Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
M. Philippe Adnot, Mme Catherine Tasca.
3. Candidature à deux organismes extraparlementaires
4. Conventions internationales. – Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
6. Accord d'association Union européenne et Communauté européenne de l’énergie atomique –Ukraine. – Adoption d’un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Hervé Maurey, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine
M. Harlem Désir, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article unique du projet de loi.
7. Nomination de membres de deux organismes extraparlementaires
8. Octroi de mer. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances
Mme George Pau-Langevin, ministre
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 14 rectifié bis de M. Joël Guerriau. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Joël Guerriau. – Retrait.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Joël Guerriau. – Retrait.
Amendement n° 1 de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 2 de M. Georges Patient. – Retrait.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
9. Questions cribles thématiques
M. Alain Houpert, Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire
M. Alain Bertrand, Mme Carole Delga, secrétaire d'État
M. Joël Labbé, Mme Carole Delga, secrétaire d'État
Mmes Françoise Cartron, Carole Delga, secrétaire d'État
M. Michel Le Scouarnec, Mme Carole Delga, secrétaire d'État
Mmes Anne-Catherine Loisier, Carole Delga, secrétaire d’État
M. Philippe Leroy, Mme Carole Delga, secrétaire d’État
M. Yannick Botrel, Mme Carole Delga, secrétaire d'État
M. Henri Cabanel, Mme Carole Delga, secrétaire d'État
10. Modification de l’ordre du jour
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
11. Octroi de mer. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 3 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié ter de M. Georges Patient. – Adoption.
Amendement n° 17 rectifié ter de M. Joël Guerriau. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Joël Guerriau. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Adoption.
Amendement n° 22 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 5 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles 10, 11 et 12 – Adoption.
Article 14 – Adoption.
Amendement n° 11 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 6 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 17 – Adoption.
Amendement n° 12 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 13 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 20 à 29, 29 bis (nouveau) et 30 – Adoption.
Article additionnel après l’article 30
Amendement n° 25 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 7 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 9 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 20 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 33
Amendement n° 32 de M. Paul Vergès. – Rejet.
Articles 34, 35 et 36 – Adoption.
Articles additionnels après l'article 36
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 21 rectifié de M. Georges Patient. – Rejet.
Article 36 bis (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l'article 36 bis
Amendement n° 26 rectifié de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° 23 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Amendement n° 33 de M. Paul Vergès. – Rejet.
Demande de seconde délibération sur l’article 9. – Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer ; M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. – Adoption ; la seconde délibération est ordonnée.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° A-1 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer
12. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
13. Communications du Conseil constitutionnel
14. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 87 A (suite)
Amendement n° 793 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 794 rectifié bis de Mme Élisabeth Lamure. – Rejet.
Amendement n° 795 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 1289 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1285 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1312 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 899 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 1307 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 916 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 80 de Mme Éliane Assassi. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Articles additionnels après l'article 88
Amendement n° 306 rectifié quater de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 1290 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Articles 89, 90 et 91 – Adoption.
Articles additionnels après l'article 91
Amendement n° 1 rectifié de Mme Sophie Primas. – Retrait.
Amendement n° 921 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 1329 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 922 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 923 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 1245 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1291 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1292 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 93 bis
Amendement n° 268 rectifié de Mme Nicole Duranton. – Retrait.
Amendement n° 84 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 94
Amendement n° 307 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 819 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 154 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
15. Communications du Conseil constitutionnel
16. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 85 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 94 bis A
Amendement n° 738 rectifié de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 737 rectifié de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 906 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 1268 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 148 rectifié quater de Mme Françoise Gatel. – Retrait.
Articles additionnels après l’article 94 bis
Amendement n° 136 rectifié de M. Albéric de Montgolfier. – Rejet.
Amendement n° 134 rectifié de M. Albéric de Montgolfier. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 95
Amendement n° 1505 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 147 rectifié ter de Mme Françoise Gatel. – Rejet.
Amendement n° 1294 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1295 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1296 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1297 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1298 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1300 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 96
Amendement n° 1303 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1301 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1304 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1302 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1305 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1306 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1776 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 96 bis
Amendement n° 1777 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 146 rectifié ter de Mme Françoise Gatel. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 97
Amendement n° 270 rectifié bis de Mme Nicole Duranton. – Retrait.
Article 97 bis A, 97 bis, 97 ter et 97 quater – Adoption.
Article 97 quinquies (nouveau)
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
17. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Pépin, qui fut sénateur de l’Ain de 1989 à 2008.
M. Charles Revet. C’était un bon ami !
3
Candidature à deux organismes extraparlementaires
Mme la présidente. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Daniel Chasseing.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
Je rappelle également que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au Comité des finances locales.
La commission des lois a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Christophe Béchu, comme membre titulaire, et celle de M. Alain Richard, comme membre suppléant. La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Charles Guéné, comme membre titulaire, et celle de M. Vincent Éblé, comme membre suppléant.
Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Conventions internationales
Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
arrangement concernant les services postaux de paiement
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'arrangement concernant les services postaux de paiement, adopté à Doha le 11 octobre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’arrangement concernant les services postaux de paiement (projet n° 327, texte de la commission n° 412, rapport n° 411).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
convention postale universelle
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention postale universelle (ensemble un protocole final), adoptée à Doha le 11 octobre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention postale universelle (projet n° 328, texte de la commission n° 413, rapport n° 411).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, M. Oleksiy Goncharenko, coprésident du groupe d’amitié Ukraine-France de la Rada d’Ukraine. (Mmes et MM. les sénateurs, M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes se lèvent.)
Notre collègue nous fait l’honneur de sa présence aujourd’hui à l’occasion de l’examen du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre, d’une part, l’Union européenne, la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres et, d’autre part, l’Ukraine. Cette séance revêt naturellement, pour l’Union européenne et pour l’Ukraine, une importance toute particulière.
La délégation ukrainienne est présente à l’invitation de notre président, M. Gérard Larcher, qui a rencontré M. Petro Porochenko, Président d’Ukraine, le 22 avril dernier.
À l’issue de notre débat, la délégation sera reçue par le président Larcher, puis par le groupe d’amitié France-Ukraine du Sénat.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement d’Ukraine, ainsi qu’à leur délégation, une très cordiale bienvenue et un fructueux séjour. (Applaudissements.)
6
Accord d'association Union européenne et communauté européenne de l’énergie atomique–Ukraine
Adoption d’un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part (projet n° 365, texte de la commission n° 401, rapport n° 400).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président du groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce matin pour l’examen et le vote en première lecture par la Haute Assemblée du projet de loi autorisant la ratification par la France de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Je tiens à mon tour à saluer la présence dans la tribune d’honneur du Sénat de M. Oleksiy Goncharenko, coprésident du groupe d’amitié Ukraine-France de la Rada d’Ukraine.
Dans la situation difficile que traverse l’Ukraine, l’examen de ce texte revêt une importance particulière. Et la mobilisation de votre assemblée pour vous en saisir dans des délais particulièrement brefs est un signe fort à l’égard de l’Ukraine. En franchissant aujourd’hui une première étape vers la ratification de l’accord d’association, la France va en effet adresser un message d’amitié, de soutien et de solidarité à l’Ukraine, à quelques jours du sommet qui se tiendra à Riga, les 21 et 22 mai prochains, sur le Partenariat oriental.
Le projet de loi de ratification qui vous est soumis constitue en effet la dernière phase d’un processus qui a été long et difficile, mais qui a montré le profond désir de l’Ukraine de s’ancrer dans les valeurs européennes et de s’associer dans un partenariat privilégié avec l’Union européenne.
Cet accord, selon ses propres termes, vise à établir une « association politique et une intégration économique entre l’Union européenne et l’Ukraine ». Il constituera un puissant levier de modernisation et de réforme, au service des citoyens ukrainiens et dans l’intérêt de la stabilité dans le voisinage de l’Union.
L’accord d’association permettra d’améliorer le cadre de nos relations par deux biais.
Premièrement, il le permettra par un renforcement du dialogue politique ainsi qu’une coopération accrue en matière de réformes intérieures, de politique extérieure et de sécurité et dans un large éventail de domaines d’intérêt communs. Ce dialogue sera fondé sur les valeurs et principes fondamentaux de l’Union européenne, en premier lieu le respect des valeurs démocratiques, des droits de l’homme, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et du développement durable.
Deuxièmement, il le permettra par le développement des échanges commerciaux, alors que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine – 31 % des échanges commerciaux.
L’accord permettra en effet une libéralisation quasi totale des échanges, assortie d’un calendrier de diminution des droits de douane asymétrique afin de prendre en compte les différences de développement économique entre l’Union européenne et l’Ukraine.
En contrepartie, l’accord d’association prévoit la reprise progressive et la mise en œuvre par l’Ukraine de l’acquis européen en matière de réglementations, normes et standards. C’est le cœur du dispositif : pour chaque domaine, l’accord décrit le périmètre et le calendrier de l’acquis à reprendre, véritable feuille de route pour les réformes que le gouvernement ukrainien s’est engagé à mettre en œuvre.
Sont concernées, de manière non exhaustive, les normes en matière sanitaire et phytosanitaire, en matière de droit du travail, d’égalité entre les femmes et les hommes, de propriété intellectuelle et particulièrement de protection des indications géographiques.
La ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne revêt donc un triple enjeu.
Le premier, c’est d’apporter notre soutien à la démocratie, au développement économique et social et à la stabilité d’un grand pays voisin immédiat de l’Union européenne. Je sais que vous êtes nombreux, dans cette assemblée, à partager cette préoccupation.
Je me suis moi-même rendu à Kiev, à l’occasion du premier anniversaire de « Maïdan », le 22 février dernier. J’ai alors pu mesurer les attentes des autorités et des citoyens ukrainiens pour qui l’Europe et le lien avec l’Europe sont synonymes d’État de droit, de démocratie, de lutte contre la corruption, de liberté, de solidarité, mais aussi de nouvelles perspectives sociales et économiques. Notre responsabilité est d’encourager cet élan réformateur.
Le deuxième enjeu, c’est de souligner l’engagement de la France en faveur d’une politique européenne forte et ambitieuse pour soutenir le développement et la stabilité de son voisinage oriental.
Dans un contexte marqué par la crise en Ukraine, mais également par la persistance de nombreux conflits gelés dans la région, l’Union européenne doit accompagner chacun de ses pays partenaires en adoptant une approche adaptée aux spécificités et aux besoins de chacun. Ce sera l’un des principaux enjeux du sommet de Riga.
Le troisième enjeu, c’est de consolider nos relations bilatérales qui sont aujourd’hui dans une phase d’intensité exceptionnelle sur le plan politique : le Président Porochenko a effectué une visite officielle à Paris le 22 avril dernier – vous l’avez rappelé, madame la présidente – et le Premier ministre, M. Iatseniouk, sera à Paris le 13 mai prochain.
Ce lien privilégié, c’est aussi à la mobilisation sans faille de la France pour soutenir l’Ukraine depuis le début de la crise que nous le devons. Car la France, mieux que tout autre, sait que la paix ne se décrète pas, elle se bâtit.
La situation reste aujourd’hui très fragile dans l’est de l’Ukraine et de fortes tensions persistent, notamment autour de Donetsk et de Marioupol. Toutefois, le processus de sortie de crise négocié le 12 février à Minsk avec le Président de la République François Hollande et la Chancelière Angela Merkel, en présence du Président Porochenko et du Président Poutine, est aujourd’hui la seule feuille de route pour la paix.
Cette feuille de route doit être pleinement et strictement respectée : le cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, le volet politique concernant le futur statut des régions de l’Est et les élections qui doivent s’y tenir, le respect de l’intégrité territoriale des frontières et de la souveraineté de l’Ukraine. Tel est l’intérêt de l’Ukraine et de la Russie, et il convient absolument de respecter les préconisations et les éléments de l’accord signé à Minsk au mois de février.
Les premières réunions des quatre groupes de travail techniques – ils portent sur la sécurité, les questions économiques, la politique, à savoir l’avenir des régions de l’Est en particulier, et la situation humanitaire – mis en place dans le cadre du groupe de contact trilatéral, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, qui se sont déroulées hier à Minsk, ont marqué une avancée importante de ce point de vue et ont notamment permis d’avoir un premier échange sur les modalités des futures élections qui seront organisées dans l’est de l’Ukraine. C’est d’ailleurs l’ambassadeur français Pierre Morel qui préside le groupe de travail sur le volet politique. Nous suivons donc tout cela très attentivement. Nous devons évidemment rester prudents, mais il est important que le dialogue entre toutes les parties se poursuive et que ces groupes de travail continuent à se réunir régulièrement comme ils ont prévu de le faire au cours du mois de mai.
Le Président de la République et le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius restent en contact permanent avec leurs homologues ukrainiens et russes, dans le cadre du « format Normandie », afin de garantir l’application intégrale des accords de Minsk, qui, je le répète, constituent la seule issue possible à cette crise.
L’accord d’association permettra à l’Ukraine de tirer tous les bénéfices du retour à la paix, en particulier par l’intensification des échanges économiques et des investissements.
La France elle-même et ses entreprises prendront toute leur part dans ce retour des échanges économiques. Les entreprises françaises, qui comptent parmi les principaux fournisseurs et investisseurs dans le pays, croient au potentiel de l’Ukraine. Elles profiteront de l’amélioration attendue de l’État de droit, du climat des affaires, des conditions d’investissement, qui seront facilitées, ainsi que des avancées réglementaires permises par l’accord dans de nombreux domaines, par exemple en matière de protection des indications géographiques. La France y a accordé une attention particulière au cours de la négociation.
Cet accord ne porte pas sur une perspective d’adhésion à l’Union européenne. Ce n’est pas son objet, et il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point. Il s’agit non pas d’un traité d’élargissement, mais d’un accord de voisinage, qui doit permettre d’intensifier la coopération entre l’Union européenne et l’Ukraine, et d’appuyer cette dernière pour ses réformes, son développement économique, ses choix démocratiques et son adhésion aux valeurs européennes.
J’ajoute enfin que la conclusion de cet accord d’association avec l’Union européenne n’implique en aucun cas que l’Ukraine doive renoncer à ses relations avec la Russie. Le partenariat oriental n’est dirigé contre aucun pays et ne vise pas à créer de lignes de fracture sur le continent européen ; son seul objet est la modernisation politique et économique de nos voisins, au bénéfice de tous, au service et dans le respect de la souveraineté de chacun et de la stabilité aux frontières de l’Union européenne.
Les consultations trilatérales conduites par la Commission européenne avec l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de l’accord d’association doivent d’ailleurs permettre à cet égard de rassurer la Russie sur l’impact potentiel de celui-ci pour son économie et de mettre en évidence la compatibilité entre un rapprochement économique de l’Ukraine avec l’Union européenne et le maintien de relations commerciales étroites entre l’Ukraine et la Russie.
Tels sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands objectifs de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.
En apportant votre soutien à ce texte, vous témoignerez de l’amitié profonde qui lie la France et l’Ukraine, vous soutiendrez le développement de ce pays dans le cadre d’une relation nouvelle qu’il a souhaité nouer avec l’Union européenne et contribuerez à renforcer la stabilité et la paix sur le continent, aux frontières de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Reiner, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est saisi le premier de ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, dont la signature est intervenue en deux étapes – le 21 mars 2014 pour les dispositions politiques et le 27 juin 2014 pour les autres dispositions –, à la suite de négociations entamées depuis 2007.
Cet accord vise à remplacer l’accord de partenariat et de coopération signé en 1994 entre l’Union européenne et l’Ukraine. Il s’inscrit dans le cadre du Partenariat oriental, initiative lancée en 2009 pour relancer la politique européenne de voisinage sur le flanc est de l’Europe, lequel, je le rappelle, concerne aussi la Moldavie et la Géorgie, deux pays avec lesquels des accords d’association similaires ont été passés, ainsi que l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Biélorussie, qui ne se sont pas encore engagées dans de tels accords.
L’accord d’association que nous examinons aujourd’hui est un accord ambitieux, qui comprend à la fois un volet politique, un volet commercial visant à une libéralisation quasi totale des échanges et un volet dit « de coopération », dont l’objectif est la reprise par l’Ukraine de l’acquis normatif communautaire dans un grand nombre de domaines.
Le contexte actuel en Ukraine donne évidemment une dimension particulière à l’examen de ce texte, et je salue la délégation parlementaire ukrainienne présente ici même.
On se souvient que c’est la décision du président Viktor Ianoukovytch de suspendre brutalement le processus de négociation, à une semaine de la signature de l’accord prévue au sommet de Vilnius du 28 novembre 2013, qui avait été l’élément déclencheur du soulèvement populaire de Maïdan. Néanmoins, très vite, la protestation a dépassé la question de la non-signature de l’accord et débouché sur une crise politique et internationale aux multiples implications.
Le gouvernement provisoire mis en place en février 2014 après le départ de Viktor lanoukovytch a, quant à lui, affirmé très vite son intention d’entériner l’accord, qui a été signé quelques semaines plus tard. Sa ratification par le Parlement ukrainien, la Rada, est intervenue, quant à elle, le 16 septembre 2014, symboliquement le même jour que celle du Parlement européen.
Le volet politique de cet accord particulièrement volumineux – je rappelle que l’accord comporte 486 articles et 44 annexes, le tout sur plus de 1 500 pages – prévoit le développement d’un dialogue sur les réformes intérieures et le renforcement de la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. Il s’agit, par ce dialogue, de promouvoir la paix et la sécurité internationales et de renforcer le respect par l’Ukraine des principes démocratiques, de l’État de droit, de la bonne gouvernance, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’accord de libre-échange complet et approfondi, qui constitue le noyau dur de l’accord en même temps que son deuxième volet, prévoit la libéralisation complète des échanges grâce à la suppression des droits de douane sur la quasi-totalité des lignes tarifaires et à des mesures non tarifaires visant à faciliter l’accès aux marchés, comme l’harmonisation des procédures douanières, la transparence des marchés publics, la libéralisation des services ou encore les règles visant à garantir la libre concurrence.
Enfin, le troisième volet vise à l’adoption par l’Ukraine d’une grande partie de la réglementation communautaire applicable dans vingt-sept domaines, allant de l’énergie à l’agriculture et aux transports, de la politique industrielle à la politique en faveur des PME, de l’environnement à la protection des consommateurs, au tourisme, à l’éducation ou à la culture. Ce rapprochement réglementaire et normatif doit être réalisé avec l’assistance de l’Union européenne.
Quels sont les avantages de cet accord pour chacune des parties ?
Pour l’Ukraine, il s’agit d’accélérer son rapprochement économique avec l’Union européenne, qui est d’ores et déjà son premier partenaire commercial, avec 31 % de ses échanges extérieurs. L’accord représente également un puissant levier pour moderniser son économie, en incitant à l’instauration d’un environnement favorable à la concurrence et aux investissements dans un pays où la corruption et l’économie informelle sont encore, hélas ! des réalités.
Or la situation économique de l’Ukraine est telle qu’elle a besoin de manière urgente d’une modernisation en profondeur qui lui permette de se relever et de redémarrer. À lui seul, le conflit à l’Est coûterait au pays quelque 10 millions de dollars par jour. Depuis un an, l’activité s’est effondrée, la monnaie ukrainienne a perdu plus de la moitié de sa valeur, les réserves de change ont fortement diminué et le secteur bancaire se trouve largement fragilisé.
Si l’application de l’accord est susceptible, dans un premier temps, de provoquer des ajustements difficiles, notamment pour la production industrielle et les biens de consommation courante, l’Ukraine bénéficiera, pour certains produits sensibles, d’une asymétrie transitoire, la diminution des droits de douane étant plus rapide pour les exportations ukrainiennes que pour les exportations européennes. À moyen terme, l’Ukraine espère valoriser son potentiel dans des domaines comme l’agriculture et l’agroalimentaire, l’énergie et les transports, où elle excelle.
Enfin, l’Ukraine bénéficiera sur la période 2014-2020 d’une aide financière européenne importante d’environ 4,8 milliards d’euros, sans compter les prêts que peuvent accorder la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne de reconstruction et de développement, soit un total approchant les 13 milliards d’euros sur la période.
En ce qui concerne l’Union européenne, l’accord a pour premier avantage de favoriser le développement économique et la stabilité d’un pays de son voisinage immédiat. L’Union gagne également des perspectives en matière d’investissements directs et de commerce. Enfin, l’accord permet des avancées au bénéfice des pays européens, notamment en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon et la protection des indications géographiques protégées. Ainsi, des dénominations telles que Cognac, Champagne ou encore Cahors, pour ne citer que quelques exemples intéressant particulièrement la France, ne pourront plus être utilisées pour des vins produits sur le territoire ukrainien. L’application par l’Ukraine des normes sanitaires et phytosanitaires représentera également un progrès, contribuant à l’égalisation des conditions de concurrence en même temps qu’à une sécurité sanitaire accrue pour le commerce des produits végétaux et issus de l’élevage.
Pourquoi ratifier maintenant cet accord ?
Il s’agit tout d’abord – et c’est essentiel – de permettre à la France d’être à la hauteur du rôle important qu’elle joue en faveur du règlement du conflit en Ukraine et de l’engagement personnel du Président de la République, avec la Chancelière allemande, dans le cadre des accords de Minsk. Il s’agit de faire en sorte que, dans la perspective du sommet de Riga des 21 et 22 mai prochains sur le Partenariat oriental, la France ait engagé le processus de ratification.
Il s’agit également de répondre à l’attente de l’Ukraine, qui, dans la perspective de la mise en œuvre de l’accord, a lancé des chantiers de réformes dans un certain nombre de domaines : fiscalité, secteur bancaire, lutte contre la corruption, politique énergétique, dépenses publiques. Même s’il ne faut pas sous-estimer les difficultés rencontrées, il existe une volonté réformatrice en relation avec l’accord d’association, qui mérite d’être encouragée. Il convient aussi de ne pas décevoir les aspirations de la société ukrainienne à l’égard de l’Europe.
Néanmoins, il faut souligner que cet accord, si ambitieux soit-il, ne donne pas de perspective européenne à l’Ukraine. C’est un point sensible sur lequel la position de la France, qui est aussi celle de plusieurs autres États membres, est claire et a été exprimée : nous ne sommes pas favorables à un élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine.
A contrario, cet accord n’implique pas que l’Ukraine se tourne exclusivement vers l’Union européenne et renonce aux relations économiques qu’elle peut avoir, par ailleurs, avec d’autres partenaires, au premier rang desquels figure la Russie. Il est à cet égard souhaitable que se poursuivent les discussions trilatérales entre l’Union européenne, l’Ukraine et la Russie – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État –, afin d’identifier les problèmes pratiques que l’accord d’association pourrait poser et de tenter d’y remédier, pour la plus grande satisfaction de tous.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d’adopter ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine.
M. Hervé Maurey, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer à mon tour la présence dans la tribune d’honneur du Sénat de M. Oleksiy Goncharenko, coprésident du groupe d’amitié Ukraine-France, et de lui souhaiter la bienvenue. Il sera rejoint tout à l’heure par Mme Irina Herachtchenko, présidente de la commission de l’intégration européenne de la Rada. Leur présence témoigne de l’importance qu’accorde l’Ukraine à nos travaux de ce matin, c’est-à-dire à l’autorisation de la ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne.
Pour ma part, c’est avec une réelle émotion que j’aborde ce débat. Le projet de loi qui nous est soumis est en effet bien plus qu’une simple ratification d’accord international, et ce pour deux raisons : d’une part, cet accord a provoqué des événements politiques et historiques majeurs, parfois dramatiques ; d’autre part, la signature et la ratification de cet accord témoignent d’une volonté politique forte de l’Ukraine de construire son avenir en partenariat avec l’Europe.
Les négociations, entamées en mars 2007, ont permis d’aboutir au paraphe de l’accord dès 2012, sa signature étant programmée pour le sommet du Partenariat oriental à Vilnius des 28 et 29 novembre 2013.
Président de notre groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine, j’ai, tout au long de l’année 2013, multiplié les contacts, à Paris et lors du déplacement du groupe d’amitié en septembre 2013 à Kiev, à Lviv, mais aussi à Donetsk, avec des responsables politiques ukrainiens, de la majorité et de l’opposition, ainsi qu’avec des acteurs économiques et des représentants de la société civile. Nous avons ainsi pu mesurer à quel point cet accord était souhaité par nos interlocuteurs ukrainiens.
Aussi, nous avons œuvré au Sénat en faveur de la ratification de cet accord, en tenant toutefois un discours exigeant à l’égard de l’Ukraine, sur la mise en place des réformes ambitieuses et structurelles demandée par l’Union européenne en matière de refonte de la procédure pénale et d’amélioration de l’indépendance de la justice notamment.
La suite, nous la connaissons, mes chers collègues.
La volte-face du Président Ianoukovitch, à seulement quelques jours du sommet de Vilnius, a déclenché les événements de Maïdan, dont je regrette que la France, pas plus que les autres diplomaties européennes, n’ait pris tout de suite la mesure. Il a en effet fallu attendre que les caméras du monde entier se braquent sur les sacrifiés de Maïdan pour qu’une initiative conjointe des ministres des affaires étrangères français, allemands et polonais permette d’entendre la voix de l’Europe dans le règlement de cette crise.
Sitôt installé, en février 2014, le gouvernement intérimaire a réaffirmé sa ferme volonté de parvenir à la signature de l’accord.
Cette volonté politique d’avancer dans le partenariat avec l’Union européenne et ses États membres a été largement confirmée depuis par les résultats des élections présidentielle et législatives, qui témoignent d’un choix sans équivoque des Ukrainiennes et des Ukrainiens en faveur de l’Europe et des valeurs qu’elle porte.
Je ne reviendrai par sur les différentes dispositions de cet accord – M. le rapporteur l’a fait excellemment –, lequel compte 486 articles répartis en un volet politique, un accord de libre-échange, et une reprise de l’acquis européen en matière normative et réglementaire.
Cet accord a été approuvé en même temps, ce qui est à la fois symbolique et inédit, par les parlements européen et ukrainien le 16 septembre dernier.
Mes chers collègues, le vote de la Haute Assemblée est attendu.
J’ai eu l’honneur d’assister à l’entretien du Président Porochenko et du président Larcher le 22 avril dernier. J’ai pu constater avec quelle joie le Président ukrainien a accueilli la nouvelle de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat.
Cette satisfaction, je la partage pleinement. En effet, cet accord a d’ores et déjà favorisé un certain nombre de réformes importantes, courageuses, bien que parfois encore difficiles, dans les domaines économique et fiscal, mais aussi dans le domaine politique.
Les effets du volet économique de cet accord, conjugués à ceux de l’aide financière de l’Union européenne, doivent permettre d’accompagner l’Ukraine dans une sortie de crise financière, que nous appelons de nos vœux.
Au-delà, cet accord et sa ratification, laquelle n’est pas encore achevée puisque seuls quatorze pays y ont procédé, témoignent de notre volonté de saisir la main amicale que nous tend l’Ukraine. Il convient de lui adresser, nous aussi, un message fort d’amitié et de soutien.
Cependant, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons, la ratification de cet accord, pourtant obtenu de haute lutte, ne règle pas, tant s’en faut, tous les problèmes auxquels l’Ukraine est confrontée. L’actualité nous le rappelle, hélas ! quotidiennement : de nombreux problèmes demeurent et demeureront.
Le problème le plus important est indéniablement celui de la sécurité et de la paix. Je partage totalement les propos de M. le secrétaire d’État, l’application des accords de Minsk II est la seule solution possible. Elle est malheureusement – nous le mesurons chaque jour – largement imparfaite. C’est une source d’inquiétude partagée sur ces travées.
Des violences se poursuivent à l’est de l’Ukraine, et, avec plus 6 000 morts à ce jour, ce conflit est le plus meurtrier que l’Europe ait connu depuis les années quatre-vingt-dix. Il entraîne avec lui son lot de violences contre les personnes et les biens, et de violation du droit international. À cet égard, nous ne devons pas oublier les conditions d’annexion de la Crimée.
La question du retour des prisonniers n’est pas non plus réglée à ce jour. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je veux ici une nouvelle fois vous exprimer notre inquiétude quant à leur situation. Parmi eux, j’appelle votre attention sur notre collègue Nadia Savtchenko, députée ukrainienne et membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont nous avons reçu la sœur au Sénat, voilà quelques semaines.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Hervé Maurey. Quant au volet institutionnel, sa mise en œuvre semble à ce stade suspendue à la fin des violences.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par notre vote aujourd’hui, nous n’exprimerons pas seulement notre approbation à cet accord, nous manifesterons aussi notre volonté que la France poursuive ses efforts avec la plus grande détermination afin de faire émerger une solution politique durable. Nous manifesterons notre volonté que l’Ukraine retrouve une situation pacifiée et stabilisée. Nous manifesterons notre volonté de renforcer les liens d’amitié et de solidarité entre l’Ukraine et l’Europe.
Cela nécessitera, nous le savons, un dialogue constant et constructif, mais aussi de la fermeté, avec l’ensemble des parties prenantes et bien entendu la Russie.
Soyez certain, monsieur le secrétaire d’État, que nous serons très attentifs aux initiatives qui seront prises par le Gouvernement sur ce point dans les prochains jours et les prochaines semaines.
Vous pourrez compter sur notre engagement dans le dialogue parlementaire entre nos deux pays. Notre groupe d’amitié ira d’ailleurs dans les prochaines semaines en Ukraine pour se rendre compte par lui-même de la situation dans le pays. Il poursuivra ainsi les efforts engagés par le président du Sénat, qui est très attaché au rôle de la diplomatie parlementaire, pour une coopération concrète en matière de décentralisation, cela afin d’accompagner la mise en œuvre du volet institutionnel des accords de Minsk.
Cette volonté du président du Sénat m’a conduit à me rendre à Kiev, voilà quelques semaines, afin de remettre un message de sa part au président de la Rada et lui faire part de l’engagement du Sénat dans ce domaine.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai ce projet de loi avec enthousiasme et conviction, et je vous invite à en faire autant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, comme les orateurs qui m’ont précédé, à saluer chaleureusement la présence dans notre tribune d’honneur de représentants de la Rada, venus spécialement à Paris pour suivre nos débats.
Il faut le rappeler, c’est dans un contexte géopolitique qui reste extrêmement tendu que nous débattons aujourd’hui de ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Le groupe écologiste votera évidemment en faveur de ce texte. En effet, nous croyons sincèrement que cet accord constitue une base pertinente sur laquelle nous pouvons consolider nos relations avec l’Ukraine. Nous estimons que ce serait une grave erreur que d’ignorer le choix libre d’un peuple européen de se rapprocher de valeurs si chères à l’Union européenne que sont la démocratie, l’état de droit et le respect des libertés fondamentales. Nous saluons donc ce texte, qui s’attèle à renforcer le dialogue politique et les relations commerciales avec l’Ukraine.
En ce qui concerne le volet relatif à l’accord de libre-échange complet et approfondi, les réserves que nous pourrions avoir sur certains points spécifiques ne doivent pas nous empêcher de considérer que, dans le contexte si particulier du moment, une telle intégration économique constitue globalement une réponse adaptée aux impacts provoqués par les embargos russes sur l’économie ukrainienne.
Cet accord prévoit également une coopération en matière de nucléaire civil. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que pour nous, écologistes, il ne s’agit pas là d’une source d’énergie que nous considérons comme propre ou sûre.
M. Robert del Picchia. Évidemment ! (Sourires.)
M. André Gattolin. Mais, faute de mieux, il faut reconnaître que cette disposition permettra a minima de réduire les risques, vu le caractère vieillissant du parc nucléaire ukrainien.
M. Christian Cambon. C’est plein de bon sens !
M. André Gattolin. Ce volet permettra aussi de desserrer le lien de dépendance à l’égard de la Russie en matière d’entretien des centrales nucléaires, en particulier du site de Tchernobyl.
Je relève également que la sécurisation du réseau ukrainien de transit de gaz naturel permettra à l’Union européenne de sécuriser son propre approvisionnement énergétique.
Dans cette période de transition que traverse l’Ukraine, l’Union européenne peut devenir un véritable élément stabilisateur, en accompagnant le processus de réformes. Il existe aujourd’hui, en effet, une réelle volonté politique ukrainienne de mener de grandes réformes. Certains de ces chantiers ont ainsi déjà débuté, et c’est là un signal fort encourageant. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Bien sûr, le processus de réformes encore à engager pour consolider la démocratisation du pays prendra du temps. La France comme l’Union européenne se refusent, pour l’instant, à envisager la possibilité d’une intégration pleine et entière de l’Ukraine au sein de l’Union européenne.
Néanmoins, et devant l’ampleur d’un défi qui n’est rien moins que la mise en œuvre d’un processus réel de désoviétisation – ou de « dé-post-soviétisation » – du pays, nous croyons que l’Union européenne et ses États membres ne doivent pas avoir peur de voir plus loin, d’aller plus loin, en ouvrant le plus rapidement possible le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. C’est la seule mesure à même d’assurer un cadre et un calendrier appropriés aux indispensables réformes que nous attendons.
Enfin – et cela dépasse naturellement le strict cadre du présent projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association –, l’Union européenne et ses États membres doivent à très court terme relever un autre type de défi : celui qui consiste à contrer les campagnes de désinformation massives actuellement menées par la Russie.
L’Union européenne est d’ailleurs très préoccupée par cette manipulation de l’information. Federica Mogherini, Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne, élabore en ce moment, et en prévision du prochain Conseil européen de juin, un important plan d’action sur la communication stratégique à avoir.
À l’échelle des citoyens, je veux profiter de mon intervention pour saluer la belle et très sérieuse initiative de plateforme collaborative des étudiants de l’école de journalisme de Mohyla à Kiev, qui s’attèle depuis plus d’un an, au jour le jour, à déconstruire et contrer la désinformation russe.
L’usage intensif des outils numériques et des réseaux sociaux par le Kremlin pour diffuser sa propagande dans les médias crée en effet un véritable désordre. Je partage pleinement l’avis du rapporteur, M. Daniel Reiner, quand il affirme qu’il faut absolument démentir ce qui est infondé et met de l’huile sur le feu.
Ainsi, il est faux d’affirmer que la ratification de cet accord avec l’Union européenne ait pour conséquence d’empêcher tout autre partenariat commercial de l’Ukraine, par exemple avec la Russie ou encore l’Union eurasiatique.
Il est également faux d’affirmer que l’Union européenne négocie sans tenir compte de la position russe, alors que celle-ci a accepté en particulier de reporter au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur du volet commercial de l’accord.
Des consultations trilatérales sont ainsi organisées pour identifier les problèmes posés à la Russie. De ce point de vue, la nouvelle demande des autorités russes de reporter au 1er janvier 2017 l’entrée en vigueur de l’accord semble surtout démontrer que les autorités russes rencontrent quelques difficultés à identifier leurs propres problèmes.
Pour conclure et pour resituer une dernière fois l’importance de l’enjeu ukrainien pour l’Europe, je me référerai à l’étymologie même du mot « Ukraine », qui, en ukrainien comme en russe, signifie « région située à la frontière ». Cela ne peut en aucun cas constituer un alibi pour estimer que l’Ukraine serait condamnée à rester entre deux mondes, ce qui serait une manière commode de nier la vassalisation de fait qu’implique cette perspective.
Au cours des dix-huit derniers mois, les Ukrainiens ont démontré la force et la détermination de leur choix en faveur de la démocratie, de l’État de droit et de la participation au projet européen. Leur combat est un magnifique combat, et je crois sincèrement qu’il doit être aussi le nôtre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés à nous prononcer sur la ratification d’un accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine signé par le gouvernement ukrainien les 21 mars et 27 juin 2014, puis ratifié par la Rada le 16 septembre 2014.
Je rappelle ces dates et ces faits, parce qu’il faut connaître le processus de l’accord pour en comprendre la portée et les enjeux. Le refus par un gouvernement pro-russe de le signer a été à l’origine de la guerre civile et de la quasi-partition du pays en 2013. Aujourd’hui encore, c’est au cœur de l’actualité politique de la région.
La ratification de cet accord interviendrait donc dans le contexte très sensible du conflit de haute intensité qui se déroule depuis un an dans l’est de l’Ukraine, au moment où les récents accords dits de « Minsk II », dont notre pays est l’un des garants, s’efforcent avec difficulté de mettre en œuvre des solutions politiques pour y mettre fin.
Nous sommes donc particulièrement concernés. Nos actes auront inévitablement des répercussions sur l’évolution de la situation dans la région.
Il faut aussi avoir à l’esprit que, en arrière-plan du premier sommet entre l’Union européenne et l’Ukraine, qui s’est tenu à Kiev le 27 avril, figurait la mise en œuvre de cet accord d’association, vital pour le maintien au pouvoir du gouvernement ukrainien.
Force est de constater que les représentants européens se sont montrés particulièrement prudents. Ils ont demandé des résultats effectifs sur les réformes promises par l’exécutif ukrainien.
Malgré cela, la seule véritable annonce du sommet a été la réaffirmation que l’accord d’association entrerait bien en vigueur le 1er janvier 2016, son application concrète dépendant des consultations trilatérales avec la Russie.
C’est cette prudence de l’Union européenne qui explique la prise en compte assez large, pendant le sommet, des préoccupations des Russes en termes aussi bien d’approvisionnements gaziers que d’application du processus de paix dans le Donbass.
Cela explique également que l’appel du Président ukrainien au déploiement d’une force européenne de maintien de la paix n’ait pas été suivi d’effets.
En revanche, l’Union européenne a exigé des Ukrainiens des engagements substantiels en faveur des accords de Minsk, et ce malgré les violations du cessez-le-feu qui s’intensifient dans le Donbass.
Dans un tel contexte, où le gouvernement ukrainien joue manifestement un rôle ambigu, est-il opportun de ratifier si rapidement cet accord ? La procédure accélérée a été engagée sur ce projet de loi, ce qui est assez inhabituel pour les accords internationaux de ce type. Nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette ratification par le Parlement français contribuera, ou non, à trouver une solution politique à la crise actuelle.
De plus, le contenu même de l’accord d’association avec l’Ukraine nous paraît critiquable. Il entre, nous le savons, dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne, dite de politique de voisinage. Or cette stratégie, au lieu de mettre en place chez nos voisins des politiques de coopération sur une base d’égalité et de réciprocité, vise en réalité à étendre la zone d’influence de l’Union européenne par le biais d’une libéralisation économique, afin d’instaurer une économie de marché dans les pays concernés.
En Ukraine, cette politique, en démantelant progressivement la structure étatique de l’économie et en favorisant la mise en coupe réglée des principaux secteurs stratégiques de l’industrie par des oligarques qui se sont partagé le pouvoir, a pris en otage la population, lui faisant subir des réformes ultralibérales dévastatrices !
Les Russes, de leur côté, ont perçu cette stratégie, qui vise de fait à instaurer un rapport de force, comme une menace directe contre les pays membres de l’Union eurasiatique.
N’entrons donc pas dans ce jeu, où l’Ukraine tient le rôle de tête de pont de l’économie libérale !
Notre pays gagnerait à ne pas s’inscrire dans une telle stratégie, qui veut isoler la Russie, sur fond de sanctions économiques et de surenchères militaires auxquelles la Pologne et les États-Unis poussent en permanence.
À la suite du sommet de Kiev, Angela Merkel, François Hollande, Petro Porochenko et Vladimir Poutine ont affirmé ensemble que l’apaisement sur le terrain était la « priorité absolue. » Nous y souscrivons pleinement.
Or les événements récents nous ont montré que le rapprochement économico-institutionnel avec l’Union européenne n’était pas toujours le meilleur moyen de stabiliser la situation dans cette région.
Compte tenu de ces considérations et des tensions actuelles entre le gouvernement ukrainien, les éléments pro-russes de l’est de l’Ukraine et la Russie, la ratification de l’accord par notre pays nous semble prématurée. Nous ne pensons pas qu’elle apparaîtra comme un signe d’apaisement et qu’elle contribuera à aider un processus de paix.
Telles sont les raisons pour lesquelles la majorité du groupe CRC a décidé de voter aujourd’hui contre le présent projet de loi de ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je salue les membres de la délégation ukrainienne.
L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine s’inscrit dans le cadre du Partenariat oriental, lancé pour donner une dynamique nouvelle à la politique de voisinage avec les pays de l’Est, plus particulièrement avec six d’entre eux : la Moldavie, la Biélorussie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Conçue pour favoriser la stabilité, la sécurité et la prospérité dans l’environnement immédiat de l’Union européenne, cette politique est bien évidemment souhaitable.
Nous avons clairement intérêt à développer un dialogue politique conduisant toutes ces républiques à mener les réformes indispensables en matière économique et institutionnelle ; je pense notamment à l’approfondissement de la démocratie. Les accords d’association vont en ce sens. Mais ce n’est pas exclusif. Il y a aussi des plans d’action et un outil financier, l’Instrument européen de voisinage, qui ont déjà produit des effets dans certaines des six républiques concernées.
Par ailleurs, des États membres de l’Union européenne entretiennent depuis plusieurs années des relations bilatérales avec ces pays. Ainsi, en Ukraine, les Alliances françaises sont très actives. La coopération décentralisée est également à l’œuvre, avec une quarantaine de jumelages entre villes françaises et ukrainiennes.
Pour autant, il reste encore beaucoup à faire pour que ces pays amis se hissent au niveau de nos standards européens, malgré les difficultés que nous connaissons.
Les membres du groupe du RDSE sont donc évidemment favorables au principe qui consiste à accompagner l’Ukraine dans son développement et son élan réformateur. Il faut encourager le développement économique de ce pays, qui dispose d’atouts et d’un formidable potentiel ; disant cela, je pense par exemple aux ressources minérales ou à l’agriculture. L’Ukraine offre à l’évidence des perspectives d’investissements et de commerce importantes pour ses voisins. Mais le climat des affaires devrait être plus serein pour que cela puisse se concrétiser.
Il faut le reconnaître, l’accord d’association comporte un certain nombre d’avancées en son titre III, qui concerne des points très importants : la justice, la liberté et la sécurité.
L’urgence paraît être à la consolidation des institutions judiciaires et de sécurité. L’Ukraine figure malheureusement en queue de peloton dans le classement sur la corruption de l’organisation Transparency international.
La Rada a adopté une stratégie anti-corruption pour 2014-2017, et les services de sécurité ont été largement réformés. Mais l’assassinat d’un député et d’un journaliste au mois d’avril dernier témoigne tragiquement des difficultés actuelles du pays, difficultés accentuées par la crise politique depuis 2013.
Ainsi que notre collègue rapporteur l’a indiqué, l’accord avec l’Ukraine intervient dans un contexte très sensible. Le conflit a fait plus de 6 000 morts. De nombreuses personnes ont été déplacées. Certes, les accords de Minsk des 11 et 12 février ont permis de contenir la situation, mais celle-ci reste instable, fragile, difficile.
Dans ces conditions, nous pouvons légitimement nous interroger sur la stratégie du Gouvernement visant à engager rapidement la procédure de ratification de l’accord d’association avec l’Ukraine en vue du prochain sommet de Riga.
Comme vous le savez, nous pouvons tous ici souscrire aux objectifs de l’accord. Mais personne n’ignore le fond du sujet : sa portée politique à l’égard de la Russie, qui s’inquiète de la concurrence exercée par l’Union européenne au détriment de l’Union économique eurasiatique et d’une potentielle avancée de l’OTAN vers l’Est. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans l’esprit de nos amis russes, et il convient de le prendre en considération.
Notre diplomatie doit aussi se soucier de l’équilibre à trouver entre l’Europe, qui regarde légitimement vers l’Est, et la Russie, qui souhaite tout aussi légitimement conserver une aire d’influence, conformément à son histoire et à son poids sur la scène internationale. Il faut donc faire preuve de lucidité et d’honnêteté : des deux côtés, chacun peut avancer ses intérêts au regard de son passé et de son influence.
L’Ukraine constitue évidemment un point névralgique, pour les raisons géostratégiques, géopolitiques et historiques que nous connaissons tous. La Russie souhaite en faire une zone neutre, une zone tampon.
D’ailleurs, l’Ukraine est elle-même tiraillée entre Bruxelles et Moscou depuis 1991. La révolution de la place Maïdan en a été l’illustration. Si le pouvoir actuel est pro-occidental aujourd’hui, qu’en sera-t-il demain ? Les liens historiques et culturels entre l’Ukraine et la Russie sont très forts !
Ainsi, le président ukrainien Leonid Koutchma déclarait que personne en Occident n’attendait l’Ukraine en 1996 et demandait l’intégration européenne en 1999.
Viktor Ianoukovitch a développé le même syndrome du louvoiement, en suspendant les discussions sur l’accord d’association avec l’Union européenne, contre la promesse de Vladimir Poutine d’une aide économique importante.
C’est donc une situation d’équilibre. Il importe d’avoir un dialogue franc et clair à l’égard de tous les acteurs, y compris l’Ukraine, tant le poids de chacun est important.
À l’égard des républiques du Partenariat oriental, il faut rappeler – cela a été fait par M. le rapporteur – que les accords d’association ne constituent en rien un tremplin vers une adhésion future à l’Union européenne. À l’égard de la Russie, il sera opportun d’éviter les provocations telles que les entraînements militaires de l’OTAN à proximité des frontières russes.
Enfin, l’Union européenne doit définir collectivement une stratégie diplomatique efficace, durable et sûre dans sa relation avec la Russie, afin d’éviter de bâtir des murs d’incompréhension qui obscurciraient l’avenir des peuples.
Dans la mesure où les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui et où le moment n’est pas le mieux choisi, les membres du RDSE ont décidé de s’abstenir sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je salue à mon tour les représentants de la Rada présents dans la tribune d’honneur du Sénat.
M. le rapporteur a parfaitement analysé l’ensemble des éléments de l’accord que nous étudions aujourd’hui, et je n’y reviendrai pas. Je centrerai mon propos sur le contexte dans lequel la France va signer cet accord.
L’accord a déjà eu une conséquence majeure : la très grave crise internationale déclenchée par la Russie, avec la volte-face de Viktor Ianoukovitch, la révolution du Maïdan, la fuite du président ukrainien, l’annexion de la Crimée, l’invasion déguisée de l’est de l’Ukraine par les troupes russes, les sanctions occidentales, la crise économique en Russie, tout cela en quelques mois !
Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les responsabilités ? Que faut-il faire aujourd’hui ?
Pour commencer, cet accord menace-t-il qui que ce soit ? Est-il élaboré contre qui que ce soit ? Comporte-t-il des clauses hostiles à qui que ce soit ? La réponse à toutes ces questions est évidemment « non ».
Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette convention n’est que la poursuite de celle de 1994, qui n’avait déclenché aucune réaction de la Russie. En gage de bonne volonté, nous avons même tendu la main, en créant des commissions tripartites incluant la Russie, pour examiner les points qui pourraient lui poser problème. Que fait la Russie ? Elle s’abstient soigneusement de répondre aux questions et fait traîner au maximum les discussions. Elle a déjà obtenu le report à 2016 de la mise en place de l’accord. Pendant ce temps, elle continue de saigner l’Ukraine, mois après mois.
Pour son malheur, l’Ukraine a fait partie pendant soixante-dix ans de l’Union soviétique. Elle est aujourd’hui touchée par les soubresauts de la décomposition de cet empire et menacée, comme la Géorgie, l’Azerbaïdjan, la Moldavie avant elle et peut-être demain les pays baltes, par la politique agressive de Vladimir Poutine, pour qui la chute de l’URSS est « la plus grande catastrophe du XXe siècle ».
Nous savons, nous, que la catastrophe ne fut pas la mort, mais la naissance de l’URSS. La Russie aura donc, hélas, manqué par trois fois l’occasion de partager la réussite de l’Europe : au XIXe siècle à cause de l’autocratie tsariste, au XXe siècle en raison de la dictature communiste et au XXIe siècle du fait d’un nouveau nationalisme impérialiste et revanchard condamné à l’échec.
Ce qui est étonnant, c’est que le Président russe passe encore souvent pour un stratège. Pendant des années, dans l’affaire syrienne, dans l’affaire iranienne, dans l’affaire géorgienne, on nous a rebattu les oreilles du génie de Poutine, de sa stratégie toujours gagnante contre une Europe impuissante et une Amérique démotivée. Ce prétendu génie n’était dû qu’au traditionnel retard des démocraties à réagir et à leur aversion aux conflits. Mais l’avantage des démocraties, c’est que, lorsqu’elles prennent conscience du danger, la puissance de leurs institutions et de leur économie entraîne des réponses qui font mal. Alors que nous sommes, avec les sanctions, au bas de l’échelle des réactions possibles, le tigre de papier russe s’est effondré en quelques mois : récession de 5 % en 2015, fuite des capitaux massive, baisse de 30 % des réserves de change, chute du rouble de 40 %, taux de crédit à 17 %.
Devant des démocraties qui ne tremblent plus, devant des alliés comme le Kazakhstan et la Biélorussie qui renâclent, car ils ont compris qu’ils risquaient d’être les prochaines victimes, la seule porte de sortie qu’a trouvée le génial Poutine est de se jeter dans les bras de la Chine, dix fois plus peuplée et trois fois plus riche, où Xi Jinping l’a accueilli à bras ouverts et s’est empressé de lui acheter à prix bradé tout le pétrole et le gaz disponible. Génial stratège, et pauvre Russie !
Mon deuxième sujet d’étonnement est que cette politique puisse trouver des soutiens chez nous. N’importe quel observateur objectif ne peut qu’être choqué par l’invraisemblable litanie des violations du droit international et du droit tout court opérées depuis quelques années par la Russie : intervention en Géorgie, soutien aux sécessions de l’Ossétie, de l’Abkhazie, du Nagorno-Karabakh, de la Transnistrie, annexion de la Crimée, invasion quasi ouverte de l’est de l’Ukraine, pressions sur la Moldavie et les pays baltes, violation des espaces aériens norvégiens, finlandais et portugais, envoi de sous-marins dans les eaux territoriales suédoises, menaces contre des navires danois, affirmation publique par Poutine qu’il a envisagé l’utilisation d’armes nucléaires tactiques, augmentation de 30 % du budget militaire, propagande anti-occidentale massive, chasse aux ONG, destruction du Boeing de la Malaysia Airlines, emprisonnement de Navalny et de bien d’autres, exil forcé pour Khodorkovski, Kasparov et tant d’autres, assassinat d’Anna Politkovskaïa, de Litvinenko, de Markelov, d’Anastasia Babourova, de Sergueï Magnitski, de Boris Beresovski, de Boris Nemtsov, plus récemment. Et la liste n’est pas exhaustive !
Pourtant, certains continuent de nier l’évidence. Les plus ardents soutiens de l’autocrate ne surprennent pas. Les extrémistes de droite et de gauche ont un flair infaillible pour renifler les dictateurs et leur faire la courte échelle. De Le Pen à Mélenchon, de Orban à Tsipras, qui gouverne à Athènes avec l’extrême droite et qui recueille les applaudissements du Front national français, c’est à qui gagnera le concours de courbettes. Alors que les troupes russes sont en Crimée et dans le Donbass, ils nous disent que les responsables de la situation sont les Américains. Les autres responsables à leurs yeux sont les dirigeants européens, cette Europe qu’ils haïssent et qu’ils veulent abattre ; cette Europe dont la politique de voisinage propose exactement ce que Poutine, tout comme eux, ne peut supporter : la démocratie, le respect de la loi et des droits de l’homme, le développement économique et la solidarité entre les États membres.
Ce qui est navrant, en revanche, c’est le soutien incompréhensible de personnalités appartenant à des formations démocratiques, les petits groupes de parlementaires invités au Kremlin ou chaque semaine à l’ambassade de Russie à Paris, les libres opinions dans les journaux expliquant que la Crimée est russe, comme l’est de l’Ukraine, qu’il faut se dissocier des Américains qui sont des va-t-en-guerre, les pétitions que nous avons tous reçues visant à faire revenir le Président français sur sa décision de ne pas participer le 9 mai prochain aux cérémonies de Moscou. Toutes ces actions derrière lesquelles la patte de l’ours russe n’est que trop visible me choquent profondément.
Les arguments utilisés sont la transcription au mot près de la propagande russe, qui nous explique que « les Ukrainiens sont des fascistes, la nation ukrainienne n’existe pas, l’Ukraine fait partie de la sphère d’influence de la Russie, la Crimée a choisi volontairement son annexion par la Russie, la Russie a été humiliée pendant des années depuis la chute du mur de Berlin et il faut la comprendre ». Je remarque au passage que personne ne semble s’émouvoir de l’humiliation durant des décennies, ô combien plus grave, des Polonais, des Tchèques, des Hongrois et de toutes les autres victimes de l’occupation soviétique, à commencer par les Ukrainiens.
Les thuriféraires de Poutine ne se donnent même pas l’élégance d’habiller, au moins en façade, la propagande russe. Un exemple : ils ne parlent pas de russophones en Ukraine, mais de « Russes ethniques ». Personne n’a réagi à cette expression nouvelle, qui fait désormais florès, et qui est une transcription directe des chargés de propagande de Moscou. Des Russes ethniques, mais qu’est-ce que c’est ? Imaginez les réactions si un homme politique français utilisait l’expression de « Français ethniques ». Il y a donc une ethnie russe, il y aurait donc une ethnie française, ou anglaise, ou allemande ? Renan doit se retourner dans sa tombe. Et pourtant, cela ne semble gêner personne ! Je n’arrive pas à comprendre comment on peut oublier aussi rapidement les leçons de l’histoire. En 1938, les nazis expliquaient que la nation autrichienne n’existait pas, comme Poutine explique aujourd’hui que la nation ukrainienne est une fiction. Les nazis disaient vouloir défendre les minorités allemandes dans les Sudètes comme Poutine prétend vouloir défendre les « Russes ethniques » en dehors de la Russie.
Pour toutes ces raisons, je pense qu’il convient de soutenir l’action diplomatique menée aujourd’hui par la France et par ses partenaires européens. Les sanctions sont une décision délicate ; elles ont un coût pour nous-mêmes. Pourtant, il fallait les décider, et il faut s’y tenir sans écouter les sirènes qui nous disent qu’elles n’ont aucun effet alors qu’à l’évidence leur effet est majeur. L’arrêt désormais assumé de la vente des Mistral est un acte courageux, qu’il faut soutenir. Le fait que nous n’ayons jamais autant engrangé de contrats d’armement est d’ailleurs le meilleur démenti aux porte-voix de Poutine qui martelaient l’argument selon lequel notre crédibilité commerciale était en jeu et que nous allions perdre tous les marchés militaires.
L’Ukraine est devenue un piège pour Poutine. Ses propres erreurs lui ont déjà infligé trois défaites. La première, qu’il n’avait pas prévue, fut la chute de Ianoukovitch et le printemps de Maïdan. La deuxième défaite fut que l’Ukraine soit très largement unie et capable de se battre, ce qu’il n’avait pas prévu non plus. Et la troisième défaite, encore moins prévue tellement est grand son mépris pour les Européens, fut que l’Europe soit capable de réagir.
Il faut donc aider l’Ukraine, et l’aider bien au-delà de l’accord que nous examinons aujourd’hui ! Il faut aider l’Ukraine diplomatiquement. Cela suppose d’abord, et c’est difficile, que l’Europe reste unie, et unie avec les États-Unis. Il faut tenir sur la ligne adoptée jusqu’ici : fermeté et dialogue. Il faut continuer la politique qui consiste à maintenir les sanctions tant que les accords de Minsk ne sont pas totalement mis en œuvre, et nous savons qu’un point dans ces accords est un véritable trou noir : l’impossibilité de contrôler la frontière russo-ukrainienne par où passent chaque jour – c’est un secret de Polichinelle – de nouveaux soldats et de nouvelles armes russes en prévision d’éventuels combats, à Marioupol par exemple. La France et l’Allemagne, donc l’Europe, doivent tenir bon sur le respect des accords de Minsk.
Il faut aider l’Ukraine financièrement, et je me félicite que le Fonds monétaire international ait décidé d’augmenter son aide pour compenser le retard des paiements de la dette, pour payer les achats de gaz et pour renforcer les réserves de change de la banque centrale.
Il faut examiner les propositions de transformation des obligations en euros par des obligations à plus long terme garanties par les États-Unis et l’Europe ou encore la participation à la réorganisation indispensable de l’entreprise publique Naftogaz, qui constitue un véritable trou dans le budget de l’État.
Il faut inciter la Banque mondiale à appuyer les projets de développement que l’Ukraine ne peut réussir seule.
Enfin, il faut aider l’Ukraine en ratifiant l’accord de partenariat que nous examinons aujourd’hui ; c’est l’un des signaux qu’attendent les Ukrainiens pour être assurés que, dans l’épreuve terrible qu’ils traversent, l’Europe ne les oublie pas. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP du Sénat votera en faveur de cet accord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les membres de la délégation ukrainienne, mes chers collègues, après avoir défendu l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie, nous voici réunis pour parler d’association avec l’Ukraine. Demain, je l’espère, ce sera avec la Géorgie.
Mes chers collègues, je crois qu’il est grand temps que nous nous posions les questions suivantes : l’Europe mène-t-elle une politique de coopération régionale avec ces ex-républiques soviétiques suffisamment ambitieuse ? Comment faire du Partenariat oriental, sinon un outil véritablement efficace, du moins une réalité pour tous ?
L’acte I de la politique européenne de coopération régionale avec ces pays, dite « politique européenne de voisinage », créée en 2003, à l’approche de l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale, avait pour objectif de renforcer la stabilité, la sécurité aux nouvelles frontières de l’Union européenne. La Commission européenne appelait en 2006 à son renforcement, premièrement par une offre économique enrichie – intégration économique et perspective d’accords de libre-échange, facilitation des visas – et, deuxièmement, par un engagement accru dans les conflits régionaux.
Dès août 2008, le second point est activé par le conflit en Géorgie, ce qui donne une impulsion significative à la politique de voisinage. Le Conseil européen extraordinaire réuni dans la foulée le 1er septembre 2008 affirme sa décision de renforcer l’engagement de l’Union européenne dans ses confins orientaux : « L’Union européenne considère qu’il est plus nécessaire que jamais de renforcer les relations qu’elle entretient avec ses voisins orientaux, notamment à travers sa politique de voisinage, le développement de la “synergie mer Noire” et un “partenariat oriental” », que le Conseil a adopté en mars 2009.
L’acte II de cette politique de coopération apparaît comme une tentative sans précédent pour l’Union européenne d’accompagner et de guider le processus de réforme des pays situés à la périphérie orientale de l’Union.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Peut-on encore croire aux promesses du Partenariat oriental ? Pour ma part, j’en suis convaincue. Toutefois, il faut de toute urgence que l’Europe prenne conscience, eu égard au difficile contexte géopolitique présent, que la modernisation de ce partenariat est désormais une question de survie pour ces ex-républiques soviétiques que nous devons plus que jamais épauler, car elles ont besoin que l’Europe les aide à s’assumer dans le respect de toutes les puissances en présence, tout particulièrement de la Russie. En ce sens, le Président François Hollande a tracé la voie avec les accords de Minsk II, qui doivent nous inciter à regarder les choses diplomatiquement et pragmatiquement : les équilibres sont fragiles, mais ce n’est pas parce qu’ils sont fragiles que nous devons désespérer. L’Europe doit conforter son poids politique ; la présence d’Angela Merkel à ses côtés étant à mon sens de bon augure. Ces accords doivent impérativement être respectés par les deux parties, la Russie et l’Ukraine.
À ce jour, la situation n’est pas simple. Le long parcours emprunté par l’accord qui nous est soumis en témoigne largement, et les années écoulées pèsent lourdement dans le processus. En effet, force est de constater qu’au fil du temps l’offre de partenariat de l’Union n’a pas eu la même portée pour tous les pays partenaires et, de fait, a pu créer des frustrations, notamment par rapport à l’Ukraine, pays pionnier qui a fait figure de modèle pour les relations bilatérales que l’Union européenne proposait dans le cadre du Partenariat oriental.
Mais, en la matière, toutes les pierres sont loin d’être dans le jardin de l’Europe. Les liens entre l’Union européenne et l’Ukraine étaient déjà altérés depuis plusieurs mois par le cours politique suivi par l’Ukraine elle-même et par le contexte régional « mouvant ». N’oublions pas que, dès 2011, l’Ukraine a été fortement incitée par la Russie à rejoindre l’Union eurasiatique avec la Biélorussie et le Kazakhstan et surtout sa fameuse union douanière, incompatible avec la zone de libre-échange approfondi négociée avec l’Union européenne.
Posons-nous également cette question importante : à défaut d’avancées significatives pour l’Ukraine, le Partenariat oriental a-t-il eu des incidences en matière de coopération régionale entre partenaires de l’ex-URSS ? Les progrès bilatéraux de chacun les ont-ils rapprochés entre eux, créant ainsi un référentiel européen commun ? Parce que si la réponse est positive, cela pourrait contribuer à une stabilité régionale, ce qui est un objectif central de la politique de voisinage de l’Union.
Rappelons enfin que le Partenariat oriental est financé par l’instrument européen de voisinage, et je me réjouis que l’accord que nous examinons aujourd’hui propose une aide financière importante à l’Ukraine : jusqu’à 12,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020.
Mes chers collègues, le Partenariat oriental doit être reconsidéré. À l'évidence, il n'est pas équipé pour répondre à un scénario aussi grave que celui qui se passe en Ukraine depuis plusieurs mois. Où sont les instruments concrets qui auraient permis à l'Union européenne d'aider ses partenaires à faire face aux pressions tel le blocage des flux de marchandise ? Ces défauts expliquent peut-être pourquoi seuls trois États sur les six participent effectivement à l’initiative. Leur nombre serait tombé à deux si les citoyens ukrainiens ne s’étaient pas mobilisés pour manifester leur volonté de rapprochement avec l’Union européenne.
Oui, l’Ukraine se bat pour l’Europe ! Le soulèvement populaire de Maïdan l’illustre parfaitement, tout comme la signature de cet accord d’association par le gouvernement provisoire quelques mois à peine après le départ de Viktor Ianoukovitch – accord ratifié le 16 septembre 2014. Cela prouve la pugnacité de ce pays.
Pour les Européens que nous sommes, les accords d’association semblent n’être qu’une simple impulsion, une sorte de routine, mais, pour la jeunesse ukrainienne, c’est un puissant symbole, un signe d’espérance et d’espoir. Pour Raphaël Glucksmann, conseiller de l’ancien président géorgien Mikheil Saakachvili, « ces documents incarnent l’Europe, la possibilité ou l’impossibilité d’un avenir ». C’est pourquoi le sommet de Vilnius de novembre 2013 apparaît de plus en plus comme ayant été le préambule à l’acte III de la politique de coopération régionale de l’Union européenne avec ces pays.
Dans la perspective du futur sommet de Riga des 21 et 22 mai prochain, cet excellent accord, qui a été parfaitement détaillé par le rapporteur Daniel Reiner, constitue une réelle chance pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour la France. Sa ratification s’impose comme une évidence salutaire. Je le voterai avec force, et l’ensemble du groupe socialiste en fera de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Hervé Maurey. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je salue moi aussi la présence amicale, dans nos tribunes, de nos collègues du Parlement ukrainien.
La question qui se pose à nous n’est pas simple : faut-il ou non ratifier l’accord d’association de l’Union européenne avec l’Ukraine ? Cette question légitime se pose, alors même que ce pays connaît encore aujourd’hui une situation très instable dans la partie orientale de son territoire. Le conflit est à l’origine de mesures et de sanctions de l’Europe à l’égard de son grand voisin russe, qui y répond par d’autres sanctions. Cette spirale funeste doit être arrêtée.
Certes, c’est d’abord l’annexion de la Crimée qui est à l’origine de ces sanctions, mais cela fait déjà plusieurs années que nous savons que la politique européenne dite du « Partenariat oriental » va dans le mur. D’abord, elle coûte cher. Nous avons dépensé des milliards d’euros dans la politique de coopération sans vraiment savoir à qui étaient destinés les fonds. Ensuite et surtout, elle repose sur une vision manichéenne et technocratique ; cette vision a placé les anciens pays du bloc soviétique dans une position trop difficile : choisir entre l’Union européenne ou l’Union eurasiatique proposée par la Russie, sachant que choisir l’un implique de rejeter l’autre. Quelle maladresse dans une zone où les identités, produits d’une histoire tourmentée, peuvent être multiples !
Deux langues sont communément employées en Ukraine : l’ukrainien et le russe. Si l’ouest est naturellement tourné vers l’Europe, la majorité des échanges de l’est du pays ont continué de se faire avec la Russie, même après l’indépendance de l’Ukraine, les populations des régions frontalières étant intimement liées. C’est pourquoi il faut que le Partenariat oriental évolue. Il doit mieux prendre en compte la position d’un partenaire aussi important que la Russie. Ne soyons pas candides, rien de durable ne pourra se construire dans cette région sans relations normalisées avec les Russes. Cela n’implique pas un renoncement aux valeurs et principes de l’Europe ; bien au contraire, il s’agit de les assumer et de les affirmer dans un dialogue franc et constructif. Mais une concurrence sans vision stratégique ne peut rien donner d’heureux, si ce n’est créer de l’instabilité aux frontières orientales de l’Union et radicaliser les populations. On ne peut que déplorer aujourd’hui les effets tragiques de cette voie sans issue.
Concrètement, il s’agira de réfléchir, dans les mois qui viennent, à une articulation entre l’Union eurasiatique et les accords de libre-échange que conclut l’Union européenne avec l’Ukraine, mais aussi la Moldavie et la Géorgie. Nous savons combien, dans ces trois pays, l’appétence pour l’Union européenne est grande. Par ailleurs, la question des relations avec la Russie y demeure très sensible. Mais ne nous trompons pas de moment ! Le Partenariat oriental fera l’objet d’un sommet européen à Riga. C’est la première fois que la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker se penchera sur le sujet. Il faut espérer qu’elle le fera avec davantage de vision et de diplomatie que la Commission précédente. Vous pouvez compter sur la commission des affaires européennes du Sénat et sur Jean Bizet, son président, pour y porter toute l’attention nécessaire.
Si, aujourd’hui, l’accord d’association avec l’Ukraine est issu d’une politique dont nous constatons et dénonçons les limites, prenons garde de ne pas nous tromper non plus de sujet. C’est bien sur sa ratification que nous devons nous prononcer, et non sur les orientations de la politique européenne de voisinage.
Je ne reviens pas sur le contenu de l’accord, il a été très bien analysé par notre collègue rapporteur Daniel Reiner. Je veux simplement que nous mesurions la mobilisation et la somme de travail technique, normatif et législatif que sa préparation a impliquées. Je voudrais également que l’on mesure à quel point cet accord est susceptible d’inscrire durablement la démocratie et l’économie de marché en Ukraine. Je souhaite néanmoins que cette économie de marché ne soit pas accaparée par quelques oligarques de l’ancien système,…
M. Alain Néri. Très bien !
M. Pascal Allizard. … reconvertis dans les affaires, comme cela a pu se passer dans d’autre pays. L’Europe devra y veiller attentivement pour que les Ukrainiens ne soient pas dépossédés des fruits du développement économique.
Il reste, certes, de nombreux problèmes à régler. La première urgence, c’est la crise au Donbass. Le cessez-le-feu ne semble pas respecté, et une solution doit être trouvée pour éviter que de nouvelles victimes ne trouvent la mort, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Mais l’Est n’est pas le seul à souffrir, car c’est toute l’économie ukrainienne qui est en panne : le PIB a diminué de plus de 6 % l’an dernier, la monnaie a perdu la moitié de sa valeur face au dollar et le pays a connu une inflation de 25 %. Les aides financières au pays, pourtant nombreuses et significatives, ne lui ont pas permis jusque-là de surmonter ces difficultés que seul un retour à la stabilité et à la paix permettra. Ne nous cachons pas la réalité, après avoir accompli dans la douleur leur « révolution », les Ukrainiens vivent mal, et la vie quotidienne reste précaire.
L’accord d’association est ambitieux. Sa mise en œuvre sera longue et complexe. Cependant, sa ratification et son entrée en vigueur, envisagée à compter du 1er janvier 2016, seront un signal fort de la volonté de trouver une solution stable et pérenne aux maux qui frappent l’Ukraine depuis trop longtemps. Au-delà, le règlement de la situation dans l’est du pays pourrait passer aussi par une décentralisation réussie. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a proposé l’aide de la Haute Assemblée, qui connaît bien ce sujet ; l’initiative mérite d’être soulignée et soutenue. C’est la proposition que nous faisons à nos amis ukrainiens.
Dans un monde multipolaire, la ratification de l’accord d’association doit être la première étape d’une relation approfondie avec l’Ukraine et d’une relation renouvelée avec la Russie. L’Ukraine a rappelé à tous son attachement à la liberté et à la famille européenne. Quant à la Russie, il est dans son intérêt, comme dans celui des Européens, que nous nous entendions. C’est pourquoi je voterai la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec une très grande émotion que je prends la parole aujourd'hui, car je pense à ce qu’a vécu l’Ukraine depuis l’été 2013.
Lorsque le Président Ianoukovitch a finalement refusé de signer l’accord d’association, la population s’est mobilisée pour protester, malgré les pressions russes qui commençaient à peser sur l’économie du pays. Cette mobilisation populaire s’explique par l’évolution qu’a connue la société ukrainienne en vingt ans : elle ne supportait plus le système kleptocratique et elle voyait en l’Europe une garantie de l’État de droit.
Après le départ du Président Ianoukovitch, le pays a dû faire face, d’une part, à la plus grande violation du droit international en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – l’annexion de la Crimée – et, d’autre part, à une déstabilisation majeure. La France et l’Allemagne se sont engagées aux côtés de l’Ukraine pour donner toute leur force aux accords de Minsk et prévoir une feuille de route qui mette fin à cette déstabilisation et permette à l’Ukraine de s’engager, dès la fin du conflit, sur la voie de la construction d’un État de droit. Aujourd'hui, la feuille de route issue de Minsk semble très difficile à respecter. En raison de la situation de guerre dans le pays, les promesses de Maïdan semblent bien loin.
L’État de droit est un but pour la population ukrainienne. Il faut les aider à l’atteindre – je pense en particulier aux parlementaires, élus à la fin du mois d’octobre 2014, qui veulent réformer leur pays. Or la situation de guerre empêche de faire ces réformes. La situation sociale est explosive, l’économie est totalement bloquée, l’oligarchie est toujours très présente et, en raison du conflit, les forces armées occupent une place très importante dans la société. Par ailleurs, il ne faut pas se le cacher, il y a des enjeux en termes de liberté d’expression.
J’ai néanmoins la conviction que l’accord que nous allons ratifier permettra d’aider l’Ukraine à relever ces défis pour construire l’État de droit que sa population a exigé au cours des manifestations de 2013 et 2014. Grâce à cet accord, le dialogue politique, la coopération judiciaire, la libéralisation des visas – j’appelle les gouvernements européens à faire en sorte qu’elle puisse être mise en œuvre le plus rapidement possible, car si l’on accueille les Ukrainiens dans la famille européenne, si l’on ratifie le traité d’association, la liberté de circulation doit être effective –, la zone de libre-échange, le rapprochement des législations et la reprise d’un certain nombre d’acquis communautaires seront des outils qui permettront à l’Ukraine de se réformer et d’assurer la stabilité du pays.
Cet accord s’inscrit dans l’esprit de 1989, de la chute du mur de Berlin, des combats menés durant toute leur vie politique par Charles de Gaulle, Willy Brandt ou François Mitterrand pour sortir l’Europe du joug de Yalta, du joug totalitaire et faire en sorte que les peuples décident de leur avenir. Cet accord marquera l’entrée de l’Ukraine dans la famille européenne et un système de valeurs partagées.
Il est important de dire que cet accord n’est pas dirigé contre la Russie. Je pense notamment à certains aspects, comme les accords commerciaux, le dialogue politique et la question des visas. Les nombreuses perspectives que nous offrons aujourd'hui à l’Ukraine pourraient l’être aussi à la Russie. L’histoire nous a montré que, lorsque la France et la Russie sont opposées, c'est l’ensemble de l’Europe qui est malade. Cette conviction historique ne doit pas nous empêcher de nous manifester quand la Russie commet l’inacceptable. À ce moment-là, nous devons montrer notre solidarité au pays qui en est victime.
À l’avant-veille des célébrations du 9 mai, n’oublions pas que c'est à Stalingrad que le totalitarisme nazi a marqué le pas. Je le redis, notre désir que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne et partage ses valeurs n’est pas dirigé contre la Russie.
En hommage à nos collègues de la délégation ukrainienne présente dans les tribunes, je voudrais clore mon propos par quelques mots dans leur langue : Українo, ми знаємо, як ваші люди хочуть жити у вільній країні, у вільній Європі. Сьогодні ми говоримо, що ваша свобода є наша свобода. Ми говоримо, що ваше майбутнє це наше майбутнє.
Mme Nathalie Goulet. Très chic !
M. Jean-Yves Leconte. Je vous les traduis, mes chers collègues : Ukraine, nous savons combien vos citoyens ont combattu et veulent vivre dans un pays libre, dans une Europe libre. Nous vous disons aujourd'hui que votre liberté est notre liberté, que votre avenir est notre avenir.
M. Jean-Yves Leconte. Сьогодні народ Франції висловлює свою солідарність з українським народом.
Le peuple français envoie au peuple ukrainien sa solidarité.
Ми єдині у захисті європейських цінностей.
Nous sommes ensemble pour la défense des valeurs européennes.
M. André Reichardt. C’est beau !
M. Daniel Reiner, rapporteur. Bluffant !
M. Jean-Yves Leconte. Voilà pourquoi je voterai avec conviction le projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier tous les orateurs de la qualité de leur contribution à ce débat sur un texte très important. Vous l’avez tous souligné, ratifier cet accord d’association, c’est dire – en français, car je ne m’en sens pas capable en ukrainien (Sourires.) – les mots « amitié », « solidarité », « démocratie », « paix », « stabilité » et envoyer un message fort aux citoyens ukrainiens. Ce peuple a montré – récemment avec le Maïdan, mais en réalité depuis bien longtemps – qu’il veut s’associer fortement avec l’Union européenne et partager ses valeurs, qu’il n’entend céder à aucune intimidation et qu’il est courageusement engagé dans un mouvement de réforme.
Nous pouvons l’accompagner en soutenant la démocratisation, la stabilisation et la modernisation de ce pays et de son économie. Bien entendu, comme plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, nous devons être très attentifs au fait que cette étape de rapprochement entre l’Union européenne et l’Ukraine ne doit en aucun cas être interprétée comme un acte d’hostilité à l’égard de qui que ce soit, notamment de la Russie.
Vous y avez également tous insisté, un ensemble d’actions doivent être mises en œuvre de façon concomitante.
Premièrement, nous devons veiller au respect et à la mise en œuvre des accords de Minsk.
Deuxièmement, nous devons faire preuve de solidarité macroéconomique et financière. L’Ukraine a en effet été durement éprouvée par ce conflit, qui a entraîné l’interruption des relations économiques normales avec la Russie, des suspensions sporadiques de livraison de gaz et, de manière générale, la déstabilisation profonde, non seulement des régions où se déroulaient les conflits, mais aussi de l’économie ukrainienne dans son ensemble. Je rappelle d’ailleurs qu’une nouvelle aide de 1,8 milliard d’euros lui a été accordée par l’Union européenne le 31 mars.
Troisièmement, nous devons faciliter les échanges entre acteurs économiques et au sein de la société civile grâce à la libération des visas ; nous attendons à ce sujet un rapport imminent de la Commission européenne
L’accord d’association concerne à la fois les échanges économiques, culturels et, bien sûr, politiques. Adopter le projet de loi autorisant sa ratification, c’est envoyer un message d’espoir, d’amitié et de solidarité à l’Ukraine. Je remercie donc l’ensemble des orateurs, qui, dans leur immense majorité, ont exprimé leur volonté de franchir cette étape et de faire en sorte que la Haute Assemblée, saisie la première de ce projet de loi, initie le processus de ratification de cet accord par la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’union européenne et la communauté européenne de l’énergie atomique et leurs états membres, d’une part, et l’ukraine, d’autre part
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (ensemble quarante-quatre annexes et trois protocoles), signé à Bruxelles les 21 mars et 27 juin 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour faire partie de la commission Ukraine au sein de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je sais l’importance de ce pays pour la sécurité de l’Europe. Personne n’a oublié le nuage de Tchernobyl...
Je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points, mes chers collègues.
M. le secrétaire d'État vient d’indiquer qu’une aide de 1,8 milliard d’euros a été récemment versée à l’Ukraine. Je rentre de ce pays, où j’ai rencontré le président de la commission des droits de l’homme, M. Rabinovitch, qui a longuement insisté sur le problème de la corruption. Il est donc indispensable de veiller au bon usage de ces fonds. Notre ancien collègue Jean Arthuis, aujourd’hui député européen, rentre lui aussi d’Ukraine, car le Parlement européen est lui aussi inquiet de la façon dont ces fonds seront dépensés.
Il faut également parler des droits de l’opposition. Il existe bien une Constitution, mais celle-ci n’est pas respectée : l’opposition parlementaire n’a qu’une seule commission au lieu d’en avoir six. En outre, le fait que le gouvernement compte des membres qui ne sont pas de nationalité ukrainienne contribue à rendre plus complexe l’appréciation de la situation politique.
L’Ukraine est définitivement l’alliée de l’Europe, ce qui ne doit pas poser de problème avec la Russie, beaucoup de nos collègues l’ont largement souligné. Que ce soit clair : nous ne demandons pas à l’Ukraine de choisir entre l’Europe et la Russie. Reste que, en soutenant le gouvernement ukrainien, l’Europe a une responsabilité : elle doit s’assurer que la démocratie et la Constitution sont respectées et surtout que les fonds qu’elle a versés sont bien utilisés. Il ne peut y avoir d’aide efficace sans ce contrôle rigoureux ; cela doit constituer un corollaire essentiel. Je compte donc sur vous, monsieur le secrétaire d'État, et sur le Parlement européen pour y veiller.
Enfin, je veux rendre hommage à Hervé Maurey et au président Larcher, qui ont fait preuve d’une forte implication dans la diplomatie parlementaire. Je me réjouis que celle-ci fonctionne si bien et que le Sénat suive le projet de décentralisation en Ukraine. À cet égard, nous avons la chance que notre collègue Hervé Maurey ait une double casquette : président du groupe d’amitié France-Ukraine et président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Je voterai évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Je voudrais à mon tour saluer les membres de la délégation ukrainienne. La situation de leur pays ne laisse personne indifférent et tout ce qui peut aider à sa stabilité, au retour de la paix et de la démocratie doit être encouragé. Malheureusement, même si l’esprit de Maïdan a soufflé – j’ai eu la chance de me trouver personnellement place de l’Indépendance à Kiev en décembre 2013 –, même si un espoir s’est levé, on constate que les difficultés perdurent.
Dans cette affaire très délicate, sachons raison garder : nous devons être à la fois prudents et fermes. N’oublions pas que la France est fortement impliquée dans le retour de la stabilité en Ukraine. C’est notre diplomatie et celle de l’Allemagne qui ont réuni autour d’une même table la Russie et l’Ukraine, conduisant ainsi aux accords de Minsk II. L’accord de cessez-le-feu éprouve peut-être quelque difficulté à être respecté, mais il a le mérite d’exister. En tant que vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE – qui est un intervenant majeur dans la crise ukrainienne –, je me réjouis d’ailleurs que les délégations française et allemande aient réussi à réunir au « format Normandie », il y a quelques jours, les 28 et 29 mars, les délégations ukrainienne et russe. Nous devons compter parmi ceux qui apportent leur force de persuasion pour trouver une solution de paix et de démocratie en Ukraine. Or cela passe aussi par la stabilité économique.
L’accord de partenariat que le présent projet de loi autorise à ratifier représente un élément de progrès. Évidemment, cet accord ne doit en aucun cas être interprété comme une perspective donnée à l’Ukraine d’adhérer à l’Union européenne ou à l’OTAN. Il précise d’ailleurs clairement qu’il n’est pas incompatible avec une participation à l’Union eurasiatique qui prend forme autour de la Russie. C’est une façon de rappeler notre solidarité au peuple ukrainien dans son combat pour le respect des droits de l’homme et de montrer notre volonté de défendre le principe de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Nous devons poursuivre nos efforts pour permettre aux Ukrainiens et aux Russes de retrouver le chemin des négociations dans l’esprit des accords de Minsk II, en gardant en tête les succès de notre diplomatie dans ce domaine. Notre diplomatie parlementaire doit œuvrer dans le même sens.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Alain Néri. Mon collègue Allizard – avec qui je siège à l’OSCE, et que je salue – et moi-même continuerons de travailler dans cet état d’esprit. Nous sommes en particulier investis dans l’initiative « Helsinki +40 » visant à moderniser l’acte final d’Helsinki, qui date de quarante ans, afin d’instaurer des relations normales dans toute l’Europe, pour le progrès, la paix et la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part.
(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe UMP, de l’UDI-UC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
7
Nomination de membres de deux organismes extraparlementaires
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Daniel Chasseing membre du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.
Je rappelle également que la commission des finances et la commission des lois ont proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Christophe Béchu et Charles Guené membres titulaires du Comité des finances locales et MM. Alain Richard et Vincent Eblé membres suppléants de ce même organisme extraparlementaire.
8
Octroi de mer
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer (projet n° 366, texte de la commission n° 408, rapport n° 407).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi modifiant la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, que j’ai l’honneur de présenter à votre assemblée, est, je le sais, particulièrement attendu dans nos régions d’outre-mer.
Il est attendu, parce que l’octroi de mer est une source essentielle du financement des collectivités, à hauteur de plus de 1 milliard d’euros par an, soit 40 % en moyenne des ressources des collectivités.
Il est attendu, parce qu’il constitue un mécanisme de soutien et d’accompagnement efficace de nos productions locales, en favorisant des stratégies de développement économique cohérentes. Il est donc un outil indispensable du développement de nos économies, encore trop dépendantes des importations.
Il est attendu, enfin, parce que son examen par le Parlement, après de longues négociations avec les instances européennes, est la dernière étape avant l’entrée en vigueur du nouveau régime, qui doit intervenir impérativement au 1er juillet prochain.
Le régime de l’octroi de mer, impôt extrêmement ancien, dont on trouve des prémices dès le XVIIe siècle, a beaucoup évolué, notamment sous l’influence du droit européen. Ce dispositif est, aujourd’hui, à la fois mature et complexe.
Il est mature, parce qu’il bénéficie de l’expérience de décennies de mise en œuvre et a été largement conforté par la décision récente du Conseil de l’Union européenne, rendue en décembre 2014.
Il est complexe, parce que son régime s’articule autour de différents dispositifs : différentiels de taxation, exonérations, déductions, permettant d’offrir une palette adaptée de soutiens à nos filières productives.
Les enjeux de ce dispositif sont considérables : les handicaps structurels dont souffrent nos économies éloignées, les surcoûts engendrés mécaniquement par cet éloignement et les spécificités de ces territoires, marqués par un faible nombre de productions locales et l’étroitesse de leurs marchés, dans des bassins régionaux au surplus extrêmement concurrentiels, exigent la mise en œuvre de dispositifs adaptés à ces caractéristiques. Dans ces conditions, le soutien à l’émergence, puis au développement de productions locales est un enjeu majeur.
Faut-il rappeler que ces territoires affichent une balance commerciale, hors services, structurellement déficitaire – de 1,2 milliard d’euros pour la Guyane à 4,4 milliards d’euros pour La Réunion –, un taux de couverture des importations par les exportations encore trop faible, variant, selon les territoires, de 1 % à 18 %, et une trop faible part des productions locales dans le PIB, de 11,6 % à 14 % selon les DOM ?
La mise en œuvre d’un outil ad hoc demeure, dans ces conditions, pleinement justifiée. Cet outil, que constitue l’octroi de mer, ne permet pas à lui seul de corriger toutes les imperfections des marchés des DOM – loin de là –, mais il permet, a minima, d’en atténuer les faiblesses et, surtout, d’accompagner efficacement les filières productives, ressorts de croissance, de richesse et d’emplois.
L’évaluation du dispositif par un cabinet indépendant, conduite à la faveur du renouvellement de ce dispositif, a permis de souligner plusieurs éléments importants. L’aide effectivement procurée par l’octroi de mer aux entreprises de production est évaluée à une fourchette allant de 170 à 250 millions d’euros annuels sur la période 2005-2007. L’impact du différentiel de taxation a contribué au maintien, voire au développement de certaines activités de production dans les DOM depuis une dizaine d’années. Les effectifs salariés dans l’industrie y ont augmenté de 15 % entre 2000 et 2008. En données consolidées, le poids du différentiel d’octroi de mer sur le PIB varie entre 0,22 % et 1,55 % suivant les DOM.
Toutefois, si les parts de marché de la production locale ont tendance à augmenter depuis 2005, les importations de produits équivalents n’ont pas pour autant diminué sur la même période. Les produits bénéficiant du différentiel de taxation demeurent donc particulièrement exposés à la concurrence.
Dans ces conditions, l’étude conclut que le régime d’octroi de mer ne compense pas tous les handicaps supportés par les productions locales.
Par ailleurs, l’analyse des comptes de résultat des entreprises montre que les principales filières bénéficiant du différentiel de taxation répartissent le surcroît de valeur ajoutée qu’elles en retirent de façon équilibrée entre les salaires, les investissements et les profits, ce qui est plutôt sain. Dans ces conditions, je crois pouvoir affirmer que le dispositif ne contribue pas à la création d’une distorsion de marché et d’une situation de rente. C’est pourquoi la Commission européenne en a validé le principe.
Ce régime reste donc, en toute hypothèse, un outil essentiel de l’accompagnement de la production dans les DOM, face à des handicaps qui ont, par nature, vocation à perdurer, parce qu’ils sont structurels. J’observe que cette appréciation est partagée par les députés Mathieu Hanotin et Jean Jacques Vlody, auteurs d’un rapport d’information sur l’octroi de mer, établi en janvier 2013. Vos collègues députés ont estimé que quatre raisons principales justifiaient la reconduction de l’économie générale du dispositif : sa faible incidence sur les prix, notamment grâce à des possibilités d’exonérations, partielles ou totales, sur les produits de grande consommation ; l’aide réelle en faveur des entreprises, évaluée entre 170 et 250 millions d’euros pour les quatre DOM historiques ; son adaptation aux handicaps des régions ultrapériphériques, les RUP, et l’adoption de solutions très comparables à l’étranger, notamment en Espagne ; l’absence de dispositif alternatif présentant le même rendement pour les finances des collectivités et le même effet sur le soutien aux filières productives.
Fort de ces constats, le Gouvernement, en lien avec les exécutifs régionaux et les représentants des socio-professionnels, a souhaité reconduire le régime de l’octroi de mer. Ce processus de reconduction a été engagé à l’hiver 2012 par mon prédécesseur, Victorin Lurel, et s’est matérialisé par des échanges approfondis avec les parlementaires et les exécutifs des collectivités, pour arrêter les termes de notre demande de reconduction à la Commission européenne.
Pour les raisons déjà évoquées, notamment le poids de l’octroi de mer dans les ressources des collectivités, il semblait évident que la position des autorités françaises devait, au préalable, faire l’objet d’une large consultation. Nous avons donc ouvert de nombreux chantiers : sur le seuil d’assujettissement, sur le traitement des plus petites entreprises, sur l’extension du dispositif aux services, sur l’évolution des relations entre le marché unique antillais et la Guyane... Cette concertation très en amont a permis un débat nourri et de qualité, lequel a aussi mis en évidence des positions divergentes, mais a renforcé la position des autorités françaises dans leurs négociations avec la Commission européenne, grâce au consensus qui s’est dégagé sur le principe de reconduction du régime.
Contrairement à ce que l’on nous avait prédit et à ce que chacun redoutait depuis des années, la Commission, à l’issue d’une instruction très précise, a largement conforté le bien-fondé de ce dispositif et son adaptation aux économies des outre-mer, en légitimant le principe de l’octroi de mer, c’est-à-dire une différence d’imposition entre les produits locaux et les productions importées, sur le fondement de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, compte tenu des handicaps spécifiques qui frappent les économies ultramarines, en justifiant la finalité de l’octroi de mer comme instrument de stratégie de développement économique et social des départements d’outre-mer, en démontrant l’absence de surcompensation du régime, par une analyse exhaustive, menée position douanière par position douanière, et, enfin, en augmentant sensiblement le nombre de productions bénéficiant d’un différentiel de taxation, témoignant ainsi de l’intérêt du dispositif pour renforcer le dynamisme de nos filières productives.
Les échanges avec la Commission européenne ont permis de préserver les grands équilibres du texte existant, en autorisant des différentiels de taxation jusqu’en 2020, mais aussi d’introduire des améliorations. Parmi celles-ci, je retiens notamment l’abaissement du seuil d’assujettissement de 550 000 à 300 000 euros de chiffre d’affaires et, conséquemment, la mise hors champ de l’octroi de mer des entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 300 000 euros.
Cette disposition a été initialement critiquée par certains, mais elle s’apprécie au regard de certains faits établis : d’une part, le faible nombre d’entreprises concernées – quelques dizaines par territoire – et l’absence d’obligations déclaratives nouvelles pour les nouveaux redevables dont le chiffre d’affaires est situé entre 300 000 et 550 000 euros qui étaient déjà assujettis sous l’empire du précédent dispositif ; d’autre part, l’intérêt d’une simplification majeure pour la très grande majorité de notre tissu entrepreneurial, constitué de très petites entreprises, qui ne sera pas assujettie à la taxe de l’octroi de mer, ce qui représente une avancée majeure, que chacun doit mesurer.
Je sais que certains parlementaires souhaitent revenir sur cette évolution, mais cela me semble extrêmement difficile, compte tenu de la décision prise par Bruxelles.
Le projet de loi clarifie et modernise la mise en œuvre de l’octroi de mer. En complément de l’abaissement du seuil d’assujettissement, plusieurs dispositions doivent être soulignées.
Tout d’abord, conformément à l’article 72-2 de la Constitution et à la demande expresse du Conseil d’État, le texte encadre les taux que le conseil régional de Guadeloupe, celui de La Réunion, l'assemblée de Guyane, l'assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte sont autorisés à fixer.
Ensuite, le projet de loi étend le champ des opérations pouvant être exonérées par ces mêmes collectivités, ces opérations concernent dorénavant non seulement les entreprises, mais aussi les établissements de santé, de recherche, d’enseignement ainsi que les organismes caritatifs ou philanthropiques.
Enfin, les possibilités de déduction sont élargies : elles permettent à un nouvel assujetti de déduire l’octroi de mer qui a grevé les biens d’investissement qu’il a acquis.
Ce texte est équilibré, car il me semble répondre aux attentes de nos économies. À cet égard, je tiens à saluer la qualité du travail accompli en commission des finances, qui a permis d’améliorer et, plus particulièrement, de préciser certaines rédactions, sans remettre en cause l’équilibre du texte. La qualité de nos échanges avec M. le rapporteur y a également contribué.
Par ailleurs, j’ai souhaité, en responsabilité, lever autant que possible les incertitudes qui auraient pu affecter la sérénité de notre débat sur ce texte et masquer les enjeux globaux du dispositif. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité faciliter l’émergence d’un consensus sur la révision des relations entre le marché unique antillais et la Guyane, qui faisait, semble-t-il, l’objet de quelques difficultés.
Le travail de longue haleine des services du ministère comme la réunion dont nous avons pris l’initiative il y a quelques jours pour lever les derniers questionnements ont permis d'aboutir à un accord, que je salue. D’une part, cet accord prévoit la création d’une commission interrégionale chargée de suivre et d’évaluer les échanges de biens entre la Guyane et le marché unique antillais. D’autre part, il fixe une liste de produits bénéficiant d’une exception. L’ensemble des acteurs considèrent que cet accord est équilibré et profitable pour tous. Celui-ci est retranscrit dans les amendements qui vous seront présentés aujourd'hui par le Gouvernement, comme je m’y étais engagée. Je souhaite que votre assemblée puisse les adopter tels quels.
Le travail se poursuivra à la faveur de la préparation du décret qui viendra préciser la composition et les missions de la commission interrégionale.
Je crois que l’on peut aujourd’hui se féliciter du caractère globalement consensuel du texte, pour ce qui concerne ses dispositions principales. Il reste, bien entendu, de la marge pour le débat parlementaire, dans le cadre, toutefois, que nous trace la décision du Conseil de l’Union européenne de décembre 2014.
Je dois aussi rappeler que nous devons impérativement respecter le délai du 30 juin prochain pour l’adoption du projet de loi, sauf à mettre en péril la sécurité juridique de notre régime et, par suite, les ressources des collectivités territoriales. Cette échéance a imposé l’examen de ce texte en procédure accélérée. Il importe de le garder en mémoire à l’occasion du travail que nous engageons ici. Les parlementaires pourront en déduire que notre liberté est quelque peu bridée…
Parallèlement, je veille à obtenir, dans le même délai, une autorisation européenne pour l’aide d’État que constitue le différentiel de taxation. Cette autorisation fait l’objet d’une procédure en plusieurs étapes. Notre demande est en cours d’instruction, et la décision de la Commission doit intervenir également d’ici à la fin du mois de juin, pour nous permettre de disposer de l’intégralité de l’encadrement juridique, communautaire comme national.
En conclusion, il me semble que le texte qui vous est soumis répond aux attentes à la fois de nos collectivités, en termes de niveau de ressources, et des acteurs socio-économiques, pour l’accompagnement adapté des filières productives.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour le travail que nous avons réalisé ensemble. Je pense que nous allons pouvoir le conclure aujourd'hui dans de bonnes conditions – par l’adoption du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Madame la ministre, nous n’avons pas de divergence avec les points qui viennent d’être évoqués. Par conséquent, mes propos seront relativement redondants avec les vôtres, mais je tiens néanmoins à souligner quelques éléments.
Plus de dix ans après la dernière réforme de l’octroi de mer, le Sénat a été une nouvelle fois appelé à se prononcer sur un texte visant à modifier le régime de cette imposition très ancienne, son principe remontant au « droit des poids » mis en place au XVIIe siècle sur les importations de Martinique. Si cet impôt est, dans une large mesure, méconnu dans l’Hexagone, il revêt pourtant un caractère essentiel, voire vital, pour les départements d’outre-mer, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, l’octroi de mer constitue une recette fiscale de près de 1 milliard d’euros par an, au bénéfice principal des communes de ces départements. En 2012, il représentait ainsi entre 38 %, à La Réunion, et 48 %, en Martinique, des recettes fiscales communales. Chacun peut donc en mesurer le poids.
Ensuite, l’octroi de mer contribue au développement d’une production locale, en venant compenser une partie du déficit de compétitivité résultant des handicaps structurels dont souffrent les départements d’outre-mer, parmi lesquels l’éloignement, l’étroitesse des marchés locaux ou encore la dépendance vis-à-vis de la métropole.
En 2012, une étude réalisée par le cabinet de conseil Louis Lengrand et associés – vous avez évoqué l’étude, madame la ministre, mais sans citer le cabinet - a mis en avant l’importance de ce dispositif pour de nombreuses entreprises ultramarines. Comme vous l’avez souligné, cette étude estimait l’aide procurée par ce biais à un montant compris entre 170 et 250 millions d’euros par an.
Jusqu’en 1992, l’octroi de mer s’est apparenté à un droit de douane, ne frappant que les importations. Dans sa version initiale, ce dispositif était donc contraire aux principes de libre circulation et de non-discrimination prévus par les traités européens. Aussi le régime de l’octroi de mer a-t-il fait l’objet d’un strict encadrement communautaire, mis en œuvre par des décisions successives du Conseil datant de 1989 et de 2004.
Le dispositif actuellement en vigueur est issu de la décision du Conseil du 10 février 2004, transposée en droit interne par la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.
Au terme d’un processus de plus d’un an et demi, le Conseil, dans une décision du 17 décembre 2014, a autorisé la France à maintenir un dispositif d’octroi de mer jusqu’au 31 décembre 2020, sous réserve de diverses modifications devant être mises en œuvre à compter du 1er juillet 2015. Je peux vous assurer, mes chers collègues, que le groupe de travail institué au sein du Sénat a beaucoup travaillé au cours de ces dix-huit mois. Nous avons également eu quelques inquiétudes quant à l’avenir de l’octroi de mer. Nous pouvons donc nous féliciter de l’issue de cette affaire, qui fait l’objet de notre discussion de ce jour.
Le présent projet de loi, dont le Sénat est saisi après engagement de la procédure accélérée, vise effectivement à transposer en droit interne la décision du Conseil du 17 décembre 2014, tout en prévoyant différentes mesures tendant à moderniser le dispositif de l’octroi de mer. La principale mesure, issue directement de la décision du Conseil de décembre dernier, réside dans la fixation d’un seuil d’assujettissement à l’octroi de mer de 300 000 euros.
Jusqu’à présent, l’ensemble des entreprises de production ultramarines, indépendamment de leur taille, étaient assujetties à l’octroi de mer. Toutefois, celles dont le chiffre d’affaires était inférieur à 550 000 euros étaient exonérées de plein droit. Cette situation posait deux difficultés : d’une part, les déclarations d’existence remplies par les petites entreprises étaient, soit inexistantes, soit lacunaires ; d’autre part, cette obligation se traduisait, lorsqu’elle était respectée, par une charge administrative contraignante pour des entreprises dont les effectifs ne dépassent généralement pas un ou deux salariés.
Le Gouvernement a donc demandé la fixation d’un seuil d’assujettissement à 300 000 euros. Désormais, les entreprises n’atteignant pas ce nouveau seuil seront situées « hors champ » et ne seront donc plus soumises à l’obligation de transmettre une déclaration d’existence auprès des services de la douane. En contrepartie, l’ensemble des entreprises assujetties devront s’acquitter de la taxe.
S’il n’est pas question de revenir sur ces dispositions, qui, comme cela a été souligné, sont désormais fixées par le droit communautaire, je rappelle néanmoins que ce choix a été critiqué par la très grande majorité des conseils régionaux, ainsi que par les organismes socio-professionnels. En effet, il se traduira pour les entreprises concernées par des obligations déclaratives plus contraignantes et, donc, par un coût supplémentaire estimé, pour l’ensemble d’entre elles, à près de 800 000 euros la première année.
En résumé, auparavant l’entreprise payait l’octroi de mer au-dessus de 550 000 euros de chiffre d’affaires et était tenue de déclarer si elle n’atteignait pas ce seuil ; désormais, l’entreprise paie si son chiffre d’affaires dépasse 300 000 euros, mais n’a plus à déclarer s’il est inférieur à cette limite. Les critiques exprimées portent donc sur la charge supplémentaire imposée aux entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 300 000 et 550 000 euros, qui, par le passé, étaient juste tenues de déclarer. Observons toutefois qu’elles n’effectuaient pas forcément leur déclaration. Donc, il vaut tout de même mieux fixer une règle plus claire et qui sera respectée.
Ce texte contient en outre différentes mesures nationales destinées à actualiser et à améliorer le dispositif issu de la loi de 2004. Globalement, celles-ci semblent favorables aux entreprises et aux économies des départements d’outre-mer.
Au cours de sa réunion du 15 avril 2015, la commission des finances a adopté vingt-trois amendements visant à progresser dans la rédaction du projet de loi, à corriger certains oublis et à mettre en place ou améliorer certains dispositifs. Vous l’avez relevé dans votre propos, madame la ministre.
La commission a tout d’abord modifié l’article 7 afin de prévoir l’encadrement par décret du champ des secteurs économiques dont les importations pourront être exonérées d’octroi de mer. Cette précision doit permettre d’éviter un éventuel contournement des dispositions de cet article, dans la mesure où la seule notion de « secteur économique » aurait pu donner lieu à des interprétations excessivement larges.
En outre, la commission a prévu, à l’article 9, l’élargissement du champ des secteurs d’activité dont les carburants pourront être exonérés. Afin de diminuer le risque de fraude, elle a néanmoins précisé que seuls les carburants ayant fait l’objet d’une adjonction de produits colorants et d’agents traceurs pourront bénéficier de cette exonération.
Considérant que les plafonds de taux d’octroi de mer fixés à l’article 20 du projet de loi étaient inférieurs à ceux qui étaient constatés dans certains départements d’outre-mer, en particulier à Mayotte, la commission a procédé à leur augmentation à hauteur de 10 points afin de préserver les recettes des collectivités locales.
Enfin, elle a créé un article 36 bis nouveau, selon lequel le Gouvernement remettra au Parlement le rapport de mi-parcours, dont la transmission à la Commission européenne est prévue par la décision du Conseil du 17 décembre dernier. Il s’agit, je le précise, non pas de demander l’établissement d’un nouveau rapport, mais simplement d’envisager la communication automatique du rapport déjà prévu au Parlement.
Sur proposition de notre collègue Georges Patient, la commission des finances a précisé que ce rapport devra comporter une évaluation de l’abaissement du seuil de taxation – de 550 000 euros à 300 000 euros de chiffre d’affaires - prévu par le projet de loi.
Si, de manière globale, on peut se féliciter du maintien d’un outil indispensable pour les collectivités et les entreprises des départements d’outre-mer, un point demeurait toutefois en suspens concernant les relations entre le marché unique antillais et la Guyane. J’emploie le terme « suspens », mais j’aurais pu parler de « suspense », car l’affaire n’a abouti que le 28 avril dernier…
Depuis 2004, les échanges entre la Guadeloupe et la Martinique, d’une part, qui forment un marché unique antillais, et la Guyane, d’autre part, sont soumis à un dispositif dérogatoire en matière d’octroi de mer. Le principe s’appliquant à ces échanges est celui d’une taxation sur le lieu de production, et non sur le lieu de livraison, comme cela est normalement le cas. Cette disposition serait sans incidence si le degré de maturité de ces deux marchés était comparable. Or force est de constater que ce n’est pas le cas. Cette situation était par conséquent extrêmement favorable aux importations et a rendu plus difficile l’émergence d’un tissu productif guyanais.
Au cours des auditions que j’ai pu mener, ce sujet s’est révélé constituer une difficulté majeure, à l’origine de tensions croissantes entre ces départements. Aussi je me félicite qu’un accord ait pu être trouvé le 28 avril dernier, prévoyant l’application du droit commun à huit produits, en particulier le rhum, et réglant ainsi le principal point de crispation entre les différentes parties.
Les cinq amendements déposés en ce sens par le Gouvernement, sur lesquels la commission des finances a émis un avis favorable, me semblent protéger les intérêts des entreprises guyanaises, comme antillaises.
Mes chers collègues, l’économie générale du projet de loi apparaît donc satisfaisante. Ce texte apporte des améliorations significatives et des réponses bienvenues, s’agissant notamment de la question des échanges entre la Guyane et le marché unique antillais. C’est pourquoi, au bénéfice des observations que je viens de formuler, je vous propose d’adopter le texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, pour l’essentiel, traduit en droit interne la décision prise par le Conseil de l’Union européenne au mois de décembre dernier. De ce point de vue, c’est-à-dire s’agissant de tout ce qui vient impacter directement la production locale par rapport à l’importation similaire à travers l’autorisation d’une taxation différentielle, il ne peut être véritablement amendé.
Néanmoins, un constat s’impose : au fil des décisions prises sur l’octroi de mer par l’Union européenne depuis 1989, l’encadrement du dispositif, qui tire sa légitimité du statut de l’ultrapériphérie reconnu par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, se resserre quelque peu. Ainsi sa durée - autrefois dix ans – a-t-elle été limitée, avec la fixation d’une échéance au 31 décembre 2020, afin de ne pas anticiper sur la révision des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale prévue à cette date.
Ce dispositif de l’octroi de mer représente une aide comprise entre 169 et 251 millions d’euros pour les outre-mer. À ce titre, c’est la première aide en faveur des entreprises ultramarines, devant les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale.
La réduction de la durée du dispositif à un peu plus de cinq ans limitera d’autant la vision des acteurs économiques, alors même qu’il est souligné dans les considérants de Bruxelles – considérant n° 8 de la décision du Conseil de décembre 2014 - que l’affectation des recettes d’octroi de mer à une stratégie de développement économique et social constitue une obligation légale.
Le resserrement précédemment évoqué est aussi révélé par la liste des codes douaniers concernés par les différentiels de taxation, qui sont limités par le jeu d’une nomenclature douanière de plus en plus finement précisée, même si, faute d’informations suffisantes sur les valeurs de production et d’importation affectées, il demeure difficile d’en mesurer l’impact. Au-delà de l’octroi de mer, cette approche se retrouve dans d’autres dossiers - je pense, notamment, à la fin des quotas sucriers -, dans lesquels prévaut une logique d’intégration des RUP dans une Union européenne chaque jour davantage libéralisée et mondialisée.
Bien évidemment, le projet de loi comporte aussi des aspects purement nationaux. Ainsi le projet élargit-il le champ des exonérations possibles, certes laissées à la décision des conseils régionaux, mais suffisamment « fléchées » pour que le travail des lobbies s’exerce au mieux.
On peut s’interroger sur le sujet, s’agissant notamment des dispositions concernant les établissements exerçant des activités scientifiques d’enseignement ou de recherche, les œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, par exemple, ou encore l’avitaillement des navires et les carburants. Cet élargissement concourt effectivement à une perte potentielle de recettes, qui affectera en premier lieu les collectivités locales. Quelles compensations face à cette évolution et quels compensateurs dès lors que les exonérations sont de la compétence régionale ?
Mais la question primordiale, en définitive, est celle de la fiscalité.
Notre collègue Éric Doligé, auteur du rapport sur ce projet de loi, estime que la question de la réforme de la fiscalité dans les outre-mer n’est pas à l’ordre du jour. On peut le regretter !
Quelques chiffres suffisent pour bien comprendre la situation : en France métropolitaine, le rapport entre la fiscalité directe et la fiscalité indirecte s’établit autour de 80 % pour la première, contre 20 % pour la seconde. La proportion est pratiquement inverse dans les outre-mer.
Pour les communes, selon les données de 2011, les recettes des quatre taxes fiscales directes représentent moins de 25 % des recettes de fonctionnement en outre-mer, alors que ce chiffre dépasse 39 % dans l’Hexagone.
Pour les départements, l’écart est moins sensible : 62,08 % dans les outre-mer, contre 67,67 % en France hexagonale.
Pour les régions, selon cette fois des données de 2012, la part des impôts locaux dans le total des produits budgétaires s’élève à seulement 6,6 % en outre-mer, contre 24,3 % pour les régions métropolitaines.
En résumé, la fiscalité indirecte, c’est-à-dire celle qui est payée par l’ensemble des consommateurs, est plus importante outre-mer qu’en France hexagonale. Il y a là une aberration assez incroyable : dans l’ensemble des outre-mer, le taux de pauvreté et le taux de chômage sont supérieurs aux taux de la France métropolitaine. Avec près de 60 % des jeunes privés d’emploi et 343 000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté monétaire, soit 42 % de sa population, La Réunion est, par exemple, un département hors norme, selon les termes de l’INSEE. Peut-on se satisfaire d’un tel constat ? Poser la question, c’est déjà y répondre !
Concernant les collectivités locales, M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, expliquait récemment, lors de son séjour à La Réunion, que « le contexte économique et social spécifique dans lequel [les collectivités d’outre-mer] évoluent montre depuis quelques années des signes de tension qui ont des conséquences sur [leurs] priorités. […] C’est la structure spécifique de leur financement qui repose sur des bases fragiles. Le financement des communes est constitué pour plus du tiers par la fiscalité indirecte – octroi de mer et taxe sur les carburants – qu’elles ne maîtrisent pas ».
En 2009, un rapport du Sénat envisageait la suppression de l’octroi de mer et son remplacement par la TVA, le produit de l’octroi de mer d’environ un milliard et demi d’euros étant supérieur à celui de la TVA d’environ 900 millions d’euros – ce sont les chiffres de 2009. Cependant, remplacer l’octroi de mer par la TVA impliquerait d’augmenter sensiblement son taux, excepté en Guyane, où elle n’existe pas. Les taux de la TVA applicables dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion sont de 2,1 % pour le taux réduit, contre 10 % ou 5 % selon les cas en France métropolitaine, et de 8,5 % pour le taux normal au lieu de 20 % en France hexagonale. La réforme doit surtout s’accompagner de la garantie pour les collectivités locales de pouvoir maîtriser le produit de la TVA régionale.
Le chantier de la réforme de la fiscalité, notamment en outre-mer, nécessite donc d’être obligatoirement et rapidement ouvert, bien entendu, dans la concertation la plus large.
Le Premier président de la Cour des comptes ne disait pas autre chose lorsqu’il affirmait que l’octroi de mer repose sur un fondement dérogatoire, dont l’avenir est incertain, et qu’il faut travailler aux moyens de redresser, outre-mer, la part de la fiscalité directe. Cela suppose d’établir des bases cadastrales là où elles font défaut – je pense à Mayotte et à la Guyane –, bases servant d’assiette aux impositions locales directes et qui permettraient de collecter l’impôt le plus correctement possible. Néanmoins, cela ne sera pas suffisant. Tout doit être repensé.
Le Premier président de la Cour des comptes évoquait ensuite la refonte du système de sur-rémunération : redéployer en crédits les sommes versées par l’État sous forme de salaires, ces sommes devant rester sur place.
Enfin, traiter uniquement de la question de l’octroi de mer revient à n’aborder qu’une partie de la question du développement et de l’avenir des outre-mer. Le sujet est nettement plus vaste, et le temps est compté pour élaborer des pistes de développement, d’autant que la situation est de plus en plus tendue. Espérons seulement que ce constat soit partagé par tout le monde, y compris par le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime au nom de mon collègue Guillaume Arnell, retenu à Saint-Martin en raison de la visite – rare dans ce territoire – du Président de la République. J’avoue que je connaissais mal cette taxe. Si elle pouvait être mise en place pour les îles de l’intérieur, cela représenterait un progrès considérable, en particulier pour mon département. (Sourires.)
Avant toute chose, je tiens à saluer le travail effectué en commission, qui contribue à moderniser le dispositif actuellement en vigueur sans pour autant déstabiliser les collectivités et les entreprises des outre-mer.
Cette taxe méconnue en métropole s’inscrit dans l’histoire commune que nous partageons avec nos compatriotes des Antilles, de la Guyane, de La Réunion et, plus récemment, de Mayotte. Héritier du « droit des poids » introduit par Colbert en 1670 en Martinique, l’octroi de mer est appliqué dans les cinq départements et régions d’outre-mer avec un double objectif : la protection de la production locale et le financement des collectivités. Cette seconde fonction est particulièrement importante pour les communes et les régions d’outre-mer, qui réalisent ainsi 1 milliard d’euros de recettes chaque année. Ainsi, en 2012, l’octroi de mer représentait 38 % des recettes des communes de La Réunion, et même 48 % des recettes de celles de la Martinique.
Toutefois, les règles de libre circulation et de non-discrimination des marchandises introduites par la Communauté européenne dans les années 1990 ont obligé ce dispositif historique à évoluer. Institué par les décisions du Conseil de l’Union européenne de 1989 et 2004 et retranscrites dans la loi de transposition du 2 juillet 2004, l’actuel régime de l’octroi de mer soumet également les productions locales à la taxation. Afin de préserver l’objectif de stimulation de la production locale, les départements et régions d’outre-mer peuvent appliquer des taux de taxation différenciés entre les productions locales et les biens importés, sous la forme d’une surtaxe sur les biens importés avec un écart de taux maximum qui varie, selon les catégories A, B ou C de produit, respectivement de 10 %, 20 % et 30 %, ce qui permet de compenser le déficit de compétitivité. C’est ce régime, en vigueur depuis une vingtaine d’années, avec des taux spécifiques à chaque région, qu’il nous est proposé de reconduire avec quelques modifications.
Le Conseil de l’Union européenne du 17 décembre 2014 a décidé de proroger le dispositif jusqu’à la fin de 2020 avec des modifications applicables à partir du 1er juillet prochain. La principale modification consiste à exonérer de l’octroi de mer toutes les entreprises au chiffre d’affaires inférieur à 300 000 euros. Cette mesure représente une simplification par rapport au régime antérieur – exonération totale et identique dans toutes les régions, suppression de tâches administratives, notamment les déclarations d’existence pour les très petites entreprises – et une protection pour les petits producteurs locaux. En contrepartie, le seuil d’assujettissement des entreprises de production, qui s’élevait jusqu’à présent à 550 000 euros, sera abaissé à 300 000 euros, ce qui dégagera un surcroît de ressources pour les collectivités estimé par l’étude d’impact à 2,5 millions d’euros.
En plus de la transcription de cette modification décidée au niveau européen, le Gouvernement a proposé plusieurs modifications. D’abord, il clarifie et actualise la rédaction de la loi de 2004. Ensuite et surtout, il propose d’étendre le champ des possibilités d’exonérations aux activités de recherche, d’enseignement et de santé, aux organisations caritatives, aux marchandises destinées à l’avitaillement des aéronefs et des navires, ainsi qu’aux carburants utilisés pour des activités d’agriculture et de pêche. Cela signifie qu’une entreprise assujettie à l’octroi de mer pourra déduire une partie de ses dépenses d’investissement du montant de son impôt. Nous approuvons cette mesure, qui va dans le sens des intérêts des entreprises et des économies d’outre-mer.
Concernant les problèmes liés au régime dérogatoire à l’octroi de mer entre la Guyane et le marché unique antillais, la commission a soulevé à juste titre que le projet de loi n’apportait pas de solution. Le marché guyanais n’a pas la même maturité que le marché unique de Martinique et de Guadeloupe, si bien que les productions guyanaises sont potentiellement désavantagées. Pourtant, en permettant d’appliquer l’octroi de mer sur le lieu de production et non de livraison, la dérogation empêche le département de Guyane de protéger et de développer des filières locales. Sur ce point, nous souhaiterions connaître les résultats de la rencontre du 28 avril dernier entre Mme la ministre et les élus régionaux et départementaux.
Enfin, la discussion sur l’octroi de mer doit nous amener à évoquer le recouvrement de l’impôt dans les départements d’outre-mer. Il faudra un jour remédier aux difficultés pratiques posées en outre-mer par l’absence de cadastre, les insuffisances des infrastructures ou du cadre réglementaire, ou encore les lacunes de recensement.
Ces réserves faites, nous sommes favorables à la reconduction du régime de l’octroi de mer avec les modifications mentionnées. Nous nous félicitons du maintien d’un outil indispensable à l’économie et aux collectivités des départements d’outre-mer et, de ce fait, tous les membres du groupe du RDSE voteront pour le projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où la situation financière des collectivités territoriales est de plus en plus fragile du fait de la baisse des dotations de l’État, nous mesurons à quel point l’octroi de mer est un enjeu crucial, en particulier pour le financement de l’action publique locale outre-mer.
Cet impôt représente la première recette fiscale des collectivités ultramarines. Le taux de base d’octroi de mer est de 17,5 % en Guyane, de 9,5 % en Guadeloupe et en Martinique et de 6,5 % à La Réunion. À ces taux, il faut ajouter la taxe additionnelle à discrétion des exécutifs locaux. Le taux régional d’octroi de mer, taxe additionnelle, oscille entre 1 % et 2,5 %. Au total, la recette s’élève ainsi à près de 1,146 milliard d’euros par an, soit un montant non négligeable et difficilement substituable.
L’octroi de mer représente parfois jusqu’à 40 % des recettes fiscales de certaines collectivités territoriales ultramarines. Nous sommes tous conscients que l’insularité, l’éloignement et les différentes contraintes géographiques imposent au service public ultramarin des sujétions particulières. Par conséquent, il faut trouver une solution financière pour y répondre. L’octroi de mer est-il pourtant une solution parfaitement adaptée ?
Le présent projet de loi vient actualiser la loi de 2004 au regard du droit européen sans remettre fondamentalement en cause les équilibres et le fonctionnement de cet impôt. C’est bien dommage, car, au-delà de l’enjeu financier pour les collectivités d’outre-mer, cet impôt pose de véritables questions de justice sociale et représente également un enjeu pour le fonctionnement des services et l’image de l’État en outre-mer.
L’octroi de mer est une taxe ancienne, comme cela a été rappelé, qui frappe à la fois les importations de marchandises et les activités de production en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. Son origine remonte au « droit des poids » institué en 1670. Bien que toiletté ou actualisé, cet impôt demeure particulièrement complexe : en Guadeloupe et en Martinique, treize taux effectifs s’appliquent, quatorze à La Réunion, dix-huit en Guyane et vingt-cinq à Mayotte.
Au-delà de sa complexité, l’octroi de mer est un impôt inéquitable. De fait, cette taxe frappe aveuglément – je dis bien aveuglément – toutes les personnes résidant dans les régions, les départements et les territoires d’outre-mer. Il pénalise le consommateur sans aucune forme de distinction : c’est un impôt régressif. Par définition, ce sont donc les personnes et les familles les plus fragiles qui en souffrent le plus. Ne pas prendre en compte le niveau de revenu du consommateur final revient en l’espèce à accepter de frapper plus durement les familles avec plusieurs enfants.
Il est donc bien dommage que le présent projet de loi ne prenne pas cette question à bras-le-corps. Il s’agit du premier toilettage de la loi de 2004 depuis la grève générale des Antilles en Guadeloupe et en Martinique de 2009 menée par Élie Domota et le LKP au nom justement de la « vie chère ». Or nous continuons de financer le service public local au moyen d’une taxe sur la dépendance extérieure. Est-ce bien raisonnable ? Il est difficilement acceptable de pénaliser ainsi nos concitoyens ultramarins.
A fortiori, le développement économique lui-même est touché. L’octroi de mer est une forme de mauvaise TVA sociale. Taxer les importations pour favoriser la production locale est une chose, mais taxer ce qui ne peut pas être produit localement est injuste. Ainsi, consacrer la recette dégagée au financement du service public et, par conséquent, à son coût de fonctionnement est une déperdition pour le financement de l’économie réelle. L’octroi de mer ne saurait agir comme un protectionnisme éducateur ; il ne fait qu’étouffer l’économie locale.
À ce titre, je souhaite vous alerter, madame la ministre, sur la réduction du seuil d’imposition des entreprises de 550 000 euros à 300 000 euros. À l’occasion d’un récent déplacement en Guyane, le président du conseil régional m’a fait connaître ses doutes quant à l’opportunité de frapper ainsi plus durement le tissu économique local en période de crise.
Dans le même ordre d’idée, on mesure encore trop mal les conséquences commerciales, les effets d’aubaine et les distorsions concurrentielles induites par cet impôt. En effet, certains territoires se livrent une petite guerre commerciale en faisant varier le prix de leur production locale grâce à leurs pouvoirs de taux sur la part additionnelle de l’octroi de mer.
Enfin, autre incohérence provoquée par cet impôt : la fragilisation des services publics de l’État.
J’avais proposé en commission, et je le présenterai en séance dans quelques instants, un amendement visant à exonérer les importations nécessaires au bon fonctionnement des services publics de l’État. Il soulève la question de taxer les importations des services de secours et d’incendie. Faut-il imposer les munitions ou le matériel des forces de l’ordre ?
Peut-être présume-t-on de la capacité de l’État à payer l’impôt quel que soit son montant, car en l’espèce, les gestionnaires locaux rationnent leurs consommables et ajustent leur matériel à l’impôt, et non l’inverse.
Cela a pour conséquence de rompre de fait l’égalité de nos concitoyens devant les charges publiques. Ils peuvent subir une moindre qualité de service public selon qu’ils habitent sur une rive ou l’autre de l’océan.
Cela est aussi dommageable pour l’image et l’autorité de l’État. La baisse des dotations aux collectivités bloque toute forme de dialogue et de négociation sur ces questions. Rendez-vous compte, madame la ministre, de nombreux responsables administratifs de l’État en outre-mer sont contraints d’aller quémander des baisses de taux d’octroi de mer aux exécutifs locaux. Le ministère de la défense et le ministère de la santé viennent justement de demander des exonérations à la région de Guyane. Le dialogue a tourné court : du fait de la baisse des dotations de l’État, toute exonération est désormais rendue improbable. Les négociations sont difficiles et tournent rapidement au dialogue de sourds, dès l’instant où chacun est soumis à des contraintes budgétaires fortes. Comment pensez-vous faire respecter l’autorité de l’État de la même manière sur l’ensemble du territoire si nous continuons de perpétrer ce système fiscal ?
Il faut choisir clairement : soit on accepte ce système et, dans ce cas, il faut que l’État adapte son budget à l’inflation des coûts d’entretien et d’approvisionnement de ses services en outre-mer ; soit on exonère et on soulage les gestionnaires et les services publics nationaux de la contrainte exercée par cet impôt.
Au-delà, les solutions à apporter ne sont pas simples à concevoir. Je l’ai déjà dit, les sénateurs du groupe UDI-UC sont conscients de l’enjeu financier important pour les collectivités territoriales concernées. Nous sommes également conscients des limites importantes de ce mode de fiscalité.
Il faudra de toute façon continuer à réfléchir à une voie de sortie de l’octroi de mer et définir des ressources pérennes pour nos territoires ultramarins qui soient respectueuses des populations les plus fragiles, du développement économique et de l’autorité de l’État.
Dans l’immédiat, le groupe UDI-UC votera par défaut le présent projet de loi. Bien qu’il ne réponde pas aux véritables questions, il a au moins le mérite de mettre notre droit en conformité avec les exigences européennes et permettra, dans l’immédiat, de répondre aux besoins de financement des collectivités ultramarines. Ce sera déjà ça, mais prenons date pour que l’on poursuive nos échanges en vue de trouver d’autres solutions. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil de l’Union européenne a reconduit le régime de l’octroi de mer. C’est une bonne chose.
Je salue, madame la ministre, votre action, ainsi que celle de vos collaborateurs et de vos services, lesquelles ont été déterminantes pour aboutir à ce résultat positif. Il nous importe maintenant de transposer la décision du Conseil dans notre droit national avant la date impérative du 30 juin 2015 si nous voulons éviter d’entraver la bonne marche de nos entreprises de production locale et si nous voulons aussi éviter de fragiliser encore plus nos collectivités locales. Il convient, en effet, de ne pas oublier que l’octroi de mer est aussi une ressource indispensable et irremplaçable pour les collectivités locales des départements d’outre-mer.
Le projet de loi qui nous est proposé transpose les dispositions de la décision du Conseil du 17 décembre 2014, mais il contient également différentes mesures qui ne procèdent pas de la décision du Conseil. Si je peux comprendre que l’on ne puisse revenir sur les premières sans connaître les effets dommageables que j’ai évoqués pour nos entreprises et nos collectivités locales, en revanche, s’agissant des secondes, des interventions sont possibles, surtout quand leurs effets créent des distorsions et des déséquilibres contraires à l’esprit et à l’objet même de l’octroi de mer. C’est le cas des dispositions particulières, dérogatoires qui s’appliquent aux échanges entre le marché unique antillais et la Guyane. Si ces dispositions sont juridiquement symétriques, la disparité des situations des Antilles, d’une part, et de la Guyane, d’autre part, crée de facto une situation déséquilibrée, doublement pénalisante pour la Guyane, comme le constate la propre étude d’impact du projet de loi.
Elles pénalisent une première fois la Guyane, parce que les recettes d’octroi de mer de la Guyane sont réduites du fait de son impossibilité de taxer sur son territoire les importations de marchandises produites dans les Antilles. En effet, aucun mécanisme de compensation comparable à celui mis en place au sein du marché unique antillais n’a été prévu. Les consommateurs guyanais acquittent donc une taxe sur leur consommation qui est perçue par les collectivités situées dans le marché unique antillais.
Une seconde pénalisation pour la Guyane vient du fait que le dispositif actuel rend inopérant une grande partie des différentiels de taux décidés par son conseil régional.
Après plusieurs rencontres et d’âpres discussions, un premier pas, important, a été franchi avec un consensus sur une liste de produits – huit produits, alors que la Guyane en demandait plus de vingt – et la mise en place d’une instance de concertation en charge de proposer si nécessaire la modification de la liste.
Comme convenu, madame la ministre, vous avez déposé un amendement en ce sens, mais il n’est pas en totale conformité avec les conclusions de la réunion du 28 avril dernier, notamment sur deux points. D’une part, le relevé de conclusions fait état de la nomenclature 4818, et non 4818-10. D’autre part, il était entendu entre nous que la présidence serait tournante entre la Guyane et le marché unique antillais, alors qu’elle revient désormais au ministère des outre-mer. La question du reversement semblait aussi être actée entre toutes les parties. Or vous n’en faites aucunement état. Si nous voulons que l’instance de concertation fonctionne, il va falloir que les dispositions arrêtées en son sein soient suivies d’effets. Je présenterai donc des amendements en ce sens.
Une autre mesure dérogatoire dont est victime une fois de plus la Guyane dans ce projet de loi porte sur la répartition de l’octroi de mer. Le droit commun prévoit en effet que l’octroi de mer est affecté à une dotation globale garantie répartie entre les communes de chaque département d’outre-mer. En Guyane, la situation est différente : depuis 1974, afin de résoudre le déficit du conseil général, l’État lui verse à titre dérogatoire une part de la recette communale correspondant à 35 % du montant total de la dotation globale garantie, plafonnée à 27 millions d’euros par an.
Chers collègues des autres départements, comment réagiriez-vous si l’État agissait de la sorte chez vous ? Cette situation est en effet unique et inique, car elle frappe des communes pour la plupart faiblement dotées de ressources fiscales directes, dont les besoins sont criants en raison de la forte croissance démographique qu’elles connaissent.
À plusieurs reprises, dans cet hémicycle, j’ai défendu des amendements pour que l’on revienne sur cette disposition. Dans un rapport que j’ai effectué à la demande du Gouvernement, j’en ai fait l’une de mes principales propositions. Pour l’heure, point de réponse positive. Excédés, les maires de Guyane, à l’unanimité, ont décidé « d’agir en justice à l’encontre de l’État en vue d’obtenir réparation du préjudice subi du fait du système illégal et discriminatoire de répartition de l’octroi de mer mis en place par ce dernier en 1974 et aboutissant à soustraire une part de 35 % sur la dotation devant revenir intégralement aux communes ».
Chers collègues, croyant en votre esprit d’équité et de justice, je reviens de nouveau devant vous avec deux amendements censés rétablir la situation : un qui prévoit une suppression immédiate dès janvier 2016, un autre pour une suppression progressive sur trois ans connaissant la situation contrainte des finances de l’État.
Je voterai ce projet de loi, car l’octroi de mer est un outil spécifique aux DOM, indéniablement indispensable pour le développement de leur production locale et pour le financement de leurs collectivités locales. Néanmoins, il ne convient pas d’en faire un outil uniforme qui ne tiendrait pas compte des spécificités de chacun des DOM. Dans sa communication du 20 juin 2012, la Commission européenne a déclaré : « Chaque RUP est différente et des pistes spécifiques doivent être envisagées pour chacune d’entre elles ».
Les départements d’outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène : l’immensité du territoire guyanais et son insertion continentale s’opposent à l’étroitesse et au caractère insulaire de la Martinique et de la Guadeloupe. Trop souvent, trop facilement, la Guyane est purement et simplement assimilée à ces économies. La conséquence en est que les mesures et dispositions qui sont prises en faveur de ces deux îles lui sont calquées de façon trop systématique, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec ces dernières. Si les effets sont parfois comparables, les causes sont différentes et les éventuelles solutions sont à rechercher aussi avec des moyens différents. L’illustration en a été donnée avec la récente rencontre dans votre ministère. C’est cette démarche de recherche de mesures adaptées de façon consensuelle qui devra désormais être privilégiée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la fiscalité ultramarine est un sujet à la fois très technique et très politique. Il a d’ailleurs beaucoup occupé les travaux au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer. La question de sa mise en conformité avec les règles communautaires en est une autre, non moins complexe, à laquelle nous voici ici confrontés.
Le fait que le taux de l’octroi de mer soit différent entre les produits locaux et les produits importés est en effet assimilable à une aide d’État au sens de l’Union européenne et rend donc nécessaire un processus régulier d’approbation pour que la taxe soit reconduite.
On pourrait longuement débattre de ce que doit être une fiscalité juste, pour les consommateurs, pour les collectivités locales, pour la justice sociale, pour la lutte contre les inégalités entre les territoires, pour la stimulation de l’économie locale, pour la protection de l’environnement ou encore contre la vie chère – un sujet important. La vérité, c’est que nous sommes aujourd’hui placés dans le court terme absolu, puisqu’il nous faut avoir trouvé une solution qui entre en vigueur au plus tard au 1er juillet 2015, sous peine de voir l’ensemble du dispositif remis en question par l’Union européenne, avec toutes les conséquences économiques que cela engendrerait immanquablement pour les collectivités d’outre-mer.
Que l’on soit pour ou contre l’octroi de mer tel qu’il est mis en œuvre aujourd’hui, pour ou contre les ajustements d’exonérations et de seuils prévus par ce texte, la priorité est donc, pour les membres du groupe écologiste au Sénat, de s’assurer que cette « exception française » puisse être, sur le principe, pérennisée avant l’été. C’est pourquoi nous voterons le projet de loi, de même que les amendements déposés par le Gouvernement.
Cela étant, l’examen du projet de loi doit bien sûr également être l’occasion de tenter d’améliorer les modalités de mise en œuvre de l’octroi de mer, qui souffre de dysfonctionnements, comme l’a très bien décrit notre collègue Georges Patient dans son rapport. Parmi ces dysfonctionnements, on peut rappeler la sensibilité de cette taxe à la conjoncture, déstabilisante pour les collectivités territoriales, l’impact des taux d’octroi de mer sur la formation des prix, qui met de fait en contradiction les ressources des collectivités territoriales et la lutte contre la vie chère, ou encore la prépondérance du critère démographique dans la répartition des recettes de l’octroi de mer, au détriment des petites communes rurales.
Pour notre groupe, le système de l’octroi de mer, ressource très importante des outre-mer, doit donc continuer d’être débattu, y compris après l’adoption du projet de loi, sans pour autant mettre en danger la situation financière déjà fragile de ces collectivités. Parmi les pistes qui nous tiennent à cœur, notons déjà la nécessaire poursuite du dialogue avec l’Union européenne, afin de réfléchir aux moyens de pérenniser cette ressource au-delà de 2020 sans pénaliser les collectivités ultramarines.
Cependant, il nous semble que nous ne pouvons pas éviter le débat sur la nécessité absolue, selon les écologistes, de trouver par ailleurs d’autres initiatives pour renforcer le développement économique local. C’est pourquoi, au-delà du débat d’aujourd’hui – dont je rappelle encore une fois qu’il se conçoit dans un cadre très contraint et à très court terme –, nous souhaitons et nous demandons de nouveau avec force que soit mise en place par le Gouvernement une réflexion pour aboutir à des propositions qui encouragent l’investissement public et privé dans des filières économiques locales, innovantes et fortes, par exemple en agriculture, éco-agriculture, aquaculture, pêche, transformation des produits locaux, éco-tourisme, services aux personnes et énergies nouvelles – solaire, éolien, biomasse, etc.
Pour que ces filières se développent, il faut à la fois renforcer ou créer de la recherche-développement, de la formation initiale et continue ainsi qu’un fort encouragement à l’investissement dans les réseaux locaux de PME, PMI et TPE. Seul le développement volontariste d’une telle économie locale peut permettre de répondre, sur le fond, structurellement, à la grave crise sociale actuelle en créant des emplois durables tout en respectant et en valorisant l’existence dans ces territoires d’extraordinaires ressources en biodiversité terrestre et marine. Ce patrimoine naturel, fragile, parfois menacé, constitue non seulement une richesse qu’il ne faut bien entendu ni massacrer ni piller, mais aussi une formidable opportunité pour envisager structurellement un développement économique local beaucoup plus fort et durable.
Nous espérons donc que le Gouvernement marquera fortement sa volonté que ce débat ne soit pas toujours repoussé. Nous attendons une impulsion forte en ce sens. Il y en a besoin rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet du projet de loi est de maintenir l’octroi de mer dans nos départements et régions d’outre-mer. L’octroi de mer est une taxe indirecte absolument essentielle pour les finances de ces territoires insulaires et éloignés. D’un montant supérieur à 1 milliard d’euros, il représente une part prépondérante – 45 % pour les communes – des ressources des collectivités locales.
L’objet du projet de loi est également de maintenir temporairement, jusqu’en 2020, un certain nombre d’exonérations partielles ou totales d’octroi de mer dont bénéficient les productions locales les plus sensibles des départements d’outre-mer, afin de les protéger de la concurrence des produits importés. Il s’agit de préserver le tissu économique productif de ces collectivités situées à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole.
Comme l’a fort justement rappelé Mme la ministre, l’octroi de mer existe dans les départements d’outre-mer depuis le XIXe siècle. Il visait à l’origine à taxer les produits importés. Cependant, l’Acte unique a mis en œuvre le marché unique européen à partir de 1987. Dès lors, il n’était plus possible d’établir une discrimination entre produits locaux et produits importés. La décision du Conseil du 22 décembre 1989 a donc acté l’extension de la taxation aux produits fabriqués dans les départements d’outre-mer. Toutefois, le Conseil a reconnu la nécessité de prendre en compte les « difficultés de l’éloignement et de l’insularité » et autorisé, à cette fin, la mise en place d’exonérations partielles ou totales d’octroi de mer, d’une durée maximale de dix ans, pour certaines productions locales sensibles, comme le rhum, les jus de fruits, le riz, les crevettes, le poisson congelé, le bois, le sable, les cailloux, le béton, le ciment…
La loi du 17 juillet 1992 en a tiré les conséquences, en instaurant un régime fiscal permettant d’exonérer certaines productions locales de manière partielle ou totale pendant dix ans, soit jusqu’au 31 décembre 2002, afin de favoriser le développement économique des départements d’outre-mer. Ces exonérations ont été prorogées d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2003, par la ministre de l’outre-mer de l’époque.
Le 17 décembre 2003, Bruxelles a pris une décision favorable au maintien des exonérations pour une nouvelle période de dix ans. La décision du Conseil du 10 février 2004 a fixé les conditions de différenciation de la taxation. La loi du 2 juillet 2004 a autorisé des écarts de taxation au bénéfice des productions locales pour une nouvelle période de dix ans, soit jusqu’au 1er juillet 2014. Enfin, la décision du Conseil du 17 décembre 2014 a autorisé une nouvelle prorogation des exonérations, jusqu’au 31 décembre 2020.
Il s’agit donc, à travers le présent projet de loi, dont les dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2015, de tirer les conséquences de cette décision européenne en clarifiant et en précisant la rédaction de la loi du 2 juillet 2004, mais aussi, et surtout, en prorogeant l’octroi de mer et ses exonérations jusqu’au 31 décembre 2020.
Le texte prévoit également – plusieurs amendements porteront sur ce point, comme nous l’a indiqué Mme la ministre – de diminuer de 550 000 à 300 000 euros de chiffre d’affaires le seuil d’exonération totale de plein droit pour les entreprises et d’étendre le champ des exonérations aux carburants à usage professionnel, aux biens destinés à l’avitaillement des bateaux et des aéronefs et aux importations de biens destinés à certains opérateurs, comme les établissements de santé, de recherche, scientifiques ou caritatifs. Enfin, les taux d’octroi de mer que peuvent fixer les assemblées délibérantes seront plafonnés à 50 %, avec une exception pour les alcools et les tabacs, qui pourront être taxés à 80 %.
Bien qu’il soit technique, le projet de loi n’est pas sans enjeu. Il va à n’en pas douter dans le sens des intérêts économiques des départements d’outre-mer, en protégeant leurs productions locales de la concurrence des produits importés de la métropole, mais surtout de pays étrangers. Il s’agit à nos yeux d’un texte très important. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP le votera et salue la qualité du travail de notre rapporteur Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de notre présence ici pour discuter de la reconduction et des nouvelles dispositions de l’octroi de mer. Nous savons que les négociations menées par le ministère des outre-mer ont été longues et ardues ; je félicite notre gouvernement de sa ténacité.
Je regrette cependant un manque de concertation entre le ministère et les élus locaux et nationaux sur certains sujets lors du dialogue avec Bruxelles. Cela nous aurait peut-être permis d’anticiper plus en amont les difficultés auxquelles nous avons été confrontés, notamment pour définir les règles organisant le marché unique antillo-guyanais, qui sont énoncées à l’article 5 du projet de loi. Une solution de compromis a finalement pu être trouvée. On peut s’en féliciter dans l’immédiat, mais on ne peut s’en satisfaire durablement.
Le déséquilibre entre le marché antillais et le marché guyanais est réel. Ce n’est donc pas une mesure transitoire de soutien par le biais de l’octroi de mer qui suffira à le réduire. Il faut une véritable politique volontariste de l’État pour soutenir réellement l’économie guyanaise et permettre aux biens produits en Guyane d’irriguer plus fortement le marché local guyanais, voire le marché antillais.
Le dialogue a également fait défaut en ce qui concerne la définition du seuil d’assujettissement à l’octroi de mer pour les entreprises, sur lequel on ne peut désormais plus revenir. De manière générale, la prudence nous invite à ne pas prendre le risque d’affirmer des positions divergentes qui pourraient mettre en péril la décision de Bruxelles.
Dernier regret, et non des moindres : loin d’être pérennisé, le régime de l’octroi de mer n’est reconduit que pour cinq ans, et non dix ans. Cette réduction de la durée de la prorogation est susceptible d’engendrer des difficultés pour tous les acteurs : les collectivités, qui n’ont aucune vision précise de leur avenir proche, mais aussi les entreprises, y compris dans l’arc antillais, qui doutent de la stabilité du régime.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas que le moment est venu d’engager, d’ici à 2020, une réflexion sur la définition d’un système alternatif plus pérenne qui se substituerait à l’octroi de mer ? En plus de son instabilité, l’octroi de mer a un impact sur le coût de la vie dans des collectivités où l’on se bat déjà contre la vie chère. Il pèse aussi, indirectement, sur le taux d’emploi du fait de son double objectif, qui me semble paradoxal. Je m’explique. On assigne à l’octroi de mer deux ambitions difficilement conciliables, voire antagonistes : la première est d’assurer le financement des collectivités locales, la seconde est de stimuler le développement économique.
Plus les importations de biens en provenance de l’Hexagone ou de l’Europe augmentent, plus les ressources financières de nos collectivités augmentent. Cependant, l’augmentation des importations se traduit également par une dégradation de la compétitivité des prix des biens produits au niveau local et entraîne une diminution du taux de couverture de la balance commerciale. Les conseils régionaux tentent alors de relancer la production régionale afin de retrouver des parts de marché, soit au niveau local, soit à l’export, pour soutenir l’emploi. Ils mettent donc en place diverses exonérations partielles ou totales qui génèrent un manque à gagner en termes de recettes budgétaires...
Vous le voyez, il s’agit d’un cercle vicieux auquel il devient urgent de trouver une alternative. En 2009, la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, que je présidais et dont Éric Doligé, déjà, était le rapporteur, avait évoqué l’idée d’une TVA régionale à taux variable selon les départements. C’est l’une des pistes à explorer. Il en existe certainement d’autres. En tout cas, c’est un chantier qu’il faut ouvrir afin de répondre aux objectifs communs à tous les départements ultramarins, à savoir le financement des collectivités et, plus généralement, la défense de nos intérêts et la prise en compte de nos spécificités et de nos contraintes.
Comme j’arrive au terme du temps qui m’est imparti, je m’arrête là. Madame la ministre, je voterai votre projet de loi, et j’espère que l’ensemble de la Haute Assemblée montrera une fois de plus sa compréhension des outre-mer en en faisant de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est un texte très important pour nos quatre départements d’outre-mer, car il apportera davantage de ressources aux collectivités territoriales, en particulier aux communes, et favorisera le développement des entreprises locales. Je rappelle que l’octroi de mer est l’une des plus anciennes taxes du régime fiscal français. Il remonte en effet à Colbert : c’est un édit de décembre 1663 qui est à l’origine de sa pérennisation.
Afin que ce système de taxation, assimilable à un droit de douane, ne porte pas atteinte au principe de libre circulation des marchandises introduit par le traité de Rome, il a été aménagé par la décision du Conseil du 22 décembre 1989, qui dispose que l’octroi de mer doit être appliqué indistinctement aux importations et à la production locale, mais autorise les autorités régionales à en exonérer les activités économiques locales pour une période ne dépassant pas dix ans et sous certaines conditions. Le Conseil tenait ainsi compte de l’achèvement du marché unique tout en reconnaissant la réalité régionale spécifique des départements d’outre-mer.
L’octroi de mer représente à la fois la principale ressource des communes d’outre-mer et une protection indispensable pour les économies ultramarines. Il est d’autant plus indispensable au budget des communes d’outre-mer que celles-ci doivent faire face à des surcoûts liés à divers facteurs, comme l’éloignement, l’insularité ou le climat, alors même que leurs recettes fiscales sont inférieures à celles des communes de métropole.
Ce bref rappel historique a, selon moi, le mérite de souligner deux éléments qu’il ne faut jamais perdre de vue. Premièrement, l’Union européenne, tout en reconnaissant les spécificités des départements d’outre-mer, parmi lesquelles leurs handicaps structurels, s’inscrit toujours dans une logique d’intégration. Deuxièmement, les dérogations qu’elle accepte d’accorder à ces départements, comme les aides qu’elle leur apporte au moyen des fonds structurels, ont toujours pour objectif un possible rattrapage du niveau de vie et du PIB moyens européens. Elles sont donc toujours considérées comme transitoires. C’est ce qui explique les remises en cause périodiques de l’octroi de mer.
Cependant, les autorités de Bruxelles savent s’incliner devant les réalités. En fait, toute la difficulté est de parvenir à les leur faire appréhender correctement. C’est la raison pour laquelle des négociations bien menées, qui s’appuient sur ceux qui connaissent parfaitement ces réalités, car ils vivent au plus près d’elles, ont leur importance.
L’octroi de mer, rappelons-le, n’a pas altéré les échanges en défaveur de l’Europe : les importations en provenance des pays de l’Union, France métropolitaine comprise, se sont accrues d’environ 5 % par an, et le déficit de notre balance commerciale continue de s’aggraver, nos exportations couvrant moins de 20 % de nos importations. Cela contredit l’argument selon lequel l’octroi de mer constitue une dérogation indue au principe de libre concurrence.
Cependant, des dispositions dérogatoires successives ne permettront jamais d’inscrire durablement le tissu économique des DOM dans une dynamique de développement. En effet, de dérogation en dérogation, toute stratégie de croissance risque de se voir périodiquement remise en cause, eu égard aux incertitudes que fait nécessairement peser sur les DOM la non-conformité à la législation européenne.
En fait, le véritable défi que nous devons relever est d’éradiquer le mal économique qui ronge l’outre-mer et qui se manifeste notamment dans le chômage massif subi par nos jeunes.
Par sa décision du 17 décembre 2014, le Conseil de l’Union européenne a défini le cadre dans lequel les DOM sont autorisés à exonérer totalement ou partiellement de l’octroi de mer les productions locales sensibles, limitativement énumérées, pour leur permettre de supporter la concurrence des produits similaires importés. Le présent projet de loi modifie la rédaction de la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, afin de transposer les dispositions issues de cette décision du Conseil.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Maurice Antiste. Globalement, j’exprime un avis favorable sur ce projet de loi, qui traduit une certaine continuité par rapport à la loi précédente du mois de juillet 2004.
Pour autant, comme les industriels martiniquais, je souhaite que les travaux de la Commission s’appuient sur des critères objectifs, notamment des relevés de prix, et portent sur l’ensemble des produits importés, et non pas sur les seuls produits antillais.
Malgré ces réserves, madame la ministre, je voterai, bien entendu, en faveur de ce projet de loi, car les modifications qu’il prévoit au régime actuel d’octroi de mer sont conformes aux attentes de nos territoires et aux besoins de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. En préambule, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux que me féliciter du dialogue constructif que nous avons eu tout au long de nos travaux, y compris aujourd’hui, dialogue riche de toutes les précisions que vous avez pu apporter et des observations que vous avez formulées.
Je ne reviendrai pas sur les propos de M. le rapporteur, qui, globalement, a approuvé le dispositif, tout en soulignant qu’il nous reste à trouver les moyens pour un développement satisfaisant et équitable des DOM. À tous les orateurs qui ont souligné les dysfonctionnements qui affectent encore ces économies, je veux dire que nous sommes évidemment tous conscients des difficultés que rencontrent les départements et collectivités d’outre-mer. Le travail que fait, au jour le jour, le ministère des outre-mer tend à essayer de compenser ces handicaps et de rapprocher la situation des ultramarins de celle de leurs compatriotes vivant dans l’Hexagone.
Évidemment, l’économie est un domaine dans lequel nous sommes amenés à intervenir tout particulièrement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lorsque nous travaillons sur les fonds sociaux européens, sur les contrats de plan, ou sur le budget de la nation, nous essayons de nous battre pour que les moyens alloués au développement des outre-mer soient suffisants. Le rattrapage à effectuer est encore très important. Même entre les outre-mer, il y existe des situations d’iniquité.
En tout cas, vous savez pouvoir bénéficier de toute ma disponibilité, ainsi que de celle de mon cabinet ou de mes services, pour avancer dans l’étude des difficultés et des problèmes que vous soulevez.
Monsieur Guerriau, vous avez souligné la charge supplémentaire que représentera l’assujettissement à l’octroi de mer pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires compris entre 300 000 euros et 500 000 euros. Nous en sommes conscients, mais, vous avez pu constater que les nouveaux assujettis pourront déduire l’octroi de mer payé sur les intrants, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Par ailleurs, nous partageons l’idée selon laquelle il faut développer la connaissance des causes de la vie chère dans les outre-mer grâce au développement des observatoires de prix. Cela va dans le sens de la politique que nous sommes en train de mener. De surcroît, vous savez que la lutte contre la vie chère a été un véritable marqueur de l’action menée par mon prédécesseur, Victorin Lurel.
En l’espèce, l’étude d’impact a montré que les effets de l’octroi de mer sur la vie chère étaient relativement limités, ce qui ne doit pas nous empêcher de travailler pour essayer de les réduire encore. Vous savez d’ailleurs que les collectivités régionales ont la possibilité d’exonérer un certain nombre de produits qui leur semblent importants, ainsi que les produits de première nécessité.
Je crois donc que, de façon à peu près unanime, nous voulons à la fois protéger le développement économique et arriver à des solutions équitables, compte tenu de la situation de pauvreté, que vous avez rappelée, d’un certain nombre d’habitants de ces régions.
Monsieur Bocquet, vous avez souligné le resserrement autour de l’octroi de mer, avec la réduction de la période d’autorisation à cinq ans, qui fragilise un peu la situation des acteurs économiques, et le fait que nous ayons des positions tarifaires très précises. Il est vrai qu’il a fallu justifier pied à pied, quasiment produit après produit, la nécessité du différentiel, et montrer que nous ne dépassions pas ce qui était strictement nécessaire pour compenser les écarts. Le travail fut assez long. Certes, nous sommes d’accord pour réfléchir à un autre système, mais, en l’état actuel des choses, nous ne sommes pas persuadés qu’instaurer la TVA, qui est aussi un impôt indirect sur la consommation, améliorerait significativement la situation.
Par ailleurs, nous sommes dans un système libéral, où les petites productions sont fragilisées. Par conséquent, nous pouvons essayer de les protéger, mais jusqu’à un certain point.
Monsieur Mézard, vous avez relevé l’absence de solution sur le marché antillo-guyanais dans le projet de loi, mais je puis vous dire que nous avons progressé depuis. C’est l’objet d’un amendement que je vous présenterai lors de la discussion des articles.
Monsieur Patient, vous nous avez rappelé avec beaucoup d’énergie un certain nombre de vos préoccupations. Mais vous êtes un peu dur, car j’ai l’impression que moi-même et mon cabinet dialoguons en permanence avec les élus, ce qui nous semble très important. Cependant, si nous devons améliorer encore un peu plus le dialogue, nous le ferons… (Sourires.)
Pour autant, un certain nombre de sujets que vous avez soulevés ne peuvent pas être résolus aujourd’hui, telle, par exemple, la question des ressources du conseil général, même s’il s’agit d’une préoccupation partagée. De toute façon, elle se réglera facilement dans la mesure où le conseil général, en tant que tel, est appelé à disparaître dans quelques mois.
Madame Archimbaud, nous en convenons, il faut nous employer à atteindre les objectifs que vous avez évoqués en matière de développement. C’est d’ailleurs l’objet de la feuille de route sur la croissance et l’emploi que j’ai présentée, ainsi que du plan logement outre-mer que nous avons mis en place. S’agissant des communes de l’intérieur, vous savez que nous avons diligenté une mission pour étudier la façon d’aider leur développement en respectant leur identité. Par conséquent, nous aurons l’occasion, au travers des contrats de développement et du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, de retravailler sur ces sujets.
Monsieur Larcher, vous nous avez demandé d’être mieux associé à la préparation des textes. Nous essayons de rencontrer les parlementaires très régulièrement. Comme c’est toujours un plaisir pour nous, nous le ferons encore plus souvent s’il le faut.
Enfin, monsieur Antiste, vous nous avez rappelé les défis à relever pour éradiquer le mal-développement économique dans les régions ultramarines. Là encore, nous avons du pain sur planche. Pourtant, au jour le jour, croyez-le bien, nous faisons un certain nombre d’efforts, souvent couronnés de succès, afin d’obtenir des crédits supplémentaires pour les outre-mer de la part de l’État comme de Bruxelles, car il est indispensable de se rapprocher de l’égalité nécessaire. Vous aurez l’occasion, dans les jours qui viennent, d’en parler directement au Président de la République, qui sera sur place, afin de le sensibiliser à vos problèmes. Ainsi, nous pourrons continuer tous ensemble à travailler main dans la main dans l’intérêt des outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi modifiant la loi n°2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer
Article 1er
L’article 1er de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est ainsi rédigé :
« Art. 1er. – I. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, sont soumises à une taxe dénommée octroi de mer :
« 1° Les importations de biens ;
« 2° Les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par les personnes qui les ont produits.
« II (nouveau). – Pour l’application de la présente loi, la Martinique et la Guadeloupe sont considérées comme un territoire unique dénommé : "marché unique antillais". » –
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’article 2 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont assujetties à l’octroi de mer les personnes qui exercent de manière indépendante, à titre exclusif ou non exclusif, une activité de production dans une collectivité mentionnée à l’article 1er, lorsque, au titre de l’année civile précédente, leur chiffre d’affaires afférent à cette activité a atteint ou dépassé 300 000 €, quels que soient leur statut juridique et leur situation au regard des autres impôts. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le seuil de 300 000 € mentionné au premier alinéa s’apprécie en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et de l’octroi de mer lui-même. Pour les personnes qui ont débuté leur activité au cours de l’année de référence, il est ajusté au prorata du temps d’exploitation. »
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Delahaye, Trillard, Gabouty, Canevet, Bonnecarrère et Fontaine et Mme Joissains, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
Remplacer le montant :
300 000
par le montant :
550 000
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Le présent amendement a pour objet de maintenir le plafond d'application de l'octroi de mer à 550 000 euros pour les entreprises produisant localement.
Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, le Gouvernement a justifié sa décision de fixer à 300 000 euros le seuil d'assujettissement par une décision du Conseil de l'Union européenne du 17 décembre 2014.
Dans un contexte de crise, cette décision nous paraît peu opportune. Vous avez tenté d’apporter une réponse à l’instant en indiquant qu’il y aurait des déductibilités en contrepartie, mais j’imagine que le solde sera forcément pénalisant pour les entreprises.
Cette mesure, qui élargit l'assiette de l'octroi de mer pour les collectivités, rapporterait 2,5 millions d’euros, mais à quel prix sur le plan social ? En effet, elle conduira environ 650 petites entreprises ultramarines à inscrire dans leur bilan une charge supplémentaire. Autrement dit, des entreprises de production locale, avec un chiffre d'affaires supérieur à 25 000 euros mensuel, devront s'acquitter de ce nouvel impôt.
Je m’interroge sur cette disposition un peu contradictoire, dans la mesure où le Président de la République avait promis qu'il n'y aurait plus de nouvelle imposition. Faire payer un impôt supplémentaire aux entreprises revient à les rendre plus vulnérables, moins compétitives. C’est finalement fragiliser leurs activités.
De surcroît, le taux de chômage dans les outre-mer est déjà bien supérieur à celui de l'Hexagone, comme chacun le sait. Par ailleurs, les consommateurs locaux paieront in fine plus cher des produits fabriqués sur leur territoire, alors qu’ils ont déjà un pouvoir d'achat bien inférieur à celui des consommateurs de la métropole.
Sur le plan de l’équité sociale, cette décision contribuera à creuser l'écart entre une population qui bénéficie d'un traitement majoré et une population, plus nombreuse, qui tire des revenus bien inférieurs d’une production locale.
En résumé, cette mesure me paraît contraire à l'ambition de soutenir le développement économique, l'initiative locale, et à la volonté de lutter contre le chômage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Je comprends les arguments intéressants et le raisonnement de Joël Guerriau.
Néanmoins, la commission est défavorable au présent amendement, qui est contraire à la décision du Conseil de l’Union européenne du 17 décembre 2014 que nous n’avons pas la possibilité de remettre en cause, s’agissant d’un accord scellé et réglé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Je le conçois, cette disposition peut être discutée. Cependant, comme je l’ai déjà dit, pour la grande majorité des entreprises ultramarines, qui sont de petite taille, cette mesure aboutira plutôt à un allégement des formalités.
En revanche, je reconnais que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 300 000 euros et 500 000 euros devront faire des déclarations. Néanmoins, elles pourront déduire l’octroi qui grève leurs intrants, ce qui est déjà une compensation. Par ailleurs, en toute hypothèse, ce seuil figure dans les décisions de Bruxelles qui nous lient. Par conséquent, aujourd’hui, nous ne pouvons pas revenir dessus. Nous pourrons éventuellement voir, à l’occasion du rapport d’étape, si cette disposition s’est révélée contraire aux intérêts d’un nombre important d’entreprises. À ce moment-là, nous déciderons s’il y a lieu de demander aux autorités européennes de modifier leur approche.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Cornano, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
L’article 3 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 3. – Pour l’application de la présente loi :
« 1° Est considérée comme importation d’un bien :
« a) Son entrée sur le territoire d’une collectivité mentionnée à l’article 1er.
« Par dérogation au premier alinéa du présent a, l’entrée en Guadeloupe d’un bien en provenance de la Martinique et l’entrée en Martinique d’un bien en provenance de la Guadeloupe ne sont pas considérées comme des importations ;
« b) Sa mise à la consommation sur le territoire d’une collectivité mentionnée à l’article 1er si, lors de son entrée sur le territoire, il a été placé :
« – sous l’un des régimes suivants prévus par les règlements communautaires en vigueur : entrepôt d’importation, perfectionnement actif, transformation sous douane, transit et admission temporaire en exonération totale, ou en magasin de dépôt temporaire ou s’il a reçu la destination douanière de l’entrepôt franc ou de la zone franche ;
« – ou sous le régime suspensif mentionné au a du 2° du I de l’article 277 A du code général des impôts ;
« 2° Est considérée comme livraison d’un bien le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire. » – (Adopté.)
Article 4
Après l’article 3 de la même loi, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
« Art. 3-1. – I. – L’importation d’un bien est effectuée dans la collectivité mentionnée à l’article 1er sur le territoire duquel le bien se trouve au moment de son entrée ou au moment de sa mise à la consommation.
« II. – Le lieu de la livraison d’un bien est :
« 1° L’endroit où le bien se trouve au moment de la livraison, dans le cas où le bien n’est pas expédié ou transporté ;
« 2° L’endroit où le bien se trouve au moment du départ de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur, dans le cas où le bien est expédié ou transporté ;
« 3° L’endroit où les produits pétroliers et assimilés transformés énumérés au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes se trouvent au moment de la sortie d’un régime mentionné aux articles 158 A à 158 D et à l’article 163 du même code. » – (Adopté.)
Article 5
L’article 4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 4. - Sont exonérées de l’octroi de mer :
« 1° Les livraisons dans une collectivité mentionnée à l’article 1er de biens expédiés ou transportés hors de cette collectivité par l’assujetti, par l’acquéreur qui n’est pas établi dans cette collectivité ou pour leur compte, à l’exception des livraisons dans une collectivité du marché unique antillais de biens expédiés ou transportés à destination de l’autre collectivité du marché unique antillais ou de la Guyane et des livraisons en Guyane de biens expédiés ou transportés à destination du marché unique antillais ;
« 2° Les importations en Guyane de biens dont la livraison a été taxée dans le marché unique antillais et les importations dans le marché unique antillais de biens dont la livraison a été taxée en Guyane ;
« 3° Les livraisons de biens placés sous le régime fiscal suspensif mentionné au a du 2° du I de l’article 277 A du code général des impôts en vue de faire l’objet d’une livraison mentionnée au 1°. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Delahaye, Trillard, Gabouty, Canevet, Fontaine et Bonnecarrère et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les livraisons de biens destinés à l’accomplissement des missions de l’État ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Le projet de loi donne la possibilité aux collectivités régionales ou au département de Mayotte d’exonérer à leur convenance les biens destinés à l’accomplissement des missions de l’État. Cela signifie, en fait, que ces collectivités ont la liberté de taxer les biens destinés à l’accomplissement des fonctions régaliennes. Or une telle mesure grève lourdement les budgets alloués aux services de l’État.
J’illustrerai mes propos par des exemples concrets. La gendarmerie de Mayotte qui exerce une mission complexe sur ce territoire, comme chacun sait, a connu une augmentation très importante des taux appliqués à son matériel acheté en métropole. Pour le remplacement des pièces mécaniques – pales, rotor, etc. – du seul hélicoptère dont elle dispose, et afin qu’elle puisse exercer pleinement ses missions, elle acquittait en 2013 des taxes douanières à hauteur de 5 %, en 2014, on lui a appliqué l’octroi de mer à un taux de 30%. Autre exemple, l’approvisionnement en munitions était taxé à 5 % en 2013 et, grâce à l’octroi de mer, la taxation est passée à 50 % en 2014. Une simple antenne de radio – Dieu sait que cet équipement est important dans ce département ! – supportait des droits de douane de 10 % en 2013 ; en 2014, elle était taxée à hauteur de 55 %.
Ces exemples montrent que l’octroi de mer a forcément des conséquences, surtout quand ses taux sont nettement supérieurs à ceux de la TVA appliquée en métropole.
Dans ce contexte, l’application de l’octroi de mer est un frein au renouvellement et à l’entretien des matériels nécessaires à la bonne marche du service public, alors même que les budgets s’inscrivent dans une baisse généralisée. Ou alors, il faut augmenter en conséquence les budgets des services concernés, pour qu’ils puissent faire face à leurs besoins tout en acquittant l’octroi de mer.
La justification invoquée par les collectivités ultramarines pour limiter les exonérations s’explique : les besoins de financement résultant de la baisse des dotations de l’État. Il nous paraît donc plus judicieux soit de maintenir les dotations de l’État à un niveau convenable, soit d’augmenter les budgets des services déconcentrés de l’État, plutôt que de compenser la baisse des dotations par un octroi de mer qui entrave l’exercice de missions essentielles, telles que la santé, l’éducation et la sécurité.
Par ailleurs, est-il logique que les autorités qui représentent localement l’État soient amenées à solliciter au cas par cas des exonérations auprès des collectivités territoriales ? On donne ainsi une image plutôt déplorable du service public, tout en plaçant ses responsables dans une situation complexe.
Le présent amendement a pour objet de mettre un terme à cette incohérence fiscale dont les effets sont finalement contraires à l’intérêt général et préjudiciables à nos concitoyens ultramarins, voire à l’image de l’État sur ces territoires. Il est impératif que les missions du service public puissent être exercées partout, sans différenciation.
Encore une fois, ces exemples montrent que l’octroi de mer n’est pas adapté à la situation. Je comprends la position des collectivités ultramarines qui ont besoin de ressources et utilisent donc les moyens qui leur sont accordés. Il serait plus logique d’augmenter les dotations de l’État aux collectivités ultramarines ou les budgets des services de l’État pour qu’ils puissent assumer leurs missions, mais n’obligeons pas les représentants de l’État au sein de ces territoires à effectuer des choix très difficiles, alors qu’ils exercent des missions essentielles pour la sécurité, la santé et l’éducation des populations ultramarines.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Delahaye, Trillard, Gabouty, Canevet, Fontaine et Bonnecarrère et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les livraisons de biens nécessaires aux services d’incendie et de secours ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement s’inscrit dans le même ordre d’idées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements de M. Guerriau et de ses collègues de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, considérant suffisant le dispositif d’exonération facultatif qui est prévu à l’article 7 de la loi de 2004. Les collectivités territoriales peuvent tout à fait accorder des exonérations, si elles le souhaitent.
Par ailleurs, les services de l’État situés outre-mer n’ont qu’à dégager les crédits suffisants pour répondre à leurs besoins. En revanche, pour les petites fournitures de services comme ceux de l’éducation nationale – crayons, des cahiers, etc. –, il conviendrait peut-être de mener une autre réflexion.
En ce qui concerne les services départementaux d’incendie et de secours, les départements, puisqu’ils sont acheteurs, doivent pouvoir trouver une solution avec les régions pour exonérer leurs achats de biens et d’équipements. Le sujet est tellement complexe que l’on se trouve devant des situations particulières qui seront toujours délicates à régler. La commission estime qu’il convient d’appliquer la règle générale et de laisser aux collectivités locales le soin de régler leurs problèmes en interne.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Je comprends bien le souci qui a pu animer les auteurs de cet amendement, mais il me semble que, là encore, la question n’est pas posée comme elle devrait l’être.
Effectivement, l’État assume les frais liés à la présence d’un certain nombre de ses services outre-mer. Les exemples que vous avez donnés, monsieur Guerriau, portaient tous sur des missions régaliennes, pour lesquelles il n’est pas souhaitable que les représentants de l’État soient amenés à demander des exonérations aux collectivités territoriales. Or votre amendement vise les missions de l’État d’une manière générale qui incluent également l’école et bien d’autres activités.
Par ailleurs, nous vivons une période où l’État et les collectivités locales sont amenés à collaborer régulièrement, par exemple pour la gestion des fonds européens comme le Fonds social européen, le FSE. On ne peut pas se soustraire à cette évolution.
Je suis d’accord avec le principe que vous avez énoncé : l’État doit assumer ses responsabilités dans les matières régaliennes, par exemple l’équipement des forces de sécurité en matériels divers. Toutefois, ce sujet relève d’un autre débat qui n’a pas lieu d’être dans le cadre de l’examen de ce projet de loi relatif à l’octroi de mer.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je ne suis absolument pas satisfait de ces explications.
En effet, nous nous trouvons dans une situation incroyable ! Vous nous répondez que les collectivités territoriales peuvent prendre l’initiative d’accorder des exonérations. Mais quel intérêt auraient-elles à le faire ? Elles objecteront qu’elles doivent faire face à des dépenses et que, si on les autorise à lever un impôt sur les services de l’État, elles vont le faire. Si les représentants de l’État demandent une exonération de cette taxe, on les renverra vers leurs ministères respectifs, en leur rappelant que l’État a réduit ses dotations. Pourquoi les collectivités locales accepteraient-elles de négocier une exonération avec ces responsables, puisque ceux-ci ne peuvent pas leur accorder de contreparties financières ?
Cette méthode n’est pas la bonne. Les outre-mer ont des besoins : faisons en sorte que les dotations qui leur sont versées soient à la hauteur de ces besoins et que le mode de financement soit plus direct.
En fait, le système actuel repose sur une forme de compensation : on sait que les collectivités d’outre-mer ont des besoins de financement et on les autorise à percevoir l’octroi de mer. Or les services de l’État, qui doivent faire face à la baisse de leur budget, doivent eux-mêmes assumer une augmentation énorme des taxes locales.
On finit par donner une image déplorable des services de l’État : quand vous montez sur la vedette de la gendarmerie, on vous explique que le projecteur défectueux ne pourra pas être remplacé parce que le budget ne le permet pas. On limite l’entraînement au tir des gendarmes, parce que l’on n’a plus les moyens d’acheter autant de munitions que dans le passé. On décide que l’hélicoptère volera moins souvent pour ne pas avoir à changer de pièces. Voilà la réalité !
Cessons d’appeler les collectivités locales à prendre leurs responsabilités en accordant des exonérations, puisqu’elles n’ont pas le moyen de le faire et qu’elles ont tout intérêt à prélever l’octroi de mer sur les services de l’État. Vraiment, nous mettons en place un montage financier qui n’est pas clair !
Si l'on considère que les fonctions de l’État exercées outre-mer sont essentielles, il faut qu’elles soient exonérées et que l’on verse des dotations suffisantes aux collectivités ultramarines pour exercer les missions qui sont de leur ressort. Il n’y a pas lieu de mélanger les missions des collectivités et celles de l’État ! Chacun doit financer son action avec les ressources les plus normales possible.
Le recours à l’octroi de mer me paraît inadapté et place les responsables des services de l’État dans une position très déplaisante, en les obligeant, par exemple, à aller négocier une exonération avec un président de conseil général. Ce type de démarche ne me paraît pas relever de leur mission, qui consiste à exercer les compétences de l’État et non pas à négocier avec les collectivités territoriales.
Il me semble que la loi devrait prévoir cette exonération et ne pas en renvoyer la responsabilité à d’autres. Nous représentons l’intérêt général, alors exerçons nos responsabilités en exonérant les services de l’État et demandons au Gouvernement d’assumer les siennes en finançant les collectivités ultramarines au niveau de leurs besoins. Nous devons refuser de cautionner ce montage financier de complaisance destiné à masquer le fait que l’on n’est pas capable de prendre des décisions.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Le problème soulevé est réel et sérieux. La solution qui consiste à « renvoyer la patate chaude » aux collectivités locales en les invitant à accorder des exonérations ne peut aboutir, dans la mesure où ces collectivités sont confrontées à des difficultés budgétaires chroniques. Même si nous avons enregistré ces dernières années des augmentations notables de nos dotations, nous savons parfaitement que nos collectivités locales ne sont toujours pas en mesure de répondre aux besoins des citoyens.
Je suis néanmoins sensible à un argument qui a déjà été exprimé à plusieurs reprises : il est temps d’engager une réflexion d’ensemble, afin de trouver une solution pérenne au financement des politiques publiques dans les outre-mer. En effet, on ne peut pas se satisfaire d’une situation où, lors du vote du budget, on cherche quel poste pourrait être augmenté. J’appelle de mes vœux cette réflexion d’ensemble.
Les exemples cités M. Guerriau sont parlants. Lorsque le seul hélicoptère de la gendarmerie présent à Mayotte tombe en panne, nous attendons plusieurs mois pour recevoir les pièces, alors que nous savons que cet appareil apporte une contribution essentielle à la lutte contre l’immigration clandestine. Je reviens sur ce sujet, même s’il n’a qu’un rapport indirect avec l’objet du présent projet de loi : il faut savoir que plus de la moitié des reconduites à la frontière prononcées en France sont exécutées à partir du territoire de Mayotte, qui ne fait que 374 kilomètres carrés !
Je ne sais pas si vous pouvez imaginer les problèmes que pose cette immigration clandestine, qui pèse sur toutes les politiques publiques. Aujourd’hui, dans ce département, il est impossible de réfléchir sainement à n’importe quelle politique publique, parce que nous ne savons pas pour combien de personnes nous devons construire des équipements, qu’il s’agisse d’écoles ou de retenues d’eau, et il y aurait profusion d’autres exemples !
Je m’abstiendrai sur ces amendements, parce qu’une réflexion d’ensemble doit être menée pour trouver des solutions pérennes, mais je tenais à souligner le fait que le problème posé est réel. (M. Joël Guerriau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur. Je vous signale, monsieur Guerriau, que nous examinons l’article 5, lequel concerne les productions locales, et non les importations, qui font l’objet de l’article 7.
Vous avez visé, dans vos amendements nos 15 rectifié bis et 16 rectifié bis, des produits utilisés dans le cadre des fonctions régaliennes de l’État, et qui sont plutôt d’importation, non fabriqués localement. On ne voit pas très bien quels produits locaux pourraient être exonérés dans le cadre de fourniture pour la gendarmerie, les SDIS, etc, en dehors de produits de consommation courante.
Ces amendements auraient plutôt dû être présentés à l’article 7. Comme les amendements déposés sur cet article sont satisfaits par l’article 6, il ne devrait pas se poser de problème particulier.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. La présentation de ces amendements, je l’entends bien, donne l’occasion à chacun de dire ce qui lui tient à cœur sur la situation des outre-mer. Néanmoins, en l’espèce, il se trouve que les exemples donnés par M. Guerriau ne concernent pas les productions locales.
Par ailleurs, puisque ce régime existe, des décisions sont en général prises, par les collectivités, dans la mesure où il est de leur intérêt que les services de l’État mettent tel ou tel équipement à leur disposition. Il me semble évident aussi que, s’agissant d’une taxe régionale, c’est la région qui peut accorder l’exonération, et non l’État. Pour le SDIS, par exemple, il n’y a pas eu de demande pour l’instant.
Nous pourrons reparler de ce sujet ultérieurement, car il n’a pas de lien avec l’examen du présent article.
Vous nous dites enfin, monsieur le sénateur, qu’il suffit d’augmenter les budgets. Mais c’est ce que nous avons fait depuis deux ans de manière significative !
Mme la présidente. Monsieur Guerriau, les amendements nos 15 rectifié bis et 16 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Joël Guerriau. Non, madame la présidente, je les retire, puisque cette discussion aura lieu de nouveau à l’occasion de l’examen des amendements que j’ai déposés à l’article 7 et qui vont dans le même sens. J’espère que ces derniers seront alors largement approuvés, eu égard à l’intérêt qu’ils présentent.
Mme la présidente. Les amendements nos 15 rectifié bis et 16 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 1, présenté par MM. Patient et Karam, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou de la Guyane et des livraisons en Guyane de biens expédiés ou transportés à destination du marché unique antillais
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Dans la mesure où les parties concernées – Martinique, Guadeloupe, Guyane – sont parvenues à un consensus, je retire cet amendement. Mais je reviendrai sur ces points lors de l’examen de l’article 6, à l’occasion de la présentation de mon sous-amendement à l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.
L’amendement n° 2, présenté par MM. Patient et Karam, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Je le retire également.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
L’article 5 de la même loi est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 5 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 5. – I. – Pour les biens relevant des positions tarifaires 2208 40, 2208 70, 2208 90, 3208 90, 3209 10, 4818 10, 7214 20 et 7214 99 et par dérogation à l’article 4 :
« 1° Les livraisons mentionnées au 1° de l’article 4 dans une collectivité du marché unique antillais de biens expédiés ou transportés par l’assujetti, par l’acquéreur qui n’est pas établi dans cette collectivité ou pour leur compte à destination de la Guyane et les livraisons en Guyane de biens expédiés ou transportés par l’assujetti, par l’acquéreur qui n’est pas établi dans cette collectivité ou pour leur compte à destination du marché unique antillais sont exonérées de l’octroi de mer ;
« 2° Les importations en Guyane de biens dont la livraison a été exonérée dans le marché unique antillais et les importations dans le marché unique antillais de biens dont la livraison a été exonérée en Guyane sont soumises à l’octroi de mer.
« II. – Il est créé une commission qui a pour mission de suivre et d’évaluer les échanges de biens entre la Guyane et le marché unique antillais.
« Elle est chargée :
« - d’analyser les flux d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais ;
« - de proposer des évolutions des règles d’échanges et de taxation ;
« - de proposer, si nécessaire, la modification de la liste de produits mentionnée au I du présent article, notamment sur la base d’un état statistique des flux d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais. Cette proposition intervient au plus tard le 1er septembre.
« La présidence de la commission est assurée par le ministre en charge des outre-mer ou son représentant.
« La commission est composée d’élus du conseil régional de Guadeloupe, de l’assemblée de Guyane et de l’assemblée de Martinique.
« Les services de l’État compétents apportent leur expertise technique sur demande de la commission.
« Les acteurs socioprofessionnels peuvent être consultés sur proposition de la commission.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Cet amendement est le résultat des discussions que nous avons eues avec les parlementaires concernés et les présidents de région des collectivités des Antilles et de la Guyane.
Il est vrai que le système en vigueur est quelque peu défavorable à la Guyane, dans la mesure où il existe un déséquilibre entre les importations du territoire guyanais en provenance des Antilles et les exportations de la Guyane en direction des Antilles.
La solution retenue consiste à maintenir le système existant, tout en établissant une liste de produits pour lesquels le déséquilibre est trop important et qui seront taxés comme s’ils provenaient de l’extérieur du marché unique.
Par ailleurs, pour vérifier que la situation de telle ou telle collectivité n’évolue pas défavorablement, nous avons prévu de mettre en place une commission qui procédera à des examens réguliers de cette situation et fera des propositions visant à intégrer des produits dans cette liste, arrêtée de concert, ou à les en faire sortir.
Monsieur Patient, je n’ai pas vu, dans le procès-verbal signé par toutes les parties, que la commission serait composée dans les termes que vous indiquez dans le sous-amendement que vous avez déposé au présent amendement. Je présume que tel était cependant l’esprit des uns et des autres, mais nous n’avons absolument pas pris acte dans ce document de la composition exacte de cette commission et de la personne qui devrait la présider. Nous nous sommes engagés, en revanche, à préparer un projet de décret sur lequel toutes les collectivités seront consultées, afin que la composition de la commission soit le résultat d’un accord entre tous.
Nous avons voulu que cette commission représente chaque territoire, chaque région, et que, du fait de sa composition, un territoire ne puisse pas être automatiquement « battu » par les deux autres. Nous avons proposé qu’elle soit plus ou moins paritaire. La question se pose en effet de la répartition entre le marché unique antillais et la Guyane.
Par ailleurs, nous avons souhaité que le ministère se charge de réunir cette commission et d’en assurer le secrétariat. Si les régions préfèrent assumer elles-mêmes ces tâches, pourquoi pas ? Je ne souhaite pas exercer absolument cette présidence ! Nous pouvons donc nous mettre d’accord sur de telles modalités, mais ces détails ne figurent pas dans l’accord auquel nous étions parvenus et qui représente, je crois, une solution raisonnable.
Nous avons aussi prévu de consulter les organisations socioprofessionnelles, lesquelles ont protesté énergiquement contre la concurrence de produits en provenance des Antilles. Je tiens à souligner que tous les acteurs concernés ont fait des efforts pour régler d’une manière consensuelle ce différend, mais nous avons bien conscience que l’immense majorité des produits importés en Guyane ne provient pas des Antilles.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Patient, S. Larcher, J. Gillot et Karam, est ainsi libellé :
A. - Amendement n° 10
I. – Alinéa 3
Remplacer la référence :
4818 10
par la référence :
4818
II. – Alinéa 10, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et, dans le cas où ces flux ne pourraient être obtenus, tout élément de nature à apprécier la justification de la demande
III. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La présidence de la commission est assurée à tour de rôle par le président du conseil régional de Guadeloupe ou son représentant ou le président de l’assemblée de Guyane ou son représentant ou le président du conseil exécutif de l’assemblée de Martinique ou son représentant.
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A, compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent amendement est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. D’autres participants à cette fameuse réunion du 28 avril pourront confirmer que les trois points mentionnés dans ce sous-amendement n’ont pas été repris dans l’amendement n° 10 du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de sous-amender celui-ci.
Le premier point concerne le produit relevant de la nomenclature 4818, qui figure dans l’amendement sous la nomenclature 4818 10. Sur la liste des produits guyanais acceptés par la commission que j’ai parcourue, il est fait référence à la nomenclature 4818, et non à celle qui est citée dans l’amendement du Gouvernement.
Le deuxième point est de précision.
Le troisième point, relatif à la présidence de la commission qui va être créée, ne figure peut-être pas dans le relevé de conclusions de la réunion, mais il a cependant été dit lors de celle-ci que cette présidence devrait être tournante. Je suis également certain qu’il n’a pas été indiqué, toujours lors de cette réunion, que la présidence devrait être assurée par le ministre chargé de l’outre-mer ou son représentant. Après consultation de différents autres représentants de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, je peux confirmer que nous sommes tous favorables à une présidence tournante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Sur l’amendement n° 10 du Gouvernement, la commission émet un avis favorable.
Je remercie d’ailleurs l’équipe de Mme la ministre de m’avoir appelé le 28 avril dernier, ce qui m’a permis de trouver enfin le sommeil après trois semaines d’une longue attente durant laquelle nous ne savions pas si une solution favorable serait trouvée. (Sourires.) Je suis ravi que tel ait été le cas, car ce n’était pas évident au départ ; cela faisait plusieurs mois, en effet, que cette discussion était en cours.
Je veux aussi remercier les nombreux signataires de l’accord, qui ont su trouver une solution acceptable pour leur territoire.
Sur le sous-amendement n° 35 rectifié, la commission émet également un avis favorable.
J’ai relu le relevé de conclusions de la réunion du 28 avril.
Le premier point soulevé dans le sous-amendement est exact. Cette précision est intéressante, dans la mesure où il est important que la nomenclature soit plus précise – les producteurs de papier peuvent également fabriquer des papiers essuie-tout – et plus protectrice des productions locales.
Par ailleurs, il est vrai qu’il n’est pas précisé dans le relevé de conclusions que la présidence devra être tournante, pas plus qu’il n’est écrit que la ministre ou son représentant devra présider d’office la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 35 rectifié ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Ce sous-amendement comporte plusieurs points assez différents, et l’avis du Gouvernement n’est pas identique sur chacun d’eux.
J’écarte d’emblée le point relatif à la présidence de la commission. Bien évidemment, je ne tiens pas particulièrement à présider cette dernière. Il me semblait cependant que cette solution résultait des débats, mais, si les régions en sont d’accord, le principe d’une présidence tournante me convient tout autant.
S’agissant du problème de la position tarifaire, le Sénat votera comme il l’entend. Mais je tiens à dire que nous avons retranscrit strictement, loyalement et exactement ce qui est inscrit dans le procès-verbal de la réunion que j’ai en main : le papier hygiénique relève bien de la nomenclature 4818 10.
Monsieur le sénateur, dans la mesure où la commission en question doit être mise en place pour vérifier l’état de la situation tous les six mois, et alors même que la production de l’article référencé sous la nomenclature 4818 10 démarre à peine, cette discussion me semble totalement prématurée. Il serait plus raisonnable de s’en tenir au texte de l’accord tel qu’il a été signé en notre présence. La commission examinera ensuite s’il convient d’élargir cette nomenclature afin de prendre en compte d’autres productions – par exemple le papier essuie-tout –, lesquelles n’existent pas encore.
Mieux vaudrait, soit retirer ce sous-amendement, soit le rectifier. Vous pourriez ainsi conserver le point relatif à la présidence de la commission, auquel le Gouvernement est tout à fait favorable.
S’agissant de la possibilité de compléter la liste des produits, j’ai compris que vous étiez ouvert ; nous savons, en effet, que tel sera le rôle de cette commission
Par conséquent, deux points pourraient être retirés de ce sous-amendement.
Mme la présidente. Monsieur Patient, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
M. Georges Patient. Je crois me souvenir que la version initiale du relevé de conclusions faisait mention de deux nomenclatures, « 4818 » et « 4818 10 », et donc de deux produits. Puis a été indiqué la référence « 4818 papier hygiénique ». Je maintiens donc deux points de mon sous-amendement et j’accepte de supprimer le point de précision.
Mme la présidente. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Non, madame la présidente.
Par ailleurs, monsieur Patient, je refuse, en émettant un avis favorable sur ce sous-amendement, d’avoir l’air d’aller au-delà de l’accord auquel nous avons eu tant de mal à aboutir ; mes services y ont passé des mois entiers et nous n’y sommes parvenus qu’à l’issue de discussions extrêmement précises. Je craindrais de ne pas respecter la volonté exprimée – et à mon sens de façon assez positive – par les représentants de la région Martinique.
Si le texte de l’accord comporte l’indication « 4818 papier hygiénique », c’est bien que seule était visée la partie 4818 10, c'est-à-dire le papier hygiénique mis en fabrication en Guyane, et non la nomenclature 4818 dans son ensemble.
C’est la raison pour laquelle, je le répète, il me semble préférable que vous retiriez ce sous-amendement. Il ne faudrait pas que son adoption remette en cause l’accord avec la région Martinique.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. C’est ce que l’on appelle une mine antipersonnel ! Nous sommes parvenus à un consensus après des tensions très fortes sur le marché unique des Antilles et de la Guyane, où la Guyane a longtemps été défavorisée.
Je me réjouis que, à l’occasion de la création d’une commission ayant pour mission de suivre et d’évaluer les échanges de biens entre la Guyane et le marché unique antillais, la question de la présidence ait été évoquée. En effet, il n’est pas possible de demander à la Guyane plus de responsabilités. Il était prévu que cette présidence soit assurée par le ministre chargé des outre-mer ou son représentant, mais Mme la ministre a immédiatement apporté une rectification.
Lors de la mise en place de cette commission, les représentants de la Guyane veilleront à ne pas être défavorisés. Je pense que le projet de décret apportera les explications nécessaires pour que tout le monde puisse avoir satisfaction.
Je profite de ce débat sur l’outre-mer pour demander à la Haute Assemblée d’avoir une pensée très forte pour les habitants de Camopi. Cette commune peuplée d’Amérindiens, située à la frontière du Brésil, est sans doute l’une des plus enclavées de France : elle est depuis plusieurs jours lourdement frappée par des inondations et se trouve aujourd'hui complètement coupée du monde.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur. Nous avons écouté avec intérêt Mme la ministre. Avec ce sous-amendement, Georges Patient place le Gouvernement dans une situation délicate. Il y a un quiproquo : « 4818 papier hygiénique » équivaut à la nomenclature 4818 10.
Comme l’a souligné Mme la ministre, ne prenons pas le risque de relancer le débat, alors que nous ne connaissons pas la position des signataires de l’accord. L’examen de ce texte par l’Assemblée nationale sera l’occasion de trouver une solution.
La commission est favorable à l’idée d’une présidence tournante, de même que le Gouvernement. Nous pourrions donc nous en tenir à cette disposition.
Monsieur Patient, il serait par conséquent préférable que vous rectifiiez votre sous-amendement pour que nous ne nous prononcions que sur le III. Dans le cas contraire, nous ne pourrions voter ce sous-amendement, car le Gouvernement ne lèvera pas le gage, ce qui pose un véritable problème financier.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Je ne suis pas le seul signataire de ce sous-amendement. Qui plus est, je représente la population et les élus guyanais. Des dispositions précises ont été prises sur une liste de vingt-trois produits. Nous sommes parvenus à un consensus et tout le monde a reconnu que la Guyane souffrait d’une distorsion de concurrence et de déséquilibres. De vingt-trois produits, nous sommes passés à huit. Aujourd’hui, il est question de passer à sept !
Certes se pose le problème du gage et je ne veux pas porter la responsabilité d’un échec. Pour autant, je rappelle que l’accord prévoit que la région Guyane fera tout son possible pour mettre fin aux actions en justice évoquées par ce projet de loi, mais les représentants de la Guyane n’ont accepté cette disposition que sur la base d’un relevé de conclusions énumérant la liste des produits retenus.
Une réunion aura lieu très prochainement et j’espère que, à cette occasion, tout rentrera dans l’ordre. Pour l’instant, la menace continue de peser.
Par conséquent, pour que nous parvenions à un compromis, je me rallie à la proposition du rapporteur et rectifie mon sous-amendement pour n’en conserver que la mesure relative à la présidence tournante.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Patient, S. Larcher, J. Gillot et Karam, et ainsi libellé :
Amendement n° 10
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La présidence de la commission est assurée à tour de rôle par le président du conseil régional de Guadeloupe ou son représentant ou le président de l’assemblée de Guyane ou son représentant ou le président du conseil exécutif de l’assemblée de Martinique ou son représentant.
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement rectifié ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 35 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. Les amendements nos 28, 30 et 31 ne sont pas soutenus.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
9
Questions cribles thématiques
la forêt française
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la forêt française
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe.
Je rappelle également que ce débat est retransmis en direct sur France 3 et sur Public Sénat.
La parole est à M. Alain Houpert, pour le groupe UMP.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la forêt est obscure et j’espère que nos interventions laisseront filtrer quelques de rais de lumière.
Si Yannick Botrel et moi-même avons présenté, le mois dernier, au nom de la commission des finances, un rapport intitulé Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France, c’est parce que notre pays n’est pas la puissance forestière qu’il pourrait être.
Notre travail, appuyé sur une enquête de la Cour des Comptes, a permis de démontrer que la politique forestière est aujourd’hui sans stratégie, sans pilote et sans résultats. Les cinq ministères qui mettent en œuvre un ou plusieurs volets de cette politique adoptent, chacun dans leur coin, une vision des enjeux qui leur est propre.
Ma première question, madame la secrétaire d’État, est issue de ce constat : quand et selon quelles modalités allez-vous construire un lieu de concertation et de décision interministérielle pour cette filière ? Il s’agit d’une urgence impérative pour la construction d’un pilotage stratégique de la filière, première de nos recommandations.
Par ailleurs, la France a fait le choix d’un modèle économique de pays en développement. Cette politique se reflète dans les graves déséquilibres entre l’exportation de bois brut et l’importation de produits transformés. C’est cette situation qui conduit à un déficit commercial de la filière de 6 milliards d’euros par an, soit 10 % du déficit total de la balance commerciale de notre pays. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rétablir l’équilibre économique de la filière ? Quel regard porte-t-il sur les sept recommandations que Yannick Botrel et moi-même avons formulées dans notre rapport ?
Je souhaite plus particulièrement, madame la secrétaire d’État, que vous nous indiquiez vos réactions sur trois de nos sept préconisations : rapprocher les interprofessions et autres organisations professionnelles ;…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Houpert. … tourner l’Office national des forêts, l’ONF, vers une logique de performance et de résultats ; réorienter les aides à l’aval, en stabilisant les soutiens au bois-énergie et en soutenant davantage le bois d’œuvre, tout particulièrement le secteur de l’ameublement made in France.
En bref, comment entendez-vous faire enfin de la filière forêt-bois un atout pour la France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous demander de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, lequel aurait volontiers répondu à vos questions s’il n’avait dû se rendre au G20 agricole, qui se tient à Istanbul cet après-midi et demain.
Je souhaite, au nom du Gouvernement, saluer la qualité des travaux de la Cour des comptes et souligner l’intérêt de disposer, par le biais du rapport évoqué, d’une vision d’ensemble des soutiens financiers apportés à la filière bois.
Je souhaite également rappeler que le rapport porte sur la période 2006-2013 et que la Cour constate d'ores et déjà des avancées dans la politique menée par le Gouvernement depuis 2012.
S’agissant de la gouvernance de la filière forêt-bois, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, promulguée le 13 octobre 2014, a été l’occasion de rénover les structures de gouvernance autour du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois. Ce conseil dispose en effet de compétences couvrant l’ensemble des fonctions sociales, économiques et environnementales de la forêt et des produits forestiers. En outre, il réunit l’ensemble des acteurs impliqués, publics et privés.
La loi précitée prévoir également qu’une stratégie de filière sera définie au plan national au travers du programme national de la forêt et du bois. Ce dernier est en cours d’élaboration avec l’ensemble des acteurs.
Ces travaux reprennent en particulier l’ensemble des orientations adoptées le 16 décembre dernier dans le contrat de filière, au sein du comité stratégique de filière adossé au Conseil national de l’industrie.
Le contrat de filière se caractérise par son interministérialité – ce qui est indispensable, comme vous l’avez rappelé, monsieur Houpert –, alors même que la Cour des comptes souligne souvent le manque de travail interministériel dans les politiques de la forêt et du bois menées ces dernières années. Ce contrat a ainsi été signé par la ministre chargée de l’écologie et de l’énergie, le ministre chargé de la forêt, le ministre chargé de l’industrie et la ministre chargée du logement.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Cette stratégie nationale à dix ans sera ensuite déclinée en région.
Concernant vos sept propositions, sachez que Stéphane Le Foll et ses collaborateurs n’hésiteront pas à les examiner et à vous apporter des éléments de réponse sur chaque point évoqué.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour la réplique.
M. Alain Houpert. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Nous pensons qu’un choc de simplification est nécessaire en matière de gouvernance. Par ailleurs, nous souhaitons que le contrat de filière permette de mettre en place davantage d’aides en aval, pour des produits bois made in France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour le groupe du RDSE.
M. Alain Bertrand. Nous le disons tous, de nombreux rapports le soulignent, la filière bois est une filière d’avenir. Cette ressource peut servir de levier de développement aux territoires ruraux et hyper-ruraux tant en termes de création d’emploi que de valeur ajoutée.
Très concrètement, je vais m’appuyer sur un sujet que je connais, celui de la forêt lozérienne, dont l’intérêt n’est pas que de recéler des cèpes, des bécasses et autres volatiles. (Sourires.)
En Lozère, la filière bois représente 2 000 emplois. Elle est plutôt bien structurée et permet, contrairement à ce qui se passe dans certains autres départements français, de transformer localement la majeure partie des coupes lozériennes.
Cependant, depuis des années, on constate que l’on pourrait mieux utiliser le bois. Les différentes données existantes montrent une évolution qualitative positive de la forêt lozérienne. Ainsi, à la fin des années quatre-vingt-dix, environ 8 % des bois vendus étaient destinés au chauffage, 76 % étaient affectés à la première transformation sans grande valeur ajoutée et 16 % seulement à la deuxième transformation, avec une meilleure valeur ajoutée et surtout de l’emploi à la clé.
Aujourd’hui, on estime que 20 % du bois vendu est destiné à cette deuxième transformation. D’ici à 2030, c’est-à-dire demain, environ 30 % des bois lozériens commercialisés devraient faire l’objet de cette deuxième transformation.
L’enjeu, vous l’aurez compris, est la transformation locale de ce bois-construction et l’adaptation de cette petite industrie à cette ressource plus favorable. Il s’agit d’une question majeure, sachant que la deuxième transformation représente dix fois plus d’emplois. Cela représente des dizaines, des centaines d’emplois supplémentaires dans chacun des départements hyper-ruraux et forestiers.
Toutefois, plusieurs problèmes se posent.
M. le président. Merci d’évoquer ces problèmes rapidement, monsieur Bertrand ! (Sourires.)
M. Alain Bertrand. Que fait-on maintenant que le Fonds national forestier n’existe plus ? Comme nous ne replantons pas, une baisse de la production de bois-construction est à craindre.
Madame la secrétaire d’État, quelles aides à destination des PME de la filière de deuxième transformation envisagez-vous ? Quelle est la stratégie du Gouvernement pour favoriser l’investissement forestier et préparer la création de milliers d’emplois dans nos petits départements forestiers ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Bertrand, comme je l’indiquais voilà quelques instants, le contrat de filière, signé par quatre ministres, a permis de définir un cadre.
Au travers de ce contrat, nous proposons une large gamme d’actions : mise en place d’outils de pilotage et élaboration de la stratégie de la filière bois ; structuration du segment industriel et du tissu entrepreneurial ; promotion et développement des emplois de la filière bois ; compétitivité par l’innovation de nos entreprises ; marketing et design pour mieux vendre nos produits bois à l’export et en France ; adaptation de l’offre de première transformation aux besoins des marchés de la seconde transformation ; sécurité des approvisionnements en bois de la filière.
En matière de financements, vous rappelez que le « Fonds bois II », consacré aux investissements dans les outils de transformation, est en cours de constitution. La participation de Bpifrance est d’ores et déjà acquise à hauteur de 25 millions d’euros et la recherche de financements privés est en cours.
Quant à l’investissement forestier, la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’enveloppe devrait atteindre à terme 30 millions d’euros, va se combiner à l’extension du fonds chaleur à la mobilisation du bois-énergie – pour la première fois, 30 millions d’euros sont consacrés cette année à l’alimentation en bois de la production énergétique.
Nous avons également souhaité mettre en place un nouveau compte d’investissement forestier et d’assurance, qui permettra, à travers des mesures fiscales, de dynamiser la mobilisation et de soutenir la transformation du bois sur notre territoire, gage de création d’emplois dans les territoires ruraux et hyper-ruraux qui vous sont chers.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour la réplique.
M. Alain Bertrand. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, ainsi que M. le ministre de l’agriculture, de l’ensemble de ces précisions.
Un vrai dispositif et une véritable stratégie ont bel et bien été mis en place. Je vous demanderai toutefois de faire en sorte que les préfets soient les chefs d’orchestre de cette stratégie dans les territoires, les interlocuteurs des investisseurs privés et publics. De cette manière, les entrepreneurs pourront s’adresser à une sorte de guichet unique à même de leur indiquer quelles sont les cordes dont notre arc dispose pour mettre enfin en valeur nos forêts et nos entreprises forestières, et ainsi créer de l’emploi.
Je suis satisfait de cette réponse, mais tâchons de progresser encore sur l’aspect fonctionnel, car nos entrepreneurs et propriétaires forestiers sont un peu perdus. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour cette session de questions cribles thématiques sur la forêt française.
Nous avons pris connaissance du rapport de nos collègues de la commission des finances intitulé Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France.
Si le diagnostic qu’il pose est fort intéressant, je déplore que ce rapport aborde la problématique de la forêt française d’une manière essentiellement comptable. Il recommande notamment une recomposition de la forêt vers les résineux au regard de la demande.
Cette approche comptable de court terme doit être revue afin de prendre en compte les aspects non seulement économiques – ceux-ci, bien évidemment, ont aussi leur importance aux yeux des écologistes –, mais aussi écologiques, notamment la biodiversité et le stockage naturel du carbone.
On doit envisager d’innover en associant des essences à plus haute valeur ajoutée économique et en renforçant les aménités environnementales. Il est grand temps de repenser la forêt dans toute sa diversité, en tant que milieu vivant, et de remettre en cause les coupes à blanc systématiques, nuisibles pour les sols et leur structure et très émettrices de carbone. La qualité et la santé de nos forêts auraient tout à y gagner.
Une parcelle forestière gérée durablement permet au sol de jouer son rôle de puits de carbone, objectif affiché par la France, notamment son ministre de l’agriculture, en vue de la COP 21, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Paris, au travers du projet de recherche international « 4 pour 1000 » : il s’agit de développer la recherche agronomique, afin d’améliorer les stocks de matière organique des sols de 4 pour 1000 par an. Une telle augmentation permettrait de compenser, à l’échelle mondiale, l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C’est dire si la forêt végétale et le sol de cette forêt ont un rôle essentiel à jouer.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle est la position du Gouvernement en matière de gestion des forêts françaises, pour garantir une cohérence de l’exploitation et une amélioration des aménités environnementales en termes de biodiversité et de stockage du carbone dans les sols forestiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Labbé, je tiens à vous rassurer : dans le respect de nos engagements européens et internationaux, la gestion durable est le principe de base qui guide la politique forestière nationale.
La récente loi d’avenir a d’ailleurs rappelé ce principe en reconnaissant d’intérêt général la protection et la mise en valeur des bois et forêts, ainsi que le reboisement dans le cadre d’une gestion durable.
L’importance des aménités forestières, que ce soit en termes de biodiversité, de lutte contre le réchauffement climatique ou de fonctions récréatives, est régulièrement réaffirmée. Le programme national de la forêt et du bois, en cours d’élaboration, en sera la traduction concrète pour les dix prochaines années. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que, à ce jour, seules la production de bois et la chasse sont génératrices de recettes et permettent aux propriétaires publics ou privés d’entretenir leurs forêts et d’y investir.
La forêt n’a jamais cessé d’être pensée comme un milieu vivant. La coupe rase ou à blanc ne signifie pas forcément destruction de la biodiversité ou appauvrissement des sols. Il est question de mesure ; il est question de savoir bien gérer la forêt.
Pour ce qui concerne les enjeux climatiques, la forêt et l’agriculture seront au cœur des négociations de la prochaine COP 21, conformément à la volonté affirmée à plusieurs reprises par Stéphane Le Foll.
La forêt et les terres ont un rôle très important à jouer dans l’atteinte des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La dynamisation de la sylviculture – visée partagée par France Nature Environnement – et l’agronomie peuvent fortement contribuer à l’atteinte de cet objectif.
C’est à cette fin que Stéphane Le Foll a engagé le programme de recherche international « 4 pour 1 000 », qui se fonde sur le constat suivant : une augmentation de quatre millièmes de la teneur en matière organique des sols permettrait de compenser les émissions annuelles mondiales de CO2. Enfin, le programme national de la forêt et du bois devra trouver un équilibre entre une nécessaire valorisation économique de notre patrimoine forestier, très largement sous-exploité, puisque 20 % à 30 % seulement de la production annuelle sont prélevés, et la préservation de la biodiversité et des autres fonctions environnementales de nos forêts, comme l’épuration de l’eau.
Nous serons donc mobilisés et attentifs, pour une gestion durable de l’ensemble de nos forêts.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de vos éclaircissements, nécessaires lorsque la forêt devient trop étouffante. (Sourires.)
De nombreux aspects n’ont pas été abordés concernant les enjeux liés à l’arbre et la forêt : la préservation et l’entretien de la haie bocagère, qui joue un rôle essentiel, le développement de l’agroforesterie et, enfin, un domaine essentiel, qui fait la grande richesse de notre patrimoine forestier et dont on parle trop peu, les forêts primaires équatoriales.
En conclusion, n’oublions pas que la gestion forestière est du domaine du temps long. Que la forêt vivante puisse dans son profond silence et l’immensité de son mystère nous réapprendre ce que sont patience et longueur de temps… (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste.
Mme Françoise Cartron. Votée à la rentrée 2014, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a rénové la gouvernance de notre politique forestière.
Que le secteur forestier soit enfin reconnu pour ce qu’il est, à savoir une composante économique et sociale essentielle à l’équilibre des territoires : telle était l’ambition affichée.
Plusieurs rapports ayant dressé un bilan très mitigé de la filière bois en France, le Gouvernement n’a pas attendu pour agir.
Afin de renforcer la compétitivité de la filière, le plan national d’action pour l’avenir des industries du bois viendra définir un cadre stratégique pour la filière sur le long terme.
Madame la secrétaire d’État, ce plan national, qui sera finalisé prochainement avec une déclinaison régionale, doit redynamiser l’exploitation forestière de la forêt privée, en encourageant la contractualisation, afin, notamment, de sécuriser les approvisionnements de l’industrie du sciage. C’est une avancée reconnue.
Nous nous félicitons également de la signature par quatre ministres, le 16 décembre dernier, du contrat de filière bois, qui a permis de réunir autour d’une même table l’ensemble des grands acteurs de la filière, pour pouvoir mettre en œuvre une véritable stratégie à long terme.
Hier, sur le salon des élus locaux d’Aquitaine, auquel vous avez participé, monsieur le président, j’ai été interrogée sur la problématique des petites et moyennes scieries, dont la survie est aujourd’hui remise en cause, tout particulièrement en Gironde et dans les Landes.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous réaffirmer la détermination du Gouvernement à soutenir les scieurs locaux, dont les capacités financières sont limitées, notamment par rapport aux groupes papetiers internationaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le secteur de la première transformation du bois connaît les mêmes évolutions que l’agriculture avec une baisse continue du nombre de scieries et une tendance à la concentration, avec la création de grosses unités, surtout pour ce qui concerne les résineux. Depuis trente ans, la scierie française a ainsi perdu chaque année une centaine d’unités, soit près de 3 500, en particulier en feuillus, qui représentent pourtant la majorité de notre peuplement forestier.
Les raisons le plus souvent évoquées de cette concentration par les professionnels sont l’absence de repreneurs, les problèmes de succession, le manque de rentabilité et les contraintes administratives et normatives.
Les scieries artisanales, qui produisent seulement 7 % du volume des sciages, restent majoritaires, avec 60 % des installations. Quant aux scieries industrielles, elles représentent 18 % des installations, mais 77% du volume des sciages.
Nos plus grosses scieries résineuses restent toutefois dans la moyenne des unités allemandes ou autrichiennes. En marge des grands courants d’affaires, le secteur artisanal des petites et moyennes scieries tire son épingle du jeu en s’employant dans le sur-mesure demandé par les artisans, les négoces de ville, ou les particuliers, de plus en plus nombreux. Il faut s’atteler à maintenir cette dynamique.
Le maintien d’un tissu de scieries de toutes dimensions est essentiel pour la continuité de l’activité dans nos territoires ruraux et l’économie de l’ensemble de la filière. Deux leviers peuvent être activés pour améliorer la compétitivité de ces installations : la réduction des charges sociales et la contractualisation. Le chantier de l’allégement des charges sociales et fiscales dans le secteur de la forêt et des industries du bois est largement engagé avec le pacte de responsabilité et de solidarité, et l’effort se poursuivra en 2016 et 2017 pour être porté à 598 millions d’euros en 2017, dont 219 millions d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
La contractualisation entre les propriétaires forestiers publics et privés et les entreprises de transformation doit permettre de réduire les temps de prospection, de sécuriser les approvisionnements et de limiter les variations de prix. C’est l’une des actions promues par le comité stratégique de la filière bois, avec l’intervention d’un médiateur.
Oui, le Gouvernement est mobilisé pour que les scieries artisanales puissent continuer à exister et à se développer de nouveau après avoir connu des années difficiles. C’est une nécessité pour nos massifs forestiers, nos territoires et l’ensemble de l’économie de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.
Mme Françoise Cartron. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de cet encouragement aux scieries artisanales, qui sont indispensables à notre territoire.
Aujourd'hui, avec la fin de l’exploitation des bois de tempête, les industriels papetiers recourent pour leur approvisionnement à des rondins bruts ou des billons de sciage, ce qui vient déstabiliser l’approvisionnement des petites scieries.
De plus, le déséquilibre annoncé entre ressource et demande a entraîné une hausse du prix du bois qui affecte directement les industriels de la filière et pénalise les scieries, dont les capacités financières sont limitées par rapport à celles des groupes papetiers internationaux.
Oui, ces petites scieries ont besoin d’un soutien. C’est une priorité. Je remercie le Gouvernement de l’attention qu’il pourra porter à ce secteur économique, qui joue un rôle extrêmement important dans nos territoires ruraux.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour le groupe communiste, républicain et citoyen.
M. Michel Le Scouarnec. Depuis plusieurs années, notre forêt fait l’objet d’une spéculation, sans que personne ne semble appréhender réellement la mesure des dégâts occasionnés.
En effet, la forêt est devenue une valeur refuge, qui suscite beaucoup d’appétit de la part des investisseurs privés, lesquels n’ont que peu de considération pour l’écosystème forestier, pourtant fragile. Cela touche en particulier les massifs de résineux. Ainsi, en les couvrant en monoculture avec des essences comme le Douglas, dont la rentabilité est forte, le risque d’une baisse systématique de l’âge d’exploitabilité des forêts et d’une atteinte à la biodiversité est avéré.
Pourtant, notre forêt représente un atout majeur pour notre pays avec la mise en œuvre de la transition énergétique. Il ne faut pas omettre non plus la potentialité de ressources supplémentaires pour les exploitants agricoles. En effet, la transformation du bois peut être largement valorisée au travers de la construction, des chaufferies bois ou des plaquettes. Tout cela contribue à l’aménagement du territoire, à la beauté des paysages et à l’amélioration de la qualité de vie.
De plus, les élus ne peuvent faire face aux opérations d’acquisition menées par des fonds d’investissement qui contournent la législation, notamment le droit de préférence mis en place pour lutter contre le morcellement de la forêt privée. Car le plafond de 4 hectares ne s’applique que sur la totalité de la superficie de toutes les parcelles vendues. Ainsi, si l’ensemble fait plus de 4 hectares, le droit de préférence ne s’applique pas.
Notre forêt a besoin de maîtrise pour toutes ses composantes : de la production à la diversité des essences, en passant par les coûts. Elle est une richesse nationale qui ne doit pas être accaparée par les grands groupes nationaux, voire internationaux, ou par des pays tels que la Chine, qui fait le commerce des grumes de bois.
Il est dommage que l’État se désengage de la gestion forestière en imposant à l’ONF des contraintes financières disproportionnées et des missions éloignées de sa vocation première. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, quelles mesures vous comptez prendre pour protéger la multifonctionnalité de la forêt française dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Comme je viens de l’indiquer dans ma réponse à M. Labbé, la gestion forestière durable constitue le socle de notre politique. Je l’ai rappelé, pour l’instant, force est de constater que seuls le bois et la chasse assurent la quasi-totalité du financement de la forêt.
Alors que la préservation et la valorisation de ce patrimoine forestier dictent notre action, la forêt métropolitaine est aujourd'hui, majoritairement, une belle endormie.
Dans ces conditions, une exploitation forestière plus intense ne représenterait en rien une menace pour les écosystèmes forestiers. On ne prélève en moyenne que 40 % à 50 % de l’accroissement annuel de la forêt, et, pour ce qui concerne la forêt privée, ce pourcentage se situe entre 20 % et 30 %. Autant dire que le capital forestier continue de croître. Dans bien des cas, ce n’est pas souhaitable, ni pour la séquestration du carbone dans des peuplements arrivés à maturité ni pour le renouvellement ou l’adaptation des forêts au dérèglement climatique, sans parler des risques d’instabilité des peuplements en cas de tempête, comme ce fut le cas en 1999 et dix ans plus tard.
La gestion forestière doit être dynamique et respectueuse de la biodiversité. Selon le Gouvernement, il n’y a aucune incompatibilité entre ces enjeux. Je vous rejoins toutefois à propos du constat de certaines dérives, qui conduisent à faire de nos forêts des refuges fiscaux, sans qu’aucun service économique, social ou environnemental soit rendu à la nation. Des contrôles seront prochainement lancés pour vérifier l’effectivité de la gestion forestière, engagement pris par les propriétaires forestiers, en contrepartie des réductions fiscales accordées, qui concernent les droits de mutation et l’ISF.
Des bulles spéculatives sur la valeur des forêts sont actuellement constatées, en lien avec certains avantages fiscaux de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Certes, la forêt est un bien privé, pour 75 % de sa surface. Toutefois, je vous rejoins totalement sur ce point, monsieur le sénateur, elle représente également, et même surtout, un patrimoine commun, qui ne peut être considéré sous le seul angle du régime fiscal.
Concernant les autres questions que vous avez posées, je vous propose de nous rencontrer ultérieurement, eu égard à la technicité des réponses à apporter qui ne me permettrait pas de respecter le temps de parole qui m’est imparti. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour la réplique.
M. Michel Le Scouarnec. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse, qui me satisfait partiellement, notamment pour ce qui concerne la gestion durable, le capital à valoriser et les importants efforts qu’il reste à faire, toutes choses parfaitement exactes. Toutefois, certains éléments mériteraient d’être accentués, comme le renforcement du droit de préférence des riverains, afin de favoriser le regroupement forestier. Chaque propriété ou parcelle devrait faire l’objet d’un droit de préférence, quelle que soit sa superficie.
De même, il serait opportun d’élargir encore le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ou SAFER, aux parcelles boisées, voire de l’octroyer aux communes forestières. Cela pourrait constituer un premier élément de réponse pour lutter contre la spéculation, face à laquelle les acteurs locaux sont totalement désemparés. Cela implique que les communes et les SAFER soient informées à chaque vente.
Enfin, il est nécessaire de mettre en place un véritable service public, qui englobe les propriétaires publics et privés, un contrôle indépendant de l’exploitation des forêts domaniales et un financement pérenne de la gestion forestière, ce afin de réguler l’exploitation, laquelle doit se faire en fonction du long terme et de l’équilibre de la forêt. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe de l’UDI-UC.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur l’avenir de l’ONF, du régime forestier et de la gestion durable des forêts publiques françaises.
Au mois d’août dernier, l’État a remis en cause de manière unilatérale le contrat d’objectifs et de performance, le COP, pour la période 2012-2016, qui avait été passé avec l’ONF et les communes forestières.
Il manque 50 millions d’euros pour redresser les comptes de l’ONF. Bercy a donc envisagé un financement supplémentaire des communes et proposé de porter la participation instituée en 2012 de 2 euros par hectare à 14 euros et d’augmenter les frais de garderie de 12 % à 18 %.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Folie !
Mme Anne-Catherine Loisier. Face aux protestations des élus des communes forestières, le Gouvernement recule et renvoie à une renégociation.
Aujourd’hui, ces discussions sont dans l’impasse. Le Gouvernement semble ne pas avoir renoncé à faire payer davantage les communes et choisit même de placer un intérimaire à la tête de l’ONF pour gérer au mieux la négociation en cours.
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ; tel est le titre choisi par le président de la Fédération nationale des communes forestières pour son dernier éditorial, afin de témoigner de son dépit.
Car trop, c’est trop ! Dans un contexte de baisse des dotations, les communes forestières n’en peuvent plus. Elles ont déjà fait des efforts financiers considérables en 2012. Aujourd’hui, elles sont prêtes à redéfinir le cadre du régime forestier, à envisager de nouvelles méthodes de gestion plus économes. Mais c’est à l’ONF de maîtriser ses dépenses de fonctionnement : une économie – réaliste – de 2 % suffirait.
Pour cela, il est urgent de mettre en pratique les préconisations de la Cour des comptes : appliquer une véritable comptabilité analytique de toutes les dépenses, et pas uniquement de celles qui sont liées aux forêts communales ; revoir la gestion des ressources humaines – la suppression de 475 équivalents temps plein entre 2009 et 2011 n’a pas empêché la masse salariale d’exploser de 10 millions d’euros ; recentrer les investissements des filiales concurrentielles sur les seules opérations rentables, un critère de bon sens.
Si l’on cherche encore à imposer des charges supplémentaires et injustes aux communes forestières, elles ne signeront pas le contrat précité et elles chercheront à se désengager du régime forestier.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
Mme Anne-Catherine Loisier. À la veille de la COP 21, il serait dommage d’en arriver à une telle extrémité. Face aux enjeux de mobilisation de ressources renouvelables, sur lesquels nous venons de nous prononcer dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, face aux enjeux de gestion multifonctionnelle de la forêt, nous pouvons faire de l’ONF un outil moderne de gestion, garant d’une stratégie forestière nationale, capable de mobiliser cette formidable ressource, la quatrième d’Europe.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la secrétaire d’État, dans ce contexte, comment comptez-vous créer les conditions d’un nouveau contrat de gestion des forêts publiques intégrant les besoins des marchés, les attentes sociales de nos concitoyens, la nécessaire préservation de l’environnement, mais aussi et surtout les finances des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, avant toute chose, je tiens à réaffirmer l’attachement du Gouvernement au régime forestier fondé sur la gestion des forêts des collectivités par l’ONF.
Si les forêts publiques ne représentent qu’un quart de la surface boisée métropolitaine, l’ONF commercialise 40 % du volume des bois. C’est en cela un acteur clef de la filière forêt-bois.
En 2013, le coût net de la gestion des forêts des collectivités s’est élevé à 175 millions d’euros. Les collectivités ont contribué à hauteur de 15 % au financement de ce coût au travers des « frais de garderie » – établis sur la base des recettes tirées de leur forêt – et d’une contribution forfaitaire à l’hectare de forêt gérée, d’un montant de 2 euros par hectare.
En 2014, l’État a augmenté de 20 millions d’euros le versement compensateur pour le porter à 140 millions d’euros. Dans le cadre du budget triennal 2015-2017, l’objectif de réduction des déficits publics avait conduit le Gouvernement à augmenter progressivement la contribution des communes forestières pour qu’elle atteigne 50 millions d’euros en 2017.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Insupportable !
Mme Carole Delga, secrétaire d’État. La forte opposition des communes forestières a conduit à anticiper la révision du COP de l’établissement, qui devait prendre fin en 2016. Il faut noter que, dès sa première année d’application, en 2012, les hypothèses sous-jacentes à ce COP se sont révélées très ambitieuses, voire peu réalistes. L’État a d’ailleurs contribué à hauteur de 100 millions d’euros au-delà de ce qui était prévu.
En 2015, l’ONF intégrera la baisse de 20 millions d’euros prévue ; le niveau des ventes de bois de 2014 et des économies de gestion y pourvoiront. Je me permets à ce titre de rappeler les efforts réalisés ces dernières années par l’ONF qui ont fortement participé à la réduction des dépenses publiques.
Enfin, les travaux sont d’ores et déjà engagés entre les signataires du COP pour préciser les objectifs et les moyens qui seront assignés à l’établissement pour la période 2016-2020. Nous continuons bien sûr à travailler en concertation avec les communes forestières pour la mise en place d’un dispositif adapté et soutenable.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. J’ai bien entendu vos propos encourageants, madame la secrétaire d’État. J’espère vraiment que nous arriverons à trouver un mode d’organisation qui satisfera l’ensemble des parties. Les communes forestières comme l’État sont attachés au régime forestier.
Il faut seulement que le Gouvernement prenne conscience du fait que la forêt française est exceptionnelle. C’est la quatrième forêt d’Europe en surface et la troisième en volume de bois sur pied. Elle est exceptionnelle par sa diversité, par la gestion durable que les acteurs forestiers ont mise en œuvre depuis des années. C’est un formidable potentiel d’emplois que nous nous devons, compte tenu de la situation économique du pays, d’exploiter – le mot convient particulièrement – et d’optimiser.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Leroy. Je voudrais avant toutes choses remercier la Cour des comptes et la commission des finances qui ont établi deux rapports excellents, faisant un très bon diagnostic de la forêt française, sur la demande initiale du groupe d’études forêt et filière bois du Sénat.
Le rapport de la Cour des comptes qui nous est présenté aujourd’hui doit néanmoins être nuancé dans ses applications. En effet, il rappelle fort opportunément que la forêt française est essentiellement feuillue et très peu résineuse. Or les usages des sciages feuillus ont disparu en grande partie ; nous sommes donc déficitaires en matière de sciages résineux. Cela, c’est une constante, une réalité qui s’impose à nous pour les trois prochaines décennies. D’ailleurs, le marché aura peut-être changé dans trente ans !
On accuse à tort la filière forêt-bois française du déficit, certes considérable, de 6 milliards d’euros. En effet, ce déficit est lié pour une grande partie au fait que nous connaissons un excédent de sciages feuillus que nous ne savons pas utiliser, et un déficit de sciages résineux. Il faut donc se méfier de conclusions qui oublieraient cette évidence.
La Cour des comptes rappelle également fort opportunément une deuxième évidence : ce sont non pas des milliards, mais 900 millions d’euros à peine que l’on donne à la forêt ! Il est important de le souligner : la forêt française ne coûte pas cher.
Le Gouvernement a mis en œuvre le fonds stratégique de la forêt et du bois. Allez-vous, madame la secrétaire d’État, le doter de façon constante et sûre des 100 à 150 millions d’euros dont la forêt a besoin pour assurer son renouvellement et sa bonne mobilisation ?
Vous avez fait l’effort, sur le budget actuel, de mobiliser deux fois 30 millions d’euros, soit 60 millions d’euros en tout. Sans l’assurance de voir doter ce fonds des 100 à 150 millions d’euros nécessaires par an, ce qui n’est rien pour les 15 millions d’hectares de la forêt française, les politiques forestières ne pourront pas être mises en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Ladislas Poniatowski. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Monsieur Leroy, vous avez relevé l’importance que représente le fait de disposer d’une forêt bien gérée. Nous devons mesurer pleinement la contribution de la forêt à l’ensemble des activités économiques sur les territoires, ainsi que son apport en matière environnementale et sociale, que nous devons développer.
Il est nécessaire de rappeler que le Gouvernement a pris pleinement conscience des enjeux concernant la forêt. Il a ainsi, je le répète, mis en place différents dispositifs : il s’est intéressé à la gouvernance, a renforcé le caractère interministériel de la question et a fourni des moyens financiers. Vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, une stratégie n’est valable que si elle est soutenue par des crédits budgétaires.
Cela a été rappelé, le « Fonds Bois II » est en cours de constitution. Une somme de 25 millions d’euros lui est déjà assurée, qui sera fournie par Bpifrance. Les consultations en cours avec les financeurs privés sont de bon augure, et Stéphane Le Foll devrait pouvoir vous annoncer, dans les prochains mois, la mobilisation de montants significatifs.
Je signale également la création du fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’enveloppe atteindra à terme 30 millions d’euros. Ce fonds pourra être pérennisé si une bonne dynamique s’engage. Il pourra être renforcé par l’extension du fonds chaleur à la mobilisation du bois énergie. Je l’ai indiqué tout à l’heure, pour la première fois, 30 millions d’euros seront dirigés de ce dernier fonds pour alimenter en amont tous les dispositifs nécessaires. Nous devons favoriser les moyens de chauffage par le bois, mais il faut être certain que l’alimentation soit bonne.
Avec le compte d’investissement forestier et d’assurance, et grâce à des incitations fiscales significatives, nous ferons également en sorte que l’investissement patrimonial puisse être fait de façon active. La coupe, l’entretien, en somme la production de bois, devront donc jouir d’un dispositif fiscal.
Je rappelle en outre que, grâce à des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, ou FEADER, de nombreux programmes sont fléchés vers le bois.
Enfin, les déclinaisons régionales des programmes de développement rural hexagonal jouiront de la mobilisation de crédits par les régions, qui complèteront les dispositifs majeurs mis en place par l’État.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour la réplique.
M. Philippe Leroy. Je reconnais la bonne volonté du Gouvernement, mais tout cela, madame la secrétaire d’État – pardonnez-moi d’exagérer un peu –, c’est du bricolage ! Alors qu’il nous faut l’assurance de disposer chaque année pendant les quinze prochaines années – pour ce qui concerne la forêt, il ne faut pas raisonner année après année – des 100 à 150 millions d’euros nécessaires à l’amélioration et à la mobilisation de la forêt, vous nous apportez, certes en toute bonne volonté, des solutions de bric et de broc : 10 millions d’euros par-ci, 30 millions d’euros par-là, dont on n’est jamais sûr de la pérennité.
Madame la secrétaire d’État, c’est bien de la pérennité que nous vous demandons, pour que les acteurs de la forêt reprennent confiance, et que nous puissions avancer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour le groupe socialiste.
M. Yannick Botrel. Voilà maintenant un mois, Alain Houpert et moi-même rendions public, au nom de la commission des finances, un rapport d’information sur les soutiens publics à la filière forêt-bois française. Ce rapport faisait suite à une enquête demandée par cette commission à la Cour des comptes.
À la suite de sa publication, nous avons souhaité appeler l’attention du Gouvernement et des différents ministères concernés, en particulier sur la question de la gouvernance de la filière.
En effet, la réflexion stratégique sur ce que devraient être les priorités de la politique forestière française est insuffisante. Cette situation conduit donc trop souvent à un saupoudrage des crédits publics, ce qui ne permet d’être ni performant ni efficient !
La mise en valeur et l’exploitation efficace et raisonnée de la forêt devraient faire consensus. Dès lors, comment cet objectif se traduit-il en politiques publiques, par exemple en matière de reboisement, pour ce qui concerne l’amont – il s’agit là, selon moi, d’un enjeu fondamental requérant des réponses politiques rapides –, mais également en matière de balance commerciale, pour ce qui concerne l’aval ?
À cet égard, je veux préciser un aspect de notre rapport qui a pu être mal compris : nous ne souhaitons pas mettre à mal la filière bois-énergie ; nous nous interrogeons sur les limites des soutiens apportés à cette sous-filière qui, dans certains cas, et aucunement de manière générale, entraînent des tensions sur les ressources et des conflits d’intérêts, qui peuvent affecter d’autres acteurs de la filière.
Plus globalement, c’est l’équilibre des soutiens publics entre les différents acteurs de la filière qui fait l’objet d’interrogations et attend donc des réponses.
Pour ce qui est de la gouvernance de la filière, quelles sont les dispositions concrètes que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre pour la rendre plus adaptée et plus efficace, tant en ce qui concerne l’État, à travers ses ministères, que les acteurs professionnels eux-mêmes, dans l’objectif de mieux conduire les politiques publiques dont la filière bois a besoin ?
Enfin, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question à la fois simple dans l’énoncé et complexe dans la déclinaison des réponses : quelles initiatives comptez-vous prendre rapidement pour développer la filière forêt-bois française aujourd’hui et pour préparer demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Botrel, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt répond, me semble-t-il, à vos attentes.
Tout d’abord, un programme national de la forêt et du bois est en cours d’élaboration par l’ensemble des acteurs de la filière forêt-bois. Il sera décliné en programmes régionaux, sous la double tutelle de l’État et des régions, acteurs économiques clés du développement de la filière bois.
La loi d’avenir a créé le fonds stratégique de la forêt et du bois ; je n’y reviens pas. Et une enveloppe est mobilisée pour la biomasse forestière sur le fonds chaleur.
De plus, un appel à manifestation d’intérêts a été lancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, en lien étroit avec le ministère de l’agriculture et de la forêt, pour une mobilisation accrue du bois-énergie. Cette initiative a été couronnée de succès : plus de 60 millions d’euros de projets ont été identifiés. Les projets définitifs seront sélectionnés au second semestre.
Enfin, le Gouvernement est soucieux d’associer étroitement les acteurs professionnels de la filière aux choix stratégiques, aussi bien amont qu’en aval.
Les commissions régionales de la forêt et du bois seront redéfinies – le décret est en cours – dans le sens d’une participation élargie des acteurs de l’aval de la filière, sous la double présidence de l’État et des régions.
Le programme national de la forêt et du bois, qui est en cours d’élaboration, ses déclinaisons régionales et le contrat stratégique de filière bois, qui a été signé par quatre ministres, constitueront le cadre qui permettra d’avoir une action publique de la filière forêt-bois pour les années futures.
Par conséquent, une nouvelle gouvernance, des financements et un soutien à l’ensemble des acteurs en amont et en aval permettront d’investir fortement dans ce secteur, ce qui n’avait pas été le cas au cours des dix dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. J’apprécie particulièrement la dernière phrase !
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour la réplique.
M. Yannick Botrel. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.
Je le rappelle, le rapport portait sur une période qui s’achevait en 2013. Pour autant, l’enjeu économique est important. La forêt pèse pour 10 milliards d’euros dans notre déficit commercial extérieur, qui s’élève à 60 milliards d’euros.
La nécessaire anticipation doit être au cœur de nos politiques. Le secteur de l’emballage léger en bois nous alerte dès à présent sur un risque de pénurie de la ressource – en clair, il s’agit des plantations de peupliers – d’ici à une quinzaine d’années.
Je souhaite enfin formuler une remarque sur l’organisation de l’action gouvernementale. Nous avons cinq ministères qui jouent chacun leur partition ; cela peut parfois conduire à de la cacophonie. Il faut un chef d’orchestre. Nous attendons des initiatives du Gouvernement à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe socialiste.
M. Henri Cabanel. Madame la secrétaire d’État, le 22 avril dernier, votre collègue Stéphane Le Foll a réuni pour la cinquième fois le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois.
L’objectif du Gouvernement est très clair : corédiger le programme national de la forêt et du bois avec la filière, dans une démarche de nécessaires politiques interrégionales et de prospective à dix ans.
Les défis sont nombreux, dans un contexte de réforme institutionnelle débouchant sur un nouveau paysage territorial : la lutte contre le réchauffement climatique, la baisse de la dépendance énergétique, le soutien à l’emploi non-délocalisable, la mise en exergue des circuits courts...
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En France, la filière forêt-bois représente 500 000 emplois. Et 300 mètres cubes de bois valorisés, cela équivaut à un emploi non-délocalisable.
C’est pourquoi le Gouvernement s’est uni, via la loi d’avenir, aux collectivités locales et à l’Europe pour mettre en avant le bois dans la construction avec le projet « 100 constructions publiques en bois local », fortement relayé par la Fédération nationale des communes forestières.
À mi-parcours, l’initiative est une réussite. Les collectivités ont compris qu’elles avaient un rôle majeur à jouer en optant pour cette ressource locale, s’agissant tant de la structuration de la filière que du développement économique de leur territoire.
Le département de l’Hérault s’était distingué en obtenant en 2014 le Prix national de la construction bois, avec la salle de spectacle du Domaine d’O, le théâtre Jean-Claude Carrière.
La filière bois fait partie des trente-quatre filières d’avenir identifiées par le Gouvernement, qui vient récemment de signer le contrat de filière bois. Il s’agit de signes forts pour cette filière pourtant affaiblie par la concurrence mondiale.
Face aux efforts constants de la filière, les démarches de certification, les investissements consacrés chaque année à l’innovation et à la modernisation de l’outil de production par les industriels de la transformation du bois, quels moyens envisagez-vous pour soutenir les collectivités territoriales qui optent pour le bois dans leurs constructions ?
Quelles aides incitatives particulières peuvent être mises en place pour favoriser le bois, idéalement le bois français, dans la construction de logements sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Cabanel, vous avez raison : le développement de l’utilisation du bois dans la construction est un levier majeur, sinon le principal, pour l’essor de la filière bois.
Différents leviers peuvent être actionnés pour valoriser les bois français. Je signale d’abord l’initiative du secteur privé, qui vient de proposer un label « bois français ». Cependant, il est difficile d’envisager des aides directes aux collectivités locales pour soutenir la construction en bois ; cela comporterait de lourds risques de contentieux. Une décision récente du Conseil constitutionnel a abouti à l’annulation du décret de 2012 sur le seuil minimal d’incorporation du bois dans la construction.
En revanche, l’État met en œuvre des programmes d’actions, notamment dans le cadre du contrat stratégique de filière, visant non le soutien de la demande, mais l’organisation de l’offre.
Ainsi, le plan bois-construction II pour la période 2014-2017, soutenu par le ministère du logement, se décline autour de trois axes stratégiques : formation-emploi-compétences ; valorisation des feuillus dans la construction ; positionnement des solutions bois sur le marché de la réhabilitation de logements.
En outre, le plan de la Nouvelle France industrielle est également en cours de déploiement et porteur d’une grande ambition pour cette filière d’avenir.
Il convient de rester vigilant pour éviter qu’un développement trop brutal de l’usage du bois dans la construction ne fasse le lit d’importations massives.
C’est pourquoi nous cherchons en parallèle à faire en sorte que ce marché puisse mieux s’appuyer sur la mobilisation de la ressource forestière nationale.
Des travaux sont également engagés sur la commande publique, afin de mobiliser les grandes entreprises publiques et privées, via la commande publique, et soutenir ainsi les entreprises de la filière forêt-bois, le tout grâce à des mesures de simplification et de définition des critères de performance pour la sélection de l’offre, en parallèle d’une formation accrue des maîtres d’ouvrage.
Le secteur bois sera donc pleinement pris en compte dans les modifications apportées au code des marchés publics. L’ordonnance est prévue pour le mois prochain.
Monsieur le président, je profite de cette dernière question pour rappeler que la politique gouvernementale de soutien à la filière bois vise à faire mentir Chateaubriand, selon lequel « les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent ». Nous voulons que le peuple et la forêt puissent coexister durablement, qu’il s’agisse de l’économie, du social ou de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des précisions que vous venez d’apporter.
Les collectivités locales ou les bailleurs sociaux ont effectivement été un peu refroidis par le coût que pouvait représenter la construction en bois. Certes, ce coût a diminué depuis la deuxième moitié des années soixante-dix ; aujourd'hui, il est équivalent à celui de la construction en parpaing.
C’est à la force publique de montrer l’exemple, en se lançant dans la construction en bois, d’autant que nous sentons une certaine frilosité chez les bailleurs sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la forêt française.
10
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, l’inscription à l’ordre du jour du lundi 11 mai, le matin, l’après-midi et le soir, de la suite de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Acte est donné de cette communication.
Dans la ligne de ce qu’a évoqué hier soir le président de séance Claude Bérit-Débat, et après concertation avec le Gouvernement et les groupes, l’ordre du jour du lundi 11 mai s’établira donc comme suit :
À 10 heures :
- Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
À 14 heures 30, le soir et la nuit (jusqu’à minuit et demi) :
- Suite de l’ordre du jour du matin ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (projet n° 193, texte de la commission n° 426, rapport n° 425, avis n° 394).
Avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Octroi de mer
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004, relative à l’octroi de mer.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 7.
Article 7
L’article 6 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent exonérer l’importation : » ;
2° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° De biens destinés à une personne exerçant une activité économique, au sens de l’article 256 A du code général des impôts. Les exonérations sont accordées par secteur d’activité économique, dans des conditions fixées par décret ; »
3° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° De biens destinés à des établissements exerçant des activités scientifiques, de recherche ou d’enseignement ; »
4° Au début du 3°, les mots : « D’équipements » sont remplacés par les mots : « De biens » ;
5° Au début du 4°, les mots : « D’équipements sanitaires » sont remplacés par les mots : « De biens » ;
6° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° De biens destinés à des organismes mentionnés au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. »
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À l’exception des produits listés dans les annexes de la décision du Conseil n° 940/2014/UE du 17 décembre 2014 relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises, les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent exonérer l’importation : » ;
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7
Remplacer le mot :
établissements
par le mot :
personnes
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Après le mot :
établissements
insérer les mots :
ou personnes morales
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. L’exonération prévue à l’article 7 devait concerner les personnes exerçant une activité scientifique, de recherche ou d’enseignement. Toutefois, tel qu’il est actuellement rédigé, cet article ne vise que les « établissements ». Or ce terme pourrait être interprété de manière trop restrictive et empêcher l’application de cette disposition à des personnes privées qui n’exerceraient pas une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts, mais qui assumeraient à titre accessoire des activités de recherche bénéficiant à toute une filière.
Ainsi, cette restriction empêcherait l’association Interprobois en Guyane, par exemple, de bénéficier de l’exonération. Celle-ci se verrait alors réclamer le paiement de l’octroi de mer suspendu depuis un an en attendant le vote de l’amendement. Ces sommes n’ayant jamais été prévues dans le plan de financement du projet, l’association serait dans l’incapacité de les payer sans une intervention des financeurs publics, dont la région Guyane.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n°19 rectifié bis, que son auteur a bien voulu modifier à la demande de la commission afin qu’il s’applique non pas aux « personnes », mais aux « personnes morales ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Nous partageons la position du rapporteur : nous n’étions pas enthousiasmés par la possibilité d’exonérer des personnes physiques, mais l’amendement portant sur les « établissements et personnes morales », nous y sommes favorables et nous levons le gage.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 19 rectifié ter, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
établissements
insérer les mots :
ou personnes morales
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau, Delahaye, Trillard, Gabouty, Canevet, Fontaine et Bonnecarrère et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De biens destinés à l’accomplissement des missions de l’État ; »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. J’ai tenu compte des discussions que nous avons eues ce matin, qui constituent à mes yeux un engagement à poursuivre le dialogue et la réflexion sur la prise en considération des différents handicaps que peut représenter pour les services de l’État l’octroi de mer. Celui-ci impose notamment à des hauts fonctionnaires de devoir négocier au cas par cas avec les collectivités territoriales l’obtention d’une exonération.
Cet amendement, dont la rédaction a évolué, vise à étendre les possibilités d’exonération données aux collectivités locales d’outre-mer à l’ensemble des biens destinés à l’accomplissement des missions de l’État. Il est en effet dommage que les choix d’acquisition de biens d’équipement collectifs nécessaires à l’accomplissement de fonctions régaliennes ou, plus largement, de missions d’intérêt national, puissent souffrir du fait des droits d’octroi.
Cette évolution est loin d’être aussi substantielle que celle que j’avais proposée ce matin, mais je prends la mesure des contraintes qui sont les nôtres et de la nécessité aujourd'hui d’accélérer l’application des nouvelles formules d’octroi de mer.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Delahaye, Trillard, Gabouty, Canevet, Fontaine et Bonnecarrère et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° De biens nécessaires aux services d’incendie et de secours. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Nous avons déjà abordé ce sujet ce matin.
L’article 6 de la loi de 2004 relative à l’octroi de mer, que l’article 7 du présent projet de loi tend à modifier, prévoit que les exonérations s’appliquent aux biens destinés à l’accomplissement des « missions régaliennes de l’État ». L’amendement n° 17 rectifié ter vise à étendre cette exonération aux biens destinés à l’accomplissement de l’ensemble des missions de l’État. Il nous semble que cette modification ouvrirait un champ très large et bien peu défini.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 17 rectifié ter, ainsi qu’à l’amendement n° 18 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous avons déjà eu ce débat ce matin. Effectivement, la proposition que fait le sénateur Joël Guerriau semble extrêmement large. Si nous comprenons le sens du débat sur les missions régaliennes de l’État, il ne nous semble pas souhaitable en revanche de viser les missions de l’État en général.
L’amendement n° 18 rectifié bis vise les biens nécessaires aux services d’incendie et de secours. Or il n’y a eu aucune demande de ce type à ce jour. Par conséquent, on doit considérer que la possibilité d’exonérer les biens nécessaires à ce type de service existe déjà. Cet amendement est donc satisfait.
M. le président. Monsieur Guerriau, les amendements nos 17 rectifié ter et 18 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Joël Guerriau. On me dit que j’ai déjà satisfaction, mais, si j’ai soulevé le sujet, c’est bien parce que tout le monde n’est pas satisfait. Pour avoir eu des échanges avec certains services de l’État pour l’outre-mer, je souligne que le fait de contraindre des responsables administratifs à négocier au cas par cas des exonérations me paraît très discutable. Je maintiens donc mes amendements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par M. Antiste, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
L'amendement n° 34 est présenté par M. Milon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 9
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
5° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° De biens destinés aux établissements et centres de santé, ainsi qu’aux établissements et services sociaux et médico-sociaux publics ou privés ; »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l'amendement n°24 rectifié.
M. Maurice Antiste. L’objet de cet amendement est de permettre aux conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, à l’assemblée de Guyane, à l’assemblée de Martinique et au conseil départemental de Mayotte d’exonérer également d’octroi de mer les importations en direction des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi qu’aux centres de santé sans limiter cette faculté aux seuls établissements de santé.
M. le président. L'amendement n° 34 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 24 rectifié ?
M. Éric Doligé, rapporteur. M. Millon avait effectivement déposé un amendement identique, que M. Revet, qui était présent ce matin, aurait défendu avec passion si la séance s’était poursuivie jusqu’à treize heures trente, comme il le pensait.
La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 24 rectifié bis. J’indique toutefois que, à titre personnel, j’y suis favorable, car il me semble préciser utilement le champ des établissements pouvant bénéficier de l’exonération prévue au 4° de l’article 6 de la loi de 2004.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Cet amendement a pour objet d’exonérer totalement ou partiellement certains biens destinés aux établissements de santé publics ou privés. Cet élargissement est bienvenu et, par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.
Par ailleurs, je lève le gage.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 24 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot et S. Larcher, et ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
5° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° De biens destinés aux établissements et centres de santé, ainsi qu’aux établissements et services sociaux et médico-sociaux publics ou privés » ;
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° De tous autres biens pour lesquels il est justifié d’une utilité économique ou sociale particulière et de l’impossibilité de s’approvisionner sur le marché local. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Il s’agit de permettre à l’assemblée de Martinique, à l’assemblée de Guyane, aux conseils régionaux de la Guadeloupe et de la Réunion et au conseil départemental de Mayotte de consentir des exonérations sur de nouveaux produits en fonction des nécessités des secteurs concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La commission s’interroge sur cet amendement, dont la rédaction est extrêmement imprécise. On ne sait pas très bien en effet quels produits pourraient être concernés.
La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous ne sommes pas favorables à cet amendement qui est en effet rédigé en des termes extrêmement vagues. Or je rappelle que nous devons toujours faire vérifier par la Commission européenne le différentiel d’octroi de mer. Une telle formulation ne permet absolument pas de suivre la procédure indispensable.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Il est défavorable. Tous les biens, quels qu’ils soient, finissent par avoir une « utilité économique ou sociale particulière ». Même les produits dont on parlait ce matin, sur la nomenclature desquels nous n’étions pas d’accord, pourraient entrer dans ce cadre.
M. le président. Monsieur Antiste, l'amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Le premier alinéa de l’article 7 de la même loi est ainsi rédigé :
« Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent exonérer les livraisons de biens produits localement. » – (Adopté.)
Article 9
I. – Après l’article 7 de la même loi, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :
« Art. 7-1. – Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent exonérer les importations, mises à la consommation et livraisons :
« 1° De biens destinés à l’avitaillement des aéronefs et des navires ;
« 2° De carburants destinés à un usage professionnel qui ont fait l’objet d’une adjonction de produits colorants et d’agents traceurs conformément à l’article 265 B du code des douanes. Cette exonération est accordée par secteur d’activité économique. »
II (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Avant les mots :
Les conseils régionaux
insérer les mots :
À l’exception des produits listés dans les annexes de la décision du Conseil n° 940/2014/UE du 17 décembre 2014 relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises,
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l’article 9
M. le président. L’amendement n° 29 n’est pas soutenu.
Article 10
L’article 8 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 8. – Les biens en provenance d’un État ou d’un territoire n’appartenant pas à l’Union européenne qui sont importés en franchise de droits de douane et de taxe sur la valeur ajoutée bénéficient d’une franchise d’octroi de mer.
« Les biens en provenance d’un État membre de l’Union européenne sont importés en franchise de taxe sur la valeur ajoutée et d’octroi de mer lorsque leur valeur totale n’excède pas 1 000 €, pour les biens transportés par les voyageurs, ou 205 €, pour les biens qui font l’objet de petits envois non commerciaux. » – (Adopté.)
Article 11
L’article 9 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au 1°, le mot : « marchandises » est remplacé par le mot : « biens » ;
2° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le prix payé ou à payer au prestataire situé en dehors de la collectivité, pour les biens qui sont expédiés temporairement hors d’une collectivité mentionnée à l’article 1er et réimportés dans cette collectivité, après avoir fait l’objet d’une réparation, d’une transformation, d’une adaptation, d’une façon ou d’une ouvraison. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux biens dont l’importation est exonérée conformément au 2° de l’article 4. » – (Adopté.)
Article 12
I. – L’article 10 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 10. – I. – Le fait générateur de l’octroi de mer se produit et l’octroi de mer devient exigible au moment de l’importation ou de la livraison du bien.
« II. – Pour les produits pétroliers et assimilés énumérés au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes, le fait générateur de l’octroi de mer se produit et l’octroi de mer devient exigible :
« 1° Lors de l’importation des produits ou lors de leur mise à la consommation en sortie d’un entrepôt fiscal de stockage défini à l’article 158 A du code des douanes pour les produits qui ne font pas l’objet d’une transformation dans un entrepôt fiscal de production mentionné à l’article 163 du même code ;
« 2° Ou lors de la livraison prévue au 2° de l’article 1er pour les produits qui ont fait l’objet d’une transformation sous un régime suspensif de production mentionné à l’article 163 du code des douanes. »
II (nouveau). – Les articles 11 et 12 de la même loi sont abrogés. – (Adopté.)
Article 13
(Supprimé)
Article 14
Au 1° de l’article 17 de la même loi, le mot : « perçu » est remplacé par le mot : « acquitté » et les mots : « des marchandises » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 15
À l’article 18 de la même loi, le mot : « Seules » est supprimé et les références : « des 1° à 3° » sont remplacées par les références : « des 1° et 3° ».
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article 18 de la même loi, le mot : « Seules » est supprimé, les références : « des 1° à 3° » sont remplacées par les références : « des 1° et 3° » et, après la référence : « de l’article 4 », sont insérées les références : « et du 1° du I de l’article 5 ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel, destiné à tirer les conséquences de l’amendement qui a été adopté sur le marché unique antillais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, l'article 15 est ainsi rédigé.
Article 16
L’article 19 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – L’octroi de mer qui a grevé un bien d’investissement est déductible en totalité lorsqu’il est affecté à hauteur de plus de 50 % à des opérations ouvrant droit à déduction et n’est pas déductible lorsqu’il est affecté à hauteur de 50 % ou moins à des opérations ouvrant droit à déduction. » ;
2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– au début, sont ajoutés les mots : « L’octroi de mer qui a grevé » ;
– à la fin, les mots : « n’ouvrent pas droit à déduction » sont remplacés par les mots : « n’est pas déductible » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée :
« Il en est de même de l’octroi de mer qui a grevé les éléments constitutifs, les pièces détachées et les accessoires de ces véhicules et engins. »
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Avant les mots :
L'octroi de mer
insérer les mots :
À l’exception des produits listés dans les annexes de la décision du Conseil n° 940/2014/UE du 17 décembre 2014 relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises,
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
Après l’article 19 de la même loi, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19-1. – Les personnes qui, au cours d’une année civile, franchissent le seuil d’assujettissement mentionné à l’article 2 peuvent, dans les conditions fixées par l’article 19, déduire l’octroi de mer qui a grevé les biens d’investissement acquis durant cette année civile et durant l’année civile précédente. Le montant de l’octroi de mer dont la déduction est ainsi ouverte doit être mentionné de façon distincte sur la première déclaration trimestrielle. La taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures dans les conditions fixées au second alinéa de l’article 16. » – (Adopté.)
Article 18
Au second alinéa de l’article 24 de la même loi, les mots : « de biens d’investissement qui ont supporté l’octroi de mer » sont remplacés par les mots : « des biens d’investissements » et les références : « 1° à 3° et 5° » sont remplacées par les références : « 1° et 3° ».
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le second alinéa de l’article 24 de la même loi est ainsi modifié :
1° Les mots : « de biens d’investissement qui ont supporté l’octroi de mer » sont remplacés par les mots : « des biens d’investissements » ;
2° Les références : « 1° à 3° et 5° » sont remplacées par les références : « 1° et 3° » ;
3° Est ajoutée la référence : « et du 1° du I de l’article 5 ».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Le Gouvernement étant cohérent avec lui-même, la commission ne peut être que favorable à cet amendement !
M. le président. En conséquence, l'article 18 est ainsi rédigé.
Article 19
L’article 25 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 25. – L’octroi de mer qui a grevé des biens qui, dans les deux ans suivant leur importation par une personne exerçant une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts ou leur livraison à une telle personne, font l’objet, par cette personne, d’une livraison exonérée en application des 1° et 3° de l’article 4 peut être remboursé dès lors que la taxe a été facturée ou acquittée et n’a pas été imputée. »
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
de l’article 4
insérer les références :
et du 1° du I de l’article 5
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
L’article 27 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 27. – Les taux de l’octroi de mer sont fixés par délibération du conseil régional de Guadeloupe et de La Réunion, de l’assemblée de Guyane, de l’assemblée de Martinique ou du conseil départemental de Mayotte.
« Ils sont fixés par référence aux codes de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I au règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun ou aux codes de toute autre nomenclature qui reprend la nomenclature combinée en y ajoutant éventuellement des subdivisions pour les positions limitativement prévues à l’annexe à la décision du Conseil n° 940/2014/UE, du 17 décembre 2014, relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises.
« Les taux de l’octroi de mer ne peuvent pas excéder un taux maximal de 60 % et, pour les produits alcooliques et les tabacs manufacturés, un taux maximal de 90 %. À Mayotte, ces taux maximaux sont majorés de moitié.
« Sous réserve de l’article 28, les produits identiques ou similaires sont soumis au même taux, qu’ils soient livrés à titre onéreux ou importés, quelle qu’en soit la provenance. » – (Adopté.)
Article 21
L’article 28 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’écart, résultant de délibérations prises en application de l’article 7, entre le taux applicable aux importations et le taux applicable aux livraisons d’un même bien ne peut excéder : » ;
2° Au 1°, les mots : « 2004/162/CE du Conseil du 10 février 2004 relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE » sont remplacés par les mots : « du Conseil n° 940/2014/UE, du 17 décembre 2014, relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé. – (Adopté.)
Article 22
L’article 29 de la même loi est abrogé. – (Adopté.)
Article 23
L’article 30 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « 2004/162/CE du 10 février 2004 du Conseil » sont remplacés par les mots : « du Conseil n° 940/2014/UE, du 17 décembre 2014, » et les mots : « le conseil régional adresse » sont remplacés par les mots : « le conseil régional de Guadeloupe ou de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique ou le conseil départemental de Mayotte adressent » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « du conseil régional » sont supprimés et le mot : « trimestre » est remplacé par le mot : « semestre » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « du conseil régional » sont supprimés ;
3° Le dernier alinéa est supprimé. – (Adopté.)
Article 24
L’article 31 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les références : « aux articles 28 et 29 » sont remplacées par la référence : « à l’article 28 » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , sans excéder le pourcentage strictement nécessaire pour maintenir, promouvoir et développer les activités locales » ;
2° Au second alinéa, le mot : « trimestre » est remplacé par le mot : « semestre » et après les mots : « le conseil régional » sont insérés les mots : « de Guadeloupe ou de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique ou le conseil départemental de Mayotte » et le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité ». – (Adopté.)
Article 25
L’article 32 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 32. – Aucune différence de taxation n’est autorisée entre les importations de produits bénéficiant du régime spécifique d’approvisionnement prévu au chapitre III du règlement (UE) n° 228/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mars 2013, portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 247/2006 du Conseil et les livraisons de produits similaires dans la collectivité. » – (Adopté.)
Article 26
Le second alinéa de l’article 34 de la même loi est supprimé. – (Adopté.)
Article 27
Le II de l’article 35 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les factures doivent faire apparaître distinctement, pour chaque bien, le montant de l’octroi de mer, le taux d’imposition ainsi que sa position par référence aux codes de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I au règlement (CEE) n° 2658/87 du 23 juillet 1987 précité ou aux codes de toute autre nomenclature qui reprend la nomenclature combinée en y ajoutant éventuellement des subdivisions pour les positions limitativement prévues à l’annexe à la décision du Conseil n° 940/2014/UE, du 17 décembre 2014, précitée. » ;
2° Au second alinéa, les références : « articles 5 et 7 » sont remplacées par les références : « articles 7 et 7-1 ». – (Adopté.)
Article 28
Au dernier alinéa de l’article 36 de la même loi, le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité ». – (Adopté.)
Article 29
L’article 37 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le début est ainsi rédigé : « Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de la Martinique ou le conseil départemental de Mayotte peuvent … (le reste sans changement) » ;
– le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité » ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « ainsi que celles exonérées en application de l’article 5 » sont supprimés ;
c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « au titre des articles 6 et 7 » sont remplacés par les mots : « en vertu des articles 6 à 7-1 » ;
– après les mots : « les conseils régionaux » sont insérés les mots : « de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte » ;
2° Au III, le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité » et les références : « aux articles 28 et 29 » sont remplacées par les références : « à l’article 28 ». – (Adopté.)
Article 29 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article 38 de la même loi est ainsi rédigé :
« Les mouvements, d’une part, de biens importés ou produits en Guadeloupe et expédiés ou livrés en Martinique et, d’autre part, de biens importés ou produits en Martinique et expédiés ou livrés en Guadeloupe, font l’objet d’une déclaration périodique et du dépôt d’un document d’accompagnement. » – (Adopté.)
Article 30
L’article 39 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’expédition à destination de Martinique et de Guadeloupe ou la livraison dans ces collectivités de biens qui ont fait l’objet dans l’une de ces collectivités d’une importation donnent lieu à un versement annuel affecté aux communes de la collectivité de destination des biens. » ;
2° Au deuxième alinéa, à la seconde phrase du troisième alinéa et au dernier alinéa, le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité » ;
3° À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « les marchandises ont été expédiées ou livrées » sont remplacés par les mots : « les biens ont été expédiés ou livrés » ;
4° À la première phrase du 1° et au dernier alinéa, le mot : « marchandises » est remplacé par le mot : « biens ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 30
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam et J. Gillot, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article 39 de la même loi, il est inséré un article 39-1 ainsi rédigé :
« Art. 39-1. – Les livraisons dans une collectivité du marché unique antillais de biens expédiés ou transportés à destination de la Guyane et les livraisons en Guyane de biens expédiés ou transportés à destination du marché unique antillais donnent lieu à un reversement annuel affecté aux collectivités du département de destination des biens.
« Le versement est prélevé sur les produits de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional perçus dans le département de livraison. Il vient en complément des produits de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional perçus directement dans le département de destination au titre des articles 1er et 37.
« Il est calculé selon des modalités fixées par le décret prévu à l’article 52. Ces modalités reposent sur l’application des taux d’octroi de mer et d’octroi de mer régional exigibles à la livraison dans le département à partir duquel les biens ont été expédiés ou livrés à :
« 1° La valeur en douane des biens en cas d’expédition sans transfert de la propriété. La valeur en douane est calculée comme en matière de valeur en douane à l’exportation ;
« 2° Au prix hors taxe facturé en cas de livraison.
« Les taux applicables sont ceux en vigueur au 31 décembre de l’année au titre de laquelle le versement intervient.
« Il est procédé au versement un an au plus tard après la date à laquelle a été réalisée l’expédition ou la livraison de biens dans le département de destination. »
II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. La loi relative à l'octroi de mer a organisé des règles d’échanges dérogatoires au droit commun entre la Guyane et le MUA, le marché unique antillais. Les biens livrés dans le MUA et expédiés en Guyane sont soumis à l’octroi de mer interne et à l’octroi de mer régional interne dans le département de livraison, et vice-versa.
Le département de consommation se trouve donc privé des recettes à double titre.
D’une part, l’application du droit commun est écarté et les produits importés ne sont plus soumis à l’octroi de mer externe dans le département de consommation. Le manque à gagner pour les collectivités territoriales est évalué, en Guyane, à 4 millions d’euros par an et à 1,9 million d’euros par an pour le MUA.
D’autre part, les biens sont soumis à l’octroi de mer interne dans le territoire de livraison. Ce prélèvement est répercuté sur les consommateurs du territoire de consommation, mais il ne génère aucune recette pour les collectivités de ce territoire. Le gain pour les collectivités régionales de Martinique et de Guadeloupe varie de 500 000 à 600 000 euros par an. Les biens livrés en Guyane et expédiés dans le marché unique antillais ne sont actuellement pas soumis à l’octroi de mer interne et ne génèrent pas de recettes.
À l’issue de l’accord sur l’aménagement des règles d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais, les conseils régionaux ont indiqué ne pas être opposés à la mise en place d’une clause de reversement entre la Guyane et le marché unique antillais, à l’instar de celle qui existe déjà entre la Guadeloupe et la Martinique pour les importations. Les taxes d’octroi de mer et d’octroi de mer régional perçues dans le MUA sur les biens expédiés en Guyane, et inversement, pourront désormais faire l’objet d’un reversement au profit des collectivités du département de consommation.
Cet amendement vise donc à tirer les conséquences des dispositions arrêtées lors de la réunion du 28 avril dernier, mais aussi à mettre en œuvre de manière efficace les adaptations nécessaires à nos territoires, et ce dans un esprit de concertation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Cet amendement n’est pas inintéressant, donc il est intéressant ! (Sourires.)
Dans la mesure où ce dispositif ne figurait pas dans l’accord du 28 avril dernier, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement, car il est difficile d’en évaluer l’impact.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Monsieur le président, avant de donner mon avis sur cet amendement, permettez-moi de faire part au sénateur de la Guyane de la solidarité du Gouvernement avec les populations de Camopi qui viennent d’être frappées par des inondations. Je sais que, depuis hier, les hélicoptères de la sécurité civile, dont on voit l’intérêt, interviennent et que la solidarité a commencé à s’exercer. Je me suis rendue à Camopi en février dernier, monsieur le sénateur, et je tiens à ce que vous fassiez savoir aux populations concernées que nous ne les oublions pas et que nous sommes à leurs côtés.
L’amendement n° 25 rectifié soulève le problème des relations entre le marché unique antillais et la Guyane. Nous avons examiné cette question lors de la réunion que nous avons eue ensemble. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, nous avons pu dégager des points d’accord sur des sujets qu’il était particulièrement urgent de régler et identifier d’autres secteurs sur lesquels nous devons continuer à travailler.
Par ailleurs, nous avons dégagé une méthode afin que les élus de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe puissent se retrouver et échanger sur les problèmes de perception, de taux différenciés de l’octroi de mer, de reversements éventuels, voire de lieu où l’imposition est due.
Nous prenons acte de la difficulté signalée dans l’amendement n° 25 rectifié et nous confions à la commission le soin d’examiner cette question et d’y apporter des réponses concertées.
Il m’avait d’ailleurs semblé, lors de la réunion que nous avons eue avec les élus de la Martinique notamment, que ces derniers étaient ouverts à une évolution sur ce sujet. En organisant une réunion et en examinant cette question sereinement, nous devrions donc parvenir à une solution dans un délai raisonnable.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. Monsieur Patient, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
M. Georges Patient. J’ai pris note des propos tenus par Mme la ministre. En la circonstance, j’aimerais qu’on aille un peu plus vite que d’habitude, car il s’agit d’un problème important, qui représente un certain poids financier, comme en témoignent les chiffres que j’ai cités sur le niveau des échanges entre le marché unique antillais et la Guyane.
Je retire mon amendement, madame la ministre, mais je souhaite que ce sujet soit inscrit à l’ordre du jour de la première réunion de l’instance de concertation qui, me semble-t-il, devrait se tenir dans le courant du mois de mai.
M. Serge Larcher. Je salue la sagesse de mon collègue de Guyane, qui a retiré son amendement.
Depuis la réunion du 28 avril dernier, on sent une certaine ouverture sur cette question, notamment chez les élus du conseil général de la Martinique. Il ne faudrait pas aller contre ce mouvement avec ce projet de loi.
Faisons confiance à ces élus, car ils sont capables d’établir progressivement un système ne spoliant pas les intérêts de la Guyane.
Saluons donc l’ouverture dont ils font preuve et continuons à travailler ensemble, de manière consensuelle et en toute intelligence, afin de trouver des solutions satisfaisantes pour le marché antillo-guyanais. Évitons de provoquer des crispations ou d’opposer les uns et les autres. La décision de mon collègue Patient de retirer son amendement va dans ce sens.
Article 31
À l’article 45 de la même loi, les mots : « et pour l’application de ces articles dans les régions d’outre-mer » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 32
Le premier alinéa de l’article 47 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, le produit … (le reste sans changement) » ;
2° À la deuxième phrase, les mots : « le département » sont remplacés par les mots : « la collectivité territoriale ou le Département ».
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° À la deuxième phrase, après les mots : « en Guadeloupe, » sont insérés les mots : « en Guyane » et les mots : « en Guyane et » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour le département de la Guyane du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Sur la question de la répartition de l’octroi de mer, la Guyane se distingue des autres départements d’outre-mer, puisque le conseil général bénéficie, aux côtés des communes, d’une part correspondant à 35 % du montant total de la « dotation globale garantie » de la taxe d’octroi de mer. Cette part a été plafonnée à partir de 2005 à 27 millions d’euros, montant perçu par le département en 2003.
Cette disposition, prise dans une loi de finances en 1974, à la suite des difficultés financières du conseil général, a été confortée dans la loi de 2004 relative à l’octroi de mer. Cette disposition est unique en France, en particulier dans les DOM. Elle permet à l’État de récupérer les recettes destinées aux communes pour résorber le déficit du conseil général, plutôt que de prendre les mesures adaptées relevant de la solidarité nationale, instituant ainsi une péréquation entre collectivités pauvres.
Cet amendement vise à supprimer ce prélèvement, qui pénalise très lourdement les communes de Guyane.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Je comprends très bien la position de Georges Patient, qui revient régulièrement sur la situation très particulière de la Guyane, comme il l’a fait avec l’amendement précédent.
On comprend que le régime très spécifique qu’il évoque, qui permet au département de percevoir 27 millions d’euros normalement affectés aux communes, pose problème à ces dernières. Mais on peut aussi se demander comment ferait le département si on lui retirait ces 27 millions d’euros. La solution n’est donc pas aisée à trouver.
Je rappelle que le département et la région devraient prochainement constituer une collectivité unique. Il sera alors peut-être plus facile de trouver une solution au sein de cet ensemble plus vaste, qui, globalement, ne disposera cependant pas de plus de moyens financiers.
Toujours est-il qu’on ne peut pas être a priori favorable à cet amendement, qui, s’il était adopté, déstabiliserait les finances du département de la Guyane.
Deux autres amendements similaires à celui-ci ayant été déposés, j’aimerais avoir l’éclairage du Gouvernement, qui a peut-être une solution pour répondre positivement à la demande de Georges Patient.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous ne sous-estimons pas la difficulté soulevée dans ces amendements. Toutefois, la disposition en question est ancienne puisqu’elle date de 1974 : cela fait donc quarante ans que cette situation existe.
S’il est vrai que 27 millions d’euros sont prélevés au profit du département, il faut tout de même reconnaître que la part affectée aux communes est en constante progression. Elle est ainsi passée de 63 millions d’euros en 2008 à 76 millions d’euros en 2014. Cette évolution est logique, car la population de la Guyane ne cesse de croître. Par conséquent, la consommation augmente également.
Nous avons fait des efforts pour permettre un rattrapage en Guyane. À cet égard, je rappelle que, en 2014, la DGF par habitant du département, dont le montant s’établissait à 57,15 euros, était la plus élevée des DOM. C'est aussi celle qui connaît le plus fort taux d’augmentation des DOM.
Par conséquent, il nous semble que les difficultés des communes de la Guyane, dont nous somment conscients, sont aujourd’hui prises en compte. Ce n’est pas en « coulant » le département que l’on va régler la question.
Quand nous évoquerons le pacte pour la Guyane et que nous préparerons le rapprochement des deux collectivités, nous aurons sans doute à nous pencher sur cette question. En attendant, les choses ne sont pas assez mûres pour qu’elle puisse être réglée dans le présent projet de loi.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Patient, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Georges Patient. Obtenant régulièrement les mêmes réponses, je répéterai moi aussi la même chose, à savoir qu’il faut comparer ce qui est comparable. J’ai déjà évoqué cette question dans un rapport que j’ai rédigé. J’aurais préféré que vous me répondiez, madame la ministre, que l’adoption de dispositions plus favorables aux communes de Guyane était envisageable dans le prochain projet de loi de finances.
Vous avez évoqué le pacte pour la Guyane, madame la ministre : nous l’attendons lui aussi depuis un certain temps ! Or les Guyanais peuvent difficilement attendre. Je ne voudrais pas que l’on pense, sur le fondement des chiffres que vous venez de donner, que les communes de Guyane sont riches, car tel n’est pas le cas.
Je rappelle en effet que la Guyane connaît une croissance démographique exponentielle, la plus forte de France : près de 4 % par an – et jusqu’à 8 % dans certaines communes ! Le PIB est en revanche le plus faible de toutes les régions françaises, après Mayotte : il représente moins de 50 % du PIB de la métropole. En outre, plus du quart de la population vit dans des conditions difficiles. Tout cela doit donc nous conduire à porter une attention très soutenue à la Guyane.
Cela étant dit, je retire mon amendement, pour éviter de procéder à un vote qui en gênerait certains.
M. Joël Guerriau. Quel dommage !
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 32.
(L'article 32 est adopté.)
Article 33
L’article 48 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les deux premières phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Les modalités de répartition de la dotation globale garantie mentionnée à l’article 47 peuvent être modifiées par décret pris sur la proposition du conseil régional de Guadeloupe ou de La Réunion, de l’assemblée de Guyane, de l’assemblée de la Martinique ou du conseil départemental de Mayotte dans un délai de deux mois à compter de la transmission de cette proposition au représentant de l’État dans la collectivité. » ;
b) À la dernière phrase, les mots : « du conseil régional » sont supprimés ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Nonobstant le premier alinéa, la collectivité de Guyane reçoit une part de la dotation globale garantie fixée à 35 % et plafonnée à 27 millions d’euros. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° À la seconde phrase du second alinéa, après l'année : « 2005 », sont insérés les mots : « et jusqu’à l’exercice 2015 inclus ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – La perte de recettes résultant pour le département de la Guyane du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié est retiré.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À compter de l’exercice 2016, la part de la dotation globale garantie reçue par la collectivité territoriale de Guyane est plafonnée à 27 millions d'euros. À compter de l’exercice 2017, elle est plafonnée à 18 millions d'euros. À compter de l’exercice 2018, elle est plafonnée à 9 millions d’euros. À compter de l’exercice 2019, la collectivité territoriale de Guyane ne la reçoit plus. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – La perte de recettes résultant pour la collectivité territoriale de Guyane est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. L’objet de cet amendement est lui aussi de prévoir une meilleure répartition du produit de l’octroi de mer.
L’amendement n° 9 rectifié que j’ai retiré tendait à prévoir la suppression immédiate de la part du montant total de la dotation globale garantie affectée à la collectivité territoriale de Guyane. Le présent amendement tend, lui, à réduire progressivement ce montant, afin de tenir compte de la situation contrainte des finances de l’État. Le manque à gagner pour le département serait compensé par une majoration à due concurrence de la DGF.
S’il était adopté, cet amendement conduirait à restituer aux communes les vingt-sept millions d’euros qui lui sont prélevés chaque année, et ce sur trois exercices : 2016, 2017 et 2018. Cela représenterait un effort de neuf millions d’euros par an, ce qui est selon moi faisable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé rapporteur. Malheureusement, nous nous trouvons dans la même situation que tout à l’heure, si ce n’est que la mesure proposée serait étalée dans le temps. Supprimer 27 millions d’euros de recettes au département afin de les restituer aux communes reviendrait à déshabiller l’un pour habiller les autres. Une telle disposition poserait problème, car elle toucherait à l’équilibre local des finances sur l’ensemble du territoire.
En revanche, comme toujours, je comprends bien la position de Georges Patient. La Guyane se trouve effectivement dans une situation particulière et délicate, comme en attestent les données chiffrées, que l’on ne cesse de rappeler à juste titre, sur l’accroissement de la population, la superficie du territoire ou encore les revenus par habitants.
Il faudra bien un jour trouver des solutions pour résoudre ces problèmes, partiellement ou totalement, et par paliers assez rapides. Certes, vous nous proposez en l’espèce, mon cher collègue, une mesure par paliers, mais il s’agit d’effectuer un prélèvement sur une collectivité au bénéfice d’une autre, ce qui ne changera pas grand-chose pour le territoire dans son ensemble.
Il vaudrait mieux trouver des ressources externes au territoire, mais je ne vois pas d’où elles pourraient provenir, si ce n’est de l’État. Or celui-ci n’est pas en mesure d’en octroyer eu égard à la situation actuelle de ses finances ; je me vois donc malheureusement contraint d’émettre, comme précédemment, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous poursuivons en effet avec cet amendement le débat que nous venons d’avoir.
Georges Patient, qui connaît très bien ce sujet puisqu’il a produit un rapport remarqué sur les finances des collectivités territoriales, met en lumière un problème réel. En effet, le développement démographique de la Guyane et la pauvreté de sa population posent aux communes un problème de ressources. Toutefois, il me paraît difficile de supprimer une partie de la dotation du conseil général pour la donner aux communes.
Certes, la solution consisterait à demander à l’État de compenser cette baisse à due concurrence. Nous nous efforçons déjà depuis deux ans d’accroître la part relative de la Guyane dans la ligne budgétaire unique et dans d’autres financements de l’État, mais il est difficile de suivre le rythme de croissance de la population guyanaise.
Je vous propose donc de revenir sur ce sujet prochainement, lorsque nous discuterons du pacte pour la Guyane. Je m’engage à ce que nous nous revoyions pour essayer de trouver des fonds afin d’améliorer la situation des communes guyanaises, dont il est vrai que les besoins sont bien plus grands qu’ailleurs. L’équipement de la Guyane accuse un retard important et sa population croît fortement. Je pense que le nouveau pas de tir et le développement à venir de l’or ouvriront des possibilités nouvelles pour la Guyane, et nous les accompagnerons.
En revanche, je n’imagine pas que l’État, considérant l’état de ses finances générales, puisse rapidement compenser les pertes de recettes qui résulteraient de l’adoption de votre amendement, monsieur le sénateur. C’est pourquoi, même si cela vous paraîtra un peu répétitif, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Madame la ministre, je suis patient, mais d’amendement en amendement de notre collègue Patient, nous tournons autour du pot. Le véritable problème de la Guyane réside dans sa faible assiette fiscale, liée à la détention directe par l’État de 98 % du territoire. Nous faisons donc face à une véritable difficulté : la potentialité fiscale de ce département, qu’il faudra tôt ou tard traiter ! Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’un territoire dont la population ne cesse de croître, de surcroît de manière non régulée, ce qui pose des problèmes majeurs, puisse s’en sortir, aller de l’avant et maîtriser son avenir ?
C’est pourquoi je comprends tout à fait la motivation des amendements qui nous sont proposés, parce que nous tournons autour du problème sans jamais l’aborder réellement. Il me semble que là est le sujet de fond et qu’il faudra le traiter tôt ou tard.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. L’amendement que nous avons proposé avait surtout vocation à prendre date.
Je suis pour ma part conseiller général guyanais depuis plus de trente ans ; ce sont toujours les mêmes questions qui sont posées, les mêmes réponses qui sont apportées, quel que soit le gouvernement.
Le véritable problème a été correctement posé par M. Joël Guerriau : il s’agit de la question foncière. Des solutions existent : il faut fiscaliser les propriétés foncières de l’État en Guyane et les propriétés foncières privées du Centre spatial guyanais – qui, soit dit en passant, représentent l’équivalent de la superficie de la Martinique, soit environ mille kilomètres carrés !
Aux questions posées, il faut apporter des réponses, car le conseil général connaît des difficultés financières structurelles depuis des années, non parce que les présidents qui se sont succédé étaient de mauvais gestionnaires, mais en raison de la démographie de ce territoire. La moitié des habitants ont moins de vingt-trois ans et plus de 50 % de la population ne fait rien, ne travaille pas, à cause du déficit d’emplois. En outre, comme l’a dit Georges Patient ce matin, le PIB s’y est détérioré.
Nous souhaitons ici faire prendre conscience à nos collègues sénateurs du risque d’aggravation de la situation de la Guyane si des solutions ne sont pas trouvées pour remettre à niveau les ressources des collectivités territoriales, ressources dont l’octroi de mer fait partie.
M. le président. Monsieur Patient, l'amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Georges Patient. Je prends acte des assurances que vient de nous donner Mme la ministre concernant le pacte pour la Guyane, mais aussi l’octroi de mer.
Ce pacte, que l’on nous a annoncé il y a déjà un certain temps et qui devrait être élaboré prochainement, en concertation, je suppose, avec les représentants de Guyane, devra être l’occasion de revoir et de corriger l’octroi de mer, car il constitue à mon sens l’outil idéal, s’agissant d’une question financière.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 33.
(L'article 33 est adopté.)
Article additionnel après l’article 33
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Vergès et Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du 2° du I de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est supprimée.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Je serai assez bref, les principaux arguments ayant été développés ce matin lors de la discussion générale.
La réforme de la DGF des communes de 2005 a notamment été marquée par l’introduction d’une part proportionnelle à la superficie, sauf pour la Guyane, car la taille moyenne des communes de Guyane est d’un peu moins de quatre mille kilomètres carrés, contre quinze kilomètres carrés pour les communes de la métropole. Face à ce constat, il a été prévu un plafonnement du montant de la dotation superficiaire, fixé au triple du montant de la dotation de base – je vous rappelle que celle-ci est elle-même calculée en fonction de la population de chaque commune.
La Guyane est le seul département où l’on applique une telle limitation.
Le rapport sénatorial Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir, datant de 2009, indique que, du fait de ce plafonnement, « les communes de Guyane ont vu leur DGF amputée d'un montant global de 16 millions d'euros en 2009 ». Il serait donc logique de déplafonner – au moins à hauteur de ce montant, puisque c’est un chiffre remontant à 2009 – la dotation superficiaire.
En outre, la question de l’insuffisance d’identification des bases fiscales de contributions directes n’a toujours pas été résolue – pas plus qu’à Mayotte, d’ailleurs.
Cet amendement s’inscrit dans la logique de celui qu’a déposé Paul Vergès visant à demander la remise d’un rapport sur une réforme de la fiscalité dans les outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Nous connaissons aussi cet argument, et il est en effet audible compte tenu de la spécificité géographique de la Guyane – sa très grande superficie et sa très faible densité. Ce territoire français connaît de fortes singularités, y compris du point de vue financier, démographique et économique. Cette question doit donc elle aussi s’inscrire dans une réflexion globale dans le cadre de l’élaboration du pacte pour la Guyane.
Je reconnais que, dans leur ensemble, les Guyanais sont patients, sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, cher collègue. Alors que cela fait des années que nous suivons ce dossier avec beaucoup d’intérêt, nous entendons souvent les mêmes réponses porteuses d’espoir. J’espère donc obtenir un jour, et même prochainement, une réponse permettant d’avoir une vision globale.
Encore une fois, je ne pense vraiment pas que nous résoudrons le problème en prélevant à l’un pour donner à l’autre, au sein du même territoire. Il faut trouver d’autres solutions. Notre collègue Antoine Karam vient d’en citer certaines, qui sont intéressantes et ont déjà été étudiées. Il faudrait peut-être dépasser maintenant la simple étude et procéder à des choix et à des réalisations.
La part de la dotation globale de fonctionnement des communes proportionnelle à la superficie s’élève à 3,28 euros par hectare dans l’Hexagone contre 53 euros en Guyane. Compte tenu des montants financiers en jeu – de l’ordre de quatorze millions d’euros, qu’il faudrait prélever sur la dotation d’autres collectivités –, la commission ne peut pas émettre un avis favorable sur cet amendement. La solution relèverait à mon sens plutôt de la loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Ce sujet, que nous connaissons bien, n’a qu’un rapport lointain avec l’octroi de mer. Il est vrai qu’en Guyane, comme vous le soulignez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, la taille moyenne des communes est sans équivalent avec le reste de notre pays. Ainsi, si je me souviens bien, la superficie de la commune de Maripasoula, qui compte dix mille habitants, est plus grande que celle de la Martinique.
M. Antoine Karam. Dix-huit mille kilomètres carrés !
Mme George Pau-Langevin, ministre. L’ajustement des dotations est donc évidemment extrêmement compliqué.
Cela étant dit, il est vrai que les propriétés foncières guyanaises de l’État et du Centre national d’études spatiales, le CNES, représentent une question légitime. Toutefois, convenez avec moi, monsieur le sénateur, que le CNES apporte aussi beaucoup à la Guyane en termes d’emploi, de rayonnement et de ressources. Aussi, s’il faut effectivement considérer la moitié vide du verre, il convient également de voir sa moitié pleine.
En conclusion, je le répète, ce sujet, auquel le sénateur Vergès est attentif, devra être abordé dans le cadre de l’élaboration du pacte pour la Guyane et de la discussion du projet de loi de finances, car il n’est pas directement lié à l’octroi de mer.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 32 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 34
L’article 49 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « dans chacune des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion » sont remplacés par les mots : « en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « en Guadeloupe et à La Réunion, territoriale en Guyane et en Martinique et départementale à Mayotte » ;
3° Le 2° est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « part régionale », sont insérés les mots : « , territoriale ou départementale » ;
b) À la seconde phrase, après les mots : « conseil régional » sont insérés les mots : « de Guadeloupe ou de La Réunion, de l’assemblée de Guyane, de l’assemblée de la Martinique ou du conseil départemental de Mayotte » et le mot : « région » est remplacé par le mot : « collectivité » ;
4° À l’avant-dernier alinéa, après les mots : « les régions » sont insérés les mots : « , les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique » ;
5° Au dernier alinéa, après les mots : « part régionale » sont insérés les mots : « , territoriale ou départementale » et après les mots : « conseil régional » sont insérés les mots : « de Guadeloupe ou de La Réunion, à l’assemblée de Guyane, à l’assemblée de la Martinique ou au conseil départemental de Mayotte ». – (Adopté.)
Article 35
Les articles 50 et 51 de la même loi sont abrogés. – (Adopté.)
Article 36
L’article 51-1 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 51-1. – Pour l’application de la présente loi en Guyane et en Martinique jusqu’à la date de la première réunion suivant la première élection de l’assemblée de Guyane et de l’assemblée de Martinique créées en application de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 :
« 1° Les références à la collectivité territoriale de Guyane sont remplacées par les références à la région de Guyane, à l’exception de celles figurant à l’article 47 et au deuxième alinéa de l’article 48 où elles sont remplacées par les références au département de Guyane ;
« 2° Les références à la collectivité territoriale de Martinique sont remplacées par les références à la région de Martinique ;
« 3° Les références à l’assemblée de Guyane et à l’assemblée de Martinique sont remplacées par les références au conseil régional de Guyane et au conseil régional de Martinique. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 36
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Patient, Karam, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'opposabilité des secrets fiscal et statistique opposée par le service des douanes et de l’Institut national de la statistique et des études économiques aux conseils régionaux dans le cadre de leurs travaux relatifs à l’octroi de mer est levée.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Les conseils régionaux accordent des exonérations d’octroi de mer et doivent justifier de leur impact économique dans les rapports annuels d’exécution et dans un rapport d’étape. Toutefois, bien que votant des taux appliqués aux produits, ainsi que les exonérations accordées aux entreprises, ils se voient opposer le secret fiscal par les services des douanes. Ces derniers ne transmettent que des données globalisées et anonymes ne permettant pas de réaliser une étude d’impact correcte du dispositif. Ces travaux ne peuvent être sous-traités à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, celui-ci invoquant, de son côté, un secret statistique qui l’empêcherait de communiquer l’intégralité des résultats d’une telle étude d’impact, s’il la réalisait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La levée des secrets fiscal et statistique en vue d’améliorer les analyses et la connaissance des bases par les collectivités, et, ce faisant, de leur permettre d’avoir une vision plus précise de leurs ressources en matière d’octroi de mer soulève un problème de fond, bien plus large que le cadre posé par notre collègue Georges Patient.
Il nous semble disproportionné et particulièrement risqué de vouloir lever ces secrets. Les demandes de levée pourraient effectivement s’étendre à d’autres domaines, au point que tout le monde finirait par formuler de telles exigences. Or le secret fiscal a tout de même pour objectif de protéger la vie privée des citoyens. Une évolution de cette nature poserait donc un certain nombre de problèmes.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Sur ce sujet – récurrent, si je peux me permettre de le noter -, il me semble nécessaire d’établir une distinction entre, d’une part, des données nominatives couvertes par un secret qu’il est inenvisageable de lever et, d’autre part, les éléments statistiques susceptibles d’être transmis. S’agissant de ces derniers, il est bien évidemment nécessaire que le conseil régional dispose de toutes les données dont il a besoin pour pouvoir travailler.
Toutefois, compte tenu du caractère absolu du secret, je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Patient, l'amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Georges Patient. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Patient, Desplan, J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la faisabilité d’une taxe territoriale sur les services en Guyane.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. L’octroi de mer est une taxe ne frappant que la livraison des biens. Les services ne sont pas taxés en Guyane, contrairement aux autres départements et régions d’outre-mer, où ils sont soumis à la TVA. C’est pourquoi nous souhaitons évoquer ici la possibilité de créer une taxe sur les services spécifique à la Guyane.
Le conseil régional de la Guyane avait indiqué en 2012, lors de la renégociation du dispositif de l’octroi de mer, son intérêt pour une extension, à terme, de l’octroi de mer aux services, à condition de disposer d’un rapport évaluant l’impact d’une telle mesure.
Cette condition n’a pas été remplie, et l’urgence de la situation de la Guyane ne permet pas d’attendre 2020. Aussi la création d’une taxe spéciale sur les services permettrait-elle à la collectivité unique de s'installer et de se structurer, tout en relevant le défi de la gestion des fonds communautaires, ainsi que de l'affichage des contreparties nationales à ces crédits.
Si cette taxe était créée, il faudrait envisager de mettre un terme au prélèvement de 35 % de la dotation globale garantie, soit 27 millions d’euros d’octroi de mer, au bénéfice du conseil général.
Un rapport s’impose donc pour examiner la faisabilité de cette taxe territoriale sur les services.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Cet amendement, qui nous donne l’occasion d’entendre parler une fois de plus des 27 millions d’euros, tend à prévoir la remise, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, d’un rapport sur la faisabilité d’une taxe spécifique à la Guyane.
Ce rapport serait certes d’un grand intérêt, mais la position du Sénat en général et de la commission des finances en particulier est constante sur le sujet : elle est de ne pas accéder aux demandes de rapports.
En revanche, compte tenu de la spécificité de la demande, rien n’empêche les parlementaires qui le souhaitent, au sein de leur commission ou des structures auxquelles ils appartiennent, de mener des travaux sur la question.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 21 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Voilà une fois encore un sujet qui tient à cœur aux élus, en particulier à ceux dont la région serait bénéficiaire de cette taxe.
Mais nous nous heurtons à une difficulté. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’octroi de mer est une imposition quelque peu dérogatoire au droit commun et, qui, de ce fait, se trouve encadrée par des conditions assez précisément définies. En particulier, et la décision du Conseil de l’Union européenne du 17 décembre 2014 l’a confirmé une nouvelle fois, il grève les seules marchandises importées et ne peut être appliqué aux services.
Nous devons donc trouver un autre dispositif. Georges Patient propose d’instaurer une taxe sur les services. Pourquoi pas ? Mais il faut bien évidemment au préalable étudier un possible dispositif, son fonctionnement et ses incidences. On pourrait d’ailleurs se demander, dans ce cadre, s’il ne serait pas aussi simple d’étendre la TVA, qui, elle, s’applique également aux services.
Une telle étude, selon moi, pourrait parfaitement être effectuée par la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui dispose d’un certain nombre d’éléments pour pouvoir travailler sur le sujet, ou même par le CNEPEOM, la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État Outre-mer.
En tout cas, si je peux parfaitement envisager que l’on travaille sur la faisabilité d’une taxe spécifique à la Guyane, il me semble que nous n’avons pas besoin de l’inscrire dans la loi. Les parlementaires ont toute latitude pour mener à bien ce travail s’ils le jugent utile.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est également défavorable.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Tous les amendements que j’ai présentés visant à améliorer la situation financière des collectivités de Guyane ont été retoqués, au motif que, dans la situation contrainte où nous nous trouvons, l’État ne peut pas majorer la dotation globale de fonctionnement versée à ces collectivités, en particulier au conseil général.
Mes collègues ont proposé diverses solutions, comme le déplafonnement de la dotation superficiaire ou la fiscalisation du foncier de l'État.
Il faut bien comprendre que la Guyane est victime – j’emploie le terme, même si je n’aime pas l’utiliser – d’un bon nombre de dérogations et d’exonérations, quasiment considérées comme étant de droit commun.
J’évoquais ce matin la situation singulière de ce territoire et force est de constater que toute question le concernant suscite une certaine gêne dans l’hémicycle. On trouve la Guyane trop grande, alors on diminue la dotation superficiaire ! Dans le même temps, l'État, détenteur de 90 % du territoire, se voit exonéré de taxes sur un patrimoine qui n’a son pareil dans aucun des départements de France métropolitaine !
Nous n’avons donc d’autre solution que de compter sur nos propres moyens. L’octroi de mer constitue déjà une fiscalité indirecte très forte. La taxe régionale sur les services serait un moyen, selon nous, d’octroyer des moyens à une collectivité naissante, mais pratiquement mort-née, car, on le sait très bien, elle risque d’être déficitaire dans un ou deux ans.
Je sais bien que le Sénat considère que nous demandons trop de rapports, raison pour laquelle il les refuse. Mais il s’agit, une fois encore, de répondre à une situation d’urgence. Imposer dans la loi la remise d’un rapport, c’est faire en sorte que l’on se mette immédiatement au travail, sans renvoyer le sujet aux calendres grecques.
Je maintiens donc ma demande, étant bien précisé qu’elle porte sur la réalisation d’une étude d’impact, et non sur l’instauration immédiate d’une telle taxe. Tout le monde est conscient que cette étude doit être menée. Indiquons-le dans la loi !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 36 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dès sa transmission à la Commission européenne, le rapport mentionné au 2 de l’article 3 de la décision du Conseil n° 940/2014/UE, du 17 décembre 2014, précitée. Ce rapport comporte notamment une évaluation des effets pour les collectivités et les entreprises de l'abaissement du seuil de taxation prévu aux articles 2 et 6 de la loi n° … du … modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 précitée. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 36 bis
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam et J. Gillot, est ainsi libellé :
Après l’article 36 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° de l’article 52 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est ainsi rédigé :
« 3° Des articles 31, 38, 39 et 39-1. »
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié est retiré.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Claireaux et MM. J. Gillot et S. Larcher, est ainsi libellé :
Après l’article 36 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte sont consultés avant toute modification du régime juridique de l’octroi de mer.
Leurs avis sont réputés acquis en l’absence de notification au représentant de l’État d’un avis exprès dans un délai d’un mois à compter de la saisine. À la demande du représentant de l’État et en cas d’urgence, ce délai est réduit à quinze jours.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Il s’agit de permettre à l’assemblée de Martinique, future collectivité unique, à l’assemblée de Guyane, aux conseils régionaux de Guadeloupe et de la Réunion, et au conseil départemental de Mayotte, de se prononcer préalablement à des modifications législatives susceptibles d’être préjudiciables à l’économie locale. Cette consultation visera notamment à faire valoir les préoccupations des ultramarins dans les négociations préalables aux arbitrages européens.
Je précise que, bon nombre de fois, les demandes d’avis parviennent dans les collectivités alors même que les textes sont déjà votés. C’est ce qui me conduit à souhaiter, aujourd'hui, que la nécessité d’une consultation de ces collectivités soit reprécisée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Considérant que le code général des collectivités territoriales répond à la demande de notre collègue, nous le prions de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
En effet, deux articles du code général des collectivités territoriales, les articles 3444-1 et 4433-3-1, prévoient respectivement que « les conseils départementaux des départements d’outre-mer sont consultés sur les projets de loi, d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions d’adaptation du régime législatif et de l’organisation administrative de ces départements » et que « les conseils régionaux des régions d’outre-mer sont consultés sur les projets de loi, d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions d’adaptation du régime législatif et de l’organisation administrative de ces régions ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Effectivement, le code général des collectivités territoriales prévoit la consultation des collectivités sur les projets de loi, d’ordonnance ou de décret, ainsi que sur les propositions d’acte de l’Union européenne. Nous procédons donc obligatoirement à ces consultations et, en pratique, nous ne le faisons pas à la dernière minute.
Ainsi, sur l’octroi de mer, nous avons travaillé main dans la main avec les services de la région. Ce sont eux qui ont établi les listes et nous les ont transmises au fur et à mesure. La décision que nous avons obtenue de la Commission européenne a véritablement été co-construite entre les services de la région et ceux du ministère des outre-mer.
Comme je l’indiquais précédemment, je suis tout à fait prête à améliorer la concertation et à prévoir de nous rencontrer davantage. Toutefois, j’ai vraiment le sentiment que le souhait exprimé par M. Antiste correspond à la pratique quotidienne du ministère.
Bien évidemment, consulter une instance ne signifie pas obligatoirement adopter son point de vue. C’est peut-être là, me semble-t-il, que le bât blesse, car il peut arriver que le ministère ne suive pas certaines des évolutions souhaitées par les collectivités. Mais, j’y insiste, la concertation ne me semble poser aucune difficulté et il paraîtrait étrange de la mentionner dans la loi, alors même que nous la pratiquons quotidiennement.
M. le président. Monsieur Antiste, l'amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Vous pensez bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que je connais l’existence des dispositions législatives que vous mentionnez. Si j’insiste sur le sujet, c’est parce que j’ai vécu les situations que j’ai évoquées, en qualité de conseiller général, puis de conseiller régional. J’aimerais donc vraiment que l’engagement à ce sujet soit total et qu’il soit inscrit quelque part, afin que l’on se souvienne que j’ai insisté sur le caractère obligatoire de ces consultations.
Cette remarque étant faite, j’accepte de retirer cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié est retiré.
L'amendement n° 33, présenté par MM. Vergès et Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 36 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur les pistes de réformes de la fiscalité dans les outre-mer.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Comme cela a déjà été souligné, l’octroi de mer est payé par l’ensemble des consommateurs d’outre-mer, indépendamment de leur revenu. Il pénalise donc très fortement les ménages les plus défavorisés. À La Réunion par exemple, Paul Vergès nous en parle régulièrement, 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté monétaire national.
Permettez-moi donc de rappeler à ce stade, et sans malice aucune, certains des engagements pris par le candidat François Hollande en 2012 : « Je créerai un partenariat dynamique entre l’État et les collectivités d’outre-mer, en leur redonnant des marges de manœuvre fiscales et en octroyant davantage de compétences aux régions d’outre-mer. Je veillerai à ce que les dotations de l’État aux collectivités locales tiennent compte plus rapidement des évolutions démographiques ».
N’est-il pas temps de réfléchir à un autre système fiscal dans les outre-mer ? Le Gouvernement avait bien engagé une tentative de réforme fiscale, M. Jean-Marc Ayrault à la baguette… Mais on sait comment l’idée a été enterrée !
Les outre-mer, notamment La Réunion, avaient un moment espéré une « petite révolution pour l’outre-mer », pour reprendre les propos tenus par votre prédécesseur, madame la ministre, en janvier 2014. Celui-ci souhaitait une véritable « remise à plat » des dispositifs existants, à savoir les exonérations de cotisations pour 1,1 milliard d’euros, les dépenses fiscales pour 1 milliard d’euros, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour 320 millions d’euros, la TVA non perçue récupérable pour 100 millions d’euros et les 500 millions d’euros du Fonds exceptionnel d’investissement promis par le Président de la République en cinq ans ! À cela, on peut ajouter les recettes d’octroi de mer - notre sujet du jour – qui se situent entre 169 et 251 millions d’euros.
Nos collègues ultramarins ont rappelé tout à l’heure, par l’intermédiaire d’Antoine Karam, qu’ils attendaient de telles mesures depuis plusieurs décennies maintenant. N’est-il pas temps, enfin, de s’attaquer au sujet et d’accorder à nos collègues, et aux populations d’outre-mer qu’ils représentent, les moyens d’un nouveau développement ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Tous les chiffres cités par M. Bocquet sont exacts et sont révélateurs de la situation des collectivités d’outre-mer, plus particulièrement de La Réunion.
Cependant, la commission émet un avis défavorable sur cette demande de rapport, comme elle l’a déjà fait pour les autres demandes de même nature.
Mme la ministre a avancé une piste intéressante tout à l’heure et suggéré que le travail de réflexion sur la création d’une nouvelle taxe pour certains outre-mer pourrait être réalisé en interne. Peut-être le rapport que vous demandez pourrait-il l’être également ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Vous prêchez une convaincue s’agissant des difficultés que rencontrent les populations ultra-marines, en particulier celles de La Réunion. Nous sommes conscients qu’un rattrapage doit être effectué dans tous ces territoires. C’est pourquoi nous plaidons tant à l’échelon national qu’auprès de Bruxelles pour obtenir des crédits supplémentaires pour les outre-mer.
Savez-vous que, cette année, quasiment le tiers des fonds européens qui seront alloués à la France seront dédiés aux outre-mer ? Nous faisons donc en sorte de tenir les engagements que nous avons pris afin de procéder au rattrapage nécessaire.
Vous avez rappelé la différence entre la métropole et les outre-mer en termes de fiscalité, en particulier la part considérable de la fiscalité indirecte dans les territoires ultra-marins. Là encore, nous sommes d’accord : le problème est que la part de la fiscalité directe est forcément modeste lorsque les populations sont pauvres.
Le développement de la formation des jeunes et des contrats aidés afin d’apporter des solutions au problème de l’emploi permet de pallier les déséquilibres fiscaux que vous signalez et que nous connaissons bien.
Une possible réforme de la fiscalité a été évoquée. Nous procédons en effet aujourd’hui à une évaluation qui devrait nous permettre d’aller de l’avant dans ce domaine. Je rappellerai pourtant que, pour rééquilibrer la fiscalité directe, il faudra rattraper le retard important pris dans certains territoires, notamment en Guyane, quant au cadastre. Cela suppose aussi que le niveau de vie des populations s’élève afin que l’impôt direct soit davantage perçu.
Je dirai enfin à M. Bocquet comme à M. Patient que si le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements qu’ils défendent, c’est non parce qu’il est insensible à la réalité exposée, mais parce qu’il lui est impossible de donner suite à leurs propositions dans le présent texte. Je prends toutefois l’engagement de travailler à nouveau sur ces questions rapidement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 37
La présente loi entre en vigueur à compter du 1er juillet 2015. – (Adopté.)
Seconde délibération
Mme George Pau-Langevin, ministre. Monsieur le président, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération sur l’article 9, car le Gouvernement a omis de lever le gage prévu à cet article.
M. le président. Le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 9.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Je ne ferai pas durer le suspense : la commission émet un avis favorable sur cette demande de seconde délibération, afin que le gage soit levé.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.
Il n’y a pas d’opposition ?...
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement du Sénat, « lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport ».
La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance afin que la commission puisse se réunir. Elle ne devrait durer que quelques minutes.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 9
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 9 dans cette rédaction :
I. – Après l’article 7 de la même loi, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :
« Art. 7-1. – Les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent exonérer les importations, mises à la consommation et livraisons :
« 1° De biens destinés à l’avitaillement des aéronefs et des navires ;
« 2° De carburants destinés à un usage professionnel qui ont fait l’objet d’une adjonction de produits colorants et d’agents traceurs conformément à l’article 265 B du code des douanes. Cette exonération est accordée par secteur d’activité économique. »
II (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Je tiens à remercier les parlementaires du travail très approfondi qu’ils ont accompli avec succès et de leur collaboration efficace.
J’ai bien pris note, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avions plusieurs rendez-vous de travail devant nous permettre de revenir sur les questions extrêmement importantes que vous avez soulevées.
12
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Vincent Capo-Canellas, Mmes Catherine Deroche et Dominique Estrosi-Sassone, M. François Pillet, Mme Nicole Bricq, M. Jacques Bigot et Mme Annie David.
Suppléants : M. Alain Bertrand, Mme Jacky Deromedi, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Pascale Gruny, MM. Michel Raison, Henri Tandonnet et Yannick Vaugrenard.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
13
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat le 7 mai 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du II de l’article 18 de la loi du 16 août 2012 (Détermination des bénéfices imposables) (2015 475 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
En outre, le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 7 mai 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
-l’impôt sur le revenu sur les gains de cession de parts de jeune entreprise innovante - Critères d’exonération (n° 2015-466 QPC) ;
-la réclamation contre l’avis d’amende forfaitaire majorée (n° 2015-467 QPC) ;
Acte est donné de ces communications.
14
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion des articles du texte de la commission spéciale.
TITRE III (suite)
TRAVAILLER
CHAPITRE II (suite)
Droit du travail
Section 3 (suite)
Le dialogue social au sein de l’entreprise
M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 87 A.
Articles additionnels après l’article 87 A (suite)
M. le président. L'amendement n° 775 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Chaize, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Deseyne, MM. Doligé et Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux et de Legge, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre et Pointereau, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont fusionnés au sein d’une instance unique de représentation.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Le présent amendement vise, dans un souci de simplification, à fusionner les deux instances de représentation que sont le comité d’entreprise, le CE, et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, sachant que cette fusion n’est pas prévue dans le projet de loi relatif au dialogue social et au soutien à l’activité des salariés, que nous examinerons prochainement, lequel ne la prévoit que pour les entreprises de moins de 300 salariés. La portée de cet amendement est donc beaucoup plus large.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement de simplification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 87 A.
L'amendement n° 793 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi, Darnaud, Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Hyest, Mme Imbert, MM. Laménie, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Savin et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vogel, Courtois et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2323-7-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-7-1. – L’employeur consulte une fois par an le comité d’entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise et leurs conséquences sur :
« 1° Les investissements matériels et immatériels ;
« 2° Les fonds propres et l’endettement ;
« 3° La rémunération des salariés et dirigeants ;
« 4° La rémunération des financeurs ;
« 5° Les flux financiers à destination de l'entreprise, notamment aides publiques et crédits d'impôts ;
« 6° La sous-traitance ;
« 7° Le cas échéant, les transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à rationaliser les dix-sept procédures actuelles d’information-consultation du comité d’entreprise et à ne plus prévoir qu’une seule obligation annuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de l’amendement souhaitent simplifier la consultation du comité d’entreprise créée par la loi du 14 juin 2013.
Tel qu’il est rédigé, cet amendement comporte plusieurs imprécisions. En effet, l’amendement ne fait aucunement disparaître « les dix-sept procédures actuelles d’information-consultation du comité d’entreprise » mentionnées dans son objet. De ce fait, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, comme devrait d’ailleurs l’être également la commission spéciale. Tel qu’il est rédigé en effet, cet amendement, s’il était adopté, serait inopérant.
Mme Catherine Procaccia. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 793 rectifié est retiré.
L'amendement n° 794 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi, Darnaud, Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Hyest, Mme Imbert, MM. Laménie, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, de Raincourt, Leleux, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Savin et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vogel, Courtois, P. Dominati et Lenoir, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2323-7-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-7-2. – Sauf en ce qui concerne le lancement d’une offre publique d’acquisition, l’employeur consulte ponctuellement le comité d’entreprise avant toute décision importante, de portée collective et durable, n’ayant pas été envisagée lors de la consultation sur les orientations stratégiques et de nature à affecter la structure juridique, économique ou financière de l’entreprise, l'activité, l’emploi, l'évolution des métiers et des compétences, la formation professionnelle, l’organisation du travail et les conditions de travail.
« En cas de lancement d’une offre publique d’acquisition, l'employeur de l'entreprise sur laquelle porte l'offre et l'employeur qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement, au moment du dépôt de l’offre, leur comité d’entreprise respectif pour l'en informer et le consulter. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Le projet de loi relatif au dialogue social et au soutien à l’activité des salariés qui est en cours de discussion à l’Assemblée nationale et que le Sénat examinera à la fin du mois de juin prochain met en œuvre une véritable simplification.
Toutefois, il ne prévoit pas la consultation ponctuelle du comité d’entreprise avant toute décision importante, de portée collective et durable, qui n’aurait pas été abordée lors de la consultation sur les orientations stratégiques. Tel est l’objet de cet amendement.
Je précise que la rectification dont il a fait l’objet portait sur l’endroit du texte où insérer l’article additionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat, à la condition que les auteurs de l’amendement procèdent à une correction formelle, afin de ne pas « écraser » l’article L. 2323-7-2 du code du travail, qui a créé la base de données économiques et sociales. Il faudrait créer un article L. 2323-7-2-1 nouveau.
J’invite donc Mme Procaccia à rectifier son amendement en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Procaccia, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 794 rectifié dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?
Mme Catherine Procaccia. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 794 rectifié bis, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi, Darnaud, Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Hyest, Mme Imbert, MM. Laménie, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, de Raincourt, Leleux, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Savin et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vogel, Courtois, P. Dominati et Lenoir, et ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 2323-7-2, il est inséré un article L. 2323-7-2-1 du code du travail ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-7-2-1. – Sauf en ce qui concerne le lancement d’une offre publique d’acquisition, l’employeur consulte ponctuellement le comité d’entreprise avant toute décision importante, de portée collective et durable, n’ayant pas été envisagée lors de la consultation sur les orientations stratégiques et de nature à affecter la structure juridique, économique ou financière de l’entreprise, l'activité, l’emploi, l'évolution des métiers et des compétences, la formation professionnelle, l’organisation du travail et les conditions de travail.
« En cas de lancement d’une offre publique d’acquisition, l'employeur de l'entreprise sur laquelle porte l'offre et l'employeur qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement, au moment du dépôt de l’offre, leur comité d’entreprise respectif pour l'en informer et le consulter. »
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 794 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 795 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi, Darnaud, Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Hyest, Mme Imbert, MM. Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, de Legge, de Raincourt, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Savin et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vogel, Courtois et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2323-7-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-7-3. – La base de données mentionnée à l'article L. 2323-7-2 est le support de préparation de la consultation sur les orientations stratégiques.
« Le comité d’entreprise est informé dans un délai d’examen suffisant précédant la réunion prévue pour la consultation de la mise à jour des éléments d’information contenus dans la base de données nécessaires à cette consultation. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à maintenir la base de données unique comme support de l’information-consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement vise à faire de la base de données économiques et sociales, qui regroupe les informations mises à la disposition des représentants du personnel par l’employeur, le support de la préparation de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
En l’état actuel du droit, il est satisfait puisque tel était l’objectif de cette base de données lorsqu’elle a été instituée.
Tel qu’il est rédigé, l’amendement pourrait laisser penser, a contrario, que, pour les autres consultations du comité d’entreprise, les informations nécessaires ne seraient pas fournies dans la base de données.
La commission spéciale sollicite donc le retrait de cet amendement, par cohérence avec ce que nous avons dit tout à l'heure.
Nous pourrons revenir sur ces sujets lors de l’examen du texte dont Mme Procaccia sera le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 795 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1289 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 2323-62 du code du travail, les mots : « voix consultative » sont remplacés par les mots : « voix délibérative ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le code du travail prévoit que « dans les sociétés, deux membres du comité d’entreprise, délégués par le comité et appartenant l’un à la catégorie des cadres techniciens et agents de maîtrise, l’autre à la catégorie des employés et ouvriers, assistent avec voix consultative à toutes les séances du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, selon le cas ».
De même, « dans les sociétés où sont constitués trois collèges électoraux, en application de l’article L. 2324-11, la délégation du personnel au conseil d’administration ou au conseil de surveillance est portée à quatre membres. Deux de ces membres appartiennent à la catégorie des ouvriers et employés, le troisième à la catégorie de la maîtrise et le quatrième à la catégorie des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification ».
Il est prévu que « les membres de la délégation du personnel au conseil d’administration ou au conseil de surveillance ont droit aux mêmes documents que ceux adressés ou remis aux membres de ces instances à l’occasion de leurs réunions ».
En revanche, il est tout à fait regrettable que ceux-ci ne puissent que « soumettre les vœux du comité au conseil d’administration ou au conseil de surveillance, lequel donne un avis motivé sur ces vœux ». En effet, les élus du personnel, choisis au sein d’institutions représentatives du personnel démocratiquement élues, comme les comités d’entreprise, sont tout à fait légitimes pour représenter les salariés au sein des conseils d’administration et de surveillance. Or la législation actuelle réduit considérablement la portée de leur participation à ces conseils.
C’est pourquoi nous vous proposons, au travers de cet amendement, de leur attribuer un droit de vote pour faire d’eux des membres à part entière des conseils d’administration et des conseils de surveillance. La voix délibérative dont bénéficieraient ainsi les salariés permettrait d’améliorer le dialogue social et de renforcer la participation des salariés aux prises de décision des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a rendu obligatoire la présence d’administrateurs représentant les salariés, avec voix délibérative, dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises.
La commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement, car nous attendons une évaluation de cette mesure avant d’envisager de plus amples modifications.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de passer à une véritable codétermination au sein des conseils d’administration.
Comme vous le savez, sur le fondement du rapport Gallois, le Gouvernement avait soutenu l’intégration au sein du conseil d’administration de représentants des salariés, en plus des représentants des salariés actionnaires, ce qui existait déjà dans certains conseils d’administration. Deux représentants des salariés siègent désormais dans les conseils d’administration.
Une évaluation est actuellement en cours. Il y a quelques semaines, François Rebsamen et moi-même avons réuni les partenaires sociaux sur ce sujet. Nous les rencontrerons de nouveau après le 18 mai prochain.
À titre personnel je soutiens la philosophie de votre amendement, qui vise à franchir une étape supplémentaire, en octroyant une voix délibérative pleine et entière aux élus du personnel au sein des conseils d’administration. Je suis également favorable aux accords de maintien dans l’emploi dits « défensifs », qui font aussi l’objet de cette évaluation.
Toutefois, je ne peux, à ce stade, émettre un avis favorable sur votre amendement, madame la sénatrice, pour des raisons de procédure. Nous devons en effet attendre la prochaine réunion des partenaires sociaux avant de pouvoir intégrer la mesure que vous proposez soit dans le présent texte, à l’occasion d’une nouvelle lecture, soit dans le projet de loi relatif au dialogue social et au soutien à l’activité des salariés. J’ai bon espoir que nous pourrons recueillir leur éclairage d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
Madame Assassi, le Gouvernement sollicite donc le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable, même si, à titre personnel, je le répète, je suis favorable à cet amendement. J’espère que nous pourrons aller dans le sens que vous souhaitez.
M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1289 rectifié est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, je suis ravie que vous soyez sensible à ce sujet et que vous le jugiez important. Comme vous le savez, il s’agit là d’une vieille revendication du monde du travail.
Prenant acte des propos de M. le ministre, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1289 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1285 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1134-5 du code du travail est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le comité d’entreprise ou une organisation syndicale représentative au niveau de l’entreprise, a connaissance d’éléments susceptibles de caractériser une ou des discriminations illicites, qu’elles soient directes ou indirectes, notamment à l’occasion de la réunion prévue à l’article L. 2323-57 et à celle prévue à l’article 10 de l’accord interprofessionnel du 12 octobre 2006 relatif à la diversité dans l’entreprise, il peut saisir l’inspecteur du travail.
« Sans préjudice des compétences qu’il détient en vertu des articles L. 8112-1 et suivants et de l’article L. 8113-7, l’inspecteur du travail adresse à l’employeur le rapport de ses constatations.
« L’employeur communique ce rapport au comité d’entreprise en même temps que sa réponse motivée aux constatations de l’inspecteur du travail. Dans sa réponse, l’employeur précise, en tant que de besoin, les moyens qu’il met en œuvre dans le cadre d’un plan de résorption de la précarité destiné à limiter le recours à ces formes de contrats de travail.
« À défaut de comité d’entreprise, les délégués du personnel peuvent exercer les attributions conférées au comité d’entreprise pour l’application du présent article. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Notre amendement fait suite au huitième baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail, l’OIT, qui fait apparaître que les demandeurs d’emploi d’origine étrangère se sentent particulièrement discriminés du fait de leur origine.
Or, face à ces discriminations, les salariés et leurs institutions représentatives ont les plus grandes difficultés à réunir des éléments de preuve leur permettant de mettre pleinement en lumière les violations des droits fondamentaux du citoyen dans l’entreprise.
Notre amendement, calqué sur les dispositions relatives au travail précaire, vise à réaffirmer le rôle fondamental des inspecteurs et des inspectrices et des contrôleurs et des contrôleuses du travail en matière de lutte contre les discriminations. Il tend à prévoir que ces derniers pourront être saisis par le comité d’entreprise ou par une institution représentative du personnel si des éléments susceptibles de caractériser une discrimination sont constatés.
Si elle était adoptée, cette disposition permettrait une avancée majeure en matière de lutte contre les discriminations. Elle aurait plus d’effet que les « plans d’action » – en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes, par exemple –, lesquels se réduisent le plus souvent à de simples vœux ou se caractérisent par un pur formalisme, loin de la réalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement est satisfait par le droit en vigueur, car toute personne, quel que soit son statut, peut saisir l’inspection du travail, qui est d’ailleurs tenue de maintenir secrète l’origine des plaintes.
Par ailleurs, la commission spéciale n’a pas souhaité créer une procédure spécifique devant le comité d’entreprise en cas de suspicion de discrimination, qui relève plutôt, à ses yeux, de la compétence des juges judiciaires.
Dès lors, la commission spéciale sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame David, l'amendement n° 1285 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1312 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1233-10, il est inséré un article L. 1233-10-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-10-... – Sans préjudice de l’article L. 1233-22, les délégués du personnel ou le comité d’entreprise, qui constatent que les licenciements économiques envisagés par l’employeur ne sont pas pourvus d’un motif conforme à l’article L. 1233-3, peuvent exercer un droit d’opposition à la rupture du ou des contrats de travail.
« Ils saisissent à cet effet le tribunal de grande instance en la forme des référés qui statue dans les quinze jours sur la conformité du motif invoqué par l’employeur au même article L. 1233-3. L’exercice du droit d’opposition suspend la procédure de licenciement.
« S’il juge que les licenciements visés par l’opposition sont pourvus d’un motif économique au sens de l’article L. 1233-3 précité, le tribunal met fin à la suspension de la procédure, laquelle peut produire tous ses effets, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1233-65 et suivants.
« S’il juge que le motif des licenciements visés par l’opposition n’est pas conforme à l’article L. 1233-3 précité, la procédure et la rupture consécutive des contrats de travail sont nulles. » ;
2° L’article L. 2313-1 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° De se prononcer sur le recours au droit de veto suspensif défini à l’article L. 1213-1 du présent code en cas de rupture du contrat de travail décidée par l’employeur. » ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 2323-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il se prononce sur le recours au droit de veto suspensif défini à l’article L. 1213-1 du présent code en cas de rupture du contrat de travail décidée par l’employeur. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Selon nous, les salariés sont une solide garantie du développement harmonieux du secteur d’activité dans lequel ils travaillent et constituent la première richesse de leur entreprise. Leur sort étant lié à celui de l’entreprise, ils sont attentifs à sa pérennité, à la différence par exemple des actionnaires, qui ont parfois une vision de court terme. C’est pourquoi leur contribution à la prise de décision, par leur intelligence créative, peut se révéler décisive.
Les salariés, via leurs instances représentatives, doivent avoir un droit de regard sur les choix de l’entreprise. Ils doivent pouvoir présenter des solutions alternatives au projet de licenciement économique et discuter du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.
L’un des enseignements que nous tirons de la crise est qu’il faut avancer vers une véritable démocratie économique dans notre pays. Si nous voulons que nos territoires se développent, et que ce développement soit écologique, vecteur de qualité de vie, de bien-être au travail et hors du travail, qu’il soit celui de toute la société par le progrès et le partage des connaissances, des technologies et de la culture, si nous voulons tout cela, il ne peut plus être question de laisser le pouvoir économique aux seuls actionnaires.
Cet amendement tend donc à prévoir que les salariés puissent exercer un droit d’opposition à la rupture du ou des contrats de travail, en saisissant le juge des référés pour qu’il statue dans les quinze jours sur la conformité du motif invoqué par l’employeur.
L’adoption de cet amendement serait un premier pas vers la reconnaissance de nouveaux pouvoirs aux salariés dans l’entreprise, en particulier sur les choix de gestion de celle-ci.
Plus largement, elle aiderait à reconnaître de nouveaux pouvoirs aux citoyens et aux citoyennes, afin de leur permettre de maîtriser notre système financier et les choix d’investissement de notre pays, choix qui feront la France de demain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement constitue une négation du pouvoir de direction reconnu à l’employeur et institue une cogestion de fait de l’entreprise en reconnaissant aux élus du personnel la possibilité de faire obstacle à une décision de licenciement.
Si un salarié licencié conteste le motif économique de son licenciement, il doit saisir les prud’hommes après avoir quitté l’entreprise. Ceux-ci, s’ils jugent que le motif économique invoqué par l’employeur n’est pas réel et sérieux, peuvent prononcer la réintégration du salarié.
En conséquence, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1312 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 898 rectifié ter est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 1487 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, M. Calvet, Mme Deseyne et MM. Grand, Houel, Vasselle et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail est complétée par les mots : « ni excéder les salaires des neuf derniers mois lorsque l’ancienneté du salarié est comprise entre deux et dix ans ou des douze derniers mois lorsque l’ancienneté du salarié est supérieure à dix ans, toutes causes de préjudices confondues ».
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 898 rectifié ter.
M. Olivier Cadic. L’article L. 1235-3 du code du travail fixe le montant minimal de l’indemnité que le juge peut allouer au salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une entreprise d’au moins onze salariés.
Le présent amendement tend à fixer le montant maximal que le juge, qui garde son pouvoir d’appréciation, pourrait allouer au salarié licencié en cas de condamnation de l’entreprise.
Cette précision constituerait pour les entreprises un élément essentiel de sécurisation lors des ruptures des contrats à durée indéterminée, car elle leur permettrait de connaître le montant des condamnations qu’elles encourent à la suite d’un licenciement.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 1487 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 743 rectifié, présenté par Mme Deromedi, MM. Allizard, Baroin, Bas, Bignon, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Chasseing, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Emorine, Forissier, Fouché, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, de Legge, Leleux, P. Leroy, Magras et Mandelli, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat et Houpert, Mme Hummel, MM. Kennel, Lefèvre, Longuet, Malhuret, Mayet, de Nicolaÿ, Nougein et Pointereau, Mme Primas, MM. de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail est complétée par les mots : « ni excéder le salaire des douze derniers mois » ;
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Aujourd’hui, le code du travail fixe à six mois de salaire le montant minimal de l’indemnité allouée au salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans les entreprises d’au moins onze salariés.
Toutefois, le montant de l’indemnité n’est pas plafonné, ce qui place l’employeur dans une situation de forte insécurité juridique en cas de rupture du contrat de travail et peut dissuader certains employeurs d’embaucher.
L’objet de cet amendement est donc d’introduire un plafonnement du montant de l’indemnité perçue en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Un tel dispositif de plancher et de plafond existe dans la très grande majorité des pays européens – le Danemark, l’Allemagne, le Royaume-Uni.
Sans remettre en cause le pouvoir d’appréciation du juge sur la gravité du préjudice, une telle réforme permettrait de sécuriser juridiquement la rupture du contrat de travail pour les employeurs, tout en garantissant aux salariés de bénéficier d’un montant d’indemnité maximale connu à l’avance. De surcroît, une telle réforme serait de nature à limiter les recours contre les décisions prud’homales et à éviter les appels destinés à faire augmenter la condamnation de première instance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article L. 1235-3 du code du travail prévoit actuellement que, si le licenciement d’un salarié ayant deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer sa réintégration. Mais si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, en plus de l’indemnité de licenciement.
Les amendements identiques nos 898 rectifié ter et 1487 rectifié bis visent à conserver ce plancher, tout en lui adjoignant un plafond variable en fonction de l’ancienneté du salarié.
Ainsi l’indemnité serait-elle plafonnée à neuf mois de salaire si le salarié a moins de dix ans d’ancienneté, et à un an de salaire s’il travaille dans l’entreprise depuis plus de dix ans.
Cette idée est séduisante, mais elle pose quelques difficultés.
Tout d’abord, les préoccupations des auteurs de l’amendement sont partiellement satisfaites par l’existence, depuis la loi relative à la sécurisation de l’emploi, d’un barème indicatif en phase de conciliation devant le conseil de prud’hommes et par la création, au présent article, d’un référentiel indicatif pour fixer l’indemnité en phase de jugement, ces deux dispositifs se fondant notamment sur l’ancienneté du salarié.
Ensuite, ces amendements sont peu compatibles avec la liberté d’appréciation du juge, qui évalue le préjudice subi au cas par cas. Or, tel qu’il rédigé, l’amendement est très restrictif, puisque le plafond s’appliquerait « toutes causes de préjudices confondues », ce qui s’apparente davantage à une transaction qu’à un jugement.
Pour ces raisons, la commission sollicite le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 743 rectifié est presque identique aux amendements nos 898 rectifié ter et 1487 rectifié bis, mais il tend à fixer un plafond d’un an, quelle que soit l’ancienneté du salarié, plafond qui ne s’applique pas à toutes les causes de préjudices que peut subir un salarié.
Il est certes en partie satisfait par l’existence du barème en conciliation et du futur référentiel en phase de jugement devant le conseil de prud’hommes, mais il est plus ambitieux et offrirait un cadre juridique clair et prévisible aux employeurs en cas de contentieux devant les prud’hommes.
En sécurisant les licenciements, l’amendement, s’il était adopté, permettrait de lever les freins à l’embauche.
C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le débat juridique a été bien posé par Mme le rapporteur.
Nous sommes parvenus hier à un consensus sur la réforme des prud’hommes. Celle-ci, qui constitue l’une des avancées de ce texte, devrait permettre d’accélérer les procédures et de donner plus de visibilité aux parties grâce au référentiel.
Au-delà, le débat juridique n’est pas tranché sur la possibilité de fixer un plafond d’indemnisation. Pour l’heure, il existe un plancher, auquel nous n’avons pas touché. Plutôt que de chercher à articuler un plancher et un plafond, nous avons travaillé sur un référentiel permettant aux parties de trouver un compromis.
Les services juridiques de l’État qui ont travaillé sur cette question ont relevé une incertitude juridique quant à la possibilité même de plafonner l’indemnisation fixée par une décision de justice. La création d’un plafond serait donc très fragile d’un point de vue juridique.
Je salue la distinction fine effectuée par Mme la rapporteur, mais je solliciterai pour ma part le retrait de ces trois amendements. Faute de garanties juridiques suffisantes, je suggère en effet de consolider l’approche par le référentiel plutôt que de nous aventurer dans une logique de plafonnement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 898 rectifié ter et 1487 rectifié bis.
Mme Nicole Bricq. Ces trois amendements relèvent de la même logique, qui n’est pas celle que nous avons retenue hier lorsque nous avons débattu de la justice prud’homale.
Il est louable de vouloir accroître la prévisibilité pour les parties, mais nous préférons la logique du référentiel.
Ne démolissons pas aujourd’hui ce que nous avons construit hier, en accord avec la commission !
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 898 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président. Je voterai en revanche l’amendement n° 743 rectifié s’il est maintenu.
M. le président. L'amendement n° 898 rectifié ter est retiré.
Madame Gruny, l'amendement n° 1487 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1487 rectifié bis est retiré.
Madame Mélot, l'amendement n° 743 rectifié est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je le mets aux voix.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 87 A.
L'amendement n° 899 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l'article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier et dernier alinéas de l’article L. 1235-5 du code du travail, le mot : « onze » est remplacé par les mots : « vingt et un ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement tend à porter de dix à vingt et un l’effectif des entreprises concernées par les exceptions prévues à l’article L. 1235 5 du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement, déjà rejeté en commission, vise à conserver les dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail tout en relevant le seuil d’effectif des entreprises concernées par ses exceptions de onze à vingt et un salariés.
On comprend cette démarche dans la mesure où la commission spéciale a relevé de manière permanente, à l’article 87 A, le seuil d’effectif à partir duquel l’élection des délégués du personnel devient obligatoire.
Toutefois, la problématique de l’élection des délégués du personnel et celle des indemnités accordées aux salariés licenciés demeurent deux sujets distincts. S’il était adopté, l’amendement aurait pour effet de diminuer de manière importante les droits des salariés licenciés travaillant dans les entreprises employant moins de vingt et une personnes.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 899 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1307 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa de l’article L. 1235-5 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette indemnité ne peut être inférieure à six mois de salaire brut. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. On distingue deux types de licenciement : le licenciement injustifié et le licenciement abusif.
Le licenciement injustifié concerne le salarié licencié qui avait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise comptant plus de dix salariés. Dans ce cas, le salarié dont le licenciement n’est pas fondé a droit à une indemnité pour licenciement injustifié et le juge peut proposer sa réintégration dans l’entreprise. À défaut de réintégration, l’employeur est condamné au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette indemnité ne peut pas être inférieure à la somme correspondante aux salaires bruts des six derniers mois perçus. Il s’agit donc d’un « plancher » légal qui peut croître en fonction du préjudice effectivement subi par le salarié.
Le licenciement abusif concerne le salarié qui avait moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise ou lorsque cette dernière compte moins de onze salariés. Le salarié subit ici, selon la loi, un licenciement abusif et a droit à une indemnité réparant le « préjudice subi », cette indemnité étant cumulable avec les indemnités de rupture du contrat de travail. Les juges font ici une appréciation libre, c’est-à-dire « souveraine », du préjudice subi par le salarié. Cela signifie que la loi ne fixe aucun minimum d’indemnisation.
Le salarié doit donc prouver l’étendue de son préjudice, en apportant des pièces. Pour évaluer le préjudice, les juges prennent en compte des éléments tels que l’âge du salarié, la durée de son chômage ou encore ses problèmes financiers, médicaux et familiaux.
Notre amendement vise à garantir aux salariés victimes d’un licenciement abusif le bénéfice d’un plancher de six mois de salaire brut.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis défavorable. Le code du travail prévoit aujourd’hui que l’indemnité doit correspondre au préjudice subi. Il est justifié de maintenir cette règle spécifique pour les petites entreprises. Le but de ce projet de loi est non pas d’augmenter le montant des indemnités pouvant être attribuées par un juge à un salarié, mais de relancer l’activité.
Mme Évelyne Didier. Ce n’est jamais le moment !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 916 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 87 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 1234-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises de moins de vingt et un salariés, le délai d’un mois mentionné au 2° est réduit à 15 jours et le délai de deux mois mentionné au 3° est réduit à un mois. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Alors que les PME sont le principal vecteur de création d’emplois en France, il est urgent de combattre la peur d’embaucher de leurs dirigeants. Pour qu’ils n’aient plus cette peur, et pour qu’ils soient en mesure d’adapter leur effectif à la situation économique de leur entreprise, il faut qu’ils disposent de préavis de licenciement à délai réduit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a déjà été rejeté en commission. Il vise à diviser par deux la durée du préavis de licenciement hors faute grave dans les petites entreprises : le préavis des salariés dont l’ancienneté serait comprise entre six mois et deux ans passerait ainsi d’un mois à quinze jours ; celui des salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté serait réduit de deux mois à un mois.
La commission estime que ces modifications – vous parlez quant à vous de simplification – ne sont pas indispensables. Le préavis d’un mois en cas de licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté est déjà court. Il nous semble difficilement acceptable de le réduire à quinze jours. Nous demandons donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 916 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 916 rectifié ter est retiré.
Article 87
(Non modifié)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 2312-5, au deuxième alinéa de l’article L. 2314-11, au premier alinéa des articles L. 2314-31 et L. 2322-5, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2324-13 et au deuxième alinéa de l’article L. 2327-7, les mots : « l’autorité administrative » sont remplacés par les mots : « le juge judiciaire » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 2312-5 et au troisième alinéa de l’article L. 2327-7, les mots : « de l’autorité administrative » sont remplacés par les mots : « du juge judiciaire » et les mots : « à la décision administrative » sont remplacés par les mots : « au jugement » ;
3° Au dernier alinéa de l’article L. 2314-11, au deuxième alinéa des articles L. 2314-31 et L. 2322-5 et au dernier alinéa de l’article L. 2324-13, les mots : « de l’autorité administrative mentionnée » sont remplacés par les mots : « du juge judiciaire mentionné » et les mots : « à la décision administrative » sont remplacés par les mots : « au jugement » ;
4° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2324-13, le mot : « elle » est remplacé par le mot : « il » ;
5° Les articles L. 2314-20 et L. 2324-18 sont ainsi modifiés :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « L’inspecteur du travail » sont remplacés par les mots : « Le juge judiciaire » ;
b) Aux premier et second alinéas, les mots : « , après avoir consulté les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, » sont supprimés ;
6° Au début du second alinéa de l’article L. 2324-18, les mots : « L’inspecteur du travail » sont remplacés par les mots : « Le juge judiciaire » ;
7° À l’article L. 2632-1, les mots : « la décision administrative prévus au deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « le jugement prévus aux deuxième et troisième alinéas ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 80 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 290 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Savary, Guerriau, Kern, Longeot et Canevet, Mme Loisier, MM. Bockel, Roche et Marseille, Mme Jouanno, MM. Pozzo di Borgo et Jarlier, Mme Joissains et M. Namy.
L'amendement n° 955 rectifié est présenté par M. Collombat et Mme Malherbe.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 80.
Mme Annie David. Nous souhaitons réaffirmer notre attachement à un véritable dialogue social dans l’entreprise et au rôle spécifique de l’autorité administrative, dont l’article 87 prévoit de transférer certaines compétences à la justice. Sur cette question, qui n’est pas anodine, aucun document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options n’a été présenté aux organisations syndicales de salariés ni, peut-être, aux représentants des employeurs.
En outre, la complexité de la procédure et les réticences à saisir la justice rendront la défense des salariés plus difficile ; cela risque d’amplifier l’asphyxie des tribunaux, que nous connaissons tous. La question du coût des procédures peut également jouer un rôle dissuasif. Enfin, le juge ne sera apparemment pas obligé de consulter les organisations syndicales pour prendre sa décision, ce qui, même si nous ne contestons pas l’impartialité des juges, pourrait s’analyser comme une régression du droit des salariés.
L’ensemble de ces éléments ne peut que nous inciter à supprimer l’article 87, d’autant que – vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le ministre – un projet de loi relatif au dialogue social et au soutien à l’activité des salariés est en préparation ; un document a d'ailleurs été remis aux organisations syndicales début avril. Avant de modifier le code du travail, il serait intéressant de connaître les propositions de François Rebsamen.
M. le président. Les amendements nos 290 rectifié bis et 955 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 80 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a conservé l’article 87, qui prévoit de transférer de l’inspection du travail au juge judiciaire toute compétence en matière de règlement des différends relatifs à la préparation des élections professionnelles en entreprise. Il nous avait en effet semblé qu’il s’agissait d’une mesure de simplification. Du reste, aucune des personnes que nous avons auditionnées ne l’a critiquée.
Toutefois, depuis lors, des demandes de suppression ou au moins de modification de l’article 87 se sont exprimées. On sent qu’il existe, je n’irai pas jusqu’à dire des désaccords, mais en tout cas des visions différentes au sein du Gouvernement. C'est pourquoi nous souhaiterions connaître l’avis de M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’intention initiale du Gouvernement, à travers l’article 87, était d’unifier le contentieux des opérations préélectorales. Il subsiste en effet une compétence résiduelle de l’administration et du juge administratif. Nous avons donc proposé de la basculer vers l’autorité judiciaire afin de simplifier le processus pour les organisations syndicales comme pour les employeurs. Cette solution présenterait l’avantage de la lisibilité pour les acteurs de terrain habitués à manier ces dispositions.
J’entends cependant vos arguments, madame David. Vous évoquez la sensibilité du sujet et le besoin de cohérence dans le temps ; j’ai employé ce dernier argument tout à l'heure sur un autre sujet. Un projet de loi de modernisation du dialogue social est effectivement en préparation. Il est vrai aussi que le transfert de compétence augmenterait la charge de travail de la justice judicaire. Hier, nous avons eu débat similaire sur les prud’hommes. Il faut être cohérent. J’ai dit moi-même que nous cherchions à préserver le paritarisme pour ne pas encombrer la justice judiciaire.
Je souscris donc à vos arguments, et j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 80.
M. le président. Quelle est, en définitive, l’avis de la commission, madame la corapporteur ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pour ma part, je me contenterai de m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens cet amendement pour les raisons évoquées – l’encombrement de la justice judiciaire, notamment. En outre, il arrive trop souvent qu’on nous présente des dispositions sans aucune évaluation ni étude d’impact.
M. le président. En conséquence, l'article 87 est supprimé.
Article 88
(Non modifié)
À l’article L. 3142-7 du code du travail, les mots : « à des organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sur le niveau national » sont remplacés par les mots : « aux organisations syndicales mentionnées au 3° de l’article L. 2135-12 ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 88
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 306 rectifié quater, présenté par MM. Gabouty et Guerriau, Mme Loisier, MM. Kern, Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 88
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article L. 3123-14-1 du code du travail est abrogé.
II. – La durée minimale hebdomadaire du travail est déterminé par des accords de branche dans le cadre de la négociation collective entre les organisations d'employeurs et de salariés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Fixer à vingt-quatre heures par semaine la durée minimale de travail du salarié à temps partiel ne correspond pas à la réalité économique de certains secteurs d'activité. Il convient donc de supprimer cette limite.
M. le président. L'amendement n° 1290, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 88
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 3123-14-1 du code du travail, les mots : « ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2 » sont supprimés.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Lors de la discussion du texte issu de l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi, la précédente majorité sénatoriale avait répondu à nos nombreuses critiques que l’introduction d’une durée minimale de travail à temps partiel était une avancée majeure. Depuis le 1er janvier, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est donc de vingt-quatre heures par semaine, du moins en théorie. Dans les faits, de nombreux employeurs se permettent de la contourner.
Le texte prévoyait déjà des dérogations : pour les étudiants de moins de vingt-six ans, les aides à domicile, les aides ménagères, les salariés volontaires et dans le cas où un accord de branche prévoit des contreparties. Indépendamment de ces dérogations, il existe d’autres moyens de contourner la loi pour les employeurs qui souhaitent avoir des salariés à temps partiel réduit ; c’est le recours à l’intérim qui est le moyen le plus utilisé.
Alors que nous avions fortement critiqué les dérogations, nous constatons aujourd’hui que, en pratique, les exonérations à la durée minimale hebdomadaire de vingt-quatre heures se généralisent. Nous proposons donc de revenir à la version initiale du texte, qui prévoyait une durée minimale de vingt-quatre heures sans exception.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je commencerai par l’amendement n° 306 rectifié quater. La durée de vingt-quatre heures a effectivement été actée par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Nous sommes conscients que sa mise en œuvre a pu causer d’importantes difficultés. Néanmoins, une ordonnance du 29 janvier dernier a supprimé les facteurs d’insécurité juridique issus de la loi relative à la sécurisation de l’emploi : la durée de vingt-quatre heures n’est pas applicable aux CDD de remplacement, tandis que les salariés embauchés avant la mise en place de cette règle bénéficient d’une priorité de passage à vingt-quatre heures, et non d’un droit opposable à une telle durée de travail. De plus, des accords de branche peuvent déroger à cette durée. C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
La disposition proposée par les auteurs de l'amendement n° 1290 ferait perdre toute cohérence à la mesure du temps de travail des salariés à temps partiel, puisqu’il est aujourd’hui possible de mesurer la durée de travail sur le mois ou même l’année. Les entreprises seraient désorganisées si elles ne pouvaient pas calculer la durée minimale de travail des salariés à temps partiel sur la même période que celle des autres salariés. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 306 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 306 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 1290.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 89
(Non modifié)
I. – L’article L. 2314-24 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Après la proclamation des résultats, l’employeur transmet, dans les meilleurs délais, par tout moyen, une copie des procès-verbaux aux organisations syndicales de salariés qui ont présenté des listes de candidats aux scrutins concernés ainsi qu’à celles ayant participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral. »
II. – L’article L. 2324-22 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Après la proclamation des résultats, l’employeur transmet, dans les meilleurs délais, par tout moyen, une copie des procès-verbaux aux organisations syndicales de salariés qui ont présenté des listes de candidats aux scrutins concernés ainsi qu’à celles ayant participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral. » – (Adopté.)
Article 90
(Non modifié)
L’article L. 4614-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l’ordre du jour par le président ou le secrétaire. » ;
2° Au début du dernier alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L’ordre du jour ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 90
M. le président. L'amendement n° 234 rectifié bis n'est pas soutenu.
Article 91
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 2323-4 du code du travail, après les mots : « par l’employeur », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, mises à disposition dans les conditions prévues à l’article L. 2323-7-3, ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 91
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Primas et Lamure, MM. Savin, Danesi, Bouchet, D. Laurent, Calvet, Darnaud, Genest et Bizet, Mmes Morhet-Richaud et Imbert, MM. D. Robert et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Cardoux, Mandelli et Doligé, Mme Des Esgaulx, MM. de Nicolaÿ, Mayet, Charon, Gournac et Leleux, Mmes Duchêne et Deromedi, MM. Saugey et Bignon, Mme Mélot, MM. G. Bailly et Houel, Mmes di Folco et Hummel, MM. Milon et Pointereau, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mme Procaccia, MM. Husson, P. Leroy, Chaize, Laufoaulu, Revet, Lefèvre et César, Mme Bouchart, MM. Kennel, Houpert, Grand, Buffet, Grosdidier, Reichardt, Gremillet et Laménie et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 91
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1242-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au neuvième alinéa, les mots : « ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » sont supprimés ;
2° Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Emplois relevant de certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, dans lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et dont il est impossible de fixer, sur une durée indéterminée, d’une part la répartition et le volume de la durée du travail et d’autre part les missions confiées au salarié ; ».
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Le recours aux contrats d’usage, ou contrats d’extra, est une nécessité pour les entreprises de la branche des hôtels, cafés, restaurants, et en particulier pour les traiteurs, afin de faire face aux fluctuations de leur activité.
Toutefois, dans un arrêt du 24 septembre 2008, la Cour de cassation a remis en cause les bases légales de ce dispositif, en considérant que la qualification conventionnelle de contrat d'extra dépendait de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère « par nature temporaire » de l'emploi.
Or il est bien souvent impossible d’apporter la preuve du caractère « par nature temporaire » de l’emploi. En effet, le recours aux contrats d’extra est une nécessité liée à un besoin temporaire de main-d’œuvre résultant d’un événement particulier – réception ou mariage, par exemple –, mais les emplois confiés aux salariés – serveur, maître d’hôtel, etc. – ne sont pas « par nature temporaires ».
Aussi, faute de pouvoir apporter la preuve du caractère « par nature temporaire » de l’emploi, et même si l’employeur respecte strictement les dispositions conventionnelles, les juridictions requalifient-elles la relation de travail en CDD en relation de travail en CDI et la relation de travail à temps partiel en relation de travail à temps complet.
Ces décisions, qui condamnent les entreprises à devoir verser plusieurs centaines de milliers d’euros, risquent de conduire plusieurs d’entre elles au dépôt de bilan et introduisent une totale insécurité juridique, laquelle est évidemment préjudiciable à l’emploi.
Dans un tel contexte, le présent amendement vise simplement à définir dans le code du travail la notion d’emploi « par nature temporaire » dans des secteurs d’activités définis par décret ou par accord de branche. Ainsi, le recours aux contrats d’extra serait sécurisé et l’équilibre économique et social de la branche des hôtels, cafés, restaurants, dans laquelle ce recours est usuel, serait conforté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est bien consciente des difficultés provoquées par la jurisprudence de la Cour de cassation sur les CDD d’usage. Il existe des lois, et il faut les respecter, mais le durcissement des règles pose de réels problèmes aux employeurs dans tous les secteurs où l’emploi temporaire est répandu.
La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émettrai d'abord une réserve méthodologique. Nous avons à plusieurs reprises évoqué les difficultés rencontrées par certains secteurs, mais l’idée de créer de nouveaux types de contrat ne me semble pas aller dans le sens de la simplification. Il vaut mieux simplifier les règles des contrats existants plutôt que d’en créer de nouveaux. Il me paraît contradictoire de créer des sortes de niches réglementaires pour essayer de simplifier la vie des gens.
Indépendamment de cette première réserve, l’amendement soulève une difficulté d’ordre juridique. Dans une décision du 11 avril 2014, le Conseil constitutionnel a invalidé l’arrêté d’extension de l’accord sur le portage salarial, en indiquant que le législateur ne pouvait confier aux seuls partenaires sociaux le soin de fixer les modalités d’organisation du portage salarial, car la détermination de ces modalités relève du domaine de la loi.
Or cet amendement revient en quelque sorte à renvoyer non seulement au décret, mais aussi à l’accord ou à la convention, pour la détermination de la nature des emplois d’extra et des secteurs dans lesquels on peut y recourir, ainsi que la répartition et la durée de travail auxquelles seraient astreints ces emplois.
Enfin, sans ignorer ces contraintes ni celles qui sont également posées par la Cour de cassation, il convient de rappeler que le recours à ces contrats est considérable dans le secteur des HCR. Il importe donc de maintenir un encadrement juridique strict.
Il conviendrait plutôt d’essayer d’identifier les éléments de rigidité éventuels et les améliorations possibles, sans toutefois conduire ces emplois à la précarité, car bien des jeunes qui travaillent dans ces secteurs ont déjà des contrats courts et fractionnés. Il nous faut constamment garder à l’esprit ce souci d’équilibre.
En tout cas, je ne peux pas vous suivre quand vous proposez, comme ici, un transfert vers la voie conventionnelle, ce qui n’est pas conforme à la Constitution.
Je vous demande donc de retirer cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Mélot, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Nous sommes conscients de la difficulté juridique posée, notamment, par la directive européenne du 28 juin 1999, mais nous appelons le Gouvernement à agir avec force. Comme vous venez de le préciser, nous devons aider les entreprises concernées à sortir de l’insécurité juridique dans laquelle elles sont actuellement plongées.
Vous l’aurez compris, il s’agissait d’un amendement d’appel, que je retire, à la lumière de vos explications.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
L'amendement n° 921 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 91
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1. – À compter du 1er janvier 2017, les règles en matière de relations individuelles et collectives du travail, d'emploi et de formation professionnelle relèvent du champ de la négociation collective et sont déterminées par accord collectif.
« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement destiné à modifier les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation à ce niveau. À cet effet, le Gouvernement leur communique un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.
« Au moment où elles leur font connaître leur intention d'engager une telle négociation, le Gouvernement leur communique le délai imparti pour négocier. En cas d'urgence, le Gouvernement peut décider de mettre en œuvre un projet de réforme en l'absence de procédure de concertation. Il fait alors connaître cette décision aux organisations mentionnées au premier alinéa en la motivant dans un document qu'il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
Mme Nicole Bricq. Gratiné, cet amendement !
M. Olivier Cadic. Cet amendement d’inversion de la hiérarchie des normes répond à un triple objectif.
D’abord, il vise à replacer au niveau conventionnel, d’entreprise, de groupe ou de branche, l’ensemble des règles applicables en matière de droit du travail, d’emploi et de formation professionnelle. Nous faisons donc confiance aux partenaires sociaux en choisissant de les responsabiliser. Conformément à l’article 34 de la Constitution, le législateur continuera à fixer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et du droit de la sécurité sociale.
Ensuite, il tend à adapter les règles du droit du travail au plus près de la réalité du monde du travail en tenant compte de la diversité des secteurs d’activité et des tailles d’entreprise.
Enfin, il a pour objet de simplifier le droit du travail pour le rendre plus lisible, plus praticable et diminuer les contentieux.
Le code du travail fixera désormais uniquement l’ordre public social qui s’imposera au champ conventionnel.
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
M. Olivier Cadic. Afin de donner le temps à cette inversion de la hiérarchie des normes sociales de s’installer, le Gouvernement mettra en place par décret un conseil de la simplification du droit du travail, qui déterminera ce qui relève actuellement de l’ordre public social dans le code du travail et ce qui n’en relève pas, afin de simplifier ce code.
Le principe de concertation préalable fixé par la loi du 31 janvier 2007 ne disparaît pas. La coproduction entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux nationaux interprofessionnels demeure, afin de fixer au mieux les principes fondamentaux de l’ordre public social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq. Vous ne pouvez pas être favorable à un tel amendement !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise donc à inverser la hiérarchie des normes du droit du travail.
Supprimer le primat de la loi et de l’ordre public social dans un domaine comme celui du financement de la formation professionnelle, dans lequel les branches et les entreprises disposent déjà d’une marge de manœuvre significative, reviendrait à désorganiser tout l’édifice français en la matière et risquerait de conduire à la diminution de l’investissement des petites entreprises dans la formation professionnelle, alors qu’elles considèrent encore trop souvent qu’il s’agit d’une charge.
Il faut, par ailleurs, prendre en compte les cas où un accord entre partenaires sociaux ne pourra pas être trouvé. Le législateur peut confier des compétences à la négociation collective, mais ne peut pas contraindre les parties à conclure un accord. L’intervention du législateur ne peut donc pas toujours être évitée, au-delà d’une interprétation littérale de l’expression « principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical », telle qu’elle figure à l’article 34 de la Constitution.
En l’état actuel des choses, et sans étude d’impact approfondie, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais nous pourrons peut-être reprendre ce débat lors de la discussion du texte à venir sur le dialogue social.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La simplification du droit du travail est un objectif louable en soi, tant il est vrai que notre code du travail est devenu bien long, ce que chacun s’accorde à reconnaître.
La complexité qui le caractérise parfois est le fruit d’évolutions successives, de débats, enrichis souvent, d’ailleurs, par les jurisprudences.
La complexité ou la longueur de ce code…
Mme Annie David. Il serait plus simple de déposer un amendement de suppression du code du travail !
Mme Annie David. Ce n’est pas à vous, mais à M. Cadic que je m’adressais. (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Dont acte !
La complexité et la longueur de ce code me posent un problème à titre personnel, car la surabondance d’informations est un obstacle à l’accessibilité au droit, donc, parfois, à la défense de l’intérêt des plus faibles. Je ne peux pas dire ici que la taille et l’inflation, année après année, du code du travail ne sont pas des sujets de préoccupation.
Monsieur Cadic, vous proposez, au détour d’un amendement, de bousculer complètement ce code, sa structure, et ce que l’on appelle « l’ordre public social ». À mon sens, ce n’est pas de bonne méthode, même si je le prends comme un amendement d’appel. Son objet est de surcroît un peu radical.
Je ne voudrais pas qu’un débat mal engagé sur un tel sujet vienne gêner la démarche enclenchée voilà quelques semaines par le Premier ministre, démarche que je veux ici défendre et qui m’a conduit hier à prononcer, sans doute un peu rapidement, un « Même avis ! » s’agissant de la création d’une commission de simplification qui allait, elle aussi, un peu loin…(Sourires.)
Pour tout vous dire, j’ai été un peu distrait à ce moment-là du débat, mais ce n’est pas grave…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est même, en l’occurrence, très bien ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Donc, quand vous m’avez répondu par la négative, vous pensiez le contraire ? (Rires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, monsieur Karoutchi. (M. André Gattolin s’esclaffe.)
Quelle est la démarche qu’a entamée M. le Premier ministre voilà quelques semaines en installant la commission dirigée par l’ancien directeur général du travail, M.Combrexelle ?
Il s’agit de réfléchir aux principes et aux normes les plus importants qui doivent être conservés au niveau de la loi, puis de voir comment nous pouvons articuler, sur ce socle, un droit plus conventionnel, qui serait donc décliné principalement au niveau des accords de branche, et ce dans le but d’alléger le code du travail.
Le sujet, éminemment complexe, a déjà fait l’objet de travaux importants de la part d’éminents juristes - les professeurs Lyon-Caen, Barthélémy et Cette – tant il est vrai qu’il constitue la clé de voûte d’un droit qui ne se réduit pas aux seuls principes fondamentaux constitutionnels. C’est d’ailleurs la faiblesse de votre argumentation.
Il faut définir ce qui constitue l’ordre public social. C’est à ce niveau que le débat doit être mené. Dans cette perspective, la bonne démarche consiste, quitte à y consacrer plusieurs mois, à déterminer les normes qui doivent figurer dans le code du travail, au niveau législatif ou au niveau réglementaire, et celles qui doivent relever des accords de branche. Tel est l’objectif de la commission Combrexelle.
Il est vrai qu’au fil des années la loi s’est mise à venir corriger des jurisprudences. Avec ce texte, nous avons d’ailleurs tendance à rester dans cette logique, puisque nous continuons à modifier les lois pour mieux faire fonctionner l’économie.
Ce vrai et beau débat législatif, parce qu’il est à la fois juridique et politique, va prendre du temps, mais il est nécessaire, et vous comprenez bien qu’il ne peut pas être tranché au détour d’un amendement, sauf à donner le sentiment que tout cela n’aurait qu’un seul but, à savoir mettre à bas le code du travail, un code qui a son utilité et qui est, lui aussi, le fruit d’un travail collectif.
Par cette réponse un peu longue, je voulais faire le point sur la démarche entreprise par le Gouvernement. Cependant, si nous avons comme vous le souci de la simplification et de la modernisation du droit du travail, nous ne saurions nous départir d’une méthode équilibrée, car la démarche ne peut se traduire, du fait d’un traitement brouillon, par un amoindrissement des droits.
Ce travail doit être conduit dans les prochains mois par M. Combrexelle et la commission qu’il préside. Il éclairera le Gouvernement, qui fera une proposition entre la fin de cette année et le début de l’année prochaine, pour permettre un vrai débat parlementaire, donnant à toutes les réflexions et à toutes les sensibilités l’occasion de s’exprimer. Nous verrons alors comment remettre à plat l’ensemble de l’édifice. Néanmoins, un tel travail ne peut pas se faire en biffant simplement des dizaines de pages du code ou au détour d’un amendement.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Cadic, vous nous proposez non seulement de renverser la hiérarchie des normes, mais également d’abattre, d’un seul coup, un tiers du code du travail ! Vous ne laissez finalement à la loi qu’une capacité d’intervention résiduelle.
M. Gérard Longuet. C’est la Nuit du 4 août ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas parce que c’est jour de vote chez nos amis du Royaume-Uni qu’il faut adopter cet amendement d’inspiration très libérale ! (Nouveaux sourires.)
Je sais que vous êtes très attaché à ce qui se passe de l’autre côté de la Manche, mais là, vous avez fait très fort ! Vous nous permettrez d’être contre vos propositions.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très brièvement, je voudrais saluer la réponse de M. le ministre, très argumentée, qui nous redonne des éléments de calendrier et de méthode sur la mission confiée à M. Combrexelle.
Vous avez dit clairement que le Parlement serait associé à la suite de ces travaux, donc, nous vous prenons au mot. L’interpellation de mon collègue Olivier Cadic va, je crois, dans le bon sens. D’ailleurs, vos propos ne laissent pas de doute sur votre souhait de voir les choses évoluer sur ce point.
Le Parlement sera donc attentif aux suites données à cette commission, et il nous reviendra d’écrire la loi au fur et à mesure, de manière aussi étayée que possible, avec toute l’efficacité juridique attendue.
Votre réponse constitue donc une avancée, mais peut-être pourriez-vous nous éclairer sur le mécanisme d’information et d’association du Parlement aux différentes étapes de ce travail ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. La lettre de mission a été signée par le Premier ministre le 1er avril dernier. Les résultats des travaux de la commission sont attendus à l’automne. Ensuite, je pense que le Premier ministre organisera des séances préparatoires tant avec les partenaires sociaux qu’avec l’ensemble des parlementaires.
J’y insiste, au-delà de tout ce qui sera proposé par l’ancien directeur général du travail, cette œuvre prendra plusieurs mois, car elle suppose un véritable travail d’éclairage par les partenaires sociaux, mais aussi un vrai travail législatif au long cours, qui nécessitera l’association étroite de l’ensemble des commissions législatives compétentes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Dès l’automne, à la réception des conclusions de la commission Combrexelle, M. le Premier ministre annoncera l’ensemble du calendrier.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur Cadic, lorsque nous avons recodifié le code du travail en 2007, une commission avait préalablement travaillé le sujet pendant près de quatre ans. Tout paraissait relativement simple, or, depuis 2007, nous passons notre temps à modifier des éléments de ce code du travail qui devait être simplifié…
Aussi, je ne crois pas que nous puissions faire ce que vous appelez de vos vœux avec un simple amendement.
J’apprécie les informations sur la commission Combrexelle, et je voudrais dire à M. le ministre que j’ai tout à fait confiance en M. Combrexelle, que j’ai appris à connaître depuis un certain nombre d’années, au fil de nos travaux parlementaires. En revanche, il me paraît un peu étrange que l’on ait institué cette commission maintenant, alors que doit être examiné prochainement à l’Assemblée nationale un texte sur le dialogue social, dont le dépôt a fait suite à un échec des négociations entre les partenaires sociaux.
N’aurait-on pas pu attendre que la commission Combrexelle nous fournisse un certain nombre d’éclairages, ce qui nous aurait permis de légiférer dans de meilleures conditions, non seulement aujourd’hui - nos rapporteurs ont formulé des propositions -, mais aussi à l’occasion du texte sur le dialogue social ?
Une nouvelle fois, on engage la discussion de projets de loi sans attendre le résultat des travaux confiés à une commission, alors que rien ne presse et que tout aurait pu être plus clair pour les parlementaires dans deux ou trois mois.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais tenter de remettre ces questions en perspective.
Le travail demandé à M. Combrexelle est particulièrement ambitieux. Il consiste à poser les fondements permettant de repenser une vraie hiérarchie des normes, et donc l’articulation de l’ensemble des dispositions existantes. J’ai dit que cela prendrait du temps parce que, une fois le rapport remis, beaucoup restera à faire…
Mme Catherine Procaccia. Il y en a encore pour deux ou trois ans !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous l’avez dit ! Pourtant, pour qui est au contact des réalités économiques, la nécessité de bouger est évidente.
Si j’avais voulu aller dans votre sens, madame Procaccia, j’aurais supprimé la partie de ce projet de loi relative au droit social. Cela aurait attristé votre collègue Roger Karoutchi (Sourires.) , qui voulait aller beaucoup plus loin, il y a deux jours, mais il n’aurait pas été le seul. Dans un tel contexte, nous n’aurions rien fait.
Il me semble très important de distinguer les différents chantiers.
La loi relative à la sécurisation de l’emploi visait à sécuriser la procédure de licenciement collectif, à permettre la mise en place d’accords de maintien dans l’emploi défensifs et à définir les modalités de représentation des salariés au sein des conseils d’administration, sans parler de nombreuses autres dispositions relatives à la formation.
L’évaluation de ce dispositif permettra des améliorations. J’en espère deux : l’une sur les accords de maintien dans l’emploi défensifs et l’autre sur la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Si les négociations aboutissent, j’espère que nous pourrons intégrer les dispositions correspondantes soit au présent projet de loi, soit au projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
La négociation qui a échoué portait sur les procédures existantes de consultation des salariés, les différentes structures de représentation du personnel, les seuils, les parcours syndicaux, la bonne représentation et le dialogue social. Tous ces sujets ne font pas la totalité du droit du travail et cette négociation était donc limitée.
Il était normal, conformément à l’esprit de l’article L. 1 du code du travail, que le Gouvernement entreprenne dans le même périmètre un travail législatif et propose des solutions respectant un équilibre politique : c’est le projet de loi qu’a présenté mon collègue François Rebsamen et qui sera soumis dans quelques semaines à votre examen. Il n’était pas nécessaire d’attendre.
Tous les autres sujets, comme celui qu’a soulevé il y a un instant M. Cadic, et beaucoup d’autres dont nous discutons, n’ont pas fait l’objet d’une négociation. Il est normal, dans ce cas, d’adopter une approche d’ensemble plus systémique, qui conduira peut-être, dans deux ans ou trois ans, à modifier certaines dispositions, comme l’articulation entre la loi et l’accord. Entre-temps, nous aurons fait œuvre utile en légiférant aujourd’hui sur les sujets qui offrent une certaine lisibilité et sur lesquels existe un équilibre politique et social.
Je pense qu’il est important de procéder par ordre. Je suis très réticent à ce que l’on se précipite lorsqu’un équilibre n’a pas été trouvé. Je ne suis pas non plus favorable à ce que l’on attende inutilement quand et là où on peut avancer.
Le travail de remise à plat et de cohérence qui a été confié à M. Combrexelle, parce qu’il suppose un effort conceptuel plus large, prendra le temps qu’il faudra pour être bien fait, mais il ne nous empêche pas de légiférer utilement dans la perspective que je viens de rappeler.
M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 921 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Je suis heureux d’avoir ouvert ce très intéressant débat. Je tiens à remercier M. le ministre : sa réponse a été longue, il l’a dit lui-même, mais elle est bien moins longue que ne l’est le code du travail. (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. On l’a déjà faite, celle-là !
M. Olivier Cadic. Je vous remercie d’avoir pris le temps de procéder à ces explications, monsieur le ministre.
Je voudrais répondre à Mme Bricq sur le droit en vigueur au Royaume-Uni, puisqu’elle a l’air de penser que le droit du travail français est beaucoup plus protecteur.
Je vais vous donner un exemple vécu : au consulat, deux secrétaires font le même travail, une pour le consul général et l’autre pour le consul général adjoint. Ces deux secrétaires, qui font exactement le même travail, n’ont pas les mêmes droits, parce qu’elles dépendent de conventions différentes. Au Royaume-Uni, une telle situation serait impossible : deux personnes qui font le même travail dans le même bureau doivent avoir les mêmes droits.
Mme Éliane Assassi. Et le contrat zéro heure, c’est quoi, pour vous ?
M. Olivier Cadic. Nous pouvons aborder ce sujet si vous le souhaitez, mais ce n’est pas l’objet du débat actuel, qui porte sur la hiérarchie des normes et notre façon d’appréhender notre droit du travail.
Cet amendement, qui était un amendement d’appel, vous l’avez tous compris, était nécessaire pour ouvrir un débat qui va être très important pour notre pays dans les mois à venir. M. le ministre nous a dit qu’une commission avait été constituée, mais je pense que ce débat va durer plus que quelques mois et nous occuper au moins pendant les deux prochaines années.
Je vous ai proposé une vision sur laquelle nous allons tous travailler. Aujourd’hui, tout le monde comprend bien que le code du travail a pris une telle ampleur et que les accords et conventions collectives sont devenus si complexes qu’il va bien falloir reprendre le chantier.
Dans une entreprise, lorsque l’organisation est devenue trop compliquée, on n’essaie même plus de la modifier, parce que l’on sait que l’on n’y parviendra pas. À partir de ce moment, on commence à penser à la réingénierie, qui consiste à redéfinir en profondeur cette organisation : c’est ce que va permettre cette inversion de la hiérarchie des normes. Il sera ainsi possible de replacer au cœur du système le contrat de travail qui unit le salarié à l’entreprise, car la loi ne permettra jamais d’envisager de manière aussi fine la nature du lien entre l’employeur et le salarié.
Tel est le message que je souhaitais faire passer. À titre personnel, je souhaite maintenir mon amendement. Je comprends bien la position de la commission et du Gouvernement, mais il est important pour moi, aujourd’hui, de marquer l’Histoire.
Mme Éliane Assassi. Et en plus, il est modeste !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 921 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1329 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 91
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2251-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-1. – Une convention ou un accord ne peut comporter que des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public. » ;
2° L’article L. 2252-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2252-1. – Une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. » ;
3° L’article L. 2253-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2253-1. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés.
« Cette convention ou cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;
4° L’article L. 2253-4 est abrogé ;
5° L’article L. 3122-6 est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Tout aussi modestement que M. Cadic (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), je vous propose de rétablir la hiérarchie des normes, alors que vous avez déjà beaucoup fait pour l’inverser, chers collègues. En effet, la loi ne fait plus foi, puisqu’un accord de branche ou un accord d’entreprise peut y déroger.
Nous vous proposons donc de faire à nouveau de la loi la référence. Pour que les choses ne soient pas compliquées, il faut que la loi puisse s’appliquer, parce que la loi est claire et que chacun la comprend.
L’amendement n° 1329 rectifié vise donc à rétablir la hiérarchie des normes du droit du travail.
M. le président. L’amendement n° 922 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 91
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2251-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-1. – Une convention ou un accord ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Je crois que le débat a été suffisamment riche. Je retire donc cet amendement, compte tenu du vote émis sur le précédent.
M. le président. L’amendement n° 922 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 923 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 91
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2252-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2252-1. – Une convention ou un accord de niveau inférieur peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés que celles qui leur sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord de niveau supérieur ou couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. Lorsqu’une convention ou un accord de niveau supérieur à la convention ou à l’accord intervenu est conclu, les parties adaptent les stipulations de la convention ou accord antérieur moins favorables aux salariés. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Pour les mêmes raisons, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 923 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 1245 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 91
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3122-6 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous cherchons, nous aussi, en toute modestie, à simplifier le code du travail et nous vous proposons d’abroger l’un de ses articles.
Abrogeons donc l’article L. 3122-6 du code du travail, qui permet aux employeurs d’imposer à leurs salariés d’importantes modulations du temps de travail, sans avoir à craindre de sanctions judiciaires, à l’image de celle qu’avait prononcée la Cour de cassation le 28 septembre 2010. Cet arrêt avait en effet clairement affirmé qu’un accord collectif ne pouvait imposer au salarié une modulation de son temps de travail sans requérir préalablement son consentement exprès.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, ces amendements et ceux qui vont suivre visent à revenir à un véritable code du travail, conforme à un projet de société différent de celui que propose M. Cadic.
Nous voulons en effet un code du travail qui permette aux salariés et aux employeurs de connaître leurs droits et leurs devoirs et garantisse que ceux-ci soient respectés dans l’intérêt général, afin que les salariés puissent travailler dans de bonnes conditions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1329 rectifié et 1245 rectifié ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1329 rectifié vise à généraliser le principe de faveur. La commission spéciale a émis un avis défavorable, de même que sur l’amendement n° 1245 rectifié.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous attendiez avec impatience les résultats de la commission Combrexelle. Finalement, l’objet de ses travaux n’est pas très éloigné de celui de l’amendement sur lequel vous avez par inadvertance émis un avis favorable hier soir. N’ayez donc pas trop de regrets ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Avec l’amendement n° 1329 rectifié, vous refermez toutes les portes ouvertes dans le code du travail tant par la réforme de 2004, qui a permis à des accords de branche de déroger à la loi, que par la réforme de 2013, qui permet cette fois à des accords majoritaires d’entreprise de déroger à la loi.
Nous avons un désaccord d’ordre politique sur ce point. Je considère qu’il est utile que ces accords, d’entreprise ou de branche, puissent déroger à la loi, mais dans des conditions précises.
Dans les deux cas, ces accords ne sont possibles que dans certains secteurs, définis par la loi.
Ensuite, la possibilité de déroger doit aussi être explicitement prévue par la loi : il n’y a donc pas de principe général permettant à l’accord majoritaire d’entreprise ou à l’accord de branche de déroger à la loi.
Enfin, l’accord d’entreprise doit être majoritaire, ce qui est encore plus contraignant – nous avons eu un long débat avec Mme Lienemann sur ce sujet.
Le droit actuel est donc équilibré et, je le répète, il n’existe aucun principe général de dérogation de l’accord de branche ou de l’accord majoritaire d’entreprise par rapport à la loi.
Vous percevez ces ouvertures comme des failles et je reconnais la cohérence de votre position. Comme je viens de l’expliquer, nous n’avons pas la même vision. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, parce que je pense que vous ne le retirerez pas, compte tenu de la ligne que vous défendez.
Néanmoins, cet amendement a le mérite de mettre un fait en lumière : on a créé des éléments de flexibilité encadrés, mais l’architecture d’ensemble du code du travail n’est pas cohérente.
Indépendamment de nos sensibilités, reconnaissons qu’il faut ouvrir un débat sur la totalité du code du travail pour y rétablir une cohérence. Il faudra revenir à des principes simples, par exemple en précisant ce qui doit relever de la loi et ce qui doit relever des accords, et avec quels contrôles. Chacun devra se prononcer en fonction de ses convictions, mais je ne vous suivrai pas sur les corrections que vous proposez, parce que je crois à la nécessité des accords de branche et des accords d’entreprise, à condition qu’ils soient bien cadrés.
En ce qui concerne l’amendement n° 1245 rectifié, j’émettrai également un avis défavorable. En effet, l’annualisation du temps de travail est un principe appliqué dans de nombreux secteurs – c’était d’ailleurs l’un des apports de la loi sur les 35 heures, que je ne manque jamais de saluer.
Lorsqu’une entreprise décide d’y recourir, elle doit être couverte par un accord collectif, consulter le comité d’entreprise et informer les salariés concernés. Dans ce cadre, le salarié reste protégé dans la durée légale de la semaine de travail. Il n’y a pas lieu d’abroger une disposition qui permet une certaine souplesse vis-à-vis des salariés, en toute transparence. Imposer une modification du contrat de travail ne ferait qu’alourdir le dispositif sans apporter de garantie supplémentaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. On a demandé à M. Cadic de retirer son amendement parce que la commission Combrexelle se penchait sur la question ; le même argument aurait pu être opposé à Mme David, même si son amendement ne visait pas, lui, à inverser la hiérarchie des normes du droit du travail.
Monsieur Cadic, le problème qui se pose ne tient pas simplement au poids du code du travail ! Quand M. le Premier ministre a adressé sa lettre de mission à M. Combrexelle, il a bien fixé le cadre et dit les attentes du Gouvernement. Il est parti d’une observation : depuis 1982, c’est-à-dire depuis les lois Auroux, notre pays a connu d’importants changements. Les chiffres relatifs aux accords intervenus en 2013 sont assez éclairants : 5 accords nationaux interprofessionnels, 1 300 accords de branche et 39 000 accords d’entreprise. Le Premier ministre veut donc savoir comment on peut prendre en compte tous ces accords.
Le Premier ministre insiste, également, sur le fait que le droit du travail doit « coller » à la réalité du terrain.
Dans tous les cas, monsieur Cadic, il s’agit de favoriser la négociation collective afin qu’elle se déroule au plus près des acteurs.
Dans le texte que nous examinons, deux notions qui font leur apparition en droit me paraissent importantes. Il s’agit notamment, pour ce qui concerne le travail du dimanche, de la reconnaissance des accords territoriaux.
Lorsque nous examinerons, en fin de parcours, tout ce qui a trait au plan de sauvegarde de l’emploi, le PSE, nous aurons alors à considérer une seconde notion, celle de bassin d’emploi, très importante par rapport à la volonté du Gouvernement de s’approcher au plus près du terrain, mais toujours dans le cadre de la négociation collective. C’est d’ailleurs ce qui nous différencie de vous, monsieur Cadic, qui préférez vous attacher aux relations conventionnelles et individuelles.
Nous considérons, pour notre part, que le sujet traité concerne des salariés, et non des individus, et là réside notre divergence avec nombre de personnes de droite.
Alors on peut toujours dire que l’on aurait dû décider cette mission plus tôt, madame Procaccia. Quoi qu’il en soit, la démarche est importante : elle nous donnera matière à adapter le droit du travail, sans que l’on ait à se départir de la volonté de négociation, si importante, des partenaires sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En souhaitant le rétablissement de la hiérarchie des normes, nous ne disons pas pour autant qu’il faut supprimer les accords d’entreprise et que tout doit figurer dans la loi.
Ces accords ont toujours existé, mais la loi doit fixer les règles minimales qu’il convient de respecter. C’est ce que je vous reproche de ne pas avoir prévu concernant le travail du dimanche.
J’y insiste, la loi doit fixer les règles minimales relatives au salaire, aux horaires, à la modulation, aux conditions de travail. Par la suite, évidemment, chaque branche élabore l’accord qui lui correspond. Dans la métallurgie, l’accord sera différent de celui qui s’applique dans l’hôtellerie, la restauration ou le commerce. C’est déjà le cas aujourd’hui ! Mais au moins existe-t-il, aujourd’hui, un minimum légal pour tous les salariés : le SMIC, par exemple.
Si l’on vous suivait, on pourrait très bien imaginer, demain, un SMIC différent selon l’entreprise... Cela ne voudrait plus rien dire, si ce n’est une grille de salaires par entreprise. Ce n’est pas ce que nous voulons !
La loi doit définir les règles qui seront impérativement respectées par tous les partenaires sociaux dans les entreprises, règles qui sont ensuite déclinées dans les accords de branche et les accords d’entreprise.
Parmi les accords d’entreprise que vous avez évoqués, madame Bricq, certains sont sans doute plus avantageux que la loi. Tant mieux ! Mais peut-être, aussi, certains le sont-ils moins. Je ne connais pas les milliers d’accords d’entreprise existants...
Vous nous parliez, monsieur le ministre, des accords majoritaires. Ils existent, certes, mais je vous rappelle qu’il y a aussi des référendums, auxquels les entreprises aiment à recourir, car ils leur permettent de faire porter la responsabilité du moins-disant social sur les salariés.
Rappelez-vous les Conti, qui avaient accepté de travailler plus de 35 heures et de diminuer leur salaire, en contrepartie de quoi l’entreprise devait maintenir les emplois. Or, au bout du compte, les salaires ont diminué, les horaires ont augmenté et l’entreprise a fermé !
À un moment donné, il faut tout de même que le droit du travail permette aux salariés, à leurs représentants et à l’ensemble des institutions représentatives du personnel, les IRP, de se faire respecter et d’être entendus.
Par cet amendement visant à rétablir la hiérarchie des normes, je ne souhaite pas revenir à l’époque des dinosaures, mais à la situation d’avant 2004. Ce n’est pas vieux ! Car c’est cette année-là que la hiérarchie des normes a été inversée...
Par ailleurs, nous ne souhaitons pas tant empêcher l’annualisation qu’éviter que les employeurs ne se dispensent de payer les heures supplémentaires, comme cela leur incombe dès lors que l’annualisation est mise en œuvre.
Je maintiendrai donc mes deux amendements, malgré les arguments qui nous ont été opposés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne veux pas prolonger indéfiniment la discussion, mais celle-ci est très importante en ce qu’elle fait écho, sur le plan conceptuel, au débat que nous avons eu sur le travail du dimanche, exemple que vous avez eu raison de citer.
Lorsque la recodification du code du travail a été lancée, selon le principe très simple que vous avez rappelé, le constat a été dressé collectivement qu’il fallait introduire des aménagements. Mais je ne suis pas d’accord avec vous, madame David, toute la hiérarchie des normes n’a pas été inversée : dans certains pans du droit, l’inversion était très marginale.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’inversion de la hiérarchie des normes. Nous en restons au principe dit « de la crémaillère sociale » : sur l’essentiel, hormis les deux sujets que nous avons évoqués, l’accord de branche est toujours mieux-disant que la loi et l’accord d’entreprise toujours mieux-disant que l’accord de branche.
Cela étant, on observe que, lorsque l’on souhaite aller au-delà du minimum prévu par la loi, certains secteurs ou acteurs de l’économie ne peuvent plus suivre, ou difficilement.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est le cas pour le travail du dimanche !
M. Emmanuel Macron, ministre. Exactement !
Sur le principe, je pourrais être d’accord avec vous et dire qu’il faut payer double le dimanche, car c’est une juste compensation. Pourquoi ne l’a-t-on pas prévu dans la loi ? Parce que nous savons que certains types de commerces et de secteurs ne pourront pas faire face à une telle obligation.
Toute la question est de savoir quel doit être le minimum à inscrire dans la loi. C’est l’objet du débat politique !
En France, le consensus social s’est établi ainsi, collectivement. Ces dernières décennies, la droite et la gauche ont eu tendance à inscrire dans la loi un niveau minimum très exigeant. Or, quand certains secteurs ou certaines entreprises se sont retrouvés en situation difficile, on a vu que ce niveau minimum n’était parfois plus soutenable. C’est exactement ce qu’a illustré notre débat sur le travail du dimanche.
Ainsi, dans le secteur du vêtement, les commerçants ne peuvent pas payer double un salarié qui travaille le dimanche, pas plus que dans nombre de petites villes dites « touristiques » où la fréquentation est nulle du mardi au vendredi soir.
Voilà pourquoi nous n’avons pas inscrit ce niveau minimum dans la loi et que nous l’avons renvoyé à des accords de branche et d’entreprise.
Cette forme de déconcentration, qui consiste à fixer dans la loi des principes et à renvoyer pour le reste à des régulations sociales, a ses vertus. En effet, la meilleure volonté du monde se heurte parfois à la diversité des situations. C’est tout le défi posé au travers de cette réforme du code du travail.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Ce débat commence à devenir vraiment intéressant et à aller dans le bon sens ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame David, le code du travail doit être le plus simple possible, pour être compréhensible par tous. J’ai compris que vous l’aviez compris ! (Sourires.)
Tel était exactement l’objet de mes amendements : un code du travail le plus simple possible, l’accord de branche pour entrer plus avant dans les détails, puis l’accord d’entreprise afin d’élaborer le contrat final.
Ce que je viens d’entendre me fait penser que nous pourrions, tous ensemble, progresser et marquer l’Histoire.
Mme Éliane Assassi. Avec vous, j’ai des doutes ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1245 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Section 4
Mesures relatives au développement de l’emploi des personnes handicapées et aux contrats d’insertion
Article 92
(Non modifié)
L’article L. 5212-6 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « fournitures » est remplacé par le mot : « fourniture, » ;
2° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit des travailleurs indépendants handicapés reconnus bénéficiaires de l’obligation d’emploi au sens de l’article L. 5212-13. Est présumée travailleur indépendant au sens du présent article toute personne remplissant les conditions mentionnées au I de l’article L. 8221-6 ou à l’article L. 8221-6-1. » ;
3° Après le mot : « établissements », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « , services ou travailleurs indépendants. Toutefois, cet acquittement partiel est déterminé soit en tenant compte du nombre de salariés exerçant pour le compte des travailleurs indépendants mentionnés au 4°, soit de façon forfaitaire pour les travailleurs indépendants mentionnés au même 4° relevant du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Apparemment, cet article, qui offre aux entreprises la possibilité de s’acquitter partiellement de leurs obligations en matière d’emploi de travailleurs handicapés semble constituer une réponse intéressante pour permettre le développement de l’emploi des travailleurs indépendants en situation de handicap.
Cependant, ce changement dans l’obligation d’emploi a des effets que je qualifierais de pervers, ainsi que des conséquences indésirables et incontrôlables. Il ne faut pas oublier, en effet, que la grande majorité des travailleurs indépendants qui sollicitent, notamment, le soutien de l’Association chargée de gérer le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, sont des personnes très défavorisées et en difficulté. En outre, elles exercent souvent des métiers ne répondant pas aux demandes des entreprises.
Si cette disposition vise à concerner tous les travailleurs indépendants handicapés, elle ne touchera ainsi, en pratique, qu’une faible minorité qui pourra conclure des contrats avec des entreprises. Il s’agira sans doute, principalement, de personnes qui pourront proposer des prestations intellectuelles : consultants, avocats, comptables, ou encore architectes.
Par ailleurs, alors que le nombre de recrutements de personnes handicapées ne cesse de diminuer d’année en année, avec une baisse en proportion de ces recrutements en CDI, cette disposition pourrait même, dans de nombreux cas, fragiliser les revenus et la qualité de l’emploi de ces travailleurs. En effet, bien que cela soit prohibé par le droit du travail, la tentation risque d’être grande pour un certain nombre d’employeurs de contraindre leurs salariés à adopter le statut d’auto-entrepreneur et ainsi de transformer la relation contractuelle.
Enfin, des interrogations demeurent.
La médecine du travail permet de certifier le handicap d’un salarié pour qu’il soit comptabilisé dans le calcul de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Mais, dans le cas des travailleurs indépendants, comment vérifiera-t-on que l’entrepreneur est bien handicapé ?
Autre interrogation : comment vérifiera-t-on que le travail sous-traité aura été effectué par une personne handicapée ? Par exemple, lorsqu’un cabinet créé par un expert-comptable en situation de handicap intervient pour le compte d’un employeur, comment s’assurer que la prestation a bien été réalisée par lui, et non par un de ses salariés valides ?
Cet article risque donc, selon nous, d’affaiblir l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, et donc de constituer un recul par rapport à la loi de 2005. C’est pourquoi nous nous y opposons.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 81 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mmes Cohen, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 485 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 81.
Mme Éliane Assassi. Après avoir obtenu, depuis vingt ans, des exonérations massives de cotisations sociales, ce qui a permis de faire passer de la poche des salariés à celle des patrons une part croissante des richesses créées par le travail, le MEDEF veut davantage : il souhaite maintenant faire baisser le salaire directement perçu par les travailleurs.
Comme il est encore difficile de casser les garanties collectives contenues dans le code du travail et les conventions collectives, la technique choisie est de priver le maximum de personnes de ces garanties : des informaticiens payés à la mission, des vendeuses qualifiées « gérantes », des cuisiniers « prestataires de services », sans parler des « entrepreneurs de mise en rayon dans les supermarchés », et j’en passe.
Nous rappelons notre opposition à la précarité des travailleurs indépendants et refusons de voir appliquer aux travailleurs handicapés l’absence de statut protecteur.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 485.
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, pour satisfaire leur obligation d’emploi de personnes handicapées, les entreprises peuvent notamment conclure des contrats de sous-traitance, de fourniture ou de prestation avec des entreprises adaptées, centres de distribution d’aide à domicile et services d’aide par le travail. L’article 92 élargit cette liste aux travailleurs handicapés indépendants.
On peut penser que les prestations intellectuelles seront davantage demandées que les manutentions. Surtout, cet article encourage le recours à l’externalisation : certaines entreprises pourraient avoir la tentation de transformer le statut de leurs salariés en indépendants avec, à la clé, des avantages indéniables, comme une rémunération et des horaires « à la carte ».
Lutter contre l’exclusion des personnes handicapées du monde du travail ne doit pas favoriser la précarisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 92 ouvre la possibilité de prendre en compte les contrats passés avec des travailleurs indépendants handicapés au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.
Il apporte une réponse aux difficultés que rencontrent ces personnes sur le marché de l’emploi. Lorsque nous avons reçu l’Association des accidentés de la vie, la FNATH, elle ne nous a d’ailleurs pas fait part de son opposition à cette mesure, dont la portée restera certainement limitée. Est-ce, pour autant, une raison de la supprimer ? La commission ne le pense pas.
L’avis est donc défavorable
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.
Mme Anne Emery-Dumas. L’article 92 prévoit d’intégrer les contrats de sous-traitance passés avec des travailleurs indépendants handicapés dans les modalités d’accomplissement partiel de l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées pesant sur tout employeur d’une entreprise d’au moins vingt salariés.
L’étude d’impact qui nous a été fournie indique que l’ouverture du dispositif aux contrats de sous-traitance passés avec des travailleurs handicapés indépendants permettrait à plus de 70 000 d’entre eux d’obtenir un emploi.
Parallèlement, les employeurs pourraient s’acquitter partiellement de leur obligation d’emploi de personnes en situation de handicap.
Un décret en Conseil d’État fixera les modalités de cette disposition nouvelle, qui appelle en effet un encadrement strict afin d’éviter les effets d’aubaine. Sur ce point, je partage les inquiétudes de Jean Desessard.
La formule retenue pourrait être le prix hors taxe des fournitures, des travaux ou des prestations figurant au contrat, déduction faite du coût des matières premières des produits, des matériaux, des consommations et des frais de vente – consommations intermédiaires – divisé par 1 600 fois le SMIC horaire.
Dans le cas où le travailleur indépendant handicapé emploie un ou des salariés, seul sera déductible de l’obligation d’emploi le volume de travail effectué par le travailleur indépendant handicapé, puisque c’est lui qui est visé par la mesure.
Dans le cas où le travailleur indépendant handicapé bénéficie du régime de la micro-entreprise et ne dispose pas d’une comptabilité détaillée lui permettant d’évaluer le coût réel des consommations intermédiaires, le montant de celles-ci pourra être forfaitaire.
Il convient de souligner que cet article, comme les articles suivants, répond à une demande forte des associations, lesquelles s’étonnent que les travailleurs indépendants en situation de handicap ne bénéficient pas des mêmes aides que les entreprises qui emploient des salariés dans la même situation. L’objet de ces dispositions est donc de répondre aux demandes des associations, plus à même que quiconque d’évaluer les besoins.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis assez mal à l’aise avec les articles 92, 93 et 93 bis relatifs aux travailleurs handicapés.
Les personnes en situation de handicap ont de très importantes difficultés d’accès à l’emploi et vous savez qu’aucune entreprise, y compris cette noble maison, ne remplit ses obligations d’emploi à cet égard.
Pour ma part, je voterai ces amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 et 485.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1291, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mmes Cohen, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa du I de l’article L. 214-13 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce plan comporte un volet concernant les actions de formation professionnelle des personnes handicapées, élaboré en lien avec les politiques concertées visées à l’article L. 5211-2 du code du travail. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je vais faire plaisir à mes camarades socialistes... La volonté du groupe CRC est de relayer un engagement du Président de la République.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Une fois n’est pas coutume ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Nous pensons, comme M. Hollande (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP), qu’il est essentiel d’assurer une accessibilité pleine et entière aux personnes atteintes de handicaps. Cette intégration dans la société doit bien évidemment passer aussi par le travail.
Le Président de la République s’y était engagé lors de la campagne des présidentielles : il « garantirait l’existence d’un volet handicap dans chaque loi », il « renforcerait les sanctions en cas de non-respect des 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises, les services publics et les collectivités locales ».
Aujourd’hui, pourtant, que nous propose-t-on, sinon de nouvelles solutions pour soustraire les entreprises à leur obligation de recrutement ?
Nous le savons, il existait déjà des possibilités de détournement, par le biais du recours aux services d’entreprises adaptées et d’établissements et services d’aide par le travail. Pour autant, nous aurions pu nous attendre de ce gouvernement qu’il ait plus de clairvoyance !
Monsieur le ministre, comment comptez-vous favoriser le salariat des personnes souffrant de handicap alors que vous créez de nouvelles exceptions ? Alors, oui, les 71 000 travailleurs handicapés indépendants pourront plus facilement travailler et les employeurs pourront les déduire de leur « quota ». Toutefois, ce coup de canif au droit du travail se fait au détriment des plus de 5 millions de personnes handicapées en France !
Autre détournement au profit des entreprises, la possibilité d’intégrer les périodes de mise en situation en milieu professionnel, les PMSMP, dans l’obligation faite aux entreprises de plus de vingt salariés de compter 6 % de travailleurs en situation de handicap dans leurs effectifs.
Ce dispositif, qui ne donne aucune garantie de rémunération, est une aubaine pour les entreprises... Ces dernières, plutôt que d’embaucher, pourront enchaîner les PMSMP pour répondre à leurs besoins. On retrouve ici exactement la même logique que pour les stages d’observation d’un mois, qui, au final, servent aux entreprises à se renforcer périodiquement.
L’un de nos collègues parlait d’un retour aux diligences ; avec vos attaques contre le droit du travail, vous nous offrez un retour à l’époque de Victor Hugo, dont j’occupe la place dans cet hémicycle. C’est grandiose...
Vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une politique au rabais en matière d’intégration des personnes souffrant de handicap dans le marché du travail.
M. le président. L'amendement n° 1292, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Les contrats de sous-traitance ou de prestations de services doivent garantir aux prestataires une rémunération minimale supérieure à 20 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’employeur a jusqu’à présent la possibilité de s’acquitter partiellement de son obligation d’emploi des travailleurs handicapés en passant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services soit avec des entreprises adaptées, soit avec des centres de distribution de travail à domicile, soit avec des établissements ou services d’aide par le travail.
L’article 92 prévoit que les contrats de fourniture de prestations pourront désormais être passés aussi avec des travailleurs indépendants handicapés.
Cela ne doit pas avoir pour effet de réduire les possibilités d’emploi direct ni les ressources de l’AGEFIPH, nécessaires pour agir en faveur des travailleurs handicapés.
Certes, cette disposition n’exonère pas intégralement l’employeur de son obligation, mais elle lui permet de la remplir plus facilement. Elle lève indubitablement une part importante des contraintes qui ne se résument alors qu’à un bon de commande.
C’est pourquoi nous proposons que cette facilité soit assortie d’une contrepartie fixant l’obligation de rémunération des travailleurs indépendants à 20 % minimum au-dessus du SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale demande le retrait de l'amendement n° 1291, qui tend à inclure dans les contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles un volet relatif à la formation des personnes handicapées. La précision demandée semble superflue.
À l’heure actuelle, ces plans n’ignorent pas les difficultés particulières rencontrées par les personnes en situation de handicap dans l’accès à la formation professionnelle et contiennent des mesures qui leur sont spécifiquement destinées.
Par ailleurs, des documents spécifiques existent : un programme régional d’accès à la formation et à la qualification professionnelle des personnes handicapées doit être élaboré, tandis que, tous les cinq ans, le service public de l’emploi établit un plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés.
L'amendement n° 1292 vise à garantir une rémunération minimale de 1,2 SMIC aux prestataires d’un contrat de sous-traitance passé avec une structure œuvrant à l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Si la commission spéciale partage le souhait exprimé d’une hausse de la rémunération de tous les salariés, handicapés ou non, d’ailleurs, une telle mesure, imposée par le législateur, aurait pour seule conséquence de diminuer le recours par les entreprises à la sous-traitance en direction de ces structures, donc de réduire les opportunités d’emploi pour les personnes handicapées. Tel ne semble pas être l’objectif.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 92.
(L'article 92 est adopté.)
Article 93
La sous-section 1 de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5212-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5212-7-1. – L’employeur peut s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi en accueillant des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions fixées au chapitre V du titre III du livre Ier de la présente partie.
« Cet acquittement est pris en compte pour le calcul de la limite fixée au premier alinéa de l’article L. 5212-7.
« Les modalités et les limites de cet acquittement partiel sont déterminées par voie réglementaire. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 22 %, c’est le taux de chômage de la population en situation de handicap, un taux deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population.
La loi est pourtant claire : tout employeur du secteur privé et tout établissement public d’au moins vingt salariés pendant trois ans doit accueillir 6 % de personnes en situation de handicap dans son effectif total.
Or le taux d’emploi des personnes en situation de handicap se situe bien en deçà de cette obligation légale : 3,1 % dans le secteur privé et 4,6 % dans le secteur public. Ainsi, depuis trente ans que cette obligation d’emploi existe, elle n’est toujours pas respectée.
Au lieu de renforcer les sanctions contre les employeurs ne respectant pas cette obligation d’emploi, la loi leur a de plus en plus souvent proposé des dérogations. Peu après l’introduction du dispositif, en 1988, les employeurs ont ainsi eu la possibilité d’avoir recours à des entreprises du secteur protégé, via des contrats de sous-traitance, en déduction de l’obligation d’emploi direct. De même, ils peuvent verser une contribution à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées ou, depuis 2006, au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
Ensuite, la loi de finances de 2009 a introduit la possibilité de déduire de l’obligation d’emploi direct les stages effectués par des personnes en situation de handicap.
Ces dérogations rendent résiduelle la part d’emploi direct des personnes en situation de handicap et transforment une obligation de résultat – 6 % de l’effectif – en obligation de moyens, par le biais de stages, conclusions d’accords et autres.
L'article 93 comporte une dérogation supplémentaire. Il permet de s’exonérer partiellement de l’obligation d’emploi direct en recrutant un stagiaire pour une période de mise en situation en milieu professionnel. Cela concerne les personnes en formation continue, les demandeurs d’emploi ou les personnes exclues du marché du travail.
Cette dérogation s’ajoute à celle qui concerne les stages. La limite est de 2 % de l’effectif de l’entreprise en situation de handicap et en stage ou en mise en situation en milieu professionnel.
Si ces stages permettent de faciliter l’insertion sur le marché du travail, ils restent non rémunérés et entérinent une forme de précarité dans l’emploi.
Nous refusons de soustraire ainsi les entreprises à leurs obligations. Nous aurions préféré que soit étudiée la proposition de l’Association des paralysés de France, qui promeut la mise en œuvre de mesures incitatives l’égard des PME et TPE, entreprises actives et prometteuses, en lieu et place d’un assouplissement des quotas actuels.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 82 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 486 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 956 rectifié est présenté par M. Collombat et Mme Malherbe.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 82.
Mme Évelyne Didier. La possibilité de déroger à l’obligation d’emploi direct de travailleurs handicapés est souvent justifiée par l’idée qu’il faut faire évoluer les représentations et vaincre les peurs des employeurs, en multipliant les occasions de rencontre.
Il est vrai que le milieu professionnel reste fortement empreint de préjugés. D’ailleurs, selon le Défenseur des droits, l’emploi est le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations liées au handicap.
Or cela fait trente ans que l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés existe, trente ans que, si les employeurs avaient respecté leurs obligations, les perceptions du handicap dans l’entreprise auraient évolué, comme elles ont évolué, d’ailleurs, à l’école.
L’emploi direct est la meilleure manière d’insérer professionnellement et durablement les personnes en situation de handicap ; elle leur permet d’être reconnues par leurs collègues, de prendre une réelle place dans l’entreprise.
On ne s’intègre pas quand on est précaire. On ne fait pas « évoluer les mentalités » pendant une courte période de stage et on ne peut pas demander aux personnes en situation de handicap d’accepter des contrats précaires et non rémunérés, sous prétexte que les employeurs n’ont pas compris la chance que constituait la diversité pour leur entreprise !
Les personnes en situation de handicap rencontrent déjà trop de barrières, d’obstacles dans leur vie quotidienne et leur vie professionnelle. Elles n’ont pas à se contenter de stages au lieu d’un véritable emploi.
Les employeurs ont eu ce temps et les personnes en situation de handicap n’ont plus le temps. Actuellement, 2 millions de personnes en situation de handicap ou d’invalidité vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 987 euros par mois. C’est d’un emploi qu’elles ont besoin, et pas d’un stage !
Et que dire des jeunes en situation de handicap qui ont étudié sur les bancs des écoles et universités républicaines ? À la rentrée 2014, 258 710 jeunes en situation de handicap étaient ainsi scolarisés. Ces jeunes veulent leur place sur le marché du travail, ce qui est tout à fait légitime.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 486.
M. Jean Desessard. Cet article prévoit que les périodes de mise en situation en milieu professionnel entrent dans le « quota » obligatoire de personnes handicapées au sein des entreprises.
L’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap est bien un impératif pour bâtir la société inclusive que nous appelons de nos vœux.
Nous sommes également tous d’accord pour dire que l’éloignement de l’emploi est un véritable problème, auquel il convient de remédier. Les périodes d’immersion en milieu professionnel peuvent contribuer à diminuer cet éloignement et doivent donc être encouragées pour recréer des liens et lever des préjugés.
Toutefois, prévoir que ces périodes puissent être décomptées de l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap ne semble pas la réponse appropriée. L’approche privilégiée ici, à savoir les déductions et dérogations à l’obligation d’emploi, est problématique, car une période de mise en situation ne saurait être considérée comme un véritable emploi.
Il faut de la stabilité, de l’ambition, pour ces personnes comme pour tous les salariés, et pas uniquement des dispositifs d’insertion. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 956 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques restant en discussion ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 93 permet de prendre en compte, au titre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, dans la limite d’un plafond, les personnes handicapées accueillies dans l’entreprise en période de mise en situation en milieu professionnel. Il vise à favoriser l’insertion des personnes handicapées et leur formation, tout en incitant les entreprises à y contribuer.
Il s’agit toutefois d’une incitation limitée. En effet, la PMSMP dure un mois. Or l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés est calculée sur le temps de présence annuel dans l’entreprise. Cela signifie qu’une PMSMP ne permet de s’acquitter que d’une part bien minime de cette obligation, sans commune mesure avec l’embauche d’un salarié à plein temps. Ainsi, un stagiaire ne compterait que pour 0,1 bénéficiaire.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je pense que l’on envoie un mauvais signal en facilitant les exonérations en matière de recrutement de travailleurs handicapés, raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 486.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 93.
(L'article 93 est adopté.)
Article 93 bis
Après le premier alinéa de l’article L. 5212-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette possibilité s’applique également en cas d’accueil en période d’observation ou en séquence d’observation mentionnées au 2° de l’article L. 4153-1 d’élèves de l’enseignement général pour lesquels est versée la prestation de compensation du handicap, l’allocation compensatrice pour tierce personne ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et disposant d’une convention de stage. Cette possibilité est prise en compte pour le calcul de la limite fixée au premier alinéa du présent article. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 93 permet aux entreprises de compter les stages d’observation d’élèves au titre de l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées.
Ces stages de découverte des métiers concernent tous les élèves, de la cinquième à la terminale. Il s’agit, pour les enfants handicapés comme pour n’importe quel autre enfant, d’une première immersion dans un milieu professionnel et peut-être – pourquoi pas ? – l’occasion de la découverte d’une vocation.
Toutefois, la prise en compte de ces stages dans l’obligation d’emploi des entreprises nous paraît quelque peu inconvenante.
À notre sens, il est d’abord scandaleux de mettre ainsi sur le même plan un stage de quelques semaines d’un enfant de moins de seize ans avec un emploi à temps complet d’un adulte en situation de handicap. Il n’y a rien de comparable entre les deux situations.
Il est ensuite déchirant de voir qu’il faut en arriver là pour inciter les entreprises à accueillir ces enfants pour quelques semaines, alors qu’il s’agira simplement pour eux, comme pour n’importe quel enfant, d’observer la vie de l’entreprise et non d’y participer. Cela risque, une fois de plus, de laisser penser à ces enfants, dès leur plus jeune âge, qu’ils ne seraient pas « comme les autres ».
S’il s’agit, pour les entreprises, de se dédouaner encore un peu plus de leurs obligations d’emploi de travailleurs handicapés ou de grappiller une partie de leurs cotisations à l’AGEFIPH, c’est un recul de plus – je ne le qualifierai pas ici – au regard de la loi de 2005.
Notre pays bat en retraite un peu trop souvent sur ces questions : alors que le chômage des personnes en situation de handicap augmente deux fois plus vite que la moyenne, le Gouvernement a décidé d’opérer chaque année, de 2015 à 2017, un prélèvement supplémentaire de 29 millions d’euros sur le budget de l’AGEFIPH.
Il est temps, à mon sens, de marquer un coup d’arrêt à ces reculades en matière d’emploi des personnes en situation de handicap, surtout lorsque cela se fait sur le dos des plus jeunes !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 145 rectifié ter est présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et Médevielle, Mme Férat, MM. Roche, Namy et Marseille, Mme Doineau, M. Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 487 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Éliane Assassi. Cet article permet aux employeurs d’échapper au financement du fonds AGEFIPH en intégrant aux dispositifs de compensation du handicap les élèves handicapés effectuant une période d’observation.
Outre le mépris pour ces jeunes dont témoigne un tel dispositif, nous considérons qu’il s’agit ici d’un nouveau cadeau fait au patronat, qui ne souhaite pas respecter ses engagements de recrutement de personnes handicapées ni contribuer au financement de l’AGEFIPH.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 145 rectifié ter.
Mme Élisabeth Doineau. Les entreprises d’au moins vingt salariés ont pour obligation, dans une proportion de 6 % de leur effectif salarié, d’employer des personnes en situation de handicap. Elles peuvent partiellement s’acquitter de cette obligation en accueillant des personnes handicapées dans le cadre d’un stage.
Le présent projet de loi permettrait aux entreprises de s’acquitter également en partie de cette obligation en intégrant les périodes d'observation des collégiens.
Si les jeunes en situation de handicap ont certes la possibilité d’être recrutés par les entreprises à l’issue de leur expérience en stage, cela est évidemment impossible dans le cadre des périodes d’observation de quelques jours effectuées par les collégiens.
Le présent amendement vise donc à supprimer cette disposition contestable pour l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 487.
M. Jean Desessard. Cette troisième proposition visant à alléger les devoirs de l’entreprise par rapport à l’inclusion des personnes en situation de handicap est une invention déconcertante.
Comptabiliser les heures de stage de découverte des élèves de moins de seize ans pour éviter de recruter des personnes en situation de handicap avec un vrai contrat de travail pose vraiment question !
Quitte à ne plus seulement friser le ridicule, à partir du moment où tout se vaut, pourquoi ne proposez-vous pas aussi de comptabiliser les stagiaires de troisième dans le calcul de la contribution à la formation professionnelle ? (Mme Évelyne Didier marque son approbation.)
Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer cet article. La société inclusive (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
M. Robert del Picchia. Mais qu’est-ce qu’une société « inclusive » ? Il faut m’expliquer !
M. Jean Desessard. … repose sur une politique de l’emploi universaliste et non sur l’instrumentalisation d’élèves en situation de handicap afin d’exonérer l’entreprise de ses devoirs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements de suppression.
Cet article permet de prendre en compte, dans l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés – l’OETH –, les jeunes élèves handicapés accueillis en stage de découverte ou en stage d’observation.
Contrairement à ce que pensent les auteurs de ces amendements, cet article vise non pas à permettre aux entreprises de s’exonérer de leurs obligations, mais à apporter une solution aux difficultés très importantes que rencontrent les jeunes handicapés pour découvrir l’entreprise dans un cadre scolaire. Les associations que nous avons rencontrées nous l’ont d’ailleurs confirmé.
L’impact sur l’OETH sera particulièrement faible : un stage d’une semaine d’un élève de troisième, par exemple, comptera pour 0,02 bénéficiaire. Une entreprise de vingt salariés devrait donc accueillir cinquante de ces jeunes pour se mettre en conformité avec ses obligations…
Il s’agit d’envoyer un signal aux entreprises afin qu’elles entrent dans le dispositif et acceptent d’accueillir des élèves handicapés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements de suppression.
Je comprends les sensibilités qui se sont exprimées, mais il ne s’agit pas d’une invention saugrenue du ministre de l’économie ou de ses services. Cette proposition a été formulée par celle de mes collègues qui, au sein du Gouvernement, s’occupe au quotidien de ces sujets, après avoir conduit des concertations.
Il y aurait un effet de substitution, dans les limites soulignées par Mme le corapporteur à l’instant, si nous n’avions que des entreprises vertueuses dans un monde vertueux. Nous en sommes malheureusement bien loin.
Nous créons ici un mécanisme visant à inciter les entreprises à recruter des stagiaires handicapés, à leur permettre d’accéder, de s’exposer au monde de l’emploi.
Je pense que l’inclusion de ce dispositif dans le mécanisme existant est à l’origine de la confusion qui nous fait tenir ce débat dans lequel je suis mal à l’aise. C'est la raison pour laquelle je tiens à expliquer la philosophie d’ensemble de cette mesure.
Nous ne pensons pas une seule seconde que des centaines d’entreprises vont recruter des milliers de jeunes stagiaires pour s’exonérer de leur obligation légale d’emploi des personnes handicapées.
Nous introduisons un mécanisme très pragmatique qui va favoriser l’entrée en stage de jeunes enfants handicapés qui connaissent des difficultés aussi grandes que les adultes pour accéder à l’emploi.
Aujourd’hui, dans les entreprises de plus de vingt salariés, pour une obligation légale de 6 %, le taux d’emploi constaté de 3 %. Nous sommes donc malheureusement bien loin de l’objectif. Deux solutions s’offrent à nous : soit on sanctuarise les 6 % et l’on constate, année après année, que l’on n’y arrive pas, quitte à continuer de mettre la pression sur les entreprises – comme aujourd’hui –, soit on se sert de cette situation pour créer une incitation réelle – déjà loin de l’obligation légale – afin d’offrir une chance aux jeunes et de pousser les entreprises à les accueillir.
Nous parlons de situations humaines particulièrement dures et je ne voudrais pas ici accréditer l’idée que cette proposition pragmatique faite par ma collègue et son équipe est la preuve que nous revoyons nos ambitions à la baisse sur cet objectif extrêmement important.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je me sens un peu moins seule, l’amendement défendu par Élisabeth Doineau étant un amendement de groupe, déposé par notre collègue Françoise Gatel.
J’ai bien compris vos propos, monsieur le ministre, mais je reste sur ma philosophie : si, dans le cadre de stages en entreprise, les jeunes en situation de handicap peuvent en effet être recrutés à l’issue de leur expérience, cette perspective d’embauche est égale à zéro pour les collégiens effectuant une période d’observation de quelques jours.
Mme Gatel explique que permettre aux entreprises de s’acquitter partiellement de leurs obligations d’emploi en intégrant les périodes d’observation des collégiens est une pure ineptie. Je pense qu’elle a tout à fait raison et c’est pourquoi je soutiendrai les amendements de suppression, dont celui qui a été déposé par l’ensemble de mon groupe.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je trouve ce dispositif franchement médiocre, monsieur le ministre.
Tout ce qui peut faire en sorte que des collégiens et des lycéens handicapés accèdent à l’entreprise et que des chefs d’entreprise commencent à s’habituer eux-mêmes à travailler avec de jeunes handicapés est une bonne chose.
Toutefois, dire à un jeune handicapé que, au titre de sa période d’observation d’une semaine, il ne compte que pour 0,02 bénéficiaire de l’OETH et que ces stages ne changent rien à l’obligation d’emploi qui est faite par ailleurs aux entreprises, reconnaissons que cela n’est pas très valorisant pour lui !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais il l’ignore !
M. Roger Karoutchi. Certes, madame Deroche, le jeune l’ignore, mais le chef d’entreprise, lui, le sait !
On nous dit qu’il faut faire en sorte que ces stages d’observation permettent à des jeunes handicapés d’avoir accès à l’entreprise, qu’il faut trouver des solutions pour que les chefs d’entreprise acceptent de soutenir ce genre de stage. Mais alors, pourquoi ne pas proposer une incitation fiscale, par exemple ?
Je ne sais si nous vivons dans une société « inclusive », mais je sais que nous sommes dans une société humaine, où chacun doit trouver sa place. Or cet article n’est pas très valorisant, ni pour le jeune en question ni pour les entreprises, qui ont un rôle social à jouer.
Pour ces raisons, je voterai les amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Dans une précédente carrière, j’ai eu à m’occuper d’élèves de quatrième qui devaient effectuer des stages en entreprise. Or les élèves handicapés de ces classes étaient traités comme leurs camarades, ils ne faisaient l’objet d’aucune mesure particulière. Je regrette qu’à travers ce dispositif vous introduisiez une certaine forme de discrimination entre stagiaires, selon qu’ils sont handicapés ou non.
Ces stages sont essentiellement une période d’observation. On demande aux collégiens de faire acte de présence dans l’entreprise afin qu’ils comprennent les contraintes du monde du travail. C’est aussi l’occasion de valoriser les métiers qu’ils vont côtoyer pendant quelques jours. Cela ne peut en aucun cas s’apparenter à autre chose qu’à de l’observation.
Franchement, monsieur le ministre, j’espère que vous avez développé cet argumentaire par solidarité gouvernementale ! (Sourires.) Accepter, dans un texte comme celui-là, une mesure de ce type, qui sera sans effet et peut-être même pénalisante, c’est prendre un grand risque.
Il serait judicieux de vous en remettre, sur cette question, à la sagesse du Sénat. Pour le coup, cela va beaucoup trop loin !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Karoutchi, j’ai bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’une incitation financière ni d’une manière de faire miroiter aux entreprises que l’accueil de jeunes stagiaires handicapés allait compter au titre de l’OETH. C’est même tout le contraire : le pourcentage est tellement faible que l’on voit mal comment les entreprises pourraient s’acquitter ainsi de leur obligation légale. Et ne me faites pas dire qu’un élève de troisième handicapé vaut moins qu’un salarié handicapé, cela n’a jamais été dans l’esprit de la commission.
Au surplus, cette mesure nous a été demandée par les associations.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je partage tout à fait le sentiment de malaise de la plupart des collègues qui se sont exprimés. Selon moi, une telle disposition n’a pas à figurer dans ce texte, parce que nous touchons là deux problèmes sérieux, auxquels on doit apporter des solutions sérieuses.
Tous les élèves rencontrent des difficultés pour trouver un stage d’observation en entreprise - les parents le savent, il faut se démener – et la démarche est encore plus ardue lorsqu’il s’agit d’enfants handicapés.
Ces difficultés viennent s’ajouter au grave problème que pose à notre société l’intégration des travailleurs handicapés dans l’entreprise. Il faut s’efforcer d’ouvrir une brèche dans le rempart dressé par de nombreuses entreprises en la matière.
Il convient donc de s’attaquer à ces problèmes, mais avec des mesures sérieuses, monsieur le ministre, comme celles que vous avez défendues jusqu’ici, et non par une « mesurette » de cette nature.
Pour ma part, je voterai ces amendements identiques de suppression.
M. le président. J’indique que j’ai été saisi d’une demande de scrutin public par le groupe CRC. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Est-ce bien nécessaire, chers collègues ?...
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, nous retirons notre demande de scrutin public. (Très bien ! sur un grand nombre de travées.)
M. le président. Je prends acte de ce retrait, madame Assassi.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 83, 145 rectifié ter et 487.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 93 bis est supprimé.
Article additionnel après l'article 93 bis
M. le président. L'amendement n° 268 rectifié, présenté par Mmes Duranton et Deromedi, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. Milon, César, B. Fournier, Chasseing, Mouiller, P. Leroy et Trillard, Mme Morhet-Richaud, MM. Mayet, Vogel et Revet, Mme Bouchart, MM. Mandelli, Kennel, Grand, Laménie, Grosdidier, Saugey et de Nicolaÿ et Mme Lopez, est ainsi libellé :
Après l'article 93 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant la possibilité de mettre en place un fonds de garantie solidaire pour les entrepreneurs en situation de handicap.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Le financement des sociétés créées par des personnes en situation de handicap achoppe sur les préjugés bloquant l’accès aux prêts bancaires.
Une problématique similaire existait auparavant en France concernant la création d’entreprises par les femmes, qui représentaient moins de 5 % des entrepreneurs entre 1970 et 1980.
Le Fonds de garantie à l’initiative des femmes a été créé en 1989, afin d’améliorer l’accès des femmes à la création d’entreprises ou d’activités. Il garantit, selon le montant du prêt sollicité, jusqu’à 70 % ou 27 000 euros, les prêts bancaires accordés aux femmes souhaitant créer ou reprendre une entreprise.
Par cet amendement, il s’agit de demander au Gouvernement d’engager une démarche similaire de création d’un fonds de garantie solidaire à destination des personnes souffrant de handicap, afin de promouvoir leur meilleure intégration dans notre économie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si l’objet du rapport demandé est intéressant, la commission, qui a émis un avis défavorable sur tous les amendements tendant à la remise d’un rapport, ne déroge pas à sa position pour ce qui concerne cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié est-il maintenu, madame Duranton ?
Mme Nicole Duranton. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié est retiré.
Article 94
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre :
1° La suppression du contrat d’accès à l’emploi, mentionné à la sous-section 4 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre V de la cinquième partie du code du travail ;
2° L’extension et l’adaptation aux départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon du contrat initiative-emploi mentionné à l’article L. 5134-65 du même code ;
3° La suppression du contrat d’insertion par l’activité mentionné au chapitre II du titre II du livre V du code de l’action sociale et des familles.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 84 est retiré.
Je mets aux voix l'article 94.
(L'article 94 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 94
M. le président. L'amendement n° 307 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 94
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les entreprises exerçant une activité de caractère hôtelier installées au 1er janvier 2015 dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, ainsi qu’à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, peuvent bénéficier d’un moratoire jusqu’au 31 décembre 2019 sur leurs dettes auprès des caisses de sécurité sociale compétentes de leur département échues jusqu’au 31 décembre 2014 et sur les cotisations patronales de sécurité sociale à échoir au titre de l’année 2015.
II. – Toute condamnation pénale de l’entreprise ou du chef d’entreprise pour fraude fiscale en application de l’article 1741 du code général des impôts, ou pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre, en application des articles L. 8224-1 à L. 8224-5, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8243-1 et L. 8243-2 du code du travail ou, après mise en demeure, le non-paiement des cotisations dues postérieurement à la signature du moratoire entraîne la caducité du moratoire.
En cas de condamnation pénale pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre ou fraude au cours des cinq années précédant la promulgation de la présente loi, le bénéfice des dispositions du présent article est exclu.
III. – L’entreprise bénéficiaire du moratoire prévu par le présent article peut demander chaque année un certificat à la caisse de sécurité sociale compétente. Ce certificat atteste que l’entreprise est à jour de ses obligations sociales déclaratives et de paiement au sens du code des marchés publics.
IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Le projet de loi que nous examinons tend à lever les obstacles à la croissance.
Or l’un des leviers de croissance de la région que je représente est le tourisme. Il constitue en Martinique un secteur important, puisqu’il est à l’origine de plus de 9 % du PIB de l’île et de 12 000 emplois directs ou indirects. Pourtant, malgré des atouts évidents, ce secteur est en difficulté, notamment la grande hôtellerie, qui a perdu, depuis 2008, le tiers de ses capacités et de ses emplois.
La raison principale de cette situation est un manque de compétitivité face à la concurrence des îles voisines, qui disposent d’équipements récents et proposent des prix attractifs. La situation est la même dans les autres territoires français de la zone.
Pour retrouver son attractivité, et financer l’effort indispensable de rénovation, notre hôtellerie devrait pouvoir s’appuyer sur les fonds structurels européens. C’est l’une des raisons d’être de ces fonds que de compenser les handicaps spécifiques des territoires ultramarins.
Mais nous nous trouvons à cet égard dans un cercle vicieux, qui a été bien mis en évidence dans un rapport de l’Inspection générale des finances. En raison de ses difficultés, notre hôtellerie a accumulé une dette importante auprès des organismes de sécurité sociale. Or, pour pouvoir bénéficier des fonds européens, la règle est la même que pour l’accès aux marchés publics : il faut être en règle avec les obligations fiscales et sociales.
Ainsi, les hôtels ne peuvent accéder aux fonds qui leur permettraient de retrouver leur attractivité et d’assainir ensuite leur situation. Par voie de conséquence, il leur est également très difficile d’accéder aux financements bancaires.
Pour engager une dynamique de croissance, il faut commencer par lever ce blocage. C’est le sens de mon amendement, qui prévoit un moratoire sur la dette sociale de l’hôtellerie dans nos territoires, et précise que ce moratoire permet de remplir les conditions pour accéder aux fonds européens.
Nous créerons ainsi une situation favorable à la mise en valeur de notre potentiel touristique, que chacun reconnaît, et nous pourrons espérer, à terme, le rétablissement d’une situation normale pour le paiement des cotisations.
À défaut, nous nous enfermerons dans la spirale négative engagée – je le rappelle, 26 hôtels ont fermé depuis dix ans –, qui se révélera bien plus coûteuse pour les finances sociales que le moratoire ici proposé.
Sans être à lui seul la solution, cet amendement aiderait nos îles à retrouver croissance et emplois dans un secteur où elles ont des atouts.
Le présent amendement vise donc à permettre au secteur de l’hôtellerie de bénéficier d’un moratoire jusqu’en 2019 sur leurs dettes sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est vrai que le secteur hôtelier connaît des difficultés outre-mer, où les investissements nécessaires pour réagir au développement de destinations concurrentes n’ont sans doute pas été réalisés.
Il s’agirait de la seconde fois qu’une solution de facilité en la matière serait mise en place par le législateur, puisque la loi de finances pour 2011 avait prévu, pour les mêmes bénéficiaires, un plan d’apurement de leurs dettes envers les organismes de sécurité sociale.
Pour la commission, de telles dispositions ne doivent pas devenir le droit commun : il ne faudrait pas, par ce biais, inciter les entreprises à ne pas acquitter leurs cotisations sociales dans l’espoir de bénéficier, au bout de quelques années, d’un moratoire ou d’un apurement de leurs dettes.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 819 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Médevielle, Mme Loisier, MM. Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Jouanno, MM. Cadic, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 94
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« I bis. – Chaque heure de travail effectuée par les salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du code du travail ouvre droit à une déduction forfaitaire patronale des cotisations de sécurité sociale, à hauteur de 2 € et des cotisations et contributions sociales d'origine légale et conventionnelle, à hauteur de 3,70 €, dans les départements d'outre-mer ainsi que dans les collectivités de Saint- Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces déductions ne sont cumulables avec aucune exonération de cotisations sociales, ni avec l'application de taux ou d'assiettes spécifiques ou de montants forfaitaires de cotisations. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à amplifier et simplifier l'allégement du coût du travail pour les particuliers employeurs au titre des cotisations patronales qu'ils versent pour l'emploi de leurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce sujet a été évoqué au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est certain que l’abaissement du coût du travail pour les particuliers employeurs pourrait relancer l’emploi dans ce secteur, des mesures plus restrictives ayant créé une forte diminution des déclarations : soit il y a eu moins d’heures travaillées, soit celles-ci n’ont pas été déclarées.
Toutefois, une telle mesure n’est pas sans conséquence pour le budget de la sécurité sociale. Or, à ce jour, nous ne sommes en mesure ni de l’évaluer ni de compenser ses effets.
Pour cette raison, la commission vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, afin que de telles dispositions soient examinées au cours de la discussion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 819 rectifié ter est-il maintenu, madame Goulet ?
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, pour le représenter dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. L’amendement n° 819 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 154 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 94
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3122-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord collectif visé aux articles L. 3122-2 ou L. 3152-1 peut prévoir que la limite visée au 1° correspond à la prise de la durée de congé visée à l’article L. 3141-3 sur la période de variation et est augmentée ou réduite à due proportion du nombre de jours de congés pris ou non durant cette période en application des dispositions des articles L. 3141-1 à L. 3141-21 et L. 3151-1 à L. 3153-3. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section …
Durée du temps de travail et aménagements
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il s’agit d’un amendement technique, qui vise à revenir sur des décisions prises en 2013 par la Cour de cassation sur le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Selon la Cour, en effet, le seuil ne peut être supérieur au plafond de 1 607 heures de travail par an, et ce même si le salarié n’a pas acquis l’intégralité de ses droits à congés payés au titre de la période de référence prévue par l’accord.
Depuis les années quatre-vingt, le code du travail permet de comptabiliser la durée du travail sur l’année, et non sur la semaine, par accord collectif. La loi du 19 janvier 2000 a fixé à 1 600 heures le seuil annuel, qui a été porté à 1 607 heures avec l’instauration, en 2004, de la journée de solidarité. Ce seuil est calculé à partir de la prise de cinq semaines de congés payés annuels.
En considérant que l’employeur ne peut imposer au salarié la prise anticipée des congés payés, la Cour de cassation – c’est le sens d’un arrêt de sa chambre sociale du 10 février 1998 – place beaucoup d’entreprises dans une position délicate. En effet, quand bien même le salarié nouvellement embauché ne souhaiterait pas prendre de congés payés par anticipation, l’employeur devra obligatoirement lui verser en fin d’année des heures supplémentaires, ne pouvant diminuer son temps de travail sans l’accord de l’intéressé.
Par extension, si le salarié prend la décision de placer une semaine de congés payés sur son compte épargne-temps, des heures supplémentaires seront générées.
Ces conséquences kafkaïennes et coûteuses pourraient pourtant être évitées. Cette interprétation est en effet d’autant plus contestable que le seuil de 1 607 heures vise les accords conclus depuis 2003 puis 2008, dans le cadre du nouvel aménagement négocié du temps de travail. La loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail prévoit, elle, que les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail applicables à la date de publication de la loi demeurent en vigueur.
Cette complexité pose de vrais problèmes aux entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Catherine Procaccia l’a dit, le sujet est très technique. C’est pourquoi la commission sollicite l’avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous l’avez expliqué de manière très détaillée, madame la sénatrice, le présent amendement tend ajuster le seuil annuel de déclenchement des heures supplémentaires au-delà du seuil classique de 1 607 heures, et cela dans deux cas.
Le premier cas concerne le salarié employé par une entreprise ayant mis en place une annualisation du temps de travail. Dans ce cas, sans travailler plus de 35 heures par semaine, le salarié qui choisit de placer des jours de congé ou de repos sur son compte épargne-temps travaille de ce fait au-delà de 1 607 heures dans l’année.
Le second cas a trait au salarié nouvellement embauché en début d’année, lorsque la durée du travail, là aussi, est annualisée. Ce salarié, n’ayant pas encore acquis un droit complet à des congés payés, peut être amené à effectuer plus de 1 607 heures sur l’année, sans pour autant avoir travaillé plus de 35 heures par semaine.
Pour la bonne intelligence collective, j’essaie de remettre les choses en perspective : le salarié, dans ces deux situations, déroge au seuil de 1 607 heures tout en respectant les 35 heures.
Mme Catherine Procaccia. Très clair !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, madame la sénatrice, la situation n’est pas satisfaisante. Elle requiert par conséquent qu’une solution soit trouvée.
Ces heures sont qualifiées d’heures supplémentaires et donc rémunérées comme telles. J’ai peur que le dispositif proposé – ajuster le seuil de déclenchement des heures supplémentaires en fonction de la date d’entrée du salarié dans l’entreprise et du nombre de jours qu’il décide de placer sur un compte épargne-temps – n’introduise plus de complexité pour la totalité des entreprises. C’est en tout cas l’analyse que nous en faisons.
Aujourd’hui, en effet, cette obligation n’existe pas. Le problème que vous décrivez, lié à l’intrication de multiples contraintes, est réel, mais vous proposez d’y répondre en demandant à toutes les entreprises de comptabiliser les jours placés sur le compte épargne-temps et de repérer la date d’entrée de chaque salarié. Elles devront donc faire elles-mêmes le décompte leur permettant de déclencher le seuil relatif aux heures supplémentaires. Je crains, madame la sénatrice, les complexités de gestion qu’un tel système engendrerait.
En outre, sur le principe, cette fois, et non plus sur les modalités techniques, il n’est pas illégitime que le salarié nouvellement entré dans l’entreprise perçoive des heures supplémentaires à partir du même seuil d’heures effectuées au cours de l’année, dès lors que la durée de travail est lissée au sein même de l’entreprise.
Si les situations que vous avez évoquées, qui ne concernent sans doute pas des milliers d’entreprises, sont réelles, il semble que la solution que vous proposez ait en réalité des effets assez massifs. Elle conduit à revenir sur le principe d’un seuil unique de déclenchement des heures supplémentaires à 1 607 heures, ce que le Gouvernement ne souhaite pas, et entraîne des difficultés de gestion.
Je reconnais que la situation que vous décrivez pose un problème, sur lequel nous devons continuer de travailler avec François Rebsamen et son cabinet, mais je ne souscris pas à la solution que vous proposez.
C’est pourquoi je vous suggère, madame la sénatrice, de retirer cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Si cet amendement est discuté en séance, c’est que les cas décrits ne sont pas exceptionnels, monsieur le ministre.
Mme Catherine Procaccia. On ne veut déroger ni aux 1 607 heures ni aux 35 heures ; il faut donc trouver une solution.
M. le ministre s’engageant à en discuter avec François Rebsamen,…
Mme Catherine Procaccia. … je consens à retirer cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 154 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
15
Communications du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Par lettres en date du 7 mai 2015, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions rendues le même jour par lesquelles le Conseil constitutionnel, s’agissant des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 septembre 2014, a rejeté une requête présentée dans le département des Alpes-Maritimes et une autre requête présentée dans le département du Tarn.
Acte est donné de ces communications.
16
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
TITRE III (suite)
TRAVAILLER
CHAPITRE II (suite)
Droit du travail
Section 4 (suite)
Mesures relatives au développement de l’emploi des personnes handicapées et aux contrats d’insertion
Mme la présidente. Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 4 du chapitre II du titre III, à l’article 94 bis A.
Article 94 bis A (nouveau)
La section 1 du chapitre IV du titre III du livre premier de la cinquième partie du code du travail est abrogée.
Mme la présidente. L'amendement n° 85, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, non sans avoir relevé qu’un passage du rapport de la commission spéciale nous inquiète particulièrement. Selon les corapporteurs, en effet, l’article 94 bis A traduirait un « premier effort, certes symbolique, pour réduire le volume du code du travail. »
Nous craignons que le discours sur la réduction du volume du code du travail ne masque en réalité une volonté d’aller plus loin et de revenir sur son contenu.
Cela étant, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 85 est retiré.
Je mets aux voix l'article 94 bis A.
(L'article 94 bis A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 94 bis A
Mme la présidente. L'amendement n° 738 rectifié, présenté par MM. Mouiller, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bonhomme, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 6222-7-1 est ainsi modifié :
a) Après la troisième occurrence du mot : « est », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « fixée par commun accord entre l’apprenti, l’employeur et le centre de formation des apprentis. » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas où la durée est inférieure ou supérieure à deux ans, le directeur du centre de formation des apprentis en informe le recteur de l’académie. » ;
2° Les articles L. 6222-8, L. 6222-9, L. 6222-10 sont abrogés.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise à simplifier la durée du contrat d’apprentissage.
La durée normale d’un contrat d’apprentissage est égale à celle de la formation, qui est en général de deux ans. Pourtant, le code du travail prévoit de nombreuses dérogations. Certes, le système peut être flexible, mais il est également extrêmement complexe.
Afin de faciliter les procédures, cet amendement prévoit que la durée du contrat d’apprentissage est dorénavant négociée par l’apprenti, le centre de formations des apprentis, ou CFA, et l’entreprise accueillante. Dans le cas où la durée n’est pas celle de deux ans, le directeur du CFA informe le recteur d’académie, qui peut procéder à un contrôle a posteriori.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement tend à introduire un principe de libre fixation de la durée du contrat d’apprentissage, afin d’offrir plus de souplesse aux entreprises et aux apprentis.
Certes, il y a une norme. Mais une certaine souplesse peut se révéler utile dans certains cas.
La commission émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Les auteurs de cet amendement proposent de permettre à l’apprenti, au CFA et à l’entreprise d’accueil de négocier la durée du contrat d’apprentissage.
Ainsi que Mme Pascale Gruny le rappelle à juste titre, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail conclu entre l’employeur et l’apprenti, même s’il se caractérise par l’alternance de périodes travaillées et de formations. Le CFA, qui est en l’espèce l’organisme de formation, ne saurait interférer dans la relation contractuelle entre l’employeur et l’apprenti ; il ne lui appartient pas de fixer avec eux la durée du contrat, qui est aujourd'hui déterminée selon les règles légales, en cohérence avec les cycles de formation envisagés.
Il revient au ministère compétent, c'est-à-dire l’éducation nationale, de fixer via un référentiel applicable sur tout le territoire national la durée des cycles nécessaires à l’obtention d’un diplôme ou d’un titre, même préparés par apprentissage dans le cadre d’un contrat de travail.
Je comprends l’objectif de souplesse des auteurs de cet amendement. Mais je trouve ennuyeux de ne prévoir que l’information du recteur d’académie, et non la prise en compte des contraintes pédagogiques. Le risque est que l’employeur ne conclue un accord sur l’organisation du temps de travail qui ne soit pas compatible avec ces contraintes. Cela ne me paraît pas souhaitable pour l’apprentissage.
Il me semble important de conserver la règle actuelle pour assurer une formation de qualité aux apprentis et préserver une cohérence pédagogique nationale ; elle permet déjà des ajustements de durée. Certes, il est possible de fluidifier le système ; peut-être faut-il également réfléchir à d’autres mécanismes. Mais, encore une fois, je crains que l’adoption d’un tel amendement ne permette la conclusion d’accords incompatibles avec les exigences pédagogiques de la formation.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le contrat d’apprentissage peut être conclu pour une durée indéterminée ; dans ce cas, après la période d’apprentissage, il est considéré comme un CDI de droit commun. Certes, il peut évidemment aussi être conclu pour une durée limitée.
Votre amendement me paraît satisfait par le droit actuel, madame Gruny.
Un contrat d’apprentissage, qu’il soit conclu pour une durée limitée, pour la période d’apprentissage ou même pour une durée indéterminée, peut varier de un an à trois ans, en fonction du type de profession et de qualification préparée.
La durée peut être adaptée pour tenir compte du niveau initial de compétences de l’apprenti. Ainsi, la durée du contrat ou de la période d’apprentissage pour la préparation du baccalauréat professionnel est fixée à trois ans. Par dérogation, cette durée est toutefois fixée à deux ans pour les titulaires d’un diplôme enregistré et classé au niveau V dans le Répertoire national des certifications professionnelles.
La durée du contrat ou de la période d’apprentissage peut également varier entre six mois et un an, sans être inférieure à 400 heures, lorsque la formation a pour objet l’acquisition d’un diplôme ou d’un titre de même niveau ou de niveau inférieur.
Il existe ainsi déjà de nombreuses dérogations ; d’ailleurs, les auteurs l’indiquent dans l’objet de l’amendement.
Je ne vois pas en quoi une négociation sur la durée de chaque contrat changerait profondément la situation et renforcerait l’attractivité de l’apprentissage, car là est le cœur du problème.
Certes, nous avons des difficultés en France. Mais considérons le cas allemand, que l’on érige souvent en modèle. Outre-Rhin, le nombre de contrats est revenu à son niveau de 1990 : 522 200, contre 564 000 en 2009. Autrement dit, la crise a pesé sur les employeurs, et l’emploi n’est plus garanti à l’issue de la formation. Le gouvernement fédéral vient d’ailleurs de mettre en place une alliance pour la formation professionnelle avec les Länder, les partenaires sociaux et l’agence pour l’emploi.
Au demeurant, c’est ce qui se passe dans nos régions – j’ai insisté précédemment sur la territorialisation ; le Gouvernement aime le territoire ! – avec les plans régionaux pour la formation ou les partenariats avec les entreprises. Le sujet a été bien analysé en commission des affaires sociales. C’est en nous rapprochant du terrain que nous ferons repartir la formation en alternance !
Il faut le noter, l’aide à l’embauche dans les TPE sera de 1 100 euros par trimestre. Cela permettra de redonner du souffle à l’apprentissage. Nous avons des problèmes, mais nous ne sommes pas les seuls : l’exemple allemand en témoigne.
Le Gouvernement a, je le crois, pris les décisions qui s’imposaient. Il y a aujourd'hui de la souplesse et un encouragement financier.
Mme la présidente. Madame Gruny, l'amendement n° 738 rectifié est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 738 rectifié est retiré.
L'amendement n° 737 rectifié, présenté par MM. Mouiller, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bonhomme, Bouchet, Buffet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, Fouché, Frassa et Genest, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 6222-31 du code du travail, après la deuxième occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « ou par accord de branche étendu ».
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Nous souhaitons que les accords de branche étendus en matière d’apprentissage puissent préciser les métiers pour lesquels les apprentis peuvent accomplir tous les travaux, y compris des travaux dangereux, nécessaires à leur formation. C’est souvent une difficulté pour les entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est proposé d’ouvrir la possibilité pour un accord de branche étendu d’autoriser des apprentis à réaliser des travaux dangereux.
La commission n’y est pas favorable. Pour nous, les règles de sécurité en matière d’apprentissage n’ont pas vocation à être négociées par les partenaires sociaux de la branche, même s’il existe une garantie, à travers l’arrêté d’extension de l’accord, qui implique un contrôle par l’administration.
Surtout, cet amendement nous paraît largement satisfait par deux décrets que le Gouvernement a publiés dernièrement, le 17 avril.
Le premier décret remplace l’autorisation préalable de l’inspection du travail par une simple déclaration, valable trois ans, qui doit être constamment actualisée. L’employeur doit évaluer les risques, mettre en place des actions de prévention, informer et former le jeune apprenti, assurer son encadrement pendant la réalisation de travaux dangereux et disposer d’un avis médical d’aptitude du jeune.
Le second décret autorise les jeunes de moins de dix-huit ans à utiliser des échelles, escabeaux et marchepieds en cas d’impossibilité technique ou si le risque de chute est faible, les travaux sont de courte durée et ne présentent pas un caractère répétitif.
Les établissements de formation des apprentis et les employeurs peuvent bénéficier de cette dérogation s’ils informent et forment les jeunes travailleurs dans les conditions de droit commun prévues par le code du travail.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Gruny, l'amendement n° 737 rectifié est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 737 rectifié est retiré.
L’amendement n° 750 rectifié bis n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 740 rectifié ter est présenté par MM. Chasseing, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pointereau et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary et Sido, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L'amendement n° 905 rectifié quater est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon, MM. Cigolotti, Delahaye et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot et Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l’article L. 332-3-1 du code de l’éducation est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Au moins deux périodes d'observation en entreprise d'une durée maximale d'une semaine sont proposées durant les vacances scolaires aux élèves des deux derniers niveaux de l'enseignement des collèges en vue de l'élaboration de leur projet d'orientation professionnelle. Ces périodes sont également proposées aux élèves des lycées. »
II. – En conséquence, intitulé de la section 4 du chapitre II du titre III
Après le mot :
handicapées
insérer les mots :
, à l’insertion professionnelle des jeunes
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 740 rectifié ter.
Mme Pascale Gruny. Le présent amendement vise à rendre obligatoires les périodes d’observation en classe de quatrième et de troisième, aujourd’hui facultatives. Tout élève devrait ainsi suivre au moins deux périodes d’observation pendant ses deux dernières années de collège.
L’objectif de ces stages est de permettre une découverte approfondie des métiers et des formations et de faciliter l’orientation des élèves, notamment vers les formations d’apprentissage.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 905 rectifié quater.
M. Michel Canevet. L’article L.332-3-1 du code de l’éducation permet aux élèves de collège d’effectuer, pendant les vacances scolaires, des stages dans les entreprises. Par cet amendement, nous souhaitons rendre ces derniers obligatoires, de façon à sensibiliser l’ensemble des jeunes élèves aux métiers qui font notre République et l’avenir de nos entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. En commission, nous avions donné un avis favorable à ces amendements sous réserve d’une réécriture globale, leur dispositif étant de nature réglementaire. Cette rectification ayant été faite, l’avis est favorable. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas possible !
Mme Nicole Bricq. C’est une manière de rétablir l’apprentissage à 14 ans !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le dispositif de ces amendements, qui prévoient deux périodes d’observation en entreprise d’une semaine chacune pendant les vacances scolaires, me paraît inapplicable, tant pour les élèves et les établissements scolaires que pour les entreprises.
Les entreprises ne sont pas en mesure d’accueillir tous les élèves concernés. Elles peinent déjà à accueillir les élèves de troisième pour leur période d’observation obligatoire ou les élèves de l’enseignement professionnel pour leur période de formation en milieu professionnel obligatoire en cours d’année scolaire. Les établissements scolaires, quant à eux, se retrouveraient dans l’obligation d’assurer un suivi du stage par les enseignants pendant les vacances scolaires, ce qui paraît très difficile à mettre en œuvre.
De plus, la responsabilité du chef d’établissement, engagée par la convention signée entre l’établissement et l’entreprise, ne peut l’être alors que les élèves sont en vacances. Les élèves ont besoin de ces périodes de vacances scolaires pour se reposer.
Le texte en vigueur aujourd'hui prévoit la possibilité d’effectuer des périodes d’observation en entreprise d’une semaine au maximum pendant les vacances, ce qui enlève tout caractère obligatoire ou injonctif à la mesure et permet aux établissements de la proposer aux élèves qui en ont vraiment besoin pour affiner leur projet d’orientation.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Ces deux amendements identiques auraient peut-être mérité un examen plus approfondi. Je pense que la mesure proposée n’est pas tout à fait mature, pour employer un euphémisme.
Mme Éliane Assassi. C’est le cas de le dire !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le seul fait de prévoir des périodes d’observation durant les vacances scolaires pose déjà question ; rendre ces périodes obligatoires, et non plus facultatives, ne me paraît pas applicable.
Mme Éliane Assassi. C’est une proposition scandaleuse !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pour le moins, le dispositif n’est pas au point.
M. Roger Karoutchi. C’est le moins qu’on puisse dire !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je salue l’intervention de M. le président de la commission spéciale.
Si offrir la possibilité aux élèves de passer un temps d’observation en entreprise pendant les vacances scolaires ne procède pas forcément d’une idée saugrenue et peut même apparaître comme une initiative intelligente, en faire une obligation dans ces conditions-là me semble tout à fait impraticable. Je ne voterai pas cet amendement.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. L’initiative est sympathique, mais irréaliste. Il est certes souhaitable que les jeunes puissent apprendre à connaître le monde des entreprises, mais celles-ci ont déjà du mal à accueillir les élèves de la seule classe de troisième durant l’année scolaire. Par conséquent, je vous mets au défi de trouver suffisamment d’entreprises pour proposer des périodes d’observation en entreprise à tous les élèves de quatrième et de troisième pendant les seules vacances scolaires.
Mme Éliane Assassi. Les élèves de cet âge ont besoin de vacances !
M. Roger Karoutchi. Je reconnais donc avoir eu tort de cosigner l’amendement n° 740 rectifié ter. Ne plaçons pas les entreprises, les établissements scolaires et les élèves dans une situation impossible.
Mme la présidente. Madame Gruny, l'amendement n° 740 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 740 rectifié ter est retiré.
Monsieur Canevet, l'amendement n° 905 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Cet amendement n’a pas pour objet d’instituer l’apprentissage à 14 ans, proposition que je soutiens par ailleurs. Il s’agit simplement ici de permettre la découverte des métiers dans les entreprises.
Cela étant, je m’en remets à la sagesse du président de la commission et je retire l’amendement.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 905 rectifié quater est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 736 rectifié bis est présenté par MM. Mouiller, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L'amendement n° 907 rectifié ter est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6241-9 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le 2° est complété par les mots : « , ainsi que les autres établissements privés soumis à une évaluation périodique définie par décret » ;
2° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Les établissements privés relevant de l'enseignement supérieur soumis à une évaluation périodique définie par décret ; ».
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 736 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 907 rectifié ter.
M. Michel Canevet. Cet amendement est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements visent à ouvrir aux établissements privés soumis à une évaluation périodique définie par décret la possibilité de percevoir une part de la taxe d’apprentissage.
Depuis la loi du 5 mars 2014, seules trois catégories d’établissements privés d’enseignement sont autorisées à percevoir une part de la taxe d’apprentissage : ceux du second degré sous contrat d’association avec l’État ; ceux relevant de l’enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ; ceux dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères. En creux, on en déduit qu’un grand nombre d’établissements se trouvent aujourd’hui privés d’une ressource financière importante.
Seules les écoles de production mises en place par de grandes entreprises industrielles françaises, qui sont citées dans l’exposé des motifs des amendements, peuvent bénéficier du barème de la taxe d’apprentissage en vertu des dérogations accordées par l’article L. 6241-10 du code du travail. Les autres établissements privés ne le peuvent pas.
Les amendements prévoient d’élargir le bénéfice de la taxe d’apprentissage aux établissements qui se soumettent à une évaluation périodique, car la question du statut associatif et des organismes à but non lucratif a posé de nombreuses difficultés, qu’une circulaire de novembre 2014 a tenté de résoudre.
La commission a donné un avis favorable à ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis pour ma part défavorable à ces amendements.
La loi de finances rectificative pour 2014 a précisé la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle en distinguant trois quotités au sein de la taxe d’apprentissage : la fraction régionale, le quota d’apprentissage et le hors quota ou barème, destiné au financement des formations technologiques et professionnelles initiales et fixé à 23 % du produit de cette taxe.
Les auteurs de ces amendements proposent de modifier l’article L. 6241-9 du code du travail, qui fixe les principes d’attribution de la part hors quota de cette taxe, en intégrant dans son champ les établissements privés du second degré hors contrat avec l’État, ainsi que les établissements privés d’enseignement supérieur gérés par des organismes à but lucratif.
Les exemples cités dans l’objet des amendements, tels que les écoles de production de Michelin ou de Schneider, sont éligibles au quota d’apprentissage à titre dérogatoire : c’est l’article L. 6241-10 du code du travail.
Ainsi, le CAP de conducteur d’installations de production préparé en apprentissage à l’école Michelin peut être financé par la part relevant du quota d’apprentissage. L’école des métiers de l’énergie de Schneider est inscrite sur la liste préfectorale qui est établie annuellement au titre du hors quota.
Par ailleurs, affecter une part de la taxe d’apprentissage à des établissements privés du supérieur gérés par des organismes à but lucratif revient à assurer un financement public dans le secteur concurrentiel privé. Ces établissements ne peuvent pas être considérés comme prioritaires par rapport aux autres établissements du supérieur qui allouent l’ensemble de leurs ressources à la réalisation de leurs actions de formation ou, en tout cas, passent un contrat.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 736 rectifié bis et 907 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 94 bis A.
L'amendement n° 906 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 6222-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Toutefois, les jeunes âgés d’au moins quinze ans au cours de l’année civile peuvent souscrire un contrat d’apprentissage s’ils justifient avoir accompli la scolarité du premier cycle de l’enseignement secondaire ou avoir suivi une formation prévue à l’article L. 337-3-1 du code de l’éducation. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Section….
Mesures relatives à l’insertion professionnelle des jeunes
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Aux termes de l’’article L. 6222-1 du code du travail, l’apprentissage ne peut commencer qu’à 15 ans révolus. Sans demander que l’on abaisse fortement l’âge de l’entrée en apprentissage, nous considérons qu’il n’y a pas de raison de maintenir un tel effet de seuil. Il faut permettre aux élèves d’accéder à l’apprentissage dès lors qu’ils atteindront l’âge de 15 ans durant l’année.
Mme Éliane Assassi. M. Dassault bis !
M. Michel Canevet. Il importe de tout mettre en œuvre pour favoriser l’emploi. Or on sait bien que, aujourd’hui, l’apprentissage est une voie royale vers l’emploi.
Mme Éliane Assassi. Recrutez donc dès la maternelle !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité aux jeunes qui atteindront l’âge de 15 ans dans l’année civile de conclure un contrat d’apprentissage, s’ils ont achevé leur scolarité au collège.
Or, depuis la loi du 5 mars 2014, les jeunes qui atteignent l’âge de 15 ans avant le terme de l’année civile peuvent être inscrits sous statut scolaire dans un centre de formation d’apprentis et y débuter leur formation avant de basculer dans l’apprentissage à 15 ans. Il semble donc que cet amendement soit très largement satisfait. La commission en demande le retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Canevet, maintenez-vous l’amendement ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 906 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 1268 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2016, les rémunérations mentionnées à l’article L. 6222-27 du code du travail des personnes embauchées en qualité d’apprentis sont revalorisées de 5 %.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’objet de cet amendement est de revaloriser la rémunération des apprentis de 5 % à compter du 1er janvier 2016.
Le Gouvernement s’est fixé comme objectif le développement massif de l’apprentissage. Si ce choix peut être discuté, nous considérons que l’apprentissage doit être attractif non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les apprentis.
Les entreprises qui embauchent un apprenti bénéficient d’un nombre important d’aides. Ainsi, pendant toute la durée du contrat, l’employeur est exonéré des charges sociales, à l’exception de la cotisation patronale au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ; la contribution sociale généralisée, la CSG, et la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ne sont pas dues. L’exonération peut être totale, pour les entreprises de moins de onze salariés, ou partielle.
En outre, une prime régionale à l’apprentissage pour les contrats conclus depuis janvier 2014 peut être perçue par les entreprises de moins de onze salariés. Le bénéfice de cette prime peut être élargi aux entreprises employant jusqu’à 249 salariés qui recrutent pour la première fois un apprenti ou embauchent un apprenti supplémentaire entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015.
Un crédit d’impôt est prévu pour l’entreprise soumise à un régime réel d’imposition qui emploie un apprenti pendant plus d’un mois. Est également allouée une déduction de la créance « bonus alternant » pour les entreprises de plus de 250 salariés, tous établissements confondus, redevables de la taxe d’apprentissage qui emploient plus de 4 % de jeunes en apprentissage, dans la limite de 6 % d’alternants.
En revanche, rien pour les apprentis, dont les difficultés pour se loger, se soigner, se déplacer entre le lieu de leur formation et celui de leur apprentissage sont pourtant réelles : leur rémunération s’établit entre 25 % et 78 % du SMIC. On voit bien les limites de la démarche tendant à présenter l’apprentissage comme une « voie d’autonomisation financière » des jeunes !
Les apprentis sont des étudiants en formation. C’est donc pour améliorer les conditions de vie de ces jeunes travailleurs que nous proposons, avec cet amendement, de revaloriser leur rémunération de 5 %. C'est une mesure de justice sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Sous réserve de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables, l’apprenti perçoit un salaire déterminé en pourcentage du SMIC, dont le montant varie en fonction de l’âge du bénéficiaire et de sa progression dans son cycle de formation. Il passe ainsi de 25 % du SMIC pour un jeune de moins de 18 ans en première année de contrat à 78 % pour un jeune de plus de 21 ans en troisième année.
Les salaires des apprentis sont donc indexés sur l’évolution du SMIC. La commission n’a pas souhaité prévoir une règle spécifique pour ces salaires. Même si l’on peut entendre les arguments en faveur de leur augmentation, une telle mesure risquerait de freiner un peu plus l’embauche d’apprentis, alors que l’objectif du Gouvernement d’atteindre le chiffre de 500 000 apprentis en 2017 semble, hélas, aujourd'hui hors de portée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 148 rectifié quater, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet, Médevielle et Pozzo di Borgo, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Pour attribuer le marché public au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :
« 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, du nombre d’apprentis et de l’effort de formation de jeunes, le coût global d’utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d’exécution, la sécurité d’approvisionnement, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché ;
« 2° Soit, compte tenu de l’objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. »
2° Au premier alinéa du II, les mots : « du I » sont remplacés par les mots : « du présent article ».
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Notre collègue Françoise Gatel promeut avec énergie le développement de l’apprentissage, dont les effectifs ne sont peut-être pas aussi importants que l’on pourrait le souhaiter.
Cet amendement tend à favoriser le recours à l’apprentissage par les entreprises en prévoyant la prise en compte des apprentis au titre des clauses d’insertion insérées dans les marchés publics. Cette mesure donnerait ainsi un petit avantage aux entreprises faisant l’effort de recruter des apprentis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a déjà été examiné par la commission, qui en comprend l’esprit et en partage l’objectif, à savoir favoriser l’apprentissage pour les plus bas niveaux de qualification. Toutefois, il n’est pas acceptable juridiquement sous cette forme, pour plusieurs raisons.
Dans le cadre de la réforme en cours du code des marchés publics, une ordonnance est en préparation, en vertu d’une habilitation conférée par l’article 42 de la loi du 20 décembre 2014. Elle devrait rationaliser les règles relatives à la passation des marchés.
Ensuite, la réglementation européenne de la commande publique encadre très strictement le recours à de telles clauses sociales : un jeune en apprentissage peut-il vraiment être considéré comme une personne éloignée de l’emploi, au même titre qu’un chômeur de longue durée ou une personne handicapée ?
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Bonnecarrère. Non, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 148 rectifié quater est retiré.
Article 94 bis
(Non modifié)
L’article L. 6332-6 du code du travail est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les modalités de prise en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés de la rémunération des salariés en formation dans le cadre du plan de formation des entreprises de moins de dix salariés. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 94 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson et Delattre, Mme Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, M. César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas, Gruny et Duchêne, M. Doligé, Mme Cayeux, MM. Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet et B. Fournier, Mme Canayer, MM. Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest, Charon et Milon, Mme Lamure, MM. Gremillet, Laménie, Grand, Houpert et Grosdidier et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 1271-1 du code du travail est complété par les mots : « ou du personnel employé au sein de monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques et faisant l’objet d’une ouverture au public ».
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Il s’agit d’étendre le champ de l’utilisation du chèque emploi-service universel pour encourager l’embauche dans le secteur touristique des monuments historiques ouverts au public. Fortement pourvoyeur d’emplois, celui-ci se heurte à des difficultés en matière d’embauche, notamment pour des raisons administratives. J’ajoute que cette mesure de simplification ne coûterait rien.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le CESU est un dispositif de déclaration et de rémunération simplifié à destination des particuliers employeurs pour leurs salariés occupant des emplois entrant dans le champ des services à la personne.
Étendre son champ d’application susciterait des difficultés de gestion importantes et diminuerait l’efficacité du dispositif, qui repose notamment sur le fait que, à l’heure actuelle, une seule convention collective est concernée, celle du particulier employeur, pour les tâches de la maison à caractère familial ou ménager non lucratif.
Par ailleurs, il n’est pas précisé à quels types d’activités les salariés des particuliers employeurs propriétaires d’un monument historique seraient employés. Seraient-ils chargés de l’accueil des visiteurs ou de l’entretien du bâtiment, par exemple ?
Lors de l’examen, en décembre 2010, de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, le Sénat avait adopté un amendement similaire, après avis favorable du gouvernement de l’époque. Toutefois, lors de la seconde lecture à l’Assemblée nationale, le même gouvernement avait déposé un amendement de suppression de ces dispositions.
La commission a des réserves sur ces dernières : ne va-t-on pas ouvrir la voie à des demandes émanant de nombreux autres secteurs ?
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les propriétaires de monuments historiques disposent déjà d’outils adaptés à leur activité.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ils peuvent recourir au TESE, le titre emploi-service entreprise, ou au CEA, le chèque emploi associatif, à condition de se constituer sous forme associative et de remplir les conditions d’utilisation de ces deux dispositifs simplifiés de recouvrement, qui permettent justement de faciliter l’embauche pour les petits employeurs.
Le CESU, qui joue un rôle central dans le domaine des services à la personne, comme Mme la rapporteur vient de le dire, est fortement ciblé.
Ma réserve à l’égard de cet amendement est double.
D’une part, l’objet du CESU est l’emploi à domicile. Si on commence à l’étendre à d’autres catégories d’employeurs gestionnaires, on risque d’ouvrir la voie à des demandes reconventionnelles dans tous les secteurs.
D’autre part, comme je l’ai déjà indiqué, il existe d’autres outils adaptés aux besoins des propriétaires de monuments historiques, tels le TESE ou le CEA.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur de Montgolfier, l'amendement n° 136 rectifié est-il maintenu ?
M. Albéric de Montgolfier. Les employeurs concernés ne sont pas forcément constitués en forme associative ou d’entreprise. Je maintiens l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson et Perrin, Mme Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, M. César, Mme Lopez, MM. Leleux et Legendre, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas, Gruny et Duchêne, M. Doligé, Mme Cayeux, MM. Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet, B. Fournier, Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest et Milon, Mme Lamure, MM. Charon, Gremillet, Laménie, Grand, Houpert et Grosdidier et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 5134-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les propriétaires d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques faisant l’objet d’une ouverture au public. » ;
2° L’article L. 5134-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les propriétaires d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques faisant l’objet d’une ouverture au public. » ;
3° L’article L. 5134-111 est ainsi modifié :
a) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les propriétaires d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques faisant l’objet d’une ouverture au public. » ;
b) Le dixième alinéa est supprimé.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Dans la même logique que l’amendement précédent, il s’agit ici de favoriser l’emploi dans le secteur des monuments historiques ouverts au public en ouvrant le bénéfice des CUI, les contrats uniques d’insertion, et des CAE, les contrats d’accompagnement dans l’emploi, à des employeurs qui, aujourd'hui, ne peuvent pas employer des personnes en grande difficulté au regard de l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre aux particuliers propriétaires d’un monument historique ouvert au public d’embaucher des salariés en contrat aidé. Il est en contradiction avec l’une des règles fondamentales du dispositif des contrats aidés, à savoir l’interdiction, pour les particuliers employeurs, d’en bénéficier, c’est-à-dire de recruter des salariés sous ce statut avec une aide de l’État.
Dans le secteur non marchand, les contrats aidés sont destinés aux collectivités territoriales ou aux associations. Ils ont vocation à assurer l’insertion de jeunes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.
Il est ici proposé de permettre à un particulier employeur propriétaire d’un monument historique d’embaucher en emploi jeune – dispositif obsolète que la commission a supprimé –, en contrat d’accompagnement dans l’emploi ou en emploi d’avenir.
Cet amendement soulève plusieurs difficultés.
Tout d’abord, ces contrats doivent comprendre, dans leur déroulement, des actions de formation. Une telle exigence est particulièrement forte pour les emplois d’avenir, qui sont conditionnés à la mise en place d’un tutorat et à l’acquisition de compétences définies au préalable.
De plus, c’est ici le contrat d’accompagnement dans l’emploi, destiné au secteur non lucratif, qui est visé. Or il me semble qu’un particulier employeur qui possède un monument historique et l’ouvre au public poursuit une activité à caractère lucratif, qui relève en principe du CIE, le contrat initiative emploi, dont les particuliers employeurs sont explicitement exclus.
Comme l’a dit M. le ministre, la solution passerait sans doute par la création d’une structure juridique dédiée, telle une association, pour gérer le monument historique.
Il n’est pas possible de garantir que tous les particuliers employeurs seront en mesure d’offrir le suivi renforcé dont ont besoin les bénéficiaires de contrats aidés. Par conséquent, l’état actuel du droit semble justifié. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Albéric de Montgolfier. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 129 rectifié bis est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Morisset, Bignon et Mouiller, Mme Des Esgaulx, MM. Lefèvre, Chasseing, Milon, Calvet et Longuet, Mme Gruny, MM. Laménie et Saugey, Mme Duchêne, MM. Charon, Trillard, Laufoaulu, Doligé et Vogel, Mme Primas et MM. Husson, Houpert, J.P. Fournier et Malhuret.
L'amendement n° 263 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 94 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans, les mots : « organisations professionnelles de l'artisanat représentatives » sont remplacés par les mots : « organisations professionnelles intéressées ».
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 129 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 263 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 129 rectifié bis ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a pour objet d’adapter le cadre juridique relatif à l’organisation des stages de préparation à l’installation, les SPI, dans le secteur de l’artisanat.
L’article 2 de la loi du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans a institué une obligation de stage pour le futur chef d’entreprise dans ce secteur : le stage de préparation à l’installation.
Par dérogation au régime général de la formation professionnelle, qui est un marché ouvert et concurrentiel, le droit en vigueur réserve l’organisation du SPI à certains établissements, et surtout aux chambres de métiers, « en liaison avec les organisations professionnelles de l’artisanat représentatives ».
Or cette dernière formulation, qui date de 1982, apparaît trop restrictive par rapport à l’évolution ultérieure du droit applicable à l’artisanat. Elle suscite, dès lors, des divergences d’interprétation et des pratiques hétérogènes. La notion d’organisation professionnelle intéressée, que vise à introduire cet amendement, semble plus ouverte et opportune.
L’amendement vise à actualiser le cadre juridique de l’organisation des stages destinés aux artisans dans le sens de la diversification et du pluralisme. L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 94 bis.
Section 5
Lutte contre la prestation de services internationale illégale
Article 95
(Non modifié)
À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1264-3 du code du travail, le montant : « 10 000 € » est remplacé par le montant : « 500 000 € ».
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Cet article, une fois n’est pas coutume, prévoit un renforcement des sanctions contre les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations en matière de détachement de salariés. Le montant total de l’amende à laquelle ils s’exposent passe ainsi de 10 000 à 500 000 euros.
Cette mesure allant dans le bon sens, nous voterons bien sûr cet article. Néanmoins, il me semble important de revenir sur la réalité du travail détaché, véritable catastrophe économique et sociale, réalité à laquelle le projet de loi se garde bien, malheureusement, de s’attaquer.
Le travail détaché consiste à faire travailler des salariés en toute légalité dans un autre pays, tout en payant les cotisations sociales de leur pays d’origine.
En 2005, les partisans du traité établissant une constitution pour l'Europe qualifiaient parfois de racistes ou de xénophobes ceux qui osaient dénoncer la directive Bolkenstein, en s’appuyant sur la fameuse image du « plombier polonais », pour critiquer le modèle antisocial de l’Union européenne. Devant la réaction des peuples et la victoire du « non » au référendum portant sur ce traité, une version moins extrême de cette directive avait été adoptée en 2006.
La première version prévoyait d’obliger les immigrés à travailler dans les conditions de leur pays d’origine ; la suivante a instauré un système que l’on pourrait qualifier de délirant, puisque le salaire et le temps de travail doivent se conformer à la réglementation du pays où est exercée l’activité, tandis que les cotisations sociales continuent de dépendre du pays d’origine ! Par conséquent, dans le marché unique européen, soumis à la concurrence interne des pays à bas coût de l’Est, où le salaire minimum peut être de cinq à dix fois inférieur au nôtre, un nombre grandissant d’entreprises a recours à ces travailleurs détachés.
L’impact de ce mode de travail est calamiteux pour notre pays. Comme le rappelle un rapport d’information sur les travailleurs détachés rédigé par Éric Bocquet et paru en 2013, la directive 96/71/CE a été adoptée pour répondre au défi de l’intégration dans l’Union européenne de pays où le coût du travail était peu élevé.
Selon le principe de l’application du droit du pays d’accueil, les entreprises doivent rémunérer les salariés qu’elles détachent aux conditions du pays dans lequel est exécuté le contrat. Ce principe clair est pourtant contredit par la pratique, ce qui conduit à l’émergence progressive d’un salariat low cost. Ce phénomène est encore plus important depuis les élargissements de l’Union européenne de 2004 et de 2007. Bien qu’il reste difficile à quantifier, on estime à environ 300 000 le nombre de ces salariés low cost détachés en France, très souvent au mépris du droit communautaire. De nombreux secteurs d’activité sont concernés : le bâtiment, le transport, l’agriculture ou encore l’événementiel. C’est principalement l’absence de dispositions concrètes de contrôle dans la directive de 1996 qui cause cette explosion de la fraude au détachement.
On estime que seulement la moitié des salariés détachés seraient déclarés. Cette absence de déclaration s’observe particulièrement dans les secteurs non régis par la directive de 1996, tel le secteur routier. Cela étant, même lorsque les entreprises étrangères respectent les minima salariaux, les travailleurs détachés peuvent être amenés à faire des heures supplémentaires non rémunérées ou à rétrocéder une partie de leur salaire une fois rentrés dans leur pays, pour couvrir les frais de repas ou de logement en France. Tout cela est bien réel, monsieur le ministre, ce n’est pas de la science-fiction !
Votre texte, en confortant l’encadrement et le statut du travailleur détaché, n’aura d’autre effet, en réalité, que de conforter l’existence d’une réserve de main-d’œuvre exploitable à merci par des entreprises qui, du même coup, seront dispensées de cotisations sociales, c’est-à-dire de contribution aux dépenses de la collectivité.
Mme la présidente. L'amendement n° 488 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais rappeler le travail réalisé, au sein de notre assemblée, par Éric Bocquet et notre ancien collègue Jean Arthuis pour faire adopter une proposition de résolution européenne encadrant le recours aux travailleurs détachés, qui crée une distorsion de concurrence très importante. Le dispositif de cet article me semble donc tout à fait intéressant et bienvenu. Je pense que Jean Arthuis, en tant que député européen, pourra continuer son œuvre à l’échelon communautaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 95.
(L'article 95 est adopté.)
Article additionnel après l’article 95
Mme la présidente. L'amendement n° 1505, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 95
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 634-1, il est inséré un article L. 634-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 634-1-1. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail peuvent transmettre aux agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers d’assurer le contrôle des personnes exerçant les activités privées de sécurité.
« Les agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité peuvent transmettre aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail tous renseignements et documents nécessaires à leur mission de lutte contre le travail illégal. » ;
2° Après le 7° de l’article L. 642-1, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis À l’article L. 634-1-1, les mots : “ à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ aux articles L. 312-5, L. 610-1, L. 610-14 et L. 610-15 du code du travail applicable à Mayotte ” ; »
3° Après le 11° de l’article L. 645-1, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis À l’article L. 634-1-1 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “ les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ les agents chargés du contrôle du travail illégal en application des dispositions applicables localement ” ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ; »
4° Après le 12° de l’article L. 646-1, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :
« 12° bis À l’article L. 634-1-1 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “ les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ les agents chargés du contrôle du travail illégal en application des dispositions applicables localement ” ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ; »
5° Après le 11° de l’article L. 647-1, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis À l’article L. 634-1-1 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “ les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ les agents chargés du contrôle du travail illégal en application des dispositions applicables localement ” ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ; ».
II. – Le 1° du I du présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
III. – Après l’article L. 8271-6-2 du code du travail, il est inséré un article L. 8271-6-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271-6-3. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 peuvent transmettre aux agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure, tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers d’assurer le contrôle des personnes exerçant les activités privées de sécurité.
« Les agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure peuvent transmettre aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du présent code tous renseignements et documents nécessaires à leur mission de lutte contre le travail illégal. »
IV. – Après l’article L. 313-6 du code du travail applicable à Mayotte, il est inséré un article L. 313-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-7. – Les agents de contrôle mentionnés aux articles L. 312-5, L. 610-1, L. 610-14 et L. 610-15 du présent code peuvent transmettre aux agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure, tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers d’assurer le contrôle des personnes exerçant les activités privées de sécurité.
« Les agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure peuvent transmettre aux agents de contrôle mentionnés aux articles L. 312-5, L. 610-1, L. 610-14 et L. 610-15 du présent code tous renseignements et documents nécessaires à leur mission de lutte contre le travail illégal. »
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 1505 est retiré.
Article 96
Le chapitre III du titre VI du livre II de la première partie du code du travail est complété par des articles L. 1263-3 à L. 1263-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 1263-3. – Lorsqu’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5 constate un manquement grave, commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national, à l’article L. 3231-2 relatif au salaire minimum de croissance, à l’article L. 3131-1 relatif au repos quotidien, à l’article L. 3132-2 relatif au repos hebdomadaire, à l’article L. 3121-34 relatif à la durée quotidienne maximale de travail ou à l’article L. 3121-35 du présent code relatif à la durée hebdomadaire maximale de travail, ou qu’il constate des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine sanctionnées par l’article 225-14 du code pénal, il enjoint par écrit à cet employeur de faire cesser la situation dans un délai fixé par décret en Conseil d’État.
« Il en informe, dans les plus brefs délais, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de l’employeur concerné.
« Art. L. 1263-4. – À défaut de régularisation par l’employeur de la situation constatée dans le délai mentionné à l’article L. 1263-3, l’autorité administrative compétente peut, dès lors qu’elle a connaissance d’un rapport d’un agent de contrôle de l’inspection du travail constatant le manquement et eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner, par décision motivée, la suspension par l’employeur de la réalisation de la prestation de services concernée pour une durée ne pouvant excéder un mois.
« L’autorité administrative met fin à la mesure dès que l’employeur justifie de la cessation du manquement constaté.
« Art. L. 1263-5. – La décision de suspension de la prestation de services prononcée par l’autorité administrative n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire pour les salariés concernés.
« Art. L. 1263-6. – Le fait pour l’employeur de ne pas respecter la décision administrative mentionnée à l’article L. 1263-4 est passible d’une amende administrative, qui est prononcée par l’autorité administrative compétente, sur le rapport motivé d’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5.
« Le montant de l’amende est d’au plus 10 000 € par salarié détaché.
« L’autorité administrative applique les dispositions des trois derniers alinéas de l’article L. 1264-3. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, sur l'article.
Mme Anne Emery-Dumas. L’article 96 vise à permettre à l’autorité administrative de suspendre temporairement l’activité d’un prestataire de services établi hors de France en cas d’infraction grave à des règles fondamentales du droit du travail.
En effet, le droit actuel a été conçu dans la perspective d’entreprises françaises exerçant sur le territoire national. Or on a assisté, ces dernières décennies, à un développement de l’extraterritorialité des sièges d’entreprises, qui détachent des salariés, souvent pour des durées très courtes. Par conséquent, les sanctions prévues sont inapplicables : comment fermer temporairement une entreprise qui pratique le travail illégal en France alors qu’elle est située à l’étranger ? Comment appliquer des procédures pénales pour des infractions de travail illégal à l’encontre d’entreprises étrangères alors que le droit du travail est territorial ?
Du point de vue législatif, nous avons adopté en juin 2014 la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, qui renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive à des travailleurs détachés. Elle a traduit par anticipation en droit français le compromis européen qui avait été trouvé pour renforcer la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, faisant l’objet de nombreuses fraudes, comme l’a rappelé M. Christian Favier. Nous avons donc accompli un premier pas important.
Aujourd’hui, l’article 96 a pour objet d’introduire quatre nouveaux articles dans le code du travail, afin de permettre à un inspecteur du travail d’enjoindre par écrit à un employeur établi à l’étranger et détachant des salariés en France de faire cesser une situation dans laquelle sont constatées des infractions d’une particulière gravité : non-respect manifeste du salaire minimal légal, dépassement important des limites de durée maximale du travail quotidienne ou hebdomadaire, hébergement collectif indigne des travailleurs, manquement au repos quotidien minimal de onze heures consécutives ou au repos hebdomadaire.
L’employeur disposera d’un délai, qui sera fixé par voie réglementaire, pour présenter ses observations, régulariser la situation constatée et apporter à l’administration les éléments tangibles de la mise en conformité.
Si l’employeur ne réagit pas, l’administration pourra ordonner la cessation d’activité pour un mois, renouvelable si l’infraction persiste. Le non-respect de cette interdiction d’activité vaudra à l’employeur une amende de 10 000 euros par salarié.
Il est important de souligner que la décision de suspension d’activité n’entraîne ni rupture ni suspension du contrat de travail des salariés, qui sont avant tout les victimes de cette situation de fraude et d’exploitation.
Ces dispositions sont complétées par des mesures concernant le transport routier et le transport fluvial, qui instaurent l’obligation d’un contrat de transport écrit. Un nouvel article du code du travail précisera que le destinataire du contrat de transport est clairement le donneur d’ordre. Cette disposition est particulièrement importante, puisqu’elle implique que toutes les obligations de déclaration, de désignation d’un référent, de signalement des infractions à l’encontre des droits des salariés chez un sous-traitant lui incomberont. Il sera ainsi financièrement solidaire du paiement de la rémunération des salariés du prestataire étranger qui n’aura pas respecté nos règles légales et conventionnelles en la matière. En outre, les sanctions financières lui seront applicables.
Dans le secteur du bâtiment, une carte d’identification professionnelle est créée, pour le coût modique de 2 euros par salarié, à la charge des entreprises concernées. On ne saurait donc parler d’une charge excessive ; il s’agit avant tout de protéger les entreprises en situation régulière.
Ce projet de loi poursuit donc notre offensive méthodique visant à une remise en ordre de certains secteurs gangrenés par le travail illégal. C’est une action indispensable, pour les travailleurs étrangers exploités comme pour nos salariés nationaux victimes du dumping social. Elle est salutaire pour nos entreprises, notamment les PME et les très petites entreprises, victimes de cette sous-traitance frauduleuse et de cette concurrence malhonnête qui se répand dans nos territoires.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 957 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 147 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet et Médevielle, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Roche, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5
insérer les mots :
ou au 3° de l’article L. 8271-1-2
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Les articles 96 et 97, relatifs au détachement de travailleurs, tendent au renforcement des dispositions de la loi de juillet 2014.
Au travers de cet amendement, Mme Gatel soulève la question du contrôle sur les chantiers en dehors des horaires et des jours de semaine. La pratique montre en effet que les infractions en matière de détachement de travailleurs s’observent tout particulièrement le soir ou le week-end, quand les inspecteurs du travail ne sont pas disponibles.
L’amendement a donc pour objet de conférer aux agents des douanes – qui sont plus disponibles le soir et le week-end en raison des spécificités de leur charge de travail – le pouvoir d’établir les mêmes constats que les inspecteurs du travail pour ce qui concerne les conditions de travail des salariés détachés. Il s’agit d’une mesure strictement technique, déjà mise en œuvre dans d'autres pays européens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à rendre possible la constatation par un agent des douanes d’un manquement grave d’un prestataire étranger à l’ordre public social. Il se fonde sur une intention louable, puisqu’il s’agit de renforcer la lutte contre la concurrence sociale déloyale en augmentant le champ des agents habilités à relever un tel manquement.
Cela étant, il pose plusieurs difficultés. Si les agents des douanes peuvent intervenir, de manière générale, pour dresser des procès-verbaux en matière de travail illégal – ils sont effectivement mobilisés dans le cadre de la commission nationale de lutte contre le travail illégal –, les procédures prévues à cet article sont spécifiques à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE. Pour des raisons de simplicité juridique, l’agent constatant le manquement doit dépendre des services de la DIRECCTE – le texte ne vise actuellement que les contrôleurs et les inspecteurs du travail –, car seul le directeur de la DIRECCTE est habilité à prononcer ensuite la suspension de l’activité du prestataire ou à lui infliger une sanction administrative s’il n’obtempère pas.
Selon la commission, cet amendement pourrait donc s’avérer contreproductif en suscitant une confusion juridique, alors que nous devons mettre en œuvre des mécanismes simples, rapides et dissuasifs pour lutter contre les détournements du détachement des travailleurs.
La commission demande donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 147 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1294, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article s’applique à tous les secteurs où les dispositions du code du travail sur les repos minimaux et les durées maximales du travail ont été adaptées au travers de lois et/ou de décrets spécifiques et/ou de dispositions équivalentes à certains secteurs d’activités. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 96 donne des pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés à l’inspection du travail en cas de « manquement grave, commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national », notamment en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de durée quotidienne maximale de travail et de durée hebdomadaire maximale de travail.
Or, pour certains salariés, comme le personnel navigant du transport aérien, les dispositions du code du travail visées par l’article 96 ne sont pas applicables en l’état et ont fait l’objet d’adaptations par le biais de règles spécifiques incluses dans le code des transports ou le code de l’aviation civile. En raison de sa rédaction limitée aux articles généraux du code du travail, l’article L. 1263-3 du code du travail créé par l’article 96 ne s’applique donc pas à la violation des règles spécifiques à certaines professions en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de durée quotidienne maximale de travail et de durée hebdomadaire maximale de travail.
Cela est regrettable à plusieurs titres : d’une part, cela institue une entorse à l’égalité des entreprises et des citoyens devant la loi ; d’autre part, et plus concrètement, les salariés dont les professions sont régies par ces dispositions spécifiques comptent parmi ceux qui, en raison de conditions particulières de travail souvent pénibles, ont justement le plus besoin des protections relatives aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos.
De plus, les salariés des entreprises de transport, dont l’organisation du travail fait souvent l’objet, dans notre pays, de décrets particuliers, sont parmi les plus susceptibles d’être détachés en France par une entreprise étrangère, en raison de leur mobilité. Cette situation est spécifiquement visée par l’article 96. Il serait donc paradoxal, sinon incompréhensible, qu’ils soient exclus du champ des dispositions protectrices de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission comprend l’intention des auteurs de l’amendement, qui souhaitent que les dispositifs prévus à l’article 96 s’appliquent à tous les secteurs d’activité, sans exception, y compris ceux qui ne sont pas couverts par les règles générales en matière de repos et de durée maximale du temps de travail mentionnées à l’alinéa 2.
Toutefois, il faudrait que les secteurs d’activité spécifiques et leurs bases légales soient cités précisément, car on ne peut pas prononcer l’arrêt d’activité d’un prestataire ou une sanction administrative sans des références juridiques claires et incontestables.
En outre, le dispositif de l’article 96, qui constitue une avancée décisive, pourra être amélioré ultérieurement.
Pour l’heure, la commission sollicite le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1295, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ne pouvant excéder un mois
par les mots :
indéterminée
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Afin de lutter efficacement contre la concurrence sociale déloyale, une suspension pour une durée indéterminée des prestations dont bénéficient les entreprises concernées apparaît plus dissuasive. Une durée d’un mois nous semble insuffisante.
Certes, nous le savons, les pénalités sont appliquées en cas de retards ou de non-résiliation du contrat, mais des arrangements sont souvent trouvés. De fait, la suspension de la prestation pour une durée d’un mois n’aurait pas suffisamment d’effet.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’indication de durée qui figure à l’alinéa 4 de l’article 96.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement soulève une question intéressante.
L’arrêt d’un chantier du BTP en cas de risque de chute de hauteur, d’ensevelissement ou lié à l’amiante, tel que défini à l’article L. 4731-1 du code du travail, peut être à durée illimitée si l’employeur ne sollicite pas de reprise.
Les auteurs de l’amendement souhaitent implicitement aligner les deux dispositifs sur ce point.
Toutefois, en pratique, tout prestataire étranger s’efforcera de régulariser au plus vite sa situation s’il fait l’objet d’une décision d’arrêt d’activité prévue à l’article 96. D'ailleurs, le donneur d’ordre fera pression sur lui en ce sens.
En outre, si le prestataire est récalcitrant, ce qui peut arriver, la DIRECCTE prendra une amende de 10 000 euros par salarié, dont le montant n’est pas plafonné et peut être très élevé. Au reste, rien ne l’empêchera de prendre une seconde décision d’arrêt d’activité, en modifiant ses visas et considérants afin d’éviter qu’on ne l’accuse d’imposer une double peine pour un même comportement fautif.
Enfin, le plafond de durée d’un mois pourrait être perçu par la Commission européenne comme une garantie juridique essentielle, à même d’empêcher que l’on puisse reprocher à notre pays d’entraver la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne.
La commission est donc défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1296, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
l’autorité administrative compétente, sur le rapport motivé d’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112–1 et L. 8112–5
par les mots :
les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112–1 et L. 8112–5, sur la base d’un rapport motivé
II. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
L’autorité administrative
par les mots :
L’agent de contrôle
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Selon la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, il revient aux agents de contrôle indépendants de prononcer une amende envers un employeur qui n’aurait pas respecté une décision administrative. Cette convention s’adresse aussi bien au secteur de l’industrie qu’à celui du commerce.
Pour rappel, le système d’inspection du travail est chargé d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des enfants et des adolescents et à d’autres matières connexes, dans la mesure où les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application desdites dispositions.
De plus, le système d’inspection du travail fournit des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales.
Enfin, l’inspection du travail porte à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.
Par conséquent, comme ladite convention le prévoit, il revient aux inspecteurs du travail de prononcer les amendes. En effet, on ne peut pas considérer que l’autorité administrative soit complètement indépendante.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que seuls les agents de contrôle puissent dresser amende.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le partage des rôles entre les agents de contrôle et le directeur de la DIRECCTE a semblé équilibré à la commission : les premiers opèrent les constatations, le second prononce la sanction. On évite ainsi que les agents soient juges et parties.
La commission est donc défavorable à l’amendement.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1297, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de manquement à ces obligations, les contrats concernés par ces manquements seront réputés avoir été conclu directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Afin de responsabiliser les entreprises en matière de respect des droits des travailleurs détachés, nous pensons qu’il est indispensable de renforcer les sanctions auxquelles sont soumis les contrevenants.
D’un côté, nous mesurons à quel point le recours à la sous-traitance peut obéir à une logique financière. En effet, plus le degré de sous-traitance est important, plus les coûts sont réduits, et, mécaniquement, plus les marges sont grandes.
D’un autre côté, une partie des consommateurs sont de plus en plus sensibles aux comportements « éthiques » des entreprises. D’ailleurs, ils sont de plus en plus sensibilisés aux risques qu’ils encourent en consommant ou en utilisant des produits dont le prix est toujours plus bas.
Dans ces conditions, nous pensons qu’il est nécessaire de responsabiliser au maximum les entreprises. Si certains progrès sont enregistrés, ils restent trop timides. Lorsque le recours à la sous-traitance est abusif, il semble opportun de prévoir une sanction plus lourde, et donc plus dissuasive.
L’employeur risque de voir les contrats de travail concernés requalifiés de telle sorte qu’ils soient réputés avoir été conclus directement entre le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.
En outre, plus la sanction est visible, plus il apparaît difficile, pour les entreprises, de se placer en situation illégale.
J’ai ainsi défendu l’amendement n° 1297, ainsi que l’amendement n° 1298, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1297 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1297 prévoit que les salariés d’un prestataire étranger ne respectant pas l’ordre public social et les dispositions de l’article 96 deviennent automatiquement salariés du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.
Cette proposition a semblé sévère à la commission, car il existe déjà beaucoup de dispositifs pour responsabiliser les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.
Je pense notamment au dispositif de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum au salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non.
La commission a estimé qu’il fallait appliquer les dispositifs votés avant d’en créer de nouveaux, d'autant que le décret d’application relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal n’a été pris que le 30 mars dernier.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1298, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de cinq années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Depuis la loi relative à la sécurisation de l’emploi, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit trois ans après le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il n’a pas semblé utile à la commission de relever ce délai de prescription pour les salaires non payés à des travailleurs détachés, car les prestataires étrangers sont très mobiles et se déplacent vite sur le territoire. Le véritable enjeu, c’est que les agents de contrôle puissent intervenir rapidement sur les chantiers où interviennent des prestataires indélicats.
En outre, l’adoption de cet amendement créerait une inégalité de traitement permanente entre les salariés détachés et ceux qui ne le sont pas.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1299, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : « le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Nous pensons que, pour être plus efficace en matière de lutte contre les fraudes et les abus liés au détachement de salariés ou à l’accueil de personnel détaché, le dispositif de l’article devrait s’accompagner de mesures volontaristes de transparence.
De ce point de vue, le bilan social, obligatoirement réalisé par les entreprises employant plus de 300 salariés, constitue un document de grande valeur informative pour les salariés et les représentants du personnel. Il récapitule les principales données chiffrées qui permettent d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social. Il compile des informations concernant l’emploi, les conditions de travail, de santé et de sécurité, la formation ou encore les relations professionnelles.
Il peut aussi être un outil supplémentaire d’encadrement des détachements. En effet, sur le fond, ces travailleurs étrangers détachés ne doivent surtout pas être considérés comme des « salariés fantômes » au sein de l’entreprise donneuse d’ordre ou sous-traitante. On le sait, la pratique du détachement, couplée à cette situation de quasi-clandestinité, incite en elle-même les entreprises à la fraude et à la dissimulation, en contradiction avec la législation sociale nationale et aux dépens de ces travailleurs détachés, qui ne disposent que de peu de possibilités de recours : souvent, ils ne parlent même pas la langue du pays d’accueil.
Par ailleurs, les salariés « permanents » de l’entreprise donneuse d’ordre, qui prennent part à la vie de l’entreprise et à sa gestion, via les représentants du personnel, doivent, selon nous, pouvoir être informés de l’emploi de travailleurs détachés par leur entreprise et être ainsi en mesure de le contrôler.
Aussi, de manière à donner aux inspecteurs du travail les moyens et les outils nécessaires pour lutter efficacement contre la fraude et le dumping social, nous souhaitons, à des fins de transparence, que l’accueil comme l’envoi de travailleurs détachés soient mentionnés dans le bilan social de l’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a jugé que l’amendement était satisfait par l’article 3 de la loi relative à la concurrence sociale déloyale. Cet article est d’ailleurs issu de l’adoption au Sénat, en séance publique, d’un amendement du groupe CRC, le 2 mai 2014…
Mme Laurence Cohen. Nous avons de la suite dans les idées ! (Sourires.)
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission sollicite donc le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Favier, l'amendement n° 1299 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1299 est retiré.
L'amendement n° 1300, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au dernier alinéa de l’article L. 8224-5 du code du travail, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. La mise en place d’une « liste noire » d’entreprises condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal permettra de mieux identifier les entreprises qui fraudent et de les sanctionner plus sévèrement.
Néanmoins, une entreprise ne peut figurer sur une telle liste que pour une durée maximale de deux ans. Il nous semble que cette durée n’est pas suffisamment dissuasive.
Si nous voulons lutter efficacement contre la prestation de services illégale et la concurrence déloyale, il faut renforcer certaines mesures. C’est pourquoi nous proposons de faire passer la durée d’inscription sur la « liste noire » de deux à cinq ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Concernant l’amendement précédent, il semble que les décrets d’application de la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale n’avaient pas encore été pris lorsque nos collègues du groupe CRC l’ont déposé.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1300 tend à relever de deux à cinq ans la durée d’inscription sur une « liste noire » d’une entreprise condamnée pour travail dissimulé.
Le Sénat s’est déjà exprimé sur ce point lors de l’examen de la proposition de loi relative à la concurrence sociale déloyale. Ce texte n’étant entré en vigueur que très récemment, nous estimons qu’il faut attendre avant d’en modifier le dispositif.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 96.
(L'article 96 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 96
Mme la présidente. L'amendement n° 1303 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1111-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Pendant la durée de leur détachement, les travailleurs titulaires d’un contrat de détachement employés par une entreprise, y compris dans le cadre d’une sous-traitance par une autre entreprise, sont intégrés dans l’effectif de l’entreprise ;
« 5° Une même entreprise ne peut faire appel, directement, à des prestataires de services, si le nombre de salariés ainsi détachés excède le nombre de salariés employés par le donneur d’ordre dans des proportions définies par la loi. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement, comme le suivant n° 1304, est selon nous un amendement de justice sociale.
Il vise à encadrer et à limiter l’usage du détachement de travailleurs dans les entreprises, pratique qui a connu un effet d’aubaine ces dernières années, en raison des effets conjugués de la crise, des écarts de conditions salariales et sociales entre pays et de l’élargissement de l’espace Schengen.
Dans ces conditions, plutôt que de renvoyer à un décret la fixation du nombre de travailleurs détachés autorisés, nous proposons de fixer dans la loi un encadrement précis, visant à limiter fraudes et abus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est contraire au droit européen, et l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1304, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1262-1 du code du travail est complété par les mots : « et que la rémunération prévue pour les travailleurs en situation de détachement correspond à la grille des salaires et des qualifications pratiquées au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement tend à ce que les protections offertes aux salariés détachés en matière de rémunération correspondent à la grille des salaires et des qualifications pratiquées au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.
En effet, les travailleurs détachés sont exclus du bénéfice des protections et des avantages dont disposent les salariés de l’entreprise, notamment des acquis des conventions collectives, qui, parfois, ont participé de la négociation des grilles de salaires. Il n’est pas normal que ces travailleurs ne profitent pas des acquis sociaux résultant de la négociation au sein de l’entreprise.
En outre, il apparaît comme normal que les travailleurs détachés soient comptabilisés dans l’effectif et inscrits dans le registre unique du personnel, même dans le cadre d’une sous-traitance. Cela permettrait de responsabiliser les entreprises donneuses d’ordre, de renforcer la transparence sur les emplois au sein de l’entreprise et de faciliter les contrôles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est également contraire au droit européen, et la commission spéciale émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1301, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1261-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, n’est pas reconnu travailleur détaché, la personne de nationalité française salariée d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Même si, à titre personnel, j’ai toujours pensé que politique et pragmatisme étaient antinomiques, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un amendement pragmatique, visant à rendre impossible en France une pratique scandaleuse et abusive consistant, ni plus ni moins, à faire travailler en France des travailleurs détachés de nationalité française.
En effet, cette pratique est légale, en ce sens qu’elle n’est interdite ni par la loi ni même par les directives. Il s’agit pourtant là d’un dévoiement réel d’une directive européenne reposant sur la seule logique de l’optimisation sociale et fiscale, de la réduction artificielle d’un coût du travail prétendument trop important en France.
Cette fraude légale n’est pas minime puisque, comme le révélait une chaîne d’information continue, la seconde communauté de travailleurs détachés en France est de nationalité française ! Ces salariés empruntent les mêmes chemins que l’évasion fiscale : un travailleur français s’inscrit dans une agence de travail temporaire luxembourgeoise, qui le place sur un chantier en France, par exemple dans l’Est, près de la frontière.
Comme le soulignent avec raison les journalistes, « au final, l’agence d’intérim et l’entreprise utilisatrice sont gagnantes, contrairement à l’employé, qui pendant ce temps-là ne cotise pas en France, ni pour sa retraite, ni pour son assurance maladie, ni pour le chômage ». Au rang des grands perdants de cette situation ubuesque, il convient d’ajouter l’État et la sécurité sociale, pour qui cette absence de cotisation représente des pertes non négligeables.
Afin d’éviter cet abus manifeste, il convient donc de limiter le statut des travailleurs détachés au seul cas des salariés recrutés dans un autre pays membre et non titulaires de la nationalité française, de telle sorte que nos concitoyens ne soient pas pris en otages par la forme d’organisation du travail que des employeurs tentent de leur imposer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est défavorable, cet amendement étant contraire au droit européen et discriminatoire à l’égard de nos concitoyens établis à l’étranger.
En effet, il crée une interdiction générale et absolue pour eux d’être détachés en France, comme si tous nos concitoyens établis en Angleterre, en Allemagne ou hors de l’Union européenne voulaient abuser des règles du détachement de travailleurs.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas eux que nous visons !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pourtant, tel qu’il est rédigé, cet amendement aurait cette conséquence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il y a tout de même beaucoup de logique dans cet amendement. L’intention de ses auteurs n’est pas de viser les Français établis hors de France, dont on peut imaginer qu’ils travaillent dans leur pays d’accueil. L’amendement est peut-être mal rédigé, mais un décret d’application pourrait imposer à l’entreprise de justifier que le travailleur détaché n’est pas domicilié en France. Madame la rapporteur, il me semble que l’on ne peut pas balayer un tel sujet d’un revers de main. Il s’agit de pratiques non seulement exorbitantes, mais tout à fait illégales. Je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.
Mme Anne Emery-Dumas. J’ai l’impression d’être revenue plusieurs mois en arrière, lorsque nous examinions le projet de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. En effet, à l’époque, nous avions eu le même débat, sur le même amendement.
Le ministre du travail nous avait alors tenu exactement le même discours que Mme Deroche aujourd’hui, et notre assemblée avait souscrit à ses arguments en rejetant l’amendement. Il serait bon que le Sénat ne change pas de position tous les six mois…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. La remarque de Nathalie Goulet me semble frappée au coin du bon sens.
En Lorraine, de nombreuses personnes habitant près de la frontière vont se faire enregistrer au Luxembourg. Il ne s’agit pas de golden boys ! Il existe sans doute des situations très diverses, mais nous soulevons une vraie question, que l’on ne peut pas écarter d’un revers de main.
Je peux admettre que notre amendement soit mal rédigé, mais cela intéresse-t-il le Gouvernement et nos collègues de savoir que certains de nos compatriotes se trouvent placés dans des situations où ils sont corvéables à merci ? À la fin de leur carrière, ces personnes, ayant cotisé pour une protection sociale réduite au minimum, seront à la charge de la société française.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit en effet d’un vrai sujet.
Toutefois, comme vient de le souligner notre collègue Anne Emery-Dumas, nous avons déjà rejeté un amendement identique à l’occasion de l’examen d’un précédent texte, car l’interdiction générale et absolue qu’il prévoit pose de réels problèmes juridiques. Vous avez eu six mois pour élaborer un dispositif plus satisfaisant. Il ne suffit pas que votre objectif soit louable !
Mme Éliane Assassi. Sur le fond, vous en pensez quoi ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il existe des abus, bien entendu !
Mme la présidente. L'amendement n° 1302, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1262-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun autre contrat de détachement ne peut être conclu entre un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage et l’employeur mentionné à l’article L. 1262-1, s’il n’est observé une période de carence d’un mois entre la fin du précédent contrat et le détachement d’un nouveau salarié. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En l’état actuel du droit, un employeur peu scrupuleux a la possibilité de recourir au « détachement à la chaîne ».
Ainsi, les travailleurs étrangers étant détachés pour accomplir des missions souvent courtes, il existe, notamment sur les chantiers du BTP, un turn over assez important de personnel détaché. De ce fait, il est plus difficile de faire respecter le droit du travail par le biais du contrôle, la courte durée du détachement ne correspondant pas à celle, plus longue, de l’action de l’inspection du travail ou du traitement administratif.
Cette situation s’explique tout simplement par l’absence de disposition légale réglementant la durée entre deux détachements.
Par ailleurs, une entreprise peut détacher un travailleur sur le sol français alors même que les formalités ne sont pas officiellement finalisées : les entreprises n’hésitent pas à envoyer le travailleur réaliser sa mission dans un pays étranger sans que le formulaire de détachement ait été retourné. Le travailleur commence alors sa mission sans être entièrement ni officiellement protégé par le droit du travail français.
C’est pourquoi, afin de lutter efficacement contre la prestation de services illégale, nous souhaitons introduire dans le code du travail une disposition tendant à ce qu’un délai d’un mois soit imposé à toute entreprise entre deux détachements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si nous comprenons l’intention de ses auteurs, nous sollicitons le retrait de cet amendement contraire aux règles européennes. À défaut, l’avis sera défavorable.
Je rappelle que la loi du 10 juillet 2014 a renforcé l’obligation de déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail, afin de régler ces problèmes de délai entre deux détachements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1305, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 131-39 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 12° est complété par les mots : « ainsi que de bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales tel que la loi l’autorise à l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale » ;
2° Après le 12°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’obligation, pour une durée maximale de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques durant la période du contrat incriminé. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je respecte bien entendu le vote du Sénat, mais je voudrais tout d’abord revenir brièvement sur l’amendement n° 1301, relatif aux travailleurs français détachés en France. J’aurais aimé obtenir une réponse un peu plus explicite sur le fond de la part du Gouvernement.
S’agissant du présent amendement, les différentes formes de fraudes au droit du travail et au financement de la protection sociale auxquelles ont recours des employeurs peu scrupuleux relèvent incontestablement de comportements antisociaux qui portent atteinte à notre pacte social, à la confiance que nous accordons, en tant qu’élus, aux employeurs, ainsi qu’à celle que les salariés placent en leur direction.
Voilà peu, l’ancienne présidente du MEDEF déclarait ne pas comprendre la méfiance de certains parlementaires à l’encontre du patronat, au prétexte qu’ils exigeaient des contreparties précises et chiffrées aux milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis aux entreprises.
Si nous sommes vigilants, c’est parce que nous ne connaissons que trop bien la situation. Nous savons par exemple qu’un rapport de la Cour des comptes a mis en lumière que la fraude aux prestations sociales était très inférieure à la fraude aux cotisations sociales, due notamment au travail dissimulé, qui représente au bas mot 50 milliards d’euros.
C’est pourquoi, nous en sommes persuadés, il faut aller plus loin que ce projet de loi, qui prévoit seulement que les entreprises n’étant pas en règle ne peuvent prétendre au versement d’une aide publique. Or cette rédaction n’exclut pas le versement d’aides sociales, prenant la forme d’exonérations de cotisations sociales, qui, de fait, ne sont pas des aides publiques.
Par ailleurs, au-delà de la question de l’attribution ou non de ces aides, il nous semble fondamental que ces comportements délictueux soient sanctionnés. La meilleure des sanctions nous paraît être le remboursement de ces aides.
En effet, bénéficier d’une aide au titre d’une obligation alors que celle-ci n’est pas respectée constitue une forme d’enrichissement sans cause, inadmissible dans le contexte actuel de raréfaction des fonds publics.
Par ailleurs, de telles aides manquent cruellement pour financer des projets réellement porteurs, réellement créateurs de richesses ou réellement protecteurs pour les salariés.
Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous invitons le Sénat à voter cet amendement, de telle sorte que, si certains employeurs venaient à abuser de la confiance que le Gouvernement leur témoigne à travers ce projet de loi, ils soient réellement sanctionnés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sur le 1° de l’amendement, qui est une mesure de rationalisation des sanctions, la commission émet un avis favorable.
En revanche, le dispositif du 2° ne peut être appliqué qu’avec beaucoup de prudence, car le Conseil constitutionnel censure les sanctions et les peines appliquées rétroactivement. Selon nous, le 2° ne pourrait s’appliquer que pour les aides publiques reçues après la promulgation de la loi.
La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur ce point.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais d'abord revenir sur l’amendement n° 1301.
Madame Assassi, il ne s’agit nullement, de ma part, d’un refus de répondre sur le fond au problème que vous avez soulevé, mais nous sommes confrontés sur ce sujet à une difficulté transversale. Le Gouvernement souhaite renforcer les sanctions, traiter au mieux le problème, qui a fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires, mais le droit communautaire nous empêche d’aller dans le sens de votre proposition.
Il est néanmoins nécessaire de rechercher, comme le Président de la République a commencé à le faire, un nouvel équilibre en matière de travail détaché. C’est un point particulièrement sensible pour de nombreux pays. Nous sommes aujourd'hui au maximum de ce qui est possible en matière de régime de sanctions du travail dissimulé et du recours illégal au détachement de travailleurs. Si l’on veut aller plus loin, comme vous proposez de le faire, on se heurte au droit européen. Disant cela, il ne s’agit pas pour moi de me défiler, mais nous sommes à la limite juridique de ce que nous pouvons faire. Je partage cependant votre insatisfaction. La réflexion continue. Je n’exclus pas que, dans les prochaines semaines, le Premier ministre et le ministre du travail proposent des dispositions additionnelles en la matière, car le Gouvernement a la volonté de répondre de manière plus globale et systématique au problème du travail dissimulé et du recours illégal à des travailleurs détachés.
L’amendement n° 1305 vise à obliger les entreprises à reverser l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques en cas de condamnation pour travail illégal. Je comprends l’objectif, mais il me semble que plusieurs dispositions permettent déjà de l’atteindre.
Tout d'abord, en cas d’infraction en matière de travail illégal, la loi prévoit une sanction administrative de remboursement de tout ou partie des aides publiques perçues au cours des douze mois précédant l’établissement du procès-verbal.
En outre, la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a renforcé cette logique, puisqu’elle a donné au juge la possibilité de prononcer à l’encontre des entreprises frauduleuses une peine d’interdiction de percevoir toute aide publique attribuée par l’État ou toute autre personne morale de droit public pour une durée maximale de cinq ans.
Vous souhaitez que les entreprises fautives puissent être condamnées à rembourser l’intégralité des sommes perçues sur une période pouvant atteindre cinq ans et, surtout, qu’elles ne puissent bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales. En allant ainsi au-delà des sanctions, déjà massives, que nous avons prévues, on risquerait de mettre en péril les entreprises concernées.
J’estime que nous avons trouvé un équilibre, et j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1305.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 96 bis
(Non modifié)
Le titre III du livre III de la première partie du code des transports est ainsi rédigé :
« TITRE III
« LUTTE CONTRE LA CONCURRENCE SOCIALE DÉLOYALE
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 1331-1. – I. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles une attestation établie par les entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code qui détachent des salariés roulants ou navigants se substitue à la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 du code du travail.
« II. – Un décret en Conseil d’État fixe la période pendant laquelle est assurée la liaison entre les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail et le représentant sur le territoire national désigné, en application du II de l’article L. 1262-2-1 du même code, par les entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code qui détachent des salariés roulants ou navigants.
« Art. L. 1331-2. – Pour l’application aux entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code des articles L. 1262-4-1, L. 1264-2, L. 3245-2, L. 4231-1 et L. 8281-1 du code du travail, le destinataire du contrat de transport est assimilé au donneur d’ordre.
« Art. L. 1331-3. – Les modalités particulières d’application du titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code sont définies par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1306, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article :
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code des transports, après le mot : « routier », est inséré le mot : « , aérien ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’objet de l’article 96 bis est d’améliorer les mesures du code du travail destinées à lutter contre le travail dissimulé ou la concurrence sociale déloyale et de favoriser leur application à l’ensemble du secteur des transports.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, à l’Assemblée nationale, que votre objectif était de « renforcer les contraintes et le dispositif juridique qui permet de mieux contrôler les abus du travail détaché et de mettre en place un dispositif adapté au secteur des transports ». Dont acte.
Cependant, en dépit de cet objectif déclaré, un large pan du secteur des transports, à savoir le secteur aérien, se trouve écarté.
L’article 96 bis vise à créer un titre III, intitulé « Lutte contre la concurrence sociale déloyale », dans le livre III de la première partie du code des transports. L’exemption du secteur aérien serait contraire à l’équité – il y aurait une rupture d’égalité devant la loi – et nuirait à l’efficacité de la lutte contre le travail illégal et la concurrence sociale déloyale. Elle serait d’autant plus dommageable qu’il s’agit d’un secteur important de l’économie nationale et que l’extrême mobilité de ses salariés – en particulier les personnels navigants – facilite grandement le contournement de la législation sociale du pays où s’exerce leur activité principale.
Pourtant, les dispositions de l’article 96 bis font systématiquement référence aux entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du code des transports, ce qui exclut de fait les transporteurs aériens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte le transport aérien dans la lutte contre la concurrence sociale déloyale.
Le rapport d’information « Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens », publié le 10 avril 2014 par Éric Bocquet au nom de la commission des affaires européennes, a mis en exergue l’existence de stratégies de contournement des règles de détachement par de nombreuses compagnies aériennes.
Le 11 mars 2014, la Cour de cassation a rendu deux arrêts confirmant les condamnations pour travail dissimulé de deux compagnies ; elle a notamment contesté la validité de leurs certificats de détachement. Comme le rappelle Éric Bocquet dans son rapport, « en dépit de l’existence de succursales sur le territoire français, ces deux compagnies ont en effet fait jouer la directive n° 96/71 relative au détachement des travailleurs pour s’exonérer des charges sociales qu’elles auraient dû verser pour des personnels qui exerçaient pourtant principalement leur activité depuis la France ».
Il s’agit donc, pour certaines compagnies, de choisir artificiellement des bases d’affectation dans des pays où le coût du travail est peu élevé, même si ce choix est incompatible avec la réalité des trajets effectués et le lieu de résidence des personnels navigants.
L’amendement vise à modifier l’article L. 1321-1 du code des transports, qui porte sur le champ d’application de la législation en matière de durée du travail, de travail de nuit et de repos des salariés des entreprises de transport, afin d’y intégrer le secteur aérien à côté du transport routier et fluvial. Le Gouvernement serait ainsi obligé de fixer, par le biais du décret en Conseil d’État mentionné à l’article 96 bis, des règles spécifiques pour lutter contre la concurrence sociale déloyale dans le secteur aérien. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans le secteur du transport aérien, la notion de contrat de transport se matérialise sous la forme du billet de passage, pour le transport de personnes, et de la lettre de transport, pour le transport de marchandises. L’un et l’autre désignent la convention conclue entre un transporteur contractuel et un passager ou un expéditeur de marchandises, ou pour leur compte, en vue d’assurer leur déplacement par voie aérienne d’un point à un autre. L’objectif n’est pas de faire porter sur les passagers ou l’expéditeur les vérifications liées au détachement des salariés.
En outre, le décret du 21 novembre 2006, qui a introduit dans le code de l’aviation civile l’article R. 330-2-1, est venu préciser le régime juridique applicable aux transporteurs aériens étrangers exerçant une activité en France. Les entreprises de transport aérien s’organisent et gèrent leur activité économique autour des bases d’exploitation. Aux termes de l’article R. 330-2-1, « une base d’exploitation est un ensemble de locaux ou d’infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ». Sur le plan juridique, cela constitue un établissement.
Les règles relatives au détachement ne peuvent pas trouver à s’appliquer aux salariés rattachés à une base d’exploitation. L’entreprise est assujettie, pour ce qui concerne cette base, au droit social applicable à toute entreprise établie sur le territoire national. Cette clarification juridique a servi d’assise pour reconsidérer la situation de nombreux salariés abusivement considérés comme détachés et faciliter les contrôles auxquels sont soumis les transporteurs.
Par conséquent, le dispositif est d'ores et déjà sécurisé pour la catégorie de salariés visés par l’amendement. Je demande donc, à la lumière de ces explications, le retrait de celui-ci ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 1776, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer le mot :
particulières
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. À nos yeux, ce n’est absolument pas une modification de forme, mais bien une modification de fond, dans un sens défavorable aux salariés concernés.
En effet, si le mot « particulières » était supprimé, il ne s’agirait plus seulement de fixer par décret des points particuliers, donc limités à ce qui est spécifique aux secteurs concernés, d’application des dispositions du code du travail relatives au détachement des salariés par une entreprise étrangère, mais de soumettre l’application effective de l’ensemble de ces dispositions aux limites et conditions fixées par de futurs décrets.
Quelles en seraient les conséquences ? J’en vois trois. La première est que les dispositions du titre VI du livre II de la première partie du code du travail ne s’appliqueraient pas tant que les décrets n’auraient pas été publiés. La deuxième est que le droit des salariés concernés à être effectivement protégés contre des abus en matière de détachement serait soumis à la seule appréciation du Gouvernement et de l’autorité administrative. La troisième est que la valeur juridique des dispositions retenues pour les secteurs visés se trouverait affaiblie, car elles ne seraient plus d’origine législative, mais seulement d’origine réglementaire. Or on connaît la propension de certains employeurs étrangers à contester le droit du travail français au nom de principes de libre concurrence de niveau européen. La compagnie Ryanair, pour ne citer qu’elle, a ainsi attaqué le décret du 21 novembre 2006 relatif aux bases d’exploitation des entreprises de transport aérien et modifiant le code de l’aviation civile.
Je le répète, il s’agit non pas d’un amendement de forme, mais d’un amendement de fond, et nous voterons contre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 96 bis, modifié.
(L'article 96 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 96 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 809, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bouchet, Buffet, Cambon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mmes Hummel et Imbert, M. Joyandet, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. de Legge, Leleux, P. Leroy, Magras, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Pellevat et Pierre, Mme Procaccia, MM. Raison, Reichardt, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, Savin, Vogel et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’article 96 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du troisième alinéa du I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est complétée par les mots : « , ainsi que le nombre de salariés détachés mentionnés aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à obliger le candidat à un contrat de partenariat à mentionner dans son offre le nombre de salariés détachés auxquels il compte recourir. La personne publique devra pondérer ou hiérarchiser ce critère avant d’arrêter le choix du titulaire du contrat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je souhaite d'abord répondre à l’intervention de Mme Cohen à propos de l’amendement n° 1776. Si nous avons proposé la suppression du mot « particulières », c’est uniquement pour éviter une redondance. L’objet de l’amendement était bien exclusivement rédactionnel. Il n’y avait aucune intention masquée de modifier quoi que ce soit sur le fond.
J’en viens à l’amendement n° 809, auquel M. Retailleau tient particulièrement.
L’ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat dispose que le contrat est attribué au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, selon les critères définis par la personne publique. Parmi ces critères figurent obligatoirement le coût global de l’offre, des objectifs de performance, en particulier en matière de développement durable, définis en fonction de l’objet du contrat et la part d’exécution du contrat que le candidat s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises et à des artisans.
Le présent amendement vise à ajouter à ces critères obligatoires la mention du nombre de salariés détachés auxquels compte recourir le candidat.
La commission émet un avis favorable, car cette disposition permettrait d’améliorer la transparence de la commande publique. Nous souhaiterions d'ailleurs qu’elle s’applique à l’ensemble des outils de la commande publique. Cependant, le code des marchés publics étant de nature réglementaire, seul le Gouvernement peut le modifier.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les dispositions du code du travail qui encadrent le recours aux travailleurs détachés s’imposent à tous les contrats, y compris ceux qui relèvent de la commande publique et les contrats de partenariat, qui ne présentent aucune spécificité à cet égard. Rien ne justifie à nos yeux la création d’un critère particulier d’attribution relatif au nombre de salariés détachés.
Du reste, le critère envisagé dans l’amendement présenterait un caractère discriminatoire. Tout d’abord, il s’imposerait à toute entreprise candidate, quelle que soit sa nationalité, alors que seules les entreprises étrangères sont susceptibles de détacher des travailleurs dans le cadre de l’exécution d’un contrat de partenariat. Ensuite, il serait contraire, nous semble-t-il, au principe constitutionnel d’égalité de traitement des candidats et de libre accès aux contrats de commande publique. Enfin, il violerait les directives européennes relatives aux marchés publics, qui interdisent le recours à des critères d’attribution fondés sur la nationalité.
Par ailleurs, en pratique, les opérateurs économiques ne sont pas en mesure d’indiquer dans leur offre le nombre précis de salariés détachés auxquels ils auront recours, ce qui est tout à fait décisif sur le plan de l’application concrète.
Au moment où nous sommes en train de simplifier les règles concernant la commande publique, de mettre en place des critères d’allotissement propres à faciliter l’accès des PME-TPE aux marchés publics, voter cette disposition reviendrait de fait à élever une barrière supplémentaire vis-à-vis de ces entreprises.
Il me semble que nous nous retrouvons dans la même impasse que celle que j’ai évoquée tout à l’heure dans ma réponse à Mme la présidente Assassi à propos de l’amendement n° 1301 : le dispositif que vous proposez, madame Procaccia, me paraît soulever différents problèmes de droit et d’application. Aussi, je vous invite au retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 809.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 173 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 150 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 96 bis.
Article 97
Le livre II de la huitième partie du code du travail est complété par un titre IX ainsi rédigé :
« TITRE IX
« DÉCLARATION ET CARTE D’IDENTIFICATION PROFESSIONNELLE DES SALARIÉS DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 8291-1. – Une carte d’identification professionnelle est délivrée par un organisme national désigné par décret en Conseil d’État à chaque salarié effectuant des travaux de bâtiment ou de travaux publics pour le compte d’une entreprise établie en France ou pour le compte d’une entreprise établie hors de France en cas de détachement. Elle comporte les informations relatives au salarié, à son employeur, le cas échéant à l’entreprise utilisatrice, ainsi qu’à l’organisme ayant délivré la carte.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de déclaration des salariés soit par l’employeur établi en France, soit, en cas de détachement, par l’employeur établi hors de France, soit par l’entreprise utilisatrice qui recourt à des travailleurs temporaires, aux fins de délivrance de la carte.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités d’application du dispositif national de délivrance de la carte, ainsi que les informations relatives aux salariés figurant sur la carte d’identification professionnelle.
« Art. L. 8291-2. – En cas de manquement à l’obligation de déclaration mentionnée à l’article L. 8291-1, l’employeur ou, le cas échéant, l’entreprise utilisatrice est passible d’une amende administrative.
« L’amende administrative est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation du manquement par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5.
« Le montant maximal de l’amende est de 2 000 € par salarié et de 4 000 € en cas de récidive dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l’amende ne peut être supérieur à 500 000 €.
« L’autorité administrative applique les dispositions des trois derniers alinéas de l’article L. 1264-3. »
« Art. L. 8291-3. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 1777, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
délivrance de la carte
rédiger ainsi la fin de la phrase :
d'identification professionnelle, ainsi que les informations relatives aux salariés y figurant.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 146 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet et Médevielle, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Roche, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
ou au 3° de l’article L. 8271-1-2
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement, présenté sur l’initiative de Mme Gatel, relève de la même inspiration que l’amendement n° 147 rectifié ter. Il s’agit de proposer une solution pour faire en sorte que les contrôles puissent être effectués lorsque l’inspection du travail n’est pas disponible, en particulier pendant les week-ends. Nous proposons de recourir à l’assistance des agents des douanes, qui ont l’habitude de travailler sur des horaires décalés.
Cet amendement est motivé par les mêmes raisons que celles que nous avons avancées précédemment. Certes, une objection juridique nous a été opposée quant aux pouvoirs des agents des douanes, mais, en l’occurrence, il s’agit simplement de constater si la personne détient ou non la carte d’identité professionnelle obligatoire. Donner cette possibilité à l’administration des douanes ne nous paraît pas créer une quelconque incertitude juridique et n’est donc pas de nature, nous semble-t-il, à susciter l’opposition de la commission spéciale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Bonnecarrère a bien précisé que cet amendement se situait dans le même esprit que l’amendement n° 147 ter. La réponse de la commission sera donc la même : les agents des douanes, à nos yeux, n’ont pas vocation à contrôler les chantiers du BTP, sauf exception. Je reconnais toutefois que l’intention des auteurs de l’amendement est louable, les effectifs de l’inspection, déjà peu importants, étant accaparés par de nombreuses missions.
Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bonnecarrère, maintenez-vous votre amendement ?
M. Philippe Bonnecarrère. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 146 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 97, modifié.
(L'article 97 est adopté.)
Article additionnel après l'article 97
Mme la présidente. L'amendement n° 270 rectifié bis, présenté par Mmes Duranton et Deromedi, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. Milon, César, B. Fournier, Chasseing, P. Leroy et Trillard, Mmes Morhet-Richaud et Primas, MM. Mayet, Vogel et Revet, Mme Bouchart, MM. Kennel, Laménie et de Nicolaÿ, Mme Lamure et M. Vaspart, est ainsi libellé :
Après l'article 97
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement rend l’évaluation de la première année de mise en œuvre de la convention nationale de lutte contre le travail illégal en agriculture et de ses déclinaisons locales.
Dans le cadre de cette évaluation, il émet des propositions innovantes visant à lutter contre le travail illégal en agriculture et dans le secteur agroalimentaire.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Les actions prônées par la convention nationale de partenariat relative à la lutte contre le travail illégal en agriculture du 24 février 2014 reposent principalement sur le préalable essentiel, mais non exclusif, d’une meilleure information et d’une meilleure coordination entre les parties prenantes du secteur agricole pour mener à bien cette lutte.
Par le présent amendement, il s’agit de faire en sorte que cette réflexion soit étendue aux bonnes pratiques mises en place dans d’autres secteurs professionnels, comme ceux du bâtiment et du transport, eux aussi durement touchés par le travail illégal : identification professionnelle, actions de suivi, contrôles d’exploitations spécifiques, en totale coordination avec les membres du comité de suivi de la convention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je suis désolée pour ma collègue Nicole Duranton, mais il s’agit là encore d’une demande de rapport : l’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Duranton, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Nicole Duranton. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 270 rectifié bis est retiré.
Article 97 bis A
Après l’article L. 1262-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1262-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1262-2-2. – Les conditions dans lesquelles les employeurs mentionnés aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 sont tenus de transmettre, par voie dématérialisée, la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » – (Adopté.)
Article 97 bis
(Non modifié)
Le livre IV de la quatrième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre V est complété par un article L. 4451-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 4451-7. – Dans le cas du contrat de voyage, le contrat de transport conclu entre les parties fait l’objet d’une confirmation approuvée de l’entreprise de transport fluvial et de son cocontractant.
« Le cocontractant de l’entreprise de transport fluvial est tenu, préalablement à la présentation de l’unité fluviale au chargement, de transmettre à celle-ci, par écrit ou par tout autre moyen électronique de transmission et de conservation de données, les informations nécessaires à l’exécution du contrat.
« La confirmation de contrat de transport doit se trouver à bord de l’unité fluviale ainsi que dans l’entreprise du cocontractant et être présentée immédiatement aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 4461-1, par écrit ou par tout autre moyen électronique de transmission et de conservation de données.
« La forme et les informations contenues dans la confirmation de transport sont fixées par arrêté du ministre chargé des transports. » ;
2° Après le 2° de l’article L. 4461-1, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° La confirmation de contrat de transport prévue à l’article L. 4451-7. » ;
3° À l’article L. 4463-1, les références : « deuxième, troisième et quatrième alinéas » sont remplacées par les références : « 1° à 3° et à l’avant-dernier alinéa ». – (Adopté.)
Article 97 ter
(Non modifié)
Le même livre IV est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre V est complété par un article L. 4454-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4454-3. – La location d’un bateau de marchandises avec équipage par une entreprise établie en France auprès d’une entreprise non établie en France est interdite. » ;
2° L’intitulé de la section 3 du chapitre II du titre VI est complété par les mots : « et à la location transfrontalière » ;
3° L’intitulé de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre VI est complété par les mots : « et à la location transfrontalière » ;
4° L’article L. 4463-5 est complété par les mots : « et de l’article L. 4454-3 relatives à la location transfrontalière ». – (Adopté.)
Article 97 quater
(Non modifié)
L’article L. 5542-6-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À bord des navires effectuant une navigation maritime commerciale, soumis à la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail, le capitaine tient, le cas échéant par voie électronique, à la disposition des gens de mer, un exemplaire de l’accord conclu le 19 mai 2008 par les associations des armateurs de la Communauté européenne et la Fédération européenne des travailleurs des transports concernant cette convention. » – (Adopté.)
Section 5 bis
Simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité
(Division nouvelle)
Article 97 quinquies (nouveau)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre VI du livre Ier de la quatrième partie est abrogé.
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, les mots : « à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 » sont remplacés par les mots : « au travail de nuit, au travail en équipes successives alternantes ou à des activités exercées en milieu hyperbare » et les mots : « , consignée dans la fiche individuelle prévue au même article » sont supprimés ;
3° L’article L. 4162-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , sur la base de la fiche mentionnée à l’article L. 4161-1 du présent code, » sont supprimés ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
4° La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 4162-12 est supprimée ;
5° La deuxième phrase de l’article L. 4162-13 est supprimée ;
6° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 4162-14 et au premier alinéa de l’article L. 4163-2, la référence : « L. 4161-1 » est remplacée par la référence : « L. 4162-2 ».
II. – Au 2° du III de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 4161-1 » est remplacée par la référence : « L. 4162-2 ».
III. – Au 2° du III de l’article L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime, la référence « L. 4161-1 » est remplacée par la référence : « L. 4162-2 ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Le compte personnel de prévention de la pénibilité, créé le 1er janvier 2015, permet à tout salarié exposé à des facteurs de pénibilité dans le cadre de son travail d’accumuler des points, qui pourront être convertis en périodes de formation, en temps partiel avec maintien de la rémunération et/ou en trimestres de cotisations, ce qui les autorise à partir à la retraite avant l’âge légal.
Les syndicats ont bataillé pour que ce compte pénibilité soit mis en œuvre, notamment lorsque l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé à 62 ans.
Or la mesure prise par le Gouvernement a déçu. D’abord, le compte pénibilité permet de partir en retraite au mieux à 60 ans, quand les syndicats défendaient un départ à 55 ans, beaucoup plus adapté aux salariés ayant eu et continuant d’avoir un travail pénible.
Ensuite, des dix critères adoptés, seuls quatre sont entrés en vigueur au 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail posté, en équipes successives, et le travail en milieu hyperbare. Pour les six autres critères, la mise en application est reportée au 1er janvier 2016.
Le choix des critères peut également être contesté. L’exposition aux poussières et fumées, par exemple, n’a pas été retenue par le Gouvernement, de même que les longs déplacements fréquents.
Enfin, le compte pénibilité n’est pas rétroactif : il s’applique à compter du 1er janvier 2015, et même du 1er janvier 2016 pour certains des critères. Certes, pour les personnes proches de la retraite, le nombre de points acquis est doublé, mais, à raison de 8 points par an au lieu de 4, il faut tout de même cinq ans pour gagner une année de cotisations de retraite. Ainsi, un salarié de 57 ans effectuant un travail pénible devra finalement continuer à travailler jusqu’à 62 ans.
Cette réforme, qui est en deçà des attentes des salariés et de leurs représentants, est pourtant remise en cause, notamment par la droite sénatoriale, qui juge ces mesures trop difficiles à mettre en œuvre et estime que ce dispositif engendre « trop de tracasseries administratives ». Soit, mais je répondrai qu’un travail pénible entraîne la mort anticipée de nombreux salariés !
Un cadre vit ainsi six ans de plus qu’un ouvrier – l’écart est de trois ans entre une femme cadre et une femme ouvrière. Ces six années de vie, mes chers collègues, ne peuvent pas être négligées !
Lutter pour qu’on ne perde plus sa vie en la gagnant, pour que les ouvriers puissent aussi profiter de leur retraite en étant en bonne santé, pour qu’ils puissent, durant leur carrière, évoluer vers un métier moins pénible et ainsi gagner des années de vie, cela justifie bien quelques tracasseries administratives !
Nous rejetons en bloc cet article, qui supprime la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité et qui, sous couvert de simplification, supprime des facteurs de pénibilité.
Il réduit en effet la pénibilité à trois facteurs estimés mesurables : le travail de nuit, le travail en équipes successives et le travail en milieu hyperbare. Non seulement ce choix n’est pas acceptable, mais sa justification laisse à désirer : l’exposition au bruit, le port de charges lourdes ou le travail dans des températures extrêmes ne sont-ils pas mesurables ? Permettez-moi de vous faire remarquer que, depuis longtemps, dans le BTP, pour mesurer les températures, on se contente d’utiliser un thermomètre…
Vous l’aurez compris, avec cet article ajouté par la commission spéciale du Sénat, c’est bien le compte pénibilité qui est remis en cause. C’est pourquoi nous nous y opposons fermement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Compte tenu des explications fournies par ma collègue, je serai brève, mais je tiens à exposer au moins deux raisons fondamentales qui justifient notre opposition à cet article, introduit par la commission spéciale.
Tout d’abord, selon nous, la fiche individuelle du compte pénibilité est indispensable pour assurer le bon fonctionnement du dispositif et permettre que les salariés concernés en bénéficient. Nous ne voyons pas comment cela serait possible sans ces fiches personnalisées. Les supprimer, c’est affaiblir le dispositif, voire le remettre en cause, ce qui nourrit tout particulièrement notre inquiétude. Et certains propos tenus ces dernières semaines par des membres du Gouvernement ne sont pas de nature à nous rassurer !
Ensuite, un rapport doit prochainement être rendu sur la question. Nous ne comprenons donc pas la précipitation de la majorité sénatoriale ; en fait, celle-ci ne fait que manifester son opposition initiale au compte pénibilité dans son intégralité.
Si cet article est adopté, il aggravera encore davantage les effets d’un texte qui met à mal les droits des salariés. Nous appelons nos collègues de gauche, en particulier, à être cohérents avec ce qu’ils ont voté il y a quelques années, à savoir le dispositif du compte pénibilité, en votant contre cet article qui tend à supprimer l’un des principaux outils de sa mise en œuvre et de sa réussite.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 86 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 630 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 86.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chose relativement rare dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, nos critiques s’adresseront non pas au Gouvernement, mais à la majorité sénatoriale, puisque cet article a été ajouté par la commission spéciale sur l’initiative de la corapporteur.
La droite saisit ici l’occasion de revenir sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Chacun se souvient des débats passionnés auxquels a donné lieu l’instauration de ce dispositif, pourtant outil de justice permettant à celles et ceux qui ont exercé un métier dit « pénible », de partir plus tôt à la retraite. La droite s’était en effet, à l’époque, fortement mobilisée contre cette mesure.
Il est intéressant de remarquer que les dispositifs se voient reprocher d’être des « usines à gaz », d’être trop difficiles à appliquer quand il s’agit de l’intérêt des salariés et que la question ne se pose pas pour des dispositifs destinés, par exemple, à exonérer les entreprises de cotisations sociales.
Bref, cet article tend à supprimer la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité, au motif que les entreprises ne disposeraient pas des moyens humains pour la remplir et la maintenir à jour.
Cependant, chers collègues, comment envisager le compte pénibilité sans cette fiche individuelle permettant de faire réellement le point sur la situation de chaque salarié ? Sous prétexte de complexité, en supprimant cette disposition, vous affaiblissez évidemment l’ensemble du compte pénibilité.
Vous souhaitez également, par cet article, limiter considérablement la portée du compte en ne retenant que trois facteurs de pénibilité, là encore en arguant que les autres ne seraient pas suffisamment faciles à mesurer.
Je l’ai dit au début de mon propos, nos critiques s’adressent avant tout à la majorité sénatoriale ; du reste, un amendement allant dans le même sens que le nôtre a été déposé par nos collègues socialistes. Néanmoins, des déclarations récentes du ministre du travail et du ministre de l’agriculture nous font éprouver quelques craintes. En effet, le jeudi 9 avril, François Rebsamen, devant les adhérents de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, a tenu des propos laissant entendre qu’il envisageait un abandon partiel du compte pénibilité et, plus précisément, la suppression de la fiche individuelle. On nous a affirmé que c’était un malentendu, mais Stéphane Le Foll a confirmé, quelques jours plus tard, les propos de son collègue.
Nous voudrions donc obtenir quelques précisions, monsieur le ministre, pour connaître la position réelle du Gouvernement. Considère-t-il qu’il faut effectivement supprimer ces fiches individuelles ?
Notre position, quant à elle, est claire et cohérente : nous sommes favorables à ces fiches.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 630.
Mme Nicole Bricq. Nous en arrivons à la deuxième bête noire de la droite : le compte pénibilité. La première, je le rappelle, était l’information des salariés en cas de possible reprise de l’entreprise.
Vous avez choisi, avec votre majorité, madame la corapporteur, de supprimer la fiche individuelle et vous avez réduit la prise en compte de la pénibilité à trois facteurs, ainsi que nos collègues du groupe CRC viennent de l’expliquer. Ce faisant, vous ne prenez pas en considération les autres facteurs déjà recensés par le décret du 9 octobre 2014.
Notre amendement vise à supprimer la disposition que vous avez introduite pour deux raisons.
Le Gouvernement a compris que ce compte pénibilité n’était pas facile à mettre en œuvre, trop tatillon, difficile à appliquer par les PME. Il a donc confié à M. Christophe Sirugue, député, et à M. Gérard Huot, chef d’entreprise, une mission sur le sujet. Un rapport sera rendu en juin 2015, donc dans un mois ; il comportera des propositions moins ciblées et plus faciles à mettre en œuvre sur l’exposition à la pénibilité, préservant mieux l’équilibre entre sa définition et son suivi individualisé, tout en prenant en compte les appréciations collectives de la pénibilité.
Il nous paraît donc préférable d’attendre quelques semaines, soit le temps qui nous sépare de la publication de ce rapport, après quoi les partenaires sociaux pourront se prononcer.
Il n’est pas indispensable de recourir à une mesure législative dans ce domaine et je rappelle que le Gouvernement a promulgué un premier décret pour 2015 et qu’un deuxième décret est attendu pour 2016.
Voilà la première raison de notre proposition de suppression.
La seconde, c’est que plusieurs accords ont déjà été conclus dans des secteurs spécialement exposés, notamment aux troubles musculo-squelettiques. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, il n’est donc pas impossible de conclure des accords.
Dans la filière viande, où les travailleurs sont particulièrement exposés, un accord a été signé en février. Cet accord prend non seulement en compte les contraintes temporelles, mais aussi les efforts physiques, l’exposition au bruit et aux produits de nettoiement et les risques psycho-sociaux. Il comporte également des mesures de prévention, de développement des compétences pour accéder à des fonctions moins pénibles et de compensation de la pénibilité par l’accès au temps partiel.
D’autres secteurs, comme les transports ou la santé, peuvent mettre en place de tels accords.
Ce qui est en jeu, avec ce compte pénibilité, c’est l’adaptation des postes de travail, une meilleure ergonomie, des durées de travail adaptées : les postes de travail doivent évoluer, et c’est possible !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis de la commission spéciale est évidemment défavorable.
Si nous avons souhaité revenir sur le compte de prévention de la pénibilité et sur la fiche individuelle, ce n’est nullement parce que ce serait une obsession de la droite ; c’est parce que, sur le terrain, les chefs de petites ou très petites entreprises et les agriculteurs ont fait valoir que certains critères étaient ubuesques. D’ailleurs, lors de la discussion du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, j’avais défendu, au nom du groupe UMP, la suppression du compte pénibilité.
Depuis, le Gouvernement a réalisé des avancées, après la remise de travaux de réflexion. C’est pourquoi je n’ai pas souhaité supprimer le compte, dans le cadre du présent projet de loi, mais seulement la fiche individuelle, tout en limitant les critères pris en compte à trois, assez simples.
Je rappelle que le compte personnel de prévention de la pénibilité a été institué par le Gouvernement sans qu’aucune concertation préalable avec partenaires sociaux ait été organisée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On en parle depuis des années !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sans remettre en cause le principe même de la prévention et de la compensation de la pénibilité, qui est issu de la loi Woerth de 2010, nous avons, avec cet article additionnel, corrigé deux des principaux défauts de ce dispositif.
Tout d’abord, nous avons supprimé la fiche individuelle de suivi des expositions, formalité bureaucratique impossible à remplir pour le dirigeant d’une PME.
Ensuite, dans l’attente du résultat des travaux de simplification et à titre conservatoire, nous avons recentré le compte sur les trois facteurs de pénibilité pour lesquels des seuils d’exposition opérationnels ont été définis – travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et travail en milieu hyperbare. Pour les autres facteurs, les modalités de mesure issues du décret du 9 octobre 2014 sont véritablement ubuesques.
C’est bien le cas quand, par exemple, les postures pénibles sont ainsi définies : « maintien des bras en l’air à une hauteur située au-dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés au moins 900 heures par an ». Lorsque vous expliquez cela à un citoyen lambda normalement constitué, cela le fait beaucoup rire. Les seuls que cela ne fait pas rire, ce sont les chefs d’entreprise ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Catherine Génisson. Les gens qui travaillent dans de telles positions, cela ne les fait pas rire non plus, croyez-moi !
Mme Nicole Bricq. Et les chauffeurs-livreurs, comment travaillent-ils ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comment voulez-vous qu’un chef d’entreprise puisse compter pendant combien d’heures par an ses salariés effectuent une torsion du torse à 30 degrés ?
Mme Dominique Gillot. Ils doivent le savoir !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais non ! Comment vont-ils vérifier que leurs salariés sont le torse fléchi à 45 degrés plus ou moins de 900 heures par an ?
Si le compte de pénibilité est aussi génial que vous le prétendez, pourquoi ne s’applique-t-il pas à la fonction publique ? Appliquez-le donc d’abord aux agents de la fonction publique ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas un argument !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Bien sûr que si ! Pourquoi ne s’applique-t-il qu’aux entreprises du secteur privé ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour que ces salariés puissent prendre leur retraite avant les autres !
Mme la présidente. Mes chers collègues, la parole est à Mme la corapporteur et à elle seule !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous n’allons pas recommencer ce débat !
Pour ces autres critères, nous souhaitons que le Parlement soit mis en mesure d’évaluer leur redéfinition avant de les inscrire dans la loi.
Il est vrai que des travaux de réflexion sur le sujet ont été engagés, notamment dans le cadre de la mission confiée à MM. Sirugue et Huot. Cet article 97 quinquies ne marque pas le rejet de principe du compte pénibilité puisque nous ne connaissons pas encore leurs conclusions. Nous serons tout à fait prêts à les examiner lors de prochaines échéances législatives, comme l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, afin que les droits des salariés soient garantis, sans pour autant placer les employeurs devant des difficultés insurmontables et les confronter à un risque contentieux inacceptable.
Nous ne sommes donc pas pressés, mais, à certains moments, des signaux doivent être donnés !
Plusieurs ministres ont d’ailleurs récemment pris publiquement position dans le sens de notre article 97 quinquies, nos collègues du groupe CRC y ont fait allusion. Ainsi, Carole Delga, tout d’abord, a rappelé l’engagement du Président de la République de mettre en place un dispositif « pragmatique et simple ». Puis notre ancien collègue François Rebsamen a laissé entendre que la fiche individuelle de pénibilité et les critères inapplicables pourraient être supprimés. Il ne s’agit pas de personnalités de droite, que je sache ! Enfin, Stéphane Le Foll, porte-parole du Gouvernement, dans une interview à la radio, le 12 avril dernier, a estimé que, « si l’on veut que ce compte s’applique », les fiches individuelles devaient être supprimées.
C’est exactement ce que nous proposons. Alors, pourquoi attendre ?
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La création du compte personnel de prévention de la pénibilité est intervenue dans le cadre de la réforme des retraites, ce qui explique d’ailleurs qu’elle ne concerne pas la fonction publique, qui n’entrait pas dans le champ de cette réforme. De toute façon, on le sait, la fonction publique n’est pas soumise au code du travail.
En octobre 2014, un aménagement réglementaire a permis, comme l’a reconnu Mme la corapporteur, d’améliorer plusieurs dispositifs.
La réflexion qui est en cours consiste à rendre applicables des droits qui sont ouverts. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable sur ces amendements de suppression, car il ne faut pas créer d’instabilité dans ce domaine.
La réforme du compte pénibilité a en effet ouvert des droits, parmi lesquels ceux qui concernent les principaux risques, c’est-à-dire les quatre premiers de la liste, sont ouverts depuis le 1er janvier 2015.
La difficulté qui se pose concerne la fiche individuelle. Le Gouvernement a reconnu à plusieurs reprises, ainsi que le Président de la République lui-même, le caractère complexe de ces fiches. Nous avons aussi confirmé que l’objectif de la réforme n’était pas de faire peser sur l’employeur une charge additionnelle, consistant à mesurer la pénibilité.
Il est des secteurs, Mme Bricq vient de le rappeler, où la mesure de la pénibilité est applicable, et certains d’entre eux sont même parvenus à signer des accords. Par ailleurs, des entreprises industrielles ont l’habitude d’effectuer de telles mesures.
Ces éléments ont conduit M. Michel de Virville à donner, dans un rapport commandé l’année dernière, un avis positif sur ces pratiques et à proposer un chemin de faisabilité. En tant qu’ancien directeur des ressources humaines d’une grande entreprise automobile, il sait en effet que la pénibilité est plus facile à mesurer, selon les différents critères définis, lorsque le travail est posté. En revanche, dans d’autres secteurs, comme le BTP ou l’agriculture, c’est beaucoup plus difficile, sans même parler des entreprises de petite taille, à qui ces mesures sont généralement tout à fait étrangères.
Il s’agit donc d’opérer cette transition. Je crois qu’il existe une voie permettant, à la fois, de conserver les droits ouverts pour les salariés dans le cadre de cette réforme et de ne pas faire peser une charge insoutenable sur les employeurs en créant de la paperasse inutile.
C’est le sens de la mission qui a été confiée à MM. Sirugue et Huot. Nous souhaitons, sur la base de leur travail, parvenir à une situation satisfaisante, mais non pas réaménager ces droits. Le Président de la République, le Premier ministre ainsi que tous les ministres l’ont dit, et je veux le rappeler ici : il n’est pas question de revenir sur les droits ouverts depuis cette année, qui ont été consacrés dans la réforme de la pénibilité. Sur ce point, aucun compromis ne sera passé.
La prise en compte de la pénibilité est un droit qui existe et qui est reconnu. Il s’agit, maintenant, de trouver les bonnes mesures pour le faire appliquer. MM. Sirugue et Huot proposeront des solutions dans le rapport qu’ils rendront dans les toutes prochaines semaines. L’objectif est que François Rebsamen puisse, en lien avec Marisol Touraine, trouver les voies et moyens de les mettre en œuvre.
Je souhaitais rappeler les évolutions qui ont d’ores et déjà eu lieu, et surtout la volonté du Gouvernement de préserver ces droits favorables aux salariés, tels qu’ils ont été votés, et de trouver les moyens de les faire appliquer de manière simple par les employeurs.
L’avis est donc favorable sur ces deux amendements.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Mme le corapporteur l’a rappelé, le compte pénibilité tel qu’il avait été défini dans la loi Woerth reposait sur support idéologique tout à fait différent de celui qui sous-tendait la loi défendue par Marisol Touraine. En effet, la loi Woerth reconnaissait simplement l’invalidité consécutive à un travail pénible, ce qui existe depuis longtemps.
Au travers du compte pénibilité tel que nous l’avons défini, il est reconnu qu’un certain niveau de travaux pénibles entraîne une diminution de la vie en bonne santé. C’est totalement différent ! Nous sommes là dans une autre logique, qui doit entraîner des mesures compensatoires : exercice à temps partiel, formation professionnelle continue ou départ à la retraite anticipé.
Vous avez eu raison de dire, madame la corapporteur, que le compte pénibilité ne s’appliquait pas dans les fonctions publiques. Pour autant, en particulier dans la fonction publique hospitalière, des postes particulièrement pénalisants qui induisent une pénibilité, comme le travail d’aide-soignant, donnent droit à un départ à la retraite anticipé par rapport à celui d’autres acteurs de la santé publique.
M. le ministre l’a relevé très justement, pour que ce droit devienne une réalité, il faut prendre des mesures simples. Un certain nombre d’accords ont d’ores et déjà été signés. Il est essentiel d’attendre les conclusions du rapport commandé à MM. Sirugue et Huot afin de trouver les meilleures solutions permettant de reconnaître la pénibilité.
Le compte pénibilité est une avancée sociale remarquable et très importante. Il n’est pas concevable de l’écorner en acceptant les dispositions introduites, sur l’initiative de Mme la corapporteur, par le biais de l’article 97 quinquies.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je me suis demandé, à un moment donné, s’il ne fallait pas lancer maintenant le grand débat sur les retraites... (Rires sur les travées du groupe CRC.) Mais il faut être raisonnable ! Puisque le travail de nuit nous fait mourir plus jeunes, j’ai préféré préserver la santé de mes collègues présents ce soir. (Sourires.)
M. Robert del Picchia. C’est gentil !
M. Jean Desessard. Je ne lancerai donc pas de débat sur les retraites, mais je tiens tout de même à signaler que le groupe écologiste votera les amendements identiques nos 86 et 630 présentés par nos collègues communistes, d’une part, et socialistes, d’autre part.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 et 630.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 760 est présenté par Mme Cayeux, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bignon, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Chaize, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, MM. Doligé et Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L’amendement n° 908 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Loisier et M. Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites sont abrogés.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 760.
Mme Pascale Gruny. Dans le cadre de mes activités professionnelles, j’ai eu l’occasion de mettre en place les fiches individuelles de pénibilité prévues dans la loi Woerth. À cette époque, déjà, alors que les critères retenus étaient relativement simples, le dispositif était très compliqué. Je pense notamment au calcul du nombre de fois où le salarié porte des charges supérieures à 20 kilos. J’ai alors fait appel au médecin du travail, qui a rencontré les mêmes difficultés.
C’est non pas la pénibilité que je remets en cause, mais bien ces critères très difficiles à appliquer, y compris pour des professionnels.
Par ailleurs, il nous faut être vigilants, car les critères qui ont été ajoutés, sans être forcément critiquables en soi, posent des problèmes de mesure. Nous devons donc veiller à l’accompagnement des plus petites entreprises, qui ne disposent pas forcément d’un service des ressources humaines. Je le répète, les médecins du travail sont confrontés aux mêmes difficultés !
Cela étant dit, je retire cet amendement, car le texte de la commission spéciale répond globalement à nos souhaits.
Mme la présidente. L’amendement n° 760 est retiré.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 908 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Pour favoriser la croissance, l’activité et l’égalité des chances, il faut faire confiance aux entrepreneurs, comme à tous ceux qui ont envie de diriger des entreprises, et libérer les initiatives. C’est le sens de cet amendement, qui vise à simplifier la vie des chefs d’entreprise, rendue difficile par l’ajout de contraintes supplémentaires.
Je vais cependant retirer mon amendement, à l’instar de Mme Gruny, afin d’accélérer le débat.
Mme la présidente. L’amendement n° 908 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 97 quinquies.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 151 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, cette séance doit être levée à minuit. Nous avons donc le temps de commencer la discussion de l'article 98 A, notamment d’entendre l’intervention sur l'article d’un de nos collègues du groupe CRC, voire d’examiner les amendements de suppression…
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je pense qu’il serait préférable de poursuivre nos travaux jusqu’à minuit, comme c’était convenu, mais c’est surtout à Mme la présidente du groupe CRC de nous dire si elle est d’accord pour que son collègue s’exprime dès ce soir sur l’article 98 A. Nous pourrons ensuite, éventuellement, comme vous l’avez suggéré, madame la présidente, examiner au moins les trois amendements tendant à la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je suis tout à fait d’accord pour que nous puissions nous exprimer sur l’article et présenter en même temps notre amendement de suppression, de manière que la séance ne se prolonge pas au-delà, ou guère au-delà de minuit.
Mme la présidente. Nous poursuivons donc nos travaux.
Section 6
Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi
Article 98 A (nouveau)
Le titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé :
« Développement, maintien et sauvegarde de l’emploi » ;
2° L’intitulé du chapitre V est ainsi rédigé :
« Accords de développement et de maintien de l’emploi » ;
3° L’article L. 5125-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
- Au début, les mots : « En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, » sont supprimés ;
- Après le mot : « maintenir », sont insérés les mots : « ou développer » ;
b) Au second alinéa du I, les mots : « dans l’analyse du diagnostic et » sont supprimés ;
c) Le deuxième alinéa et le 1° et le 2° du II sont supprimés ;
d) La première phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
« La durée de l’accord est fixée par les signataires. » ;
e) Le second alinéa du III est supprimé ;
4° Le troisième alinéa de l’article L. 5125-2 est supprimé ;
5° Après le II de l’article L. 5125-4, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. - À défaut d’un accord conclu dans les conditions prévues au II, l’accord peut être conclu avec les représentants du personnel, ou approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral. » ;
6° L’article L. 5125-5 est abrogé ;
7° À l’article L. 5125-6, les mots : « consécutive notamment à la décision du juge de suspendre les effets de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1, » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Ma collègue Éliane Assassi vient de l’indiquer, cette intervention sur l’article vaudra également présentation de l'amendement de suppression n° 87.
Les accords de maintien dans l’emploi ont pour but de permettre à l’entreprise de passer un cap difficile, en évitant des suppressions d’emplois pour motif économique. Le principe est le suivant : en échange de modifications de leur contrat de travail, principalement en termes de temps de travail et de rémunération, les salariés voient leur emploi maintenu.
Ces accords ne peuvent être acceptables pour les salariés que parce qu’ils revêtent un caractère exceptionnel et sont une réponse à une période particulière pendant laquelle l’entreprise traverse des difficultés économiques conjoncturelles. Aussi, l’argument avancé dans le rapport de la commission spéciale sur le faible nombre d’accords établis ne tient pas : ces accords doivent, par essence, rester exceptionnels.
Il faut surtout souligner que la mesure proposée dans cet article, introduit par la commission spéciale, dévoie le principe des accords de maintien de l’emploi. En effet, les rares accords de maintien de l’emploi conclus ont fait la preuve de leur inutilité sur le maintien de l’emploi, voire de leur contre-productivité. Pour s’en convaincre, il suffit de citer quelques exemples d’entreprises concernées par ces dispositions.
Un accord de maintien de l’emploi a été conclu en 2013 au sein de l’entreprise alsacienne Mahle Behr, filiale d’un groupe allemand. Plus de 1 000 salariés étaient concernés. Après un référendum favorable, un accord est intervenu, prévoyant la suppression de cinq jours de RTT et un gel des salaires pendant deux ans. En échange, l’entreprise s’engageait à investir, à ne supprimer aucun emploi pendant deux ans et à transférer deux contrats en provenance d’autres sociétés du groupe.
La législation en vigueur prévoit que chaque salarié peut, individuellement, refuser l’accord. Dans ce cas, il doit être licencié, sans toutefois bénéficier des avantages d’un plan social. Au sein de l’entreprise alsacienne, désagréable surprise, 162 salariés, au lieu des 50 prévus, ont refusé l’accord et l’entreprise n’a embauché que 57 salariés pour remplacer les partants, tout en imposant de nombreuses heures supplémentaires et en ayant recours à de nombreux intérimaires.
Ainsi, alors que l’accord avait pour avant tout pour objet d’éviter 102 licenciements, l’affaire se termine, pour l’instant, par une réduction de personnel plus importante que celle qui était initialement prévue...
De la même manière, les accords dits de « compétitivité emploi » ont déjà fait la preuve de leur inutilité sur l’emploi. Chez Federal Mogul, la direction a invoqué les accords de compétitivité pour maintenir l’emploi. Bilan : elle a fermé des sites et divisé les effectifs par trois !
Toute la presse s’est fait l’écho de l’accord conclu chez Bosch, à Vénissieux : les effectifs sont passés de 800 à 200 salariés !
L’accord Continental a eu les effets sur l’emploi que chacun connaît : la fermeture définitive de l’usine !
Les exemples similaires se multiplient : General Motors, PSA, Goodyear, Dunlop, etc.
Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que l’employeur, en signant un accord de maintien de l’emploi, s’engage uniquement à ne pas licencier pour motif économique les salariés visés par l’accord. Il ne s’engage pas pour autant à maintenir le niveau de l’emploi dans l’entreprise : les ruptures conventionnelles, les plans de départs volontaires, les départs à la retraite anticipés, les licenciements pour motif personnel, le licenciement économique des salariés de l’entreprise non visés par l’accord, le licenciement économique des salariés ayant refusé l’accord, sont toujours autorisés, et ce sans obligation de remplacement des salariés partis.
Pour toutes ces raisons, la suppression des possibilités de sanction de l’employeur qui ne respecte pas ses engagements en termes d’emploi est très grave. Disparaissent ainsi la clause pénale et la possibilité pour le juge de suspendre l’application de l’accord en cas de non-respect par l’employeur de ses engagements.
Tout cela est, à nos yeux, absolument inacceptable. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 489 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 631 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 87 a déjà été défendu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 489.
M. Jean Desessard. Je constate que la gauche se reconstitue et je salue cette bonne nouvelle ! Le combat recommence ! (Sourires.)
Cet article, inséré lors des travaux de la commission spéciale, vise à créer des accords « offensifs » de maintien de l’emploi, en remodelant en profondeur le dispositif adopté dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l’emploi. L’objectif est simple : déroger aux 35 heures, prétendument pour développer l’emploi dans les entreprises.
Si, dans le droit actuel, les accords de maintien de l’emploi ne peuvent être conclus qu’en cas de « graves difficultés économiques conjoncturelles », cet article supprime cette mention pour en élargir l’application. Il est également prévu que ces accords pourraient être conclus non seulement pour sauvegarder l’emploi, mais également pour le développer.
Le diagnostic préalable avec les organisations syndicales, la durée maximale de l’accord, le recours obligatoire aux délégués syndicaux, la proportionnalité des efforts demandés aux patrons par rapport à ceux des salariés ainsi que la pénalisation des manquements de l’employeur à ses obligations sont tous supprimés. (M. Robert del Picchia s’exclame.)
Pour résumer, ce que prévoit cet article, c’est un dispositif complet, clé en main, pour permettre purement et simplement aux dirigeants d’entreprise de ne plus respecter les 35 heures. Il suffira désormais que l’employeur se mette d’accord avec les représentants du personnel pour ne plus appliquer les 35 heures, au prétexte de développer l’emploi, et ce sans limitation de durée.
Le dispositif de la loi de sécurisation de l’emploi est ainsi totalement dévoyé, et cet article est au service d’une tout autre idéologie que les écologistes ne cautionnent pas, parce qu’ils sont attachés à la réduction du temps de travail.
Mes chers collègues, vous avez eu raison de qualifier ces accords d’« offensifs », car c’est une véritable offensive qui est à l’œuvre, non pas pour l’emploi, mais contre le droit du travail, contre le partage du temps de travail et contre le dialogue social !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Oh !
M. Jean Desessard. Réduire les droits sociaux n’a jamais aidé à créer de l’emploi. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 631.
Mme Nicole Bricq. Même motif, même punition, si j’ose m’exprimer ainsi. Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article.
Je le répète, nous tenons à la négociation entre partenaires sociaux. Il est vrai que peu d’accords ont été conclus dans le cadre de la législation actuelle. Il serait possible, sur la base de ce constat, de proposer aux partenaires sociaux de négocier une modification qui pourrait ensuite être intégrée dans la loi.
La commission spéciale a décidé d’insérer très abruptement des accords « offensifs ». Ce faisant, madame la corapporteur, vous vous placez dans une perspective que nous ne pouvons faire nôtre.
Des accords de compétitivité, en marge de la loi de 2013, ont été conclus. Le cas de Renault est connu. Récemment encore, l’équipementier Faurecia a conclu un tel accord. Les salariés consentent des efforts en matière salariale, en matière d’intéressement et de durée du travail, en échange d’engagements temporaires de la direction de ne pas lancer de plan de licenciement.
La question des efforts proportionnés des dirigeants et des actionnaires dans le cadre des accords défensifs est absente de ces accords. Il faut donc que cette question soit soumise aux partenaires sociaux. La commission spéciale ne peut pas agir comme elle le fait, d’autorité, en introduisant de telles dispositions dans ce projet de loi, pour faire plaisir à certains qui réclament de telles mesures depuis longtemps. Nous ne partageons pas cette logique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons souhaité aller dans le sens de la croissance et de l’activité. Très peu d’accords défensifs ont été conclus, ce qui montre qu’il y a manifestement un problème. Au travers de cet article, nous cherchons à faire sauter les verrous qui existent.
Lors de son audition, M. Rebsamen avait reconnu qu’il s’agissait d’un réel souci et qu’il étudiait cette question. Mais nous n’avons toujours rien vu venir…
Nous avons souhaité ajouter aux accords de maintien de l’emploi des accords de développement de l’emploi, très attendus par certaines entreprises.
Pour ces raisons, la commission spéciale est bien entendu défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il faut en effet distinguer les accords de maintien de l’emploi défensifs des accords de maintien de l’emploi dits « offensifs » ou des accords de développement de l’emploi que vous proposez dans cet article.
Force est de constater que, pour différentes raisons, peu d’accords de maintien de l’emploi défensifs ont été signés. Ces difficultés font actuellement l’objet d’une évaluation qui devrait aboutir dans les tout prochains jours et qui nous conduira, François Rebsamen et moi, à revoir les partenaires sociaux pour tirer les conclusions très concrètes qui s’imposeront, c'est-à-dire les modalités à mettre en œuvre pour rendre plus simple et plus attractive la conclusion d’accords défensifs de maintien de l’emploi, afin que ceux-ci soient plus nombreux.
Je rappelle que ces accords sont utiles. Ils doivent être majoritaires et, lorsqu’ils sont conclus, des règles plus strictes que celles du droit commun s’appliquent au sein de l’entreprise. Ils permettent de trouver des solutions productives dans des cas bien définis. Je crois beaucoup à cette voie.
En vérité, les accords de développement économique que vous proposez, madame la corapporteur, et qui seront sans doute votés par le Sénat, ne serviront à rien. Je pense en effet qu’il n’y aura jamais d’accord majoritaire : quand l’entreprise va bien, aucune majorité ne se dégagera pour décider de réduire le temps le temps de travail ou s’organiser différemment. (Mme Nicole Bricq approuve.)
Vous pouvez estimer qu’il s’agit là d’une réforme très importante et même formidable, mais, alors qu’il est déjà compliqué de conclure des accords majoritaires en cas de difficultés économiques – cela demande non seulement beaucoup d’esprit de responsabilité, mais aussi un constat commun, partagé par toutes les parties, sur la difficulté de la situation –, ce sera encore plus compliqué en l’absence de difficultés particulières. Je connais peu d’entreprises en bonne santé, sinon aucune, où seront conclus des accords majoritaires : quand tout va bien, pourquoi se serrer la ceinture ?
Par contre, je pense qu’il nous faut emprunter la voie dont nous parlions voilà quelques instants, celle d’une réflexion sur la hiérarchie des normes conduite de manière ordonnée. Bien plus qu’à ces accords de maintien de l’emploi offensifs, je crois au travail de la mission Combrexelle, qui consiste à maintenir les questions d’ordre public social dans le giron de la loi et à renvoyer aux accords de branche et à des accords d’entreprise majoritaires les éléments qui n’en relèvent pas.
Je crois beaucoup plus à cette philosophie, à cette réflexion systémique sur la hiérarchie des normes, car elle a le mérite de la clarté : dès le début, on sait ce qui relève de la loi et ce qui relève de la concertation. À cet égard, je vous renvoie aux propos qu’a tenus tout à l'heure Mme Procaccia.
Si je comprends et respecte la philosophie de l’accord majoritaire de développement, je pense qu’il s’agit d’une voie décalée. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis favorable aux amendements de suppression.
Par ailleurs, je suis également défavorable à cet article pour des raisons de procédure dont nous pouvons tous convenir : adopter cet article alors qu’aucune négociation n’a encore eu lieu sur ce sujet avec les partenaires sociaux contreviendrait aux principes édictés par la loi dite « Larcher ».
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je serai malheureusement absent la semaine prochaine, en déplacement à Moscou pour le compte de la commission des affaires étrangères. C’est pourquoi je tiens à indiquer dès à présent que je voterai pour ce projet de loi et donnerai une procuration en ce sens.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes contents de le savoir !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87, 489 et 631.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 176 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 84 amendements au cours de la journée ; il en reste 104.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
17
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 11 mai 2015 :
À dix heures :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014 2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014 2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite de l’ordre du jour du matin.
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 425, 2014 2015) ;
Texte de la commission (n° 426, 2014 2015) ;
Avis de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances (n° 394, 2014 2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 8 mai 2015, à zéro heure dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART