Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
quatrième catégorie
par les mots :
catégorie B
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement ont déjà émis leur avis, qui est défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 2, je vous rappelle que, si ce dernier n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Je voulais avant toutes choses remercier Mme la secrétaire d’État de la modération de ses propos et de sa volonté de laisser le débat prospérer. Je voudrais également remercier tous les sénateurs étant intervenus dans ce débat, à l’exception d’un orateur, dont je ne citerai même pas le nom.
M. David Rachline. C’est moi !
Mme Éliane Assassi. Je regrette seulement le manque de rigueur intellectuelle de quelques-uns d’entre eux, qui tend à leur faire confondre moratoire et interdiction. Que je sache, mes chers collègues, ces deux mots ne sont pourtant pas synonymes.
D’autres orateurs ont également tenté de faire croire que les élus du groupe CRC n’ont pas confiance dans les forces de police. C’est tout le contraire, évidemment ; notre formation politique est très proche des forces de police et des syndicats de policiers, qu’ils soient municipaux ou nationaux. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. François Bonhomme. Point trop n’en faut !
Mme Éliane Assassi. Monsieur Gournac, je vous rappelle que, sous l’ancienne majorité sénatoriale, j’avais l’honneur d’être le rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois, des crédits de la mission « Sécurité » !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Je tenais alors à auditionner rigoureusement toutes les personnes compétentes, à travailler avec toutes les associations et toutes les organisations de policiers, nationaux ou municipaux. J’ai toujours défendu l’idée selon laquelle nos policiers devaient avoir les moyens nécessaires pour assumer leurs fonctions et assurer, notamment, leur propre sécurité. Il y a donc, mes chers collègues, des propos que je ne peux pas accepter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Cela dit, je me félicite du débat qui s’est instauré cet après-midi ; le dépôt de cette proposition de loi avait aussi cette ambition. Ce débat, d’ailleurs, se poursuivra sous d’autres formes, sans doute à l’occasion de l’examen au Sénat d’un prochain projet de loi sur le sujet.
Pour toutes ces raisons, je tenais donc à remercier les différents orateurs, sauf l’un d’entre eux, de leurs propos
M. David Rachline. Moi aussi, je vous aime !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Divers élus écologistes – à l’époque, ce n’était pas encore un groupe –, députés et sénateurs, avaient déposé il y a quelque temps un texte similaire à celui dont nous discutons aujourd’hui. Ainsi que l’a souligné Éliane Assassi, la présente proposition de loi a ouvert le débat, ce qui semble une nécessité. Nous devons en effet nous intéresser davantage à l’encadrement des policiers, aux armes qu’ils utilisent et à leur formation, cela afin qu’ils ne tirent pas à mauvais escient.
Ces questions intéressent nos concitoyens. Dès lors, même si cette proposition de loi ne sera pas adoptée aujourd’hui, il me semble que l’on ne peut pas ne pas en débattre. Mieux vaut cela que d’occulter les problèmes, comme nous en avons trop souvent l’habitude.
Notre idée, qui est aussi celle du groupe CRC, n’est pas d’abolir le port d’armes ; nous partons seulement du même constat, me semble-t-il. Divers incidents récents, ainsi que plusieurs rapports sur le sujet, l’ont d’ailleurs montré : il s’agit bien d’une question de société, qui mérite débat. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Au moment où nos policiers et nos gendarmes sont partout, dans les rues, pour nous protéger, je voudrais leur rendre hommage. Le plan Vigipirate, maintenu à son niveau le plus élevé, implique des cadences de travail absolument incroyables, dont témoignaient d’ailleurs ce matin sur les ondes plusieurs représentants des CRS, notamment.
Je ne discute pas du tout, chers collègues du groupe CRC, de la légitimité de débattre de ce sujet ; c’est le propre des discussions que nous pouvons avoir dans cet hémicycle. En revanche, je suis en désaccord total avec la position que vous avez exprimée. Moi, j’aime la police ; j’aime la gendarmerie !
Mme Éliane Assassi. Moi aussi !
M. Alain Gournac. Je suis moi-même gendarme !
Mme Éliane Assassi. Et moi, je voulais être commissaire de police !
M. Alain Gournac. Qu’arrivera-t-il si on ne donne pas aux policiers et aux gendarmes la possibilité de se défendre ? Voyez ce qui s’est passé sur les terrains d’un fameux aéroport, celui dont on ne sait s’il verra le jour ; voyez la violence, tout à fait phénoménale, de l’attaque – j’ai visionné les trois vidéos – dont ont été victimes nos forces de police et de gendarmerie !
Mme Esther Benbassa. Un jeune homme est mort !
M. Alain Gournac. Certes, il y a eu un accident, ce que je regrette vivement. Néanmoins, moi, quand j’aime, je soutiens.
Mme Éliane Assassi. Qui vous a dit que nous ne soutenions pas les forces de police ?
M. Alain Gournac. J’apporte donc mon soutien le plus total à la police et à la gendarmerie ; je leur fais entière confiance.
Mme la secrétaire d’État a néanmoins raison de dire que des dispositions doivent être prises quand du matériel dangereux est distribué. Cela, nous en sommes parfaitement conscients. Cependant, instaurer un moratoire, dans ce moment si particulier que nous vivons, et quand on connaît les menaces auxquelles doit faire face notre pays, serait terrible.
Je le répète, je soutiens la police et la gendarmerie ; c’est donc sans aucune hésitation que je voterai contre le présent texte. (M. David Rachline applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Les dernières interventions m’incitent à réagir.
Je puis comprendre l’avis défavorable émis par la commission comme par le Gouvernement sur les deux amendements présentés. Néanmoins, cette proposition de loi a le mérite d’installer le débat sur ce problème de société : la sécurité, notamment intérieure.
Un orateur nous a éclairés sur la situation prévalant dans les communes rurales. Il est vrai que les problèmes d’insécurité existent partout. On parle beaucoup des villes, des quartiers difficiles, sensibles, au sein des grandes villes. Toutefois, nous ne sommes nulle part, même dans le plus petit village, vraiment à l’abri du danger.
Alain Gournac a fait part de son soutien aux forces de sécurité. Il me semble que tous les membres de cette assemblée sont unanimes pour défendre les notions de respect et de reconnaissance à l’égard des gendarmes, dans le monde rural, mais aussi des policiers nationaux et municipaux. Tous ici respectent ceux qui font face au danger : l’ensemble des forces de sécurité, à tous les niveaux, les pompiers, et ceux qui œuvrent à la sécurité des personnes et des biens.
Chaque année, nous sommes associés en tant qu’élus à la journée d’hommage rendu aux gendarmes, policiers et pompiers victimes du devoir.
La sécurité des personnes et des biens est donc une priorité en tous lieux. Dès lors, si je rejoins les positions exprimées par la commission et le Gouvernement, la présente proposition de loi a au moins le mérite, selon moi, de nous interpeller sur les problèmes existants en la matière. (M. Alain Gournac applaudit.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas abuser du temps imparti à l’ordre du jour réservé du groupe CRC, mais je ne peux que réagir à l’intervention d’Alain Gournac, qui a lancé le thème des amours : il aime les gendarmes, les policiers, les pompiers !
M. Alain Gournac. Et alors ? J’assume !
M. Jean Desessard. Moi aussi, j’aime les postiers, les cheminots et les infirmières ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La question ne se pose pas ainsi, cher collègue ! Nous tenons tous en effet à ce que la police et la gendarmerie garantissent notre sécurité.
M. Alain Gournac. J’ai le droit d’avoir ce point de vue !
M. Jean Desessard. Oui, et moi j’ai le droit de vous répondre !
Mme Cécile Cukierman. Et nous de ne pas être d’accord !
M. Jean Desessard. La vraie question est de savoir si, dans certaines circonstances, les forces de l’ordre n’utilisent pas leur arme au détriment de la sérénité et de la sécurité publiques.
Dominique Voynet a donné l’exemple, à ce sujet, d’une grève des lycéens qui s’est déroulée à Montreuil. Un jeune, sorti de son établissement pour aller manifester, et n’ayant rien fait d’autre que de remuer une poubelle, de la déplacer, sans attaquer personne donc, a reçu un projectile de Flash-Ball dans l’œil, et l’a ainsi perdu.
Ce n’est qu’un exemple, me direz-vous, mais on pourrait en citer d’autres. Convenez que, dans ce cas, l’arme a été utilisée de façon manifestement abusive. Il convient donc de se demander pourquoi. Or c’est bien l’ambition de la présente proposition de loi que de nous interpeler sur ce point : l’arme est-elle toujours utile ?
M. Alain Fouché. Oui, elle est utile !
M. Jean Desessard. En l’espèce, mal utilisée, elle a causé un dommage grave au lycéen. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Dès lors, devait-elle être utilisée ? Comment ? Telles sont les questions qui nous sont posées.
M. Alain Bertrand. C’était un accident !
M. Jean Desessard. Attention au « tout sécuritaire », mes chers collègues ! Il n’est pas réaliste de penser que c’est en armant toujours plus les forces de l’ordre que nous réglerons les problèmes de violence et de banditisme.
M. Alain Fouché. Personne ne dit cela !
M. Jean Desessard. Le groupe CRC et le groupe écologiste, qui voteront cette proposition de loi, ont une autre conception des choses : la sérénité et la sécurité publiques passent d’abord par une plus grande justice sociale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) La tranquillité dans les quartiers ne peut pas être uniquement le fait de la police : elle vient de la justice sociale ; elle implique que chacun soit reconnu à sa juste valeur et puisse trouver un emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Et le problème est réglé !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens à souligner, à la suite d’Éliane Assassi notamment, la qualité du débat que nous avons eu sur ce texte lors de son examen en commission des lois et de la discussion générale, ainsi que le respect ayant prévalu à nos échanges avec M. le rapporteur et les sénateurs des différents groupes. Cela tranche nettement avec l’emportement auquel nous assistons depuis quelques instants. Finalement, j’en suis presque rassurée : il suffit de gratter un peu pour que, chez certains, le vernis s’écaille. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Je m’associe aux propos de Jean Desessard : si, au cours des dix dernières années, le Parlement avait autant débattu du bien-être social qu’il l’a fait des problèmes de sécurité, il aurait certainement pris des dispositions allant dans la bonne direction, pour notre pays, d’abord, mais aussi pour la sécurité de tous.
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
Mme Cécile Cukierman. La reconnaissance du travail des policiers, personne n’en a le monopole. Il est évident pour tout le monde que les policiers sont nécessaires. Au groupe CRC, nous sommes attachés à la présence de la police sur nos territoires ; nous sommes attachés à la police de proximité, qui travaille avec les populations, cette police – vous la connaissez, mes chers collègues – qui a été supprimée par la droite il y a quelques années.
M. Alain Fouché. Il fallait la recréer, alors !
Mme Cécile Cukierman. Or la police, au travers de ses représentants, nous interpelle aujourd’hui. Certains de ses agents, ceux à qui vous avez déclaré votre amour, monsieur Gournac – soit dit en passant, j’espère que vous ferez de même quand nous débattrons d’autres catégories de fonctionnaires ! –, nous font part de leur usure et de leur fatigue, qui ont été amplifiées par la mise en œuvre du plan Vigipirate. Ils nous font part de leur exaspération à l’égard de la politique du chiffre, à laquelle, malheureusement, il n’a pas été mis fin, et qui ajoute encore de la pression à leur métier.
C’est dans ce cadre précis que nous avons déposé la présente proposition de loi ; ce sont aussi les conditions de travail qui poussent à la bavure, au manque de discernement, au manque de recul. L’exemple cité par Jean Desessard n’est pas isolé ; les personnels de police et de gendarmerie sont en effet amenés à réagir beaucoup plus rapidement qu’il ne le faudrait au vu de la situation.
Peut-être l’objectif est-il de satisfaire l’idéal de bien-être dont certains rêvent devant le journal télévisé, celui d’une société sécuritaire ? Nous vivrions, paraît-il, dans un monde où l’insécurité est présente partout.
Nous en parlions avec ma collègue Évelyne Didier : chaque vie compte (M. René Danesi opine.), qu’il s’agisse d’un policier, d’un gendarme ou d’un manifestant, jeune ou moins jeune ! Une vie détruite est une vie détruite.
M. Alain Fouché. Les policiers aussi perdent la vie !
Mme Éliane Assassi. Elle l’a dit ! Il faut écouter !
Mme Cécile Cukierman. Dans une bavure, il y a deux vies brisées : celle de la victime et celle du policier, qui aura toujours un mort sur la conscience ! N’opposons donc pas les uns aux autres !
Notre proposition de loi visait à soulever des interrogations sur la pertinence et l’efficacité du recours aux armes concernées.
Comme nous l’avons indiqué, ces armes ne répondent pas à l’objectif. Leur présence rassure peut-être certains, mais elles sont parfois à l’origine d’événements pour le moins malencontreux !
Peut-être notre proposition de loi ne sera-t-elle pas adoptée.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet !
Mme Cécile Cukierman. Mais elle aura au moins eu le mérite de susciter un débat sur la pertinence et l’efficacité du recours à de telles armes.
Il faudrait également disposer d’éléments, notamment statistiques, sur l’utilisation de ces armes, ainsi que sur les conséquences sur la population, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Mes propos seront très modérés. En France, contrairement à d’autres pays, les policiers et les gendarmes sont souvent présentés comme les « méchants » dans les médias, qui cherchent régulièrement à les prendre en défaut. Je trouve cette attitude regrettable.
Monsieur Jean Desessard, nous sommes tous d'accord sur la justice sociale ; les Verts n’en ont pas le monopole ! Mais vous oubliez de parler des violences que les policiers subissent parfois de la part de manifestants. Lors des manifestations, le préfet donne des consignes de modération aux forces de l’ordre, afin d’éviter d’éventuels incidents. Mais les policiers sont quand même bien obligés d’intervenir en cas de violences !
Un de nos collègues faisait tout à l’heure référence aux risques dans notre pays. Chaque jour, il y a des meurtres à la kalachnikov !
Par conséquent, nous avons besoin d’une police, certes bien formée, mais aussi bien armée ! C’est essentiel. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Claude Kern applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline, pour explication de vote.
M. David Rachline. Je comprends mieux pourquoi le Parti communiste fait moins de 3 % aux élections ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Je signale juste qu’il y a deux sénateurs d’un côté et dix-huit de l’autre !
M. David Rachline. Le Parti communiste est totalement déconnecté des réalités de ce pays !
Notre pays traverse des difficultés sans précédent, en matière non seulement économique et sociale, mais aussi sécuritaire ; nous connaissons la situation ! Et c’est ce moment particulièrement douloureux pour les Français et notre République que le Parti communiste choisit pour s’attaquer, de manière totalement idéologique, une fois de plus, aux forces de l’ordre ! Par le passé, il prétendait déjà que nous vivions dans un État policier, sous prétexte que la justice était sans doute un peu plus dure à l’égard des délinquants !
Vous allez devoir accepter que certaines personnes soient du côté de la police, et non pas, comme vous, du côté des délinquants ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Acceptez que nous soyons favorables à un renforcement des dispositifs permettant de condamner ceux qui contreviennent à la loi et troublent l’ordre !
Malheureusement, vous avez pris depuis plusieurs dizaines d’années le chemin inverse, celui qui consiste à défendre les délinquants ! Nous voyons aujourd'hui le résultat de cette politique démagogique et laxiste. La délinquance est endémique. Il y a des quartiers où les Français sont obligés de baisser la tête. Certains de nos concitoyens sont agressés seulement parce qu’ils sont Français, blancs et catholiques ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Oh là là !
Mme Cécile Cukierman. D’autres sont agressés seulement parce qu’ils sont homosexuels ou étrangers !
M. David Rachline. Il faut le dire ! Je sais bien que ce n’est pas le Parti communiste qui va en parler ! (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Nous nous faisons les avocats de cette majorité silencieuse, de ces Français qui se taisent et qui doivent subir vos déclarations et vos propositions scandaleuses !
À titre personnel, je me félicite du rejet de cette proposition de loi !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. J’écoute le débat avec attention. Ne sombrons pas dans la caricature. Il n’y a pas, d’un côté, les soutiens de la police et, de l’autre, les amis des manifestants. Cela ne se passe pas ainsi.
Je suis maire d’une ville de 15 000 habitants. Une politique solide repose sur le triptyque éducation/prévention/sécurité. Quand on néglige l’un de ces trois volets, cela ne fonctionne pas !
Les efforts en faveur de la cohésion sociale sont donc indispensables. Ne baissons pas la garde ! Les problèmes risqueraient de ressurgir avec acuité. Croire que l’on pourra tout régler seulement avec des réponses sécuritaires, c’est une impasse ! (M. David Rachline s’exclame.)
MM. Alain Fouché et François Bonhomme. Personne n’a prôné cela !
M. Martial Bourquin. Pour être efficace, une politique doit trouver l’équilibre entre éducation, prévention et sécurité.
En tant que maire, j’observe l’importance des problèmes de sécurité. Certaines nuits, avec les forces de l’ordre, nous sommes confrontés à des situations de violence extrêmement aiguë.
M. Alain Fouché. À cause de la misère, souvent !
M. Martial Bourquin. L’État de droit doit avoir une police capable d’y faire face.
M. Alain Fouché. Nous sommes d'accord !
M. François Bonhomme. Pas de naïveté !
M. Martial Bourquin. Notre groupe aura donc une position équilibrée sur cette proposition de loi.
À nos yeux, l’utilisation de ces nouvelles armes par les forces de l’ordre est déjà bien encadrée et réservée à des circonstances exceptionnelles. J’ai assisté à des situations de violence extrême où la police a dû avoir recours au Flash-Ball ; elle est tenue de respecter un règlement extrêmement strict. (M. François Bonhomme opine.) Si des forces de police doivent parfois se servir de telles armes, c’est parce qu’elles sont en difficulté !
L’équilibre consiste à combiner le renforcement de la cohésion sociale et les politiques de prévention et d’éducation. Mais évitons tout angélisme ! Dans certains quartiers, nos forces de l’ordre sont soumises à rude épreuve ! Nous ne suivrons donc pas nos collègues dans leur volonté de modifier le code de la sécurité intérieure.
J’ai refusé d’armer la police municipale de ma commune ; selon moi, cette option n’est pas à l’ordre du jour. Dans les situations extrêmement tendues, je préfère que la police nationale et la gendarmerie viennent en aide à nos policiers municipaux !
M. Alain Fouché. Très bien !
M. Martial Bourquin. Faisons attention à ne pas adresser de signaux négatifs aux policiers, qui sont déjà soumis à rude épreuve ! Veillons à ne pas les démotiver !
Nous ne voterons donc pas la présente proposition de loi.
Certains collègues ont fait référence à des incidents liés à l’utilisation de ces armes. J’y ai moi-même été confronté dans ma ville. De tels événements sont regrettables. Mais il existe des recours juridiques – ils sont par exemple mis en place dans ma commune –, y compris dans les cas d’utilisation abusive de certaines armes. Les procureurs de la République y font très attention.
Sachez qu’il est parfois très difficile d’être policier aujourd'hui. Je suis heureux d’avoir retrouvé des effectifs de police à la hauteur des besoins dans notre ville et notre agglomération, après des années de baisse. Mais soyons vigilants ! Veillons à ne pas mettre en accusation les policiers quand ils font leur travail, parfois dans des conditions très difficiles.
Un État de droit a besoin d’une police, une police formée, qui puisse exercer ses prérogatives et faire son devoir. (Mme Evelyne Yonnet applaudit.)
M. Alain Fouché. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, pour explication de vote.
M. Michel Forissier. Je suis maire d’une ville de 32 000 habitants depuis 2001, que j’ai conquise dans le cadre d’une alternance démocratique. Nous avons travaillé dans la commune, et le taux de délinquance a été ramené de 74 pour mille à 45 pour mille. Pour une ville de banlieue, ce n’est pas mal du tout !
Nous avons aussi développé une politique de prévention. Vous le voyez, cher collègue socialiste, il n’y a pas que la gauche qui prône la prévention ; tout élu responsable est convaincu de cette nécessité !
Je suis en désaccord avec M. Bourquin sur l’armement des polices municipales. Chez nous, la police municipale travaille parfois jusqu’à minuit, voire au-delà, et doit mener des personnes en garde à vue. Il est donc indispensable qu’elle soit armée.
En réalité, les auteurs de la présente proposition de loi posent mal le problème. La vraie question, ce n’est pas l’armement des policiers municipaux, c’est l’usage qui est fait des armes !
Mme Évelyne Didier. Les deux se recoupent !
M. Michel Forissier. L’armement doit être diversifié. Les agents doivent disposer de toutes les armes légales, afin de pouvoir effectuer leur travail dans les meilleures conditions.
Certaines situations sont effectivement très difficiles. Comme cela a été rappelé, nous sommes au plus haut niveau du plan Vigipirate.
Le véritable sujet, et je rejoins Mme la secrétaire d’État, c’est bien celui de la formation et de l’entraînement des policiers, ainsi que celui du contrôle qui est fait de l’usage des armes.
Aussi, je ne voterai pas la présente proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Le débat a un peu dérapé. La mise en cause de nos amis du groupe CRC n’a pas lieu d’être. Nos collègues agissent selon leur sensibilité, et je n’ai aucun doute quant à leur attachement aux valeurs républicaines.
Mme Éliane Assassi. Merci !
M. Alain Bertrand. Notre collègue Martial Bourquin a insisté sur la nécessité d’avoir une position équilibrée.
Je n’ai guère ressenti ce souci dans les propos de Jean Desessard lorsqu’il a évoqué le cas d’un individu blessé par un tir de Flash-ball.
M. Jean Desessard. Qui a perdu un œil !
M. Alain Bertrand. Mon cher collègue, il n’y a pas, d’un côté, les « salauds » insensibles et, de l’autre, les humanistes qui se soucient du malheur d’autrui !
Même avec une simple matraque en plastique, un accident est toujours possible ! Cela peut toujours arriver, même si personne ne le souhaite sur ces travées.
Le risque d’accident est toujours présent lorsque les forces de l’ordre font leur travail. À nous de faire en sorte qu’il soit le plus faible possible !
Quoi qu’il en soit, nous avons fait le tour du débat. Il n’y a pas dans l’hémicycle les méchants d’un côté et les gentils de l’autre. (M. Martial Bourquin opine.)
J’évoquerai un dernier point. Pour ma part, j’ai été scandalisé par des images vues à la télévision à l’occasion de manifestations récentes visant à défendre, dans un département du Sud-Ouest, une zone humide. Je suis président d’une fédération départementale agréée de pêche et de pisciculture. Je défends donc à ce titre les zones humides. Certes, il est légitime de manifester. Ma fédération de pêche a d’ailleurs intenté 200 procès devant les tribunaux contre des pollueurs de tout crin, y compris d’importantes sociétés de l’industrie chimique. Mais là, il s’agissait uniquement de redoutables casseurs, mélangés avec des gens de bonne foi voulant défendre un dossier qui leur paraissait défendable. Joël Labbé, également sensible à la problématique « eau, rivière et territoire », comprend de quoi je parle…
Tous ces débordements ne sont pas acceptables. Il convient donc que les forces de police et de gendarmerie puissent les réprimer avec une grande fermeté. On peut être très républicain tout en défendant une République de droits et de devoirs !
Mme la présidente. Mes chers collègues, les deux articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations n’est pas adoptée.