M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. À dire vrai, si l’on m’avait dit qu’il y aurait un débat aussi long sur cette question, je ne l’aurais pas cru. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
J’ai écouté attentivement les interventions des uns et des autres en discussion générale et plusieurs d’entre vous ont souhaité une plus grande efficacité législative, que la loi soit moins bavarde, plus précise.
Nous sommes là en présence d’un sujet qui n’a pas de contenu politique ; on n’a pas, d’un côté, ceux qui sont favorables à ce qu’il y ait des soins palliatifs partout et, de l’autre côté, ceux qui ne le seraient pas. La question – et je ne vais pas rouvrir le débat – est de savoir s’il faut l’inscrire dans la loi.
Quelqu’un parmi vous, de façon inutilement désagréable, a reproché au président de la commission des affaires sociales de recourir à des arguties. C’est inexact : la question porte sur les principes de l’égalité républicaine ; or la loi s’applique pour tous.
S’il suffisait d’inscrire dans la loi ce qui va de soi pour que les choses se réalisent, ce serait tellement simple ! J’ai annoncé tout à l’heure que je proposerai la semaine prochaine à un comité de pilotage un plan triennal de développement des soins palliatifs et des unités de soins palliatifs, dont un des axes majeurs sera la réduction des inégalités sur les territoires, et non pas simplement entre les territoires.
Le débat ne porte pas tant sur les différences entre les territoires que sur les différences au sein d’un même territoire selon l’endroit où l’on est malade. Ainsi donc, au sein d’un même territoire, les soins palliatifs ne sont pas suffisamment développés dans les maisons de retraite,…
M. René-Paul Savary. C’est vrai !
Mme Marisol Touraine, ministre. … ils n’existent pas à domicile, cependant qu’ils sont plus présents dans les hôpitaux.
Par conséquent, le simple fait de faire référence à la question des territoires ne suffit pas.
Il s’agit non pas d’opposer ceux qui veulent qu’on puisse partout bénéficier de soins palliatifs aux autres, mais tout simplement d’apprécier ce qui doit être inscrit dans la loi et ce qui n’a pas besoin de l’être. (M. André Trillard s’exclame.)
On n’imagine pas écrire dans la loi que les soins palliatifs ne seront pas assurés sur tout le territoire.
Au-delà du débat juridique, qui vous paraît justifié, mais qui vous permet, au fond, de marquer une volonté politique, il semble que certains veuillent, par l’ajout de ces termes, prendre position contre l’évolution législative proposée, en opposant les soins palliatifs à une démarche d’accompagnement de la fin de vie. Cela me paraît préoccupant. Il s’agit là d’une vraie différence d’appréciation, d’une divergence de fond, comme l’a très clairement souligné M. le président Milon.
Cette proposition de loi ne marque pas notre volonté d’empêcher le développement des soins palliatifs. Bien au contraire, ceux-ci sont un des piliers du texte ! N’opposons donc pas les soins palliatifs à la sédation profonde et à l’accompagnement de la fin de vie.
Aussi, je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons juridiques.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié.
(L'amendement est adopté.) – (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. Les amendements nos 103 et 113 ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mme di Folco, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mmes Deromedi et Troendlé, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest, Saugey et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne une fin de vie entourée et apaisée. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Mes chers collègues, je veux d'abord vous remercier pour la conclusion heureuse du débat ouvert par l’amendement n° 54 rectifié.
L’amendement n° 55 rectifié porte sur un sujet plus sensible. Son objet est de rappeler que la proposition de loi doit être abordée avec énormément d’humilité, comme beaucoup l’ont déjà dit.
Le texte consacre une obligation de moyens : les professionnels de santé doivent tout mettre en œuvre pour assurer une fin de vie accompagnée, entourée et apaisée. J’aimerais que nous puissions aller plus loin et consacrer une obligation de résultat.
Cependant, si, compte tenu de la discussion que nous venons d’avoir, la loi ne doit pas être bavarde, à un moment donné, elle doit permettre de sanctionner. Aussi, la consécration d’un droit à une fin de vie digne et apaisée m’incite à poser deux questions.
Premièrement, qui apprécie la dignité ou l’indignité de la fin de vie ?
Mme Annie David. La personne elle-même !
M. Dominique de Legge. Deuxièmement, qui prononce la sanction ? En effet, si le droit n’a pas été respecté, il ne suffit pas d’en faire le constat : il faut aussi sanctionner ceux et celles qui l’ont enfreint.
C’est la raison pour laquelle, au travers de cet amendement, nous proposons une formulation un peu différente du texte de la commission, qui ne change rien au fond ni au fait que nous souhaitons promouvoir une fin de vie entourée et apaisée.
L’amendement n° 56 rectifié, que je défends dès à présent, monsieur le président, est un amendement de repli. Sa rédaction reprend l’expression d’« une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », qui figure actuellement dans le texte de la commission.
Par cet amendement, nous voulons rappeler que la question qui nous est posée est bien celle des moyens et que créer un droit qui ne serait pas assorti de sanctions n’aurait sans doute pas beaucoup d’effets.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cela renvoie à la discussion que nous venons d’avoir. La loi ne peut pas être bavarde : elle doit être précise et tirer les conséquences de ses dispositions.
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. de Legge, Sido, Reichardt, Morisset, Mandelli, Revet, de Nicolaÿ, D. Laurent, G. Bailly, B. Fournier, Pierre et Leleux, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, MM. Trillard, Raison, Portelli et Savary, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart, Hyest et Mouiller, Mme Mélot, MM. Retailleau, Mayet, Charon, Husson, Houel et Gournac, Mmes Debré et Lamure et MM. Kern, Cardoux, Gremillet et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 104 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Gilles et Vasselle, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Grand, Dufaut, de Legge, Lefèvre et Saugey, Mmes Cayeux et Deroche, M. Husson, Mme Mélot et MM. Houel et Lemoyne, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer le mot :
digne
par le mot :
sereine
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Madame la ministre, messieurs les rapporteurs, dans la lignée de ce qui vient d’être dit par notre collègue, nous sommes plusieurs à souhaiter remplacer le mot « digne » par le mot « sereine ».
En fait, l’expression de mort « digne » pour les uns pourrait faire penser que la mort peut être « indigne » pour les autres et renvoie donc à la vision que va laisser la personne en fin de vie.
Mais la mort d’un être souffrant serait-elle moins digne que celle d’un être dont les souffrances, les tourments sont apaisés dans cette phase ultime ?
C’est pourquoi on préférera l’expression « une fin de vie sereine ». Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Les amendements nos 99 rectifié et 105 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 55 rectifié, 56 rectifié et 1 rectifié ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Comme cela a été dit il y a quelques instants, la « dignité » est une notion ontologique, attachée à la qualification d’être humain.
Pour ce qui est de la « sérénité », l’expérience clinique montre qu’il est bien difficile, en cas de douleur ou d’angoisse, de mourir dans la sérénité. Toute l’architecture du texte vise d'ailleurs à permettre d’apaiser les souffrances physiques et les douleurs psychologiques, par des solutions que nous développerons tout à l'heure.
Concernant l’obligation de moyens qui s’impose aux professionnels de santé, elle n’est pas modifiée par la proposition de loi. La formulation du texte est cohérente avec ses objectifs.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne vois pas en quoi la référence à la « dignité » présenterait en elle-même un risque de judiciarisation. On pourrait considérer que la référence à la « sérénité » comporte, elle aussi, une part d’appréciation et donc un risque de judiciarisation. L’enjeu n’est pas là.
La « dignité » renvoie également à la conception que chacun se fait de la manière dont doit se dérouler la fin de sa vie. De ce point de vue, la proposition de loi part de la personne malade, et pas seulement du regard extérieur que l’équipe médicale peut porter sur celle-ci. À cet égard, la « dignité », notion ontologique qui renvoie à une conception individuelle, est un terme important, qui doit figurer dans le texte.
Le Gouvernement est donc défavorable aux trois amendements.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Avec l’article 1er, qui porte sur le droit des malades et le devoir des médecins, on touche véritablement au cœur du problème.
Lors de leur soutenance de thèse de doctorat, les médecins prêtent le serment d’Hippocrate. Par celui-ci, ils s’engagent en ces termes : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ». Cela montre bien que les devoirs des médecins doivent pouvoir être maintenus par rapport aux droits des malades !
Tout le monde constate qu’il y a un certain nombre d’inégalités sur les territoires et que les personnes très âgées entrent désormais dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, ce qui n’est pas sans poser problème.
Dans mon département, les personnes entrant en EHPAD sont, en moyenne, âgées de 86 ans.
M. André Trillard. Dans le mien, la moyenne est de 87 ans !
M. René-Paul Savary. La durée moyenne de séjour y est de 3,4 ans. Elle peut être légèrement inférieure ou supérieure dans d’autres départements.
On sait que les personnes sortent des EHPAD quand l’heure fatale est venue, mais qu’elles n’y passent malheureusement pas leurs tout derniers moments, puisque, pour différentes raisons – faute de soins palliatifs, faute de personnel ou de formation de celui-ci, peut-être, parfois, par habitude ou par peur –, elles sont alors transférées dans les services d’urgence des hôpitaux et finissent malheureusement leur vie à l’hôpital.
On voit bien qu’il s’agit d’une question de moyens et de formation.
C'est la raison pour laquelle les amendements nos 55 rectifié et 56 rectifié visent à préciser les droits et les devoirs que consacrent les dispositions de l’article 1er, et c’est pourquoi je les ai cosignés.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux soutenir l’amendement n° 55 rectifié de M. de Legge.
Aux termes de l’article L. 1110–10 du code de la santé publique en vigueur, « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » Cette rédaction permet à un médecin généraliste d’assumer les conséquences de l’absence de soins palliatifs.
En revanche, si on demande à ce médecin d’appliquer le présent texte, qui consacre la possibilité d’une « sédation profonde et continue », il se heurtera sûrement à des difficultés. En effet, il devra vraisemblablement recourir à l’avis ou à l’aide d’un professionnel, puisque la sédation profonde et continue doit être adaptée et dosée de manière à n’entraîner ni trouble respiratoire ni, a fortiori, le décès de la personne qui en bénéficie, ce qui est assez difficile pour un médecin qui n’y est pas entraîné.
Je pense donc qu’il convient de privilégier la rédaction proposée par M. de Legge. Les professionnels de santé mettent en œuvre les moyens à leur disposition non pas pour respecter un droit, mais pour assurer à toute personne une fin de vie entourée et apaisée. Sinon, il faudrait que tous les départements, tous les CHR, même en milieu rural, soient équipés de services de soins palliatifs à même d’intervenir ou de conseiller le médecin qui pourra rencontrer des difficultés pour appliquer ce droit.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, mes chers collègues, soyez assurés que j’ai bien lu les textes et bien écouté les professionnels de santé.
Aux termes des amendements de M. de Legge, « les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à toute personne » ou « une fin de vie entourée et apaisée », ou « une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ».
D'abord, je veux rappeler que les professionnels de santé ont une obligation de moyens, et non de résultat. Heureusement, d'ailleurs ! J’espère qu’il ne viendra jamais à un parlementaire l’idée de consacrer une obligation de résultat pour les professionnels de santé… Sinon, nous risquons d’avoir des problèmes ! (Mme la ministre sourit.)
Ensuite, pour mettre en œuvre « tous » les moyens à sa disposition, quand le patient est en fin de vie et continue de souffrir et quand il n'y a, au bout du compte, plus rien à faire, le professionnel devra recourir à la sédation profonde. Sinon, il risquera de se faire attaquer en justice. Je tenais à souligner ce point de manière très claire.
J’ajoute, monsieur le président, que la commission demande le vote par priorité de l’amendement n° 56 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, étant précisé qu’il maintient son avis défavorable sur ces amendements. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Amiel, corapporteur. La notion de domicile a été abordée à deux reprises, notamment au travers du sujet des EHPAD.
Dans ses travaux, la commission a particulièrement insisté sur la nécessité que la prise en charge en matière de soins palliatifs dépasse le seul cadre des structures hospitalières. C’est là qu’intervient la formation des médecins, en particulier des médecins généralistes, prévue à l’alinéa 9 de l’article 1er.
Pour autant, comme l’a dit Daniel Chasseing, la sédation profonde ne pose pas que des problèmes de formation : elle suscite également des questionnements sur la façon dont les médecins pourront se procurer les substances adéquates.
À cet égard, l’intervention d'unités mobiles, dont on n’a peut-être pas suffisamment parlé, a au moins autant d’importance que la création de lits de soins palliatifs (M. Daniel Chasseing opine.), ne serait-ce que pour répondre à la possibilité, pour ceux qui le souhaitent, de terminer leurs jours à domicile, qui est demandée par tous de manière unanime.
M. le président. Je mets aux voix, par priorité, l'amendement n° 56 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 55 rectifié et 1 rectifié n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Gilles, Vasselle, Cardoux, Karoutchi, D. Laurent, Grand, Dufaut, de Legge, Lefèvre et Saugey, Mmes Cayeux et Debré, MM. Leleux, Chasseing et Mayet, Mmes Gruny, Deroche et Mélot et MM. Houel, Lemoyne et Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces moyens consistent en particulier en des unités de soins palliatifs équitablement réparties sur le territoire national. Ces soins nécessitent le développement du nombre de lits dans les services hospitaliers et des unités mobiles destinées à œuvrer dans le cas d’hospitalisation à domicile ou dans les établissements visés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. »
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Je vous prie de m’excuser de relancer presque immédiatement le débat sur les moyens et les territoires.
Toutefois, cela permet d’en débattre un peu, et de prévoir déjà le futur PLFSS ; j’ai bien compris.
Comme l’ont souligné les rapporteurs en commission, la grande misère des soins palliatifs est l’une des failles majeures de notre système de santé.
Il est urgent d’aller plus loin, car aujourd’hui on parle d’environ 20 000 lits nouveaux qui seraient nécessaires, et des unités mobiles dont on vient effectivement de parler.
Selon les derniers chiffres, ceux de 2008, environ 60 % des décès se produisent à l’hôpital, contre seulement 27 % à domicile et 11 % en maison de retraite. Pourtant, tous les sondages, et même toutes les questions posées, montrent bien que les Français souhaiteraient très majoritairement finir leur vie dans le lieu qui leur est le plus familier, c’est-à-dire leur domicile.
Afin que le développement des soins palliatifs soit mieux réparti sur le territoire national et que l’on prenne en charge l’évolution des unités mobiles, nous proposons cet amendement, qui tend à insérer un alinéa supplémentaire après l’alinéa 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Nous n’allons pas rouvrir le débat qui nous a longuement opposés voilà quelques instants. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Gorce, Godefroy et Labazée, Mme Emery-Dumas, MM. Madec et Poher, Mme Riocreux, M. Berson, Mmes Bonnefoy et Campion, MM. Cabanel, Vergoz, Delebarre et Desplan, Mmes Monier et D. Gillot, M. Frécon, Mme Durrieu et MM. Filleul et Courteau, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
...° Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée et non terminale d’une affection grave et incurable, qui exprime le souhait d’une mort médicalement assistée, il peut saisir une commission ad hoc afin d’obtenir un avis éthique médical et juridique sur la situation à laquelle il est confronté.
« Cette commission ad hoc est constituée à l’échelon régional. Elle est composée de médecins, de psychologues, de juristes praticiens et de représentants de la société civile. Les modalités de désignation des membres de la commission ad hoc sont définies par décret en Conseil d’État.
« L’avis rendu par la commission ad hoc doit permettre de caractériser la maladie dont souffre le patient, le caractère libre et réitéré de sa demande, l’absence de l’issue juridique à cette demande. Le rapport de la commission est inscrit dans le dossier médical à toutes fins utiles.
« Si la commission ad hoc considère qu'il n'existe en l'état du droit aucune solution satisfaisante pour répondre à la demande du malade fondée sur le caractère incurable de la maladie et la perspective prochaine de souffrances psychologiques ou physiques insupportables reconnus par la commission, le médecin qui l'a saisie peut apporter son assistance à mourir au malade.
« Dans ce cas, il en informe sans délai la commission dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement, qui aurait pu être déposé à un autre endroit du texte, vise à faire le point sur l’état du droit des malades et ses évolutions possibles.
La loi de 1999 puis celle de 2002 ont posé le principe du droit des malades. Il s’agissait d’une avancée considérable. En 2005, la loi dite Leonetti a précisé que ce droit des malades s’appliquait y compris lorsque l’interruption du traitement que le malade peut demander pouvait entraîner la mort.
Ce texte a précisé non seulement les conditions et les cas très particuliers dans lesquels ce droit pouvait presque être opposable aux médecins – évidemment, si le malade n’était pas inconscient –, mais aussi, ce qui relativise beaucoup le débat sur la sédation profonde, que le médecin était alors appelé à prendre toutes les mesures nécessaires pour soulager le malade et assurer sa qualité de vie au moment de son agonie.
Cette loi a constitué un progrès. J’étais président de la commission spéciale, dont Jean Leonetti était le rapporteur. Nous l’avons votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Elle constituait, de mon point de vue, une étape. Pourquoi ? Parce que la question qui nous est posée n’est pas tant de savoir si les uns ou les autres ont raison d’un point de vue idéologique ou philosophique sur le fait de savoir si l’on a le droit ou non de disposer de sa vie. C’est une question qui intéresse chacun d’entre nous, mais qui ne relève pas, à mon sens, du législateur.
La question qui nous est posée est celle de savoir si nous pouvons accepter qu’une personne en fin de vie, qui souffre, soit laissée sans solution.
La loi Leonetti a essayé de répondre à cette question pour un très grand nombre de cas, à savoir ceux qui sont en fin de vie et qui dépendent d’un traitement. Elle ne l’a pas fait pour ceux qui n’entrent pas dans ce cadre. Il s’agit de personnes qui, sans dépendre d’un traitement, souffrent d’une manière atroce, insupportable. Il s’agit de malades auxquels ne peut être apportée aucune solution, ni juridique ni médicale.
Le professeur Sicard avait souligné, notamment en tant que président du Comité consultatif national d’éthique, la nécessité dans ce contexte, pour éviter tout débat idéologique, de réfléchir à une exception d’euthanasie. Autrement dit, il s’agissait d’offrir au malade, auquel l’équipe médicale la famille et les proches ne pouvaient apporter aucune solution, une alternative, une opportunité face à la souffrance.
Pour les auteurs de cet amendement, sans rien trancher du débat sur le droit à mourir ou sur le refus de ce droit, la souffrance est la seule solution qui soit insupportable. C'est la raison pour laquelle ils préconisent qu’une commission nationale ou régionale puisse constater la volonté du malade, ainsi que l’absence d’issue médicale favorable et de solution juridique.
Cela me rappelle le cas de Chantal Sébire, femme atteinte d’une maladie d’une extrême gravité qui n’a pas souhaité affronter les souffrances qui l’attendaient, tout du moins cette déchéance, cette perte de dignité, et qui n’a eu d’autre solution que le suicide. On imagine ce qu’ont pu être la solitude et la souffrance de cette personne.
Cet amendement tend donc à créer une situation exceptionnelle pour faire face à des demandes exceptionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Amiel, corapporteur. La sédation profonde et continue nous paraît apporter la meilleure solution au cas que vous avez évoqué. Au travers de cet amendement, nous sommes là clairement dans l’exception d’euthanasie, chose que la commission n’a pas souhaité retenir.
Je voudrais non pas ouvrir le débat, mais apporter une précision concernant la sédation profonde et continue versus euthanasie. Comme j’ai pu le développer en commission, deux concepts permettent de les distinguer : la notion de temporalité et la notion d’intentionnalité.
Concernant l’intentionnalité, en aucun cas – nous en parlerons peut-être dans quelques instants – la sédation profonde ne cherche à provoquer la mort ; elle cherche simplement à apaiser les douleurs et souffrances qui accompagnent les derniers instants de la vie.
S’agissant de la temporalité, elle est tout à fait différente en matière de sédation et d’exception d’euthanasie. Ce n’est pas du tout la même chose, ni sur un plan juridique ni sur un plan émotionnel : une sédation profonde et continue va durer quelques heures, voire quelques jours, au moyen d’une perfusion ; l’exception d’euthanasie va s’opérer par le biais d’un geste létal, telles une injection ou l’absorption d’une substance dans le cas d’un suicide assisté.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui ne s’inscrit pas du tout dans le cadre qu’il a retenu en soutien de cette proposition de loi.
Vous défendez cette position de manière constante, monsieur le sénateur. Vous la défendiez déjà voilà quelques années dans un autre hémicycle.
Cette proposition de loi a choisi une autre option, celle de la sédation continue et terminale pour les situations dans lesquelles il n’y a pas de solution satisfaisante avec les moyens dont on disposait jusqu’à présent.
Si l’on veut aller au-delà, on ouvre alors le débat – il le sera d’ailleurs à travers d’autres amendements – non pas d’un choix plus radical, mais d’une évolution plus forte. Il n’est plus ici question d’exception d’euthanasie, mais de choix entre euthanasie et suicide assisté, c’est-à-dire d’une aide active à mourir, proposée de manière plus volontaire.
La voie médiane que vous proposez, qui avait un sens extrêmement fort voilà quelques années, est aujourd’hui quelque peu vidée de son contenu par la sédation continue. Nonobstant le fait que l’exception d’euthanasie va à l’encontre des choix du Gouvernement, il me semble qu’elle n’a pas sa place dans le texte tel qu’il est désormais élaboré.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.