Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1228 vise à conditionner l’ouverture dominicale à la signature d’un accord de branche prévoyant un repos compensateur et un doublement de la rémunération.
Cela a été dit à plusieurs reprises, la commission spéciale ne souhaite pas que soit fixé dans la loi un niveau plancher. Elle préfère permettre à chaque secteur et à chaque entreprise d’adapter les contreparties. Qui plus est, ne plus permettre à un accord d’entreprise de définir les modalités du travail dominical aura pour conséquence d’exclure de nombreuses entreprises des nouvelles possibilités offertes par le présent texte, car la couverture conventionnelle n’est pas universelle et de nombreuses branches ne sont pas le théâtre d’un dialogue social très nourri.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
L’amendement n° 95 rectifié quinquies tend à exonérer les commerces situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif. Il est partiellement satisfait par la modification apportée par la commission spéciale, qui exonère de cette obligation les entreprises de moins de onze salariés situées dans ces mêmes zones où prévalent des habitudes de fonctionnement spécifiques – je pense aux stations de montagne et aux stations balnéaires –, avec des saisonnalités qui n’existent pas dans les zones commerciales.
Pour les entreprises situées dans ces dernières zones, l’objectif est de prévoir des contreparties fixées dans le cadre du dialogue avec les salariés et non par la loi. En revanche, il fallait éviter que l’obligation susvisée ne constitue un risque pour les petits commerces des zones touristiques de moins de onze salariés qui participent à l’attractivité et à la vie des stations. Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.
Sur l’amendement n° 1642, qui vise à confirmer que, pour les commerces situés dans les principales gares, l’ouverture dominicale est bien conditionnée à la signature d’un accord collectif, la commission spéciale émet un avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement rédactionnel n° 1781.
L’amendement n° 1602 tend à permettre l’ouverture dominicale dans les zones touristiques internationales, les zones commerciales et les zones touristiques sur la base d’un accord de groupe. Il s’agit donc d’élargir encore la nature des accords possibles. Cette modalité supplémentaire d’exercice du dialogue social pouvant se révéler pertinente dans certaines entreprises, la commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 164 rectifié visant à soumettre l’ouverture des commerces le dimanche à la signature d’un accord majoritaire avec les partenaires sociaux, la commission spéciale y est défavorable. En effet, en conditionnant la validité d’un accord sur l’ouverture dominicale à sa signature par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles, contre 30 % dans le droit commun, il va de soi que le nombre d’accords sera limité et que les ouvertures dominicales seront moins fréquentes. Est-ce le but recherché par le biais du présent projet de loi ? Non ! Il s’agit de faire confiance à l’intelligence des partenaires sociaux de la branche, de l’entreprise ou du territoire pour négocier un accord adapté à leur secteur d’activité. Il n’est pas souhaitable de s’éloigner du droit commun concernant la validité des accords.
L’amendement n° 1227 rectifié a pour objet de prévoir un cadre de négociation plus strict des accords permettant l’ouverture dominicale des commerces. Si les accords d’entreprise sur le travail dominical sont soumis au droit commun, il serait plus difficile de parvenir à un accord. Or il faut que la négociation collective puisse aboutir le plus souvent possible. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 615. Un débat vient d’avoir lieu sur la nature des accords existants : accord de branche, accord d’entreprise, accord d’établissement, accord territorial – la ville de Saint-Malo a ainsi conclu un accord territorial pour l’ouverture des commerces le dimanche –, auxquels le Gouvernement a ajouté l’accord de groupe.
Néanmoins, nous le savons, dans certaines entreprises, pas forcément des entreprises de petite taille, le blocage du dialogue social perdure. Par conséquent, le principe d’un référendum des salariés pour approuver la décision de l’employeur d’ouvrir le dimanche et les contreparties proposées pourrait apporter une solution à ces cas ultimes de blocage où aucun accord – branche, entreprise, territoire, groupe – n’a été trouvé. C’est pourquoi il nous a semblé opportun de privilégier ce dispositif qui concerne donc les situations ultimes. Comment prétendre que nous ne privilégions pas le dialogue social, alors que nous prévoyons de demander l’avis des salariés concernés ? J’ai du mal à comprendre la cohérence intellectuelle d’un tel raisonnement !
Si, in fine, la décision de l’employeur est soumise à l’avis des salariés et que 50 % de ces derniers se prononcent sur leur souhait de travailler ou non le dimanche, cela ne pourra que favoriser les accords précédemment cités.
Il faut prévoir cette possibilité. Dans le cas contraire, certains magasins qui pourraient ouvrir le dimanche ne le feront pas en raison d’un blocage social par certains syndicats très fort. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) On peut le regretter. Demander l’avis des salariés concernés me semble la forme ultime du dialogue social. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à revenir au texte établi par l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1440 rectifié bis tend à prévoir que les salariés privés du repos dominical bénéficient d’un système d’intéressement au résultat surpondéré. La commission spéciale a fait le choix de laisser au dialogue social – qu’il s’agisse d’un accord de branche, d’entreprise, d’établissement, d’un accord territorial ou de groupe – le soin de définir les contreparties, en particulier salariales. Le système proposé pourrait être adapté à certains secteurs d’activité, mais sans doute pas à tous : c’est aux partenaires sociaux d’en décider, et non à la loi de restreindre le champ des réflexions en matière de contreparties. Sans doute M. le ministre donnera-t-il son point de vue sur le dispositif qui nous est soumis par le biais de cet amendement. Il n’en reste pas moins que la commission spéciale ne peut qu’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 942 rectifié vise à prévoir le doublement de la rémunération des salariés privés du repos dominical dans les zones commerciales. Or nous ne souhaitons pas inscrire de seuil des contreparties dans le texte. Si celui-ci détermine un plancher élevé, le risque est grand que, pour de nombreuses entreprises, l’ouverture dominicale ne soit pas rentable, tandis que d’autres ne seront pas enclines à accepter de porter ces contreparties à un niveau supérieur, dans le cadre de la négociation collective. C’est en quelque sorte le raisonnement de David Assouline, même si nous n’avons pas tout à fait le même objectif. Il existe un danger à fixer dans la loi des seuils, car certaines entreprises auraient pu proposer plus et d’autres ne pourront pas s’y soumettre et ouvrir le dimanche. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 165 rectifié tend à prévoir le doublement de la rémunération des salariés travaillant le dimanche dans toutes les entreprises situées dans les zones commerciales et dans celles de plus de onze salariés situées dans les zones touristiques internationales et les zones touristiques. La commission spéciale a souhaité maintenir le doublement actuel de la rémunération pour les dimanches du maire. Pour le reste, il faut laisser les mécanismes et les critères de compensation au dialogue social. La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 1229 vise à supprimer la possibilité d’ouvrir le dimanche sur la base d’une décision de l’employeur approuvée par référendum. J’ai déjà expliqué les blocages possibles et les raisons pour lesquelles la commission spéciale avait soumis cette proposition et adopté ce dispositif. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1228 tend à introduire l’obligation d’une couverture de branche, une rémunération doublée, un repos compensateur pour les salariés travaillant le dimanche. J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, ces conditions sont aujourd’hui insoutenables pour les commerces de centre-ville et de nombre de zones. Si le Gouvernement est d’accord pour réparer les injustices qui existent actuellement quand la loi ne prévoit rien – ni condition d’accord ni principe de compensation –, il n’est pas question de le faire de façon aussi maximaliste. Autant, dans les PUCE, il est soutenable d’accorder une rémunération double aux salariés travaillant le dimanche, autant, dans nombre de centres-villes et de centres-bourgs, la même exigence rend quasiment impossible l’ouverture des commerces. On créerait de fait, selon les secteurs et selon les zones géographiques, des règles qui conduiraient à ce que certaines entreprises ouvrent le dimanche et d’autres non.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies, qui tend à exclure les commerces situés dans les zones touristiques. Aujourd’hui, les PUCE peuvent recourir à une décision unilatérale de l’employeur avec doublement du salaire, à défaut d’accord collectif, tandis que ces zones touristiques ne sont soumises à aucune condition. Nous avons déjà eu ce débat : nous ne pouvons nous satisfaire d’exclure les zones touristiques de l’ensemble du dispositif, car cela créerait une disparité beaucoup plus importante que celle que les auteurs de cet amendement cherchent à résorber.
L’amendement n° 164 rectifié vise à prévoir une majorité stricte de plus de 50 % des salariés pour la conclusion des accords collectifs. Les règles proposées sont plus dures que celles qui existent aujourd’hui dans le droit commun et aux termes desquelles un accord collectif requiert la signature des organisations représentant plus de 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et l’absence d’opposition d’un ou plusieurs syndicats représentatifs cumulant plus de 50% des suffrages valablement exprimés à ces mêmes élections. L’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a cité la réaction de nombre d’enseignes qui considèrent que nous allons trop loin en prévoyant cette contrainte. Je reviendrai sur la situation des entreprises de moins de onze salariés. Toutefois, soumettre à ces accords collectifs la possibilité même d’ouvrir le dimanche et les compensations est une première !
Si l’on ajoute à cette contrainte assumée une contrainte supplémentaire en changeant les règles de majorité spécialement pour l’occasion, on prend acte en quelque sorte de la volonté de minimiser les chances d’obtenir une majorité stricte. Or nous nous inscrivons d’abord dans le cadre du dialogue social de droit commun : rien ne justifie que l’on y déroge. Nous voulons qu’une négociation ait lieu dans le cadre du droit commun et que, si les conditions sont satisfaisantes, elles fassent l’objet d’un accord selon ces mêmes règles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 1227 rectifié, ce qui me permet de poursuivre le débat avec vous, madame David, sur les modalités de droit commun et les accords de maintien de l’emploi. Je reste défavorable à cette proposition. Cet amendement se réfère aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire de droit commun prévu à l’article L. 2232-24 du code du travail plutôt qu’aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire prévu à l’article L. 5125-4 du même code.
Si j’étais taquin, je dirais que cette proposition est extrêmement cohérente avec la modification apportée par la commission spéciale. La seule différence, c’est que celle qui est prévue par cet amendement ne prévoit pas de règles claires pour les entreprises de moins de onze salariés, qui ne sont pas bien couvertes par l’article L. 2232-24 et qui seraient pénalisées par l’adoption de cet amendement.
Pour cette raison, nous avons préféré nous référer à l’article L. 5125-4, qui permet de recourir à des salariés mandatés, y compris dans les structures de moins de onze salariés. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 615 tend à prévoir le rétablissement du texte de l’Assemblée nationale que l’on peut résumer ainsi : pas d’accord, pas d’ouverture. Le Gouvernement y est évidemment favorable. L’honnêteté m’oblige à reconnaître que la commission spéciale a fait preuve de mesure en modifiant l’article 76 et en précisant que ce dispositif n’interviendrait qu’en cas d’échec de la négociation. Elle n’a pas réintroduit une décision unilatérale sur la base d’un référendum, en faisant fi du texte d’ensemble.
Pour autant, je soutiens cet amendement, dont les dispositions sont plus cohérentes et plus globales. Il nous faut continuer à travailler avec les organisations syndicales et patronales pour réussir à trouver une solution en cas d’obstruction manifeste. C’est la faiblesse du présent texte, je l’admets bien volontiers. Pour autant, je ne partage pas totalement la solution de la commission spéciale, car ce n’est pas à mon sens la voie de la facilité qui serait systématiquement prise. Je reconnais tout de même que des verrous ont été prévus. La commission spéciale a pris acte des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1440 rectifié bis vise à prévoir l’obligation de conclure un contrat d’intéressement avec un système de surpondération pour chaque salarié privé du repos dominical dans le cadre des accords collectifs. Cette discussion a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Si l’entreprise veut octroyer un supplément de rémunération à ses salariés travaillant le dimanche par rapport aux modalités prévues par ailleurs, c’est tout à fait possible. Le projet de loi ne l’empêche pas, mais cela ne doit pas être prévu de manière systématique. C’est un élément de complexité qui n’est pas souhaitable.
J’en viens à l’amendement n° 942 rectifié. Nous avons déjà eu cette discussion. Proposer le doublement des salaires de manière systématique ne me semble pas conforme aux réalités économiques telles qu’elles sont observées ni soutenable à l’égard de l’ensemble des acteurs économiques des zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1 du code susvisé concernées par cet amendement.
Cette disposition était prévue en cas d’absence d’accord dans les PUCE face à la présence de grandes enseignes. Elle n’est pas valable pour les plus petites enseignes et pour les commerces les plus fragiles. Il me semble donc que retenir un tel doublement de rémunération serait contraire à l’objectif défendu.
Je note, par ailleurs, monsieur Collombat, que le président de votre groupe avait défendu précédemment un amendement exactement opposé, qui visait à ne pas assujettir les zones touristiques à une condition d’accord.
L’amendement n° 165 rectifié tend, lui aussi, à prévoir un doublement de la rémunération sauf pour les entreprises de moins de onze salariés situées dans les zones touristiques et les ZTI. Je tiens à souligner l’incohérence de cet amendement avec la discussion que nous avons eue tout à l’heure, puisque les dispositions prévues par celui-ci seraient extrêmement discriminantes pour les entreprises de moins de onze salariés, dont on sait bien qu’elles peuvent être un instrument de contournement de certaines grandes enseignes dans des zones commerciales.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut il émettra un avis défavorable.
Pour les raisons déjà évoquées et par cohérence avec l’avis que j’ai émis sur l’amendement n° 615, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1229.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote sur l’amendement n° 1228.
Mme Anne Emery-Dumas. Cet amendement tend à conditionner à la conclusion d’un accord de branche l’ouverture dominicale des commerces dans l’ensemble des zones dérogatoires, qu’il s’agisse des zones commerciales, des zones touristiques ou des ZTI, et à prévoir un plancher de contrepartie fixé au moins au double de la rémunération.
Si chacun souscrit à l’idée selon laquelle les salariés privés de repos dominical doivent bénéficier de contreparties, la conclusion de seuls accords de branche risque, en revanche, de poser problème pour certains commerces qui ne relèvent d’aucune branche. De même, déterminer un plancher de rémunération au moins équivalent au double de la rémunération normale est à la portée de certaines grandes enseignes, mais une telle compensation est pratiquement impossible à mettre en œuvre pour un grand nombre de petits commerces, qui se trouveraient ainsi désavantagés et risqueraient de ne pas pouvoir ouvrir le dimanche.
Or, s’il faut assurément protéger les salariés, il faut aussi protéger les petits commerces, qui assurent l’animation et l’identité de nos bourgs et de nos centres-villes. La mesure proposée aurait certainement un effet boomerang que personne ne souhaite. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies.
M. Alain Fouché. Cet amendement me paraît tout à fait intéressant et, comme vous l’avez dit tout à l’heure, madame la corapporteur, il n’est que partiellement satisfait.
En France, on peut distinguer trois catégories de commerce.
Tout d’abord, les grandes surfaces, les hypermarchés, sont favorisés depuis de nombreuses années par les différents gouvernements. Les commissions consultées font preuve de largesse ; ces structures s’implantent où elles le souhaitent, et leurs dirigeants gagnent beaucoup d’argent. Ceux-ci peuvent donc rémunérer en conséquence les salariés qui travaillent le dimanche, c’est-à-dire qu’ils sont en mesure de doubler les salaires.
Mme Catherine Procaccia. C’est Robin des Bois !
M. Alain Fouché. Il suffit de regarder autour de vous, ma chère collègue, la façon dont ils vivent pour constater qu’ils ont beaucoup d’argent !
Quant aux commerçants moyens, ils gagnent certes moins, mais encore correctement leur vie.
Enfin, les petits commerçants situés dans une zone touristique travaillent en famille et n’ont pas les moyens de verser des compensations à leurs salariés.
C’est la raison pour laquelle cet amendement mérite d’être amélioré. Nous devons tenir compte des petits commerces, et non favoriser uniquement, comme on le fait depuis des années, les grandes surfaces et hypermarchés, qui sont les rois !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a prévu d’exonérer les petits commerces de moins de onze salariés situés dans les zones touristiques, et non dans les zones commerciales. Or l’amendement présenté par M. Fournier vise à exonérer en zone touristique tout commerce de toute taille. Par conséquent, les dispositions proposées sont moins protectrices pour les petits commerces situés en zone touristique en comparaison des entreprises qui ont un nombre important de salariés. Pour celles-ci, on peut penser que les négociations relatives aux contreparties, dont les montants et les planchers ne sont pas déterminés par la loi, au niveau de la branche, du territoire, ou du groupe aboutiront à un accord dans les trois ans à venir.
Les petits commerces de moins de onze salariés en zone touristique peuvent rencontrer des difficultés, j’en conviens. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a souhaité les exonérer de contreparties. En revanche, elle a souhaité assimiler à des commerces de zone commerciale les commerces de plus de onze salariés dont on peut penser qu’ils sont en mesure d’assurer les contreparties – une certaine souplesse est d’ailleurs prévue à cet égard – et de respecter les conditions visées dans le texte qu’elle a élaboré.
Ainsi, si vous soutenez le présent amendement, mon cher collègue, vous soutenez aussi ces mêmes grandes surfaces que vous dénoncez !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Compte tenu des explications détaillées fournies par Mme la corapporteur, je retire cet amendement.
Mme Catherine Procaccia. Quelle force de conviction ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié quinquies est retiré.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1781.
M. Alain Fouché. Depuis un certain nombre d’années, on voit fleurir dans les gares parisiennes un certain nombre de grandes surfaces implantées dans des zones commerciales dont certaines vont devenir encore plus importantes. Les personnes qui quittent leur travail et se rendent à la gare pour prendre le train et rentrer chez elles s’arrêtent dans ces commerces, au détriment de ceux de leur ville…
Mme Catherine Procaccia. Quand ils arrivent à destination, les commerces sont souvent fermés !
M. Alain Fouché. Ma chère collègue, de nombreux commerces sont ouverts jusqu’à vingt-deux heures !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est la vie !
M. Alain Fouché. On en fait beaucoup trop pour les gares, dont ce n’est pourtant pas la vocation au départ !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 1602.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à renvoyer le soin de définir les compensations accordées aux salariés privés du repos dominical à des accords collectifs de branche, d’entreprise, d’établissement, à des accords territoriaux ou à des accords de groupe, ce qui est une nouveauté.
Rien ne semble s’opposer, a priori, à cet ajout, dans la mesure où cela permet d’envisager une possibilité supplémentaire de couverture conventionnelle des salariés. Toutefois, la négociation à cet échelon risque de poser quelques difficultés, notamment si des compensations sont négociées à différents niveaux.
L’accord de groupe concernant par principe des entreprises différentes appartenant à des branches et à des champs géographiques différents, certains salariés du même groupe ne risquent-ils pas de se trouver couverts par différents statuts collectifs concurrents ? Ce d’autant plus que l’accord de groupe a un statut un peu particulier. Aux termes de l’article L. 2232-33 du code du travail, il emporte les mêmes effets qu’un accord d’entreprise. Néanmoins, il est également indiqué, à l’article L. 2232-35 du même code, « qu’il ne peut comporter des dispositions dérogatoires à celles applicables en vertu de conventions de branche ou d’accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels. » La référence aux accords de groupe, en plus des autres types d’accords, risque donc de créer quelques difficultés dans la pratique en cas de concours de textes conventionnels.
On peut également se demander pourquoi il est fait référence à ces accords de groupe uniquement dans le cadre de la fixation des compensations salariales, alors que d’autres articles du projet de loi se réfèrent aux notions d’accords d’établissement, d’entreprise, de branche ou territoriaux, dont le présent article 76 et l’article 81.
Pour toutes ces raisons, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt réel de cette modification, qui risque de créer plus de difficultés d’application que de bénéfices.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1602 tend simplement à donner la possibilité juridique de conclure un accord à un niveau qui n’était pas prévu par le précédent texte. Dans la mesure où cela a été mis en place pour les accords territoriaux, il n’y a pas de raison que les groupes ne soient pas visés.
De surcroît, l’ordre public social prévoit que l’accord le plus favorable s’applique. Ainsi, un accord d’entreprise qui serait moins favorable qu’un accord de groupe ne saurait s’appliquer.
Je souhaite donc être parfaitement clair par rapport à la crainte que vous avez exprimée, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 615.
Mme Nicole Bricq. Je trouve dommage que Mme la corapporteur maintienne son avis défavorable sur cet amendement, d’autant plus que nous n’étions pas très loin de pouvoir trouver un accord. Nous avons déjà eu ce débat, je n’insisterai donc pas.
Il est vrai qu’il existe des situations de blocage dans certaines entreprises. Mais nous votons la loi, qui a une portée générale. Il n’est pas question de prendre en compte les cas particuliers.
La proposition de la commission spéciale pose un véritable problème, dans la mesure où il s’agit d’un saut dans l’inconnu. En effet, elle vise une simple consultation des représentants du personnel, ce qui est tout de même assez léger, et l’organisation d’un référendum auprès des salariés concernés au scrutin majoritaire. Mais comment est définie cette majorité ?
On reproche souvent aux amendements des uns et des autres de ne pas être suffisamment bien rédigés. Or tel est le cas de l’article 76 en l’espèce. J’aurais souhaité que nous trouvions un accord en séance.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je voudrais rassurer Mme Bricq sur le référendum des personnels. Le code du travail prévoit clairement que plus de la moitié des salariés concernés doivent donner leur accord.
Vous allez permettre aux entreprises d’ouvrir le dimanche et certaines ne pourront pas le faire à cause de blocages syndicaux.
Nous proposons donc que, à défaut d’accord – je souligne que des possibilités d’accords sont prévues au niveau du territoire, de l’entreprise, de la branche, du groupe et de l’établissement –, ce soit in fine la majorité des salariés concernés qui décide.
Il me semble que nous sommes alors au bout du dialogue social, et que les salariés doivent pouvoir décider à la majorité de travailler le dimanche dans certains magasins – c’est le cas dans les grands magasins parisiens, où il y a un blocage syndical.
Je ne comprends donc vraiment pas votre opposition.
Mme Isabelle Debré. Ces blocages existent aussi dans le secteur du bricolage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 615.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 165 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 132 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1440 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 616 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 1230 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 616.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement a pour objet de rétablir l’obligation générale d’accord collectif prévoyant des contreparties pour les salariés afin que l’ouverture le dimanche soit autorisée.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 1230.
Mme Évelyne Didier. L’alinéa 12 de l’article 76 exclut les établissements de vente au détail employant moins de onze salariés des obligations de contrepartie en cas de dérogation au repos hebdomadaire.
L’exonération pour ces commerces situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif et d’offrir des contreparties aux salariés pour ouvrir le dimanche est une remise en cause de la protection des travailleurs.
Redistribuer une partie de la richesse produite, c’est le principe même des contreparties et des garanties accordées aux salariés.
Cet alinéa remet cette compensation en question. Selon l’INSEE, le commerce de détail regroupe environ 446 000 entreprises, qui emploient près de 1,6 million de salariés en équivalents temps plein. De surcroît, la majeure partie des entreprises du commerce de détail sont des structures de petite taille : 98 % comptent moins de 20 salariés. Au regard du nombre d’entreprises concernées, il n’est pas acceptable d’établir une telle dérogation.
M. le président. L'amendement n° 739 rectifié bis, présenté par MM. Pellevat, G. Bailly, Bouvard, Calvet, Carle, Chaize, Commeinhes et Darnaud, Mme Deromedi et MM. L. Hervé, Longuet, Magras, Milon, Mouiller, Pierre, Trillard et Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
employant moins de onze salariés
par les mots :
dont l'activité est de nature saisonnière
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je ne reprendrai pas l’argumentation qui a été excellemment développée tout à l’heure sur la nature des activités saisonnières par Michel Bouvard.
Toutefois, puisque cet amendement vise à s’affranchir du nombre de onze salariés, j’évoquerai la situation spécifique des commerces des stations de sport d’hiver qui sont souvent étagés sur deux ou trois villages. Un même commerce peut donc avoir plusieurs magasins et dépasser ce plafond de onze salariés.
C’est pourquoi nous demandons que les commerces dont l’activité est de nature saisonnière soient exemptés du dispositif prévu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je me suis déjà largement expliquée sur le seuil de onze salariés.
Je rappelle aussi que, lors d’une interview accordée le 2 avril dernier, Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, déclarait : « il est important que les petits commerces, qui peuvent aujourd’hui ouvrir le dimanche, puissent encore le faire une fois la loi adoptée. Nous allons donc adapter la règle aux entreprises de moins de onze salariés. »
La commission spéciale ne l’a pas attendue et a décidé de proposer de dispenser les entreprises de moins de onze salariés situées en zone touristique de contreparties. Elle émet donc un avis défavorable sur les deux amendements qui visent à rétablir le texte initial.
S’agissant de l’amendement n° 739 rectifié bis, j’entends bien vos arguments, monsieur Vial, sur les entreprises de nature saisonnière situées en zone de montagne.
Cela étant, la rédaction retenue par la commission spéciale donne déjà satisfaction aux commerces employant moins de onze salariés. Quant à l’amendement, il vise à étendre la dérogation à tous les établissements dont l’activité est de nature saisonnière, sur l’ensemble du territoire, et pas seulement à ceux qui sont implantés en station de montagne.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis favorable sur les amendements nos 616 et 1230.
Autant, lors de l’examen de l’amendement n° 615, j’ai considéré que la commission spéciale avait pris des dispositions pour répondre à la question importante de l’obstruction, autant elle propose là d’ouvrir une véritable brèche pour les entreprises de moins de onze salariés. Certes, nous connaissons les difficultés qui existent dans les zones touristiques. Vous avez raison, madame Deroche, de faire référence aux propos de Carole Delga ; nous continuons d’ailleurs de travailler sur ce point.
Toutefois, vouloir résoudre le problème en accordant une dérogation complète ne me semble pas satisfaisant, précisément parce que ce serait aussi une voie de contournement de l’ensemble du dispositif pour certaines enseignes, comme j’ai eu l’occasion de le souligner.
Sur l’amendement n° 739 rectifié bis, Mme la corapporteur a développé les bons arguments : d’abord, les activités saisonnières font l’objet de certaines spécificités qui sont prises en compte par les accords collectifs. En termes de minima sociaux et d’organisation, elles sont couvertes. Mais si elles ont recours de manière régulière au travail dominical, il est normal qu’elles soient soumises aux dispositions de ce projet de loi, dont je rappelle qu’elles ne concernent pas les commerces alimentaires et qu’elles constituent une exception au repos dominical pour le commerce de détail. Nous restons donc dans un champ d’activité qui est précisément borné. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 616 et 1230.