PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le Premier ministre, en déplacement à l’étranger.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
Je rappelle également que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je demande à chaque intervenant de bien respecter son temps de parole. Il se préparera ainsi à ce qui sera instauré à compter du 1er octobre prochain.
réforme du code du travail
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe CRC.
M. Dominique Watrin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Vous avez annoncé une loi refondant complètement le code du travail, notamment après la remise du rapport Combrexelle. Il faudrait flexibiliser encore plus les rapports entre salariés et employeurs, effacer la loi devant la négociation entre des parties pourtant par essence inégales.
Ce discours n’est pas nouveau. Il est celui de la droite et du patronat depuis quarante ans. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) La France serait malade de la rigidité de son code du travail, ce qui expliquerait tous ses maux.
Faut-il, comme en Allemagne, permettre aux employeurs de payer des salaires de 400 euros par mois ou de 1 euro par jour aux chômeurs de longue durée ? Le résultat a bien sûr été la réduction du chômage, mais à quel prix ? On compte 12,5 millions de travailleurs pauvres, soit plus d’un travailleur sur cinq ! Au Royaume-Uni, la voie est la même.
Les salariés ont du travail, certes, mais leurs salaires sont insuffisants pour vivre dignement.
Monsieur le Premier ministre, si le code du travail est illisible, trop lourd, pourquoi ne pas le simplifier en assurant en premier lieu l’égalité de traitement entre salariés, quelles que soient la taille de l’entreprise ou la présence syndicale ? Dans un tel système, les accords de branche et d’entreprise ne pourraient qu’apporter du mieux-disant social. Mais vous voulez faire exactement l’inverse.
J’insiste sur un point : certains évoquent l’épaisseur du code du travail pour justifier leur décision. J’ai vérifié, il comporte 1 795 pages ! Dès lors, que dire du code de commerce, celui des entreprises, qui est un beau bébé de 2 750 pages, que personne ne songe à faire mincir ?
Notre inquiétude est donc totale quant à ces annonces et au projet qui nous sera présenté cet hiver. Le bruit de fond de cette campagne médiatique, c’est celui du MEDEF, qui sortira seul gagnant d’une telle réforme. (M. Jean-Pierre Bosino opine.) Vos dénégations ne nous trompent pas et l’ensemble de l’action de votre gouvernement nous incite à ne pas vous croire.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi, alors que vos choix et projets, tels que le pacte de compétitivité, créent du chômage, vous acharnez-vous dans cette voie sans issue ?
Vous êtes sensible aux voix des entrepreneurs, mais pourquoi n’entendez-vous pas ceux qui, à gauche, proposent une alternative au libéralisme ?
Monsieur le Premier ministre, allez-vous renoncer une fois pour toutes à sacrifier les droits des salariés sur l’autel des intérêts patronaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Watrin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre du travail, Myriam El Khomri, qui m’a chargé de répondre à vos interrogations quant à la réforme du droit du travail envisagé par le Gouvernement. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le code du travail, vous le savez, est là pour protéger les salariés. Nous avons aussi la responsabilité d’assurer l’efficacité de notre économie, de lutter contre le chômage et, dans l’intérêt même des salariés, les entreprises doivent pouvoir s’adapter aux évolutions de leur environnement. Pour ce faire, elles ont besoin qu’on leur donne la possibilité, en accord avec leurs salariés, monsieur le sénateur, d’adapter les règles au plus près du terrain. Il faut donc redonner de la souplesse, comme le préconise le rapport Combrexelle, en privilégiant la négociation collective. Il s’agit de faire davantage confiance aux salariés pour apporter des solutions concrètes. Le but, ce n’est pas moins de garanties, mais des règles capables d’être adaptées aux besoins du terrain, dans l’intérêt même de l’entreprise et des salariés.
Aussi, vous le savez, la loi continuera de garantir les mêmes droits pour tous et d’apporter les mêmes garanties essentielles. Il n’y aura pas de moins-disant pour les salariés. En matière de salaire, le SMIC sera maintenu,…
Mme Éliane Assassi. Heureusement !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … ainsi que les salaires minimaux fixés par branche.
Il n’est pas question de remettre en cause la durée légale du travail, les 35 heures. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le Président de la République et le Premier ministre ont été très clairs, je le réaffirme devant vous, le CDI sera préservé. Nous ne céderons pas en la matière. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
En outre, réduire la complexité du droit, ce sera un plus pour les salariés. Car, quand le droit est trop complexe, il n’est pas connu, il ne protège en réalité plus personne. Les organisations syndicales le reconnaissent aussi.
Enfin, la réforme sera bien sûr menée en concertation étroite avec tous les acteurs sociaux. Elle se fera dans le dialogue. Quant à son calendrier, le Président de la République a annoncé, lors de la remise du rapport Combrexelle, que le Gouvernement entendait légiférer avant l’été 2016. Ce rapport sera une base importante pour cette réflexion, mais c’est évidemment avec les partenaires sociaux que nous établirons une discussion. Mme la ministre du travail recevra bien évidemment chacune des organisations syndicales et patronales représentatives et écoutera toutes leurs propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.
M. David Assouline. Mes chers collègues, nous nous opposons souvent, et légitimement, au cours de nos débats, car la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
D’autres fois, nous sommes interpellés sur les fondements de notre identité collective, sur les valeurs qui fondent nos engagements, qui fondent la République.
Tel a été le cas après les attentats visant la liberté d’expression et la fraternité : nous avons répondu par le 11 janvier, notre peuple était à la hauteur, ses dirigeants aussi, alors que nous étions frappés au cœur. Pas de haine, la foule de la fraternité, complice et responsable, battait le pavé.
Aujourd’hui, les victimes directes ou indirectes des mêmes assassins et de ceux qui les ont enfantés fuient en masse leur pays et cherchent refuge en Europe. Là encore, des centaines de villes solidaires, des associations, des milliers de citoyens prennent des initiatives pour tendre la main.
La dignité humaine se trouve là. Malheureusement, les yeux souvent rivés vers ce qui leur paraît être leurs intérêts électoraux immédiats, certains préfèrent parler vulgairement de « fuite d’eau ». Ils arrivent à comprendre ceux qui s’exilent pour échapper au fisc, mais ne réussissent pas à comprendre pourquoi d’autres s’exilent pour échapper à la mort et aux persécutions. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Certains trient selon les religions des uns et des autres, alimentent les peurs que cette instabilité engendre inévitablement, montent les pauvres les uns contre les autres…
M. François Grosdidier. C’était bien au début, mais là, ça dérape !
M. David Assouline. … ou parlent d’invasion barbare. Là où notre honneur est d’en appeler à ce qu’il y a de meilleur au plus profond de chacun et de notre peuple, certains cherchent à aviver tout ce qui existe de plus égoïste et malsain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui montrez chaque jour que votre fonction première, à savoir assurer la protection de nos concitoyens et rassurer par la plus grande maîtrise de la situation, peut se conjuguer parfaitement avec cette valeur essentielle de notre République qu’est la fraternité, dites-nous, dans l’esprit de tous ceux qui ont honoré cet hémicycle – je pense à Victor Hugo, qui fut lui-même contraint à l’exil politique –,…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la même chose !
M. David Assouline. … ce que la France fait pour être là où elle est attendue par le monde…
M. le président. Il faut conclure.
M. David Assouline. … et ce que vous faites pour encourager ce formidable élan de nos communes et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Assouline, vous soulignez à l’instant l’étendue d’un drame humanitaire que nous voyons se déployer sous nos yeux depuis maintenant plusieurs semaines. Des femmes, des enfants, des populations en situation de vulnérabilité se retrouvent entre les mains de passeurs, parce qu’ils sont persécutés dans leur pays. Ils prennent le chemin de l’exode, arrivent en Europe afin de pouvoir continuer à vivre. Ceux qui franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne, notamment en Grèce, sont les persécutés de Daech, du califat de la haine et du régime de Bachar al-Assad. Quel est notre devoir, quelle est notre stratégie ?
Notre devoir, c’est, conformément à ce qu’est la France, au message multiséculaire qu’elle a appris à tenir aux peuples du monde, d’accueillir ceux qui sont persécutés, de le faire dans une solidarité européenne renforcée. Pour cela, nous nous sommes engagés au plan national, à travers la loi sur l’asile, qui permet de réduire considérablement la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile de 24 mois à 9 mois, en créant 18 500 places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, ou CADA, au cours du quinquennat, en donnant des moyens supplémentaires aux administrations en charge de l’accueil des demandeurs d’asile, afin de pouvoir atteindre l’objectif de la réduction des délais, je pense notamment à l’OFPRA et à l’OFII.
Avec Sylvia Pinel, nous avons présenté un plan de création de 11 000 places supplémentaires d’accueil dans le logement de droit commun, pour sortir les réfugiés des CADA ou des centres d’hébergement d’urgence. Nous avons également augmenté le nombre de places en CADA et créé des places en hébergement d’urgence, à hauteur de 1 500.
Je n’oublie pas la dimension européenne, qui doit permettre de conjuguer humanité et fermeté. Il s’agit d’abord de créer les conditions du mécanisme de répartition des réfugiés entre les différents pays de l’Union européenne. Cela a été une proposition française, elle a été reprise par la Commission. Nous devons aboutir à une solution au conseil des ministres « Justice et Affaires intérieures » qui se tiendra mardi prochain.
Il convient ensuite de mettre en place de véritables actions de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, permettant d’identifier les réfugiés et de procéder à la reconduite à la frontière de ceux qui ne relèvent pas du statut de réfugié en Europe. En effet, s’il n’y a pas de fermeté et de responsabilité là où il y a de la générosité, l’accueil des réfugiés n’est pas soutenable.
Je voudrais conclure en disant que, sur cette question des migrations, face à des drames humanitaires comme ceux auxquels nous sommes confrontés, il y a parfois beaucoup d’approximations, beaucoup d’imprécisions, beaucoup de manipulations. Je forme le vœu que, dans cet hémicycle,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … – nous avons essayé de le faire hier – nous puissions nous rassembler. En effet, lorsque l’essentiel est en cause, il faut être capable de dire ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Guillaume Arnell applaudissent également.)
maltraitance et repérage des violences chez l'enfant
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe de l'UDI-UC.
M. Olivier Cadic. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales.
La semaine dernière, la France a découvert le calvaire du petit Bastien, âgé de trois ans. Son père l’a tué en l’enfermant dans un lave-linge, qu’il a mis en marche. Quand ce père a téléphoné aux pompiers, il leur a dit qu’il avait « un petit souci ».
S’il avait un petit souci, nous avons, nous tous, collectivement, un gros problème avec la maltraitance. Voilà deux ans, un colloque national sur les violences faites aux enfants s’est tenu au Sénat. Il a donné lieu à un rapport, qui a été présenté à Mme la ministre Marisol Touraine. Ce document indique qu’« il manque encore en France un outil statistique national pour mesurer l’ampleur du problème du danger et de la maltraitance ».
Depuis cette publication, on estime que 1 500 enfants sont morts en France sous les coups de parents bourreaux. Il y en aura deux de plus ce soir, et deux autres demain... À l’échelle du quinquennat, nous parlons d’une hécatombe équivalant à celle du 11 septembre.
Si deux enfants meurent chaque jour en France de mauvais traitements, ils sont deux par semaine au Royaume-Uni. Là-bas, des acteurs sociaux et la justice sont tenus d’intervenir à la première alerte. Des mesures de sauvegarde sont prises au moindre soupçon. (M. Didier Guillaume s’exclame.) Compte tenu des observations de nos services sociaux, outre-Manche, ils auraient été tenus de retirer Bastien de la garde de ses parents. Le système français a failli.
Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a réclamé au Président de la République de faire de la lutte contre la maltraitance une cause nationale.
Madame la ministre, voilà quelques jours, la photo du petit Aylan, trouvé mort sur une plage turque, a ému la communauté internationale s’agissant du sort des migrants.
À Melun, la juge a fait projeter aux jurés les photos du corps martyrisé du petit Bastien. Faut-il publier ces photos pour obtenir un sursaut des pouvoirs publics ?
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer si vous allez enfin mettre en place un outil statistique de suivi de la maltraitance ? Pourriez-vous nous préciser les mesures que vous envisagez de prendre pour mieux prévenir et combattre la maltraitance en France ? Allez-vous en faire une priorité nationale ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur Olivier Cadic, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir posé cette question et parlé devant la Haute Assemblée du petit Bastien : ce qu’il a subi mérite que nous prononcions son prénom aujourd'hui.
Bien entendu, lorsqu’un drame d’une telle nature survient, on se pose forcément la question : comment est-ce possible ? Comment est-il possible, pas seulement que des parents assassinent leurs enfants – malheureusement, nous savons que cela existe –, mais que les services sociaux, qui suivaient pourtant cette famille, n’aient pas pu prévenir ce qui est arrivé ?
Toutefois, avant d’évoquer les dysfonctionnements, j’aimerais rappeler un certain nombre d’éléments. La protection de l’enfance protège 300 000 enfants chaque année ; elle sauve des enfants tous les jours. Je veux aussi saluer l’action des travailleurs sociaux et les politiques publiques qui sont menées dans notre pays, en particulier par les départements ; nous devons en être fiers.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Il peut, certes, y avoir des erreurs de diagnostic, mais c’est malheureusement le cas dans toutes les professions.
Vous me demandez quand nous allons faire de la protection de l’enfance une priorité. Mais c’est déjà le cas, monsieur le sénateur ! Et, d’un certain point de vue, c’est aussi grâce au Sénat. Nous avons engagé l’an dernier une réforme des textes en vigueur, mais aussi des pratiques des professionnels – car on ne change pas les pratiques uniquement par la loi –, sur la base des travaux parlementaires de Mmes Muguette Dini, alors sénatrice de l’UDI-UC, et Michelle Meunier, sénatrice socialiste.
Pour ma part, depuis un an, j’ai procédé à des concertations et rencontré l’ensemble des acteurs concernés : professionnels, anciens enfants de l’Aide sociale à l’enfance, l’ASE, parents d’enfants placés, magistrats, travailleurs sociaux…
La proposition de loi, qui est la grande réforme de la protection de l’enfance – d’un certain point de vue, on pourrait parler d’« acte II », depuis la réforme engagée par Philippe Bas –, sera adoptée par le Sénat. Une feuille de route avec 100 actions a été présentée à l’ensemble des professions. Le repérage précoce, le suivi et la prévention de la répétition de la maltraitance sont au cœur de nos priorités.
Je suis convaincue que la réforme aboutira. Je ne l’ai pas conduite seule et d’en haut. Je l’ai conçue sur la base du travail effectué par les parlementaires, et avec l’ensemble des professionnels. Grâce à cette méthode, nous allons réussir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
blocage de l'autoroute a1
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Legendre. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Nous avons tous été émus par le drame qui s’est produit à la fin du mois d’août dans un camp de gens du voyage à Roye, dans la Somme, et qui a coûté la vie à trois personnes de cette communauté, abattues par un forcené, et à un gendarme qui tentait de s’interposer.
Mais l’émotion ne peut pas excuser les incidents qui ont suivi, à l’occasion de l’enterrement des victimes.
Parce que la justice n’avait pas autorisé deux parents des victimes, condamnés à de la prison, à assister aux obsèques, des membres de cette communauté ont coupé le 28 août l’autoroute A1, Paris-Lille, dans les deux sens, causant d’importants dégâts à la chaussée et provoquant cinquante kilomètres de bouchons sur l’A1, l’A16 et l’A29, pendant des heures en cette soirée de grand retour de vacances.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. François Grosdidier. Il n’y a plus d’État !
M. Jacques Legendre. Sur ordre du préfet, la gendarmerie n’est pas intervenue et n’a procédé à aucune interpellation. Quant à la cour d’appel, elle s’est réunie en urgence pour revenir sur la décision du juge de l’application des peines et autoriser les personnes incarcérées à assister aux obsèques.
Voilà qui soulève bien des questions. Pourquoi la justice a-t-elle refusé ce qu’elle a ensuite accepté en urgence ? Pourquoi les forces de l’ordre ne sont-elles pas intervenues alors qu’il y avait un trouble manifeste à l’ordre public ? (M. André Reichardt opine.) Quel est le coût de cette affaire ? Qui va payer les travaux de remise en état de l’autoroute ? Qui va compenser les pertes de recettes subies par la société concessionnaire ?
M. le Président de la République, interrogé à ce sujet, s’est déclaré « profondément désolé » pour les désagréments causés…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est léger !
M. Jacques Legendre. … et a déclaré ne pas vouloir mettre en danger les forces de l’ordre. Nous le comprenons bien. Mais cet aveu de faiblesse est tout de même très inquiétant. Il rappelle la choquante mansuétude dont bénéficient les zadistes de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique, où plus de 200 exactions ont été commises, y compris à la fin du mois d’août, contre des gendarmes, sans véritable réaction des autorités.
M. le président. Posez votre question.
M. Jacques Legendre. Que dire aussi de la situation à Calais le 2 septembre, quand, à l’entrée du tunnel sous la Manche, un Eurostar avec 704 passagers à bord est resté bloqué de vingt et une heures trente à dix heures trente le lendemain matin, à cause de la présence de migrants sur les voies ?
Monsieur le ministre, quand l’autorité recule devant les violents, c’est la République qui s’affaiblit. Défendre le République, c’est d’abord faire appliquer la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous êtes un excellent commentateur d’une situation que vous et vos amis avez contribué à créer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est honteux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas digne !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand on a supprimé pendant cinq ans quinze unités de forces mobiles et 13 000 agents, dont 7 000 dans la gendarmerie et 6 000 dans la police (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.), quand on s’est employé, avec une méticulosité absolue, à affaiblir les forces de l’ordre, on s’abstient de donner de leçons ! (Mêmes mouvements.)
Pour notre part, nous devons gérer des situations difficiles, et nous mobilisons les forces de l’ordre du jour pour y faire face ; voilà la réalité ! (Mêmes mouvements.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas acceptable !
M. Ladislas Poniatowski. C’est une honte !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. En outre, monsieur le sénateur, vous n’étiez pas présent sur place le soir où s’est produit ce drame. Moi si ! J’étais à l’hôpital d’Amiens, aux côtés des gendarmes, qui avaient perdu l’un des leurs. (M. Ladislas Poniatowski s’exclame.) J’ai vu l’émotion parmi les forces de gendarmerie. J’ai également vu le climat d’extrême tension qui existait alors. Il est des moments où il est de la responsabilité de l’État de ne pas ajouter des morts aux morts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud et M. Jean-Vincent Placé applaudissent également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans une situation de ce type, il faut faire en sorte d’être dans la responsabilité, et non dans l’exploitation politicienne avec des arguments populistes comme ceux que vous venez d’utiliser ! (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également de nouveau. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin – et je vous le dis très franchement, monsieur le sénateur –, laisser croire qu’il pourrait y avoir une quelconque faiblesse de l’État sur ce sujet (M. François Grosdidier s’exclame.) alors même que les enquêtes ont été enclenchées au lendemain de l’événement et qu’elles se poursuivent afin de rattraper et de punir le plus sévèrement possible les auteurs de tels actes, c’est aussi alimenter un populisme qui ne fait pas de bien à la République ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.
M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Dans les territoires ruraux, dont le Gers, que j’ai l’honneur de représenter de nouveau au sein de notre Haute Assemblée, nos concitoyens ressentent qu’ils sont les oubliés des politiques d’aménagement du territoire depuis des dizaines d’années.
M. Jackie Pierre. Mais non !
M. Raymond Vall. Il faut bien l’avouer, certains responsables politiques ont entretenu ce sentiment en ne prenant pas en compte les spécificités rurales dans l’élaboration des dernières lois. Je pense à la loi MAPTAM et à la loi NOTRe, dont certains articles étaient inapplicables dans la ruralité.
Aujourd’hui, – enfin ! –, la ruralité est une priorité affichée du Président de la République et du Gouvernement. (Non ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Il y a une prise de conscience de ce que ces territoires représentent aussi pour la France : une source de développement économique, des ressources énergétiques, y compris dans les énergies renouvelables, des gisements d’innovation et une agriculture indispensable.
Dans le Gers, le 29 juillet dernier, le Premier ministre a confirmé sa volonté de prendre en compte les handicaps de la spécificité rurale, tels que l’enclavement, l’absence d’infrastructures, la disparition des services publics, la désertification médicale. Et le dernier comité interministériel dédié à la ruralité, qui s’est tenu à Vesoul au début de cette semaine, a confirmé et précisé un certain nombre de mesures en faveur de ces territoires.
Un sénateur du groupe Les Républicains. On est sauvés !
M. Raymond Vall. Je pense notamment au soutien à l’investissement de nos collectivités, durement touchées par la baisse de leurs dotations, mais aussi au nécessaire renforcement de la présence des services publics de proximité.
M. Alain Vasselle. Vous enfoncez des portes ouvertes !
M. Raymond Vall. Les habitants des territoires ruraux attendent la reconnaissance du principe d’égalité républicaine. Il ne pourrait y avoir de citoyens de seconde classe dans notre République.
Merci de nous faire part des moyens que le Gouvernement entend mettre rapidement en œuvre pour redonner espoir à ces territoires ruraux et à ceux qui y vivent, et pour remotiver les élus locaux, en particulier les maires, qui assument une mission républicaine irremplaçable pour nos concitoyens sur ces territoires ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur Raymond Vall, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter chaleureusement de votre élection récente dans le Gers.
Je suis heureuse de vous retrouver dans cet hémicycle. Je sais combien vous êtes attaché au développement des territoires ruraux. Vous avez rappelé leur spécificité. Surtout, vous avez évoqué les moyens de répondre aux attentes des élus locaux et de leurs habitants.
Je peux vous l’assurer, le Gouvernement partage votre volonté d’accompagner l’ensemble des territoires, en particulier les territoires ruraux.