M. Pierre Frogier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, comme l’ont fait les précédents intervenants, je tiens à saluer la présence dans nos tribunes de M. le président du congrès de la Nouvelle-Calédonie et de M. Roch Wamytan, qui, en 1998, alors qu’il présidait le FLNKS, a signé l’accord de Nouméa aux côtés de Jacques Lafleur et de Lionel Jospin.
À l’instar de chacun de ceux qui m’ont précédé, je veux saluer les travaux du comité des signataires de l’accord de Nouméa réuni le 5 juin à l’hôtel Matignon, et cela pour deux raisons : tout d’abord, parce qu’un compromis a été trouvé, à la fois, sur la définition du périmètre des électeurs appelés à participer à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté et aussi sur le lancinant contentieux du corps électoral des prochaines élections provinciales ; ensuite, parce que, à cette occasion, le Premier ministre nous a fait part de la feuille de route de l’État, dans la perspective de la consultation de sortie de l’accord de Nouméa.
Sur le premier point, monsieur le rapporteur, je me réjouis que, comme vous les y invitiez, nos collègues de la commission des lois aient adopté à l’unanimité les amendements du Gouvernement issus des travaux du comité des signataires. Nous avons ainsi pu réécrire le projet de loi délibéré en conseil des ministres le 8 avril dernier, car ce texte n’était pas satisfaisant, c’est le moins que l’on puisse dire !
Même si beaucoup reste à faire sur le corps électoral provincial, nous avons mis un terme à plusieurs années de malentendus, de vaines tensions, de crispations. Que de temps perdu et d’énergie dépensée vainement !
Je note, madame la ministre, que, en février 2014, je proposais de réunir en urgence ce comité pour traiter de ces questions. Cette demande était alors restée sans réponse…
Je constate, par ailleurs, qu’il a fallu la mobilisation, dans la rue, de milliers de nos concitoyens, à Nouméa, pour que le Gouvernement prenne, enfin, conscience de cette situation délétère dont le président de l’Assemblée nationale a été le témoin, puis l’interprète auprès du Premier ministre. Permettez-moi, aujourd’hui, de lui renouveler mes remerciements.
Sur ces sujets délicats – il s’agit de méthode, mais la méthode complique souvent la tâche lorsqu’elle n’est pas adaptée aux enjeux ! –, le Gouvernement s’est trop longtemps résigné à prendre acte soit des décisions de la Cour de cassation, soit des avis du Conseil d’État, au préjudice de la volonté politique fondatrice des accords. Par ricochet, les forces politiques locales se sont laissé entraîner dans des débats techniques devenus dangereux et qui les dépassaient.
Madame la ministre, en réunissant les signataires, sans les enfermer dans un relevé de conclusions écrit d’avance, le Gouvernement a rendu possible cette avancée inattendue. Je voterai donc ce projet de loi organique, tel que l’a amendé la commission des lois, parce qu’il est conforme aux conclusions du comité.
Dans le même temps, et de manière cohérente, le Premier ministre nous a enfin précisé la feuille de route que l’État entendait mettre en œuvre dans la perspective de cette consultation. Pour tout vous dire, c’est l’essentiel du message que je souhaite vous transmettre cet après-midi, mes chers collègues : de la technique, nous passons à la politique.
Je cite le Premier ministre :
« La consultation sur l’accession à la pleine souveraineté écartée en 1988, puis repoussée en 1998, se tiendra au plus tard en novembre 2018 en application de l’accord de Nouméa. La question qui sera posée sera très claire : pour l’accès à la pleine souveraineté, c’est-à-dire l’indépendance, ou contre, c’est-à-dire pour le maintien dans la République française. »
« Voilà la feuille de route de l’État. Il ne s’agit pas d’une position personnelle […] : c’est la stricte application de l’accord, auquel aucun Gouvernement ne peut déroger de manière unilatérale. […] À moins, bien sûr, qu’un nouveau consensus se dégage entre vous autour de l’idée d’un nouvel accord supposant une révision de la Constitution […] ».
Si cette intention, clairement affichée il y a trois semaines, écarte le soupçon et la méfiance qui, depuis trois ans, pesaient sur nos relations, elle exige désormais que chacun prenne ses responsabilités.
Il n’y a qu’une alternative : soit nous choisissons la voie du laisser-faire et de la facilité, et ce sera le scrutin d’autodétermination ; soit nous empruntons la voie du destin commun en devenir, par un dialogue apaisé et respectueux entre partenaires, et ce sera le consensus qui nous mènera vers un nouvel accord.
Ceux qui privilégient la voie du laisser-faire et de la facilité se rassurent en constatant le rapport de force électoral favorable au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, et ils crieront victoire au lendemain de la consultation.
Le paradoxe, c’est qu’ils sont convaincus que, le lendemain même de la consultation, les indépendantistes n’auront d’autre choix que de s’asseoir autour de la table pour négocier un nouvel accord. Se sont-ils seulement posé la question de savoir si les électeurs, qui se seront exprimés majoritairement pour l’appartenance à la République, admettront que de nouvelles négociations s’engagent avec les indépendantistes au lendemain d’une consultation gagnée ? La sanction sera tombée et le temps de la négociation sera passé.
Le camp du laisser-faire et de la facilité réunira, aussi, ceux des indépendantistes qui se réfugient, trop souvent, dans la lettre de l’accord, souvent par confort politique ou électoral, plutôt que de s’attacher à en faire vivre l’esprit. Ils contribueront à faire naître de faux espoirs, desquels naîtront de nouvelles frustrations au sein de leur jeunesse.
À l’inverse, la voie du destin commun en devenir, c’est le camp de la responsabilité. Il pourrait réunir ceux qui considèrent que nous n’avons pas signé les accords de Matignon et de Nouméa pour, trente ans plus tard, tout effacer d’un trait de plume et faire comme si rien ne s’était passé ; ceux qui considèrent que nous n’avons pas signé les accords de Matignon et de Nouméa pour rouvrir les vieilles blessures.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, c’est le camp que je choisis, car j’ai l’ambition qu’un nouveau consensus se dégage autour d’un nouvel accord, inscrit cette fois-ci dans la durée. C’est la solution la plus sage, parce que la plus conforme à l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa. Cette démarche devra s’engager, sans exclusive, sans préalable et elle devra s’étendre à l’ensemble des forces économiques, sociales et culturelles de la Nouvelle-Calédonie.
En ouvrant la voie à un nouvel accord, le Premier ministre nous a placés face à nos responsabilités. Nous ne pourrons pas y échapper, car le processus du référendum est illusoire quand il prétend trancher brutalement ce qui doit être apaisé par le débat. Le combat à mener, en faveur de la paix et du dialogue, est le plus redoutable, parce qu’il est d’abord livré contre soi-même et qu’il suppose que l’on soit capable d’avancer vers l’autre, de le comprendre, dans les deux camps d’ailleurs. C’est toute la noblesse de l’engagement politique auquel je crois.
Il ne nous reste donc qu’à trouver nous-mêmes les voies de la sagesse pour construire notre destin commun, c’est-à-dire notre citoyenneté calédonienne dans la nation française. Nous devons compter sur nos propres forces, nos propres ressources, notre propre capacité à inventer un avenir à nul autre pareil.
Monsieur le président du Sénat, madame la ministre, mes chers collègues, pour la renommée de la France dans le Pacifique, pour être au rendez-vous des espoirs nés de la signature des accords par Michel Rocard, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, pour saluer la détermination de Lionel Jospin à imposer en 1998 la solution consensuelle de l’accord de Nouméa, pour honorer le discours du président Sarkozy lors de sa visite officielle en Nouvelle-Calédonie en 2011, pour que l’esprit du dernier comité des signataires, présidé par Manuel Valls, ne soit pas un espoir sans lendemain, je vous appelle à œuvrer aux conditions du consensus entre les forces politiques, afin de rendre possible ce qui est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque Mmes Catherine Tasca, Sophie Joissains et moi-même nous sommes rendus l’année dernière en Nouvelle-Calédonie, au nom de la commission des lois, nous avons été saisis par quelque chose d’exceptionnel que vient d’évoquer à l’instant Pierre Frogier : cette capacité à trouver des accords, comme ceux de Matignon et de Nouméa, là où s’étaient produits des conflits si lourds, cette capacité à faire que les hommes et les femmes avancent ensemble.
Sans trahir ce que nous pensions, je dois avouer que nous étions un peu sceptiques quant à la possibilité d’arriver à un accord sur la question du corps électoral. Des accords pouvaient être trouvés sur de nombreux autres sujets, mais sur celui-ci, nous avions le sentiment que les discussions butaient, si bien que nous avions écrit : « Vos rapporteurs appellent à ne pas se résigner à un statu quo, mais à aboutir à une solution consensuelle dans l’intérêt de tous : organiser la consultation de manière transparente et sans contestation possible quant au résultat qui sortira des urnes. »
Je tenais donc à rappeler ici l’heureuse surprise que fut l’accord du 5 juin. Monsieur Frogier, vous avez bien fait de solliciter cette réunion. De même, il faut vous rendre hommage, madame la ministre, car vous avez largement contribué à ce succès, ainsi que M. le Premier ministre, bien sûr. Il faut surtout saluer les signataires, qui ont réussi à élargir le corps électoral de telle sorte que cet accord soit possible, que ce projet de loi puisse voir le jour et que nous ne nous sentions pas autorisés, aujourd’hui, par une sorte de respect, à ajouter ne serait-ce qu’une ligne à cet accord.
Cet accord est précieux parce qu’il permettra de respecter la Constitution qui prévoit cette consultation. Toutefois, il faut que nous soyons conscients que celle-ci doit permettre d’aller vers cette complémentarité, cette compréhension, tout ce qui fait que l’avenir de tous ceux qui vivent en Nouvelle-Calédonie est commun.
Je terminerai en précisant que ce n’est pas un hasard si Mme Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste et républicain ont déposé un amendement relatif à l’autorité de la concurrence, qui doit permettre de lutter contre la « vie chère ». Lors de notre déplacement en Nouvelle-Calédonie, nous avons été frappés par ce que nous ont dit les partenaires sociaux. À la page 55 de notre rapport, nous décrivions ainsi leur état d’esprit : « Pour les représentants de l’intersyndicale, [la] pression populaire a justement permis de faire avancer la question économique et sociale au sein d’une classe politique locale tournée essentiellement vers des débats institutionnels. Pour eux, les prochains affrontements ne seront pas autour de l’indépendance mais de la “ vie chère ”. »
Il est donc très important de traiter les questions institutionnelles, mais aussi de gérer au mieux la situation politique. Or celle-ci est indissociable de la situation sociale et de l’édiction, ici comme ailleurs dans les outre-mer, de règles et pratiques nouvelles visant à mettre fin à ces monopoles et à ces prix imposés qui entraînent des conditions de vie difficiles.
Vous avez parlé, madame la ministre, d’une proposition de loi organique nouvelle. J’espère qu’elle sera, grâce à votre aide, rapidement soumise à notre examen afin que nous puissions également répondre à cette autre importante question. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes toujours très impressionnés lorsque sont présents dans cet hémicycle, parmi nos collègues ou à la tribune du Sénat, des signataires de l’accord de Nouméa.
Je le dis souvent, on oublie quelque peu, au fil des années, combien a été difficile l’émergence de cet engagement – Pierre Frogier l’a rappelé –, qui a rassemblé tant de personnes afin de donner un avenir à la Nouvelle-Calédonie. Soyons humbles, car des hommes ont payé de leur vie pour que vive la Nouvelle-Calédonie !
Bien entendu, le législateur a eu plusieurs occasions de se pencher sur le problème du corps électoral. Je ne ferai pas d’archéologie législative, mais permettez-moi de rappeler, madame la ministre, mes chers collègues, la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, puis cette décision du Conseil constitutionnel qui nous avait si fortement perturbés.
Je ne suis pas certain, en effet, que le Conseil avait compris ce qu’était l’accord de Nouméa. Le Parlement avait même dû se réunir en congrès, afin de préciser en quoi consistait le corps électoral. Il faut s’en souvenir, car ces difficultés sont récurrentes.
L’importance et la spécificité de ce corps électoral, c’est la citoyenneté calédonienne, qui existe dans notre Constitution et n’est pas exclusive de la citoyenneté française. Et quand on lit le titre XIII de la Constitution, intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie », on se dit que l’on a créé une collectivité très spécifique.
Théoriquement, s’agissant du corps électoral, tout était simple. Pourtant, madame la ministre, il faut toujours se méfier de la jurisprudence, celle du Conseil constitutionnel comme celle de la Cour de cassation.
Selon moi, il convenait d’ouvrir davantage le corps électoral. En effet, on refusait à des personnes le droit de voter, alors qu’elles méritaient de l’avoir, en arguant de motifs fondés sur des questions de dates, ou que sais-je encore... Les apports complémentaires produits par le comité des signataires sont, à cet égard, extrêmement importants.
Numériquement, ce n’est certes pas très important, mais symboliquement, pour toutes les personnes concernées, c’est tout à fait fondamental, et il n’y a pas de raison de leur interdire de participer aux futurs scrutins.
Qu’il s’agisse de l’inscription automatique ou des commissions électorales, notamment, le système est selon moi équilibré. Toutefois, je n’évoquerai pas tous les aspects de ce texte sur lequel vous vous êtes engagée, madame la ministre, tout comme le Gouvernement.
Comme il est précisé dans l’excellent rapport rédigé par Philippe Bas, la commission des lois soutiendra ce texte. D’ailleurs, à chaque fois qu’on lui soumet un accord relatif à ces délicates questions, le Parlement peut s’honorer de le qualifier de bonne solution.
Cette solution, qui n’existait pas auparavant, a été trouvée – je tiens le dire – grâce à Pierre Frogier, mais aussi grâce à tous ceux qui ont participé, comme le président du congrès de Nouvelle-Calédonie, au comité extraordinaire des signataires de l’accord de Nouméa. Elle devrait permettre que la consultation électorale se déroule dans de bonnes conditions.
Ce qui m’a le plus impressionné dans ce débat, ce sont non pas les aspects techniques, mais la perspective de ce qui se passera demain. À cet égard, je remercie Pierre Frogier de sa hauteur de vue et de la manière dont il envisage l’avenir de cette Nouvelle-Calédonie que nous aimons tant. Cet avenir ne doit pas se traduire par l’échec des uns au profit des autres, car cela n’augurerait pas d’un avenir radieux pour cette belle collectivité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre – je suis heureux de vous revoir parmi nous –, monsieur le président du congrès de Nouvelle-Calédonie, monsieur le président du groupe UC-FLNKS et nationaliste du congrès de Nouvelle-Calédonie, mes chers collègues, je demeure très attaché à la Nouvelle-Calédonie.
C’est le cas, bien sûr, de par ma mission de parlementaire de la nation, qui plus est élu du Pacifique, mais aussi de par un passé personnel de plus de trente ans sur ce beau territoire, et, enfin, de par la forte communauté venue de Wallis et Futuna – elle est deux à trois fois plus nombreuse que celle qui habite dans les îles d’origine –, et qui y a trouvé une terre d’accueil, depuis parfois trois ou quatre générations. C’est dire si la Nouvelle-Calédonie est, pour les Wallisiens et Futuniens qui y vivent, une véritable terre d’adoption !
Il m’était donc impossible de ne pas prendre la parole aujourd’hui afin d’adresser à tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur origine, mon salut fraternel et affectueux, mais aussi afin de leur dire mon admiration pour le chemin parcouru depuis trente ans.
« Ce n’est pas possible, m’écrivez-vous : cela n’est pas français », répondit Napoléon au général Le Marois, qui lui annonçait qu’il ne pourrait tenir la ville de Magdebourg. Deux siècles après, on pourrait ajouter : impossible n’est pas calédonien. (Sourires.)
Après les événements dramatiques de 1984 et 1988, qui aurait parié sur la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ? Impossible, disait-on !
Il y a quelques mois, qui aurait parié sur la tournure heureuse prise lors du dernier comité des signataires ? Impossible, entendait-on partout ! Pourtant, l’unanimité a été trouvée, avec, comme idée centrale, le caractère essentiel de la date du 8 novembre 1998 pour l’application de la restriction du corps électoral.
La voie de la paix et du consensus est difficile, bien évidemment, mais elle est la seule possible. Personne ne veut voir le sang couler à nouveau, et chacun est conscient de la fragilité de l’édifice bâti, pierre à pierre, roc à roc, depuis vingt-cinq ans.
Je veux aujourd’hui apporter mon soutien total à la construction du destin commun de tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie. Tant de chemin parcouru me remplit d’espoir pour l’avenir, même si je ne suis pas naïf et si je suis pleinement conscient des tensions latentes qui demeurent et qui m’angoissent parfois quand viennent me hanter des images douloureuses du passé.
Néanmoins, il est tant d’hommes et de femmes de bonne volonté en Nouvelle-Calédonie que ce destin commun sera, j’en suis sûr, le cadre de l’avenir en construction sur cette terre merveilleuse. Il faut laisser les citoyens renforcer leurs liens et bâtir cette identité nouvelle et républicaine.
L’État doit, bien sûr, être là pour accompagner, dans l’impartialité qui doit toujours prévaloir à son action, les Calédoniens dans ce « grand œuvre ». Cependant, ce sont ces derniers qui doivent parfaire leur réconciliation et inventer leur destin commun, auquel, peu à peu, pourront s’agréger par la suite ceux qui sont arrivés après, qui ont choisi de vivre en Nouvelle-Calédonie et d’y faire souche.
La sortie de l’accord de Nouméa est évidemment un enjeu qui se rapproche et qui est tout à fait primordial. Là encore, je fais le pari que les Calédoniens trouveront la solution adéquate : peut-être le consensus pour renforcer la cohésion citoyenne et faire l’économie des tensions inutiles et dangereuses en concentrant les débats sur l’essentiel.
Voilà, en quelques mots, le message de confiance et d’espérance que je voulais adresser à tous nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, en formant le vœu personnel que le renforcement de la citoyenneté calédonienne soit un chemin vers l’attachement à la France, cette France qui montre, dans le processus qu’elle a encouragé, qu’elle est une grande nation démocratique. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close. Mes chers collègues, elle fut de haute tenue !
Je vais céder la présidence à M. Claude Bérit-Débat, car je dois me rendre, avec M. Jean-Pierre Sueur, à l’ambassade de Tunisie, afin de présenter les condoléances du Sénat après le drame qui vient de se dérouler dans ce pays.
Nous avons également une pensée, en cet instant, pour la victime des événements qui ont eu lieu, le même jour, dans l’Isère.
(M. Claude Bérit-Débat remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la nouvelle-calédonie à la pleine souveraineté
Chapitre Ier
Modification du titre V de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Article 1er
Le II de l’article 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° D’une personnalité qualifiée indépendante, sans voix délibérative, dont le profil, le rôle et les modalités de désignation sont fixés par décret, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie »
2° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « La commission » sont remplacés par les mots : « Le président de la commission » ;
3° Au dernier alinéa, les mots : « La commission est habilitée » sont remplacés par les mots : « Le président de la commission est habilité » ;
4° (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Chapitre II
Modification du titre IX de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Article 2
L’article 217 de la même loi est ainsi modifié :
1° Après la deuxième phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle doit être de six mois au moins postérieure à cette délibération. » ;
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si, lors de la deuxième consultation, la majorité des suffrages exprimés conclut à nouveau au rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une troisième consultation peut être organisée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas du présent article. Pour l’application de ces alinéas, le mot : “deuxième” est remplacé par le mot : “troisième” ». – (Adopté.)
Article 3
Après l’article 218 de la même loi, sont insérés des articles 218-1 et 218-2 ainsi rédigés :
« Art. 218-1. – Une commission consultative d’experts rend un avis, à la demande du président ou d’un membre de toute commission administrative spéciale prévue au II de l’article 189, sur les demandes d’inscription fondées sur la condition, liée au centre des intérêts matériels et moraux du demandeur, prévue au d et au e de l’article 218.
« Elle est présidée par un membre ou membre honoraire du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ou du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État.
« La commission est également constituée de représentants désignés par le haut-commissaire sur proposition des groupes politiques constitués au congrès de la Nouvelle-Calédonie, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
« Les règles de désignation, d’organisation et de fonctionnement de la commission consultative d’experts sont définies par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie ».
« Art. 218-2. – I. – La commission administrative spéciale inscrit sur la liste électorale spéciale prévue à l’article 219, à leur demande, les électeurs remplissant les conditions fixées à l’article 218.
« Chaque électeur produit, à l’appui de sa demande, tous les éléments de nature à prouver qu’il remplit ces conditions.
« L’électeur qui fait l’objet d’une radiation ou d’un refus d’inscription, ou dont l’inscription est contestée, est averti sans frais par le maire et peut présenter ses observations.
« II. – Sans préjudice du droit, pour les intéressés, de demander volontairement leur inscription, la commission administrative spéciale procède à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des électeurs :
« 1° Ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’accord de Nouméa, mentionnés au a de l’article 218 ;
« 2° Ayant ou ayant eu le statut civil coutumier relevant du d de l’article 218 ;
« 3° Nés en Nouvelle-Calédonie et présumés détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie mentionné au d de l’article 218, dès lors qu’ils satisfont l’une des conditions suivantes :
« a) ayant rempli les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998, ils sont inscrits sur la liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province au titre du a de l’article 188 ;
« b) ils sont inscrits sur la liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province au titre du b de l’article 188 ;
« c) ayant atteint l’âge de la majorité après le 31 octobre 1998, ils ont fait l’objet d’une inscription d’office sur la liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province en application du deuxième alinéa du III de l’article 189, au titre du c de l’article 188 ;
« 4° Mentionnés au h de l’article 218, dès lors que, nés à compter du 1er janvier 1989, ils ont fait l’objet d’une inscription d’office sur la liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province, et que l’un de leurs parents a été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998.
« III. – Sans préjudice du droit, pour les intéressés, de demander volontairement leur inscription, la commission administrative spéciale procède, en outre, à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture des listes électorales mentionnées à l’article L. 11 du code électoral et relevant de l’article 218.
« À cette fin, la commission administrative spéciale reçoit les informations mentionnées à l’article L. 17-1 du code électoral. Elle demande, s’il y a lieu, aux électeurs concernés de fournir les pièces justifiant qu’ils remplissent bien les conditions fixées à l’article 218.
« IV. – L'autorité municipale apporte son concours au recueil des renseignements et pièces utiles aux inscriptions. »
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l’article.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 3 crée deux nouveaux articles, les articles 218-1 et 218-2, visant à mettre en place une commission consultative d’experts chargée d’harmoniser le traitement des demandes d’inscription, particulièrement pour apprécier le « centre des intérêts matériels et moraux » et préciser les conditions d’élaboration de la liste électorale spéciale propre à la consultation.
Sa nouvelle rédaction, après l’examen du projet de loi organique en commission et l’adoption des amendements du Gouvernement, traduit fidèlement l’accord intervenu lors de la réunion exceptionnelle du comité des signataires, le 5 juin 2015. Il n’y a donc pas lieu d’épiloguer sur le contenu de ces dispositions.
Cependant, concernant la composition de la commission consultative d’experts, je rappelle que le comité extraordinaire des signataires est parvenu à un accord sur deux points.
En premier lieu, le décret en Conseil d’État sur l’organisation et le fonctionnement de cette commission devra être soumis à l’avis, non seulement du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, comme l’impose l’article 133 de la loi organique, mais aussi du congrès de la Nouvelle-Calédonie.
En second lieu, le comité des signataires a exprimé le souhait que la participation ou l’association des forces politiques indépendantistes et non indépendantistes à cette commission consultative soit paritaire.
L’alinéa 4 de l’article 3 du projet de loi organique a été modifié en conséquence, afin de prévoir que la commission sera également composée de représentants désignés par le Haut-commissaire, sur proposition des groupes politiques constitués au congrès de la Nouvelle-Calédonie, mais sans mentionner explicitement le caractère paritaire de la commission.
Le règlement intérieur du congrès de Nouvelle-Calédonie fixe le nombre minimal d’élus à six pour constituer un groupe. Actuellement, cinq groupes politiques sont constitués au congrès.
Pour que les choses soient claires et pour m’inscrire dans l’esprit du relevé des conclusions du dernier comité des signataires, je tiens ici à rappeler que la procédure de désignation des représentants des groupes politiques du congrès devra concrètement, et conformément aux demandes des partenaires calédoniens, garantir une représentation paritaire entre la sensibilité indépendantiste et la sensibilité non indépendantiste.
Ces précisions sont nécessaires, car nous savons ici qu’une lecture rigoriste de l’accord de Nouméa et de la loi organique statutaire qui en est la traduction juridique présente toujours le risque de passer à côté des réalités politiques. Ainsi, nous espérons que ce risque sera éliminé.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L’article 219 de la même loi est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du I est ainsi rédigée :
« Cette liste est dressée à partir, notamment, de la liste électorale en vigueur, de la liste pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province, de la liste électorale spéciale établie pour la consultation du 8 novembre 1998 et du fichier des personnes relevant du statut civil coutumier prévu par le titre Ier. » ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Sont applicables à la consultation le II de l’article 189 et, dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de la loi organique n° … du … relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, les dispositions suivantes du titre Ier du livre Ier du code électoral :
« - le chapitre Ier ;
« - le chapitre II, à l’exception des articles L. 11 à L. 16, des deuxième à dernier alinéas de l’article L. 17, des articles L. 23, L. 37 et L. 40 ;
« - le chapitre V ;
« - le chapitre VI, à l’exception des articles L. 56, L. 57, L. 57-1, L. 58, L. 66 et L. 85-1 ;
« - le chapitre VII ;
« - le chapitre VIII, à l’exception des articles L. 118-2 et L. 118-4.
« Pour l’application de l’article L. 18 du code électoral :
a) Au premier alinéa, les mots : « chargée de la révision » sont remplacés par les mots : « chargée de l’établissement et de la révision » ;
b) Le second alinéa est supprimé.
2° bis Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – La liste électorale spéciale prévue au I est permanente. Elle fait l’objet d’une révision annuelle dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« L’année du scrutin, une période de révision complémentaire de la liste électorale en vigueur et de la liste électorale spéciale à la consultation peut être fixée par décret.
« Lorsque les électeurs sont convoqués pour le scrutin, sont inscrites sur la liste électorale spéciale, dans les conditions prévues à l’article 218-2, les personnes qui remplissent la condition d’âge entre la dernière clôture définitive de la liste et la date du scrutin.
« Sans préjudice des deuxième et troisième alinéas du présent III, le scrutin se fait, pendant toute l’année qui suit la clôture de la liste, sur la base de la liste ayant fait l’objet de la révision annuelle prévue par le premier alinéa du même III.
« L’institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie tient, dans les conditions prévues au VII de l’article 189, le fichier des électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale prévue au I. » ;
3° (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
L’article 221 de la même loi est complété par les mots : « autres que celles fixées par les décrets prévus au dernier alinéa de l’article 218-1 et au II bis de l’article 219 ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Tasca, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 27-1 de la même loi, les mots : « tout autre emploi public » sont supprimés.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. J’exposerai cet amendement brièvement, d’autant que la commission des lois a déjà expliqué à deux reprises qu’elle y était opposée. Permettez-moi simplement de rappeler dans quel esprit j’ai déposé cet amendement.
En novembre 2013, nous avons adopté à l’unanimité un texte permettant à la Nouvelle-Calédonie d’instituer des autorités administratives indépendantes, avec pour objectif premier de mettre en place une autorité de la concurrence destinée à lutter contre le problème des pratiques anticoncurrentielles, donc la vie chère, qui se pose avec acuité ou, tout au moins, qui s’est posé avec acuité à certains moments. Il y avait donc une attente très grande en 2013.
Or l’installation de cette instance, dont la création était réclamée par tous et qui a été adoptée à l’unanimité par le Parlement, je le répète, n’a pas pu se réaliser, en raison d’une disposition qui rend incompatible la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante avec un emploi public.
Il s’agit donc de remédier à cette situation de blocage. C’est pourquoi je tenais à saisir l’occasion de ce débat pour insister sur l’urgence à œuvrer en la matière.
Tout récemment encore, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, M. Philippe Germain, a précisé qu’il prorogeait les dispositions lui permettant de prendre un certain nombre de mesures de nature à lutter contre la vie chère. Depuis 2013, le problème demeure ; il est d’une actualité criante. Aussi, il importe de prendre très rapidement une initiative, au travers d’un texte organique, afin de rendre applicable une loi qui, je le rappelle, a été adoptée à l’unanimité par le Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?