M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 951 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Aux yeux de notre collègue Pierre-Yves Collombat, la barémisation prévue par les alinéas 8 à 11 aura d’abord pour effet de développer les stratégies de recours aux prud’hommes, en fonction d’un calcul coûts-avantages.
Ensuite, ce dispositif constitue une forme de déjudiciarisation de l’institution. En effet, cette automaticité réduit considérablement le rôle du juge, qui devrait apprécier l’indemnité au cas par cas.
Enfin, le texte ne précise pas comment sera constitué ce référentiel, puisqu’il sera établi après avis du Conseil supérieur de la prud’homie et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
On le pressent, l’objectif sous-jacent est la réduction du recours aux prud’hommes. Tel est le choix qu’a fait le Gouvernement. Mieux vaudrait pourtant augmenter le budget de cette juridiction, qui en a bien besoin !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1250.
Mme Annie David. Nous souhaitons également supprimer ce barème indicatif, introduit par la loi du 14 juin 2013 pour la phase de conciliation, et par lequel les parties peuvent mettre fin à leur litige, moyennant une contrepartie forfaitisée d’un montant très faible.
En 2013, les organisations syndicales avaient obtenu que cette barémisation soit limitée à la phase de conciliation. Désormais, le présent projet de loi étend ce dispositif à la phase de jugement…
Le référentiel ainsi introduit est défini par le Conseil d’État, selon des critères d’ancienneté, d’âge, et en fonction de la situation du demandeur.
Avec ce référentiel, a priori indicatif, mais dont l’usage pourrait se généraliser au point de le faire apparaître comme prescriptif, les juridictions prud’homales se voient donc dépossédées de leur rôle d’individualisation des sanctions. En effet, cette espèce de forfait n’assure pas la réparation du préjudice dans sa totalité. Celui-ci ne peut qu’être évalué au cas par cas, par le juge.
De surcroît – Françoise Laborde vient de le souligner –, ce référentiel a pour effet de décourager les parties, notamment les salariés. Pour des personnes subissant des contraintes financières, la tentation peut être forte d’accepter une indemnisation, même faible, plutôt que de faire valoir ses droits, d’autant que les procédures sont bien souvent longues et éprouvantes !
Pour résumer, l’employeur s’acquitte d’une somme qui, pour lui, est dérisoire, et qu’il peut, grâce au barème, provisionner, tandis que le salarié, découragé, accepte une solution « moins-disante ».
Surtout, avec une telle mesure, on envoie un message fort aux employeurs : ces derniers peuvent anticiper ce qu’il leur en coûtera s’ils ne respectent pas le code du travail, par exemple en cas de licenciement abusif d’un salarié.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1478.
M. Jean Desessard. L’instauration d’un référentiel d’indemnisation, puis la jurisprudence qu’il suscitera risquent de créer un barème, voire un plafonnement des indemnités, ce qui contrevient à la liberté de jugement des juges – je dis bien « juges » – prud’homaux.
En outre, on peut s’interroger sur les critères proposés pour l’élaboration de ce référentiel, à savoir l’ancienneté, l’âge et la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Ces critères sont subjectifs, et leur application créerait une inégalité de traitement devant la loi, contraire à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Enfin, il est prévu que le Conseil supérieur de la prud’homie fixe le référentiel d’indemnisation. Or cette instance n’est pas habilitée à remplir cette mission : son rôle est simplement de donner son avis sur la compétence, l’organisation et le fonctionnement des conseils de prud’hommes, l’élection et la formation des conseillers prud’hommes ainsi que sur les procédures suivies devant le conseil des prud’hommes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Mes chers collègues, comment les choses se passent-elles dans la « vraie vie » ? (Mme Annie David s’exclame.)
Dans les affaires simples, un salarié ou un employeur saisissant les prud’hommes et disposant d’un conseil, c’est-à-dire soit un délégué syndical, soit un avocat, se voit généralement indiquer, dès le début de la procédure, une fourchette approximative d’indemnisation ; il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un barème, mais c’est une indication qui est, dans la pratique, donnée à ceux qui ont la chance d’avoir un conseil. A contrario, celui qui se présente seul, il ignore totalement ce que pourrait être l’indemnisation.
Bien sûr, le drame, ce serait qu’un barème strict soit établi et qu’il s’applique de manière automatique. (M. Jean Desessard acquiesce.) Mais, en l’espèce, il est simplement proposé de créer un référentiel indicatif pour l’indemnisation judiciaire du licenciement. Ce dispositif permet évidemment de tenir compte de la réalité du terrain.
Selon moi, ce référentiel indicatif est une avancée, notamment pour ceux qui ne disposent pas d’un conseil : il offre une prévisibilité aux parties. De plus, le dispositif permet éventuellement d’accélérer la procédure. Mais surtout, il comporte des garanties, notamment le caractère indicatif du référentiel fait que celui-ci ne lie pas le juge.
Le jour où nous sera proposé, dans cet hémicycle, d’établir un barème automatique, là, oui, nous devrons être unanimes à le refuser !
En l’état actuel du texte, nous disposons de garanties et le référentiel peut donner des idées aux parties comme aux juges. Pourquoi empêcher les deux parties, lorsqu’elles sont d’accord, d’accepter l’application d’un barème ou d’une jurisprudence ?
L’instauration de ce référentiel ne paraît donc pas déterminante ni grave à la commission spéciale. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques, à moins que leurs auteurs acceptent de les retirer.
J’ajoute que, dans d’autres domaines du droit, des barèmes de ce type existent, mais que leur application n’a jamais été rendue automatique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Mélot, l’amendement n° 495 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 495 rectifié sexies est retiré.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 951 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous maintenons évidemment notre amendement. M. le corapporteur, qui connaît bien la pratique – mais moi aussi ! –, nous a parlé de la « vraie vie ». Or la création d’un référentiel indicatif que le juge peut prendre en compte n’a rien à voir avec la réalité, avec la « vraie vie » !
M. François Pillet, corapporteur. Si, c’est la jurisprudence !
M. Jacques Mézard. Mais non ! De plus, l’alinéa 11 précise que « si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel ».
Mme Nicole Bricq. Pourquoi pas ?
M. Jacques Mézard. Je ne doute pas que vous n’ayez fréquenté les prud’hommes, madame Bricq, mais, quant à moi, je l’ai fait pendant trente-huit ans !
Peut-on imaginer que des parties qui ne sont pas parvenues à se mettre d’accord dans la phase de conciliation vont tomber d’accord pour demander l’application du référentiel ? Cela veut dire, par exemple, que l’employeur donnera son accord pour être condamné. Soyez raisonnables ! Croyez-vous vraiment qu’un employeur va reconnaître qu’il a prononcé un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire abusif, et se mettre d’accord avec le salarié pour fixer le montant de ce qu’il va lui verser ? Vous avez peut-être vu cela dans la « vraie vie », mais c’est vraiment exceptionnel !
M. François Pillet, corapporteur. Un mauvais compromis vaut mieux qu’un bon procès !
M. Jacques Mézard. Ensuite, vous nous dites que cette disposition facilitera les choses pour les salariés qui n’ont pas de conseil, défenseur syndical ou avocat. Il faut quand même rappeler que les textes fixent déjà un plancher minimal d’indemnisation, notamment en cas de licenciement sans motif réel ni sérieux. Considérer que l’on va pouvoir fixer un plafond d’indemnisation n’a rien à voir non plus avec la « vraie vie » !
Enfin, on ne peut pas affirmer que le salarié qui n’a pas de défenseur ne peut pas modifier sa demande : la loi le permet, en matière prud’homale, jusqu’au dernier moment. Cela aussi, c’est la « vraie vie » procédurale.
Nous ne retirons pas notre amendement parce que ces dispositions ne vont dans le sens ni de l’intérêt du salarié ni de celui de l’employeur. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi elles figurent dans ce texte, monsieur le ministre. Un certain nombre des alinéas de cet article sont utiles, mais je ne vois vraiment pas ce qui peut justifier la présence de ces trois alinéas.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 1250 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 1478 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. J’ai eu, en la personne de M. Mézard, un excellent avocat : je le maintiens donc, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J’ajouterai un argument à l’appui de la position de la commission spéciale.
J’ai participé à certaines des auditions organisées par M. le corapporteur, au cours desquels nous avons relevé qu’il existait de fortes variations locales.
L’existence d’un référentiel, même indicatif, donne une certaine visibilité aux parties et devrait permettre de réduire les variations entre juridictions. Elle est donc de nature à sécuriser les salariés, tout comme les employeurs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 951 rectifié, 1250 et 1478.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 952 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
au moins
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Si la coordination entre juge et conseillers mérite d’être améliorée, elle ne doit pas prendre la forme d’une mise sous surveillance des seconds par le premier. La participation du juge départiteur à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes une fois par an est d’autant plus suffisante que d’autres relations, plus ou moins informelles, existent entre ces acteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à interdire au juge départiteur d’assister plus d’une fois par an à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes. Vous admettrez que c’est exprimer une méfiance particulière à l’encontre de cette participation, analysée comme une tentative de mise sous tutelle du conseil de prud’hommes.
Cette analyse me semble tout à fait erronée : il faut laisser au magistrat départiteur, qui fait partie de la juridiction prud’homale, la possibilité de participer aux assemblées qui organisent le fonctionnement de la juridiction. Cette participation n’a pas d’autre conséquence que de permettre à ce magistrat de se tenir au courant des décisions prises par le conseil de prud’hommes et du fonctionnement de la juridiction et de présenter ses observations. En outre, elle favorise le dialogue, très utile, entre les magistrats du travail et les conseillers prud’hommes.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Requier. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 952 rectifié est retiré.
L’amendement n° 900 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
assemblée générale
par les mots :
audience solennelle
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Le texte du projet de loi prévoit que le juge départiteur peut, à sa demande, assister à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes. Or l’assemblée générale est destinée à l’élection du président et du vice-président du conseil, à laquelle le juge départiteur ne peut prendre part. C’est pourquoi il est proposé que le juge départiteur puisse assister à l’audience solennelle du conseil, à laquelle il est d’ailleurs généralement invité dans la pratique, et non à l’assemblée générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les auteurs de l’amendement proposent que le juge départiteur participe plutôt à l’audience solennelle du conseil de prud’hommes qu’à ses assemblées générales.
Toutefois, contrairement à ce qu’ils indiquent, le rôle de cette assemblée générale ne se limite pas à l’élection du président et du vice-président du conseil de prud’hommes. L’assemblée générale peut également faire des propositions pour la constitution des chambres au sein du conseil et elle détermine le règlement intérieur du conseil, ainsi que les jours et heures des séances. Il s’agit donc bien d’un organe essentiel de l’administration du conseil de prud’hommes. J’ajoute que l’audience solennelle n’a aucun caractère décisionnel.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Cadic.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 900 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 900 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 1251, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Les alinéas que nous proposons de supprimer ont pour objet d’instaurer un bureau de jugement restreint pour juger certaines affaires. Ce bureau se composerait de deux conseillers au lieu de quatre. Ces alinéas mettent ainsi en place une justice à deux vitesses : une justice lente, mais impartiale, et une justice rapide, voire expéditive, forcément moins équitable.
La compétence de cette formation restreinte est limitée aux litiges portant sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire. Or ces litiges représentent 92 % des affaires. De ce fait, il est probable que la formation restreinte serait très souvent saisie.
Certes, cette formation restreinte ne peut intervenir qu’en cas d’accord des deux parties. Cependant, les salariés peuvent subir une certaine pression pour accepter que leur affaire lui soit soumise. De plus, leurs moyens financiers sont souvent bien plus restreints que ceux des employeurs. Or les procédures sont coûteuses : temps, déplacements, frais de justice, jours de congé à prendre pour les salariés ayant trouvé un nouvel employeur, etc. Enfin, il ne faut pas négliger le caractère éprouvant que peuvent revêtir les procédures pour des salariés licenciés, qui sont éventuellement encore à la recherche d’un emploi.
Ainsi, le délai de trois mois pour statuer est nécessairement de nature à séduire, du moins dans un premier temps, mais il est indéniable qu’une justice expéditive, en formation restreinte, rendra souvent des jugements encore plus défavorables aux salariés, le temps étant trop court pour apprécier la complexité de l’affaire et entendre suffisamment les parties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à supprimer la formation restreinte de jugement. Or je suis convaincu qu’une formation restreinte de jugement n’est pas forcément moins impartiale qu’une formation plénière ; je rappelle qu’elle est paritaire, conformément à la spécificité de la juridiction prud’homale. J’ajoute que le renvoi vers cette formation n’est possible que pour les contentieux du licenciement ou de la résiliation judiciaire du contrat de travail et avec l’accord des parties.
D’une manière plus générale, j’observe que l’institution du juge unique dans d’autres matières – en l’occurrence, la formation demeure collégiale – ne pose pas de difficulté majeure au fonctionnement de la justice.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 624, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 24, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Cet amendement vise à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 24 : « La formation initiale est commune aux conseillers prud’hommes employeurs et salariés et placée sous la responsabilité de l’École nationale de la magistrature. »
Je précise d’emblée que cet amendement ne saurait être interprété comme l’expression d’une méfiance ou d’une animosité à l’encontre de l’École nationale de la magistrature.
Ce qui nous conduit d’abord à présenter le présent amendement, c’est que cette disposition n’a pas fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.
De plus, cette deuxième phrase est curieusement rédigée. Tout d’abord, qu’entend-on exactement par « formation commune » ? Est-ce à dire que les conseillers employeurs et les conseillers salariés suivront ensemble la même formation, ou seulement qu’ils suivront le même cursus séparément ? Est-il d’ailleurs opportun qu’ils suivent le même cursus, et avec quel contenu ? On voit bien que la formation se déroulera différemment dans l’un et l’autre cas. Surtout, elle n’aura certainement pas les mêmes résultats.
Par ailleurs, quelle sera la place des organisations syndicales et patronales qui, aujourd’hui, participent à ces formations ? Cette question soulève également celle de la signification exacte de l’expression « sous la responsabilité de l’École nationale de la magistrature ». Quel sera le rôle de celle-ci ? Ses enseignants assureront-ils la partie pédagogique ?
Manifestement, cette phrase a été écrite d’une manière un peu hâtive. C’est pourquoi nous en demandons la suppression, en même temps que nous souhaitons connaître les intentions du Gouvernement sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 1252, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les représentants des organisations syndicales représentatives sont associés dans l’établissement du contenu des formations dispensées par l’école nationale de la magistrature.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La question de la formation des conseillers prud’homaux est centrale. C’est pour cette raison que l’alinéa 24 de cet article nous paraît aller dans la bonne voie. En effet, les dispositions actuelles des articles L. 1442-1 et L. 1442-2 du code du travail nous semblent insuffisantes et, surtout, ne garantissent pas une vraie formation aux nouveaux conseillers prud’homaux.
Cependant, quelques doutes subsistent. C’est pourquoi le groupe CRC propose un certain nombre d’amendements relatifs à la formation des conseillers.
Ayant déjà souligné l’importance de la durée de cette formation, nous proposons, par cet amendement, que les représentants des organisations syndicales représentatives soient associés au contenu des formations dispensées par l’ENM – École nationale de la magistrature. C’est en effet un point important à nos yeux.
Nous entendons promouvoir ainsi une formation qui ne soit pas seulement juridique, mais aussi pratique. Selon la plupart des observateurs, la richesse de notre justice prud’homale tient à son caractère non professionnel, militant et paritaire. M. le ministre a d’ailleurs, aujourd’hui même, exprimé un semblable point de vue.
Permettre que la période de formation initiale sorte du cadre uniquement juridique peut avoir des effets réellement positifs sur la qualité de cette formation.
Il n’est pas question de mettre en doute la compétence de l’École nationale de la magistrature. Toutefois, le modèle des prud’hommes est si particulier que je ne suis pas certaine qu’une formation exclusivement juridique soit suffisante pour appréhender l’ensemble des enjeux et assurer une compréhension complète de ces derniers.
C’est justement vers ce double objectif que nous souhaitons avancer. Un partenariat entre les représentants syndicaux et l’École nationale de la magistrature permettrait, à coup sûr, d’enrichir cette formation initiale des conseillers prud’homaux. Sur ce point, je le pense, nous pouvons trouver un accord.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Je note l’intérêt porté par nos collègues à la formation dispensée par l’École nationale de la magistrature !
L’amendement n° 624 vise à revenir sur la modification, apportée par la commission spéciale, imposant que la formation initiale des nouveaux conseillers prud’hommes soit commune aux conseillers employeurs et salariés, et placée sous la responsabilité de l’ENM.
La formation initiale devra être une formation à la pratique juridictionnelle, et l’on ne voit pas pourquoi elle ne serait pas commune aux conseillers employeurs et salariés. Je le dis depuis le début, et je n’ai pas changé de philosophie : il s’agit de construire une pratique juridictionnelle commune.
En revanche, je comprends que l’on puisse débattre de l’opportunité de placer cette formation directement sous la responsabilité de l’ENM, et j’ai bien noté l’orientation qui est privilégiée à cet égard.
Ce choix me semble, comme à vous, le meilleur, mais des questions de financement de la formation professionnelle se posent : il faut décider si l’ENM fournira une assistance technique ou si elle assumera l’entière responsabilité de cette formation. À quel budget cette formation doit-elle émarger ? Celui de la justice ou celui du ministère du travail ? Ce point doit, sans doute, être tranché par le Gouvernement.
Afin de parvenir à un accord, je vous propose, madame Emery-Dumas, de rectifier votre amendement de manière qu’il tende seulement à supprimer le dernier membre de la phrase visée, celui qui prévoit que la formation initiale commune est placée sous la responsabilité de l’ENM. Serait ainsi conservée l’idée d’une formation initiale commune – cela ne signifie pas une formation totale ! –, qui correspond à l’inspiration de la réforme et aux préconisations du rapport Lacabarats.
Sous réserve de cette rectification, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement n° 624.
L’amendement n° 1252 vise à prévoir que les associations syndicales sont associées à la définition de la formation initiale commune assurée par l’ENM. Si cette formation ne devait pas être assurée par l’ENM, nous le regretterions avec vous ; mais tel sera peut-être le cas...
L’idée est intéressante, mais, comme je l’ai dit à propos de l’amendement précédent, la définition de l’organisme chargé de la formation initiale commune relève sans doute du plutôt pouvoir réglementaire – mais peut-être est-ce là une manière de me défausser.
Dans la droite ligne de l’avis de la commission sur l’amendement n° 624, rectifié dans le sens que nous préconisons, je vous demande donc, madame Prunaud, de bien vouloir retirer l’amendement n° 1252, au bénéfice des explications du ministre et des engagements qu’il prendra sur ce point.
Mme Annie David. Écoutons le ministre !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis favorable à l’amendement n° 624 initial ; je le serai également à l’amendement rectifié dans le sens proposé par le corapporteur, car il serait alors de nature à répondre à la préoccupation évoquée.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 1252, il est vrai que l’alinéa 24 ne précise plus les modalités de la formation initiale, lesquelles seront désormais définies par voie réglementaire. Quoi qu’il en soit, les organisations syndicales continueront d’enseigner le fond du droit et la formation commune portera sur la déontologie, la procédure, la rédaction de jugements, les méthodes de conciliation. Je veux vous apporter ici, madame Prunaud, toutes garanties à cet égard.
Je demande donc le retrait de cet amendement. Nous partageons la préoccupation que vous portez, mais, quelles que soient les modalités de la formation initiale qui seront retenues, celles-ci seront définies par voie réglementaire.
M. le président. Madame Emery-Dumas, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 624 dans le sens proposé par M. le rapporteur ?
Mme Anne Emery-Dumas. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 624 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Alinéa 24, seconde phrase
Après le mot :
salariés
supprimer la fin de cette phrase.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme Annie David. Il apparaît que, avec l’adoption de l’amendement n° 624 rectifié, la formation initiale des conseillers prud’hommes demeure commune aux conseillers employeurs et salariés.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous engagez à maintenir la situation actuelle : les organisations syndicales vont donc continuer à contribuer à la formation des conseillers prud’hommes.
Dans ces conditions, monsieur le président, nous retirons notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 1252 est retiré.
L’amendement n° 1253, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
La parole est à Mme Annie David.