreprises. Nous avions objecté qu’une telle mesure n’était pas forcément adaptable à toutes les entreprises et qu’elle était difficile à mettre en place.
M. Dassault a alors déposé un nouvel amendement, que la commission a examiné la semaine dernière et qui a également recueilli un avis défavorable. En effet, même si l’intention de l’auteur est louable, puisqu’il s’agit d’encourager la participation des salariés aux fruits du travail de leur entreprise, l’amendement tendait à renvoyer à un décret le soin de déterminer le montant de la réduction d’impôt et donc de l’impôt incitatif. Le législateur ne pouvant se dessaisir ainsi totalement de sa compétence, une telle disposition encourrait la censure du Conseil constitutionnel.
M. Dassault a corrigé ce défaut en proposant d’inscrire dans le projet de loi l’avantage fiscal auquel peuvent prétendre les entreprises. Je ne peux pas donner l’avis de la commission, puisqu’elle ne s’est pas prononcée sur l’amendement rectifié. Toutefois, à titre personnel, je suis favorable à l’amendement dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est défavorable, pour deux raisons.
Premièrement, il est proposé d’instaurer un seuil qui n’existe pas aujourd’hui, ce qui ne me semble pas une bonne idée.
Deuxièmement, il faut favoriser, comme on est en train de le faire depuis tout à l’heure, les mécanismes d’épargne salariale, qu’il s’agisse de l’intéressement ou de la participation. Or, me semble-t-il, l’adoption de cet amendement, tel qu’il est rédigé, risquerait de les avantager au détriment de l’investissement. En effet, si l’on considère, dans les agrégats comptables, la capacité d’autofinancement et qu’on accorde un avantage fiscal à la partie distribuée, que ce soit aux salariés ou aux actionnaires, le problème est que l’agrégat qu’on pénalise ainsi correspond aux fonds consacrés à l’investissement.
Par conséquent, une telle mesure est quelque peu contradictoire avec le vote d’hier soir sur l’avantage fiscal dont bénéficiera l’investissement productif. Encourager l’investissement est une priorité, qui, j’en suis convaincu, est partagée par tous, mais le mécanisme ici proposé me semble aller à l’encontre de cet objectif.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271 rectifié quater.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 35 duodecies
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 3334-6 du code du travail est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« En outre, si le règlement du plan le prévoit, les entreprises peuvent, même en l’absence de contribution du salarié :
« 1° Effectuer un versement initial dans ce plan ;
« 2° Effectuer des versements périodiques dans ce plan, sous réserve d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés. La périodicité de ces versements est précisée dans le règlement du plan.
« Les plafonds de versement annuel sont fixés par décret.
« Ces versements sont soumis au même régime social et fiscal que les contributions des entreprises mentionnées au premier alinéa du présent article. Ils respectent les dispositions de l’article L. 3332-13. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 35 duodecies procède d’un double mouvement.
D’une part, et sans surprise, quand on examine la question de la « diffusion » du produit PERCO, dont l’encours est encore, depuis sa création en 2003, relativement limité, faute d’accord-cadre dans nombre d’entreprises et de branches pour en favoriser l’essor, on se rend compte qu’elle concerne assez peu les plus petites entreprises, notamment celles comptant moins de cinquante salariés, qui, pourtant, sont les plus nombreuses dans notre pays et qui structurent notre appareil industriel et commercial.
D’autre part, je rappelle que, bien entendu, la mesure a été présentée dans le cadre des travaux du COPIESAS et qu’elle a été défendue notamment par les professionnels de la finance, ainsi que, sans surprise, par le Mouvement des entreprises de France, autrement dit le MEDEF.
Le problème, c’est qu’aucune organisation syndicale représentative de salariés, même la plus ouverte à la négociation collective et la plus modérée, ne veut entendre parler de versements sur l’épargne retraite sans accord des salariés et sans manifestation de la volonté du collectif de travail qu’ils constituent.
Cet article 35 duodecies s’inscrit donc dans cette logique, invisible au premier abord, mais de plus en plus nette au fil de la discussion et que nous refusons.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Comme nous l’avons déjà indiqué, nous voyons dans l’instauration systématique de ces systèmes de retraite une mise en cause profonde et durable du régime de retraite solidaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est défavorable, puisqu’il est proposé de supprimer l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1734, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
dans
par le mot :
sur
II. – Alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
dans
par le mot :
sur
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 duodecies, modifié.
(L'article 35 duodecies est adopté.)
Article additionnel après l'article 35 duodecies
M. le président. L'amendement n° 1438 rectifié, présenté par M. Delattre, Mme Imbert, MM. Carle, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Vasselle, Mouiller, J. Gautier, D. Laurent, Mayet, Bouchet, Bignon, Milon et Calvet, Mme Mélot, MM. Pierre, Doligé et Laménie, Mmes Gruny et Duchêne, MM. Houel, Trillard et Perrin, Mme Primas et MM. Leleux, Cardoux et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l'article 35 duodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du 1 de l’article 283 du code général des impôts, après le mot « imposables », sont insérés les mots : « auprès du consommateur final ».
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Cet amendement déposé par notre collègue Delattre vise à rappeler que, au quotidien, l’entreprise mobilise des ressources considérables pour avancer à l’État le montant dû par le consommateur final.
Le dispositif engendre un manque à gagner pour l’État, le système de collecte permettant en effet à des opérateurs peu scrupuleux d'effectuer des opérations d’enrichissement sans cause en jouant sur la TVA.
Le présent amendement vise par conséquent à supprimer la TVA interentreprises afin que la collecte ne se fasse plus en amont, c’est-à-dire au fil de la chaîne verticale, mais a posteriori, uniquement sur la vente du produit final.
Supprimer la TVA interentreprises serait positif pour plusieurs raisons : les circuits complexes seraient supprimés et le nombre d’intermédiaires réduit.
Cet amendement est par ailleurs conforme au droit communautaire, qui autorise cette suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, car son adoption remettrait en cause les fondements mêmes de la TVA.
Le dispositif de la TVA repose sur le mécanisme dit du « paiement fractionné ». La collecte est ainsi effectuée par les entreprises tout au long de la chaîne de production. En contrepartie, celles-ci ont la faculté de déduire la TVA qui a grevé les biens et services nécessaires à leur activité.
La modification proposée par nos collègues tendant à mettre en place un mécanisme d’autoliquidation généralisée nécessiterait une réforme d’ampleur de l’ensemble du dispositif de la TVA.
Par ailleurs, le dispositif proposé me semble, en l’état actuel, contraire au droit communautaire, dans la mesure où il entre en contradiction avec le principe d’acquittement de la taxe par le fournisseur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gautier, l’amendement n° 1438 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Gautier. J’ai bien entendu le message de Mme la rapporteur et de M. le ministre. Par conséquent, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 1438 rectifié est retiré.
Article 36
(Non modifié)
I. – À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3314-9 du code du travail, les mots : « dernier jour du septième mois suivant la clôture de l’exercice produit des intérêts calculés au taux légal » sont remplacés par les mots : « premier jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice produit un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux fixé à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ».
II. – Aux première et dernière phrases du premier alinéa de l’article L. 3324-10 du même code, les mots : « de l’ouverture de ces droits » sont remplacés par les mots : « du premier jour du sixième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont nés ».
III. – Les I et II sont applicables aux droits à intéressement et à participation des salariés aux résultats de l’entreprise attribués au titre des exercices clos après la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 1110, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Le présent article a pour objet de fixer une date limite unique pour le versement des primes d’intéressement ou de participation, à savoir le dernier jour du cinquième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont attribués.
Pour ce qui concerne l’intéressement, le I du présent article tend ainsi à modifier l’article L. 3314-9 du code du travail de manière à ce que celui-ci dispose que « toute somme versée aux bénéficiaires en application de l’accord d’intéressement au-delà du premier jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice produit un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux fixé à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ».
Tout cela paraît technique, mais les conséquences sont bien concrètes. Ce taux est le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées publié par le ministère de l’économie.
Pour ce qui concerne la participation, le II du présent article fixe au premier jour du sixième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont nés la date de départ du délai de cinq ans durant lequel les sommes dont le versement n’a pas été demandé par le salarié sont indisponibles. Le déclenchement d’intérêts de retard resterait défini au niveau réglementaire.
Dans la pratique, les cas de retard de paiement sont extrêmement rares. En revanche, il arrive que la prime d’intéressement ne soit pas toujours aussi généreuse qu’attendu et, souvent, que la formule de calcul employée conduise à la remettre en cause.
Le fait de ne pas retenir le taux d’intérêt légal semble bienvenu dans l’absolu compte tenu du niveau actuel de ce taux, qui se situe, si je ne m’abuse, aux alentours de 0,04 % ou de 0,06 %, signe patent de la déflation qui affecte les économies européennes.
Cela étant, comme nous l’avons indiqué, la précaution prise par l’article 36 est pratiquement inutile. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 36, qui vise à harmoniser les délais de versement de la participation et de l’intéressement, ainsi que le taux d’intérêt éventuellement dû par l’employeur en cas de retard.
L’avis de la commission est défavorable. L’article 36 comporte une mesure d’harmonisation et de simplification. En outre, le taux d’intérêt de retard retenu est plus favorable pour les salariés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1730, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Supprimer les mots :
la fin de
2° Remplacer les mots :
premier jour du sixième
par les mots :
dernier jour du cinquième
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Article 36 bis
(Non modifié)
L’article L. 3322-9 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2017 » ;
1° bis Au deuxième alinéa, après le mot : « branche », sont insérés les mots : « mentionnées à l’article L. 3323-6 » et les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 3322-6 » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, l’année : « 2007 » est remplacée par l’année : « 2016 ».
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. À en croire les auteurs de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, la négociation de branche sur la participation serait un long et difficile exercice.
Il y a plusieurs années qu’un cycle de négociation a été ouvert aux fins d’avancer sur la voie des accords de branche en matière de participation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise.
Le rapport nous rappelle à juste titre que, au sein des très nombreux accords collectifs issus de la négociation sociale, seuls dix-sept avenants relatifs à la participation ont été signés depuis la date initialement retenue à cet effet, c’est-à-dire depuis 2006. Ce sont donc dix-sept avenants qui ont été signés dans les branches, la plupart des 33 000 accords signés l’ayant été au niveau d’une entreprise, voire d’un établissement d’entreprise.
Les accords de participation n’ont donc pas retenu l’attention des négociateurs au niveau des branches, lesquels devaient sans doute, entre sécurité au travail, conditions de salaire, lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes salariées, etc. avoir d’autres sujets bien plus urgents à traiter.
Il faut aussi se souvenir que de tels accords ne sont a priori obligatoires que pour les entreprises de plus de cinquante salariés – cela a été rappelé – et que dans certaines branches d’activité, ils ne sont pas légion.
Rien d’étonnant par conséquent à ce que les règles de branche n’aient connu d’avenant que dans les branches d’activité où les entreprises, comme les salariés, sont déjà familiarisées avec la question. Et encore la plupart du temps les avenants se contentent-ils de conseiller aux entreprises de respecter les attentes de leurs salariés et de n’exercer aucune pression pour les contraindre à choisir tel placement plutôt que tel autre, sans doute en raison de l’existence du lien de subordination…
Le fait d’offrir un délai supplémentaire aux branches qui n’ont pas encore passé d’avenant ne changera fondamentalement pas grand-chose. De notre point de vue, il convient donc de supprimer le présent article, qui ne prévoit que la mise en place d’un nouveau laps de temps sans garantie de la moindre efficacité pour la passation d’accords qui n’intéressent pas forcément beaucoup de salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 36 bis oblige les branches professionnelles à négocier un accord de participation avant le 30 décembre 2017, cet accord pouvant ensuite être directement appliqué par les entreprises.
Les auteurs du présent amendement considèrent qu’il s’agit d’accords « au rabais ». Je ne partage pas du tout cette analyse : un accord de branche est aussi légitime et pertinent qu’un accord d’entreprise. En outre, le droit actuel autorise la conclusion d’accords de participation au niveau de la branche.
Sur mon initiative, la commission spéciale a inséré dans le projet de loi l’article 36 ter, qui décline la même logique que l’article 36 bis pour les accords d’intéressement.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 36 bis.
(L'article 36 bis est adopté.)
Article 36 ter (nouveau)
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre III de la troisième partie code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 3312-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute entreprise employant moins de cinquante salariés peut bénéficier d’un dispositif d’intéressement conclu par la branche. » ;
2° La seconde phrase de l’article L. 3312-8 est supprimée ;
3° Il est ajouté un article L. 3312-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 3312-9. – Un régime d’intéressement, établi selon les modalités prévues aux articles L. 3312-1 à L. 3312-4, est négocié par branche, au plus tard le 30 décembre 2017. Il est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche.
« Les entreprises de la branche mentionnées à l’article L. 3312-8 peuvent opter pour l’application de l’accord ainsi négocié.
« À défaut d’initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2016, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 881 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 1111 est présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 881 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. La commission spéciale a prévu que les branches doivent négocier un accord d’intéressement avant le 31 décembre 2017. À défaut d’une initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2016, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative.
L’article 36 ter inséré dans le présent projet de loi par voie d’amendement par la commission spéciale se veut le pendant du régime de la participation, qui, lui, est obligatoire, notamment de l’article 36 bis, qui prévoit de relancer la négociation de branche en matière de participation.
Mais dans la mesure où l’intéressement est un dispositif dont la mise en œuvre n’est soumise à aucune obligation, il ne semble pas pertinent de mettre en place une telle obligation de négociation, qui s’apparente fort à une obligation de résultat. Une telle mesure semble d’autant plus contestable qu’elle porte sur un dispositif dont l’utilité est de s’adapter aux spécificités de l’entreprise, lesquelles ne peuvent donc pas être généralisables à l’ensemble d’une branche professionnelle.
C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer cet article. Et pour une fois, c’est moi qui demande à la commission spéciale de faire preuve de sagesse en acceptant cette suppression. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 1111.
Mme Éliane Assassi. L’article 36 ter a été inséré dans le présent projet de loi par le biais d’un amendement de la commission spéciale et participe des tentatives récurrentes de développement des formes atypiques de rémunération, conditionnées par les résultats et la profitabilité de l’entreprise. Il vise à permettre l’établissement d’un régime d’intéressement au niveau de la branche.
L’objectif affiché est prétendument d’encourager le développement de l’intéressement dans les plus petites entreprises. Cependant, nous voyons deux inconvénients à ce dispositif.
Premièrement, dans la mesure où, il faut le rappeler, les accords de branche relatifs aux salaires aboutissent rarement, un tel accord en matière d’intéressement a également peu de chances d’être conclu. Dans ces conditions, il est difficile d’envisager l’extension des négociations de branche aux accords d’intéressement.
Deuxièmement, la branche est le niveau de négociation des salaires ; en en faisant le niveau de négociation de l’intéressement, la majorité et le Gouvernement entretiennent la confusion entre salaire et intéressement, autrement dit entre salaire et éléments accessoires de la rémunération.
Une telle démarche ne nous semble pas innocente : elle contribue à la dévalorisation du travail et à la déresponsabilisation des employeurs, particulièrement des grandes entreprises, face à la question salariale.
Faire croire aux salariés qu’ils trouveraient avantage dans la possibilité de négocier des accords d’intéressement au niveau de la branche est un leurre : d’une part, parce qu’il ne s’agit que d’une faculté et que cette disposition n’a rien de contraignant ; d’autre part, parce que, nous le savons, le rapport de force au sein de la branche est moins favorable aux salariés que dans l’entreprise.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 36 ter, qui, permettez-moi de le rappeler, faisait partie des propositions formulées par le COPIESAS. Toutefois, particularité essentielle, cette proposition ne faisait absolument pas l’unanimité parmi les partenaires sociaux et ne semblait intéresser véritablement que les personnalités qualifiées issues du monde de l’épargne et de la finance, motif supplémentaire de notre demande de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il convient de lever plusieurs malentendus et incompréhensions, afin de répondre aux inquiétudes des auteurs de ces amendements.
Premier point, l’article 36 ter, qui prévoit que les branches négocieront des accords d’intéressement, n’est pas une innovation radicale, car il reprend à l’identique le dispositif figurant à l’article 36 bis pour les accords de participation, dispositif introduit dans notre législation par la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.
L’article 36 bis actualise ce dispositif qui date de 2007 pour les accords de participation. On ne peut donc pas d’un côté soutenir ce dernier article, qui concerne les accords de participation, et, de l’autre, s’opposer à l’article 36 ter, qui vise les accords d’intéressement : ce sont exactement les mêmes règles qui s’appliquent !
Deuxième point, les branches qui refuseront de négocier un accord d’intéressement ne seront pas sanctionnées ; par conséquent l’article 36 ter ne constitue pas une entrave à la liberté des partenaires sociaux.
Il ne faut pas confondre une obligation de négocier dans les branches avec le champ de la négociation préalable obligatoire prévue par l’article L. 1 du code du travail. Ni l’article 36 bis ni l’article 36 ter ne rentrent dans le champ de l’article L. 1, qui, je le rappelle, oblige le Gouvernement à demander aux partenaires sociaux s’ils souhaitent engager une négociation nationale interprofessionnelle avant de présenter un projet de loi portant sur les principes du droit du travail, de la politique de l’emploi ou de la formation professionnelle.
Troisième point, les entreprises resteront libres d’appliquer ou non l’accord d’intéressement. L’alinéa 7 de l’article 36 ter est très clair sur ce point : les entreprises « peuvent opter » pour l’application de l’accord négocié par la branche.
Quatrième point, l’article 36 ter reprend fidèlement la proposition 8 du COPIESAS ainsi formulée : « En deçà d’un effectif de 50 salariés, un chef d’entreprise pourrait mettre en place un intéressement par décision unilatérale. La branche professionnelle lui fournirait alors un dispositif "clé en main", négocié avec les partenaires sociaux de la branche. »
Au cours des auditions, nous avons rencontré des représentants de fédérations professionnelles dont les petites entreprises adhérentes seraient intéressées par ce dispositif clé en main qui leur facilitera les choses, tant il est vrai qu’il ne leur est pas toujours loisible de disposer d’un personnel à même de mettre en place un tel type d’accord. Quant aux entreprises qui souhaiteraient mettre en place un dispositif qui leur soit propre, elles pourront toujours le faire.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.