M. le président. Le sous-amendement n° 1749, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1568, dernier alinéa
Supprimer les mots :
et les personnes morales relevant de catégories, définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des finances, qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de ces personnes morales
La parole est à M. François Pillet, corapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1568 rectifié.
M. François Pillet, corapporteur. La commission approuve totalement cette extension, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1749 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sous-amendement est cohérent avec la démarche de la commission. Par cohérence, le Gouvernement sollicite son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1568 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 58 quater, modifié.
(L'article 58 quater est adopté.)
Articles additionnels après l'article 58 quater
M. le président. L’amendement n° 185 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1660, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 58 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 411-14 du code du tourisme est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « développer », il est inséré le mot : « notamment » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut également apporter son concours à la mise en œuvre de toute politique sociale à la demande des ministres compétents. »
II - L’ordonnance n° 2015-333 du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation en matière de tourisme est ratifiée.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de faciliter, auprès des entreprises, l’utilisation des titres de paiement à vocation sociale dans le domaine du sport ou de l’énergie par exemple et de bénéficier, pour cela, de l’expertise acquise par l’Agence nationale des chèques vacances dans l’émission desdits chèques vacances.
L’ordonnance n° 2015-333 du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation dans le secteur touristique a été publiée le 27 mars 2015. Elle est conforme à l’habilitation accordée au Gouvernement par l’article 49 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives. Elle répond aux demandes des acteurs économiques du secteur touristique.
Il est donc proposé ici de procéder à la ratification de cette ordonnance conformément à l’article 59 de la loi précitée, qui prévoit un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance pour sa ratification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement étend considérablement les compétences de l’Agence nationale des chèques vacances, chargée principalement de gérer cette catégorie de chèques, à la mise en œuvre de toute politique sociale. Or cette extension nous paraît excessive : l’ANCV est un établissement public à caractère industriel et commercial, outil des politiques sociales du tourisme. Elle assure une mission d’intérêt général et n’a pas, nous semble-t-il, vocation à intervenir pour autant dans l’ensemble du champ social.
Par ailleurs, cet amendement vise à ratifier l’ordonnance du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation dans le secteur touristique. Cette ordonnance comporte certaines mesures d’importance, concernant par exemple les offices de tourisme ou la mise aux normes des hôtels. La ratifier par la voie d’un alinéa d’un amendement ne nous paraît pas, pour le moins, satisfaisante. Nous aurions plutôt souhaité que le Gouvernement dépose un projet de loi en ce sens, et que nous prenions ainsi le temps d’analyser chacune des mesures de l’ordonnance.
Pour ces deux raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 233 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Castelli, Collin et Arnell, est ainsi libellé :
Après l’article 58 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'une entreprise peut prouver qu'elle propose des services ou des biens qui comportent une innovation technologique, notamment numérique, au service du consommateur et que ces derniers ne sont encore l'objet d'aucune réglementation spéciale en vigueur, l'administration peut informer l'entreprise, sur la demande de cette dernière, de son interprétation de l'ensemble des normes qui lui sont applicables.
L'entreprise ne peut encourir de sanction administrative si la cause du litige avec l'administration est un différend sur l'interprétation par l'entreprise de bonne foi d'une norme et s'il est démontré que l'interprétation a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par l'entreprise de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
Lorsque l'entreprise a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Il s’agit d’un amendement d’appel.
On le sait, les entreprises sont confrontées à un stock de normes qui, pour protectrices qu’elles soient, les contraignent parfois inutilement. L'inflation normative, la volonté de tout réglementer et de tout encadrer peuvent parfois constituer des freins à l’innovation, notamment dans les nouveaux secteurs de la connaissance. Or l’innovation est un levier de création de valeur avéré, lequel passe de plus en plus par le médium du numérique. À ce titre, si, une année de plus, la France se hausse à la troisième marche du podium des pays les plus innovants au monde, il ne faut pas oublier que la transformation des inventions de laboratoire en innovations industrielles ou de service, donc en emplois, exige encore d’être fortement améliorée.
Dans un récent article, un grand quotidien le rappelait : massivement et mondialement, l’outil internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. Les internautes tissent des liens horizontaux, achètent et vendent sur leboncoin.fr, pratiquent le covoiturage grâce à blablacar.fr, conduisent la voiture de leur voisin, s’entraident et se logent avec airbnb.com.
La France ne doit pas laisser disparaître ce précieux levier de croissance. À cet égard, les normes administratives ne doivent pas étouffer dans l’œuf l’innovation des jeunes entrepreneurs, sous réserve, toutefois, que les principes cardinaux de l’information et de la sécurité des consommateurs soient préservés.
Cet enjeu est soulevé par le crowdfunding, mais aussi par la situation de nombreuses start-up.
Cet amendement, certes imparfait, a pour objet d’instaurer un permis d’innovation pour les entreprises proposant effectivement des services innovants, et ce sur le modèle du rescrit, lequel a fait l’objet d’un rapport du Conseil d’État. Lorsqu’une entreprise peut prouver qu’elle propose des services ou des biens comportant une innovation technologique, notamment numérique, au service du consommateur et que ces derniers ne sont encore l’objet d’aucune réglementation spéciale en vigueur, l’administration doit pouvoir informer l’entreprise, sur sa demande, de son interprétation de l’ensemble des normes qui lui sont applicables.
Sur le modèle du rescrit, l’entreprise ne peut encourir de sanction administrative si la cause du litige avec l’administration est un différend portant sur l’interprétation par l’entreprise de bonne foi d’une norme et s’il est démontré que ladite interprétation a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.
Il ne peut être procédé à aucun rehaussement d’imposition antérieure si la cause du rehaussement visé par l’administration est un différend sur l’interprétation de l’entreprise de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.
Qui disait que nous sommes dans un débat de juristes ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission a jugé cet amendement intéressant.
Mme Françoise Laborde. Bon début !
M. François Pillet, corapporteur. Toutefois,…
Mme Françoise Laborde. Aïe !
M. François Pillet, corapporteur. … elle ne l’a pas retenu, l’estimant insuffisamment abouti. Je sais que M. le ministre est très sensible à ces enjeux d’innovation : sans doute pourra-t-il nous apporter des précisions à ce propos.
Cet amendement tend à transposer le système du rescrit, existant en matière fiscale, dans le domaine de l’innovation. Plus précisément, seraient visées les activités économiques innovantes qui ne font pas encore l’objet d’une réglementation complète et adaptée. Toutefois, force est de constater que la rédaction retenue est assez générale. J’ajoute que les termes choisis évoquent un aspect fiscal qui n’a peut-être pas de liens réels avec le sujet.
On peut difficilement avoir la certitude qu’une activité économique n’est pas couverte par une réglementation existante, étant donné la foule des normes existant dans tous les domaines.
L’idée de s’adresser à l’administration – je suppose qu’il pourrait s’agir des services des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE –, pour obtenir une forme de rescrit, opposable, en contrepartie, à l’administration, est tout à fait intéressante. Cette piste pourrait s’inscrire dans le cadre des travaux que le Gouvernement consacre actuellement à l’extension du rescrit à de nouveaux champs de l’action administrative. Elle pourrait également trouver sa place dans le programme de toilettage des régimes d’autorisation administrative ou de déclaration préalable.
Je n’ai pas eu l’occasion d’examiner, avec les auteurs de cet amendement, les moyens d’améliorer sa rédaction. Au reste, ce travail serait sans doute très difficile, compte tenu du champ d’application considéré.
Madame Laborde, vous avez eu l’honnêteté de dire qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Cet appel ayant été lancé, je vous suggère de retirer le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Laborde, la procédure de rescrit, que vous souhaitez appliquer aux innovations, existe déjà en droit fiscal, et elle est bien définie.
M. le rapporteur vient de l’indiquer, le Gouvernement cherche à étendre le rescrit au-delà du seul droit fiscal, notamment dans le domaine social, par le biais d’une ordonnance prise sur le fondement de l’habilitation accordée par le Parlement en décembre 2014. Ce texte viendra compléter les dispositifs existants.
En l’espèce, vous proposez d’aller plus loin encore, avec une forme de rescrit sectoriel. Cette démarche me semble tout à fait intéressante. En effet, elle prendrait en compte la nécessité, fréquemment constatée, d’aller plus vite et de garantir aux acteurs économiques la visibilité dont ils ont besoin. Néanmoins, ainsi rédigées, ces dispositions sont trop larges, alors même que, pour être robuste, le rescrit doit être parfaitement défini. S’il entrait en vigueur, ce dispositif susciterait une insécurité juridique nuisible aux acteurs que vous souhaitez, précisément, protéger par ce biais. En effet, il ferait peser sur eux une incertitude à moyen et long terme. Je songe notamment aux investisseurs, qui, face aux risques auxquels ils sont exposés, doivent disposer d’une bonne visibilité.
Je vous propose de travailler à cette mesure au cours des prochaines semaines : il faut poursuivre dans cette direction, quitte à emprunter d’autres voies et moyens. Nous devons définir la bonne rédaction, pour les divers sujets sectoriels. Pour l’heure, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Dans le cadre du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, j’avais moi-même proposé un rescrit similaire visant le même objectif. Le Gouvernement m’avait objecté qu’il était difficile de limiter une telle procédure au seul domaine de l’économie sociale et solidaire, mais il avait ajouté que l’idée était intéressante et qu’elle serait travaillée plus avant. Aujourd’hui, vous apportez peu ou prou la même réponse à Mme Laborde, à ceci près que, cette fois-ci, le champ d’application n’est plus jugé trop étroit mais trop large.
À mon sens, il est urgent d’optimiser la définition de cet outil et de l’utiliser réellement. Nous devons tenir, ensemble, cet engagement ! Étant donné les mutations que connaissent aujourd’hui notre tissu économique, nos entreprises, nous avons tout intérêt à pouvoir utiliser au mieux un tel instrument, dans le domaine de l’innovation et tout particulièrement dans le champ de l’innovation sociale. Un tel rescrit présente toute la souplesse nécessaire. Il serait tout à fait pertinent.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 233 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 233 rectifié est retiré.
M. François Pillet, corapporteur. Parfait !
Section 2
Procédures de l’Autorité de la concurrence
Article 59
(Suppression maintenue)
Article 59 bis
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa du III de l’article L. 430-2 est complété par les mots : « sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l’ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale » ;
2° Au troisième alinéa de l’article L. 430-3, les mots : « de dimension communautaire » sont remplacés par les mots : « relevant de la compétence de l’Union européenne » ;
3° L’article L. 430-4 est ainsi modifié :
a) Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’octroi de cette dérogation peut être assorti de conditions. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La dérogation mentionnée au deuxième alinéa cesse d’être valable si, dans un délai de trois mois à compter de la réalisation effective de l’opération, l’Autorité de la concurrence n’a pas reçu la notification complète de l’opération. » ;
4° Après le deuxième alinéa du II de l’article L. 430-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de la concurrence peut suspendre le délai mentionné au I lorsque les parties ayant procédé à la notification ont manqué de l’informer d’un fait nouveau dès sa survenance ou de lui communiquer tout ou partie des informations demandées dans le délai imparti, ou lorsque des tiers ont manqué de lui communiquer, pour des raisons imputables aux parties ayant procédé à la notification, les informations demandées. Le délai reprend son cours dès la disparition de la cause ayant justifié sa suspension. » ;
5° L’article L. 430-7 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa du II, les mots : « S’ils » sont remplacés par les mots : « Lorsque des engagements ou des modifications apportées à des engagements déjà proposés » et les mots : « la date de réception des engagements » sont remplacés par les mots : « leur réception, dans la limite de quatre-vingt-cinq jours ouvrés à compter de l’ouverture de l’examen approfondi » ;
b) (Supprimé)
5° bis (nouveau) L’article L. 430-7-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le ministre chargé de l’économie estime que les parties n’ont pas exécuté dans les délais fixés un engagement figurant dans sa décision, il peut prendre les décisions prévues aux 1° à 3° du IV de l’article L. 430-8. » ;
6° Le IV de l’article L. 430-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ou dans la décision du ministre ayant statué sur l’opération en application de l’article L. 430-7-1 » sont supprimés ;
b) Au 2°, les mots : « qu’ils fixent » sont remplacés par les mots : « qu’elle fixe » et sont ajoutés les mots : « figurant dans la décision » ;
c) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l’article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l’obligation, d’exécuter dans un délai qu’elle fixe des injonctions, prescriptions ou engagements en substitution de l’obligation non exécutée. » ;
7° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 est complétée par les mots : « et des décisions nécessaires à la mise en œuvre des décisions prévues aux III et IV de l’article L. 430-7 » ;
8° À la fin de la seconde phrase de l’article L. 954-2, les mots : « de dimension communautaire » sont remplacés par les mots : « relevant de la compétence de l’Union européenne ».
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Cette intervention ne porte pas sur la forme de cet article, mais revient sur le fond du débat que suscitent ses dispositions.
La concentration des enseignes commerciales est l’un des problèmes les plus préoccupants pour qui veut faire en sorte que le pouvoir d’achat des ménages échappe quelque peu aux ententes entre les groupes de la distribution, qui tendent à fixer les prix à leur convenance. À cet égard, la question est la suivante : le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence se révélera-t-il suffisant pour lutter efficacement contre les effets pervers de la concentration commerciale ? En vérité, nous ne le croyons pas.
Que certains groupes de la distribution disposent de positions dominantes dans certaines régions de notre pays, c’est assez évident. Il faut bien le reconnaître, cette réalité est tout à fait manifeste au sein des marchés captifs que constituent les territoires ultramarins, où les mêmes groupes détiennent pratiquement toutes les plus grandes enseignes. Cette situation nuit profondément au pouvoir d’achat des ménages, d’autant que, dans ces territoires, la pratique des prix élevés est légitimée par des circuits d’approvisionnement inconséquents et par l’existence de l’octroi de mer. Cependant, les enseignes de la grande distribution y disposent de marges confortables. Voilà la preuve que l’on peut très bien s’accommoder des contraintes fiscales…
Cela étant, les positions dominantes existent également en métropole, d’autant que les grands groupes de la distribution y ont, dans un passé récent, développé toute une gamme d’enseignes, de la supérette au supermarché en passant par la chaîne de maxi-discount. Si l’on y ajoute les réseaux de franchises rattachées, on obtient un univers commercial assez nettement répétitif : les centres-villes sont progressivement désertés par les commerces de proximité et ne laissent plus place qu’aux activités « de niche ». Quant aux entrées de villes, elles sont, si l’on peut dire, fleuries des mêmes enseignes…
Nous n’avons, par principe, jamais cru au pouvoir des autorités indépendantes pour réguler efficacement les activités concurrentielles, en particulier le commerce de détail. La création de l’Autorité de la concurrence est en effet allée de pair avec le démantèlement des activités de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont la fonte des effectifs a constitué l’une des plus graves erreurs politiques des dernières années. Au demeurant, en renforçant aujourd’hui les prérogatives du président de l’Autorité de la concurrence, on ne résoudra guère de problèmes. Il faudra commencer par poser, dans leur ensemble, la question de la sécurité alimentaire, pour conforter les circuits courts, et celle du pouvoir d’achat des ménages, les clients les plus modestes étant pour l’heure « captifs » d’enseignes obéissant à des logiques de groupe.
Par les dispositions du présent texte portant atteintes au repos dominical, le Gouvernement affiche l’intention de multiplier les jours d’activité des magasins et commerces situés dans les zones touristiques diverses et variées. Mais, que celui-ci le veuille ou non, ces mesures devraient normalement aboutir au renforcement des positions dominantes existantes.
La journée du dimanche est faite pour aller au cinéma, au théâtre, à la campagne, en forêt, au bord de la mer ou pour rester en famille. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. François Pillet, corapporteur. Et aux vêpres ? (Sourires.)
M. Michel Le Scouarnec. Je n’y avais pas songé, monsieur le rapporteur. (Nouveaux sourires.)
C’est un temps familial et culturel destiné à l’épanouissement et à la réussite. J’insiste sur ce point ! Nous ne croyons donc nullement à l’efficacité de cet article 59 bis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1570, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
ou de nouvelles injonctions ou prescriptions
II. – Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
7° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 est complétée par les mots : « , des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l’article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement tend à rétablir deux éléments du présent article.
Premièrement, en cas d’inexécution par les parties de leurs engagements initiaux, l’Autorité de la concurrence doit pouvoir substituer à ces derniers d’autres mesures, si celles-ci se révèlent nécessaires.
Deuxièmement, le président de cette instance doit être habilité à prendre seul les mesures de révision ou de mise en œuvre des engagements ou injonctions pris après un examen approfondi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, il ne s’agit pas de revenir sur l’ensemble des modifications apportées à cet article par la commission. Toutefois, ces deux dispositions me semblent nécessaires au bon fonctionnement de la procédure fixée.
M. le président. L'amendement n° 1750, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
, prescriptions ou engagements
par les mots :
ou prescriptions
II. – Alinéa 21
Remplacer la première occurrence des mots :
des décisions
par les mots :
de celles
La parole est à M. François Pillet, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1570.
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 1750 est purement rédactionnel.
Le I de l’amendement n° 1570 est déjà satisfait par le texte de la commission. En effet, cette dernière a acté la possibilité, pour l’Autorité de la concurrence, de prononcer de nouvelles injonctions ou prescriptions à l’encontre d’une entreprise issue d’une opération de concentration, lorsque les injonctions et prescriptions de la décision initiale ne sont pas respectées, quelle qu’en soit la raison. Il s’agit bien de pouvoir substituer de nouvelles mesures aux dispositions initiales.
Quant au II de cet amendement, il est contraire à la position de la commission. Actuellement, lorsqu’une entreprise demande la révision d’une décision par laquelle une concentration a été autorisée, c’est l’Autorité de la concurrence elle-même qui prend la décision de révision. En pareil cas, le présent projet de loi prévoyait, dans sa rédaction initiale, une décision du président de l’Autorité de la concurrence seul.
Monsieur le ministre, l’autorisation d’une concentration relèverait de l’Autorité de la concurrence tout entière, mais la modification d’une telle décision appartiendrait à son seul président… À nos yeux, cette rupture du parallélisme des formes est curieuse et, en tout cas, insatisfaisante. La commission a considéré que ces décisions de révision ne pouvaient revenir au président seul, compte tenu de leur importance potentielle. Nous sommes là face à un pur problème de procédure, et les décisions dont il s’agit peuvent modifier profondément la décision initiale.
À cet égard, il nous semble préférable d’en rester au texte de la commission. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1750 ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il est question ici de procédures, mais je saisis l’occasion pour appeler l’attention du Sénat et du Gouvernement sur une situation que je considère comme anormale. Je vais citer trois événements relatifs à l’Autorité de la concurrence qui témoignent du déséquilibre auquel nous sommes actuellement confrontés.
J’évoquerai, d’abord, la situation des producteurs de volaille. Les PME et les ETI du secteur ont vu, dans les années 2000, en raison de la grippe aviaire, le volume de leur activité s’effondrer de 30 % ; au même moment, le prix des céréales a explosé. Certes, ces entreprises ont discuté entre elles, mais simplement pour essayer de faire face à la grande distribution qui les étranglait, sans qu’il y ait eu aucun préjudice pour les consommateurs, et de conserver l’activité et les emplois. Dans quelques jours, l’Autorité de la concurrence devrait prononcer de lourdes amendes, alors même qu’une grande partie de ces entreprises, dont des filiales de Doux, sont aujourd'hui insolvables, quand elles ne sont pas purement et simplement rayées de la carte.
Ensuite, le président de la commission des affaires économiques du Sénat et vous-même, monsieur le ministre, avez saisi le président de l’Autorité de la concurrence à la fin de l’année dernière du cas de quatre grandes enseignes qui se sont associées pour peser davantage. Celui-ci vous a répondu qu’il n’en pouvait mais.
Enfin, il y a quelques jours, une grande enseigne a cherché à faire garantir sa marge par ses clients : si la marge baissait, ces derniers devaient lui verser le différentiel, et ce rétroactivement.
Les questions de procédure sont certes fondamentales, et je soutiens la proposition de M. le rapporteur, mais, on le voit bien, l’Autorité de la concurrence et le législateur seront toujours en retard sur les rapports de force. À quoi sert une telle autorité si l’on continue à affaiblir notre tissu industriel agroalimentaire – car c'est bien ce qui se passe ! –, sans se donner la possibilité de peser sur ces rapports de force ? Au moment où nous allons délibérer sur ces questions de procédure, j’invite chacune et chacun de nos collègues à méditer ces exemples, qui me paraissent extrêmement instructifs si nous voulons avoir encore demain une industrie dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)