Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’indique à M. Savary, qui a pourtant assisté à nos débats de la nuit dernière, que l’objet de l’amendement n° 13 a été rédigé avant que nous n’inscrivions dans le texte que l’hydratation « constitue un soin qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie ».
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.
M. Bruno Retailleau. Des propos de M. le président de la commission, il ressort que l’objet de cet amendement ne pourra être invoqué à l’appui de telle ou telle interprétation du texte. Je tenais à le souligner.
M. Charles Revet. Cela devient compliqué…
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l'amendement n° 59 rectifié bis.
M. Dominique de Legge. Je voudrais saluer l’esprit d’ouverture de M. le rapporteur : aucun amendement, à l’exception de celui de la commission des lois, n’a trouvé grâce à ses yeux… Cette attitude me semble en décalage avec ce que nous avons cherché à construire hier.
Monsieur le rapporteur, je serai très clair. Je peux comprendre, même si je ne partage pas votre point de vue, que vous émettiez un avis défavorable sur l’amendement n° 59 rectifié bis : votre position est cohérente.
Cependant, vous vous dévoilez en vous opposant à notre amendement n° 60 rectifié bis visant à remplacer, s’agissant de la mise en place d’une sédation demandée par le patient, l’obligation par une possibilité. Mme la ministre l’a dit très clairement : il s’agira bien d’une obligation pour les médecins. Nous sommes là au cœur du débat. On nous dit que le texte ne change rien ; Mme la ministre le confirme, à ceci près que le patient aura désormais le droit de demander la sédation : or je ne sais pas ce qui l’en empêche aujourd'hui…
En tout état de cause, Mme la ministre a révélé, en s’exprimant sur mon amendement, que les professionnels de santé auront bien l’obligation d’accéder à la demande du patient. (M. Charles Revet approuve.) On continue ensuite à dérouler la pelote, en nous expliquant que l’on refuse la clause de conscience pour les médecins. Les choses me paraissent donc tout à fait claires : il est incontestable que l’article 3 ouvre la porte à une euthanasie que vous ne voulez pas nommer comme telle. Par conséquent, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.
M. Michel Amiel, corapporteur. Pour ce qui est de l’amendement n° 60 rectifié bis, dès lors que la sédation profonde et continue est reconnue comme un acte thérapeutique de soins palliatifs, il n’y a aucune raison de ne pas rendre sa mise en œuvre impérative lorsque le patient la souhaite.
L’instauration d’une clause de conscience spécifique pour les médecins pourrait créer une ambiguïté : certains pourraient en déduire que mettre en place la sédation profonde et continue est un acte d’euthanasie.
Je le répète avec d’autant plus de force que vous m’avez piqué, mon cher collègue, en me reprochant un manque d’ouverture d’esprit : je suis profondément opposé à l’euthanasie et au suicide assisté, pour des raisons que je pourrai peut-être développer tout à l'heure. C’est justement parce que je suis profondément opposé à ces façons expéditives de provoquer la mort que j’estime que, dans certains cas, somme toute relativement rares, la sédation profonde et continue est une bonne option en termes d’humanité.
Oui, au terme des travaux de la commission, nous affirmons notre opposition à l’euthanasie, au suicide assisté. Je regrette que vous vous livriez à des insinuations sur nos intentions.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je m’associe aux propos de M. le rapporteur. Je souligne en outre que l’Ordre des médecins est favorable à la rédaction actuelle du texte et défavorable à l’instauration d’une clause de conscience spécifique, pour les raisons qu’a indiquées Mme la ministre. Je rappelle également que le code de déontologie médicale permet à un médecin de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ; M. le rapporteur a donné tout à l'heure lecture de l’article contenant cette clause à caractère général.
L’article 3, tel qu’il a été récrit par la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit que la sédation profonde et continue est mise en œuvre « lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire à tout autre traitement, exprime la volonté d’éviter toute souffrance ». Si vous refusez cette rédaction, qui pourrait servir de base à une négociation en commission mixte paritaire, c’est le texte de l’Assemblée nationale qui sera retenu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote sur l'amendement n° 59 rectifié bis.
Mme Françoise Gatel. Nos débats montrent bien que le sujet est éminemment difficile. Nous nous exprimons en fonction de nos convictions, mais aussi de nos peurs. Il faut le dire : certains ont peur que ce texte ne soit le cheval de Troie d’une euthanasie déguisée.
Comme Gérard Roche, je ne suis pas favorable au suicide assisté, ni à l’euthanasie. Cependant, nous parlons ici des derniers jours, des dernières heures, des derniers instants de personnes en situation de souffrance extrême, qu’aucun traitement ne peut apaiser. Il s’agit de la fin de vie à très court terme. À cet égard, il ne peut y avoir de date limite de vie, car nul ne connaît le jour ni l’heure.
Nous devons nous faire mutuellement confiance. Hier, nous avons eu un débat extrêmement important. Je me ferai ici l’avocat de la commission des affaires sociales, dont le texte est d’une sobriété remarquable. En commission, avec tous ceux que nous avons auditionnés, quelle que soit leur religion ou leur profession, nous avons soulevé les mêmes questions, nous avons exprimé les mêmes angoisses et les mêmes convictions qu’aujourd'hui. Il s’agit d’accomplir ce que certains représentants de l’Église catholique ont appelé un devoir de fraternité à l’égard de personnes qui vont mourir à très brève échéance, en faisant en sorte qu’elles ne partent pas dans la souffrance.
Hier, nous avons débattu d’une question de la plus haute importance : le développement de la culture des soins palliatifs et la formation des médecins. Je souhaite de tout mon cœur que les craintes qu’éprouvent de nombreux médecins soient dans quelque temps complètement dissipées, parce qu’ils auront appris à appréhender la fin de vie.
Quant au droit pour le patient à bénéficier d’une sédation profonde et continue, j’appuie la position du président de la commission des affaires sociales et des rapporteurs : les souhaits exprimés par un malade en ce qui concerne l’accompagnement de ses derniers instants doivent être respectés. Je comprends les arguments relatifs à la conscience du médecin, mais des garanties sont offertes à cet égard par la procédure collégiale associant l’ensemble du corps médical et la famille. Dans ces conditions, il n’est pas possible qu’une personne se voie refuser le droit de vivre ses derniers moments de manière apaisée.
Mes chers collègues, je souhaite simplement que nous nous fassions confiance. Le Président de la République, pendant sa campagne électorale, a fait une promesse au sujet du suicide assisté et de l’euthanasie. Je n’ose imaginer que l’on voudrait avancer masqué dans cette voie, par le biais d’amendements à cette proposition de loi. Lorsque, hier soir, certains d’entre nous ont rappelé avec émotion le courage de Simone Veil et de Robert Badinter, j’ai déclaré qu’il ne pouvait être question de demander à une chambre démocratique de se prononcer à une heure et demie du matin, au détour de la discussion d’un amendement, sur une question étrangère au texte soumis à son examen.
Pour toutes ces raisons, je soutiens la position de la commission des affaires sociales, qui a accompli un travail difficile avec une grande conscience ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. La procédure accélérée n’ayant pas été engagée pour cette proposition de loi, il n’y a pas lieu, à ce stade, d’anticiper les positions de nos collègues députés en commission mixte paritaire. Du reste, il est fort heureux que, sur un sujet aussi grave, le Parlement puisse s’exprimer tout à fait librement, sans subir la moindre pression.
Au-delà des convictions et des engagements des uns et des autres, au-delà de l’approche parfois un peu théorique des problèmes, nous devons, mes chers collègues, tenir compte des réalités vécues. Dès lors que nous admettons tous que la sédation profonde ne peut être que le stade ultime dans la mise en œuvre des soins palliatifs, il faut considérer que nous parlons, surtout dans le cas d’une agonie, de patients subissant déjà un traitement antidouleur lourd, qui, la plupart du temps, provoque une altération plus ou moins forte de leur conscience et de leurs facultés d’expression. De fait, selon la définition qu’en donne le code de la santé publique, les soins palliatifs forment un continuum, sans changement de nature à un moment ou à un autre.
Pour qu’un patient se trouvant dans la situation que je viens de décrire puisse demander à faire valoir un droit à bénéficier d’une sédation profonde, il faudra à l’évidence qu’on l’ait au préalable informé de son état exact et de l’imminence de son décès, afin qu’il puisse exprimer son consentement de manière libre et éclairée. Tous les soignants ne souhaitent certainement pas se voir imposer de délivrer une telle information. Souvent, un patient en fin de vie, ayant déjà souffert précédemment avant d’aller mieux, espère voir sa souffrance s’apaiser et sa vie continuer.
Il y a là, à mon avis, un obstacle très important à l’inscription dans le texte du principe d’une sédation continue jusqu’au décès. Il faut pouvoir mettre en place la sédation profonde sans avoir eu préalablement à annoncer au malade que celle-ci durera jusqu’à sa mort. Du reste, ce sont les conditions dans lesquelles, dans le cadre des soins palliatifs, la sédation profonde est actuellement pratiquée.
Voilà pourquoi je considère, après avoir beaucoup hésité, qu’il convient de voter l’amendement n° 59 rectifié bis. Ses dispositions permettront à la sédation profonde d’être pratiquée le plus facilement, lorsque les raisons médicales d’y avoir recours seront réunies et sans qu’il ait été nécessaire d’annoncer une vérité pénible à un malade qui n’a peut-être pas envie de s’entendre dire que la sédation profonde sera irréversible et qu’il est arrivé à la dernière heure de sa vie. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Labazée. Qu’en savez-vous ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je suis abasourdi, admiratif à vrai dire, devant l’habileté que vient de déployer M. Bas, et qui me rappelle un certain art rhétorique associé au sophisme : la capacité à raisonner logiquement sur une base complètement erronée ! (M. Alain Gournac s’exclame.)
Vous laissez entendre, mon cher collègue, que le médecin serait obligé de révéler au malade qu’il est en fin de vie. Qu’est-ce qui l’y contraindrait, puisque c’est le malade lui-même qui demandera au médecin quel est son état de santé et s’il peut bénéficier ou non de la sédation profonde ? En réalité, vous vous efforcez, assez laborieusement, d’éviter que la proposition de loi ne soit adoptée dans sa rédaction actuelle ; il vous faut donc trouver des raisonnements, fussent-ils tout à fait byzantins, pour expliquer une position difficilement explicable ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Hyest. Acceptez qu’on ne soit pas d’accord avec vous !
M. Alain Gournac. Donneur de leçons !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. À mesure que le débat avance, nous voyons de plus en plus clairement dans quelle direction nous mène le texte de la commission, aux termes duquel le personnel soignant serait tenu, à la demande du patient, d’administrer à celui-ci une sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Quelle est donc la différence entre un tel dispositif et le suicide assisté ? Ne serait-il pas plus simple d’éviter les périphrases ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mes chers collègues, si le personnel soignant n’a aucune possibilité d’exercer son jugement, la loi lui faisant obligation de mettre en place la sédation profonde et continue dès lors que le patient l’aura demandé, c’est bien de suicide assisté qu’il s’agit ! Que l’on ait donc le courage de le dire !
M. le président de la commission des affaires sociales invoque souvent la position du Conseil national de l’Ordre des médecins. Or je pense que ce dernier s’est prononcé sur le texte initial de la proposition de loi présentée par MM. Claeys et Leonetti, et non sur celui, profondément différent, de l’Assemblée nationale.
Nous sommes tous d’accord pour que la sédation puisse être pratiquée, mais si le personnel soignant est obligé par la loi de l’administrer dès lors que le patient en fait la demande, il s’agit alors bien d’une forme de suicide assisté, ainsi que l’a souligné M. le président de la commission des lois : disons les choses simplement ! (MM. Dominique de Legge et Bernard Fournier applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Depuis hier, nos débats se déroulent dans le climat de sérénité qui convient au sujet dont nous traitons. Pour bien connaître le président de la commission des lois, je ne puis accepter que son raisonnement, fondé non pas sur l’habileté, mais sur le droit et la conviction, soit qualifié de byzantin ou de sophistique.
M. Alain Gournac. En effet, c’est scandaleux !
M. Bruno Retailleau. Quelles que soient nos convictions, nous pouvons, les uns et les autres, les soutenir avec des arguments forts, tout en nous respectant mutuellement et en nous abstenant d’abaisser des raisonnements avec lesquels nous sommes en désaccord. En l’occurrence, celui de Philippe Bas nous a beaucoup éclairés.
Il est évident que les situations de fin de vie sont lourdes de souffrance et de douleur. J’ai rappelé hier que Jankélévitch, disparu il y a trente ans presque jour pour jour, parlait de la mort comme d’un événement « inclassable », d’une « monstruosité solitaire ». Un tel sujet ne peut que susciter l’émotion, mais, en tant que législateurs, nous devons raisonner avec cœur et intelligence à la fois ; notre compassion doit être une compassion intelligente. (M. François Bonhomme opine.) En effet, il arrive parfois que la loi, en dépit de bonnes intentions, ouvre des portes que l’on ne souhaite pas voir ouvertes, et qu’elle enclenche des engrenages conduisant, au bout du compte, à des entorses à des principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés.
Si l’amendement n° 59 rectifié bis est important, c’est parce que, depuis le départ, nous sommes un certain nombre à penser que la loi Leonetti se suffisait à elle-même. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. La présente proposition de loi, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, n’est pas un prolongement ou une clarification de la loi du 22 avril 2005 ; elle marque une rupture.
Permettez-moi de vous donner lecture d’un passage du rapport rédigé par Jean Leonetti en avril 2013 :
« La sédation en phase terminale prévue par l’article L. 1110-5 du code de la santé publique vise à soulager le malade, en aucun cas à le faire mourir. Si l’on devait accepter cette double intentionnalité, soulager et accélérer la mort, le risque de confusion et de dérive existerait lors de la mise en place de toute sédation profonde en phase terminale. »
La loi Leonetti prévoit que l’on doit d’abord soulager, même si le soulagement peut conduire à la mort : c’est la notion de double effet. Avec cette proposition de loi, avons-nous affaire à une sédation terminale ou à une sédation visant à soulager la douleur ? C’est sur cette question que nos arguments s’opposent, comme il est parfaitement normal.
Les propos de Mme la ministre nous ont éclairés : il s’agit de créer un droit opposable. Nous savons bien ce que cela signifie, nous connaissons la dynamique des droits opposables : en l’espèce, instaurer un droit opposable reviendrait à ouvrir les portes à un cheval de Troie de l’euthanasie. C’est pourquoi il convient d’adopter l’amendement n° 59 rectifié bis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Il est assez malaisé de suivre l’évolution du débat quand on n’est pas membre de la commission des affaires sociales.
Depuis hier soir, j’ai l’impression que l’on fait un peu marche arrière.
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Dominique Gillot. Comme l’indique son intitulé, cette proposition de loi vise à créer de nouveaux droits en faveur des malades en fin de vie. On ne partait donc pas du principe que la loi Leonetti se suffirait à elle-même.
Mme la ministre nous a rappelé tout à l’heure le cadre fixé par le texte, selon deux axes fondamentaux : donner plus de cohérence aux pratiques palliatives et accorder au patient en fin de vie le droit de demander lui-même la sédation. Or les différents amendements de nos collègues visent à remettre l’exercice de ce droit dans les mains des médecins.
J’ai beaucoup de respect pour les médecins, en qui nos concitoyens ont une grande confiance. Cette confiance oblige les professionnels de santé à faire preuve de sollicitude et d’humanité à l’égard de leurs patients, y compris en accédant à leur volonté de bénéficier d’une sédation profonde et durable jusqu’à leur décès, pour éviter les affres et les souffrances de la mort.
Il faut en revenir à la réalité de ce texte et des droits nouveaux que nous devons accorder aux malades.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. N’appartenant pas non plus à la commission des affaires sociales et ne siégeant plus à la commission des lois, j’éprouve un peu la même difficulté que Mme Gillot à prendre position dans un débat qui s’est transformé en un dialogue entre ces deux commissions.
Certains ne veulent pas aller plus loin que la loi Leonetti. Cette nuit, nous avons eu un long débat, grave et serein, dont l’issue n’a pas été celle que nous souhaitions. Pour autant, je fais confiance à la commission des affaires sociales. Je crains qu’à trop vouloir sécuriser le dispositif, on ne finisse par détruire le travail complexe qu’elle a réalisé.
Nonobstant nos réserves sur l’économie générale du texte, nous soutiendrons, en l’occurrence, la position de la commission des affaires sociales, qui nous semble pragmatique et correspond à l’esprit de la proposition de loi, même si pour notre part nous aurions souhaité aller plus loin.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je rejoins les propos de Mme Bouchoux.
Concernant l’observation de M. Retailleau, si notre collègue Tourenne avait voulu polémiquer, la richesse de son vocabulaire lui aurait fait choisir d’autres termes, bien au-delà de la simple évocation d’un raisonnement byzantin ou d’un sophisme… Revenons plutôt à la sérénité.
J’ai le sentiment que l’on essaie de tourner le texte pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Comme la loi Leonetti, cette proposition de loi a pour objectif non pas de franchir une frontière, mais de proposer des réponses concrètes à la souffrance des malades en fin de vie, sur la base de compromis.
Comme l’a très bien dit Mme Gatel, le contexte de nos débats est posé par les dispositions de l’article que nous examinons : il s’agit, messieurs Retailleau et Bas, de patients atteints d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présentent une souffrance réfractaire à tout autre traitement. C’est à ces malades que vous voulez refuser de bénéficier d’une sédation profonde et continue qu’ils auraient eux-mêmes demandée ?
M. Philippe Bas. Non, vous ne m’avez pas écouté !
M. Gaëtan Gorce. C’est pourtant ce que vous expliquez, monsieur Bas. En adoptant cette position, vous semblez soupçonner votre commission, le Gouvernement et les sénateurs qui le soutiennent de vouloir introduire subrepticement une forme d’euthanasie. C’est une attaque autrement plus sérieuse que celle qui est imputée à M. Tourenne !
On peut vouloir se faire peur en permanence, mais le sujet, comme l’a dit très clairement Mme Gatel, est d’apporter une réponse concrète pour apaiser la souffrance d’une personne se trouvant dans la situation que je viens de décrire. Le reste n’est que sophismes… (M. Philippe Bas fait un signe de dénégation.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. M. Retailleau a fait référence à la position exprimée par Jean Leonetti en 2013. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de débattre avec Jean Leonetti des « insuffisances » – c’est son propre terme – de sa loi et de la difficulté, pour une partie du corps médical, de l’appliquer. Le 10 mars 2015, à l’Assemblée nationale, il a plaidé pour que la sédation profonde et continue puisse donner à certains malades la possibilité de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir, cette possibilité étant assortie d’une obligation de faire droit à la demande du patient afin de prévenir toute forme d’hypocrisie qui conduirait à ne pas respecter sa volonté et à ne pas appliquer la loi de la République.
Je m’étonne de l’argumentation de nos collègues, en particulier de celle de M. Bas : j’imagine mal des médecins réveiller des patients pour leur demander s’ils souhaitent la mise en place d’une sédation profonde et continue. Sur un sujet extrêmement grave, ces propos quelque peu caricaturaux ne sont pas à la hauteur de ce débat, qui mérite une autre tenue.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Nous sommes, pour la plupart d’entre nous, fermement opposés à l’euthanasie. Je respecte les opinions de chacun, mais certains propos révèlent une méconnaissance des réalités de la fin de vie.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. C’est exactement cela !
M. Gérard Roche. Sauf dans des situations de pathologie aiguë, par exemple en cas d’accident vasculaire cérébral massif, de trouble cardiaque avec une fibrillation irréversible ou d’hémorragie méningée extrêmement grave, un malade ne se retrouve pas en phase terminale du jour au lendemain. Le problème qui nous occupe se pose dans des cas de maladie chronique, telle que le cancer, au terme d’un long cheminement thérapeutique.
L’annonce au malade du diagnostic est pour lui une première épreuve. Ensuite viennent les soins, avec des phases d’espoir et des rechutes, la prise en charge dans des services spécialisés, l’intervention des réseaux de soins palliatifs et d’accompagnement médico-psycho-social à domicile, les RESOPAD. Le patient avance peu à peu vers la phase ultime de sa maladie : on ne lui demande pas du jour au lendemain s’il veut être aidé à mourir ! En réalité, c’est lorsque la fatigue du malade devient insupportable, au bout de mois de lutte contre le destin, que l’on est en droit de lui proposer de le soulager.
Par conséquent, tous les raisonnements logiques et recevables en théorie que j’ai entendus ne valent pas dans la pratique. Faisons confiance aux équipes médicales ! En écoutant certains propos, on a l’impression que les médecins font n’importe quoi, sont dépourvus de conscience et de moralité ! Les professionnels de santé ont l’expérience de ces situations. Nous devons nous appuyer, pour conduire notre réflexion, sur la réalité des choses. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur celles du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage entièrement les propos de Gérard Roche, même si nous n’arrivons pas tout à fait à la même conclusion, puisque j’étais, hier soir, de celles et ceux qui souhaitaient aller un peu plus loin que ce que proposait la commission. Quoi qu’il en soit, son intervention était empreinte d’humanité, conformément à l’esprit du texte.
Je regrette l’orientation prise par nos débats cet après-midi. Cette nuit, nous avons eu une discussion sereine, profonde et grave sur des sujets de société qui nous divisent souvent, mais peuvent parfois aussi nous rassembler. Le texte présenté par la commission, même s’il ne va pas assez loin de mon point de vue, peut nous permettre d’aboutir à un compromis, d’affirmer notre volonté d’accorder des droits nouveaux aux patients en fin de vie. Il ne s’agit en aucun cas d’instaurer une obligation, que ce soit pour les malades ou pour les médecins ; le code de déontologie est suffisamment clair sur ce point.
Je déplore donc que l’on en vienne à tenir des propos indignes d’un tel débat. J’ai l’impression que certains n’ont en fait pas envie de voter ce texte et attendent minuit et demi, pour qu’il ne soit plus temps de le faire. C’est dommage, car nos compatriotes attendent de nous que nous travaillions ensemble sur ce sujet grave et important pour élaborer, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, un texte de compromis. Au sein de notre groupe, nous ne sommes pas forcément les tenants du compromis, notre culture étant plutôt celle du combat. Néanmoins, en l’espèce, nous aurions pu nous rejoindre pour offrir des réponses concrètes aux souffrances des malades en fin de vie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Georges Labazée. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Il n’est pas anormal d’échanger des arguments. Sinon, à quoi bon débattre ?
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. André Trillard. Circulez, il n’y a rien à voir !
M. Jean-Jacques Hyest. Les propos de M. le président de la commission des lois me paraissent juridiquement exacts, quoi qu’en pensent certains.
Madame la ministre, c’est vous qui avez provoqué cette discussion en parlant de « droit opposable ». Qui refuserait que le patient ait le droit de demander à ne pas souffrir ? Nous sommes tous d’accord sur ce point, mais si l’on veut judiciariser la fin de vie en créant un droit opposable, on s’expose à des conséquences qu’illustre une affaire retentissante.
M. Michel Amiel, corapporteur. Il ne s’agit pas de la fin de vie !