Sommaire
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
Secrétaires :
M. Christian Cambon, Mme Catherine Tasca.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Demande d’avis sur un projet de nomination
5. Communication du Conseil constitutionnel
6. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 647 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1057 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 872 rectifié bis de M. Michel Amiel. – Adoption.
Amendement n° 713 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 1058 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1185 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 8 bis A
Amendement n° 715 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 839 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
7. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Dominique Watrin, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
MM. David Assouline, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
maltraitance et repérage des violences chez l'enfant
M. Olivier Cadic, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie
MM. Jacques Legendre, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
M. Raymond Vall, Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité
rôle de la france dans l'évolution des politiques agricoles
MM. Joël Labbé, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
politique fiscale : baisse de l’impôt sur le revenu
MM. Vincent Eblé, Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
MM. Jean-Pierre Grand, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
comité interministériel aux ruralités
Mmes Frédérique Espagnac, Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité
vice-président délégué au sein des exécutifs régionaux
MM. François Commeinhes, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
MM. Stéphane Ravier, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
8. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 189 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 9 bis
Articles additionnels avant l’article 10
Amendements identiques nos 656 rectifié bis de M. Jean-François Husson et 844 rectifié bis de Mme Leila Aïchi. – Non soutenus.
Amendement n° 851 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Retrait.
Amendement n° 852 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Rejet.
Amendement n° 606 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Rejet.
Amendement n° 93 rectifié de M. François Commeinhes. – Retrait.
Amendement n° 850 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 10
Amendement n° 849 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Retrait.
Amendement n° 845 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Retrait.
Amendement n° 949 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 951 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 950 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 658 rectifié bis de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 954 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 607 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Rejet.
Amendement n° 959 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 958 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 960 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 847 rectifié de Mme Leila Aïchi. – Retrait.
Amendement n° 1122 rectifié de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 948 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1123 rectifié de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 1124 rectifié de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Retrait.
Amendement n° 292 rectifié ter de Mme Corinne Imbert. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 11
Amendement n° 722 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Article additionnel après l’article 11 bis A
Amendement n° 971 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1201 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Articles additionnels après l’article 11 bis B
Amendement n° 973 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 975 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 974 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1196 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 293 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 11 bis
Amendement n° 976 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 978 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 408 de M. Philippe Adnot. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 11 ter
Amendement n° 980 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 981 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 623 rectifié de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 1155 de M. Georges Labazée. – Non soutenu.
Amendement n° 1062 de Mme Aline Archimbaud. – Adoption.
Amendement n° 151 rectifié de M. Bruno Gilles. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 quater A
Amendement n° 1063 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 986 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 987 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 988 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 989 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 990 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Demande de priorité des amendements nos 378 de M. Jérôme Durain et 645 du Gouvernement, à l’article 11 quater. – M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales ; Mme Marisol Touraine, ministre ; M. le président. – La priorité est ordonnée.
9. Mise au point au sujet d’un vote
10. Demande d’avis sur un projet de nomination
11. Décisions du Conseil constitutionnel relatives à quatre questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
12. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 378 de M. Jérôme Durain. – Non soutenu.
Amendement n° 645 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 11 quater
Amendement n° 605 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Non soutenu.
Article 11 quinquies A (supprimé)
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 11 quinquies A
Amendement n° 993 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 1064 de Mme Aline Archimbaud. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 11 quinquies
Amendement n° 1127 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 1128 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 593 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Non soutenu.
Amendement n° 956 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 866 rectifié de M.Gilbert Barbier. – Retrait.
Articles additionnels après l’article 11 sexies
Amendement n° 23 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Retrait.
Amendement n° 724 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 885 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.
Amendement n° 74 rectifié de M. François Commeinhes. – Retrait.
Amendement n° 1202 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1137 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 725 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 1203 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 856 de M. Georges Labazée. – Retrait.
Amendement n° 906 de M. Cyril Pellevat. – Adoption.
Amendement n° 1065 de Mme Aline Archimbaud. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1073 de Mme Aline Archimbaud. – Devenu sans objet.
Amendement n° 874 rectifié de M. Michel Amiel. – Non soutenu.
Amendement n° 1206 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 43 rectifié de M. François Commeinhes. – Rejet.
Amendement n° 1074 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 190 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1204 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 12 ter A
Amendement n° 425 rectifié bis de M. Franck Montaugé. – Retrait.
Amendement n° 1174 rectifié ter de Mme Samia Ghali. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
M. Christian Cambon,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, lors du scrutin n° 247, notre collègue Robert Navarro a été inscrit comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Francis Delon comme président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois.
Acte est donné de cette communication.
4
Renvoi pour avis unique
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France (n° 655, 2014-2015), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
5
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 17 septembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 4614-13 du code du travail (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) (2015-500 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
6
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653 [tomes I et II], avis nos 627 et 628).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE IER
RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ
Chapitre III
Soutenir et valoriser les initiatives des acteurs pour faciliter l’accès de chacun à la prévention et à la promotion de la santé
Mme la présidente. Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’article 7 ter.
Article 7 ter (nouveau)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ou sur une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « s’agissant des mineurs, » sont supprimés.
2° Au second alinéa de l’article L. 1271-2, les mots : « ou sur une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale » sont supprimés.
Mme la présidente. L'amendement n° 647, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons ce matin pour l’examen d’un article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, et relatif au don du sang, dans le prolongement des débats intervenus hier soir.
La commission des affaires sociales a souhaité qu’il soit permis aux personnes majeures protégées de donner leur sang. Cette mesure de non-discrimination va apparemment dans le bon sens.
Je rappelle néanmoins que les personnes placées sous protection juridique ont droit, comme les autres, au respect de leur volonté. L’interdiction en vigueur répond ainsi au principe de consentement libre et éclairé à toute intervention médicale, lequel garantit le respect de l’intégrité du corps humain.
J’attire votre attention sur le risque d’atteinte au principe de libre détermination de l’usage de son corps que portent les dispositions introduites par la commission des affaires sociales, avec, je n’en doute pas, une volonté positive de non-discrimination.
Je demande donc la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, l’article 16-3 du code civil prévoit certes que le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement à tout acte portant atteinte à l’intégrité du corps humain dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.
Pour autant, la personne sous tutelle est-elle, par principe, incapable d’exprimer un tel consentement ? La commission des lois, dont je suis le rapporteur pour avis, a estimé que tel n’était pas le cas. La personne sous tutelle doit pouvoir, dans la mesure du possible, continuer à accomplir seule des actes strictement personnels.
D’ailleurs, l’article 459 du code civil dispose que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ».
En outre, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a réaffirmé le principe de subsidiarité des mesures de protection et la nécessité de préserver autant que possible l’exercice de leurs droits sur les personnes protégées.
Dans le cadre des travaux préparatoires, les membres de l’association nationale des juges d’instance que nous avons reçus nous ont confié que, « en pratique, cette interdiction totale est parfois ressentie comme une véritable injustice par des majeurs protégés, y compris sous tutelle, qui sont ainsi privés de la reconnaissance sociale et de l’estime de soi que peut entraîner la pratique du don du sang ».
Hier soir, à propos du débat concernant le don du sang des homosexuels, Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, a indiqué ceci : « Cela fait des années qu’une catégorie de population est discriminée. » C’est pourquoi la commission des lois souhaite vivement qu’il n’en soit plus ainsi à l’avenir.
Il appartiendrait donc au médecin, lors de l’entretien préalable au prélèvement – un entretien préalable est organisé lors de tout prélèvement –, d’apprécier si l’état de la personne permet le don, ce qui n’est finalement pas très différent de la situation actuelle. En effet, la vérification de la capacité de la personne est purement déclarative par le biais du questionnaire. Si la personne répond sans difficulté à ces questions et qu’elle ne manifeste pas de troubles particuliers au moment de l’entretien avec le médecin, celui-ci n’a aucun moyen de vérifier qu’elle fait en réalité l’objet d’une mesure de protection et que son don est interdit par la loi.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Je tiens simplement à souligner, madame la présidente, que la commission des affaires sociales fait une entière confiance à la commission des lois et se range à son avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suivrai l’avis de M. le rapporteur pour avis.
Cela étant, je me permets de souligner que des majeurs handicapés mentaux sous tutelle peuvent parfois, dans le cadre de l’entretien avec le médecin – je puis en témoigner, car certaines personnes très proches se trouvent malheureusement dans cette situation –, répondre par l’affirmative sans être réellement éclairés des conséquences de leur propos.
C’est pourquoi je me demande si, lors de l’entretien, le majeur handicapé mental est accompagné du tuteur, qui peut, lui, apprécier avec le médecin la bonne compréhension de la question. Telle est ma préoccupation.
Cela étant, je rejoins l’avis de la commission des lois, tout en relevant qu’il convient de prendre un minimum de précautions dans ce genre de situation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 ter.
(L'article 7 ter est adopté.)
Article 8
La troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :
1° A À l’article L. 3121-3, qui devient l’article L. 3411-6, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « et des dommages » ;
1° L’article L. 3121-4 est abrogé ;
1° bis A Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV est complété par un article L. 3411-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 3411-7. – I. – La politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue vise à prévenir les dommages sanitaires, médicaux, psychologiques et sociaux, la transmission des infections, les risques de morbi-mortalité par surdose ou mésusage liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, et à orienter les usagers vers un parcours de soins tout en faisant face à la diversité des publics consommateurs, à l’évolution des modes de consommation et des produits consommés.
« II. – Sa mise en œuvre comprend et permet les actions visant à :
« 1° Délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants ;
« 2° Orienter les usagers de drogue vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, afin de mettre en œuvre un parcours de santé adapté à leur situation spécifique et d’améliorer leur état de santé physique et psychique et leur insertion sociale ;
« 3° Promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques ;
« 4° Promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de consommation et de prévention des risques et à visée éducative et thérapeutique. La supervision consiste à favoriser la prise de conscience des usagers à l’égard des pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au I afin de prévenir ou de réduire les risques de transmission des infections et les autres complications sanitaires. Elle ne comporte aucune participation active aux gestes de consommation ;
« 5° Participer à l’analyse, à la veille et à l’information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées.
« II bis. – L’intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages bénéficie, à ce titre, de la protection mentionnée à l’article 122-4 du code pénal.
« III. – La politique de réduction des risques et des dommages s’applique également aux personnes détenues. » ;
1° bis L’article L. 3121-5 devient l’article L. 3411-8 et est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et des dommages » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « et des dommages » ;
2° (Supprimé)
3° Le titre Ier du livre IV est ainsi modifié :
a) Après le neuvième alinéa de l’article L. 3411-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue mentionnée à l’article L. 3411-7 ; »
b) Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis intitulé : « Réduction des risques et des dommages » et comprenant les articles L. 3411-6 à L. 3411-8, tels qu’ils résultent des 1°A, 1° bis A et 1° bis du présent article ;
c) Le même chapitre Ier bis est complété par un article L. 3411-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 3411-9. – Sauf dispositions contraires, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Le groupe communiste, républicain et citoyen votera l’article 8.
Je le rappelle, le principe de réduction des risques est inscrit dans la loi depuis 2004. Toutefois, bien souvent, la mise en œuvre de ces dispositions était définie uniquement dans des textes réglementaires, ce qui fragilisait certaines pratiques, notamment, des professionnels.
L’objectif est donc de sécuriser les interventions ; je pense, par exemple, au fait de prémunir les professionnels de toute éventuelle poursuite pénale. En effet, la réduction des risques est avant tout une réponse de santé publique : il s’agit non pas de moraliser les usagers de drogue, mais d’éviter tout risque de contamination ou d’infection.
Que cet objectif vise également les personnes détenues me semble aller dans le bon sens, loin des tabous ! D’ailleurs, il faut absolument mettre en place un plan d’échange de seringues dans les prisons.
L’aspect nouveau de cet article 8 tient également à la prise en compte de la notion de « dommages » dans l’expression « réduction des risques et des dommages ». Cette évolution sémantique fait l’objet de nombreux débats, je le sais, parmi les spécialistes des addictions, tant l’idée de dommages peut induire une notion plus « moralisatrice », avec des soins et une responsabilisation de l’individu.
Mais, avec la rédaction retenue, la dimension de la réduction des risques est prise en compte et légitimée ; et c’est ce qui me semble très important.
Je profite de cette occasion pour demander à Mme la ministre un premier bilan d’étape, à mi-chemin, du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017. Cela nous intéresserait beaucoup.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1057, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
1° Alinéa 11
Après le mot :
Participer
insérer les mots :
à la collecte,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le cas échéant, des dispositifs d’alertes sanitaires peuvent être déclenchés afin d’informer les usagers de drogues lorsque des substances en circulations créent un danger immédiat et grave pour la vie et la santé des personnes.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. L’article 8 concerne la politique de réduction des risques, y compris en prison.
L’idée est principalement de conférer un cadre législatif à cette politique, afin de sécuriser juridiquement les actions menées auprès des usagers de drogues et d’autoriser le développement de stratégies d’action innovantes, qui est nécessaire.
L’amendement n° 1057 vise à préciser une mission : la mission de veille et d’analyse des produits. Cette mission tend à spécifier que des produits en circulation doivent être collectés et analysés au cas par cas. L’idée est de les tester pour mieux connaître leur qualité et leur provenance.
En outre, il est proposé que ces produits puissent faire l’objet, en cas de surdosage ou de composition particulièrement dangereuse avec risques graves et immédiats pour la santé, d’alertes sanitaires à destination des usagers de drogues. Cette formulation permet ainsi de mieux recenser les substances en circulation.
Mme la présidente. L'amendement n° 872 rectifié bis, présenté par MM. Amiel, Barbier, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
Participer
insérer les mots :
au recensement des substances en circulation et
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 8 vise à redéfinir la politique de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogues et énumère notamment les domaines d’action visés.
Ainsi, il est prévu que les actions tendent à « participer à l’analyse, à la veille et à l’information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées ».
Toutefois, cette action ne peut se faire sans un recensement des produits. Comment rendre compte aux usagers et aux pouvoirs publics des dangers des substances dont le recensement n’est pas prévu ?
Aussi, il est proposé d’intégrer le recensement des diverses substances dans les actions de la politique de réduction des risques. Cela permettrait ainsi de mieux connaître les différentes substances en circulation.
Conformément à ce qu’a proposé la commission des affaires sociales, nous avons substitué au mot « collecte », qui fait un peu penser à la collecte des ordures ménagères (Exclamations.), celui de « recensement ».
J’espère que la commission émettra un avis favorable sur cet amendement, ainsi – espérons-le – que Mme la ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. L’amendement n° 1057 prévoit un dispositif d’alerte sanitaire en cas de dangers posés par la circulation de certaines drogues.
Or il semble que cette mesure soit déjà prévue dans le cadre des missions de l’Institut de veille sanitaire, l’InVS. Un dispositif d’alerte sur les risques sanitaires émergents chez les usagers de drogues a été mis en place en 2007 par la direction générale de la santé, dans le cadre d’une procédure spécifique associant l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’OFDT, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la MILDECA, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, et l’InVS, utilisant le système de surveillance syndromique OSCOUR.
En conséquence, l’amendement n° 1057 semble satisfait. C’est pourquoi je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission y sera défavorable.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 872 rectifié bis dans la mesure où ce texte a été modifié sur un point rédactionnel à l’invitation, hier, de la commission des affaires sociales.
Selon nous, la précision apportée n’est pas inutile, car elle tend à améliorer l’information sur les nouveaux produits entrant en circulation. La commission est donc favorable à cet amendement à la suite, je le répète, de la modification demandée par la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Tout d’abord, je tiens à préciser que l’article 8 porte la nécessité d’une évolution des politiques de réduction des risques.
Les politiques engagées en la matière depuis le milieu des années quatre-vingt-dix ont incontestablement permis des résultats tout à fait positifs. Ainsi, le taux de prévalence du VIH a été divisé par quatre. Les résultats sont donc au rendez-vous grâce à des politiques particulièrement résolues et déterminées.
Néanmoins, depuis le début ou le milieu des années 2000, on assiste à une recrudescence des risques, qui correspond à une évolution des pratiques, des environnements et, aussi, des drogues consommées. C’est pourquoi nous devons faire évoluer nos politiques.
À cet égard, madame David, il appartiendra à la MILDECA de faire régulièrement le point sur la mise en œuvre des politiques que nous portons.
Je demanderai à Mme Archimbaud de bien vouloir retirer l’amendement n° 1057, qui, au fond, ne me semble pas apporter d’éléments nouveaux par rapport au texte existant.
En effet, les CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction, et les structures engagées dans la lutte en vue de la réduction des risques ont déjà la possibilité de faire de la collecte. L’ouverture du champ de la collecte, sans plus de précision, peut être porteuse de risques. La rédaction que nous proposons, madame la sénatrice, fait l’objet d’un consensus parmi les acteurs engagés dans la réduction des risques. À défaut d’un retrait de l’amendement n° 1057, je serais donc obligée d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 872 rectifié bis, qui n’est pas tout à fait de même nature en ce qu’il apporte une précision en matière d’information, je m’en remets à la sagesse du Sénat, même si je ne suis pas certaine, pour être honnête, que la disposition proposée soit totalement nécessaire.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 1057 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu des explications données, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1057 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 872 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 713, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins souhaitant être prescripteurs de traitement aux opiacés reçoivent un agrément subordonné à une formation en addictologie.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet d’instaurer une formation préalable destinée aux médecins prescripteurs de traitements de substitution. Il s’agit à la fois de garantir aux patients une prescription adaptée et efficace et de prévenir les dérives en matière de prescription qui ont pu se produire récemment.
La mise à disposition de la buprénorphine haut dosage, la BHD, en médecine de ville a impliqué de plus en plus directement les médecins généralistes dans la mise en œuvre des traitements de substitution aux opiacés, en leur fournissant une réponse institutionnelle leur permettant de nouer une relation thérapeutique avec leur patient.
La BHD, un opiacé de synthèse utilisé dans le traitement de la dépendance à l’héroïne ou à d’autres opiacés, permet aux personnes dépendantes aux opiacés illicites d’arrêter leur consommation sans ressentir les signes du manque et de réduire les risques liés à leur consommation. Ce traitement peut être transitoire en vue d’un sevrage complet ou être maintenu aussi longtemps que nécessaire.
La BHD peut être primoprescrite par tout médecin, sans restriction d’activité. Cette facilité de prescription et de délivrance en fait le traitement de substitution aux opiacés le plus couramment dispensé en France.
Si une nouvelle discipline est apparue à la fin des années quatre-vingt-dix, l’addictologie, avec la création d’un diplôme d’études spécialisées complémentaire et de nombreux diplômes universitaires, les médecins formés actuellement ne sont pas tenus de suivre un module d’addictologie parmi leurs enseignements transversaux, alors qu’une telle formation leur offrirait une prévention individuelle ciblée et les préparerait à prendre en charge leurs patients de manière adéquate.
Or des médecins peu ou mal formés aux questions liées aux addictions ne prescriront peut-être pas les dosages de BHD suffisants ou adéquats ; et, comme le rappelle l’institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, des dosages inadéquats ou insuffisants de BHD contribuent au nomadisme médical, les personnes dépendantes cherchant à obtenir des dosages supérieurs, voire au mésusage du traitement.
Par ailleurs, les patients peinent à percevoir les objectifs de leur traitement, qui, de leur point de vue, sont rarement explicités et souvent peu réajustés pour s’adapter à des besoins évolutifs au cours d’un traitement de longue durée. Cette absence de clarté des objectifs peut, à la longue, mettre à mal la relation entre le soignant et le soigné, déjà fragilisée par l’instabilité des situations des usagers pendant la durée du traitement.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Annie David. Dans ce contexte, il nous paraît souhaitable de favoriser la mise en place de véritables projets thérapeutiques, en prévoyant la formation des médecins aux processus addictifs et à l’ensemble de la palette des alternatives thérapeutiques possibles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Il nous a semblé que l’adoption de cet amendement risquerait d’être contre-productive, en freinant la prise en charge de la douleur. Il convient en effet qu’un docteur en médecine générale puisse continuer de prescrire des opiacés, même sans avoir suivi de formation en addictologie. Si l’on suivait votre raisonnement, ma chère collègue, il n’y aurait plus de médecins spécialistes, puisque, pour exercer une spécialité, il faudrait les avoir étudiées toutes !
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame David, il importe en effet de sécuriser la prescription, mais sans multiplier les barrières à l’entrée, dans l’intérêt des personnes qui ont besoin d’un accompagnement médical.
Améliorer la formation des médecins et veiller à ce qu’elle soit toujours adaptée, oui ! D’ailleurs, l’assurance maladie obligatoire a lancé un plan de contrôle portant à la fois sur les prescriptions et sur les prescripteurs, afin de lutter contre le nomadisme dont vous avez parlé et de vérifier la qualité des prescriptions. Ce plan de contrôle est mis en œuvre en partenariat avec les pharmacies, qui ont un regard direct sur la délivrance des produits.
Je tiens à vous rappeler que la délivrance des produits de substitution, en particulier de la méthadone, est strictement encadrée depuis 1995 : ces produits ne peuvent être prescrits que sur ordonnance sécurisée, et la durée maximale de prescription est fixée à vingt-huit jours ; en outre, la délivrance est fractionnée par périodes de sept jours au maximum et l’ordonnance doit obligatoirement comporter le nom de la pharmacie choisie par le patient pour assurer la délivrance.
Par ailleurs, un cadre spécifique est en vigueur pour la méthadone, puisque les médecins de ville ne peuvent pas en faire une première prescription, mais seulement reconduire une prescription antérieure.
Madame David, je ne voudrais pas que l’adoption de votre amendement envoie le message d’une restriction et de la fixation de nouvelles barrières au détriment des personnes qui ont besoin d’être accompagnées. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; si vous le mainteniez, j’y serais défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je comprends l’inquiétude de Mme David au sujet d’un problème qui est bien réel, comme l’a montré le rapport établi il y a quelques années par la mission d’information bicamérale sur les toxicomanies.
Seulement, ma chère collègue, il me semble que votre amendement pose un problème de rédaction. En effet, plutôt que de « prescripteurs de traitement aux opiacés », il conviendrait de parler de prescripteurs de traitement de substitution aux opiacés, car ce sont ces traitements qui posent problème, qu’il s’agisse de Subutex ou de méthadone.
Quant à votre idée de prévoir un agrément, il me semble qu’il y a déjà de nombreux niveaux de formation des médecins… Il n’est pas souhaitable d’instituer encore un échelon supplémentaire.
Toutefois, madame David, je le répète, je comprends votre inquiétude, d’autant plus justifiée que nous avons affaire à un trafic. De fait, madame la ministre, il faut bien voir que, indépendamment des prescriptions réglementaires assurées par les médecins, de nombreux malades sont victimes de ventes sauvages, notamment de Subutex, liées à un trafic international. Il y a là un véritable problème de société.
Mme la présidente. Madame David, l’amendement n° 713 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Au sein de notre groupe, c’est Laurence Cohen qui connaît le mieux les problèmes d’addictologie ; elle a d’ailleurs été rapporteur de la commission sur ces questions. Notre collègue a été alertée, notamment à propos des dérives dont M. Barbier vient de parler, mais aussi au sujet des difficultés rencontrées par certains patients pour suivre correctement leur traitement, difficultés qui les contraignent, dans leur esprit, à pratiquer le nomadisme médical.
J’entends, madame la ministre, qu’un plan de contrôle est en train d’être mis en œuvre par l’assurance maladie ; peut-être le rapport dont M. Barbier a parlé a-t-il contribué à donner l’alerte et à inspirer certaines des mesures qui sont prises.
En l’absence de Laurence Cohen, qui n’a pu venir siéger ce matin, je retire notre amendement, non sans vous assurer, madame la ministre, que nous surveillerons de près les suites qui seront données à ce problème par l’assurance maladie.
Mme la présidente. L’amendement n° 713 est retiré.
L’amendement n° 1058, présenté par Mmes Archimbaud et Benbassa, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ne peut être poursuivie des chefs d’usage illicite et de détention illicite de stupéfiants, la personne qui détient pour son seul usage personnel et consomme des stupéfiants dans le cadre d’actions de réductions des risques, telles que définies par le présent article.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. L’article 8 du projet de loi donne une reconnaissance légale à la réduction des risques, ce qui marque une avancée importante. Dans le même esprit, les auteurs de cet amendement vous proposent de mettre fin aux poursuites qui visent les personnes détenant pour leur seul usage personnel et consommant des stupéfiants dans le cadre d’actions de réduction des risques – j’insiste sur cette dernière précision.
Cette évolution correspond aux pratiques qui ont cours dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, dont Mme la ministre a mentionné l’action, avec le concours d’acteurs bénévoles formés dont la présence favorise l’échange, le dialogue et l’efficacité du dispositif, notamment en ce qui concerne l’orientation dans le parcours de santé, la création d’un lien de confiance et l’appropriation par les personnes du parcours de santé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent que, dans le cadre d’actions de réduction des risques, la détention de produits stupéfiants ne puisse être réprimée lorsque l’usager les réserve à son seul usage personnel. Nous comprenons leur intention, mais nous nous interrogeons : peut-on énoncer ce principe sans définir précisément le lieu dans lequel cette dérogation s’appliquerait, ainsi qu’il est fait à l’article 9 ?
En effet, les actions de réduction des risques n’ont pas forcément lieu dans des locaux spécifiques : elles peuvent se dérouler en des lieux plus habituellement fréquentés par les usagers de drogues. Dans ces conditions, prévoir une dérogation aussi générale nous a laissés dubitatifs.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, une nouvelle rédaction a été trouvée à l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment de députés du groupe écologiste : elle garantit les professionnels des politiques de réduction des risques, ainsi que l’ensemble des intervenants qui y concourent, contre les risques pénaux qu’ils pouvaient courir. Cette rédaction, qui garantit leur protection, correspond à un équilibre satisfaisant, qui rassure toutes les parties prenantes.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 1058 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1058 est retiré.
L'amendement n° 1185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
selon des modalités adaptées au milieu carcéral
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. La commission des affaires sociales du Sénat a retiré de l’article 8 du projet de loi la mention relative à l’adaptation de la politique de réduction des risques et des dommages aux spécificités du milieu carcéral, pour insister sur la nécessité d’assurer aux personnes détenues un accès au traitement équivalent à celui qui existe en milieu ordinaire.
Je signale que l’article 8 rappelle le principe en vigueur, énoncé par la loi du 18 janvier 1994 : l’égalité d’accès au traitement entre le milieu carcéral et le milieu ordinaire.
Dans la mesure où, aujourd’hui, les détenus ne bénéficient pas encore de l’ensemble des outils de prévention des risques, nous avons besoin de mettre en œuvre des politiques de prévention concrètes à leur intention, en adaptant les mesures au milieu carcéral. C’est pourquoi la ministre de la justice et moi-même avons souhaité la création d’un groupe de travail visant à expertiser les modalités de mise en place de programmes d’échanges de seringues en détention.
Pour la même raison, je souhaite le rétablissement de la mention supprimée par la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Cet amendement du Gouvernement vise à réintroduire à l’article 8 une mention supprimée par la commission des affaires sociales, qui prévoit l’adaptation de la politique de réduction des risques aux particularités du milieu carcéral.
La commission des affaires sociales entend garantir aux personnes détenues les mêmes droits qu’aux autres citoyens dans le domaine de la prévention et de la distribution de matériel destiné à la réduction des risques, notamment d’échanges de seringues.
La mention dont Mme la ministre souhaite le rétablissement a été supprimée par la commission des affaires sociales à la demande des médecins de prison, qui souhaitent pouvoir assurer le secret médical en ce qui concerne les détenus et, surtout, la sécurité des échanges de seringues qui ont lieu de toute façon, afin d’éviter la contamination. Nous estimons que notre position, qui répond à leur demande, assure la sécurité des détenus, dans le respect du secret médical.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. À l’invitation du ministère de la justice et avec les associations d’aide aux personnes détenues, nous avons été amenés à visiter des établissements pénitentiaires au cours de ces dernières semaines, ce que j’ai fait dans mon département, à Pau et à Bayonne. Au-delà de la prise en considération des problèmes propres au milieu carcéral, nous avons discuté de cet aspect particulier du dossier et du problème de la prévention des risques.
En raison de mon expérience, je me trouve tout à fait en phase avec l’amendement défendu par le Gouvernement. Je suis certes avec attention les propositions des différents corapporteurs de la commission des affaires sociales, mais je crois véritablement, pour l’avoir vécu sur le terrain, dans le milieu carcéral, que l’amendement du Gouvernement doit être pris en compte sur l’ensemble de ces travées, au-delà de nos différences politiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pour notre part, nous sommes quelque peu sceptiques par rapport à l’amendement du Gouvernement. En effet, l’article 8, en son alinéa 13, prévoit que « la politique de réduction des risques et des dommages s’applique également aux personnes détenues. » En précisant que l’application de cette politique se fera « selon des modalités adaptées au milieu carcéral », le texte de cet amendement fait donc quelque peu redondance avec la rédaction actuelle de l’article.
En outre, une telle précision risque d’empêcher l’application des mêmes droits entre détenus et personnes non détenues.
Par conséquent, cet amendement est soit inutile, parce qu’il est redondant, soit restrictif pour les personnes en détention. Dans le doute, le groupe CRC s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Notre amendement vise bien à garantir l’effectivité du principe de l’égalité dans l’accès au droit.
La loi de 1994, dont j’ai d’ailleurs célébré l’anniversaire l’an dernier en me rendant au centre pénitentiaire du Mans, qui avait été portée par Mme Simone Veil, est une grande loi pour les détenus, puisqu’elle pose le principe de l’égalité dans l’accès au droit en matière de santé et d’accès aux politiques de réduction des risques.
Aussi, dès lors que ce droit est inscrit dans la loi, la question est plutôt de savoir si les détenus accèdent effectivement à ces politiques. Or la réponse est non. Les médecins eux-mêmes le disent : le fait d’être détenu crée des contraintes particulières.
Sans vouloir vous manquer de respect, monsieur Milon, je pense que vous avez anticipé sur un autre amendement et sur un autre article lorsque vous avez évoqué la position défendue par les médecins en prison.
M. Alain Milon, corapporteur. Pas complètement…
Mme Marisol Touraine, ministre. En proposant d’ajouter ces quelques mots, le Gouvernement défend l’idée qu’il faut se donner les moyens de mettre en place des stratégies spécifiques pour garantir l’effectivité de l’accès au droit en prison. Le fait est d'ailleurs que certains protocoles en milieu ouvert ne peuvent être déclinés en milieu fermé, comme l’échange de seringues par exemple.
L’échange de seringues, s’il est en théorie possible, ne peut en réalité avoir lieu dans les mêmes conditions selon que l’on est libre ou détenu. En effet, une personne en détention n’est pas libre d’aller et venir et ne peut pas procéder elle-même à un tel échange. Un cadre particulier est donc nécessaire.
Il faut réfléchir à des modalités d’accès au droit adaptées à la situation des détenus et nous donner les moyens de prendre en considération la réalité des conditions dans lesquelles ils vivent, si nous voulons faire progresser leurs droits.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis assez d’accord avec les propos de notre collègue Annie David. En effet, les médecins que nous avons rencontrés confirment qu’il existe des échanges de seringues et considèrent que, là où l’on trouve de la drogue – comme en prison, dans les faits –, on devrait disposer des mêmes droits qu’à l’hôpital. Selon eux, il est très important que, en matière de santé, les détenus soient traités comme s’ils étaient à l’extérieur de la prison.
Madame la ministre, vous avez évoqué l’article du projet de loi qui établit l’absolue nécessité de respecter le secret professionnel. Cependant, il s’agit bien là d’un autre article que l’article 8, sur lequel je partage l’analyse de M. le corapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis prêt à soutenir l’amendement du Gouvernement, à la condition que vous vous engagiez, madame la ministre, à publier une circulaire relative à l’application de cet article.
En effet, comme l’ont dit certains de nos collègues, le texte risque d’aboutir à des interprétations différentes selon la situation interne propre à chaque établissement carcéral. Pour lever toute ambiguïté et éviter que l’on se retrouve dans la situation évoquée par Mme David, il faudrait s’assurer qu’une circulaire d’application soit adressée dans toutes les prisons.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Je vous rejoins sur ce sujet, madame David.
Si l’on insérait un amendement comme celui du Gouvernement dans un projet de loi sur la santé, le ministère de la santé perdrait la main au profit du ministère de la justice. En effet, ce dernier pourrait notamment considérer que les seringues qui sont échangées entre détenus sont des armes possibles. C’est là que réside la difficulté, même si les médecins nous ont indiqué qu’il existait déjà des seringues rétractables, qui ne peuvent pas être regardées comme des armes.
Il ne faut pas voter en faveur de cet amendement, car les politiques de santé en milieu carcéral risqueraient de ne plus dépendre de la responsabilité du ministère de la santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je me réjouis que ce débat extrêmement important ait lieu. Les prises de position des uns et des autres, qui se déroulent dans le calme et la sérénité,…
M. Alain Milon, corapporteur. C’est grâce à vous, madame la ministre ! (Sourires.)
Mme Marisol Touraine, ministre. … montrent que, au fond, nous cherchons tous à trouver les conditions d’une meilleure prise en charge des personnes en détention.
La loi de 1994 a représenté une avancée majeure, notamment parce qu’elle a placé les politiques et les pratiques de santé en milieu carcéral sous l’autorité du ministère de la santé, alors que tout ce qui concernait la vie en prison – y compris la santé – dépendait jusqu’alors du ministère de la justice.
Évidemment, il est question de la prison. Toutefois, tout ce qui touche au domaine de la santé dans cet espace relève intégralement du ministère de la santé. Si mon ministère travaille avec celui de la justice pour faciliter l’intégration des politiques de santé dans l’environnement carcéral, il n’empêche que seuls les professionnels de santé et le ministère de la santé sont responsables en matière de pratiques de santé.
En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, monsieur Vasselle, il me semblait que son objet était suffisamment clair.
Cependant, comme je l’ai déjà dit, un groupe de travail commun entre le ministère de la santé et celui de la justice travaille actuellement sur ces sujets. Il me paraîtrait tout à fait positif et souhaitable que des circulaires interprétatives ou des recommandations soient adressées aux établissements carcéraux, afin qu’il soit bien clair que l’enjeu réside dans l’intérêt pour la santé des personnes détenues. (M. Alain Vasselle acquiesce.) En effet, c’est à cela que nous travaillons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis A (nouveau)
I. – L’article L. 3421-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, sous réserve des dispositions du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de ce délit » sont remplacés par les mots : « du délit prévu au premier alinéa ».
II. – Après l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3421-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3421-1-1. – Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. »
III. – Au second alinéa de l’article L. 3421-2 du code de la santé publique, les mots : « lorsque le délit a été constaté » sont remplacés par les mots : « lorsque l’infraction a été constatée ».
IV. – Au début du premier alinéa de l’article L. 3421-4 du code de la santé publique, les mots : « La provocation au délit prévu » sont remplacés par les mots : « La provocation à l’infraction prévue ».
V. – Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d’infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 643 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 714 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 643.
Mme Marisol Touraine, ministre. La commission des affaires sociales a souhaité substituer à la sanction pénale s’appliquant actuellement à la première infraction d’usage de stupéfiants, à savoir le délit, une contravention de troisième classe. Le Gouvernement est défavorable à cette évolution, car il souhaite une approche équilibrée entre le maintien de l’interdit relatif à la consommation de stupéfiants et la mise en place de sanctions adaptées.
Une réflexion est en cours dans le cadre de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA. Le cas échéant, elle devrait prochainement aboutir à des pistes d’amélioration concernant la norme pénale relative à l’usage de stupéfiants.
Cependant, à ce stade, comme cette réflexion n’est pas arrivée à son terme, il me semble que la contraventionnalisation du premier usage de stupéfiants serait un mauvais signal à adresser.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 714.
M. Dominique Watrin. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la France se distingue nettement des autres pays d’Europe en matière de consommation de drogues. Ainsi, elle est le seul pays dont le taux de consommation chez les adolescents est largement supérieur à 15 %. Il y aurait également 1 million de consommateurs réguliers et quelque 500 000 usagers quotidiens de drogues parmi les adultes.
D’une part, il faut faire le constat que la consommation de drogue est repartie à la hausse chez les jeunes de 17 ans : selon les derniers chiffres à disposition, près de la moitié d’entre eux en a déjà fait l’expérience, et près d’un sur dix en fume régulièrement. La pénalisation de l’usage n’empêche donc pas la hausse de la consommation !
D’autre part, les filières d’approvisionnement sont en train de changer : l’autoculture progresse et les Cannabis social club – ces groupements de personnes qui mettent en commun leurs moyens pour leur consommation personnelle – se développent. Nous devons en tenir compte. Selon les estimations officielles, 100 000 à 200 000 Français se seraient lancés dans l’autoculture, ce qui représenterait plus de 11 % de la consommation de cannabis chaque année en France. Il faut ouvrir les yeux sur cette réalité !
Les produits présents sur le marché ont également tendance à contenir des taux de tétrahydrocannabinol, ou THC – le principe actif du cannabis – de plus en plus élevés, si bien que les professionnels de santé mettent en garde contre les effets dangereux qu’ils induisent. Ces substances auraient besoin d’être contrôlées.
Selon nous, la consommation du cannabis, produit illicite et pourtant parmi les plus consommés en France, ne doit plus être sanctionnée d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Les dispositions législatives actuelles ont déjà fait la preuve de leur inefficacité, tant sur l’évolution du nombre de consommateurs que sur l’encombrement inutile des tribunaux et des prisons qu’elles entraînent. Il conviendrait donc, tout simplement, de dépénaliser l’usage du cannabis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Ces amendements identiques visent à la suppression de l’article 8 bis A introduit par la commission des affaires sociales du Sénat.
Le dispositif que nous avons adopté part du constat que la législation relative aux infractions en matière de stupéfiants, qui date, ne l’oublions pas, des années 1970, n’a pas prouvé son efficacité. L’article 8 bis A est donc issu d’une proposition déposée par plusieurs sénateurs du groupe RDSE et adoptée par le Sénat le 7 décembre 2011.
Cet article vise à réprimer la première consommation de drogue illicite par une sanction proportionnée, facile à appliquer et effective, en appliquant l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. L’objectif est bien entendu de décourager le premier contact, qui est généralement déterminant, avec le monde des stupéfiants.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Au travers de ces débats, nous voyons bien tous les problèmes qui sont posés par la consommation de cannabis. Nombreux sont ceux qui sont favorables à une dépénalisation de cette substance, comme nous venons de le voir avec l’amendement défendu par M. Watrin. Le Gouvernement nous dit qu’une étude est en cours. Cependant, cela fait des années que l’on parle de ce problème et nous ne voyons toujours rien revenir.
Nous parlons aujourd’hui du premier usage du cannabis, car d’après les études statistiques de l’Observatoire des drogues et des toxicomanies, comme l’a souligné M. Watrin, la consommation de cannabis est en constante augmentation : quelque 42 % des adultes et 48 % des jeunes en ont consommé au moins une fois ; parmi ces 48 % de jeunes, 9 % sont des fumeurs réguliers et 22 % en ont un usage considéré comme problématique. Nous sommes donc face à un véritable fléau social, et nous devons avancer sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle il avait été proposé dès 2011, de manière assez consensuelle, d’intervenir dans ce domaine.
Je rappelle aussi que 18 000 consommateurs sont suivis par les CSAPA, les Centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie, et 38 000 par des professionnels, dont la moitié leur a été adressée par la justice à la suite d’une interpellation pour usage. Ainsi, en l’état actuel du droit, la justice renvoie la moitié des consommateurs vers les professionnels de santé.
Comme l’a souligné M. le corapporteur, la réponse pénale est lacunaire et pusillanime. D’une part, elle est inadaptée aux réalités quotidiennes de la consommation de cannabis, et, d’autre part, elle apparait pour le moins peu efficace au regard de la progression de la consommation.
Il est évident qu’il n’est pas durablement envisageable de faire encourir à de jeunes consommateurs de cannabis, nullement voués à l’addiction, une peine de prison d’un an, même si nous savons par avance, sans trop le dire, que la sanction ne sera pas appliquée.
Qu’en est-il alors de la valeur de l’interdit et du respect dû à la loi pour ces jeunes ? Est-il raisonnable de remettre à la discrétion du procureur de la République le choix de ne pas engager de poursuites pénales, sachant que l’hétérogénéité territoriale de la politique pénale pratiquée dans ce domaine est tout à fait étendue ?
Il faut répondre à la réalité du primo-usage par la création d’une amende contraventionnelle sanctionnant la première consommation, car cette catégorie spécifique appelle par là même une réponse spécifique. Que personne n’y voie une volonté d’aller vers la banalisation de la consommation de cannabis réclamée par certains.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gilbert Barbier. J’espère que la proposition d’instaurer une contravention à la première consommation de cannabis sera retenue. La fixation du taux de l’amende, avec l’accord de la commission, à la troisième classe, est raisonnablement dissuasive et renforce l’efficacité de cette mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Dans l’objet de l’amendement du Gouvernement, Mme la ministre précise que la stratégie en matière de lutte contre les stupéfiants doit se faire « dans le cadre du maintien de l’interdit relatif à la consommation de stupéfiants et de la lutte contre les trafics ».
Or on ne peut maintenir le dispositif d’interdiction de lutte contre les trafics sans accompagner celui-ci de sanctions, qu’il s’agisse de celle qui a été proposée par notre collègue Gilbert Barbier ou de celles qui figurent dans le code pénal. La position de la commission défendue par Alain Milon me paraît donc tout à fait justifiée.
Le caractère dissuasif de la mesure me semble essentiel. Par ailleurs, je me réjouis que le dernier alinéa de l’article prévoie d’informer les conseils de lutte contre la délinquance, sur le plan territorial, ce qui permettra aux élus locaux d’être des acteurs, aux côtés des forces de police et des personnels de la justice, pour tenter de contenir la consommation de cannabis.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Les membres du groupe socialiste partagent l’argumentation de Mme la ministre sur l’amendement n° 643 du Gouvernement, comme sur l’amendement précédent. Bien entendu nous voterons en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Vasselle, le groupe communiste ne défend pas la légalisation, mais la dépénalisation, ce qui n’est pas la même chose.
La dépénalisation maintient l’interdit, afin de pouvoir réprimer les revendeurs. En revanche, la dépénalisation de l’usage du cannabis permet de faire en sorte que les jeunes ne soient pas condamnés.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 643 et 714.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 bis A.
(L'article 8 bis A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 bis A
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 715, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’usage du cannabis est exclu de ces dispositions. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En France le cannabis est prohibé depuis 1970, avec au maximum un an de prison et 3 750 euros d’amende, comme le prévoit l’article L. 3421-1 du code de la santé publique. Dans la pratique, si l’emprisonnement pour usage est exceptionnel, les amendes, elles, perdurent. La police verbalise, alors que sa mission principale est normalement de se concentrer sur le trafic.
Je ne citerai pas de nouveau les chiffres de consommation qui viennent d’être rappelés par plusieurs de mes collègues, mais je réclame des politiques de prévention plus efficaces vis-à-vis des jeunes, via des outils pédagogiques plus percutants sur les effets du cannabis, et valorisant les pratiques réduisant les risques.
Les sénateurs de notre groupe défendent, vous l’aurez compris, une consommation responsable et maîtrisée. Le problème, comme nous venons de le voir, tient à ce que l’on refuse de mener un véritable débat public renseigné sur ce sujet, ce qui permettrait d’envisager les actions les plus efficaces et de dépasser les débats que nous venons d’avoir en mettant fin à la confusion entre légalisation et dépénalisation.
Les Français sont pour la dépénalisation. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, si 78 % d’entre eux sont contre la vente libre du cannabis, six sur dix, contre trois sur dix en 2008, estiment que l’on pourrait autoriser l’usage de cannabis sous certaines conditions : seulement pour les personnes majeures et en dehors de la conduite automobile.
Mes chers collègues, au travers de cet amendement, notre groupe vous propose de dépénaliser la consommation de cannabis. N’est-ce pas là au fond le meilleur moyen de faire reculer les trafics dans les quartiers et par là même les violences et règlements de compte liés à la conquête d’un marché juteux ?
Mme la présidente. L'amendement n° 839 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222-43-… ainsi rédigé :
« Art. 222-43-… – Ne peuvent donner lieu aux poursuites pénales prévues au premier alinéa de l’article 222-35, au premier alinéa de l’article 222-37 et à l’article 222-40 la production, la fabrication, le transport, la détention, l’acquisition ou l’usage illicites de cannabis dans le cadre d’un usage contrôlé du cannabis thérapeutique. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le présent amendement vise à dépénaliser l’usage contrôlé du cannabis thérapeutique. Comme plusieurs études scientifiques l’ont montré, celui-ci possède en effet une efficacité significative lorsqu’il est utilisé en complément de thérapeutiques ou comme substitution à d’autres traitements médicaux. À ce titre, le cannabis a de nombreuses propriétés médicales, parmi lesquelles des propriétés antidouleur, anti-spasmes, anti-vomitives et stimulantes pour l’appétit.
Le 8 janvier 2014 l’ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, a autorisé la mise sur le marché du Sativex. Ce médicament à base de cannabis est un spray buccal, utilisé chez certains patients atteints de sclérose en plaques.
Il me semble nécessaire d’avancer sur ce sujet. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Concernant l’amendement n° 715, qui vise à dépénaliser l’usage du cannabis, je rappelle que nous avons rejeté il y a quelques semaines une proposition de loi présentée par Mme Benbassa et le groupe écologiste qui proposait justement de légaliser le cannabis.
Mme Annie David. Non, à le dépénaliser !
M. Alain Milon, corapporteur. La légalisation et la dépénalisation, c’est la même chose... (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. Pas du tout !
M. Alain Milon, corapporteur. Vous avez raison, ma chère collègue, c’est pire ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans le cadre de nos débats sur cette proposition de loi, nous nous étions référés à des rapports selon lesquels le cannabis avait un effet destructeur sur les cellules de notre cerveau.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ne serait-ce qu’en raison des considérables désastres cérébraux provoqués par la consommation de cannabis, en particulier chez les jeunes. Nous ne voulons pas être responsables de cette situation, comme nos collègues ayant autorisé la cigarette il y a quelques dizaines d’années sont responsables des effets que cette décision a entraînés.
L’amendement n° 839 rectifié est quelque peu différent, puisqu’il vise à dépénaliser l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques.
Madame Archimbaud, l’utilisation du cannabis thérapeutique est admise par certains États, mais il ne saurait être question d’en faire un produit d’automédication. Il est en effet préférable de laisser les instances sanitaires compétentes évaluer l’intérêt thérapeutique des médicaments contenant du tétrahydrocannabinol, ou THC. Et dès lors qu’un médicament contenant du THC sera autorisé et prescrit, les personnes l’utilisant ne courront aucun risque d’être pénalisées.
La commission émet donc également un avis défavorable sur l’amendement n° 839 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 715 de Mme David ; je ne reviens pas sur les explications que j’ai déjà données.
S’agissant de l’amendement défendu par Mme Archimbaud, qui vise le cannabis thérapeutique, le débat est ouvert. J’ai autorisé voilà deux ans environ la possibilité de mettre sur le marché un médicament à base de cannabis, sur prescription médicale, notamment pour lutter contre des douleurs ne pouvant être traitées, en particulier chez les patients atteints de sclérose en plaques.
L’autorisation de mise sur le marché a été accordée, le processus de fixation du prix de ce médicament est engagé et je souhaite que les négociations aboutissent le plus rapidement possible, dans l’intérêt des patients. À cet égard, il appartiendra à chacun d’assumer ses responsabilités.
Compte tenu de cette perspective, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En effet, le Gouvernement ne soutient pas l’idée qu’on puisse avoir accès en « libre-service » à du cannabis, comme c’est possible notamment dans certains États américains, le consommateur décidant lui-même de son usage thérapeutique ou non.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 839 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Je vous remercie de vos explications, madame la ministre. Peut-être n’ai-je pas été suffisamment claire tout à l’heure, mais je précise que mon amendement fait référence à « un usage contrôlé du cannabis thérapeutique ». Nous visons donc une utilisation totalement encadrée par les médecins, dans des situations de souffrance bien précises, auxquelles certains d’entre vous, mes chers collègues, ont sans doute déjà été confrontés.
M. Alain Vasselle. Votre amendement est satisfait !
Mme Aline Archimbaud. Notre idée est que les médecins aient la possibilité légale de recourir au cannabis à usage thérapeutique, qu’ils ne soient pas hors-la-loi ce faisant. Nous leur faisons toute confiance pour apprécier s’il est possible de soulager, ou non, leur patient par ce moyen. En outre, les décrets d’application pourraient préciser les règles d’usage.
Pour moi, il n’est pas question que ce cannabis soit placé en « libre-service » ; je parle bien d’un usage thérapeutique encadré. Compte tenu de ces explications, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
M. Alain Vasselle. Mais l’amendement est satisfait !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 839 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8 bis
Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3411-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3411-5-1. – Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie assurent, pour les personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou présentant une dépendance aux substances psychoactives ainsi que pour leur entourage, des missions de prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative et de réduction des risques. Ils assurent également une mission de prévention des pratiques addictives. » – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
I. – À titre expérimental et pour une durée maximale de six ans à compter de la date d’ouverture du premier espace, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogue mentionnés à l’article L. 3411-8 du code de la santé publique, désignés par arrêté du ministre chargé de la santé après avis du directeur général de l’agence régionale de santé, ouvrent, dans des locaux distincts de ceux habituellement utilisés dans le cadre des autres missions, une salle de consommation à moindre risque, qui est un espace de réduction des risques par usage supervisé, dans le respect d’un cahier des charges national arrêté par le ministre chargé de la santé.
II. – Ces espaces sont destinés à accueillir des majeurs usagers de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques dans le cadre d’usages supervisés mentionnés à l’article L. 3411-7 du même code. Dans ces espaces, ces usagers sont uniquement autorisés à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place dans le respect des conditions fixées dans le cahier des charges mentionné au I du présent article et sous la supervision d’une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur médico-social, également chargée de faciliter leur accès aux soins.
La personne qui détient pour son seul usage personnel et consomme des stupéfiants à l’intérieur d’une salle de consommation à moindre risque créée en application du présent article ne peut être poursuivie pour usage illicite et détention illicite de stupéfiants.
Le professionnel intervenant à l’intérieur de la salle de consommation à moindre risque et qui agit conformément à sa mission de supervision ne peut être poursuivi pour complicité d’usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l’usage illicite de stupéfiants.
III. – Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue mentionnés au I adressent chaque année un rapport sur le déroulement de l’expérimentation au directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort de laquelle ils sont implantés, au maire de la commune et au ministre chargé de la santé.
IV. – Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation, portant notamment sur son impact sur la santé publique et sur la réduction des nuisances dans l’espace public.
V. – Les articles L. 313-1-1 et L. 313-3 à L. 313-6 du code de l’action sociale et des familles ne s’appliquent pas aux projets de mise en place d’une salle de consommation à moindre risque mentionnée au I.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, sur l'article.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet article crée et définit le mode de fonctionnement de salles de shoot, appelées pudiquement « salles de consommation à moindre risque ».
Je tiens à rappeler que ces salles seront créées dans des locaux distincts des centres d’accueil et d’accompagnement. Déjà, il existe une véritable imprécision autour du lieu d’implantation de ces locaux et de leur financement, à un moment où les établissements de santé publics manquent cruellement de moyens, en particulier humains.
Le texte prévoit que ces salles accueilleront uniquement des usagers de stupéfiants majeurs. Dès lors, on peut s’interroger sur le sort réservé aux mineurs. J’aurais préféré la mise en œuvre de mesures novatrices pour lutter contre la drogue dans les établissements scolaires, la création de dispositifs imaginatifs d’information et de prévention !
Dans ces salles, les toxicomanes apporteront leur drogue et la consommeront sur place, tout cela sous la supervision, donc sous la responsabilité, d’une équipe pluridisciplinaire.
On crée là une zone d’immunité qui s’étendra mécaniquement au trajet nécessaire à la personne pour se rendre dans cette salle. Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que ces gens auront dans leur poche de la drogue, la transporteront, par exemple, dans le tramway. Interpellés par la police, ils pourront invoquer leur immunité en expliquant qu’ils se rendent à la salle de shoot. Je vous laisse imaginer la situation… C’est insupportable !
Cela pose de multiples problèmes juridiques, liés notamment au transport de la drogue. Dans ma commune, des contrôles sont régulièrement effectués dans les tramways. Dans une situation similaire, nous-mêmes, parlementaires, ne serions pas protégés par notre immunité, s’agissant d’un flagrant délit !
Ce serait faire preuve d’angélisme que de ne pas imaginer que le périmètre de la salle de shoot, où la police n’interviendra pas, servira aux toxicomanes et aux dealers de lieu de contact.
Étendue aux professionnels travaillant au sein de la salle et facilitant ainsi l’usage illicite de stupéfiants – la loi de 1970 n’est pas abrogée –, l’immunité prévue dans le texte sera-t-elle toujours opposable en cas d’incidents graves pouvant conduire à la mort ? Je ne le pense pas, au contraire.
Si vous pensez que les familles ne porteront pas plainte contre le personnel d’encadrement, c’est que vraiment vous ne percevez pas l’évolution de la société ! Aucun membre du corps médical, lors des opérations les plus périlleuses, ne bénéficie d’une telle protection.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que je suis tout à fait opposé à cet article. J’y reviendrai lors de l’examen de mon amendement de suppression de l’article. Il ne s’agit pas d’agiter les peurs face à un véritable problème de santé publique, mais de débattre, en conscience, sur les conséquences de notre vote d’aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.
M. Roger Karoutchi. Je comprends les préoccupations de la commission et les difficultés que soulève cette question. Certes, il est proposé d’adosser ces centres à une structure hospitalière, solution toujours préférable aux salles de shoot dont on nous avait annoncé la création plus ou moins ex nihilo dans les rues de Paris ou ailleurs.
Je veux dire au président Milon, avec toute l’estime que je lui porte, que je suis très gêné. Bien sûr, comme je viens de le rappeler, ces centres seraient adossés à une structure hospitalière. Toutefois, comme vient de le dire Jean-Pierre Grand, autoriser à transporter les produits en question, sincèrement, je trouve cela pour le moins compliqué à gérer et extrêmement embarrassant.
Pardonnez-moi de prendre le cas de l’Île-de-France : on sait bien ce qu’est la situation dans notre région, on sait bien ce qu’est la situation à Paris, on sait bien ce qu’a été l’opposition des élus de Paris et de l’Île-de-France, et pas seulement ceux de droite, à la création d’une salle de shoot.
L’intégration de cette salle à une structure hospitalière, c’est une chose, mais, comme l’a dit Jean-Pierre Grand, que certains puissent se promener dans le métro, dans le RER ou ailleurs avec de la drogue sur eux, sincèrement, ce n’est pas fait pour rassurer le citoyen lambda.
Je comprends très bien que l’on ne peut pas non plus ne rien faire, ne rien tenter, et je mesure, encore une fois, toute la difficulté de cette question. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas directeur d’hôpital ; néanmoins, j’aurais préféré que l’on trouvât une méthode permettant de traiter ces cas au sein des hôpitaux, en évitant que les usagers de ces centres n’y viennent et n’en repartent avec leurs produits sur eux, car j’y suis très réticent.
C’est avec beaucoup d’humilité que je dis au président Milon que je voterai les amendements de suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Avec l’article 9, nous sommes dans la continuité d’une action menée par le Gouvernement avec courage, qui tend à accompagner la réduction des risques chez les usagers de drogues.
Rappelons-le, la politique de réduction des risques est l’un des succès les plus marquants pour la santé publique dans notre pays. C’est grâce à elle, notamment, que la proportion d’usagers de drogues contaminées par le VIH est passée de 30 % dans les années quatre-vingt-dix à 10 % en 2011, lesquels ne représentent plus que 1 % des diagnostics de séropositivité. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Une politique, donc, qui se place du côté de la santé, de la thérapeutique plutôt que du répressif, qui laisse les personnes livrées à elle-même et qui n’apporte, toutes les expériences l’indiquent, aucune solution concrète et durable, ni du point de vue de la santé ni du point de vue de la préservation de l’ordre et de la salubrité publics.
Cette approche propose de vivre avec les drogues tout en réduisant les risques sanitaires qui leur sont associés. Les salles de consommation à moindre risque dont il est question avec cet article sont des lieux qui sont établis afin d’améliorer la santé des usagers de drogues et de mettre fin aux « scènes ouvertes », ces pratiques d’injection visibles dans l’espace public.
L’expérience d’autres pays montre largement le bien-fondé de ces lieux, tout comme l’acceptation avec le temps des riverains et des forces de l’ordre, lorsqu’ils sont associés au processus de concertation locale, notamment.
Les usagers de ces lieux, de par l’accompagnement qui est organisé d’un point de vue tant social que sanitaire, peuvent, outre y apprendre les bons réflexes de prévention en santé, être soutenus dans leur démarche de sortie du fléau de l’addiction.
C’est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste soutient fermement cette mesure et ne votera pas les amendements tendant à la supprimer ou à en réduire la portée.
Nous remercions les rapporteurs du soutien qu’ils apportent au dispositif en reconnaissant sa nécessité et son efficacité.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 153 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall.
L'amendement n° 296 est présenté par M. Grand.
L'amendement n° 502 est présenté par M. Lemoyne.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 153 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Il est des situations où la perception des choses varie en fonction des convictions personnelles.
Dans les débats précédents, madame la ministre, à l’occasion de l’examen de deux amendements, vous avez voulu culpabiliser une majorité de sénateurs qui ne partageaient pas vos vues en matière de lutte contre l’alcoolisme ou le tabagisme.
En revanche, aujourd’hui, vous entendez nous convaincre des bienfaits pour la santé publique de l’ouverture de salles d’injection supervisée.
Avec Serge Blisko, François Pillet et Françoise Branget, nous avons rendu voilà quatre ans un rapport sur la toxicomanie rédigé à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST. Je m’inspire de ses conclusions pour tenter de convaincre notre assemblée de la nocivité de cette décision pour la santé publique.
Compte tenu du temps qui m’est imparti, je m’en tiendrai au volet sanitaire pour répondre aux arguments avancés par les défenseurs de cette proposition
La réduction des risques ? Certes, cela peut éventuellement limiter les risques de surdosages ou d’autres urgences.
Concernant la contamination, il est avéré que les utilisateurs de ces centres à l’étranger – pour rédiger ce rapport, nous avons observé ce qui se passait hors de nos frontières – sont non pas des primoconsommateurs, mais malheureusement des personnes multirécidivistes et déjà porteuses de différentes affections transmissibles.
L’expertise collective menée en juillet 2010 par l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, conclut qu’il est difficile de quantifier de manière fiable les résultats de ces centres en matière de réduction des risques, les usagers ayant recours aux autres dispositifs de réduction qui concernent cette population. L’expertise conclut qu’il est tout à fait malaisé d’isoler l’impact de ces centres.
Autre argument : les centres conduiraient à une amélioration de l’accès aux soins. Là encore, l’étude menée tant à Vancouver qu’à Genève avance que seulement 0,4 % des visites conduisent à un accès effectif aux soins.
Je rappelle l’affirmation de Xavier Emmanuelli, président fondateur du SAMU social : « Je précise que les salles d’injection constituent une perversité. »
Je rappelle les conclusions de l’Académie de médecine, qui affirme qu’une démarche médicale ne peut consister à favoriser l’administration de la drogue qui suscite une addiction.
Je rappelle également que cette proposition a fait l’objet d’une condamnation sévère de l’Organe international de contrôle de stupéfiants, chargé de surveiller l’application des traités internationaux relatifs aux contrôles des drogués.
Je ne m’attarderai pas sur l’acceptation plus qu’incertaine de ces centres par la population – c’est un autre problème –, du message ambigu délivré vis-à-vis des non-consommateurs, mais aussi de toutes ces personnes dépendantes qui envisagent de rompre avec leur addiction.
Mme la présidente. Mon cher collègue, je me vois obligée de vous interrompre, car vous avez épuisé votre temps de parole ; j’en suis désolée.
Je rappelle à chacun que le temps de présentation d’un amendement est désormais de deux minutes et trente secondes.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 296.
M. Jean-Pierre Grand. Par cet article, le Gouvernement souhaite passer outre la décision du Conseil d’État d’octobre 2013 qui a considéré que l’ouverture d’une salle de shoot, telle qu’elle est prévue à Paris, n’était pas conforme à la loi de 1970 sur les stupéfiants. Il vient donc modifier la loi pour permettre l’expérimentation de ces salles, qualifiées pudiquement de « salles de consommation à moindre risque ».
Or les consommateurs réguliers de drogue dure sont des êtres humains gravement malades, que l’on doit avant tout soigner et sevrer. L'État n'a pas pour mission d'entretenir et de financer cette addiction mortelle.
Les salles de shoot ne soignent pas et ne sèvrent pas. Elles banalisent, facilitent l'usage des drogues dures. Elles rassurent artificiellement le toxicomane, ce qui fait dire à l'association Drug Free Australia que le risque est trente-six fois plus important d'avoir une overdose dans une salle de shoot que dans « la rue » (Mme la ministre le conteste.), même si ce point reste à démontrer.
On peut aussi observer que les salles de shoot, en sécurisant la personne, peuvent inciter à plus de prises régulières et parfois même à franchir la porte pour la première injection.
En Australie, comme en Amérique du Nord, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Espagne et en Norvège, ces expériences font dire à un journaliste, dans son enquête, que le bilan mondial est plutôt négatif ; en tout cas, il n'est pas positif. Au reste, si ces expériences étaient aussi probantes que certains le laissent croire, l’Allemagne, depuis près de vingt ans qu’elle a mis en œuvre ce dispositif, aurait multiplié les salles de shoot. Or elle ne le fait pas.
Enfin, en France, les lois de la République précisent que la vente, la détention et l'usage de la drogue sont interdits. Qui peut trouver normal que l’on s'en affranchisse dans un « périmètre sacré » pour les toxicomanes et mécaniquement pour les dealers ? Dans ce périmètre aux abords des salles de shoot, la police ne pourra remplir sa mission, qui est de faire fuir les toxicomanes, de les arrêter et de les punir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l'amendement n° 502.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous nous attaquons à un sujet important, et j’avoue qu’il est très difficile de prendre la parole après les explications de Gilbert Barbier, tant son expérience, le rapport qu’il a produit et la synthèse qu’il en a tirée sont éclairants et ô combien intéressants.
Hier, Mme la secrétaire d’État Ségolène Neuville déclarait, un peu maladroitement, que les votes émis dans cet hémicycle constituaient des signaux envoyés à la société. Quel signal adresserait-on en adoptant cet article prévoyant la mise en place, sous couvert expérimental, mais tout de même durant six ans, de ces salles de consommation ?
Je ne veux aucunement nier la nécessité d’instaurer une politique de lutte contre cette addiction en faveur de celles et de ceux qui se droguent, vivant loin des regards et souvent en rupture totale avec la société : ils ont vraiment besoin d’être aidés pour s’en sortir.
Deux philosophies s’affrontent en la matière. Pour ma part, je suis favorable au déploiement de mesures complémentaires pour accompagner les toxicomanes vers le sevrage, plutôt que d’entretenir cette dépendance.
Comme solution de rechange, nous pourrions renforcer les moyens conventionnels des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues, les CAARUD, créés par la loi de 2004, et aller plus loin, notamment pour entrer en contact avec les cas les plus lourds, en développant par exemple des maraudes et en favorisant les prises en charge médicalisées.
Comme je le lisais dans le rapport d’information sur les toxicomanies de MM. Gilbert Barbier et Serge Blisko, la référence aux communautés thérapeutiques qui ont été mises en place en certains endroits permet d’apporter des réponses d’une autre nature.
À mon sens, l’article 9 pose plusieurs problèmes, de fond comme de forme, avec une étude d’impact trop lapidaire. L’Académie nationale de médecine a fait part de ses réticences concernant un tel dispositif, qui risque de susciter des difficultés liées à l’ordre public, ainsi que l’a évoqué Jean-Pierre Grand.
Pour toutes ces raisons, je plaide en faveur de l’adoption de ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons mené au sein de la commission des affaires sociales, mais j’entends bien les arguments de M. Roger Karoutchi sur les problèmes de sécurité.
Je suis plus circonspect concernant l’immunité qu’a évoquée M. Grand. En effet, si celle-ci s’appliquait aux utilisateurs de drogue, elle ne serait effective que dans le cadre de la salle de shoot, et pas obligatoirement à l’extérieur de ce local.
M. Jean-Pierre Grand. Personne ne s’y rendra, alors !
M. Alain Milon, corapporteur. Je ne vous ai pas interrompu, mon cher collègue ; je vous remercie d’en faire de même avec moi.
Les problèmes de sécurité, tels qu’ils ont été évoqués, existent à l’extérieur et perdureront si vous refusez cette proposition sans en formuler d’autres pour favoriser des rencontres entre ceux qui consomment de la drogue et des personnels désireux de les aider à sortir de cette situation.
La création de salles de shoot n’est pas une idée nouvelle, puisqu’elle a déjà été présentée voilà quelques années par Mme Bachelot-Narquin,…
M. Alain Vasselle. Ce n’est pas une référence !
M. Alain Milon, corapporteur. … l’une des premières ministres de la santé à soumettre cette proposition, avant de la retirer aussi rapidement, ce qui fut selon moi un tort, dans la mesure où une telle expérience sur le sujet aurait pu être extrêmement intéressante.
Si on ne fait rien pour les toxicomanes, ils continueront de se droguer sans entrer en contact avec personne, n’importe où et dans des conditions de salubrité qui sont loin d’être exemplaires. En mettant ces salles à leur disposition, ils pourront rencontrer des équipes médicales spécialisées, conformément au vœu de la commission des affaires sociales d’adosser ces lieux à des structures existantes ou de les installer à l’intérieur d’hôpitaux.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Alain Milon, corapporteur. Certains amendements visent même à faire en sorte que le maire de la commune concernée, ou le maire de quartier à Paris, Lyon ou Marseille, soit prévenu, voire qu’il donne son accord, sans que son avis soit décisif pour autant.
Si nous permettons aux toxicomanes de rencontrer dans ce genre d’endroits des spécialistes, en particulier des addictologues, qui pourront peut-être les prendre en charge et les aider à sortir de la drogue, nous aurons fait un progrès considérable.
Honnêtement, les voisins des centres hospitaliers seront peut-être gênés par l’arrivée prétendument massive de ces drogués, mais aujourd’hui, ce sont d’autres riverains qui subissent les nuisances là où se fait le trafic de drogue.
Mes chers collègues, qu’il y ait un seul toxicomane par hôpital, sur l’ensemble du territoire national, qui soit sauvé de la drogue, et la création de ces salles sera largement justifiée ! Si vous en sauvez dix, vous aurez accompli une action humanitaire extrêmement importante. Néanmoins, si vous laissez ces personnes se droguer dans les rues dans des conditions sanitaires déplorables, vous n’en sauverez aucun. Notre action en matière de santé consiste, je le répète, à faire en sorte que les spécialistes de l’addictologie puissent, avec les psychiatres, les sortir de là.
Il s’agit simplement d’une expérimentation : permettez que, dans six mois, on en établisse le bilan. Vous serez alors consultés de nouveau.
Si l’on a constaté que, dans ces salles de shoot, sont arrivés des dizaines de millions de drogués vivant sur le territoire national, ce qui à mon avis ne sera pas le cas, on reviendra sur le sujet. Si au contraire, à l’issue de ce délai, on se rend compte que, hormis ceux qui auront eu peur du rendez-vous médical, du contrôle policier et de l’obligation de justifier de leur identité, les toxicomanes ayant rencontré des médecins font l’objet d’un suivi médical, essaient de sortir de la drogue et y parviennent, alors l’expérimentation sera un succès.
Si l’on s’aperçoit en revanche qu’aucune personne enfermée dans la drogue n’en sort et que c’est la chienlit complète, ce sera un échec. La ministre le constatera, nous l’imiterons et nous nous en tiendrons là. Toutefois, permettez au moins que l’on procède à cet essai, dont les effets seront à mon avis tout à fait positifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il est important de resituer la place que nous entendons donner à cette expérimentation, car c’est bien de cela qu’il s’agit, de salles de consommation supervisée.
Certains de nos concitoyens se droguent, et nous avons mis en place des politiques de réduction des risques – nous en avons évoqué certaines auparavant –, qui se diversifient. Budgétairement, nous accompagnons ces politiques de prévention avec des engagements financiers tout à fait significatifs : 600 millions d’euros environ entre la sécurité sociale et l’État pour la prévention et l’accompagnement.
Cependant, nous constatons chez nous, comme d’autres pays l’ont fait avant nous, que des usagers de drogues sont totalement marginalisés et échappent, si j’ose dire, à toutes les politiques qui ont été mises en place, dont certaines ont cours actuellement. Ce sont souvent, mais pas toujours, des personnes qui vivent dans la rue, qui se trouvent dans une situation d’extrême précarité sociale et sanitaire et qui se livrent à des injections de drogue, de jour comme de nuit, dans des lieux publics, souvent les parcs et les escaliers de gares, au vu et au su de tous.
Nous sommes donc face à un double enjeu, à la fois de sécurité sanitaire pour ces personnes et d’ordre public pour l’ensemble de la communauté, principalement urbaine, puisque c’est dans les villes que ces concentrations ont lieu.
Des politiques en ce sens ont cours ailleurs en Europe et dans le monde depuis plusieurs décennies : quelque 39 villes européennes ont d’ores et déjà mis en place des salles de consommation à moindre risque. Les résultats sont au rendez-vous.
Pour notre part, nous proposons d’expérimenter dans des communes qui sont candidates pour cela. Il ne s’agit pas d’imposer à qui que ce soit l’installation de ces salles. D’ailleurs, deux communes se sont publiquement portées candidates, Paris et Marseille. Je ne dis rien des autres, car des réflexions se sont engagées ailleurs, indépendamment de la couleur politique des villes concernées.
En Espagne, par exemple – cette situation est néanmoins observée dans tous les pays voisins –, le premier résultat d’une telle expérimentation a consisté en une diminution significative des décès par overdose, ce qui représente un enjeu sanitaire très important : le taux de décès par overdose est passé de 1 830 en 1991 à quelque 770 en 2008. Les résultats sont à peu près équivalents pour la Norvège ou les Pays-Bas.
Par ailleurs, nous constatons dans l’ensemble de ces pays que la mise en place de salles de consommation s’est accompagnée d’une réduction très forte – à peu près de moitié, parfois un peu plus –, du taux annuel de nouvelles infections par le VIH, grâce à un encadrement et un accompagnement sanitaire. Dans certains pays, comme les Pays-Bas, a même été enregistrée une suppression totale des cas de contamination par le VIH chez les usagers de drogue.
Nous observons aussi dans ces pays une réduction très forte de la quantité de déchets liés aux injections laissés dans les lieux publics, puisque, en France, l’on retrouve régulièrement des seringues usagées, notamment dans des bacs à sable ou sur les escaliers des gares.
Cette expérimentation n’est pas destinée à un public large d’usagers de drogue, puisque ceux-là sont pris en charge, avec des résultats plus ou moins positifs selon les individus, par des structures, les CAARUD, des lieux d’accompagnement social et sanitaire.
Nous ciblons une population qui, aujourd’hui, échappe à toutes les politiques mises en place auparavant et se retrouve livrée à elle-même, abandonnée, sans accompagnement social, sanitaire et psychologique. Comme l’a dit M. le corapporteur, si nous avons la possibilité de sauver une personne par centre, cette mesure est positive. Or nous espérons que ce sera bien plus que cela !
Ne nous faisons pas d’illusion : toutes les personnes accompagnées n’échapperont pas à la drogue, mais nous avons les moyens de réduire très significativement les décès directement liés à sa consommation. Des centaines d’overdoses pourront être évitées, des centaines de prises en charge sanitaires supplémentaires accélérées, et tout cela pour un coût limité.
Les politiques de prévention des risques représentent en effet un coût de 600 millions d’euros, tandis que celui d’une salle de consommation à moindre risque est évalué à environ 800 000 euros par an. Nous avons prévu pour cette mesure un budget de 3,5 millions d’euros dans les premières années, car seules quelques expérimentations seront lancées sur le territoire avant l’évaluation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en appelle donc vivement à un vote de responsabilité sanitaire, mais aussi de bienveillance et d’attention envers des personnes souvent totalement perdues et abandonnées. Il est de notre responsabilité collective de les aider en leur proposant des solutions thérapeutiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je fais miens tous les arguments qui viennent d’être présentés par M. le corapporteur et Mme la ministre.
Je voulais rappeler que ce sujet avait été évoqué en 2010 par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé, qui proposait elle aussi d’expérimenter des salles de consommation de drogue. Elle avait été désavouée par le Premier ministre de l’époque, M. François Fillon, qui avait préféré faire primer la morale et l’idéologie sur la raison scientifique. Les mêmes choix politiques ont fait, un temps, interdire la publicité pour le préservatif au motif que cela aurait constitué une incitation à la débauche, ou dénoncer le programme d’échange de seringues.
C’est pourquoi je tiens à saluer solennellement la position de notre commission des affaires sociales, qui, je la cite, a « mesuré l’intérêt qui s’attache à l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, après les auditions et les échanges menés avec les professionnels de l’addictologie ».
Madame la ministre, je veux saluer de la même façon votre détermination, votre lucidité, vous qui prenez le risque que ces propositions ne deviennent la cible facile de commentaires caricaturaux, pour ne pas dire populistes et démagogiques. Notre débat n’a pas jusque-là été préservé de tels propos.
Les études de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies établissent les effets positifs qu’entraîne l’ouverture de ces salles : moins de contaminations, moins de consommations sauvages sur la voie publique, moins de nuisances pour les riverains, moins de dépenses en matière de santé et moins d’exclusion.
La pédagogie étant affaire de répétition, je redis qu’il s’agit d’une expérimentation, qui s’adresse aux personnes usagées marginalisées. L’enjeu est de sécurité sanitaire, de sécurité publique. Ces salles seront ouvertes en concertation avec les responsables locaux.
Je veux le dire avec beaucoup de cœur, la Haute Assemblée s’honorerait, honorerait le débat politique et ferait la preuve de son ouverture sur les réalités de notre société en rejetant ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je soutiens très fortement les positions de M. le corapporteur.
Tout le débat tient dans cette question : « Est-on pour ou contre les salles de shoot ? » Dans la rédaction actuelle du texte, la commission a clairement indiqué sa volonté de se situer dans une démarche médicale et de soin.
Il est important de le rappeler, vu les difficultés rencontrées à Paris pour trouver un lieu expérimental, afin d’accueillir ces salles de shoot. En effet, le débat sur la sécurité publique ne doit pas occulter les aspects positifs de cette démarche : les médecins insistent ainsi sur les bienfaits de l’accompagnement et du dialogue, mais aussi sur la possibilité de sortir un certain nombre de personnes de cette difficulté.
La plupart des anciens toxicomanes avec lesquels j’ai échangé m’ont confié qu’ils s’en étaient sortis grâce à une rencontre déterminante. Dans 90 % des cas, il s’agit d’un soignant. (M. Alain Milon, corapporteur, acquiesce.) Il faut donc favoriser ce lien encadré entre les personnes atteintes de toxicomanie et les professionnels capables de les aider.
Comme un certain nombre de mes collègues, je suis donc favorable au maintien de l’article, tout en précisant qu’il faudra peut-être renommer ces salles d’accompagnement des personnes toxicomanes. C’est un message que nous devons adresser aux soignants et aux personnes qui espèrent sortir d’une situation de dépendance.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Contrairement à notre collègue M. Mouiller, je me situe du côté de ceux qui plaident en faveur de la suppression de cet article.
En effet, légiférer dans ce domaine risque d’être interprété par nos concitoyens comme une façon de légaliser la consommation de drogues, alors même que l’arsenal législatif en vigueur depuis de nombreuses années a pour objectif de lutter contre cette consommation. Nous devons veiller à ne pas adresser de message contradictoire à l’opinion publique.
J’entends bien les arguments développés par M. Milon, ainsi que par Mme la ministre, qui a étayé son exposé des motifs en citant quelques exemples parmi nos voisins européens, comme l’Espagne ou les Pays-Bas. Des dispositifs similaires ont permis d’obtenir des résultats significatifs, semble-t-il, ce qui plaide en faveur du maintien de cet article ; en tout cas, nous ne pouvons y être insensibles.
Toutefois, je n’ai pas été insensible non plus à l’argumentaire développé par notre collègue, M. Barbier, bien que celui-ci n’ait pu aller jusqu’au bout de son intervention. Comme nos collègues MM. Grand et Lemoyne, il s’est appuyé sur des expériences menées dans d’autres pays européens, en Amérique du Nord et en Australie, dont les résultats ont été jugés peu probant par un certain nombre d’experts et de journalistes ayant enquêté sur le sujet.
Si aucune expérimentation n’avait été conduite dans d’autres pays, je comprendrais que la France procède à des évaluations. Mais pourquoi ne pas tenir compte des nombreuses expérimentations qui ont déjà été menées et considérer qu’il n’est pas probant de mettre en place ce dispositif sur le territoire national ?
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de ces amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le corapporteur, j’épouse les positions de la commission sur l’ensemble de ce texte. Toutefois, s’agissant des salles de shoot, je ne vous suivrai pas.
J’entends bien votre raisonnement, mais je ne crois pas à la concertation avec les communes : on leur demandera leur avis, et si elles disent non, on passera outre ! Ainsi, on imposera aux villes des salles de shoot, éventuellement à proximité des hôpitaux.
Par ailleurs, Mme la ministre nous a bien dit, même si ce fut peut-être plus clair pour d’autres dispositions du projet de loi, qu’elle voulait en revenir à son texte. Contre mes convictions, j’aurais accepté la rédaction proposée par la commission si j’avais été persuadée que cette expérimentation serait vraiment adossée à des hôpitaux et aurait lieu avec l’avis favorable des communes. Or, pour l’instant, je ne suis pas convaincue que ce sera le cas. Je voterai donc ces amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le groupe CRC souhaite apporter son soutien à l’article 9, tel qu’il est rédigé. Il ne votera donc pas les amendements identiques de suppression. Comme Mme la ministre l’a rappelé, il s’agit d’une expérimentation de salles de consommation à moindre risque.
Nous tenons à saluer la position responsable des corapporteurs, convaincus, comme nous, de l’utilité sanitaire de telles structures, notamment à la suite de l’audition de professionnels de la réduction des risques. En effet, le but des salles de consommation à moindre risque est de fournir un accès aux soins plus rapide aux usagers de drogue les plus éloignés des parcours de soins, et ainsi les protéger de tout risque d’infection, de contamination, d’overdose, etc.
Pour essayer de convaincre nos collègues, je voudrais rappeler quelques faits.
Premièrement, il est nécessaire de faire évoluer une loi qui date de 1970.
Deuxièmement, on dénombre dans le monde une centaine de salles de consommation de drogue, et ce dans 10 pays, dont 8 sont situés en Europe. Mme la ministre en a cité quelques-uns, mais il y a aussi des salles de consommation au Portugal, en Espagne, en Allemagne, au Danemark, entre autres. Celle de Berne en Suisse existe depuis 1986 ! La France est donc bel et bien en retard. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
En Suisse, le nombre de décès par overdose a été divisé par deux en vingt ans. Selon le rapport publié en 2010 par I’INSERM sur les centres d’injection supervisée, « les salles de consommation ont permis de diminuer les risques liés à la prise de drogues injectables et de toucher des populations exclues en facilitant leur intégration dans un parcours de soins ».
Troisièmement, dans les pays qui ont mis en place ces structures, on constate non pas une augmentation de l’utilisation des drogues et hausse de la délinquance, comme peuvent le craindre leurs détracteurs, mais, au contraire, une baisse des nuisances autour des structures.
Voilà quelques brefs éléments qui doivent nous inciter à autoriser enfin ces expérimentations. Mme la ministre l’a également rappelé, plusieurs villes de tendances politiques différentes se sont portées volontaires. Il est temps de prendre cette question de santé publique à bras-le-corps ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le corapporteur, il n'y a pas deux sortes de sénateurs, ceux qui auraient compris qu’il faut soigner cette addiction mortelle et les autres, totalement insensibles, qui seraient opposés à ce texte. Nous sommes tous d’anciens élus de terrain et nous connaissons ce dossier par cœur. Nous sommes tous mobilisés contre ce fléau.
Quand je montrais les parts d’ombre de votre texte, vous m’avez rétorqué que les toxicomanes ne bénéficieraient pas d’une immunité, celle-ci s’appliquant seulement dans la salle de shoot. Voilà une affirmation bien étonnante ! En effet, toutes les personnes qui se rendent dans une telle salle auront nécessairement de la drogue sur elles. Les policiers le sauront et devront donc s’abstenir d’intervenir sur le parcours des toxicomanes. Je vous laisse expliquer tout cela aux forces de l’ordre !
Aujourd'hui, ce qu’il faut faire, c’est renforcer les services d’addictologie, la prévention et l’éducation à l’école, dans les lycées et les universités. De grâce, n’adressons pas ce signal négatif, qui est d'ailleurs d'abord politique. Comme sur d’autres sujets, le Gouvernement veut faire plaisir aux Verts. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologique.)
Mme Nicole Bricq. N’importe quoi !
M. Jean-Pierre Grand. Toutefois, nous n’avons pas à tomber dans ce panneau. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je n’ai pas été élu sénateur de la République, sous l’étiquette politique qui est la mienne, pour voter l’ouverture des salles de shoot ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Les élus du groupe écologiste voteront le maintien de l’article 9.
M. Jean-Pierre Grand. Nous nous en doutons !
Mme Aline Archimbaud. Ils adhèrent absolument à la position de la commission des affaires sociales, aux arguments défendus par son président, et à l’avis du Gouvernement.
Il s’agit bien d’un problème de santé. Il faut se préoccuper, avec bienveillance, de certains de nos concitoyens qui sont très loin de nous, qui ont rompu avec toute la vie sociale et sociétale.
De plus, ces salles de consommation à moindre risque doivent faire l’objet d’une expérimentation très encadrée, qui ne sera en aucun cas imposée aux municipalités : ne seront concernées que les communes volontaires.
Monsieur Lemoyne, vous l’avez rappelé avec raison : la lutte contre la toxicomanie doit bénéficier d’une stratégie globale. Or ces salles de consommation à moindre risque ne représentent qu’une toute petite partie du dispositif d’ensemble élaboré pour la prévention des addictions, à destination d’un public très ciblé.
Vous soulignez que le problème existe et qu’il exige des solutions. Vous précisez : il faut pouvoir entrer en contact avec les personnes concernées, qui ne se laissent pas facilement aborder. Vous ajoutez qu’il faut mettre en œuvre une prise en charge médicalisée très sérieuse. C’est exactement ce qui est proposé à travers l’expérimentation de ces salles !
Il convient de faire preuve de bienveillance – je reprends ce mot, qui a déjà été employé – envers certains de nos concitoyens qui sont très loin de la société, pour tenter de résoudre un véritable problème de santé publique.
Au-delà des appartenances partidaires des uns et des autres, si le Sénat pouvait prendre position pour ce dispositif, il émettrait un véritable signal. Notre pays est placé sous pression par des discours populistes dangereux et caricaturaux, qui diffusent le poison de la division et de la peur de l’autre. (M. Jean-Pierre Grand manifeste son désaccord.) Une position sage et raisonnable, de la part du Sénat, ferait du bien !
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Mes chers collègues, à l’origine, je ne souhaitais pas m’exprimer sur cet important dossier.
Mme Annie David. Eh bien…
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas une nécessité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. André Reichardt. Toutefois, je me dois d’intervenir, après avoir entendu M. Daudigny, et Mme Archimbaud, qui, à l’instant, a une nouvelle fois parlé de postures politiques « caricaturales », « populistes », en évoquant celles et ceux qui n’auraient pas compris le principe des salles de shoot.
Je vous l’assure : je me suis rendu à ce débat sans arrière-pensée. Comme les uns et les autres, j’ai beaucoup lu sur ce sujet. J’ai été interpellé, j’ai reçu des courriels. Ce matin, j’ai écouté nos discussions très attentivement. Je suis entré dans cet hémicycle sans savoir dans quel sens je voterai.
Après avoir écouté les uns et les autres, je tiens à vous dire qu’en mon âme et conscience je ne peux pas suivre l’avis de la commission. Je le regrette vivement.
Les inconvénients de ces salles me semblent dépasser leurs avantages, en nombre et en importance.
Il est très facile de dire : « Faisons des expériences, nous verrons ensuite »,…
Mme Michelle Meunier. Nous n’avons pas dit cela !
M. André Reichardt. … et d’ajouter : « Seules les communes qui veulent créer ces structures seront concernées ».
Vous le savez bien, dans notre pays, une fois qu’une expérience est lancée, elle perdure – c’est le moins que l’on puisse dire.
En outre, même si, cette expérience se révélant trop difficile, les autres collectivités n’ouvrent pas de telles salles, il ne fait aucun doute que les structures déjà créées perdureront, avec peut-être moins de garanties encore que ce que l’on avance aujourd’hui.
Mme Michelle Meunier. Il faut cesser de se faire peur !
M. André Reichardt. Mes chers collègues, je vous prie de croire que je m’exprime sans arrière-pensée. J’en ai simplement assez de ces leçons de morale ; on nous les a infligées avant-hier à propos de la publicité sur le vin, hier à propos du paquet neutre ; elles se renouvellent aujourd’hui.
La position que j’exprime est tout sauf politique : je vais précisément à l’encontre de M. le président de la commission et de Mme la rapporteur, qui sont de mon bord politique. Mais, je le répète, je ne peux suivre la position de la commission, et je voterai ces amendements de suppression !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Georges Labazée. Au vote !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Mes chers collègues, je tiens à opérer quelques mises au point.
Les initiatives mises en œuvre à l’étranger ont été évoquées. Je le souligne d’emblée : on peut faire dire un peu ce que l’on veut aux statistiques. Or ces structures ont, parallèlement, été examinées attentivement. (Mme Patricia Schillinger s’exclame.) À ce titre, qui, dans cet hémicycle, est allé visiter une salle de shoot à l’étranger ? (M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Patricia Schillinger lèvent la main, ainsi que M. le corapporteur.)
M. Alain Milon, corapporteur. Moi !
M. Gilbert Barbier. Eh bien, moi aussi ! Je suis allé à Genève, où j’ai passé une journée au sein des locaux de Quai 9. J’ai vu comment ces services fonctionnaient. Il faut voir les choses comme elles sont.
En outre, il m’a semblé, en écoutant le discours de M. le président de la commission, que, pour l’heure, la France ne faisait rien et laissait à l’abandon les personnes concernées… C’est faire fi de ce qui se passe dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, ou dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA. Des professionnels travaillent sans relâche au sein de ces structures.
Pour employer au mieux les crédits disponibles, ne serait-il pas préférable d’organiser des maraudes, comme le préconisait M. Emmanuelli, et ainsi d’inciter les personnes concernées à se rendre dans les centres déjà existants ?
Mme Michelle Meunier. Ces maraudes existent depuis quinze ans !
M. Gilbert Barbier. On nous précise que ces salles de consommation à moindre risque seront adossées aux hôpitaux. Mais ces derniers disposent déjà de centres comme les CSAPA !
À ce propos, nous débattons non pas d’une absence de risque, mais d’un « moindre risque ». Il s’agit toujours de l’injection d’un produit toxique.
À mes yeux, il faut faire véritablement confiance aux réseaux qui existent dans notre pays. Beaucoup d’hôpitaux, et notamment de centres hospitaliers universitaires, les CHU, disposent de services d’addictologie performants. Pourquoi créer ces pseudopodes adossés à certains établissements hospitaliers ? Aujourd’hui, on ne peut dire exactement comment ces salles fonctionneront et quels seront leurs résultats.
Quitte à mentionner les exemples étrangers, rappelons que nombre de salles d’injection à moindre risque ont fini par fermer. La salle de Berne a été évoquée. Pour ma part, je signale que les deux salles existant à Zurich ont dû fermer leurs portes, compte tenu des troubles qu’elles causaient à l’ordre public.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Je serai très brève, madame la présidente. Je tiens simplement à dire que je soutiens pleinement Mme la ministre.
Il y a un peu plus de dix ans que je suis élue sénatrice, et cela fait également dix ans que cette question fait débat. J’ai travaillé dix-neuf ans en Suisse, à Bâle-Ville et à Bâle-Campagne. Je connais les problèmes en question, et je souhaite féliciter ce pays, qui s’est engagé depuis trente ans pour venir en aide à ces personnes en difficulté.
Je ne suis pas pour la politique « des trois singes », à savoir : on n’entend rien, on ne voit rien et on ne fait rien.
Aujourd’hui, nous avons la possibilité de lancer une expérimentation, qui, je le note au passage, n’a rien à voir avec une généralisation. Voilà dix ans que l’on parle de ce problème, que des rapports y sont consacrés ! Et, pendant ce temps, on laisse les personnes concernées dans la rue, sans secours.
M. Jean-Pierre Grand. On ne peut pas dire cela !
Mme Patricia Schillinger. C’est à nous, parlementaires, d’aller dans le sens de l’action. Une proposition nous est présentée. L’heure du vote est venue, et chacun prendra ses responsabilités. Pour ma part, je suis fière que Mme la ministre défende cette position. Cette solution relève d’une politique de santé : engageons-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Grand. La commission devrait demander un scrutin public !
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Mes chers collègues, d’une certaine manière, les nombreux arguments qui ont été développés vont tous dans le même sens : celui de la lutte contre ce fléau qui est la drogue. Au sein de la Haute Assemblée, personne n’est favorable à l’usage de la drogue. Nous voulons tous trouver des solutions face à ce problème.
Dès lors, au terme du vote qui va avoir lieu, on ne saurait opposer les « bons » et les « mauvais » sénateurs. L’enjeu, c’est de trouver la meilleure solution. Si on la connaissait, il serait facile de l’appliquer.
De nombreuses initiatives ont déjà été engagées. M. Barbier vient d’en citer plusieurs. Dans les agglomérations, chacun connaît, par exemple, le réseau ville-hôpital. Malgré toutes ces actions, un certain nombre de personnes continuent, hélas ! de se droguer. Je crois que, malheureusement, ce phénomène de marginalité persistera toujours.
Face à ce problème, les salles de shoot ne sont peut-être pas la meilleure réponse à apporter. Au demeurant, on ignore quels résultats elles pourraient donner.
Aussi, je voterai la suppression de cet article.
M. Jean-Pierre Grand. Il faut réunir notre groupe !
Mme Colette Mélot. À mon sens, nous ne disposons pas de tous les éléments nous permettant de juger qu’il s’agit là de la bonne solution. Il faut continuer à travailler, à creuser ce sujet. (M. Jean-Pierre Godefroy manifeste son désaccord.) Avant tout, il faut renforcer les dispositifs qui existent déjà.
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.
M. René Vandierendonck. Mes chers collègues, je respecte infiniment les diverses positions qui viennent d’être exprimées, quelles que soient les travées d’où elles émanent. Mais, je l’affirme, comme ancien maire de Roubaix : le courage dont fait preuve Mme la ministre sur cette question mérite également le plus grand respect.
M. Jean-Claude Lenoir. Je ne sais pas où est le courage !
M. René Vandierendonck. La mesure en question permettra de renforcer les services d’addictologie qui existent déjà à l’hôpital. Je me sentirais presque lâche…
M. René Vandierendonck. … si je ne le déclarais pas : j’apporte mon soutien à Mme la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer, brièvement, un témoignage personnel.
L’un de mes fils est éducateur spécialisé. Il travaille, en cette qualité, dans une grande association d’Amiens, la capitale picarde, qui se consacre précisément aux drogués et aux problèmes auxquels ceux-ci font face.
Je peux vous l’affirmer : les éducateurs spécialisés comme les addictologues appellent de leurs vœux la création des salles de shoot. En effet, ces professionnels observent au quotidien les dégâts que peut causer la drogue, lorsqu’elle est consommée dans l’espace public sans encadrement, sans aucune garantie sanitaire. Au moins, l’expérimentation des salles de shoot, structures qui seront adossées à un hôpital et qui seront bien sûr encadrées, permettrait d’aider ces personnes, qui sont en grande difficulté, et de faire reculer l’usage de la drogue !
Voilà pourquoi je salue l’initiative de Mme la ministre. Bien entendu, je voterai l’article 9 et je ne voterai donc pas ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mes chers collègues, en abordant ces dispositions relatives aux salles de consommation réduite – je préfère cette expression à celle de « salles de shoot », qui est très médiatique mais qui a nécessairement une connotation caricaturale (Mme Evelyne Yonnet applaudit.) –,…
Mme Patricia Schillinger. Tout à fait !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. … j’étais très partagée. Bien que médecin, j’étais sensible aux arguments développés par divers orateurs, et notamment par Jean-Pierre Grand, qui a mis l’accent sur une forme d’incohérence : la drogue n’est pas légale et, cependant, on inviterait telle ou telle personne à venir « se piquer » à tel endroit.
Ensuite, la commission a mené de nombreuses auditions. Nous avons entendu de nombreux acteurs qui vivent au côté de ces personnes droguées. Ces dernières ne sont même plus borderline : elles ont totalement franchi les frontières de la société !
Bien sûr, ces salles de consommation réduite ne résoudront pas tous les problèmes d’addiction, surtout chez ces publics. Mais j’en suis arrivée à cette conviction : ces structures doivent prendre place dans tout l’arsenal utilisé pour lutter contre la toxicomanie.
De plus, il s’agit là d’une expérimentation. À l’étranger, des tentatives similaires ou pu fonctionner ou non. Mais les statistiques sont très variables, et l’on fait dire un peu ce que l’on veut aux études qui sont produites. Au fond, la meilleure expérience, c’est toujours celle que l’on fait soi-même. Voilà pourquoi il faut ouvrir cette possibilité.
Catherine Procaccia nous a déclaré : si j’étais certaine que ces salles seront adossées à des hôpitaux, que leur création sera soumise à l’accord des maires concernés, je voterais leur création. Mais si l’on supprime cet article,…
Mme Catherine Procaccia. Je ne voterai pas la suppression de cet article !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. … on ne pourra même pas examiner et faire adopter les amendements que nous avons déposés, qui tendent à assurer cette proximité avec l’hôpital et à associer les maires.
Dans le cadre d’une telle expérimentation, je ne vois pas comment il serait possible d’implanter des salles de consommation à moindre risque contre l’avis du maire.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces structures seront surtout expérimentées dans des villes dont les maires font déjà face à ces populations, aux difficultés qu’elles vivent et au désarroi qu’éprouvent leurs familles ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Certains parents voient leurs enfants s’éloigner d’elles de plus en plus – la vie est faite de belles rencontres, certes, mais elle est aussi marquée par de mauvaises rencontres. Outre nos enfants et nos petits-enfants, n’importe quel membre de notre famille peut être concerné.
Il faut donner leur chance à ces salles de consommation à moindre risque ! Voilà pourquoi je voterai contre ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mmes Michelle Meunier et Patricia Schillinger. Très bien !
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix ces trois amendements identiques.
M. Jean-Pierre Grand. La commission aurait dû demander un scrutin public !
M. Alain Milon, corapporteur. C’était à vous de le faire !
M. Jean-Pierre Grand. Je n’en ai pas le pouvoir ! Si ces amendements ne sont pas votés, ce sera grâce à la commission et au groupe socialiste ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Faut-il un rappel au règlement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 153 rectifié, 296 et 502.
(Les amendements ne sont pas adoptés.) – (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 34 rectifié bis est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Béchu, Cambon, César, Chatillon, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Grand, Gremillet et Houel, Mme Lamure, MM. P. Leroy, Karoutchi, Malhuret, Masclet et Morisset, Mme Primas, MM. Reichardt, Revet, D. Robert, Vogel, Danesi et Gournac et Mme Mélot.
L'amendement n° 291 rectifié quater est présenté par Mme Imbert, MM. D. Laurent, Longuet, Laufoaulu, Lefèvre, Mouiller, Mandelli et Reichardt, Mme Deromedi, MM. Huré, G. Bailly, Bonhomme, Mayet et Kennel, Mme Debré, MM. B. Fournier, Raison, de Raincourt, Laménie, Vaspart et Houpert, Mme Estrosi Sassone, MM. Cornu, Bouchet, Vasselle et Pointereau et Mme Gruny.
L'amendement n° 882 rectifié est présenté par MM. Amiel et Guérini.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après les mots :
directeur général de l'agence régionale de santé
insérer les mots :
et en concertation avec le maire de la commune concernée
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l'amendement n° 34 rectifié bis.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Les collectivités locales et leurs élus sont incontestablement de plus en plus souvent impliqués dans les questions de santé. C’est pourquoi la décision et les conditions d’installation de salles de consommation à moindre risque doivent faire l’objet d’une concertation, en amont, entre l’agence régionale de santé, l’ARS, la structure porteuse et le maire de la commune concernée.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1207, présenté par M. Lemoyne, est ainsi libellé :
Amendement n° 34 rectifié bis, alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, et à Paris, Lyon et Marseille, en concertation avec le maire d’arrondissement ou de secteur concerné,
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. À travers ce sous-amendement, je propose que, dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, la concertation ait lieu non seulement avec le maire de la commune, mais également avec le maire d’arrondissement ou de secteur concerné.
Mes chers collègues, vous vous demandez sans doute pourquoi le sénateur de l’Yonne que je suis s’intéresse à Paris, Lyon et Marseille. Outre que nous sommes tous sénateurs de la République tout entière, il se trouve qu’il fut un temps où j’étais élu à Paris. Je retiens de cette expérience que, sur des sujets un peu complexes pouvant donner lieu à des appréciations divergentes, comme ceux que nous traitons en ce moment, les élus d’arrondissement sont souvent en première ligne face aux administrés, lesquels vont spontanément interroger le maire d’arrondissement ou le maire de secteur.
Il me semblerait donc de bonne politique de prévoir que, dans ces trois villes, la concertation associe non seulement le maire de la commune, mais aussi ces élus de proximité.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l'amendement n° 291 rectifié quater.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement tend à ce que le maire de la commune concernée soit associé à la réflexion sur l’ouverture d’une telle structure et à la décision d’ouverture de celle-ci, en tant que premier magistrat.
Mme la présidente. L'amendement n° 882 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 34 rectifié bis et 291 rectifié quater, ainsi que sur le sous-amendement n° 1207 ?
M. Alain Milon, corapporteur. La commission émet un avis favorable sur les amendements ainsi que sur le sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien que ces amendements paraissent de bon sens, mais, aux yeux du Gouvernement, il va de soi que les maires seront consultés ! C’est justement le bon sens qui l’impose.
D’ailleurs, le cahier des charges des expérimentations prévoit la mise en place d’un comité de pilotage local présidé par le maire de la commune, le directeur général de l’agence régionale de santé et le représentant de l’État dans le département, le maire d’arrondissement étant associé à la concertation pour Paris, Lyon et Marseille.
Aussi, la précision que les amendements et le sous-amendement tendent à apporter me paraît redondante par rapport à ce qui est prévu, et donc inutile.
Toutefois, comprenant bien la logique qui sous-tend cette disposition, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces amendements ainsi que sur le sous-amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié bis, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 291 rectifié quater n’a plus d’objet.
L'amendement n° 409 rectifié quinquies, présenté par MM. Mouiller, Retailleau, de Legge et Calvet, Mme Bouchart, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Morhet-Richaud, MM. A. Marc, de Nicolaÿ et Delattre, Mme Primas, M. Morisset, Mme Giudicelli, MM. Gournac et Bonnecarrère, Mmes Cayeux, Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Allizard, Mme Duchêne, MM. Bouchet, de Raincourt, Joyandet, Chaize et Vogel, Mme Estrosi Sassone, MM. Pillet, Saugey, Genest, Darnaud, Mandelli, Cambon, Husson et Falco et Mme Deseyne, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
distincts de ceux habituellement utilisés dans le cadre des autres missions
par les mots :
adossés à un établissement de santé
II. – Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer le mot :
supervision
par le mot :
responsabilité
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Dans la logique de ce qui a été dit tout à l'heure, cet amendement vise à préciser que les salles de consommation seront adossées à un établissement de santé.
Je pense même que la rédaction devrait aller plus loin et prévoir que ces salles seront « intégrées » à un établissement de santé, le principe étant bien d’intégrer cette démarche dans un acte de médicalisation et donc de suivi.
J’ajoute qu’un accompagnement sanitaire et social est essentiel au sein de ces structures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En effet, les expérimentations pourront avoir lieu dans des lieux différents, selon ce qui paraîtra adapté à la situation de la ville.
À cet égard, je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, parmi les projets en cours, certains ne sont pas adossés physiquement à un hôpital, à la demande du maire et des associations locales, qui souhaitent structurer la prise en charge autrement.
Les salles de consommation n’ont pas une vocation hospitalière. Certaines – comme à Paris, d’après ce qui se dessine – pourront être situées à proximité des locaux d’un hôpital, voire intégrées à ceux-ci, mais ni leur supervision ni leur gestion ne seront hospitalières. L’accès à ces salles devra se faire par une porte d’entrée spécifique, clairement identifiée et distincte de celle de l’hôpital. En effet, les usagers des salles de consommation constituent des publics particuliers, qui ne doivent pas être confondus avec les patients qui se rendent à l’hôpital.
On le voit, les dispositions de cet amendement apparaissent plus restrictives que les projets en cours. Elles amèneraient certains d’entre eux à ne pas pouvoir être retenus.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. On voit bien là l’ambiguïté du vote qui est intervenu sur les salles de consommation : maintenant que le principe en est adopté, on dévoile les batteries de Mme la ministre, dont on sait très bien qu’elle ne veut pas que ces salles soient adossées à l’hôpital et qui a toujours répété que ces structures seront indépendantes. Au reste, c’est la démarche qu’elle a toujours défendue !
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je pense que vous n’étiez pas sans le savoir…
Dès lors, je veux dire à ceux qui déclarent aujourd'hui que les salles de consommation doivent être adossées à un hôpital que je peux me replier sur une telle solution, mais l’on sait très bien que ce n’est pas la volonté de Mme la ministre.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Certes, mais nous voterons l’amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Je trouve quand même un peu fort de café que Gilbert Barbier mette en doute ma connaissance du sujet !
Mon cher collègue, j’ai toujours dit clairement qu’il s’agissait d’un problème médical et que ces salles de shoot devaient être « adossées » à l’hôpital, même si, aujourd'hui, je préfère le terme « intégrées » que propose notre collègue – la commission déposera un sous-amendement à l’amendement de Philippe Mouiller en vue de procéder à cette modification sémantique. D'ailleurs, l’expérimentation qui est train d’être mise en place à Paris se fait bien à partir d’un hôpital.
La position de la commission à ce sujet est claire ; elle figure dans le texte qui a été voté et n’a pas varié. Il s’agit d’intégrer les salles de consommation à un milieu hospitalier et de recueillir l’accord du maire ou du maire de quartier, de manière que les médecins addictologues participent à la surveillance des drogués et que les politiques participent à la décision d’ouverture de la structure.
C’est bien le sens des propositions que nous avions émises et les membres de la commission, y compris ceux de l’opposition sénatoriale, en avaient été informés.
Monsieur Barbier, je n’ai donc pas du tout changé d’avis sur ce sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Comme je l’ai déclaré précédemment, la logique consistant à aider les toxicomanes à sortir de leur dépendance me semble largement supérieure à celle qui aurait pour effet de les entretenir, ne serait-ce qu’un peu, dans cette logique de dépendance.
De ce point de vue, le traitement médical ne doit pas être négligé.
En présentant son amendement, notre collègue Philippe Mouiller a évoqué l’intégration à un établissement de santé.
Mes chers collègues, j’avais demandé à prendre la parole pour vous proposer un sous-amendement visant à procéder à cette amélioration sémantique, mais M. le président de la commission vient de me devancer. Je voterai naturellement le sous-amendement qu’il déposerait en ce sens !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je souhaite répondre à Gilbert Barbier.
Selon ce dernier, lorsque nous avons appelé à ne pas voter les amendements de suppression de l’article 9, nous avons assuré que les salles de consommation seraient ouvertes après recueil de l’avis du maire et qu’elles seraient adossées ou intégrées à l’hôpital. Or, Mme la ministre n’étant pas d’accord avec nous sur ces points, nous nous serions fait avoir.
Non ! La commission des affaires sociales du Sénat a une position très claire : elle souhaite que, dans le texte qui sera voté par le Sénat, l’expérimentation se fasse dans des lieux intégrés aux hôpitaux et après avis du maire. C’est ce que souhaitent également la majeure partie des membres du groupe auquel nous appartenons.
Certes, on sait bien quel est l’avenir des textes adoptés par le Sénat, mais vous n’avez pas le droit de dire, monsieur Barbier, qu’en proposant de renforcer le caractère médical de l’expérimentation nous sommes en train de nous faire avoir !
Le texte issu des travaux de la commission prévoit d'ores et déjà des expérimentations réalisées dans un cadre médical et en concertation avec les élus, et j’espère que le texte qui sera voté par notre assemblée fera de même.
Mme la présidente. Monsieur Philippe Mouiller, accepteriez-vous de rectifier votre amendement de manière à remplacer le mot « adossés » par le mot « intégrés », afin que la commission n’ait pas à déposer de sous-amendement en ce sens ?
M. Philippe Mouiller. Oui, madame la présidente, et je modifie donc ainsi mon amendement.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 409 rectifié sexies, présenté par MM. Mouiller, Retailleau, de Legge et Calvet, Mme Bouchart, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Morhet-Richaud, MM. A. Marc, de Nicolaÿ et Delattre, Mme Primas, M. Morisset, Mme Giudicelli, MM. Gournac et Bonnecarrère, Mmes Cayeux, Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Allizard, Mme Duchêne, MM. Bouchet, de Raincourt, Joyandet, Chaize et Vogel, Mme Estrosi Sassone, MM. Pillet, Saugey, Genest, Darnaud, Mandelli, Cambon, Husson et Falco et Mme Deseyne, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
distincts de ceux habituellement utilisés dans le cadre des autres missions
par les mots :
intégrés à un établissement de santé
II. – Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer le mot :
supervision
par le mot :
responsabilité
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voterai l’amendement rectifié de M. Mouiller, mais je veux faire remarquer à Mme la rapporteur que son intervention comporte un petit hiatus.
En effet, je comprends que la volonté de la commission était de faire figurer à l’article 9 la notion d’intégration à l’hôpital. Or la commission n’a pris aucune initiative pour que le texte soit rédigé ainsi. L’ajout de cette précision devra donc passer par le vote d’un amendement extérieur en séance publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. En effet, la notion d’intégration à l’hôpital ne figure pas dans le texte issu des travaux de la commission, déposé au mois de juillet.
Toutefois, monsieur Vasselle, cette semaine, lors de l’examen des amendements, nous avons clairement indiqué que la commission émettrait un avis favorable sur les amendements visant à inscrire cette notion dans le texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’avais dit que le Sénat, dans sa globalité, s’honorerait de ne pas voter les amendements de suppression, ce qu’il a fait. Je pense qu’il s’agit d’un beau moment dans la vie de notre Haute Assemblée.
Sur ce point précis, nous partageons les arguments présentés par Mme la ministre. Cependant, il nous appartient de défendre notre position dans sa globalité et de rechercher un compromis sur ce sujet important.
Aussi, le groupe socialiste s’abstiendra sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À l’instar de la position exprimée par notre collègue Daudigny, le groupe CRC s’abstiendra sur cet amendement, dont les dispositions ne vont pas tout à fait dans le sens de ce qui était proposé dans le texte de la commission pour les salles de consommation à risque réduit.
Par ailleurs, le terme « adossés » nous aurait mieux convenu : il soulignait l’existence d’un lien avec l’hôpital et sa structure tout en supposant un soutien, une coopération ; le terme « intégrés », quant à lui, suppose que ces salles se trouvent physiquement à l’intérieur de l’hôpital, ce qui peut poser quelques problèmes à certains établissements qui vont devoir trouver un lieu pour intégrer ce service. L’idée était pourtant la même, à savoir l’existence d’un lien avec l’hôpital. (Mme Colette Mélot s’exclame.)
Le groupe CRC s’abstiendra sur cet amendement.
M. Alain Vasselle. On ne peut pas dire tout et son contraire !
Mme Annie David. Mes chers collègues, nous avons tout de même le droit de nous exprimer pendant les deux minutes trente qui nous sont imparties ! Je ne partageais pas forcément vos explications, mais je les ai écoutées !
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste s’abstiendra également sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 873 rectifié est présenté par MM. Amiel, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L'amendement n° 1061 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Après les mots :
médico-social
insérer les mots :
ainsi que des acteurs de la promotion de la santé
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 873 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1061.
Mme Aline Archimbaud. Cet ajout vise à mieux intégrer les acteurs associatifs de la promotion de la santé, qui ne seraient certes pas soignants ni travailleurs sociaux, mais malgré tout dûment formés, dans la mise en œuvre de l’expérimentation d’un espace de consommation à moindre risque.
Il s’agit par là de permettre un accompagnement renforcé sur les plans sanitaire et social, en complémentarité avec les acteurs médico-sociaux et soignants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, car l’expression « ainsi que des acteurs de promotion de la santé » est trop large et ne fait référence à aucun acteur bien identifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La rédaction adoptée prévoyant qu’il s’agit de locaux intégrés dans un établissement de santé, elle est quelque peu contradictoire avec mon amendement. Aussi, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 873 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1061.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'article.
M. Alain Vasselle. Malgré les modifications apportées au texte – souhaitables, certes, car cela permettra de limiter les conséquences dénoncées par M. Barbier dans un argumentaire parfaitement construit –, je ne voterai pas l’article 9, par souci de cohérence, car j’ai voté l’amendement de suppression voilà quelques instants. La logique veut que j’adopte la même position.
M. André Reichardt. Tout à fait !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le Premier ministre, en déplacement à l’étranger.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
Je rappelle également que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je demande à chaque intervenant de bien respecter son temps de parole. Il se préparera ainsi à ce qui sera instauré à compter du 1er octobre prochain.
réforme du code du travail
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe CRC.
M. Dominique Watrin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Vous avez annoncé une loi refondant complètement le code du travail, notamment après la remise du rapport Combrexelle. Il faudrait flexibiliser encore plus les rapports entre salariés et employeurs, effacer la loi devant la négociation entre des parties pourtant par essence inégales.
Ce discours n’est pas nouveau. Il est celui de la droite et du patronat depuis quarante ans. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) La France serait malade de la rigidité de son code du travail, ce qui expliquerait tous ses maux.
Faut-il, comme en Allemagne, permettre aux employeurs de payer des salaires de 400 euros par mois ou de 1 euro par jour aux chômeurs de longue durée ? Le résultat a bien sûr été la réduction du chômage, mais à quel prix ? On compte 12,5 millions de travailleurs pauvres, soit plus d’un travailleur sur cinq ! Au Royaume-Uni, la voie est la même.
Les salariés ont du travail, certes, mais leurs salaires sont insuffisants pour vivre dignement.
Monsieur le Premier ministre, si le code du travail est illisible, trop lourd, pourquoi ne pas le simplifier en assurant en premier lieu l’égalité de traitement entre salariés, quelles que soient la taille de l’entreprise ou la présence syndicale ? Dans un tel système, les accords de branche et d’entreprise ne pourraient qu’apporter du mieux-disant social. Mais vous voulez faire exactement l’inverse.
J’insiste sur un point : certains évoquent l’épaisseur du code du travail pour justifier leur décision. J’ai vérifié, il comporte 1 795 pages ! Dès lors, que dire du code de commerce, celui des entreprises, qui est un beau bébé de 2 750 pages, que personne ne songe à faire mincir ?
Notre inquiétude est donc totale quant à ces annonces et au projet qui nous sera présenté cet hiver. Le bruit de fond de cette campagne médiatique, c’est celui du MEDEF, qui sortira seul gagnant d’une telle réforme. (M. Jean-Pierre Bosino opine.) Vos dénégations ne nous trompent pas et l’ensemble de l’action de votre gouvernement nous incite à ne pas vous croire.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi, alors que vos choix et projets, tels que le pacte de compétitivité, créent du chômage, vous acharnez-vous dans cette voie sans issue ?
Vous êtes sensible aux voix des entrepreneurs, mais pourquoi n’entendez-vous pas ceux qui, à gauche, proposent une alternative au libéralisme ?
Monsieur le Premier ministre, allez-vous renoncer une fois pour toutes à sacrifier les droits des salariés sur l’autel des intérêts patronaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Watrin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre du travail, Myriam El Khomri, qui m’a chargé de répondre à vos interrogations quant à la réforme du droit du travail envisagé par le Gouvernement. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le code du travail, vous le savez, est là pour protéger les salariés. Nous avons aussi la responsabilité d’assurer l’efficacité de notre économie, de lutter contre le chômage et, dans l’intérêt même des salariés, les entreprises doivent pouvoir s’adapter aux évolutions de leur environnement. Pour ce faire, elles ont besoin qu’on leur donne la possibilité, en accord avec leurs salariés, monsieur le sénateur, d’adapter les règles au plus près du terrain. Il faut donc redonner de la souplesse, comme le préconise le rapport Combrexelle, en privilégiant la négociation collective. Il s’agit de faire davantage confiance aux salariés pour apporter des solutions concrètes. Le but, ce n’est pas moins de garanties, mais des règles capables d’être adaptées aux besoins du terrain, dans l’intérêt même de l’entreprise et des salariés.
Aussi, vous le savez, la loi continuera de garantir les mêmes droits pour tous et d’apporter les mêmes garanties essentielles. Il n’y aura pas de moins-disant pour les salariés. En matière de salaire, le SMIC sera maintenu,…
Mme Éliane Assassi. Heureusement !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … ainsi que les salaires minimaux fixés par branche.
Il n’est pas question de remettre en cause la durée légale du travail, les 35 heures. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le Président de la République et le Premier ministre ont été très clairs, je le réaffirme devant vous, le CDI sera préservé. Nous ne céderons pas en la matière. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
En outre, réduire la complexité du droit, ce sera un plus pour les salariés. Car, quand le droit est trop complexe, il n’est pas connu, il ne protège en réalité plus personne. Les organisations syndicales le reconnaissent aussi.
Enfin, la réforme sera bien sûr menée en concertation étroite avec tous les acteurs sociaux. Elle se fera dans le dialogue. Quant à son calendrier, le Président de la République a annoncé, lors de la remise du rapport Combrexelle, que le Gouvernement entendait légiférer avant l’été 2016. Ce rapport sera une base importante pour cette réflexion, mais c’est évidemment avec les partenaires sociaux que nous établirons une discussion. Mme la ministre du travail recevra bien évidemment chacune des organisations syndicales et patronales représentatives et écoutera toutes leurs propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.
M. David Assouline. Mes chers collègues, nous nous opposons souvent, et légitimement, au cours de nos débats, car la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
D’autres fois, nous sommes interpellés sur les fondements de notre identité collective, sur les valeurs qui fondent nos engagements, qui fondent la République.
Tel a été le cas après les attentats visant la liberté d’expression et la fraternité : nous avons répondu par le 11 janvier, notre peuple était à la hauteur, ses dirigeants aussi, alors que nous étions frappés au cœur. Pas de haine, la foule de la fraternité, complice et responsable, battait le pavé.
Aujourd’hui, les victimes directes ou indirectes des mêmes assassins et de ceux qui les ont enfantés fuient en masse leur pays et cherchent refuge en Europe. Là encore, des centaines de villes solidaires, des associations, des milliers de citoyens prennent des initiatives pour tendre la main.
La dignité humaine se trouve là. Malheureusement, les yeux souvent rivés vers ce qui leur paraît être leurs intérêts électoraux immédiats, certains préfèrent parler vulgairement de « fuite d’eau ». Ils arrivent à comprendre ceux qui s’exilent pour échapper au fisc, mais ne réussissent pas à comprendre pourquoi d’autres s’exilent pour échapper à la mort et aux persécutions. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Certains trient selon les religions des uns et des autres, alimentent les peurs que cette instabilité engendre inévitablement, montent les pauvres les uns contre les autres…
M. François Grosdidier. C’était bien au début, mais là, ça dérape !
M. David Assouline. … ou parlent d’invasion barbare. Là où notre honneur est d’en appeler à ce qu’il y a de meilleur au plus profond de chacun et de notre peuple, certains cherchent à aviver tout ce qui existe de plus égoïste et malsain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui montrez chaque jour que votre fonction première, à savoir assurer la protection de nos concitoyens et rassurer par la plus grande maîtrise de la situation, peut se conjuguer parfaitement avec cette valeur essentielle de notre République qu’est la fraternité, dites-nous, dans l’esprit de tous ceux qui ont honoré cet hémicycle – je pense à Victor Hugo, qui fut lui-même contraint à l’exil politique –,…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la même chose !
M. David Assouline. … ce que la France fait pour être là où elle est attendue par le monde…
M. le président. Il faut conclure.
M. David Assouline. … et ce que vous faites pour encourager ce formidable élan de nos communes et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Assouline, vous soulignez à l’instant l’étendue d’un drame humanitaire que nous voyons se déployer sous nos yeux depuis maintenant plusieurs semaines. Des femmes, des enfants, des populations en situation de vulnérabilité se retrouvent entre les mains de passeurs, parce qu’ils sont persécutés dans leur pays. Ils prennent le chemin de l’exode, arrivent en Europe afin de pouvoir continuer à vivre. Ceux qui franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne, notamment en Grèce, sont les persécutés de Daech, du califat de la haine et du régime de Bachar al-Assad. Quel est notre devoir, quelle est notre stratégie ?
Notre devoir, c’est, conformément à ce qu’est la France, au message multiséculaire qu’elle a appris à tenir aux peuples du monde, d’accueillir ceux qui sont persécutés, de le faire dans une solidarité européenne renforcée. Pour cela, nous nous sommes engagés au plan national, à travers la loi sur l’asile, qui permet de réduire considérablement la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile de 24 mois à 9 mois, en créant 18 500 places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, ou CADA, au cours du quinquennat, en donnant des moyens supplémentaires aux administrations en charge de l’accueil des demandeurs d’asile, afin de pouvoir atteindre l’objectif de la réduction des délais, je pense notamment à l’OFPRA et à l’OFII.
Avec Sylvia Pinel, nous avons présenté un plan de création de 11 000 places supplémentaires d’accueil dans le logement de droit commun, pour sortir les réfugiés des CADA ou des centres d’hébergement d’urgence. Nous avons également augmenté le nombre de places en CADA et créé des places en hébergement d’urgence, à hauteur de 1 500.
Je n’oublie pas la dimension européenne, qui doit permettre de conjuguer humanité et fermeté. Il s’agit d’abord de créer les conditions du mécanisme de répartition des réfugiés entre les différents pays de l’Union européenne. Cela a été une proposition française, elle a été reprise par la Commission. Nous devons aboutir à une solution au conseil des ministres « Justice et Affaires intérieures » qui se tiendra mardi prochain.
Il convient ensuite de mettre en place de véritables actions de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, permettant d’identifier les réfugiés et de procéder à la reconduite à la frontière de ceux qui ne relèvent pas du statut de réfugié en Europe. En effet, s’il n’y a pas de fermeté et de responsabilité là où il y a de la générosité, l’accueil des réfugiés n’est pas soutenable.
Je voudrais conclure en disant que, sur cette question des migrations, face à des drames humanitaires comme ceux auxquels nous sommes confrontés, il y a parfois beaucoup d’approximations, beaucoup d’imprécisions, beaucoup de manipulations. Je forme le vœu que, dans cet hémicycle,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … – nous avons essayé de le faire hier – nous puissions nous rassembler. En effet, lorsque l’essentiel est en cause, il faut être capable de dire ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Guillaume Arnell applaudissent également.)
maltraitance et repérage des violences chez l'enfant
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe de l'UDI-UC.
M. Olivier Cadic. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales.
La semaine dernière, la France a découvert le calvaire du petit Bastien, âgé de trois ans. Son père l’a tué en l’enfermant dans un lave-linge, qu’il a mis en marche. Quand ce père a téléphoné aux pompiers, il leur a dit qu’il avait « un petit souci ».
S’il avait un petit souci, nous avons, nous tous, collectivement, un gros problème avec la maltraitance. Voilà deux ans, un colloque national sur les violences faites aux enfants s’est tenu au Sénat. Il a donné lieu à un rapport, qui a été présenté à Mme la ministre Marisol Touraine. Ce document indique qu’« il manque encore en France un outil statistique national pour mesurer l’ampleur du problème du danger et de la maltraitance ».
Depuis cette publication, on estime que 1 500 enfants sont morts en France sous les coups de parents bourreaux. Il y en aura deux de plus ce soir, et deux autres demain... À l’échelle du quinquennat, nous parlons d’une hécatombe équivalant à celle du 11 septembre.
Si deux enfants meurent chaque jour en France de mauvais traitements, ils sont deux par semaine au Royaume-Uni. Là-bas, des acteurs sociaux et la justice sont tenus d’intervenir à la première alerte. Des mesures de sauvegarde sont prises au moindre soupçon. (M. Didier Guillaume s’exclame.) Compte tenu des observations de nos services sociaux, outre-Manche, ils auraient été tenus de retirer Bastien de la garde de ses parents. Le système français a failli.
Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a réclamé au Président de la République de faire de la lutte contre la maltraitance une cause nationale.
Madame la ministre, voilà quelques jours, la photo du petit Aylan, trouvé mort sur une plage turque, a ému la communauté internationale s’agissant du sort des migrants.
À Melun, la juge a fait projeter aux jurés les photos du corps martyrisé du petit Bastien. Faut-il publier ces photos pour obtenir un sursaut des pouvoirs publics ?
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer si vous allez enfin mettre en place un outil statistique de suivi de la maltraitance ? Pourriez-vous nous préciser les mesures que vous envisagez de prendre pour mieux prévenir et combattre la maltraitance en France ? Allez-vous en faire une priorité nationale ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur Olivier Cadic, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir posé cette question et parlé devant la Haute Assemblée du petit Bastien : ce qu’il a subi mérite que nous prononcions son prénom aujourd'hui.
Bien entendu, lorsqu’un drame d’une telle nature survient, on se pose forcément la question : comment est-ce possible ? Comment est-il possible, pas seulement que des parents assassinent leurs enfants – malheureusement, nous savons que cela existe –, mais que les services sociaux, qui suivaient pourtant cette famille, n’aient pas pu prévenir ce qui est arrivé ?
Toutefois, avant d’évoquer les dysfonctionnements, j’aimerais rappeler un certain nombre d’éléments. La protection de l’enfance protège 300 000 enfants chaque année ; elle sauve des enfants tous les jours. Je veux aussi saluer l’action des travailleurs sociaux et les politiques publiques qui sont menées dans notre pays, en particulier par les départements ; nous devons en être fiers.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Il peut, certes, y avoir des erreurs de diagnostic, mais c’est malheureusement le cas dans toutes les professions.
Vous me demandez quand nous allons faire de la protection de l’enfance une priorité. Mais c’est déjà le cas, monsieur le sénateur ! Et, d’un certain point de vue, c’est aussi grâce au Sénat. Nous avons engagé l’an dernier une réforme des textes en vigueur, mais aussi des pratiques des professionnels – car on ne change pas les pratiques uniquement par la loi –, sur la base des travaux parlementaires de Mmes Muguette Dini, alors sénatrice de l’UDI-UC, et Michelle Meunier, sénatrice socialiste.
Pour ma part, depuis un an, j’ai procédé à des concertations et rencontré l’ensemble des acteurs concernés : professionnels, anciens enfants de l’Aide sociale à l’enfance, l’ASE, parents d’enfants placés, magistrats, travailleurs sociaux…
La proposition de loi, qui est la grande réforme de la protection de l’enfance – d’un certain point de vue, on pourrait parler d’« acte II », depuis la réforme engagée par Philippe Bas –, sera adoptée par le Sénat. Une feuille de route avec 100 actions a été présentée à l’ensemble des professions. Le repérage précoce, le suivi et la prévention de la répétition de la maltraitance sont au cœur de nos priorités.
Je suis convaincue que la réforme aboutira. Je ne l’ai pas conduite seule et d’en haut. Je l’ai conçue sur la base du travail effectué par les parlementaires, et avec l’ensemble des professionnels. Grâce à cette méthode, nous allons réussir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
blocage de l'autoroute a1
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Legendre. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Nous avons tous été émus par le drame qui s’est produit à la fin du mois d’août dans un camp de gens du voyage à Roye, dans la Somme, et qui a coûté la vie à trois personnes de cette communauté, abattues par un forcené, et à un gendarme qui tentait de s’interposer.
Mais l’émotion ne peut pas excuser les incidents qui ont suivi, à l’occasion de l’enterrement des victimes.
Parce que la justice n’avait pas autorisé deux parents des victimes, condamnés à de la prison, à assister aux obsèques, des membres de cette communauté ont coupé le 28 août l’autoroute A1, Paris-Lille, dans les deux sens, causant d’importants dégâts à la chaussée et provoquant cinquante kilomètres de bouchons sur l’A1, l’A16 et l’A29, pendant des heures en cette soirée de grand retour de vacances.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. François Grosdidier. Il n’y a plus d’État !
M. Jacques Legendre. Sur ordre du préfet, la gendarmerie n’est pas intervenue et n’a procédé à aucune interpellation. Quant à la cour d’appel, elle s’est réunie en urgence pour revenir sur la décision du juge de l’application des peines et autoriser les personnes incarcérées à assister aux obsèques.
Voilà qui soulève bien des questions. Pourquoi la justice a-t-elle refusé ce qu’elle a ensuite accepté en urgence ? Pourquoi les forces de l’ordre ne sont-elles pas intervenues alors qu’il y avait un trouble manifeste à l’ordre public ? (M. André Reichardt opine.) Quel est le coût de cette affaire ? Qui va payer les travaux de remise en état de l’autoroute ? Qui va compenser les pertes de recettes subies par la société concessionnaire ?
M. le Président de la République, interrogé à ce sujet, s’est déclaré « profondément désolé » pour les désagréments causés…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est léger !
M. Jacques Legendre. … et a déclaré ne pas vouloir mettre en danger les forces de l’ordre. Nous le comprenons bien. Mais cet aveu de faiblesse est tout de même très inquiétant. Il rappelle la choquante mansuétude dont bénéficient les zadistes de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique, où plus de 200 exactions ont été commises, y compris à la fin du mois d’août, contre des gendarmes, sans véritable réaction des autorités.
M. le président. Posez votre question.
M. Jacques Legendre. Que dire aussi de la situation à Calais le 2 septembre, quand, à l’entrée du tunnel sous la Manche, un Eurostar avec 704 passagers à bord est resté bloqué de vingt et une heures trente à dix heures trente le lendemain matin, à cause de la présence de migrants sur les voies ?
Monsieur le ministre, quand l’autorité recule devant les violents, c’est la République qui s’affaiblit. Défendre le République, c’est d’abord faire appliquer la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous êtes un excellent commentateur d’une situation que vous et vos amis avez contribué à créer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est honteux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas digne !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand on a supprimé pendant cinq ans quinze unités de forces mobiles et 13 000 agents, dont 7 000 dans la gendarmerie et 6 000 dans la police (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.), quand on s’est employé, avec une méticulosité absolue, à affaiblir les forces de l’ordre, on s’abstient de donner de leçons ! (Mêmes mouvements.)
Pour notre part, nous devons gérer des situations difficiles, et nous mobilisons les forces de l’ordre du jour pour y faire face ; voilà la réalité ! (Mêmes mouvements.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas acceptable !
M. Ladislas Poniatowski. C’est une honte !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. En outre, monsieur le sénateur, vous n’étiez pas présent sur place le soir où s’est produit ce drame. Moi si ! J’étais à l’hôpital d’Amiens, aux côtés des gendarmes, qui avaient perdu l’un des leurs. (M. Ladislas Poniatowski s’exclame.) J’ai vu l’émotion parmi les forces de gendarmerie. J’ai également vu le climat d’extrême tension qui existait alors. Il est des moments où il est de la responsabilité de l’État de ne pas ajouter des morts aux morts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud et M. Jean-Vincent Placé applaudissent également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans une situation de ce type, il faut faire en sorte d’être dans la responsabilité, et non dans l’exploitation politicienne avec des arguments populistes comme ceux que vous venez d’utiliser ! (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également de nouveau. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin – et je vous le dis très franchement, monsieur le sénateur –, laisser croire qu’il pourrait y avoir une quelconque faiblesse de l’État sur ce sujet (M. François Grosdidier s’exclame.) alors même que les enquêtes ont été enclenchées au lendemain de l’événement et qu’elles se poursuivent afin de rattraper et de punir le plus sévèrement possible les auteurs de tels actes, c’est aussi alimenter un populisme qui ne fait pas de bien à la République ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.
M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Dans les territoires ruraux, dont le Gers, que j’ai l’honneur de représenter de nouveau au sein de notre Haute Assemblée, nos concitoyens ressentent qu’ils sont les oubliés des politiques d’aménagement du territoire depuis des dizaines d’années.
M. Jackie Pierre. Mais non !
M. Raymond Vall. Il faut bien l’avouer, certains responsables politiques ont entretenu ce sentiment en ne prenant pas en compte les spécificités rurales dans l’élaboration des dernières lois. Je pense à la loi MAPTAM et à la loi NOTRe, dont certains articles étaient inapplicables dans la ruralité.
Aujourd’hui, – enfin ! –, la ruralité est une priorité affichée du Président de la République et du Gouvernement. (Non ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Il y a une prise de conscience de ce que ces territoires représentent aussi pour la France : une source de développement économique, des ressources énergétiques, y compris dans les énergies renouvelables, des gisements d’innovation et une agriculture indispensable.
Dans le Gers, le 29 juillet dernier, le Premier ministre a confirmé sa volonté de prendre en compte les handicaps de la spécificité rurale, tels que l’enclavement, l’absence d’infrastructures, la disparition des services publics, la désertification médicale. Et le dernier comité interministériel dédié à la ruralité, qui s’est tenu à Vesoul au début de cette semaine, a confirmé et précisé un certain nombre de mesures en faveur de ces territoires.
Un sénateur du groupe Les Républicains. On est sauvés !
M. Raymond Vall. Je pense notamment au soutien à l’investissement de nos collectivités, durement touchées par la baisse de leurs dotations, mais aussi au nécessaire renforcement de la présence des services publics de proximité.
M. Alain Vasselle. Vous enfoncez des portes ouvertes !
M. Raymond Vall. Les habitants des territoires ruraux attendent la reconnaissance du principe d’égalité républicaine. Il ne pourrait y avoir de citoyens de seconde classe dans notre République.
Merci de nous faire part des moyens que le Gouvernement entend mettre rapidement en œuvre pour redonner espoir à ces territoires ruraux et à ceux qui y vivent, et pour remotiver les élus locaux, en particulier les maires, qui assument une mission républicaine irremplaçable pour nos concitoyens sur ces territoires ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur Raymond Vall, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter chaleureusement de votre élection récente dans le Gers.
Je suis heureuse de vous retrouver dans cet hémicycle. Je sais combien vous êtes attaché au développement des territoires ruraux. Vous avez rappelé leur spécificité. Surtout, vous avez évoqué les moyens de répondre aux attentes des élus locaux et de leurs habitants.
Je peux vous l’assurer, le Gouvernement partage votre volonté d’accompagner l’ensemble des territoires, en particulier les territoires ruraux.
M. André Reichardt. Ça se voit ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylvia Pinel, ministre. Comme vous l’avez souligné, pour le Gouvernement, la République c’est l’ensemble des territoires ; c’est l’ensemble de nos concitoyens. Il n’y a pas de territoires ou de citoyens de seconde classe.
Le Président de la République et le Premier ministre l’ont rappelé lundi à Vesoul.
M. Christian Cambon. C’était une tournée électorale !
M. Alain Joyandet. Il ne s’y est rien passé !
Mme Sylvia Pinel, ministre. … était l’occasion de dresser un bilan des quarante-six premières mesures concrètes que nous avions présentées au mois de mars, mais aussi de faire le point sur leur déploiement et sur celles qui sont déjà opérationnelles – vous avez mentionné un certain nombre d’exemples.
Beaucoup a été fait, notamment dans les dernières lois qui ont d’ailleurs été adoptées dans cette Haute Assemblée. Je pense par exemple à l’ingénierie. La mise en place du dispositif AIDER, qui permet de soutenir non seulement les élus locaux, mais aussi les porteurs de projets dans des dossiers complexes ne pouvant pas être menés localement. Un système expérimental a été lancé. Trois départements sont déjà concernés : l’Ariège, la Lozère et la Nièvre.
Bien entendu, ce travail doit se poursuivre et s’amplifier. C’est le sens des vingt et une nouvelles mesures annoncées par le Président de la République. Je prends l’exemple du fonds de 1 milliard d’euros pour soutenir l’investissement des communes et des intercommunalités ; la moitié sera fléchée vers les territoires ruraux, et 300 millions d’euros seront réservés à l’accompagnement et à la revitalisation des centres-bourgs et des petites villes. Nous proposons également l’élargissement du fonds de compensation pour la TVA aux dépenses d’entretien des bâtiments publics des collectivités locales.
Vous le voyez, la détermination du Président de la République et de l’ensemble du Gouvernement est totale. Nous sommes aux côtés des habitants, des élus locaux et des territoires ruraux…
M. François Bonhomme. Tu parles !
M. le président. Il faut conclure.
Mme Sylvia Pinel, ministre. C’est une notion essentielle dans notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard applaudissent également.)
rôle de la france dans l'évolution des politiques agricoles
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
L’agriculture a fait l’actualité au printemps, pendant tout l’été, et de manière très vive en cette rentrée. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre.
Lors de la réunion exceptionnelle que vous aviez provoquée à Bruxelles le 7 septembre, vous avez plaidé pour des mesures de régulation publique plutôt que pour des aides directes. Mais la Commission européenne, fidèle au dogme libéral, ne vous a pas suivi.
Si les mesures financières, nécessaires, ont contribué à un certain apaisement, la grande souffrance, les grosses difficultés financières et le désespoir dû au manque de perspectives restent toujours présents au sein d’une part importante du monde agricole.
Il convient d’évoquer ici ceux qui sont en réelle difficulté ; tous ne le sont pas. D’ailleurs, les disparités en agriculture sont énormes, ce qui rend la crise plus insupportable encore. Le comble du cynisme, c’est que certains instigateurs des manifestations, et non des moindres, aient contribué à la mise en place des mécanismes ayant entraîné cette situation de détresse. Il faut le dire.
Si une partie du monde agricole va très mal, ce n’est pas forcément le cas de ceux de l’agrochimie, un secteur lié à l’agriculture, de l’agro-industrie et de l’agro-business. Et je crois savoir que les affaires de cet interlocuteur majeur du monde agricole qu’est M. Xavier Beulin vont plutôt bien...
Nous pourrons d’ailleurs l’interroger directement, car il sera auditionné la semaine prochaine par la commission des affaires économiques du Sénat. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.) J’espère que, dans la foulée, nous pourrons aussi entendre les autres syndicats agricoles…
Aujourd’hui, deux logiques s’affrontent, entre une agriculture dite « moderne » – de plus en plus industrialisée, portée par toujours plus de technologies,…
M. André Reichardt. La question !
M. Joël Labbé. … de mécanisation et de produits chimiques, une agriculture de la croissance, de la compétitivité, de l’exportation – et une autre agriculture, familiale et paysanne, tout aussi moderne, mais d’une autre manière, en lien avec sa terre, avec son territoire. Cette dernière est basée sur les systèmes qui font aujourd’hui leurs preuves.
M. le président. Veuillez poser votre question.
M. Joël Labbé. Ma question est quelque peu abrupte, mais claire : monsieur le ministre, allez-vous contribuer à ce que les politiques françaises et européenne sortent de la cogestion et se libèrent de ces puissants lobbies afin qu’elles puissent enfin entendre l’ensemble de la représentation agricole – aussi via les syndicats minoritaires – ainsi que les aspirations de la société civile ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je me félicite de votre question, les sujets agricoles ayant été, comme vous l’avez remarqué, au cœur de l’actualité cet été. J’espère, d’ailleurs, que vous avez tous passé de bonnes vacances et que vous êtes revenus plein d’énergie pour aborder tous les sujets importants qui sont à l’ordre du jour ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. N’en doutez pas !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je n’en doute pas !
Le début de votre question, monsieur le sénateur, était plutôt une affirmation sur ce qui a eu lieu notamment à Bruxelles. Il est vrai que la France, s’agissant des objectifs qu’elle partageait avec sept ou huit pays, a été confrontée au refus de la Commission et d’un certain nombre d’autres pays d’inverser le paquet qui a été proposé au niveau européen, c’est-à-dire un paquet qui porte sur des aides et des soutiens aux agriculteurs plutôt que de mettre l’accent sur des mécanismes et des aides directement liés à la régulation du marché.
Je continuerai à défendre cette idée en faisant en sorte de peser pour que l’on puisse aboutir à une majorité, car c’est la seule condition pour que la Commission change de position.
Je le rappelle au Sénat, les 500 millions d’euros sont issus de ce que l’on appelle le superprélèvement, à savoir les sommes versées par un certain nombre de pays qui, après la suppression des quotas décidée en 2008 et contre laquelle j’avais voté, ont dépassé l’augmentation de production laitière qu’ils devaient respecter. Une dizaine d’États membres sont concernés. Voilà neuf mois, ils m’ont rencontré pour demander que la France les soutienne afin de ne pas payer de sanctions. J’ai refusé. Les sanctions ont été appliquées et 900 millions d’euros ont été obtenus à ce titre. Cela a permis de dégager 500 millions d’euros sans toucher au budget et, bien sûr, sans demander de contribution aux autres pays, en particulier à la France.
Sur ces sommes – 420 millions –, l’Allemagne a payé 400 millions d’euros de superprélèvement, la France zéro euro ; l’Allemagne a touché 69 millions d’euros, la France 63 millions d’euros.
Au-delà de ces chiffres et par rapport à l’objectif stratégique, la France pèse-t-elle pour changer les choses ?
Hier, quinze pays ont participé à une réunion de l’OCDE. Dix-sept universitaires et scientifiques ont soutenu l’initiative de la France en ce qui concerne le stockage du carbone afin de lutter contre le réchauffement climatique.
M. le président. Veuillez conclure.
M. Stéphane Le Foll, ministre. La France agit, la France entraîne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
politique fiscale : baisse de l’impôt sur le revenu
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Vincent Eblé. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
La loi de finances rectificative de juin 2014 a abaissé l’impôt sur le revenu des contribuables en bas de barème. Un milliard d’euros ont ainsi été consacrés aux ménages les plus modestes.
En 2015, la première tranche du barème a été supprimée. C’est la lutte contre la fraude fiscale qui a permis de financer ces mesures.
Au total, près de 9,5 millions de foyers fiscaux voient ainsi leur contribution fiscale allégée par rapport à 2013 et 3 millions de foyers ont évité d’entrer ou sortent de l’imposition sur les revenus. Les bénéficiaires sont principalement des salariés et des retraités modestes, ce sont très souvent eux qui ont du mal à finir leurs mois. Nous devons bien sûr les soutenir ; nous avons l’obligation de défendre leur pouvoir d’achat. (M. André Reichardt s’exclame.)
Le Président de la République, lors de sa récente conférence de presse, a annoncé une nouvelle étape du mouvement de baisse d’impôts initié depuis 2014.
Ces mesures s’inscrivent donc dans la durée. Elles doivent redonner confiance en l’avenir pour que chaque Français puisse participer à hauteur de ses moyens réels au redressement de la France.
À titre d’exemple, les nouvelles mesures annoncées permettront à un couple de retraités percevant près de 3 000 euros de revenus par mois de voir son impôt baisser de 500 euros en 2016.
Monsieur le secrétaire d’État, sous le précédent quinquennat, la politique économique menée par le gouvernement de l’époque avait fait augmenter la dette de la France de 600 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 40 %. Depuis notre arrivée au pouvoir, nous travaillons à sa réduction. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Le déficit structurel a été ramené à son niveau le plus bas depuis 2008.
M. Didier Guillaume. C’est vrai !
M. Vincent Eblé. La nécessité de cet assainissement budgétaire n’a de sens que si l’ensemble des Français en profitent, notamment les classes dites « moyennes » souvent mises à contribution dans les efforts à fournir et ressentant particulièrement vivement la pression fiscale.
Pouvez-vous nous préciser de quelle manière s’appliqueront les nouvelles baisses d’impôts annoncées ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Grosdidier. Les communes sont obligées d’augmenter les impôts !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, permettez-moi de présenter un raccourci de l’histoire récente de notre fiscalité de l’impôt sur le revenu.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est facile : 2012–2014 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En 2007 : paquet fiscal, bouclier fiscal, cadeaux fiscaux, on vide les recettes fiscales,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Travailler plus pour gagner plus !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … notamment sur l’impôt sur le revenu. Puis survient la crise. En 2010 et 2011 – les dates sont importantes –, réaction : augmentation d’impôts via le gel du barème et la suppression de la demi-part des veuves – avec un étalement dans le temps plutôt explosif pour les successeurs… (M. Jackie Pierre s’exclame.) Parallèlement, l’ISF est vidé de sa substance.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En 2012, devant une situation que vous avez décrite, monsieur le sénateur, la nouvelle majorité a poursuivi, mais avec d’autres méthodes, l’augmentation des recettes.
M. Gérard Cornu. Des impôts, des impôts, des impôts !
M. François Grosdidier. En transférant sur les collectivités locales !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Création d’une tranche supplémentaire d’impôt à 45 % pour les hauts revenus.
M. Didier Guillaume. Justice fiscale !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Plafonnement des niches fiscales, qui, par essence, ne bénéficient qu’à ceux qui paient de l’impôt sur le revenu.
M. Didier Guillaume. Égalité sociale !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, une augmentation de la fiscalité, mais, oui, plus de justice dans cette augmentation ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Et les transferts sur les collectivités locales ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Par ailleurs, 2014, 2015 et maintenant 2016 verront une redistribution. Vous l’avez décrit, c’est désormais le cœur de ceux qui paient de l’impôt sur le revenu, c'est-à-dire les classes moyennes : 3 millions de nouveaux contribuables n’ayant pas été concernés par les baisses d’impôt de 2014 et 2015 bénéficieront de réductions.
M. François Grosdidier. Ils paieront plus de taxe d’habitation !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comment seront financées ces baisses d’impôt ? Pourquoi cette concentration de l’impôt ? Mesdames, messieurs les sénateurs, nous débattrons prochainement de ces questions. Permettez-moi de vous livrer néanmoins quelques éléments de réponse.
M. le président. En vingt secondes !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces baisses seront financées grâce à la lutte contre la fraude, mais aussi grâce à de nouvelles économies – nous en débattrons –, et il n’y aura pas d’augmentation pour les autres contribuables.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Donc, elles seront financées par la dette et l’emprunt !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a effectivement contribué à réduire les déficits publics, mais dans un processus qui tient compte de la justice et de la progressivité de l’impôt sur le revenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
inondations dans l’hérault
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Grand. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
En septembre 2014, de très nombreuses communes de l’Hérault ont été sinistrées par de violentes intempéries. On a eu à déplorer des victimes.
Ces épisodes de pluies diluviennes, avec les mêmes effets ravageurs, se sont reproduits à la fin du mois d’août dernier. Nous avons, là encore, eu à déplorer deux morts à Montpellier.
Samedi et dimanche derniers, mon département a été de nouveau durement frappé par des pluies torrentielles, en particulier dans le secteur du Lodévois et dans la vallée de l’Hérault, avec des conséquences financières énormes pour nos communes et de nombreux dégâts pour les agriculteurs.
Si les communes les plus urbaines peuvent faire face à ces dépenses exceptionnelles, mais avec difficulté, c’est totalement impossible pour les plus petits villages qui ne peuvent assumer l’impérieuse et urgente remise en état des voiries communales et des chemins ruraux, pour ne parler que de ces équipements indispensables et vulnérables.
Les aides de l’État commencent à arriver pour les inondations de septembre 2014, un an après ! Vous conviendrez, monsieur le ministre, que c’est trop long.
Pour les maires ruraux, le financement restant à la charge de leur village, entre les aides diverses et le coût réel des travaux, est incompatible avec leurs maigres budgets.
Face à la répétition de tels phénomènes météorologiques, il revient à l’État et au Parlement d’imaginer très vite des réponses nouvelles pour que les plus petites communes de France puissent faire face, comme toutes les autres, à leurs obligations de service public. Cela s’appelle l’égalité républicaine.
De nombreux maires sont désespérés devant leur impossibilité à financer les dégâts causés par ces catastrophes naturelles. Il est incontournable que pour ces petites communes rurales les aides publiques couvrent 100 % du coût des sinistres.
Monsieur le ministre, est-t-il possible de connaître les dates auxquelles seront pris les arrêtés de catastrophe naturelle pour les épisodes du 23 août et de la semaine dernière ?
Enfin, comment l’État compte-t-il être au rendez-vous de la solidarité nationale afin d’aider en urgence les communes les plus durement touchées ? La question se pose également pour les viticulteurs et pour toutes les productions agricoles sinistrées dans l’Hérault.
Votre réponse, monsieur le ministre, est attendue par les élus locaux et par le monde agricole qui n’en peut plus. D’avance, merci pour eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Pierre Charon. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, votre question appelle des réponses précises.
Il est vrai que le département de l’Hérault comme le département du Gard ont été frappés par des épisodes météorologiques extrêmement sérieux et répétés. Ça a été notamment le cas la semaine dernière dans le Lodévois, à Ganges à l’entrée des Cévennes, ainsi que dans le département du Gard où les communes de Valleraugue, d’Alès et un certain nombre de communes aux environs ont été touchées.
Vous insistez sur la nécessité de procéder rapidement à l’indemnisation des communes concernées afin que la vie puisse reprendre normalement.
Je souhaite vous apporter un certain nombre de précisions.
Pour ce qui concerne les événements qui se sont produits à la fin du mois d’août, c'est-à-dire qui ont précédé ceux du week-end dernier, la commission interministérielle se réunira le 22 septembre prochain et l’ensemble des dossiers qui ont été portés à la connaissance de l’État pourront être examinés à cette occasion.
S’agissant des événements que vous avez évoqués à l’instant, j’ai donné instruction au préfet de l’Hérault de prendre contact avec l’ensemble des communes concernées pour que les dossiers d’indemnisation soient complétés le plus rapidement possible. Il y a vingt-deux communes avec lesquelles il est d’ores et déjà en contact, ce qui permettra de réaliser très rapidement ces dossiers et de procéder à l’indemnisation.
Par ailleurs, vous insistez sur la nécessité d’une indemnisation rapide des communes et notamment sur la possibilité d’indemniser à 100 % les plus petites d’entre elles, pour lesquelles ces événements météorologiques sont un désastre car elles disposent de peu de ressources afin de pouvoir réparer les dégâts occasionnés.
Je vous apporte, là aussi, des éléments de réponse concrets. J’ai voulu modifier la procédure, qui était trop longue, comme vous l’avez vous-même souligné. Un décret a été pris le 18 juin dernier, soit il y a quelques semaines, qui va permettre d’avancer dans trois directions.
Premièrement, les délais d’instruction seront raccourcis car le délai des expertises sera moins important et le processus d’expertise sera considérablement simplifié. Deuxièmement, j’ai demandé que l’on augmente le niveau des avances faites aux communes. Troisièmement, j’ai également demandé que l’on fusionne les fonds d’indemnisation dans le cadre de la loi de finances pour 2016.
Pour ce qui concerne les agriculteurs, le dispositif calamités agricoles, en liaison avec le ministère de l’agriculture, sera enclenché très rapidement.
Enfin, pour ce qui est des petites communes, répondant par anticipation à la préoccupation qui est la vôtre, monsieur le sénateur, j’ai inscrit dans le décret du 18 juin 2015 la possibilité de procéder à leur indemnisation à 100 % pour les travaux à réaliser aux termes des dégâts occasionnés par les tempêtes.
Les préoccupations que vous exprimez sont tout à fait légitimes et le Gouvernement a souhaité y répondre au regard des catastrophes qui se sont produites notamment dans votre département en 2014, et qui ont conduit à l’indemnisation des communes de l’Hérault, pour 2014, à hauteur de 14,1 millions d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
comité interministériel aux ruralités
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Frédérique Espagnac. Ma question s'adresse à Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Le 14 septembre dernier, le Gouvernement a organisé un second comité interministériel aux ruralités à Vesoul. Ce comité interministériel fait suite aux Assises de la ruralité lancées en septembre 2014 et dont j’ai été l’un des corapporteurs.
À la demande de plusieurs parlementaires, et afin d’aller plus loin dans ces mesures, le Gouvernement a décidé d’organiser six mois après, un second comité interministériel aux ruralités, cette fois en présence du Président de la République, qui s’est saisi pleinement du dossier. Je ne peux que me réjouir et saluer ce signe fort de replacer les territoires ruraux au cœur des priorités nationales. Nous devons impérativement lutter contre le sentiment d’abandon que peuvent ressentir les habitants des communes rurales, en apportant et garantissant un service public de qualité pour tous.
La ruralité est une chance pour la France. C’est l’une de ses richesses. Là où on croit voir une France en déclin, c’est aujourd’hui un paysage nouveau qui apparaît. Une partie de l’avenir de notre pays se joue dans ces territoires. Il nous faut rompre avec le passé et maintenir des systèmes de santé avec des hôpitaux de territoire, les doter d’IRM et de scanners comme dans le milieu urbain. Nous devons également veiller au maintien des effectifs dans les écoles rurales. Ces territoires doivent bénéficier de nouvelles infrastructures, en ne laissant pas les opérateurs être les seuls décideurs.
Il nous faut, enfin, générer de nouvelles implantations, veiller à la « démétropolisation » et installer, par exemple, des écoles d’infirmières ou d’ingénieurs, des unités du CNRS, voire des unités militaires.
Lors des diverses rencontres sur le terrain avec les élus et acteurs locaux des communes rurales du département des Pyrénées-Atlantiques, je suis régulièrement sollicitée à propos des problématiques abordées à Vesoul. Les élus ruraux développent et impulsent chaque jour de nombreuses initiatives pour faire vivre et dynamiser leur territoire. Toutefois, pour les mener à bien, ils sont toujours confrontés au manque de moyens, de compétences et d’accompagnement en matière d’ingénierie.
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous devant notre assemblée nous apporter des précisions sur les moyens spécifiques qui seront déployés par le Gouvernement pour mettre en œuvre les vingt et une nouvelles mesures annoncées au cours du comité interministériel aux ruralités du 14 septembre dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, je vous remercie de votre question.
Je connais votre attachement aux territoires ruraux et je veux saluer ici le travail de grande qualité et l’engagement qui ont été les vôtres pendant les assises des ruralités, que le Premier ministre a lancées il y a tout juste un an.
Vous avez rappelé l’ambition du Gouvernement pour ces territoires lors du premier comité interministériel qui a décidé de la mise en œuvre de quarante-six premières mesures concrètes. Parmi ces mesures, certaines sont déjà opérationnelles (Mme Frédérique Espagnac opine.) et d’autres sont en cours de déploiement.
Les mesures prises lors de ces deux comités interministériels ont pour but de répondre aux préoccupations exprimées dans les territoires ruraux – vous en avez donné quelques exemples – en matière de service public, de santé, de soutien à l’investissement, de couverture numérique du territoire et d’ingénierie.
Je ne reviendrai pas sur les exemples que j’ai déjà mentionnés mais je vous apporterai quelques précisions concernant les moyens mis en œuvre.
Ainsi, nous avons décidé de l’ouverture du prêt à taux zéro dans l’ancien dans les centres-bourgs des communes rurales pour permettre de rénover le patrimoine existant et pour disposer d’un dispositif plus lisible et plus efficace afin de redynamiser nos territoires ruraux.
En ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux services publics de proximité, nous continuons à déployer des maisons de service au public pour atteindre l’objectif fixé à 1 000 maisons de service au public d’ici à la fin de l’année 2016. Grâce au partenariat que nous avons lancé avec la Poste, la première maison ouvrira en octobre dans le Lot.
S’agissant de la mobilité – je sais que vous êtes extrêmement attachée à la question, qui a été abordée lors des Assises –, 12,5 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au maintien des petites stations-service indépendantes en milieu rural. Est par ailleurs prévue l’installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques.
L’accès à la santé est aussi au cœur de nos priorités avec les maisons de santé, mais aussi avec les contrats d’engagement de service public avec des étudiants ou des internes en médecine, la formation à l’aide médicale d’urgence.
Vous le voyez, madame la sénatrice, les mesures sont nombreuses. C’est grâce à un travail en partenariat avec les élus locaux, avec les acteurs de ces territoires, que nous réussirons à faire vivre cette belle notion d’égalité des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Bla-bla-bla !
vice-président délégué au sein des exécutifs régionaux
M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, pour le groupe Les Républicains.
M. François Commeinhes. Le 30 juillet, au cours d’une conférence de presse, le président socialiste sortant de la région Languedoc-Roussillon, Damien Alary, a annoncé avoir obtenu du plus haut sommet de l’État la création pour son bénéfice personnel d’un poste de président de région délégué. Un cadeau de Matignon (M. Roland Courteau s’exclame.) pour oublier la première vice-présidence régionale qui lui était promise, mais qu’un douloureux accord électoral entre le parti socialiste et le parti radical de gauche a cédé à l’actuelle ministre du logement.
Dans la foulée, Kléber Mesquida, député PS et président du département de l’Hérault a déclaré : « le véhicule législatif est trouvé car, à l’automne, le Parlement doit se pencher sur la question de la coordination des territoires ».
C’est ensuite le Premier ministre en personne, en déplacement à Vauvert, le 11 août dernier, qui officialise cette présidence déléguée, présentée encore comme une création. Je cite Manuel Valls : « Dans le cadre des grandes régions, nous engagerons par la loi une présidence déléguée pour que chaque territoire garde sa force ». Et d’annoncer, lui aussi, une loi pour l’automne.
Hier pourtant, à l’Assemblée nationale, ce même Premier ministre a été contredit par vous-même, monsieur Le Guen, qui avez affirmé que cette présidence déléguée existait déjà dans la loi, en évoquant un échelon intermédiaire.
Alors, permettez-moi d’essayer de comprendre. Si je décrypte ces propos, il s’agit maintenant seulement d’adapter les règlements intérieurs pour doter une vice-présidence de délégation générale... Quel rétropédalage !
Le Gouvernement aurait-il entendu la colère des élus et des citoyens face à la mascarade estivale de la « loi Delga-Alary » ? (M. Roland Courteau s’exclame.) Ne pouvant penser qu’un Premier ministre puisse annoncer publiquement l’inscription d’un projet de loi pour « la création d’une présidence délégué » sans le mettre en œuvre, j’en conclus que le Gouvernement a donc bel et bien reculé ! Quant à mobiliser le Parlement pour voter une loi de complaisance pour un intérêt particulier, le Sénat n’aurait pu accepter cette indécence.
Ma question sera donc simple. Monsieur le secrétaire d’État, alors que vous prôniez ici même, l’an passé, la rationalisation de la carte régionale et des dépenses en annonçant une baisse drastique des dotations (M. François Grosdidier s’exclame.), pouvez-vous tracer les contours de cette présidence déléguée évoquée hier à l’Assemblée nationale, ses compétences, son positionnement au sein de l’exécutif et les moyens financiers afférents ? Sera-t-elle, par exemple, dotée d’un cabinet ?
M. le président. Il faut conclure.
M. François Commeinhes. Alors que le Premier ministre a été publiquement contredit hier, à l’Assemblée, par vous-même, me confirmez-vous que le Gouvernement a bel et bien reculé et qu’il n’y aura pas de loi créant le poste de président de région délégué, contrairement aux déclarations publiques de M. Manuel Valls ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je ne suis pas sûr que tous ceux qui regardent la retransmission de cette séance aient bien compris l’ensemble de votre question… (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Vous doublez les postes pour vos amis !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Néanmoins, je vous remercie d’avoir cité d’éminents élus représentants des territoires de votre région qui sont effectivement candidats à de futures élections. (Mme Dominique Gillot et M. Richard Yung applaudissent.) Je n’ai pas compris si vous comptez les soutenir… Peut-être, en tout état de cause, mes réponses vous aideront-elles à prendre votre décision.
Je souhaite en tout cas apporter quelques précisions au regard des interrogations qui sont les vôtres. Effectivement, – vous avez raison – le Gouvernement, dans le débat sur les régions, à la demande d’un certain nombre de régions, s’était interrogé sur la nécessité de légiférer pour la création d’un poste de président délégué. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Commeinhes. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Notre analyse juridique est aujourd'hui très claire. Vous le savez : il n’est pas nécessaire de créer un tel poste, étant donné le droit actuel. Ainsi, en Côte-d’Or, le président Sauvadet a mis en place pour son département une telle disposition.
M. François Grosdidier. Ça n’a rien à voir !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Plus près de vous encore, le département de la Vienne présidé par M. Bruno Belin a également décidé de créer une présidence déléguée, qui est intermédiaire entre l’ensemble des vice-présidents, le premier vice-président et le président de la région. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Les régions qui le souhaitent, qu’elles soient ou non issues de la fusion du 1er janvier 2016, pourront donc également user de cette faculté. Je voulais vous rassurer sur ce point, monsieur le sénateur.
Cette souplesse pourrait se révéler tout à fait nécessaire, notamment pour la fusion de plusieurs anciennes régions dans les grandes régions. (M. Jackie Pierre s’exclame.) Cela permettra de faciliter l’insertion de ces territoires en s’assurant que l’équilibre entre les différents territoires qui composent ces nouvelles grandes régions sera préservé.
M. François Grosdidier. Il faut revenir aux anciennes régions !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Évidemment et contrairement à ce que j’ai pu lire, cette fonction ne présentera aucun surcoût pour les régions. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En effet, le vice-président délégué fera partie de l’ensemble des vice-présidents et, en outre, il ne disposera pas de moyens particuliers supplémentaires.
M. François Grosdidier. C’est la simplification ! (Sourires sur mêmes travées.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je vous rappelle, et c’est surtout cela qui vous donnera satisfaction, que la réforme des treize grandes régions métropolitaines a divisé par deux le nombre de vice-présidents. Les indemnités versées à ce titre seront donc aussi divisées par deux. (M. François Grosdidier s’exclame.)
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, ces propositions vont dans le sens de la construction de la nouvelle carte de France des régions que nous avons mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Grosdidier s’exclame.)
situation des réfugiés
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Elle porte sur un sujet qui a été abordé dans cet hémicycle hier soir, mais, ici comme à l'Assemblée nationale, aucun parlementaire du Front national n’a eu voix au chapitre. Pourtant, il a été beaucoup question du Front national dans la bouche de nos collègues de gauche et d’extrême gauche, l’un d’eux en profitant même pour calomnier le maire de Beaucaire, Julien Sanchez – il saura lui répondre le moment venu.
Vous aviez restreint le débat d’hier soir aux « réfugiés », mais c’est une hypocrisie de plus car, précisément, nul ne sait qui, dans ces foules immenses, mérite vraiment le statut de réfugié.
Il faut nommer les choses, dire aux Français que nous sommes face à un mouvement de fond et, pour reprendre l’expression d’un ancien président de la République, face à « une nouvelle invasion » (Honteux ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.), que nul ne peut plus nier, sauf vous apparemment.
Quand d’autres États abandonnent l’idéologie pour la réalité et commencent à se défendre et à défendre l’intérêt de leurs compatriotes, que faites-vous à part ouvrir des numéros verts et dicter aux peuples d’Europe des « quotas permanents et obligatoires » de clandestins à se répartir ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. La honte !
M. Stéphane Ravier. À Marseille, un habitant sur quatre, voire sur trois, vit sous le seuil de pauvreté, et 30 000 demandes de logements sociaux sont en souffrance. (M. Christian Cambon s’exclame.) La politique d’immigration massive menée tant par la droite que par la gauche a fracturé la ville au point d’en faire une place forte du salafisme.
Au niveau national, il y a déjà 150 000 SDF, 3 millions de mal-logés et 6 millions de chômeurs. Malgré ce bilan catastrophique, qui devrait vous convaincre d’agir pour nos compatriotes d’abord, vous vous obstinez à garantir aux clandestins une protection sociale gratuite et des logements prioritaires ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Vous contribuez ainsi largement, vous aussi, à faire du pays des droits de l’homme le pays des droits de l’autre ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Dans votre Europe, qui condamne-t-on ? Viktor Orban, parce qu’il défend l’intérêt de ses compatriotes qui passe par la défense des frontières de son pays ! C’est un « reproche » que l’on ne vous fera pas.
D’où mes questions, monsieur le ministre.
Quand allez-vous enfin agir sur les causes de ces flux, qui sont catastrophiques pour ces pays comme pour les nôtres ?
Quand allez-vous aider ces populations à vivre en paix chez elles, en commençant par éradiquer l’État islamique ?
Quand allez-vous enfin rétablir nos frontières et raccompagner aux frontières l’immense majorité de clandestins qui ne sont pas éligibles à l’asile ?
Bref, monsieur le ministre, quand allez-vous enfin agir en ministre de l’intérieur et non plus en ministre de l’extérieur ? (Huées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Ravier, merci de cette question qui est un modèle d’humanité, d’esprit de nuances, de finesse et de réalisme au regard du problème auquel nous sommes confrontés ! (Sourires sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Vous appelez le Gouvernement à prendre un certain nombre de décisions sur plusieurs sujets. Je vais vous répondre très clairement.
Il n’est qu’à voir la vidéo qui circule sur internet concernant la visite effectuée par le maire de Béziers dans des appartements où sont des étrangers venus de Syrie et d’Iraq et qui sont visiblement en besoin de protection pour comprendre que vous, vous ne faites pas de distinction entre les réfugiés et les migrants économiques irréguliers. Vous êtes simplement le parti de la haine, et vous mettez tous les étrangers dans la même approche, avec une volonté d’exclusion qui n’est pas celle de la majorité, pour ne pas dire de l’unanimité, de ceux qui sont ici, à l’exception de ce que vous êtes vous-même ! (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Votre question l’a bien montré, vous êtes inspiré par un ressort et un seul : le rejet et la convocation des instincts.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous sommes dans une situation particulière : des flux migratoires conduisent des femmes et des hommes victimes de persécutions abjectes de la part du califat de la haine à venir en Europe pour échapper à ces persécutions.
Je vous le dis les yeux dans les yeux, l’honneur de l’Europe, l’honneur de la France, conformément à la tradition multiséculaire de notre pays depuis 1793, c’est d’ouvrir ses portes à ces hommes et à ces femmes qui sont persécutés (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et sur plusieurs travées du RDSE. – MM. Jean-Vincent Placé, Gérard Roche et Loïc Hervé applaudissent également.), de ne pas tenir le discours que vous venez de proférer (M. Stéphane Ravier s’exclame.), de ne pas avoir le comportement abject de ces élus qui vont dans les appartements où sont ces réfugiés pour leur dire textuellement : « Vous n’êtes pas les bienvenus chez nous ».
Tant que ce gouvernement sera là et tant que la France sera la France dans le rassemblement de toutes les formations politiques républicaines qui sont présentes ici, elle ouvrira ses bras à ceux qui sont persécutés chez eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC et sur quelques travées du RDSE. – M. Stéphane Ravier s’exclame.) Voilà ma première réponse !
Ma deuxième réponse est la suivante : lorsqu’il s’agit d’agir contre le terrorisme et contre ceux qui représentent un danger pour le pays, c'est sur nous qu’il faut compter, et non sur vous ! En effet, lorsque nous avons présenté la loi pour lutter contre le terrorisme (M. Stéphane Ravier s’exclame.), vous avez voté contre, tout comme vous avez voté contre l’interdiction administrative des sites internet, contre le PNR, contre la loi renseignement ! Chaque fois que nous proposons des solutions pour combattre le terrorisme, vous vous y opposez parce que ce qui vous intéresse, ce ne sont pas les solutions, ce sont les problèmes, parce qu’ils sont le terreau sur lequel vous prospérez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du RDSE. – MM. Jean-Vincent Placé et Loïc Hervé applaudissent également.)
Nous, nous sommes républicains. Nous cherchons les solutions, nous combattons les terroristes, nous sommes dans la fermeté, mais nous continuerons à être dans l’humanité ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent et applaudissent longuement. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC et du RDSE, quelques sénateurs du groupe Les Républicains, ainsi que MM. Gérard Roche et Jean-Vincent Placé applaudissent également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Article 9 bis
La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifiée :
1° L’article 48 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, les professionnels de santé exerçant en milieu carcéral ne peuvent échanger des informations relatives à la santé du patient qu’avec d’autres professionnels de santé. » ;
2° L’article 51 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« Au début de son incarcération, il est proposé à toute personne détenue un bilan de santé relatif à sa consommation de produits stupéfiants, de médicaments psychotropes, d’alcool et de tabac. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À titre expérimental et jusqu’au 1er janvier 2018, dans des conditions fixées par arrêté ministériel, l’État peut autoriser une évaluation de l’état dentaire de la personne détenue au début de son incarcération, dans un nombre limité d’établissements pénitentiaires. »
M. le président. L'amendement n° 189 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Guérini, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Prévoir que les professionnels de santé exerçant en milieu carcéral ne pourront échanger d’informations relatives à la santé du patient qu’avec d’autres professionnels de santé pose problème. Il serait plus judicieux de permettre la communication des documents, dans le respect de la vie privée de la personne détenue, afin que celle-ci puisse bénéficier de toutes les possibilités de soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Cet amendement vise à revenir sur un amendement des rapporteurs tendant à prévoir qu’en prison seuls les professionnels de santé peuvent échanger les informations contenues dans le dossier médical personnel des personnes détenues. Une telle mesure répond aux inquiétudes des médecins exerçant en prison que nous avons reçus. Ces derniers l’estiment nécessaire pour maintenir la relation de confiance avec leurs patients.
De fait, en prison, la relation entre médecin et malade est spécifique. La dérogation prévue par la commission des affaires sociales paraît donc justifiée. En conséquence, nous demandons à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Le problème que vous soulevez, monsieur Barbier, n’est pas simple : c’est celui de la confidentialité des données médicales des patients, en milieu carcéral comme ailleurs.
Vous le savez tous, les professionnels de santé sont tenus au secret médical. Néanmoins, il existe des situations dans lesquelles ils peuvent être conduits à partager certaines informations médicales – certaines, pas toutes –, tout simplement pour pouvoir prendre en charge correctement leur patient. En établissement de santé, par exemple, un tel partage peut être rendu nécessaire – toujours avec l’accord du patient – lorsque les informations ont un impact sur la nature de l’accompagnement social ou médico-social.
Le texte tel qu’il est issu des travaux de la commission des affaires sociales rend difficile le partage d’informations en milieu carcéral. Je sais bien que les rapporteurs ont auditionné des professionnels de santé exerçant en milieu carcéral, mais imaginez un cas de tuberculose contagieuse : il est alors important de ne pas limiter cette information aux professionnels de santé, ne serait-ce que pour des questions d’organisation, liées par exemple à la nécessité d’isoler la personne. Imaginez également un problème d’addiction : les travailleurs sociaux peuvent être conduits à intervenir dans l’accompagnement du détenu. Dans de tels cas, il est important que les informations concernant la santé du détenu soient communiquées à des professionnels qui ne sont pas stricto sensu des professionnels de santé. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé par dire qu’il ne s’agissait pas d’une question simple.
En tant que professionnelle de santé, je suis extrêmement attachée au secret médical, a fortiori en milieu carcéral. Néanmoins, l’inscription dans la loi d’une communication des données limitée aux professionnels de santé peut tout simplement altérer la possibilité d’accompagner et de soigner les détenus.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Barbier, l'amendement n° 189 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 9 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 464 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 648 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux 3° des articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal, après le mot : « sanguine », sont insérés les mots : « ou salivaire ».
II. – Au premier alinéa du I de l’article L. 235-1 du code de la route, après le mot : « sanguine », sont insérés les mots : « ou salivaire ».
III. – Au cinquième alinéa de l’article L. 3421-5 du code de la santé publique, les mots : « au moyen d’analyses et examens », sont remplacés par les mots : « au moyen d’analyses ou examens ».
IV. – À la fin du neuvième alinéa de l’article 1018 A du code général des impôts, les mots : « dans le sang » sont supprimés.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 464.
M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à simplifier les modalités de constatation de l’infraction de conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, en permettant aux forces de l’ordre d’effectuer un prélèvement salivaire en lieu et place du prélèvement sanguin. Le prélèvement sanguin resterait une possibilité légale de la constatation de cette infraction.
L’actuelle procédure de caractérisation de l’infraction de conduite après usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants oblige les forces de l’ordre, après un premier dépistage salivaire positif, à emmener l’automobiliste pour un prélèvement sanguin, le plus souvent réalisé dans un service des urgences d’un établissement hospitalier. Cette méthode entraîne une perte de temps très importante – trois ou quatre heures – non seulement pour les forces de l’ordre, mais aussi pour l’automobiliste et les médecins des urgences. Ce prélèvement sanguin peut par ailleurs apparaître assez intrusif pour le conducteur sur lequel il est réalisé, alors qu'une autre méthode existe.
Une expérimentation, coordonnée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, ou MILDECA, et la Délégation à la sécurité et à la circulation routières, ou DSCR, a été menée du 1er décembre 2014 au 1er juin 2015 dans onze départements. Cette expérimentation a permis de confirmer la faisabilité de cette procédure consistant à substituer à l'actuel prélèvement sanguin un prélèvement salivaire. Les opérations de dépistage et de prélèvement pourront donc, après évolution législative accompagnée de textes réglementaires d’application, être réalisées dans leur totalité sur le terrain par les forces de l'ordre. Le prélèvement salivaire sera, selon les mêmes modalités que le prélèvement sanguin, envoyé en laboratoire pour analyses et résultats.
La confirmation dans le texte de cette nouvelle méthode de prélèvement biologique devrait permettre de mieux lutter contre les infractions de conduite après usage de stupéfiants. En 2014, dans 23 % des accidents mortels au moins, un conducteur ou un piéton s’est révélé positif au dépistage de stupéfiants. Plus de 130 000 dépistages de stupéfiants ont été réalisés sur cette période par les forces de l’ordre.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 648.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 464 et 648.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 bis.
Chapitre IV
Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l’environnement
Articles additionnels avant l’article 10
M. le président. Les amendements identiques n° 656 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Longuet et Saugey, Mme Micouleau, MM. Paul, Vogel, Vasselle et Laménie et Mme Hummel, et n° 844 rectifié bis, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 591 rectifié est présenté par Mme Jouanno et MM. Médevielle et Guerriau.
L'amendement n° 947 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1343–2 est ainsi modifié :
a) Le montant : « 3 750 € » est remplacé par le montant : « 300 000 € » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
2° Le 3° de l’article L. 1343–4 est ainsi modifié :
a) Le montant : « 3 750 € » est remplacé par le montant : « 300 000 € » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 591 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise à renforcer les sanctions pénales pesant sur les responsables d’intoxication volontaire. En effet, selon l’OMS, 25 % à 33 % des décès sont attribuables à des risques toxiques et environ 3 % des cas d’hospitalisation en France sont dus à des intoxications. Un grand nombre de ces intoxications pourraient cependant être évitées.
Cet amendement cible exclusivement les cas où les fabricants, les importateurs ou les utilisateurs de substances et de matériaux toxiques n’ont pas respecté les mesures préventives et curatives qui leur sont prescrites par les pouvoirs publics. Il s’inspire, dans sa formulation, de ce qui a été fait en matière de sanction pour tromperie à l’occasion de la loi relative à la consommation. Il s’inspire également des travaux extrêmement intéressants qui ont été réalisés par le Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale, en lien avec l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, sur le thème des atteintes à l’environnement. Celles-ci constituent aujourd’hui une forme de criminalité extrêmement lucrative, vis-à-vis de laquelle les recherches que je viens de mentionner recommandent de prendre des sanctions pénales beaucoup plus fortes que celles qui sont actuellement prévues par la loi.
M. le président. L’amendement n° 947 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 591 rectifié ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à porter de 3 750 à 300 000 euros le montant de l’amende applicable aux fabricants, importateurs ou utilisateurs de produits toxiques qui ne respecteraient pas les obligations prévues par le code de la santé publique. Il s’agirait incontestablement d’une incitation très forte à prendre les précautions nécessaires.
La commission des affaires sociales s’interroge toutefois sur la proportionnalité de la sanction. Nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement à ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Madame Jouanno, sur le fond, le Gouvernement est totalement d’accord avec vous : il convient de renforcer les sanctions pesant sur les personnes qui ne respectent pas leurs obligations et n’informent pas les centres antipoison de la composition de leurs produits. C’est la raison pour laquelle l’ordonnance prévue au II de l’article 51 du présent projet de loi prévoira l’alourdissement de ces sanctions. Cette ordonnance mettra précisément en cohérence les peines prévues par le code de la santé publique avec celles du code de l’environnement pour des infractions similaires.
Vous vous interrogiez, madame la rapporteur, sur la proportionnalité des sanctions ; nous proposerons dans cette ordonnance que les peines soient fixées à trois mois d’emprisonnement et 20 000 euros d’amende.
L’ordonnance prévue par le présent projet de loi devrait satisfaire votre amendement, madame Jouanno. C’est pourquoi je vous invite à le retirer.
M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 591 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Compte tenu des explications qui viennent de m’être fournies, je le retire.
Il n’en reste pas moins que j’aimerais que la commission des affaires sociales, pour ce qui concerne la santé publique, et la commission du développement durable tiennent compte des conclusions du Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale. En effet, ce centre nous a alertés sur l’explosion de cette forme de criminalité, qui est constituée d’un tas de petites infractions. Ils ont fait un travail remarquable.
M. le président. L'amendement n° 591 rectifié est retiré.
L'amendement n° 851 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 110-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’État garantit, dans le respect des principes de décentralisation, l’effectivité des normes ainsi édictées. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- après les mots : « Il est », est inséré le mot : « aussi » ;
- après les mots : « du devoir de chacun », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « de contribuer, par son propre comportement, à la sauvegarde et à la protection de l’environnement ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement vise à renforcer l’implication de l’État et des individus dans la protection de l’environnement. On voit toutefois mal, en dehors peut-être d’une augmentation des contentieux, comment ses dispositions renforceraient en pratique l’effectivité des normes.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Sur le fond, encore une fois, vous posez à travers cet amendement une question pertinente, que le Gouvernement prend en compte de façon très sérieuse.
La pollution de l’air est effectivement un enjeu majeur de santé publique. On sait maintenant qu’elle peut être directement ou indirectement responsable de beaucoup de pathologies, et pas seulement respiratoires d’ailleurs, puisque cela concerne certains cancers.
Pour autant, votre amendement vise à rappeler le caractère contraignant des normes existantes de qualité de l’air et la nécessité pour l’État de garantir le respect de ces normes. Il est donc déjà satisfait, puisque la loi et le règlement sont opposables sans qu’une disposition législative supplémentaire soit nécessaire pour affirmer qu’ils le sont. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme Aline Archimbaud. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 851 rectifié est retiré.
L'amendement n° 852 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 221-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « L’État assure », sont insérés les mots : « , sur l’ensemble du territoire national et de manière permanente » ;
2° Les mots : « la surveillance » sont remplacés par les mots : « le maintien » ;
3° À la première phrase, après les mots : « de la qualité de l’air », la fin du I est ainsi rédigée : « selon les normes définies par l’Union européenne et, le cas échéant, par l’Organisation mondiale de la santé. Ces normes sont régulièrement réévaluées pour prendre en compte les résultats des études médicales et épidémiologiques. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. En l’état actuel du droit positif, l’État est soumis à deux obligations en matière de qualité de l’air : une obligation de surveillance et une obligation d’information. Il est nécessaire d’astreindre l’État à agir en amont pour fournir un air propre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable, parce que cette proposition nous semble pour le moins irréaliste, étant donné la multiplicité des causes extérieures à nos frontières qui peuvent susciter des pics de pollution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. J’ajoute que, en plus des causes extérieures à nos frontières, les conditions météorologiques jouent aussi un rôle. Or, dans ce domaine, nous n’avons pas la main.
Mme Annie David. Heureusement, d’ailleurs !
M. le président. L'amendement n° 606 rectifié, présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau, est ainsi libellé :
Avant l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En application du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution et des articles L. O. 1113-1 à L. O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales, les conseils régionaux disposent d’un droit à l’expérimentation dans le domaine de la santé environnementale.
Les modalités de cette expérimentation font l’objet d’une délibération adoptée à la majorité des trois cinquièmes de l’organe délibérant de la collectivité.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement, que je présente régulièrement – il n’est jamais adopté, d’ailleurs –, vise à permettre aux régions de mener des expérimentations, en l’occurrence dans le domaine de la santé environnementale.
En Île-de-France, par exemple, nous sommes confrontés à des problèmes de pollution de l’air et, même si l’on peut invoquer des phénomènes extérieurs à nos frontières ou la météorologie, les causes premières restent tout de même la circulation automobile ou encore les épandages divers. La population se tourne généralement vers ses élus locaux pour obtenir des solutions. La région étant chef de file en matière d’environnement, il me semble donc légitime qu’elle puisse bénéficier d’une liberté d’expérimentation dans le domaine de la santé environnementale.
Je doute que cet amendement soit voté, puisque les gouvernements sont rarement favorables à la décentralisation. Mais, pour sa part, notre mouvement y est très favorable et promeut la liberté d’expérimentation.
En outre, je suis sûre qu’on parviendrait à trouver des solutions locales. Prenons l’exemple des péages urbains, que tout le monde déteste parce que personne ne les a jamais étudiés. Or il faut une loi pour mettre en place un péage urbain. C’est aberrant ! Il me paraîtrait plus normal que les élus assument leurs responsabilités : si le péage ne plaît pas, ils ne seront pas réélus et une nouvelle majorité prendra d’autres dispositions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Chère collègue, appartenant au même groupe que vous, je suis, moi aussi, pour la décentralisation. Toutefois, je parle ici en tant que corapporteur.
Écrire la loi, c’est aussi examiner sa conformité au droit existant. Or cet amendement ne paraît pas conforme à l’article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « la loi qui autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental aux dispositions législatives régissant l'exercice de leurs compétences, définit l'objet de l'expérimentation ainsi que sa durée, qui ne peut excéder cinq ans, et mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé ».
Les régions n’ayant pas de compétence propre en matière de santé environnementale, laquelle ressortit à l’État, nous demandons l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre amendement vise à ce que les conseils régionaux puissent mener des expérimentations sur toute mesure en matière de santé environnementale.
L’article 11 bis du projet de loi que nous examinons actuellement introduit une nouvelle disposition dans le code de la santé publique, selon laquelle « le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux santé environnement. Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans le domaine de la santé et de l'environnement. Ces plans régionaux s'appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions. Ils sont mis en œuvre par les services déconcentrés de l'État, les agences régionales de santé et les conseils régionaux, en association avec les autres collectivités territoriales. »
Je crois donc que l’objectif de votre amendement est déjà satisfait par le contenu de cette disposition ; aussi, il me semble que vous pouvez le retirer ; faute de quoi, mon avis sera défavorable.
M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 606 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. L’article du projet de loi que vous citez – qui reprend des dispositions qui existent déjà – ne précise qu’une chose : l’échelon régional doit décliner des mesures nationales, mais ne peut pas y déroger ni conduire des expérimentations.
En région Île-de-France, nous avons été confrontés plusieurs fois à cette situation : la mise en œuvre de certaines mesures, par exemple la circulation alternée, fait l’objet de tergiversations interminables, parce qu’il faut se mettre d’accord avec l’État. Ainsi, en aucun cas la région n’est pleinement responsable. Or celle-ci a des domaines de compétence, en particulier en matière de transport ou d’urbanisme, qui lui donnent des moyens d’action dans le domaine de la santé environnementale.
J’ai bien conscience que cet amendement n’est pas parfaitement écrit et qu’il déroge aux dispositions de la loi organique citée. Néanmoins, je le maintiens parce qu’il me semble important pour notre assemblée – qui défend les libertés des collectivités territoriales et ne cesse d’affirmer que, en leur donnant plus de pouvoir, notre pays ne serait pas là où il en est aujourd'hui – d’affirmer un choix politique.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation de la République, dite « loi NOTRe », nous avons bien défini, dans cet hémicycle, les compétences de chaque collectivité. Or la santé est une compétence de l’État et elle ne peut être partagée par les autres collectivités.
Nous avons en outre demandé que la compétence générale soit accordée aux communes et à l’État et que les autres niveaux de collectivités territoriales ne l’aient plus. Votre demande, madame Jouanno, va donc à contre-courant de ce que nous avons voté, à savoir que chaque niveau de collectivité ait des compétences bien déterminées et qu’elle ne les dépasse pas pour éviter les financements croisés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pour une fois, j’adhère totalement à l’argument que vient de développer M. Milon. En effet, ma chère collègue, il y a peu de temps, dans cette enceinte même, une loi a été votée qui a cloisonné les compétences par collectivité et a réservé la clause générale de compétence aux communes et à l’État. Or votre groupe, comme l’immense majorité des groupes du Sénat, a voté ce texte. Notre groupe, pour sa part, s’y était opposé parce que, justement, selon nous, une véritable décentralisation nécessite que les collectivités puissent avoir la main sur des décisions qu’elles pourraient prendre chacune à leur niveau.
En l’occurrence, il serait en effet très intéressant que les régions puissent prendre des mesures en matière de santé environnementale ; malheureusement, vous vous êtes bloqués vous-mêmes en adoptant la loi NOTRe. Je regrette donc que vous déposiez cet amendement aujourd'hui ; c’est un peu tard, il fallait y penser au moment du débat sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Un argument supplémentaire m’incite à ne pas voter cet amendement : ce nouveau mode de vote consistant à adopter des délibérations à la majorité des trois cinquièmes. Il existe une majorité ordinaire dans ces assemblées ; désormais, certaines décisions seraient prises à la majorité des trois cinquièmes quand d’autres le seraient à la majorité simple…
Toutefois, l’argument fondamental est effectivement le domaine de compétence, que nous avons eu bien du mal à délimiter. Alors n’y touchons pas trop pour l’instant, nous verrons dans quelques années !
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Le rapport sur le coût économique et financier de la pollution de l’air a été évoqué dans cet hémicycle à plusieurs reprises.
La demande de ma collègue Chanta Jouanno se fonde sur le fait que la région dispose, en vertu de la loi NOTRe – quelles que soient nos réserves à son égard, en particulier pour ce qui concerne l’Île-de-France –, d’une compétence en matière environnementale. C’est à ce titre que cet amendement a été déposé et mérite d’être retenu.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Notre groupe votera cet amendement, parce que certains problèmes nous conduisent à être pragmatiques et à définir des solutions efficaces et rapides.
Nous avons constaté combien il était difficile en Île-de-France d’obtenir la mise en place d’une mesure simple et de dernière minute : la circulation alternée. Elle devait seulement nous permettre de respirer un peu, car nous avions vraiment du mal ! Face à de telles difficultés, nous devons veiller à être efficaces.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voterai l’amendement de ma collègue Chantal Jouanno. Tout d’abord, parce que je n’ai jamais été favorable à la suppression de la clause de compétence générale, mais c’est un autre débat... Ensuite, parce que nous avons créé de grandes régions – je pense aux deux régions normandes qui viennent de fusionner.
Conseiller régional depuis 1986, je suis convaincu de l’importance de permettre aux régions de lancer des expérimentations. L’Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou la Normandie ne font pas face aux mêmes problèmes environnementaux. Il me semble donc judicieux d’autoriser des expérimentations, encadrées par des règles précises. La Normandie, confrontée, entre autres problèmes, au nucléaire, à l’amiante, au transport d’électricité, pourrait ainsi rendre de meilleurs services à la population.
M. le président. L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon et Houel, est ainsi libellé :
Avant l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 312-8-1 :
« Art. L. 312-8-1. – Sans préjudice de l'application de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte, les associations agréées au titre de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique disposent également d'un droit d'alerte auprès de l’Agence nationale pour l’évaluation et la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. À ce titre, elles peuvent la saisir de tout fait ayant des incidences importantes sur la sécurité, la santé et le bien-être des personnes accueillies ou accompagnées. L’Agence nationale pour l’évaluation et la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux rend publiques les suites qu'elle apporte aux saisines des associations ainsi que les modalités selon lesquelles elle les a instruites. Elle peut entendre publiquement l'association auteur de la saisine ainsi que toute personne intéressée. »
La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. Compte tenu du parallélisme institué par la loi entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, il nous semble pertinent de doter l’Agence nationale pour l’évaluation et la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux de prérogatives analogues à celles de la Haute Autorité de santé. Cette analogie apparaît d’autant plus légitime que l’ANESM ne dispose pas plus que la HAS de prérogatives de police administrative. Il s’agit là d’un dispositif d’investigation public sans force contraignante.
Le présent amendement vise à insérer dans le droit des institutions sociales et médico-sociales une disposition attribuant à l’ANESM une compétence analogue à celle dont jouit la HAS dans le secteur sanitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. L’Agence nationale pour l’évaluation et la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux a été créée pour accompagner les établissements et les services sociaux et médico-sociaux dans leur démarche d’évaluation interne et externe.
Pour avoir auditionné ses représentants, je peux vous dire qu’avec vingt-neuf équivalents temps plein l’ANESM n’a pas les moyens humains ou financiers de jouer un rôle de recueil et d’instruction des informations fournies par les lanceurs d’alerte.
Le parallélisme avec la Haute Autorité de santé n’est, en outre, pas pleinement opérant, car les deux organismes n’ont pas le même statut. La HAS est une autorité publique indépendante, tandis que l’ANESM est un groupement d’intérêt public réunissant notamment l’État et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je comprends parfaitement vos préoccupations, monsieur le sénateur, mais je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, dans la mesure où il est juridiquement impossible de procéder à un droit d’alerte en direction d’un organisme qui relève de l’État et qui n’a pas le statut d’autorité indépendante.
M. le président. Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 93 rectifié est-il maintenu ?
M. François Commeinhes. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié est retiré.
Article 10
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-1 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un objectif pluriannuel de diminution de la moyenne annuelle des concentrations journalières de particules atmosphériques est fixé par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé, pris après avis de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. » ;
b) Le II est ainsi rétabli :
« II. – Afin de prévenir leurs effets sur la santé, une surveillance des pollens et des moisissures de l’air extérieur est coordonnée par des organismes désignés par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé. Les résultats de cette surveillance font l’objet d’une information du public et des acteurs concernés. » ;
2° L’article L. 221-6 est ainsi modifié :
aa) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les résultats d’études épidémiologiques liées aux rayonnements ionisants, les résultats d’études sur l’environnement liées aux rayonnements ionisants ainsi que les informations et prévisions relatives à la surveillance de la qualité de l’air, aux émissions dans l’atmosphère et aux consommations d’énergie font l’objet d’une publication par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et l’Institut de veille sanitaire, en fonction des missions qui leur sont attribuées respectivement. » ;
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– la deuxième phrase est complétée par les mots : « et les risques qui en résultent » ;
– à la dernière phrase, les mots : « le rapport sur la qualité de l’air, son évolution possible et ses effets sur la santé et l’environnement » sont remplacés par les mots : « ce rapport » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article L. 221-1 ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l’être, le public en est immédiatement informé par l’autorité administrative compétente. Cette information porte également sur les niveaux de concentration de polluants, les risques sur la santé et l’environnement, les conseils aux populations concernées et les dispositions arrêtées. L’autorité administrative compétente peut déléguer la mise en œuvre de cette information aux organismes agréés prévus à l’article L. 221-3. » ;
3° À la première phrase du 2° du I de l’article L. 222-1, le mot : « mentionnées » est remplacé par les mots : « et l’objectif pluriannuel de diminution de la moyenne annuelle des concentrations journalières de particules atmosphériques mentionnés ».
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. Dans le monde, 768 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, 2,5 milliards de personnes, soit plus du tiers de la population mondiale, ne disposent pas de système d’assainissement de base, comme des toilettes ou des systèmes de traitement des eaux usées, et plus de 3,6 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à la mauvaise qualité de l’eau et à un environnement insalubre.
Ce constat n’est pas propre aux pays en voie de développement. En France, une centaine de milliers de personnes sont privées d’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement. Les sans-abri, les gens du voyage, les Roms, les migrants en font bien sûr partie, avec certains « sédentaires », parmi les plus précaires.
Inscrire dans le code de la santé publique l’obligation, pour les villes de plus de 3 500 habitants, de disposer de toilettes, voire de douches publiques dignes nous semble conforme à ce droit à l’eau.
Sur le plan international, la France a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental et, sur le plan intérieur, elle a adopté plusieurs lois mettant en œuvre certains éléments de ce droit, notamment le droit à un prix abordable ainsi qu’à une aide à l’eau pour les personnes démunies. Il faut toutefois admettre que, plusieurs années après leur proclamation, ces droits ne sont ni effectifs ni opposables.
À cet égard, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a estimé que « les lois adoptées ces dernières années […] ne suffisent pas à donner toute son effectivité au droit à l’eau, en particulier pour les personnes qui vivent dans des situations précaires ou se trouvent malgré elles dans des situations illégales ».
Nous regrettons que ce sujet ne soit pas abordé dans le projet de loi, eu égard au lien évident qu’il entretient avec les questions de santé et d’hygiène. Nous lançons donc un appel en faveur d’un futur support législatif.
M. le président. L’amendement n° 850 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cet objectif se fonde sur les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé. » ;
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Par cet amendement, nous entendons encourager le Gouvernement à adopter des seuils de concentrations journalières plus restrictifs, en s’alignant sur ceux qu’a fixés l’Organisation mondiale de la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il ne semble pas que la France puisse s’engager seule dans la mise en pratique de normes plus contraignantes, dans la mesure où elle rencontre déjà des difficultés à respecter les normes européennes. Il paraît donc préférable de mener une action à l'échelle européenne, afin de rapprocher les pays de l’Union des seuils de l’OMS.
La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’important, c’est de s’appuyer sur les données les plus robustes, les plus récentes ou les plus adaptées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l’OMS. Je ne mets pas en doute la qualité du travail de cette organisation, mais il me semble que votre approche est plus restrictive que vous ne le souhaiteriez. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 850 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 850 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 962 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 1121 rectifié est présenté par MM. Cornano, Karam, Antiste, Masseret, Cazeau, Patient et Desplan et Mme Jourda.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
c) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV – Lorsqu’il n’existe pas de valeurs limites d’exposition ou de doses de référence s’appliquant aux substances et préparations présentes dans ou émises par les produits de construction et d'ameublement ainsi que dans les revêtements muraux et de sol, les peintures et vernis, les produits de grande consommation et l'ensemble des produits ayant pour objet ou pour effet d'émettre des substances dans l'air ambiant, les valeurs limites d’exposition professionnelle définies à l’article R. 4412-149 du code du travail s’appliquent, divisées par un facteur de sécurité fixé par décret, sur avis de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
« Les produits définis au premier alinéa et présentant ou émettant des substances chimiques à des doses supérieures aux limites ainsi définies sont interdits à la vente. » ;
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 962.
Mme Aline Archimbaud. Une réglementation contraignante est prévue dans le code du travail pour protéger les travailleurs des risques d’exposition en milieu professionnel. Paradoxalement, rien de tel n’existe pour protéger le grand public. Pourtant, la pollution de l’air intérieur est un fléau plus dramatique encore pour la santé que la pollution atmosphérique : les produits ménagers, les désodorisants, les meubles, les textiles ou encore les peintures forment un cocktail de plus de 100 000 substances chimiques inhalées au quotidien.
Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air publié en juillet 2015 relève la prise en compte tardive du problème de la pollution de l’air intérieur et la réponse encore trop timide que les pouvoirs publics lui ont apportée.
Cet amendement vise à faire face avec plus d’efficacité à cet enjeu sanitaire, en prévoyant des plafonds d’exposition pour chaque substance ou préparation présente dans ou émise par les matériaux de construction, de décoration et tous les produits destinés à la grande consommation, même lorsqu’il n’existe pas de valeur limite d’exposition ou de dose de référence spécifique. Dans ce cas, les valeurs limites d’exposition professionnelle seraient utilisées, divisées par un facteur de sécurité. En effet, la pollution de l’air intérieur est susceptible d’affecter des personnes fragiles, ce qui nécessite de fixer des limites d’exposition plus contraignantes. Les produits ne répondant pas à ces critères doivent être identifiés comme posant problème.
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l’amendement n° 1121 rectifié.
M. Jacques Cornano. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Nous partageons ce souci de la qualité de l’air, en particulier de l’air intérieur. Vous avez d’ailleurs rappelé les travaux du Sénat à ce sujet.
Cela étant, prévoir des plafonds d’émission en matière de pollution pour l’ensemble des locaux à partir de ce qui existe pour les lieux de travail pose problème, les situations étant très différentes. La détermination d’un facteur de sécurité fixé par décret sur avis de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et permettant de diviser les seuils professionnels pour les appliquer aux particuliers paraît particulièrement complexe et, à vrai dire, hors du domaine de la loi.
Nous pensons qu’il est préférable de laisser l’ANSES approfondir ses travaux en matière de qualité de l’air intérieur et promouvoir l’information des populations. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne paraît pas approprié de s’appuyer sur des normes applicables à des milieux professionnels pour définir celles qui s’appliqueront à un milieu plus ouvert. En effet, les contraintes et les risques ne sont pas les mêmes.
Si vous ne retirez pas votre amendement, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 962 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. Jacques Cornano. Je retire également l’amendement n° 1121 rectifié !
M. le président. Les amendements identiques nos 962 et 1121 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 849 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le treizième alinéa de l’article L. 227-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Des programmes de prévention des pathologies liées à la pollution de l’air. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 849 rectifié est retiré.
L'amendement n° 845 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2017, le Gouvernement présente au Parlement un rapport présentant un bilan de la formation des professionnels de santé en matière de santé environnementale et les moyens de l’améliorer.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 845 rectifié est retiré.
L'amendement n° 949, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2016, le Gouvernement remet au Parlement un rapport analysant une méthode de mise en place d’une expertise technique indépendante relative à la mesure des émissions de polluants par les véhicules automobiles.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement propose d’aborder, par la rédaction d’un rapport, la question du déficit de connaissances et d’expertises indépendantes en matière de pollution de l’air due à la circulation automobile. La définition des normes et des méthodes de mesure peut en effet aussi bien concourir à révéler la pollution qu’à la dissimuler.
Ces normes et ces méthodes sont aujourd’hui sujettes à de nombreuses incertitudes et font l’objet de débats interminables. Les cycles de conduite qui servent de référence aux tests d’émissions polluantes ne sont, par exemple, pas représentatifs des conditions réelles de circulation : les particules fines qui se reforment quelques mètres derrière le véhicule ne sont pas prises en compte et la discrimination entre les différentes tailles de particules fines est sujette à caution, alors que nous savons que les plus fines sont les plus dangereuses, car elles pénètrent le plus profondément dans l’organisme.
La seule expertise technique aujourd’hui disponible, à notre connaissance, est liée à des industriels. Sur son site, l’Union technique de l’automobile et du cycle, l’UTAC, se définit comme « le partenaire privilégié des industriels tournés vers la compétitivité », lesquels sont donc ses clients. On peut également y lire que cette entreprise, l’une des rares références techniques en la matière, participe activement à l’élaboration et à l’évolution des réglementations nationales et internationales applicables aux véhicules en matière d’émissions polluantes.
Aujourd’hui, face au scandale sanitaire qui conduit à sacrifier chaque année des vies et des milliards d’euros, aucune recherche indépendante n’est mise en œuvre, aucune structure n’est chargée de défendre l’intérêt général sur cette question et d’établir des constats et des mesures objectifs, à partir desquels, enfin, des décisions pourraient être prises sans contestation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ma chère collègue, vous connaissez le sort réservé à la demande de rapport, même si la vôtre s’inscrit dans le prolongement des travaux de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Permettez-moi d’apporter une précision : la question de l’indépendance des analyses est certes importante, mais elle se pose d’abord au niveau européen. En effet, c’est l’Europe qui définit les normes applicables aux véhicules en matière de pollution.
Voilà pourquoi la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends la démarche engagée, mais des rapports existent déjà, des normes sont produites. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a également lancé des travaux.
Qui plus est, honnêtement, je ne suis pas sûre que cette disposition ait sa place dans un texte relatif à la santé ; elle relève plutôt de l’écologie stricto sensu. C’est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 949 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Cela fait plusieurs mois que, dans le cadre de l’examen de différents projets de loi ou propositions de loi, nous insistons sur la nécessité de procéder à une expertise indépendante pour mesurer la nature exacte des gaz et des particules à la sortie des pots d’échappement. Des débats ont eu lieu sur ce sujet dans plusieurs commissions. Au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, il avait d’ailleurs été indiqué qu’il conviendrait d’utiliser un autre véhicule législatif pour faire cette proposition. Mais, à ma connaissance, cela n’a pas été fait.
Il importe vraiment de traiter cette question si l’on veut que les pouvoirs publics prennent des décisions éclairées et que nos industriels disposent d’un cadre clair en la matière. Je maintiens donc mon amendement pour souligner à quel point cette question est essentielle. Or on n’arrive pas à l’introduire dans un texte législatif.
J’entends bien, madame la ministre, que cette disposition relève de l’écologie, mais nous nous voyons aussi opposer un refus lorsque nous la présentons dans le cadre d’un texte relatif à l’écologie. Or se pose là un problème de santé publique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je rejoins les propos de Mme la rapporteur, mais, à lire certains documents, je m’interroge.
Même si cette question ne fait pas partie du projet de loi de santé, on fait, vous le savez, la guerre au diesel. Or les moteurs essence à injection directe émettraient dix fois plus de particules cancérigènes que les moteurs diesel de dernière génération. De plus, avec la norme Euro 6, les moteurs diesel n’émettraient même plus de particules, ni de dioxyde d’azote.
En outre, il est avéré que, depuis 1992, les polluants ont été divisés par 38 pour l’essence et par 90 pour le diesel.
M. le président. L'amendement n° 951, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 318-1 du code de la route est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces décrets prévoient notamment que :
« 1° Dans chaque point de vente ou de location, une étiquette indiquant la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone, de particules fines, de dioxyde d’azote et de monoxyde d’azote est apposée sur chaque voiture particulière ou affichée près de celle-ci, d’une manière visible ;
« 2° L’ensemble des imprimés utilisés pour la commercialisation, la publicité et la promotion des véhicules, y compris les manuels techniques, contient les données relatives à la consommation de carburant et aux émissions de dioxyde de carbone, de particules fines, de dioxyde d’azote et de monoxyde d’azote concernant le type de voiture particulière neuve auquel ces imprimés se rapportent. Les imprimés contiennent également une information relative aux conséquences sanitaires des substances dont ils font mention. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. En 2013, le CIRC, le Centre international de recherche sur le cancer, a classé l’ensemble des particules fines, ainsi que la pollution de l’air extérieur, comme des cancérigènes certains pour l’homme.
Les experts ont conclu, après évaluation des dernières données de la littérature scientifique, à l’existence de preuves suffisantes faisant état de liens entre l’exposition à la pollution de l’air extérieur et le risque de développer un cancer du poumon.
Cet amendement vise à étendre l’information adressée aux consommateurs lors de l’achat ou de la location de voitures à tous les polluants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La mesure proposée, qui tend à étendre l’information des automobilistes pour lutter contre la pollution de l’air, aurait sans doute mieux sa place dans une loi sur la transition énergétique.
Par ailleurs, la disposition proposée relève plus du décret que de la loi.
De plus, la mise en place d’une telle mesure nécessiterait une concertation avec les fabricants automobiles, qui sont impliqués en la matière.
C’est pourquoi je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 951 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 951 est retiré.
L'amendement n° 950, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1011 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au a du II, après le mot : « carbone », sont insérés les mots : « , le nombre de grammes d’oxydes d’azote et le nombre de particules fines » ;
2° Au premier alinéa du III, après le mot : « taxe », sont insérés les mots : « , pour sa part relative au dioxyde de carbone, » ;
3° Après le même III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le tarif de la taxe est obtenu par l’application au tarif pour la part relative au dioxyde de carbone définie au III d’une modulation dépendant des caractéristiques d’émission du véhicule. Si un véhicule relève de plusieurs catégories, c’est la catégorie la plus favorable au redevable de la taxe qui est retenue.
« 1° Si le véhicule respecte la norme euro 6, qu’il émet moins de 55 mg/km d’oxydes d’azote et moins de 5x1011 particules fines par kilomètre, le tarif défini au III est minoré de 5 % ;
« 2° Si le véhicule respecte la norme euro 6 et qu’il émet moins de 6x1011 particules fines par kilomètre, le tarif défini au III est appliqué sans modification ;
« 3° Si le véhicule respecte la norme euro 6, le tarif défini au III est majoré de 5 % ;
« 4° Si le véhicule respecte la norme euro 5, le tarif défini au III est majoré de 10 % ;
« 5° Si le véhicule respecte la norme euro 4, le tarif défini au III est majoré de 15 % ;
« 6° Si le véhicule respecte la norme euro 3, le tarif défini au III est majoré de 20 % ;
« 7° Si le véhicule respecte la norme euro 2, le tarif défini au III est majoré de 25 % ;
« 8° Si le véhicule respecte la norme euro 1, le tarif défini au III est majoré de 30 % ;
« 9° Dans tous les autres cas, le tarif défini au III est majoré de 35 %. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Par cet amendement – là encore, nous rencontrons des difficultés à trouver un véhicule législatif –, nous voulons répondre aux préoccupations concernant les émissions d’oxydes d’azote, car nombreux sont ceux qui reconnaissent qu’il y a là un danger sanitaire. Aussi proposons-nous d’intégrer dans la définition du malus automobile les émissions d’oxydes d’azote, les NOx, et de particules fines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable. En effet, la disposition proposée trouverait mieux sa place dans une loi sur la transition énergétique. Par ailleurs, le lien avec la santé publique est plus indirect encore.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 950 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 600 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Férat et M. Guerriau.
L'amendement n° 996 rectifié est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin d’exercer la compétence mentionnée au 3° du II de l’article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales relative à la qualité de l’air, la région peut recevoir, pour une durée d’expérimentation de trois ans à compter du 1er janvier 2016, la partie des données mentionnées à l’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale concernant la mobilité domicile-travail des salariés et assimilés qui habitent ou travaillent sur le territoire régional, selon des modalités définies par décret.
Dans le cadre de la mise en œuvre de programmes d’information mentionnés à l’article L. 221-7 du code de l’énergie dans sa version issue de l’article 30 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et sous réserve d’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ces données peuvent être traitées pour élaborer et déployer des campagnes ciblées d'information du public sur les solutions les moins polluantes pour se rendre au travail, notamment les services de transport public ou le covoiturage réguliers.
Les critères d'évaluation de l'expérimentation seront définis par décret.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 600 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. La déclaration sociale nominative, la DSN, comprend des données particulièrement intéressantes sur la mobilité domicile-travail des particuliers. Or, aujourd'hui, pour des raisons tenant essentiellement à la confidentialité et à la protection des données personnelles, les régions n’ont pas accès à ces données, alors qu’elles pourraient pourtant leur être très utiles, notamment en cas de détérioration excessive de la qualité de l’air, pour cibler les informations qu’elles délivrent aux usagers et aussi, sans doute, adapter les mesures de la manière la plus fine possible.
Nous avons déjà eu ce débat lorsque nous avions abordé un volet consacré aux autorités organisatrices de transport. Si nous revenons à la charge, c’est parce qu’il nous semble absolument indispensable d’améliorer le niveau d’information des décideurs, en l’occurrence des régions, pour que celles-ci puissent adapter les mesures à prendre dans le domaine de la qualité de l’air.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 996 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Je rejoins les préoccupations de ma collègue Chantal Jouanno. Il y a urgence, me semble-t-il, à traiter cette question.
Les douze derniers mois ont montré à quel point il était nécessaire que les régions trouvent des solutions précises et concrètes. Mais, pour pouvoir mettre en place des dispositifs pertinents, celles-ci doivent avoir accès à certaines données personnalisées sur les déplacements de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 658 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Mouiller, Longuet et Saugey, Mme Micouleau, MM. Vasselle, Paul, Vogel et Laménie et Mme Hummel, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 600 rectifié et 996 rectifié ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Je comprends la cause que vous défendez, mes chères collègues, et vos intentions. Toutefois, certains membres – la plupart d’ailleurs – de la commission des affaires sociales ont estimé que cette opération aurait un coût pour les régions.
Par ailleurs, là encore, cette disposition aurait plus sa place dans un projet de loi portant sur la transition énergétique, l’objectif étant de réduire la pollution de l’air.
En effet, il s’agit d’une question d’organisation des mobilités durables et des transports publics dont les régions ont désormais la charge. Sur le terrain, un certain nombre d’opérations sont aujourd'hui menées, qui, pour certaines, s’apparentent un peu à celles que vous préconisez. Elles peuvent avoir un effet d’entraînement. Les transports relevant de la compétence des régions à part entière, celles-ci développeront, me semble-t-il, leur communication en ce sens.
En conséquence, la commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. En l’état actuel des choses, je ne peux que demander le retrait de ces deux amendements identiques ou, à défaut, émettre un avis défavorable, non pas que je sois contre l’objectif poursuivi, mais je ne puis être favorable à l’accès à des données individuelles non anonymisées. La DSN comporte en effet toute une série de données relatives à chaque individu. On ne peut pas donner aux régions accès à l’ensemble de ces données de manière personnalisée.
Tout en comprenant bien, je le répète, l’objectif recherché, je ne puis, pour des raisons de principe, être favorable à ces mesures, eu égard aux dispositions en vigueur. L’open data, dont les modalités d’ouverture sont prévues à l’article 47 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, permettra d’aller de l’avant. Nous pourrons alors réfléchir aux modalités permettant aux régions ou autres acteurs concernés d’accéder, au travers de la DSN, dans le champ de leurs compétences, à des données anonymisées.
M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 600 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 600 rectifié est retiré.
Madame Archimbaud, l'amendement n° 996 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 996 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 601 rectifié est présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau.
L'amendement n° 955 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 221-8 du code de l'environnement est ainsi rédigée :
« Une surveillance de la qualité de l'air intérieur, déterminée par décret en Conseil d’État, est obligatoire pour le propriétaire ou l'exploitant de tous les établissements recevant du public. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 601 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. J’ai quelques remords à proposer cet amendement, qui vise à rendre obligatoire la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les établissements recevant du public, les ERP.
La question de la qualité de l’air intérieur est majeure quand on parle de pollution de l’air. La pollution de l’air est beaucoup plus importante dans cet hémicycle qu’à l’extérieur : la pollution de l’air extérieur et la pollution de l’air intérieur se cumulent.
Nous avons déjà eu cette discussion dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Nous avions alors souligné qu’il fallait mesurer la qualité de l’air dans les établissements recevant du public sensible, c'est-à-dire tout particulièrement les crèches et les écoles maternelles. Ces dispositions avaient été mises en place. Nous avions d’ailleurs, je m’en souviens, mis en œuvre cette mesure dans une école du XIVe arrondissement. Mais l’actuelle ministre a stoppé le dispositif, pour différentes raisons – certaines d’entre elles étant tout à fait légitimes.
Je le reconnais, mon amendement est un peu excessif dans la mesure où il vise tous les ERP, même s’il renvoie à un décret en Conseil d’État. Or la question centrale qui se pose aujourd'hui concerne la surveillance de la qualité de l’air dans les établissements recevant du public dit « sensible », c'est-à-dire les jeunes enfants, les personnes malades et les personnes âgées.
Le sujet est d’actualité, et il reste entier. Je déplore vivement que le Gouvernement ait fait le choix d’arrêter la procédure de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les établissements que j’ai cités.
Cela étant, il s’agit d’un amendement d’appel, car la mise en œuvre de cette mesure dans tous les ERP peut, j’en ai bien conscience, poser des difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 955.
Mme Aline Archimbaud. On rencontre très souvent des idées fausses sur le sujet. On se préoccupe beaucoup de la qualité de l’air extérieur et des moyens à mettre en œuvre pour réduire la pollution extérieure, mais les études montrent à quel point la pollution de l’air intérieur pose un énorme problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Permettez-moi simplement de rappeler l’article L. 221-8 du code de l’environnement : « Une surveillance de la qualité de l’air intérieur est obligatoire pour le propriétaire ou l’exploitant de certains établissements recevant du public déterminés par décret en Conseil d’État lorsque la configuration des locaux ou la nature du public le justifie. »
Cette formulation nous a paru mieux proportionnée aux exigences de la santé publique et au coût que doivent supporter les propriétaires privés et publics.
Pour améliorer la qualité de l’air intérieur, n’hésitons à imiter nos grands-mères : ouvrir les fenêtres et faire des courants d’air ! Je pense qu’elles avaient raison.
Mme Catherine Procaccia. Tout à fait !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les courants d’air ne sont pas toujours bons pour les personnes sensibles…
Toutefois, vous avez raison de le souligner, madame la rapporteur, les obligations de contrôle existent pour les établissements recevant du public sensible.
Vous avez relevé, madame Jouanno, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. En effet, il serait excessif d’imposer cette contrainte à l’ensemble des établissements recevant du public, des établissements dans lesquels le public ne reste parfois que quelques instants.
En conséquence, je demande le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Jouanno, l’amendement n° 601 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Je retire cet amendement d’appel, mais j’aimerais obtenir du Gouvernement des précisions sur les mesures qu’il a prises dans ce domaine, en particulier pour que la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments recevant du public soit mesurée. Cette qualité peut être fortement altérée par la présence de certains matériaux dans les bâtiments, mais, pour que des dispositions puissent être prises, notamment dans les bâtiments les plus sensibles comme les écoles maternelles, encore faut-il qu’on la mesure !
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 955 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. Les amendements identiques nos 601 rectifié et 955 sont retirés.
L’amendement n° 954, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé : Au deuxième alinéa de l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation, après le mot : « serre, » sont insérés les mots : « des émissions de composés organiques volatils, ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les auteurs de cet amendement proposent que les émissions de polluants volatils soient prises en compte dans les caractéristiques de performance environnementale des logements. En effet, il nous paraît important que cette forme de pollution, liée à la présence de certains matériaux, soit surveillée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il est apparu à la commission que la disposition proposée posait des problèmes techniques. Par ailleurs, une concertation avec les professionnels du secteur lui a semblé nécessaire. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aline Archimbaud. Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 954 est retiré.
L’amendement n° 607 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno, Billon et Férat et M. Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 221-10 du code de l'environnement, l’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Je constate que cette série d’amendements portant sur la qualité de l’air suscite des réactions étonnées : on est surpris que Mme Archimbaud et moi-même défendions des amendements identiques. Il se trouve que, mandatées par les commissions des affaires sociales et du développement durable, nous avons travaillé ensemble sur le lien entre la santé et l’environnement et que nous nous sommes mises d’accord sur certaines mesures que nous souhaitons promouvoir à la suite de ce travail, qui a été apprécié par les deux commissions.
Le présent amendement porte sur la date d’entrée en vigueur d’une disposition issue du Grenelle de l’environnement : l’obligation d’étiquetage des produits de construction et d’ameublement, ainsi que des revêtements muraux et de sol et des peintures et vernis. Lorsque nous l’avons instaurée, en 2010, il était prévu qu’elle prenne effet en 2012 ; l’échéance était, il est vrai, rapprochée, mais nous espérions que la mesure pourrait être mise en œuvre par le nouveau gouvernement en 2012, le cas échéant en 2013.
C’est finalement à 2020 que le nouveau gouvernement a reporté l’entrée en vigueur de cette mesure votée par tous dans le cadre de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement. Mes chers collègues, quand des lois sont votées, il n’est pas mal qu’elles soient appliquées ! C’est pourquoi je propose de prévoir une échéance moins éloignée, en fixant au 1er janvier 2017 l’entrée en vigueur de cette obligation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Comme vous l’avez expliqué, ma chère collègue, le Gouvernement a annoncé que cette mesure entrerait en vigueur en 2020, compte tenu de la nécessité de laisser à l’ANSES le temps de définir précisément les produits et les seuils retenus pour l’étiquetage. Le mieux nous paraît être de laisser cet organisme indépendant mener à bien ses travaux. D’ailleurs, on peut penser que le Gouvernement mettra en place l’étiquetage dès qu’il disposera de l’ensemble des informations nécessaires. Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement, et j’y serai défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Jouanno, l’amendement n° 607 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Il n’est pas question que je retire cet amendement. Songez, mes chers collègues, que l’entrée en vigueur de la mesure est prévue dix ans après qu’elle a été votée ! Alors que tous, dans cet hémicycle, nous nous plaignons des délais nécessaires à la mise en place des projets, nous irions expliquer à nos concitoyens que la lutte contre la pollution de l’air est une priorité nationale, mais qu’il faudra dix ans pour appliquer une mesure que nous avons tous votée ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 607 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 959, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-10 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les produits d’ameublement destinés aux enfants qui émettent des substances dans l’air ambiant sont soumis à une obligation d’étiquetage des polluants volatils à partir du 1er janvier 2017. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à soumettre les produits d’ameublement destinés aux enfants qui émettent des substances dans l’air ambiant à une obligation d’étiquetage des polluants volatils à partir du 1er janvier 2017. Si nous visons en particulier les produits destinés aux enfants, c’est parce que les chercheurs que nous avons auditionnés dans le cadre du groupe de travail sur la santé environnementale nous ont expliqué que, si ces substances volatiles sont dangereuses pour tout le monde, le corps humain y est spécialement vulnérable à certains âges de la vie : avant la naissance, pendant l’enfance et à l’adolescence. Aussi proposons-nous, comme un premier pas, l’étiquetage des produits réservés aux enfants.
M. le président. L’amendement n° 958, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-10 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant le 1er janvier 2017, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les fabricants et distributeurs de meubles sont tenus de marquer d’un pictogramme « Ne convient pas aux jeunes enfants » leurs produits dont le seuil d’émission de polluants volatils dans l’air ambiant excède la norme retenue par les établissements d’accueil du jeune enfant. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Nous proposons que les fabricants et distributeurs de meubles soient tenus, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, de faire figurer sur ceux de leurs produits qui émettent des polluants volatils au-delà de la norme retenue par les établissements d’accueil du jeune enfant un pictogramme signifiant : « Ne convient pas aux jeunes enfants ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 959 et y sera défavorable s’il est maintenu, pour la raison que j’ai déjà exposée à propos des précédents amendements : des questions techniques se posent, sur lesquelles l’ANSES s’est penchée. Plutôt que de fixer une nouvelle date qui ne serait pas respectée, il vaut peut-être mieux laisser les expertises se poursuivre et mettre en place l’étiquetage dès qu’elles auront abouti.
En ce qui concerne la proposition de mise en place d’un logo à partir du 1er janvier 2017, je rappelle qu’un label volontaire « sans COV » existe déjà, auquel les caisses d’allocations familiales, mais aussi les conseils départementaux, qui s’occupent de l’accueil du jeune enfant, préconisent de se référer. Je demande donc à Mme Archimbaud de retirer son amendement n° 958, et j’y serai défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je sollicite le retrait de ces deux amendements, auxquels je serais défavorable dans le cas où ils seraient maintenus. Nous devons laisser à l’ANSES le temps de mener à leur terme les travaux qu’elle a entrepris. Réfléchir aux produits volatils, qui émanent notamment de l’ameublement, et à l’apposition de pictogrammes est une chose ; établir des prescriptions plus concrètes en est une autre. Le travail engagé par l’ANSES est utile ; il convient, pour qu’il puisse se poursuivre, que ces amendements ne soient pas adoptés.
M. le président. Madame Archimbaud, les amendements nos 959 et 958 sont-ils maintenus ?
Mme Aline Archimbaud. Je retire l’amendement n° 958, mais je maintiens l’amendement n° 959. Si l’ANSES travaille, c’est tant mieux ; mais il me semble qu’il appartient au Parlement de donner certaines orientations. Au demeurant, nous n’avons pas trop chargé la barque : nous proposons simplement la mise en place d’un étiquetage pour les meubles destinés aux enfants. Il s’agit d’une mesure modérée, fondée sur les constats établis par les chercheurs, dans un domaine où l’on attend depuis longtemps. Si le Parlement prenait position sur cette question, peut-être les travaux de l’ANSES pourraient-ils aboutir plus rapidement ou avoir davantage d’écho.
M. le président. L’amendement n° 958 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 959.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 960, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-10 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les désodorisants et les produits d’entretien qui émettent des substances dans l’air ambiant sont soumis à une obligation d’étiquetage des polluants volatils à partir du 1er janvier 2017. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Comme l’amendement suivant, que je retire d’ores et déjà, cet amendement d’appel s’inscrit dans la même logique que les précédents. Il vise à soumettre à une obligation d’étiquetage les produits d’entretien. Vous constatez que je suis disposée à ne pas maintenir tous mes amendements ; mais je pense qu’il serait dommage qu’aucun des amendements de cette longue série, présentés notamment par Mme Jouanno et par moi-même, ne soit adopté, car ce ne serait pas un signal très positif.
M. le président. L’amendement n° 847 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2019, il est prévu un étiquetage pour les produits d’entretien sur leurs émissions de polluants volatiles.
Cet amendement a été précédemment retiré par Mme Archimbaud.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 960 ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission est fidèle à la position qu’elle a adoptée sur tous les amendements tendant à instaurer un étiquetage : il convient d’attendre les préconisations de l’ANSES. Elle est donc défavorable à l’amendement.
Madame Archimbaud, je tiens à vous signaler que, cinq ans après sa création, l’ANSES, dont nous avons entendu les représentants au cours d’une audition très riche, est un véritable fer de lance en matière d’évaluation des risques et de prise en compte des incertitudes ; elle fait vraiment bouger les lignes, en France, en Europe et parfois même dans le monde. Cet organisme stimule les efforts de la recherche, en particulier dans les domaines que vous avez abordés ou que vous aborderez dans la suite du débat. Nous pouvons lui faire confiance pour nous alerter et pour nous obliger à avancer peut-être un peu plus vite dans certains domaines. Soyons vigilants, mais fions-nous à cet outil indépendant d’expertise et de recherche, qui mène un travail d’alerte continue auquel il faut rendre hommage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Archimbaud, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement ne nourrit aucun a priori négatif à l’égard de vos amendements. Au reste, j’aurai le plaisir d’émettre un avis favorable sur certains des amendements que vous avez déposés à l’article 11 du projet de loi.
S’agissant de l’amendement n° 960, la démarche de ses auteurs est très intéressante. À la vérité, nous débutons le travail sur ces questions, pour lesquelles il n’y a pas de référence internationale. Que la France soit pionnière, j’y suis tout à fait favorable ; mais, pour pouvoir jouer ce rôle de manière forte et assurée, nous avons besoin d’études complémentaires. C’est pourquoi je vous demande une nouvelle fois de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 960 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Je retire cet amendement, mais je tiens à apporter quelques précisions sur l’esprit dans lequel nous avons conçu les amendements de cette série.
Madame la rapporteur, j’ai le plus grand respect pour le travail de l’ANSES. Chantal Jouanno et moi-même avons longuement auditionné des chercheurs de cet organisme, et nous avons constaté qu’ils accomplissaient un travail très rigoureux avec un fort engagement professionnel. Il serait bien injuste de me prêter quelque intention de les critiquer ou de m’en défier. Bien sûr, l’ANSES doit rester une agence indépendante, car cette indépendance est très importante.
Madame la ministre, il est bon, en effet, que la France soit pionnière dans ces domaines. La construction européenne avance aussi de cette manière-là – c’est un sujet dont nous avons déjà débattu en commission à propos d’autres amendements. Sur une question donnée, certains pays, qui ne sont pas toujours les mêmes, font œuvre de pionniers et entraînent l’Union européenne vers l’avant en matière sociale et environnementale.
Par ailleurs, je pense que les chercheurs ont besoin de sentir qu’ils sont soutenus par le Parlement et que les pouvoirs publics marquent l’intérêt politique qu’ils portent à ces questions d’importance, ainsi que la nécessité de les traiter maintenant.
M. le président. L'amendement n° 960 est retiré.
L'amendement n° 1122 rectifié, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Karam, Masseret, Cazeau, Antiste et Desplan, Mme Jourda et M. Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les mesures envisageables suites aux conclusions de l’étude du ministère chargé de l’environnement, du développement durable et de l’écologie sur les conséquences des détergents sur la qualité de l’air intérieur.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Cet amendement me permet d’évoquer la question de la qualité de l’air intérieur, qui diffère de la pollution de l’air extérieur dont je parlerai plus tard avec le phénomène de la brume de sable.
En France, en 2007, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur a publié un rapport sur l’état de la qualité de l’air dans les logements français. Cette étude menée dans 567 logements précise que près d’un logement sur dix présente des concentrations élevées de plusieurs polluants.
Or je crois savoir que le ministère de l’écologie a commandé une étude sur les effets des détergents sur la qualité de l’air intérieur. Madame la ministre, je vous demande donc, au travers de cet amendement, de bien vouloir nous indiquer quelles seront les suites données aux conclusions de ce rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Tout comme notre collègue Jacques Cornano, la commission des affaires sociales se tourne vers le Gouvernement…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le ministère de l’écologie a bien lancé un groupe de travail national sur la question des détergents volatils et leur impact sur la qualité de l’air. Aujourd’hui, nous attendons une réponse du ministère sur ce sujet, qui pourrait prendre la forme d’un étiquetage obligatoire. Toutefois, avant de parvenir à une telle conclusion, il est nécessaire que le travail soit mené jusqu’à son terme. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Cornano, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 1122 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1122 rectifié est retiré.
L'amendement n° 948, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le classement d’une substance chimique par le comité international de la recherche contre le cancer comme cancérigène de catégorie 2b, 2a ou 1, vaut saisine immédiate de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. La monographie ayant permis le classement la substance lui est transmise par le comité international de la recherche contre le cancer.
Elle émet, dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur de l’inscription de la substance au classement, un avis portant sur l’interdiction, la restriction ou le retrait de la dite substance, l’impact socio-économique de sa mise en œuvre et les substances qui pourraient s’y substituer sans soumettre les populations à des dangers équivalents ou supérieurs à ceux provoqués par la substance classée.
Cet avis est obligatoire dans tous ses éléments. Il établit les mesures à prendre pour faire cesser l’exposition des populations, dans un délai qu’elle indique et qui ne peut être supérieur à dix-huit mois à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa.
L’avis est adressé aux ministres chargés de la santé, de l’écologie et de l’intérieur et rendu public.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. On comprend l’intérêt de solliciter l’avis de l’ANSES quand un produit est classé comme cancérigène probable ou avéré par le Centre international de recherche sur le cancer. Toutefois, madame Archimbaud, votre amendement pose plusieurs problèmes.
Tout d’abord, le CIRC est un organisme international qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé et auquel la loi française ne peut donner d’injonctions.
Ensuite, il paraît difficile de rendre obligatoire un avis de l’ANSES. Par nature, cet avis n’existe que pour éclairer la décision des autorités disposant du pouvoir de police administrative.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 948 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 948 est retiré.
L'amendement n° 894 rectifié, présenté par MM. Barbier et Mézard, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Hue, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'immeuble devient inoccupé et libre de location après la date de l'arrêté prévu au premier alinéa du présent II, dès lors qu'il est sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des voisins, le propriétaire n'est plus tenu de réaliser les mesures prescrites dans le délai fixé par l'arrêté. Les mesures prescrites pour remédier à l'insalubrité doivent, en tout état de cause, être exécutées avant toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location, sous peine des sanctions prévues au III de l'article L. 1337-4, et la mainlevée de l'arrêté est prononcée selon la procédure prévue à l'article L. 1331-28-3.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement a pour objet de préciser les modalités de mise en œuvre des polices de l’insalubrité, lorsqu’un logement ou un immeuble est frappé d’un arrêté d’insalubrité remédiable et qu’il devient libre d’occupation postérieurement à la prise de l’arrêté.
La police de l’insalubrité a pour objet de protéger les occupants ou les voisins de tout risque pour leur santé, notamment par la prise d’un arrêté prescrivant aux propriétaires les travaux nécessaires à réaliser dans un délai fixé, assorti ou non d’une interdiction temporaire d’habiter. Or il advient assez régulièrement qu’un logement devienne vacant du fait du départ des occupants, soit de leur propre initiative, soit en cas de relogement par la collectivité publique.
Afin de concilier les deux exigences constitutionnelles que sont la protection de la santé et celle du droit de propriété, le Conseil d’État a récemment considéré que, lorsqu’un logement devenait inoccupé et libre de location, le propriétaire n’était pas tenu de réaliser les travaux s’il ne souhaitait pas remettre le logement en location. Le Conseil d’État estime ainsi que l’arrêté ne doit « subsister qu’en tant qu’il interdit l’habitation ». Or, dans certains cas, les arrêtés d’insalubrité remédiable ne prononcent pas d’interdiction temporaire d’habiter. Par extrapolation de l’arrêt du Conseil d’État, de tels arrêtés seraient alors intégralement annulés dans le cas de logements devenus vacants et libres de droit.
Ainsi, la décision rendue par le Conseil d’État reviendrait à dire qu’un bien devenu vacant doit entraîner la mainlevée de l’arrêté et que ce bien peut être remis à disposition alors même qu’il peut être insalubre et constituer un danger pour la santé des nouveaux occupants. Il faudrait donc prendre un nouvel arrêté, et ainsi de suite, à répétition.
Il convient donc d’être plus précis dans la rédaction du code de la santé publique. Aussi mon amendement vise-t-il à pérenniser un arrêté dans le cas où un bien deviendrait vacant, afin de permettre qu’une action publique efficace contre l’habitat insalubre soit menée à son terme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cette question a suscité beaucoup d’interventions lors de son examen en commission, certains sénateurs comprenant votre proposition, monsieur Barbier, d’autres, en revanche, un peu moins. Ces derniers considéraient que lorsque, par exemple, il n’y avait aucun occupant dans un logement et que l’arrêté courait, le propriétaire n’était en définitive pas enjoint de réaliser des travaux tout de suite et qu’il pouvait prendre d’autres locataires jusqu’au jour où un nouvel arrêté serait pris. Finalement, après que vous avez expliqué de nouveau l’objet de votre amendement, chacun a pu mieux comprendre votre intention.
Cependant, faute d’avoir pu parvenir à une conclusion sur le sujet, notre commission demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je vais essayer d’apporter une réponse aussi éclairante que possible. D’emblée, j’indique que le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, parce qu’il apparaît nécessaire de préciser les dispositions du code de la santé publique pour imposer la réalisation de travaux contre l’insalubrité avant toute nouvelle occupation.
La police de l’insalubrité a pour objet de protéger les occupants ou les voisins de tout risque pour leur santé. Cela se traduit notamment par la prise d’un arrêté qui prescrit au propriétaire de réaliser les travaux nécessaires dans un délai fixé, assorti ou non d’une interdiction temporaire d’habiter.
L’amendement de M. Barbier vise ainsi à prévoir que, pour les cas où la prescription des travaux a été levée ou annulée dans les conditions précisées par le Conseil d’État dans son arrêt du 15 avril 2015, ces travaux devront en tout état de cause être réalisés avant toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location du logement. Or il est nécessaire d’être plus précis dans la rédaction du code de la santé publique et de clarifier l’état du droit si l’on souhaite tenir cet objectif.
En effet, l’arrêté pourrait notamment avoir pour conséquence de pousser des propriétaires indélicats à faire pression sur les occupants pour que ceux-ci quittent les lieux, afin d’échapper à toute obligation de faire les travaux prescrits – il s’agit peut-être d’un cas extrême, mais qui peut toujours se présenter. Il pourrait également entraîner la réoccupation d’un logement insalubre par des locataires, qui seraient alors exposés à des risques pour leur santé, sans que les autorités administratives en soient informées – cas plus probable – ou encore permettre à certains propriétaires de vendre leur bien à des tiers sans que la consistance de la servitude de l’arrêté soit certaine, ni qu’elle leur soit clairement opposable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.
L'amendement n° 1123 rectifié, présenté par MM. Cornano, Cazeau, Patient et Desplan, Mme Jourda et M. Antiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité d’une redevance pour coûts externes.
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité, pour les infrastructures sises dans des régions montagneuses notamment, d’une majoration de la redevance d’infrastructure perçues sur des tronçons qui connaissent des problèmes de congestionnement, ou dont l’utilisation par les véhicules cause des dommages à l’environnement.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Cet amendement, qui s’articule en deux temps, a pour objet de proposer que l’on étudie l’opportunité d’une augmentation de la redevance perçue sur les tronçons routiers connaissant des problèmes de congestion ou dont l’utilisation par des véhicules produit une pollution atmosphérique et sonore.
Ainsi, l’article 7 quater de la directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 dite « Eurovignette III », modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, prévoit un dispositif permettant d’internaliser dans la tarification du transport routier le coût des externalités négatives qu’il engendre, comme le coût d’une pollution atmosphérique ou d’une pollution sonore.
L’article 7 septies de cette même directive prévoit, pour les infrastructures situées dans des zones montagneuses, une majoration de la « redevance d’infrastructure perçue sur des tronçons routiers spécifiques qui connaissent de graves problèmes de congestion, ou dont l’utilisation par des véhicules cause des dommages importants à l’environnement ».
Ces mesures, qui n’ont à l’heure actuelle pas encore été transposées en droit national, permettraient de financer le report modal de la route vers le rail et pourraient alors constituer une réponse à des épisodes de pollution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Comme il s’agit d’une demande de rapport, l’avis de la commission est connu de tous, à savoir une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable. Néanmoins, le Gouvernement pourra sans doute apporter des précisions sur ses intentions, dès lors que cette mesure relève plutôt de la ministre chargée de l’écologie et des transports.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il n’est pas certain qu’un tel rapport ait vocation à s’inscrire dans le cadre de ce projet de loi. De toute façon, monsieur le sénateur, votre amendement semble prématuré, dans la mesure où la Commission européenne a fait part de sa volonté de présenter en 2016 un paquet législatif routier, dont la tarification des infrastructures est l’un des trois piliers. Par conséquent, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 1123 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, je le retire. Je précise néanmoins que le report modal est un objectif constant que nous appelons tous ici de nos vœux.
M. le président. L'amendement n° 1123 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1124 rectifié, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Patient, Cazeau, Masseret et Karam, Mme Jourda et M. S. Larcher, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les mesures envisageables face à des épisodes de pollution en raison de brume des sables dans les outre-mer.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Le département de la Guadeloupe a dû faire face à trois reprises au cours de cette seule année 2015 à une pollution en raison de brumes de sable, phénomène météorologique en provenance d’Afrique. De la poussière est charriée dans un couloir ininterrompu entre l’Afrique et les Caraïbes et est à l’origine d’une dégradation notable de la qualité de l’air. Le dernier épisode a eu lieu le 3 septembre dernier, au cours duquel les concentrations de particules fines élevées dans l’atmosphère ont dépassé le seuil de 50 microgrammes par mètre cube.
Ce phénomène provoque une pollution aux PM10, qui sont des particules en suspension dont la taille est inférieure à 10 microgrammes. Considérées comme parmi les polluants les plus dangereux, celles-ci pénètrent en profondeur dans les poumons et, pour les plus petites d’entre elles, jusque dans les alvéoles pulmonaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport. Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les épisodes de l’air provoqués par des brumes de sable ayant une origine naturelle, la mise en œuvre de mesures de réduction de la pollution s’avère impossible. Il est donc inutile de prévoir la remise d’un rapport spécifique du Gouvernement au Parlement sur ce sujet.
Néanmoins, je souhaite vous rassurer, monsieur le sénateur, en vous indiquant que des actions sont déjà mises en place pour surveiller la qualité de l’air et pour informer les populations, notamment les plus fragiles. En particulier, des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air donnent ces informations et les communiquent aux autorités.
Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 1124 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1124 rectifié est retiré.
Article 11
I (Non modifié). – Le chapitre IV du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Est ajoutée une section 1 intitulée : « Lutte contre la présence de plomb » et comprenant les articles L. 1334-1 à L. 1334-12 ;
1° bis Après le mot : « concernés », la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1334-1 est remplacée par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , des familles et, le cas échéant, des femmes enceintes. Il incite les parents ou les titulaires de l’autorité parentale d’enfants mineurs à adresser ces derniers en consultation auprès d’un médecin. » ;
1° ter Au premier alinéa de l’article L. 1334-12, la référence : « du présent chapitre » est remplacée par la référence : « de la présente section » ;
2° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Lutte contre la présence d’amiante » et comprenant les articles L. 1334-12-1 à L. 1334-17 ;
3° L’article L. 1334-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1334-14. – Les organismes réalisant les repérages et les opérations de contrôle communiquent aux ministres chargés de la santé et de la construction et au représentant de l’État dans le département les informations nécessaires à l’observation de l’état du parc immobilier et les informations nécessaires à la gestion des risques. » ;
4° L’article L. 1334-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « prescrire au » sont remplacés par les mots : « mettre en demeure le » et la seconde occurrence du mot : « à » est supprimée ;
b) Au 1°, les mots : « La mise » sont remplacés par les mots : « De mettre » et, après le mot : « œuvre », sont insérés les mots : « , dans un délai qu’il fixe, » ;
c) Au début du 2°, les mots : « La réalisation d’une » sont remplacés par les mots : « De faire réaliser, dans un délai qu’il fixe, une » ;
5° Après l’article L. 1334-16, sont insérés des articles L. 1334-16-1 et L. 1334-16-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1334-16-1. – Si, à l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure en application de l’article L. 1334-15, le propriétaire ou l’exploitant de l’immeuble bâti n’a pas mis en œuvre les mesures prescrites ou n’a pas fait réaliser l’expertise visant à déterminer les mesures nécessaires ou à les vérifier, le représentant de l’État dans le département peut, en cas de danger grave pour la santé, suspendre l’accès et l’exercice de toute activité dans les locaux concernés et prendre toutes mesures pour limiter l’accès aux locaux dans l’attente de leur mise en conformité.
« Art. L. 1334-16-2. – Si la population est exposée à des fibres d’amiante résultant d’une activité humaine, le représentant de l’État dans le département peut, en cas de danger grave pour la santé, ordonner, dans des délais qu’il fixe, la mise en œuvre des mesures propres à évaluer et à faire cesser l’exposition. Faute d’exécution par la personne responsable de l’activité émettrice, le représentant de l’État dans le département y procède d’office aux frais de celle-ci.
« La créance publique est recouvrée comme en matière de contributions directes. » ;
6° L’article L. 1334-17 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les références : « des articles L. 1334-12-1 à L. 1334-16 » sont remplacées par la référence : « de la présente section » ;
b) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Les conditions dans lesquelles les organismes réalisant les repérages et les opérations de contrôle communiquent :
« a) Aux ministres chargés de la santé et de la construction et au représentant de l’État dans le département les informations nécessaires à l’observation de l’état du parc immobilier et les informations nécessaires à la gestion des risques mentionnées à l’article L. 1334-14 ;
« b) Au directeur général de l’agence régionale de santé, sur sa demande, les informations nécessaires à l’exercice des missions prévues au 1° de l’article L. 1431-2 et à l’article L. 1435-7. »
II. – Sont rendues publiques sous un format réutilisable par les ministères concernés :
1° La liste des centres de valorisation et d’apport des déchets encombrants pouvant recueillir des déchets amiantés ;
2° La liste des installations de stockage de déchets non dangereux pouvant recueillir les déchets d’amiante liés à des matériaux inertes dont l’intégrité est maintenue ainsi que les déchets naturels de terrains amiantifères ;
3° La liste des installations de stockage de déchets dangereux ;
4° Les informations disponibles sur la collecte des déchets amiantés auprès des particuliers.
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.
M. Maurice Antiste. Comme vous le savez, le mercure est un produit très toxique pour la santé des personnes et dangereux pour l’environnement. L’exposition au mercure, même à de petites quantités, cause de graves dommages au système nerveux, digestif et immunitaire, ainsi qu’aux poumons, aux reins, à la peau et aux yeux.
Face à ce constat, la communauté internationale, sous la houlette du programme des Nations unies pour l’environnement, s’est engagée dans des négociations visant à réduire le recours au mercure et à l’interdire dans un certain nombre de produits et procédés industriels. À cet égard, le choix de la ville de signature de la convention, Minamata, est lourd de sens, puisque cette ville a particulièrement souffert des effets d’une pollution industrielle aux métaux lourds. En 2009, soit plus d’un demi-siècle après le début officiel de la maladie, plus de 13 000 malades ont été reconnus et près de 25 000 sont dans l’attente d’une décision.
La France s’est particulièrement engagée dans le cadre des négociations internationales de ce traité : d’une part, elle met, depuis 2010, une experte à la disposition du programme des Nations unies pour l’environnement, organisme qui a mené les négociations, et, d’autre part, elle soutient la participation des pays en voie de développement aux sessions de négociations.
Notre pays a signé ce traité en octobre 2013. Le projet de loi autorisant la ratification de cette convention a ainsi été présenté au conseil des ministres, juste avant l’été, le 10 juin 2015, et déposé au Sénat. On ne peut que souhaiter que ce texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour du Parlement, afin de permettre une ratification rapide.
Cette convention impose des contrôles et des mesures de réduction relatifs à cette substance. Ainsi, elle prévoit à partir de 2018 la fixation de listes évolutives d’interdiction ou de restriction pour les produits contenant du mercure et les procédés utilisant le mercure lourd. Ce sera notamment le cas de l’interdiction du mercure dans les piles, les lampes, les pesticides et les instruments de mesure en 2020. Si cette mesure est importante, il apparaît nécessaire que notre pays réfléchisse, dans le respect du droit européen, aux possibilités d’une interdiction totale à terme des produits contenant du mercure.
Un autre point important concerne l’information du patient et du consommateur. En effet, on retrouve du mercure dans de nombreux produits de la vie courante : amalgames dentaires, maquillage, jouets, etc. Or le consommateur ou le patient n’a pas toujours conscience que le produit qu’il achète contient du mercure. Il serait donc utile de renforcer l’information sur ce point.
La prévention contre les effets nocifs du mercure passe également par la récupération et le traitement des produits l’utilisant. Nombre de nos concitoyens ne savent pas quoi faire, par exemple, des anciens thermomètres au mercure. En effet, les pharmacies ou les déchetteries refusent parfois de les prendre, car elles manquent d’information quant aux organismes aptes à collecter ces thermomètres. II semble ainsi nécessaire de clarifier la chaîne de récupération de ces instruments de mesure, afin d’éviter qu’ils ne finissent au fond d’une poubelle d’ordures ménagères, ou pis dans la nature.
Enfin, la notion d’intoxication chronique aux métaux lourds est aujourd’hui essentiellement réservée aux travailleurs exposés de façon habituelle dans leur profession à des agents nocifs. Or le mercure se trouve dans des produits allant au-delà du secteur professionnel. Aussi, il serait intéressant que le Gouvernement réfléchisse à la nécessité et au moyen d’étendre cette notion d’intoxication chronique aux métaux lourds en dehors de ce cadre professionnel.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Béchu, Cambon, César, Commeinhes, Chatillon et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi, Duchêne et Duranton, MM. Grand, Houel, Gremillet et Karoutchi, Mme Lamure, MM. P. Leroy, Lemoyne, Malhuret, Reichardt, Vogel, Masclet, Mayet et Morisset, Mme Primas, MM. Revet, D. Robert, Vasselle, Danesi et Gournac et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Après les mots :
Au directeur général de l'agence régionale de santé
insérer les mots :
et au maire de la commune concernée, à leurs demandes
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Les dispositions prévues par l’article 11 sont relatives aux risques sanitaires liés à l’environnement.
Les élus des collectivités locales sont au premier rang pour l’information des habitants, la mise en œuvre des mesures de protection et, au-delà, pour la territorialisation du plan national santé-environnement sur lequel la plupart des politiques municipales ont un impact. Il est donc nécessaire qu’ils soient étroitement associés à la définition des plans régionaux santé-environnement pour pouvoir en assurer la déclinaison locale sur leur territoire.
M. le président. L'amendement n° 292 rectifié ter, présenté par Mme Imbert, MM. Longuet, D. Laurent, Laufoaulu, Lefèvre, Mouiller, Mandelli et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Huré, Grand, Lemoyne, G. Bailly, Morisset, B. Fournier, Houel et Raison, Mme Mélot, MM. de Raincourt, Laménie, Béchu, Vaspart et Houpert, Mme Estrosi Sassone, MM. Cornu, Vasselle et A. Marc, Mme Lamure, M. Pointereau et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Au maire de la commune concernée les informations nécessaires à l'observation de l'état du parc immobilier. »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement a le même objet que l’amendement précédent. Il vise simplement à préciser que les informations nécessaires à l’observation de l’état du parc immobilier devront être transmises au maire de la commune concernée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il paraît effectivement nécessaire de transmettre au maire de la commune concernée les informations qui sont données au préfet et au directeur général de l’Agence régionale de santé s’agissant du risque d’amiante dans les immeubles.
Cela étant, la commission demande le retrait de l’amendement n° 35 rectifié au profit de l’amendement n° 292 rectifié ter, dont la rédaction nous a paru meilleure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 292 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 717 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 963 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est chargée d’élaborer une méthodologie pour estimer le coût global du désamiantage par secteur, d’identifier les faiblesses dans la réglementation relative à l’amiante et d’évaluer l’organisation et l’implication des services administratifs dans la mise en œuvre d’une stratégie nationale de désamiantage.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 717.
M. Dominique Watrin. Les cinq amendements que je vais présenter au nom du groupe communiste républicain et citoyen reprennent des préconisations du comité de suivi sur l’amiante présidé par notre collègue Aline Archimbaud.
Pour avoir activement participé aux travaux de ce comité de suivi, je peux vous dire qu’il est important de garder à l’esprit que le drame de l’amiante n’est pas derrière nous. Penser le contraire serait une erreur ! Non seulement il est d’actualité, mais il constitue aussi un problème majeur de santé publique pour l’avenir. À cet égard, les chiffres sont éclairants : près de 100 000 morts sont attendus d’ici à 2050 du fait de l’exposition à l’amiante par mésothéliome ou par cancer broncho-pulmonaire.
Lorsque nous avons été reçus par le cabinet du Premier ministre, nous nous attendions à entendre des réponses. Or quelle n’a pas été notre déception quand on nous a demandé une nouvelle fois d’exposer les conclusions du rapport. Nous avons même entendu qu’il ne fallait surtout pas affoler la population, comme si le sujet n’était pas suffisamment dramatique.
Le projet de loi de santé semble être une bonne opportunité pour commencer à mettre en œuvre les propositions du comité de suivi. Commençons au moins par les cinq recommandations qui font l’objet des cinq amendements que je vais défendre ! N’oublions pas que ces recommandations font suite à de multiples auditions et que nos travaux ont fait l’unanimité au sein de la Haute Assemblée.
Le chantier du désamiantage est à la fois complexe et gigantesque : il touche le logement, les services publics, les hôpitaux, les écoles... Il relève donc de différents domaines : la santé, l’éducation, l’environnement, le travail... Or, à la suite de ses auditions, le comité de suivi a pointé du doigt un manque d’évaluation et de coordination des services de l’État. Il faut absolument remédier à cette défaillance. Ce premier amendement vise donc à mettre en place une véritable stratégie nationale de désamiantage des bâtiments publics et privés.
Il est évident que nous devons aussi mesurer les enjeux financiers. Dans ce but, je m’appuierai sur l’exemple donné par l’Union sociale pour l’habitat, qui évalue à 2,3 milliards d’euros hors taxes par an le surcoût dû à la présence d’amiante dans le seul parc social collectif. Ce chiffre nous donne une mesure de l’échelle et apporte de l’eau à notre moulin.
Tout ne pourra pas être fait en même temps, bien entendu. Nous devons donc dégager des priorités, hiérarchiser les problèmes et étaler les actions dans le temps. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 963.
Mme Aline Archimbaud. J’insiste sur le fait que les trente-huit propositions du comité de suivi sur l’amiante, qui a travaillé pendant plus d’un an, ont fait l’objet d’un consensus de tous les groupes politiques du Sénat.
Si nous sommes d’accord pour dire qu’il faut éviter de tenir des propos anxiogènes, il ne faut pas non plus se cacher la tête dans le sable. Il faut donc affronter le problème avec lucidité. Or la résolution de ce problème ne pourra se faire sans la mise en place d’un pilotage gouvernemental, sans établir de priorités et sans un calendrier, qui devra certainement s’étaler sur plusieurs décennies puisque tous les bâtiments construits avant 1997, qu’ils soient publics ou privés, sont susceptibles de contenir de l’amiante.
Nous devons mettre en place un réseau et mutualiser les bonnes pratiques. Il faut aussi renforcer les formations, notamment celles des professionnels diagnostiqueurs et désamianteurs, et rendre plus opérationnelle sur le terrain la protection des salariés et des populations, tout en sachant que la réglementation française est assez en avance sur le plan européen, en tout cas sur le papier, car le manque de pilotage national ne garantit pas aujourd’hui une protection efficace.
La disposition prévue par cet amendement est donc très importante. Comme nous l’avons expliqué au cabinet du Premier ministre, aucun changement ne pourra s’opérer sans l’instauration d’un pilotage national. En effet, de nombreuses personnes sont prêtes à travailler pour le désamiantage mais elles sont aujourd’hui encore trop isolées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Chers collègues, le problème que vous soulevez préoccupe le Sénat depuis longtemps. Je pense au rapport d’information de 2005 et au rapport du comité de suivi publié en 2014, dans lequel beaucoup d’entre vous se sont impliqués.
En fait, c’est plus au Gouvernement qu’à l’ANSES que les questions doivent être posées. Aussi la commission des affaires sociales se tourne-t-elle vers le Gouvernement pour connaître son calendrier sur cette question importante. Le Sénat s’est beaucoup impliqué et à différentes reprises sur ce dossier et tient à ce qu’une action soit menée le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Même si je n’ai pas cosigné les amendements de notre collègue Aline Archimbaud, qui présidait le comité de suivi, je partage tout à fait leur esprit.
Les membres du comité de suivi ont été unanimes pour dire que le désamiantage constituait un problème important. Nous étions également tous d’accord pour affirmer qu’une action interministérielle devait s’engager, un peu à l’image de la sécurité routière. Avec Aline Archimbaud et Dominique Watrin, nous nous sommes même déplacés au cabinet du Premier ministre pour lui faire part de cette proposition.
Il me semble donc important que le Gouvernement apporte des réponses aux propositions du comité de suivi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Ces amendements portent effectivement sur une question extrêmement importante.
Je crois que chacune et chacun peut partager l’objectif de donner un élan nouveau à cette politique. Dans ce domaine, nous avons besoin d’identifier des responsables de l’action à engager. Cependant, désigner un chef de file ne relève pas du domaine législatif. En tout cas, ce rôle ne peut assurément pas être tenu par l’ANSES. À qui revient-il alors ? La réponse n’est pas évidente.
Sachez que le Gouvernement présentera avant la fin de l’année une feuille de route interministérielle sur la base des préconisations du comité de suivi afin d’engager des actions. Nous pourrons alors répondre à la question que vous posez. Je n’en conteste pas le bien-fondé, mais je pense que la réponse n’est pas celle que vous proposez.
Je ne dispose pas aujourd’hui des éléments me permettant de vous indiquer qui doit conduire cette politique interministérielle.
Sous le bénéfice de ces explications, je demande à leurs auteurs respectifs de bien vouloir retirer ces deux amendements identiques ; faute de quoi, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 717 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Ce comité de suivi a mené un travail sérieux, complet et sur la durée. Quelques années auparavant, la mission commune d’information sur l’amiante avait formulé plusieurs propositions ; or ce comité n’a pu que constater qu’elles n’avaient toujours pas été mises en œuvre.
Il serait quand même bon que le Gouvernement comprenne la nécessité de faire un effort de réflexion. Précisément, le présent amendement vise à mettre en place une structure interministérielle pour mener ce travail transversal.
Le travail qu’a conduit le comité de suivi, les multiples auditions auxquelles il a procédé l’ont amené à la conclusion que, dans ce dossier de l’amiante, nous devions faire face à un certain nombre de défaillances, plus ou moins accentuées.
Le degré de prise de conscience varie d’un ministère à l’autre, d’un service à l’autre. Il serait quand même temps que l’État harmonise son action. Comme je l’ai dit, il faut bien évidemment fixer des priorités. Pour sa part, le comité de suivi a formulé vingt-huit propositions. Ses membres sont tout à fait conscients que toutes ne pourront pas être tout de suite mises en œuvre, qu’il faudra les hiérarchiser, étaler dans le temps leur concrétisation. Il n’en demeure pas moins qu’il va bien falloir à un moment donné définir une stratégie de désamiantage ! Cette responsabilité ne pourra pas être celle d’un seul ministère, cette question concernant des domaines divers – la santé, le travail, l’environnement, etc.
Je comprends les propos de Mme la ministre, mais, précisément, cet amendement vise à aider le Gouvernement à s’attaquer à ce problème dans un cadre interministériel. C’est pourquoi je le maintiens.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 963 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ayant été, en 2005, rapporteur adjoint de la mission commune d’information sur l’amiante, présidée par mon ami Jean-Marie Vanlerenberghe, et dont notre collègue Gérard Dériot était rapporteur, je tiens à faire observer que notre rapport portait sur tout ce qui concerne l’amiante, mais nous avions aussi mis l’accent sur le désamiantage, estimant que la pollution y étant liée constituait un deuxième risque.
Je comprends vos arguments, madame la ministre, mais je crois vraiment que c’est une politique interministérielle qu’il faut mettre en place. Le désamiantage concerne pratiquement tous les ministères. En milieu rural, par exemple, presque toutes les exploitations agricoles sont concernées par le désamiantage de ces constructions réalisées voilà vingt ou trente ans. Une mission interministérielle est sans aucun doute nécessaire pour diffuser l’information, pour coordonner l’action des départements. Il faut considérer ces amendements non pas comme une injonction, mais comme un appel en faveur d’une politique interministérielle dans ce domaine.
Dans le rapport de 2005 – et il n’est pas dans mon intention, en cet instant, de le refaire, cher Jean-Marie Vanlerenberghe –, nous avions précisément noté ce manque de coordination interministérielle.
Pour ces raisons, je voterai en faveur de ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Ce qui nous a frappés au cours des auditions des responsables des différents ministères – logement, éducation nationale, recherche, défense, santé, etc. –, c’est l’absence de coordination, d’impulsion, de stratégie et de priorités. C’est ce que nous avons dit aux collaborateurs de M. le Premier ministre. Il appartient au Gouvernement de définir la forme de ce pilotage. Cela devient urgent, parce que des gens affrontent seuls cette question du désamiantage. Je pense à un certain nombre de directeurs d’hôpital que nous avons entendus, à des responsables travaillant dans des domaines très différents – le logement, l’école ou le lycée. En l’absence d’appui, de soutien, de mutualisation des savoir-faire, leur responsabilité est énorme. Pourtant, quand nous nous sommes rendus à l’université de Jussieu, cela nous a été dit : le désamiantage de ce site pendant plus de quinze ans a permis l’accumulation de savoir-faire qui, actuellement, sont en train de se perdre, faute d’être exploités.
C’est pourquoi il est urgent que le Gouvernement dessine une feuille de route interministérielle – j’ai entendu les propos de Mme la ministre – et désigne un pilote ou un groupe pilote.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends vos interpellations, monsieur Godefroy, madame Archimbaud, mais la feuille de route interministérielle a précisément ce but. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : en réponse à la présentation de vos amendements, et je me suis exprimée très explicitement, j’ai annoncé la mise en œuvre d’une stratégie non pas cantonnée à un seul ministère mais interministérielle. Oui, il faut une stratégie interministérielle, mais la responsabilité de sa mise en œuvre peut-elle échoir à l’ANSES ?
Madame Archimbaud, vous avez évoqué le ministère de la défense ; imaginez-vous un seul instant que l’ANSES pilote quoi que ce soit du côté de ce ministère ?
Dans votre amendement, vous écrivez que l’ANSES est chargée « d’élaborer une méthodologie pour estimer le coût global du désamiantage par secteur ». Pensez-vous qu’elle dispose des compétences pour élaborer une telle stratégie financière ?
Encore une fois, je demande le retrait de ces deux amendements, sous le bénéfice peut-être pas des arguments que j’ai avancés, du moins de mon engagement.
Nous serions bien ennuyés si ces deux amendements étaient adoptés et si l’ANSES devait hériter de ce bébé, dont elle ne saurait pas bien quoi faire, au risque de l’abandonner.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dominique Watrin et Jean-Pierre Godefroy ont bien voulu rappeler la mission d’information que nous avions menée en 2005 et souligné que celle-ci avait formulé vingt-huit propositions, qui, pour une part, il faut le reconnaître, ont été prises en compte par les ministres chargés du travail successifs, en particulier Gérard Larcher, le président de notre assemblée, quand il occupa ce poste ministériel.
Est-ce suffisant ? Non ! Après la publication de ce rapport, qui, on peut le dire, a défrayé la chronique, on a assisté à une prise de conscience de la part de l’État, des pouvoirs publics de manière plus générale. Je me souviens d’avoir participé, dans mon département, à des réunions de travail dans l’enceinte de la préfecture pour discuter de la mise en œuvre des circulaires qui, madame Archimbaud, visaient notamment les pratiques de désamiantage.
Je pense que l’État a fait un effort incontestable pour prendre en compte les conclusions de la mission et, surtout, à la suite de notre rapport, tirer auprès de l’ensemble des services publics le signal d’alarme.
Madame la ministre, je suis tout prêt à vous entendre. Tout en partageant pleinement les conclusions du comité de suivi sur l’amiante, je n’ai cosigné aucun de ces deux amendements. Il n’en demeure pas moins que je considère qu’il est urgent de définir une méthodologie clairement identifiée, que tous les ministères se saisissent véritablement de ce drame sanitaire – certains ont même parlé d’une catastrophe sanitaire –, qui est là, qui progresse sans que nous puissions malheureusement totalement l’enrayer.
Ces mesures sont indispensables pour éviter qu’il ne s’amplifie, parce que le désamiantage tue tout autant que l’amiante a tué et tue encore ceux qui y ont été exposés dans l’industrie.
Il faut prendre les mesures urgentes et indispensables pour enrayer cette catastrophe en marche.
M. le président. Monsieur Watrin, maintenez-vous finalement l’amendement n° 717 ?
M. Dominique Watrin. Je m’en remets à la décision de la présidente du comité de suivi. Je ne veux pas décider à sa place.
M. le président. Mon cher collègue, il n’en demeure pas moins que vous avez cosigné un amendement !
Madame Archimbaud, in fine, maintenez-vous l’amendement n° 963 ?
Mme Aline Archimbaud. Si mes collègues du comité de suivi en sont d’accord, je le retire, monsieur le président. Mme la ministre a pris un engagement clair en annonçant la communication avant la fin de l’année 2015 d’une feuille de route interministérielle.
M. le président. L'amendement n° 963 est retiré.
M. Dominique Watrin. Je retire également mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 717 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 718 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 964 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La direction générale de la santé s’assure que la liste des rapports annuels d’activité des diagnostiqueurs amiante transmis par les représentants de l'État dans les départements ainsi que les résultats de leur analyse, sont mis à disposition du public sur un site internet en accès libre.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 718.
M. Dominique Watrin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 720, qui porte sur le même sujet.
L’amendement n° 718 vise à ce que la direction générale de la santé, ou DGS, s’assure que la liste des rapports annuels d’activité des diagnostiqueurs amiante transmis par les préfets ainsi que les résultats de leur analyse sont mis à disposition du public sur un site internet en accès libre.
L’amendement n° 720, quant à lui, tend à ce que les préfectures mettent à disposition des particuliers et des professionnels sur une plateforme en ligne l’ensemble des diagnostics techniques amiante des bâtiments qui ont fait l’objet d’un diagnostic.
Pourquoi ces propositions ? Nous nous sommes aperçus au cours des auditions notamment des professionnels du bâtiment – mais cela concerne également les particuliers – qu’il existe un risque d’exposition à l’amiante des artisans de second ordre – plombiers, électriciens, etc. – lorsque ceux-ci interviennent sans savoir où se trouve ce matériau, sans avoir connaissance des diagnostics techniques amiante.
On estime à 1 million le nombre d’artisans du bâtiment qui risquent potentiellement d’être exposés. Ce n’est pas une mince affaire. Il en va de même pour les bricoleurs du dimanche, qui peuvent également être exposés par exemple en abattant une cloison.
L’objectif est d’améliorer l’information et la prévention à l’égard des professionnels du bâtiment et des particuliers.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 964.
Mme Aline Archimbaud. Nous avons été alertés par des médecins, par des fédérations professionnelles comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, ou la Fédération française du bâtiment, la FFB, du risque, si l’on n’agit pas rapidement, que se développe notamment chez les petits artisans, mais aussi chez les particuliers bricoleurs, une seconde épidémie, celle qu’a évoquée à l’instant M. Watrin.
Le rapport du comité de suivi sur l’amiante du Sénat indique que les rapports d’activité des diagnostiqueurs ne sont pas suffisamment analysés par les services administratifs et que la DGS reconnaît elle-même qu’il n’y a pas de « concaténation au niveau départemental de ces rapports d’activité » et qu’« il n’existe pas de contrôle systématique du respect de ces obligations de repérage ».
Par ailleurs, le rapport souligne que les remontées de rapports d’activité sont très partielles, ce qui entraîne des longueurs et des incomplétudes dans le traitement des informations par les services de la DGS.
L’objet de cet amendement est de systématiser les remontées des rapports annuels d’activité des diagnostiqueurs, afin que la DGS puisse effectivement exploiter les données reçues et de permettre aux particuliers et aux professionnels d’y avoir accès en ligne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission sollicite l’avis du Gouvernement. Même si la préoccupation des auteurs de ces amendements est pleinement partagée par l’ensemble des membres de cette assemblée, j’ajouterai quelques petites précisions.
D’abord, cette proposition nous a paru difficile à mettre en pratique. Ensuite, c’est peut-être à l’échelon départemental qu’une analyse devrait être menée. Enfin, cette disposition relève davantage d’une circulaire que de la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les amendements identiques nos 718 et 964 ont pour objet la mise à disposition d’informations au public, objectif que l’on ne peut que partager.
La DGS peut-elle mettre en place un site internet qui permettrait au public d’avoir accès à des rapports d’activité des diagnostiqueurs amiante ? En l’état actuel des choses, cela serait impossible dans les quinze jours ou même dans les trois mois.
Cette idée me paraît néanmoins extrêmement intéressante, et une réflexion en vue de la mise en œuvre de cette disposition mériterait d’être engagée très sérieusement. Mais cette mesure ne pourra probablement pas entrer en application avant l’année 2018, puisque nous devons préalablement procéder à la dématérialisation de tous les rapports annuels d’activité qui sont réalisés par les ministères et attendre, comme le souhaite Mme la rapporteur, la remontée des données départementales. Un travail en amont doit donc être effectué.
Par conséquent, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, afin de soulever la difficulté technique et l’ampleur du chantier, et, dans le même temps, de marquer sa bonne volonté par rapport à cette démarche.
En revanche, s’agissant de l’amendement n° 720, qui a d’ores et déjà été défendu par M. Watrin et qui concerne la mise à disposition des particuliers et des professionnels, sur une plateforme en ligne, de tous les diagnostics réalisés, je signale que les particuliers concernés ont déjà accès aux diagnostics des propriétaires, des employeurs ou des personnes amenées à effectuer des travaux. Le bénéfice d’une nouvelle plateforme spécifique ne me paraît donc pas avéré. Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 718 et 964.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 720 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 967 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les préfectures mettent à disposition des particuliers et des professionnels sur une plate-forme en ligne l’ensemble des diagnostics techniques amiante des bâtiments qui ont fait l’objet d’un diagnostic et qui sont mentionnés dans le rapport annuel d’activité des diagnostiqueurs transmis annuellement.
L’amendement n° 720 a été précédemment défendu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 967.
Mme Aline Archimbaud. Nous avons élaboré cet amendement avec l’aide du professeur Claude Got – je l’en remercie publiquement : rédacteur d’un rapport sur l’amiante en 1998 à la demande du Gouvernement de l’époque, il réitère cette proposition depuis maintenant vingt ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission estime partiellement satisfaite la demande des auteurs de ces amendements à la suite de l’adoption des amendements identiques précédents. Elle suivra l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 720 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 967 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Permettez-moi d’abord, monsieur le président, de remercier Mme la ministre de son avis de sagesse sur les amendements précédents. Il s’agit d’un encouragement très important, d’une réelle ouverture, d’autant que cela fait plusieurs années que nous travaillons sur le sujet. C’est un début !
Quant à l’amendement n° 967, j’en appelle à mes collègues membres du comité de suivi…
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Puisque Mme Archimbaud se tourne vers moi, je suis d’avis de suivre la position de Mme la rapporteur et de Mme la ministre.
Mme Aline Archimbaud. Je retire donc cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 967 est retiré.
Monsieur Watrin, qu’en est-il, en définitive, de votre amendement n° 720 ?
M. Dominique Watrin. Je le maintiens, monsieur le président. Mme la ministre a indiqué que les particuliers disposent du diagnostic technique amiante. Toutefois, le présent amendement vise aussi l’accès aux informations des professionnels et des artisans de second ordre qui interviennent dans un logement inconnu sans être au courant de leur éventuelle exposition à l’amiante.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 719 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 965 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les services de l’inspection du travail rédigent, en collaboration avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, un guide méthodologique des normes permettant d’effectuer un suivi des personnes qui présentent un risque d’avoir été en contact avec l’amiante au cours de leur activité professionnelle et susceptibles de développer des maladies qui y soient liées.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 719.
M. Dominique Watrin. Il s’agit une nouvelle fois de mettre en place des outils de coordination au plus haut niveau de l’État pour améliorer la prise en charge des personnes victimes ou potentiellement victimes de l’amiante.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 965.
Mme Aline Archimbaud. Nous avons constaté un énorme besoin d’informations objectives au sein des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Un guide, donc une méthodologie, ne relève pas de la loi, qui établit le cadre.
La commission sollicite le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il faut que la prévention des expositions des travailleurs à l’amiante soit une priorité de l’inspection du travail, mais c’est déjà le cas. À cette fin, des guides méthodologiques ont été réalisés, non en vertu de dispositions législatives, par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, en collaboration avec la direction générale du travail et la Caisse nationale d’assurance maladie, avec la participation des fédérations professionnelles.
C’est pourquoi je sollicite le retrait de ces deux amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 719 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Qu’en est-il de votre amendement n° 965, madame Archimbaud ?
Mme Aline Archimbaud. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 719 et 965 sont retirés.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 721 rectifié est présenté par Mmes Cohen et David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Vergès.
L'amendement n° 834 est présenté par Mme Archimbaud et MM. Watrin et Vanlerenberghe.
L'amendement n° 966 rectifié est présenté par M. Desessard, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le Gouvernement remet aux parlementaires un rapport, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, qui étudie les modalités et le coût de la mise en place d’un suivi médical individualisé systématique des professionnels ayant été en contact avec des fibres d’amiante lors de leur activité.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 721 rectifié.
M. Dominique Watrin. Dans le cadre de la proposition de stratégie nationale de lutte et de prévention contre l’amiante, nous souhaitons que soit produit un rapport d’évaluation du coût de la mise en place d’un suivi médical individualisé systématique des professionnels ayant été en contact avec des fibres d’amiante.
L’objectif est de faire évoluer la prise en charge, qui existe déjà, vers une plus grande souplesse et une meilleure efficacité pour les personnes qui ont été exposées à l’amiante au cours de leur activité professionnelle.
En effet, dans le dispositif actuel, le suivi post-professionnel repose sur une démarche volontaire des personnes, ce qui sous-tend qu’elles doivent, d’une part, connaître ce dispositif de suivi médical, et d’autre part, être capables de produire une attestation de leur employeur, actuel ou ancien, et d’un médecin du travail. Or, lorsque l’entreprise a disparu, il est difficile d’obtenir une telle attestation. De ce fait, certaines démarches sont bloquées.
Dans son rapport, le comité de suivi sur l’amiante du Sénat proposait que le décret du 12 décembre 2013 relatif au suivi post-professionnel des agents de l’État soit étendu aux salariés du privé. Néanmoins, cette mesure a un coût, dont le chiffrage devrait l’objet du rapport demandé au travers de cet amendement.
Le but final est bien d’élargir le suivi post-professionnel, car un trop grand nombre de salariés n’en bénéficient pas, y compris au sein des services de l’État qui peuvent parfois avoir perdu la trace de la personne en cause.
L’idéal serait que, au moment de la cessation d’activité, l’employeur signale à la caisse d’assurance maladie l’exposition desdits salariés, sans que ceux-ci soient contraints de passer par cette démarche parfois aléatoire.
M. le président. Monsieur Watrin, je viens de m’apercevoir que vous n’êtes pas signataire de l’amendement que vous venez de présenter.
Madame Cohen, pouvez-vous confirmer qu’il est défendu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, et avec brio ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 834.
Mme Aline Archimbaud. Il nous semble important qu’une étude sur le suivi médical de tous les professionnels du secteur privé, comme du secteur public, ayant été en contact avec l’amiante soit réalisée. En l’espèce, la demande est récurrente, entre autres, de la part d’associations et d’organisations de petits artisans travaillant régulièrement sur des matériaux potentiellement amiantés et qui craignent pour leur santé.
Le suivi post-professionnel des personnes exposées au cours de leur activité est défini dans le code de la sécurité sociale et existe depuis plus de vingt ans. Il prévoit la prise en charge des examens médicaux et cliniques nécessaires sans avance des frais. Il est toutefois nécessaire que les personnes adressent une demande de suivi post-professionnel à la caisse d’assurance maladie dont elles dépendent, accompagnée d’une attestation d’exposition donnée par l’employeur et le médecin du travail, ce dont elles ne sont pas toujours au courant. La question du non-recours au suivi post-professionnel des travailleurs de l’amiante doit donc être posée et cette situation doit être quantifiée.
Par ailleurs, la procédure est particulièrement compliquée pour ceux dont l’entreprise est en cessation d’activité et qui ne peuvent donc se procurer l’attestation signée par l’employeur.
Enfin, la réglementation sur le suivi médical post-professionnel est ancienne : elle date du 28 février 1995. Compte tenu de l’évolution des techniques médicales, notamment en matière d’imagerie médicale, le rapport suggéré pourrait étudier la possibilité de revoir les modalités de suivi qui sont actuellement constituées d’un examen clinique et d’une radiographie tous les deux ans, et envisager la possibilité d’un suivi plus régulier, tel que recommandé dans le cas de plusieurs types de cancers pour les personnes présentant un risque plus élevé que l’ensemble de la population.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 966 rectifié.
M. Joël Labbé. Pour mémoire, cet amendement fait suite au rapport rendu au mois de juillet 2014 par le comité de suivi sur l’amiante du Sénat. Il vise une étude sur la mise en place d’un suivi médical de tous les professionnels, du secteur privé comme du secteur public, ayant été en contact avec de l’amiante, afin d’en prévoir les modalités de réalisation et les coûts. Ce rapport pourra étayer les débats lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale suivant sa publication.
Le suivi post-professionnel des personnes exposées au cours de leur activité à l’amiante, au même titre que les autres produits cancérigènes, est défini dans le code de la sécurité sociale et existe depuis plus de vingt ans. Il prévoit la prise en charge des examens médicaux et cliniques nécessaires sans avance des frais. Il est toutefois nécessaire que les personnes adressent une demande de suivi post-professionnel à la caisse d’assurance maladie dont elles dépendent, accompagnée d’une attestation d’exposition donnée par l’employeur et le médecin du travail, ce dont elles ne sont pas toujours au courant. La question du non-recours au suivi post-professionnel des travailleurs de l’amiante doit donc être posée et la situation doit être quantifiée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Quelle est la situation ? Certains salariés qui ont été exposés à l’amiante rencontrent des difficultés, notamment pour fournir l’attestation d’exposition requise pour pouvoir bénéficier du suivi médical actuellement proposé.
Une simplification a déjà été apportée sur ce point, puisque, dans le cas où le salarié ne peut pas se procurer cette attestation, la Caisse nationale d’assurance maladie se charge de vérifier l’effectivité de l’exposition à l’amiante avant de proposer à l’assuré le suivi médical adapté.
Par ailleurs, madame Archimbaud, le suivi médical qui a été mis en place en 1995 a évolué en 2011 sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé, la HAS, qui prévoit désormais une consultation médicale et un scanner thoracique réalisé selon une périodicité variable en fonction des situations. Un système de double, voire de triple lecture des scanners a été instauré, et tous ces examens sont pris en charge par l’assurance maladie sans avance de frais.
À l’occasion de ses recommandations, la HAS a préconisé d’améliorer l’information délivrée aux assurés sur ce dispositif, que ceux-ci ne connaissent pas nécessairement. Le Gouvernement a donc mis en place une campagne d’information, actuellement en cours, ciblée sur les 80 000 anciens et actuels allocataires du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.
Dès 2016, les premiers éléments et enseignements que l’on pourra tirer de cette démarche engagée depuis 2011 permettront, le cas échéant, de faire évoluer le dispositif sur la base des recommandations de la HAS.
Dans la mesure où ces données feront l’objet d’une restitution auprès des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que des associations concernées, la production d’un rapport sur cette question ne me paraît pas nécessaire. Je demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 721 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Nous ne sommes pas ici pour établir des protocoles de suivi de traitement ! Nous avons la chance d’avoir la Haute Autorité de santé, qui fait un travail très important. Il faut faire confiance aux fiches et recommandations qu’elle produit, sans quoi nous allons légiférer à tort et à travers. Si nous nous en remettons à la HAS, le problème sera bien traité.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Mme la ministre nous a fourni des réponses. Il faudra suivre le travail qui est mené, mais aussi veiller à le faire connaître, car il me semble que nos concitoyens ignorent les mesures prises par la CNAM.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Il s’agit non pas de faire en sorte que les parlementaires réalisent le travail de la HAS ou d’autres organismes plus compétents qu’eux – ce n’est pas leur rôle –, mais d’instaurer un suivi médical systématique.
Or il existe un moyen très simple et peu coûteux d’obtenir ce dernier. Il suffirait que, au moment où le salarié qui a été exposé à l’amiante part à la retraite ou cesse son activité pour une autre raison, l’employeur transmette ses fiches d’exposition à la caisse primaire d’assurance maladie.
Madame la ministre, sans entrer dans le contenu des protocoles, j’ai bien noté et je salue les actions de sensibilisation menées, car les salariés qui ont été exposés ne sollicitent pas nécessairement un suivi médical.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je veux rappeler qu’il est toujours très compliqué d’identifier les personnes qui ont été exposées à l’amiante. Je parle d’expérience, puisque, pour avoir travaillé dans le secteur de la construction navale, j’ai pu observer que si les travailleurs de l’État ont bien été répertoriés et suivis, les salariés des établissements de sous-traitance, notamment les femmes qui faisaient le ménage dans les ateliers, ont subi un tout autre sort. Les entreprises ont disparu sans avoir déclaré l’exposition de ces salariés, qui rencontrent aujourd’hui toutes les difficultés à bénéficier de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
En tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais d’ailleurs demandé un rapport sur l’accès individualisé à l’ACAATA. À mes yeux, il est fondamental de pouvoir identifier toutes les personnes qui sont ou ont été exposées à l’amiante.
En 2005, nous avions proposé la création d’une commission départementale englobant tous les responsables susceptibles de reconstituer les carrières des salariés et de témoigner le cas échéant de leur exposition à l’amiante, y compris dans les cas où leur entreprise aurait disparu. Les amendements identiques soulèvent un problème très important, mais j’ai bien entendu les arguments de Mme la ministre et je me range à son avis.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 721 rectifié, 834 et 966 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L'amendement n° 722, présenté par Mmes Cohen, Cukierman et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3253-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception, en cas de reconnaissance de la responsabilité de l’employeur qui n’aurait pas pris les mesures de prévention nécessaires pour protéger ses salariés, les créances dont l’origine est antérieure à la fin du contrat sont dues après la date du redressement judiciaire. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à corriger une injustice quant à l’indemnisation des victimes de l’amiante. En effet, si le préjudice d’anxiété a bien été reconnu dans certains cas, l’indemnisation correspondante peut ne pas être versée compte tenu de l’ancienneté de l’exposition, notamment lorsque l’entreprise a disparu. En adoptant le présent amendement, nous ferions perdurer les obligations de l’entreprise condamnée eu égard aux salariés exposés, sur la base du fonds de garantie auquel celle-ci a cotisé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement traite d’un sujet sensible. Il paraît évidemment injuste que le préjudice subi par un salarié ne soit pas indemnisé. Néanmoins, la question de la succession des créances dans les entreprises étant complexe, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Cette question est effectivement d’une très grande complexité. Une modification du champ des créances couvertes par l’AGS, l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, nécessiterait de mener une expertise approfondie en consultant les parties potentiellement concernées. Cela ne peut pas se décider ainsi à la faveur de l’examen d’un amendement. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 722 est retiré.
Article 11 bis A
(Non modifié)
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-7 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Des valeurs-guides pour l’air intérieur sont définies par décret en Conseil d’État, après avis de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
« Des niveaux de référence pour le radon sont définis par décret en Conseil d’État, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire.
« Ces valeurs-guides et ces niveaux de référence sont fixés en conformité avec ceux définis par l’Union européenne et, le cas échéant, par l’Organisation mondiale de la santé. Ces normes sont régulièrement réévaluées pour prendre en compte les résultats des études médicales et épidémiologiques. » ;
2° L’article L. 227-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 227-1. – Ne sont pas soumises au présent titre les pollutions de tous ordres causées par des substances radioactives, autres que le radon et ses descendants, lorsqu’ils sont d’origine géologique, ainsi que les conditions de création, de fonctionnement et de surveillance des installations nucléaires de base mentionnées à l’article L. 593-1. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 11 bis A
M. le président. L'amendement n° 971, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État peut mettre en place de manière expérimentale des zones à rayonnement électromagnétique limité pour les collectivités qui se porteraient volontaires.
II. – Un décret définit les modalités de mise en œuvre du I et les conditions dans lesquelles cette expérimentation est évaluée. L’expérimentation est d’une durée de deux ans à compter de la publication de ce décret et, au plus tard, à compter du 1er octobre 2015.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Depuis les années quatre-vingt-dix, les systèmes de communication sans fil connaissent un essor important : téléphone portable, 3G, Wifi, Wimax, et depuis peu, déploiement de la 4G.
Ce développement suscite des interrogations au sein de la population, que ce soit de la part d’habitants qui résident à proximité d’une antenne relais existante ou en projet, des usagers, des différentes associations spécialisées qui se sont saisies de cette question, ou encore de la communauté scientifique. Nous évoluons quotidiennement dans un bain électromagnétique.
Les ondes produites ont différentes origines, et, depuis une dizaine d’années, de nombreuses études ont été réalisées dans le monde pour évaluer les effets des ondes électromagnétiques. Un nombre croissant d’experts s’accorde désormais sur les dangers pour la santé induits par une exposition aux champs électromagnétiques issus des technologies de communication sans fil.
À titre d’exemple, les études ou les expertises menées par l’institut de médecine environnementale suédois, par l’équipe TNO aux Pays-Bas, par le programme européen REFLEX, par le National Radiological Protection Board en Grande-Bretagne, ou encore par le Bioinitiative Working Group aux États-Unis établissent des effets sur la santé d’une exposition prolongée aux champs électromagnétiques, ce dès un seuil de 0,7 volt par mètre.
En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a d’ailleurs classé les champs électromagnétiques des fréquences radioélectriques comme potentiellement cancérigènes – classification 2B. Cette classification a déclenché une prise de conscience sur la nécessité d’agir rapidement pour prévenir les effets athermiques des radiofréquences.
C’est pourquoi le présent amendement vise à lancer une expérimentation de zones à rayonnement électromagnétique limité, appelées « zones blanches ».
Des projets, soutenus par des associations et des élus, sont en cours, notamment dans la Drôme. Il convient de lancer une expérimentation à plus grande échelle, afin de protéger les personnes électro-hypersensibles et de faciliter à terme la création de ce type de zones dans différents espaces du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Madame Archimbaud, je comprends bien le problème que vous soulevez car celui-ci s’est présenté dans le territoire rural dont je suis élue.
Un certain nombre d’habitants souhaitant bénéficier d’une couverture par un réseau de téléphonie mobile, nous avons organisé la pose d’une antenne relais avec un opérateur. D’autres habitants se sont alors élevés contre ces travaux, avançant la sensibilité de certains aux rayonnements électromagnétiques.
Dans une telle situation, il faut s’efforcer de concilier les craintes des uns et les exigences des autres en réunissant tout le monde autour d’une table. La concertation permet à chacun d’évoluer. L’antenne relais est aujourd’hui installée, et les personnes très sensibles à ces champs électromagnétiques ont trouvé des réponses dans les propositions que nous leur avons faites.
Sur cette question très controversée, je m’en remets aux travaux de l’ANSES. Dans l’édition 2015 du programme national de recherche « Environnement-santé-travail », l’un des deux appels à projets lancés au mois de novembre 2014 concerne les radiofréquences et la santé.
À mon sens, ces travaux nous apporteront des réponses, qui elles-mêmes évolueront au fil du temps.
Madame la ministre, je me tourne une nouvelle fois vers vous : sur ce sujet, peut-être pouvez-vous nous communiquer de nouveaux éléments ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la rapporteur, il me semble que vous avez fort bien résumé la situation. L’ANSES se penche effectivement sur ces questions.
Madame Archimbaud, à ce jour, les études scientifiques n’ont pas établi de relations de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes associés à l’électro-hypersensibilité.
Pour autant, dans nos départements, on nous parle, on nous témoigne de troubles et de souffrances qui peuvent être très graves et que nous ne pouvons pas ignorer. Nous devons donc œuvrer à l’élaboration des modalités d’une prise en charge adaptée, pour celles et ceux qui éprouvent ces souffrances.
L’ANSES y travaille dans le cadre d’un appel à projets et publiera les conclusions de ses travaux. En outre, le Gouvernement remettra, sur ce sujet, un rapport au Parlement au début de l’année 2016.
Dans l’attente de ces conclusions, je vous invite à retirer votre amendement : pour l’instant, il ne me semble pas que nous puissions aller beaucoup plus loin.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 971 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 971 est retiré.
Article 11 bis B
(Non modifié)
Le chapitre III du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1313-1 est ainsi modifié :
a) Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – la protection de l’environnement, en évaluant l’impact des produits réglementés sur les milieux, la faune et la flore. » ;
b) Au neuvième alinéa, le mot : « également » est supprimé, les mots : « et, pour » sont remplacés par les mots : « ainsi que pour » et, après la deuxième occurrence du mot : « code », la fin de l’alinéa est supprimée ;
c) Après le même neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle exerce également des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation pour les produits biocides mentionnés à l’article L. 522-1 du code de l’environnement. » ;
2° Au 1° de l’article L. 1313-3-1, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième » ;
3° L’article L. 1313-5 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, la référence : « du neuvième alinéa » est remplacée par les références : « des dixième et onzième alinéas » ;
b) À la deuxième phrase du second alinéa, après le mot : « général », sont insérés les mots : « prise en application du dixième alinéa de l’article L. 1313-1 » ;
c) Le même second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le ministre chargé de l’environnement ou le ministre chargé du travail peuvent s’opposer, dans les mêmes conditions, aux décisions prises en application du onzième alinéa du même article. » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 1313-6-1, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième ».
M. le président. L'amendement n° 1201, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement tend à supprimer la mention du transfert de compétences confié à l’ANSES au titre des biocides : ledit transfert figure dans une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. C’est donc une question de cohérence juridique entre les différents textes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Favorable.
M. Gilbert Barbier. C’est une question de logique !
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis B est supprimé.
Articles additionnels après l’article 11 bis B
M. le président. L'amendement n° 973, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’usage des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes est interdit à compter du 1er janvier 2016. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Les néonicotinoïdes sont des insecticides neurotoxiques reconnus redoutables. Ils ont déjà fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle, une soirée durant, au début de cette année.
L’incidence dramatique des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs, les macro-invertébrés et les oiseaux ne peut plus être niée, ni les dangers terribles qu’ils font courir, à travers la pollinisation, à la production agricole tout entière.
En outre, nous le savons à présent, les risques graves que représente cette famille d’insecticides pour la santé humaine ne peuvent plus être exclus.
En effet, dans un communiqué daté du 17 décembre 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a déclaré que « deux insecticides néonicotinoïdes – l’acétamipride et l’imidaclopride – peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain. » Ainsi, cette instance a constaté que ces deux produits « peuvent affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l’apprentissage et la mémoire. »
En 2012 déjà, une étude conduite sur des rats par deux chercheurs, MM. Komuta et Kuroda, avait suggéré que les néonicotinoïdes pouvaient affecter défavorablement la santé humaine, et spécialement, là encore, le développement du cerveau.
Sur cette base, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire canadienne a classé, en 2013, le clothianidine, le thiaclopride et le thiaméthoxam, trois néonicotinoïdes, au rang des perturbateurs endocriniens potentiels.
En 2004, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis avait déjà classé le thiaclopride comme cancérigène probable.
Sur la base des études soulignant l’incidence des néonicotinoïdes sur la mortalité élevée des abeilles et l’apparition de lésions cérébrales chez les enfants, le Parlement néerlandais a, quant à lui, invité le gouvernement d’Amsterdam à adopter un moratoire sur tous les néonicotinoïdes, jusqu’à ce qu’il soit établi que ces derniers n’ont pas d’effet néfaste sur les abeilles et sur la santé humaine.
L’action des pouvoirs publics français est urgente et nécessaire. L’association Générations futures a recherché les cinq principaux néonicotinoïdes dans des aliments végétaux courants non concernés par les restrictions récentes d’usage de ces insecticides. Dans cette étude, qu’elle a rendue publique au mois de juin 2013, elle constate que les aliments testés contiennent, à des degrés divers, certes, mais de manière fréquente, des résidus de ces néonicotinoïdes. Certaines limites maximales en résidus, ou LMR, ont été largement dépassées, et un usage interdit d’un néonicotinoïde a même été mis en lumière sur un échantillon de fraises.
Au total, ce sont 45 % des échantillons de courgettes testées qui contenaient des résidus de néonicotinoïdes, et pas moins de 80 % des échantillons de thé.
Aussi, cet amendement tend à interdire l’usage de produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Il est assez délicat d’émettre un avis catégorique.
J’ai, par le passé, signé une demande d’interdiction des néonicotinoïdes. Je ne sais s’il m’est permis de parler une nouvelle fois de moi – on me l’a précédemment reproché… Je suis propriétaire de ruches, et les abeilles sont, bien entendu, victimes de ce type de produits.
Néanmoins, j’ai eu l’occasion de rencontrer, avec mes collègues sénateurs du Vaucluse, plusieurs agriculteurs de mon département. Ces derniers subissent d’énormes problèmes à la suite des interdictions déjà prononcées, qu’il s’agisse des cerisiers – la mouche de la cerise est en train de les tuer –, des oliviers ou des pommiers. Dans ce département, les maraîchers cessent leur activité les uns après les autres, car ils ne disposent plus des produits permettant de détruire les insectes s’attaquant à leurs cultures – sont en particulier concernées celles des cerises, des pommes et des poires.
Aussi, la solution n’est pas si évidente qu’il y paraît. Ces traitements peuvent avoir des effets dévastateurs sur certains types d’insectes, c’est vrai. Mais, parallèlement, leur interdiction peut aussi produire les mêmes effets sur l’agriculture, et même sur la nature en général.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un fait, depuis quelque temps, on constate les méfaits que causent certaines catégories de produits phytosanitaires, notamment les néonicotinoïdes, aux insectes en général et aux abeilles en particulier. On ne saurait nier ce problème.
Sur la base de ce constat, une réflexion a été engagée à l’échelle européenne. C’est à ce niveau que les substances considérées font, actuellement, l’objet d’une réévaluation.
À l’échelon de la France, la question est la suivante : cette réévaluation est-elle menée dans des conditions satisfaisantes, au regard des enjeux que nous souhaitons voir pris en compte, et qui – M. Milon vient de le souligner – doivent être équilibrés ? Nous devons faire la juste balance des bénéfices et des risques.
Sans me prononcer, je suis sensible à ce que j’entends, non seulement dans le département dont je suis l’élue mais aussi à l’échelon national, à propos des destructions d’abeilles. Il s’agit là d’un véritable sujet.
À cet égard, Mme la ministre de l’écologie, M. le ministre de l’agriculture et moi-même avons conjointement saisi le directeur général de l’ANSES, par courrier en date du 24 juin dernier – il y a donc relativement peu de temps. Sur la base des nouveaux éléments mis au jour au cours des derniers mois, nous lui avons demandé d’analyser la manière dont est mené le travail par la Commission européenne. Et ce courrier détaille avec précision un certain nombre de critères.
À présent, nous attendons le résultat des travaux de l’ANSES, qui doivent être remis avant la fin de cette année.
Monsieur Labbé, dans l’attente de ces conclusions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 973 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Madame la ministre, j’entends bien vos explications. Mais, dans ce domaine, on nous renvoie toujours à de futures études…
Mme Laurence Cohen. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Je me dois de maintenir cet amendement, ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l’Assemblée nationale a adopté cette interdiction.
Ensuite, je tiens à réagir aux propos que M. le rapporteur a consacrés aux invasions d’insectes.
Sauf erreur de ma part, les néonicotinoïdes n’étaient pas employés avant 1995. Pourtant, il y avait des oliviers en France ; certes, les insectes qui les attaquent existaient également, mais ils avaient, eux aussi, leurs prédateurs. Comme chacun sait, la nature est faite d’équilibres.
Dès lors que, dans certains territoires, les traitements deviennent systématiques, tous ces équilibres sont rompus. Et, lorsqu’on cesse d’employer ces produits, un temps de rééquilibrage est nécessaire. Quoi qu’il en soit, il existe des solutions de substitution.
Je le répète, j’entends bien votre propos. Mais si, en continuant dans cette logique, on persiste à appliquer ces traitements, le problème devient sans fin : la nature est si bien faite que les insectes cibles développent une résistance aux insecticides.
Cette année et l’année dernière, nous avons longuement parlé d’agro-écologie. L’agro-écologie, c’est précisément le rétablissement de ces équilibres naturels et environnementaux !
Afin que la Haute Assemblée puisse prendre position sur ce sujet, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je souscris aux observations formulées par M. le rapporteur et Mme la ministre : le problème dont il s’agit est difficile à appréhender.
Nul ne le conteste, à l’avenir, l’usage de ces produits est appelé à se réduire, et peut-être un jour à disparaître. Néanmoins, à l’heure actuelle, ces substances sont l’élément de plusieurs cultures, comme le blé ou, plus particulièrement, la betterave.
En l’état actuel des connaissances, il n’existe pas encore de solution de remplacement. Toute interdiction formelle et définitive de ces produits entraînerait donc l’usage d’autres substances, qui se révéleraient aussi nocives pour l’environnement, sinon plus.
Voilà pourquoi il convient d’avancer au fur et à mesure des recherches, en procédant avec prudence.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. À mon tour, je déplore que l’on tente, à diverses reprises, d’inscrire des dispositions de cette nature dans la législation, notamment en modifiant, au titre de ce projet de loi, le code rural et de la pêche maritime. On ne mesure pas bien les conséquences concrètes qu’entraînerait une telle décision.
Je suis issu d’une région où la production légumière a une importance assez significative. Par le passé, les professionnels de ce secteur y ont accompli de nombreux efforts pour améliorer la qualité de leurs produits et réduire significativement le volume des intrants. Toutefois, ils le disent très clairement : si cette famille de produits phytosanitaires devait être totalement interdite, reviendraient nécessairement en usage d’autres traitements qui, eux, peuvent avoir une incidence bien plus négative sur l’environnement.
A fortiori dans le contexte économique que l’agriculture subit aujourd’hui, il faut alléger les contraintes pesant sur les professionnels, et non imposer à ceux-ci des normes supplémentaires.
À ce titre, M. le rapporteur et Mme la ministre ont insisté sur la nécessité de mener une réflexion à l’échelle européenne. Cette remarque me paraît empreinte de bon sens. C’est la voie qu’il convient de suivre : voilà pourquoi il faut absolument rejeter les amendements de ce type.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis sensible aux développements de mes différents collègues, notamment à la nécessité de faire preuve de vigilance quand on souhaite interdire un produit, parce que l’on ne sait pas par quelle autre substance celui-ci peut être remplacé et parce que nous ne disposons peut-être pas des connaissances suffisantes.
Cependant, je rappelle que nous sommes en 2015 et que la planète est de plus en plus polluée. Les pollutions sont de toute nature. Nous qui sommes en train de nous préoccuper de l’organisation de la vingt et unième Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP 21, qui aura lieu maintenant dans quelques semaines, n’oublions pas que les choses sont liées ! Dans l’effort pour préserver la planète, il ne faut pas séparer l’air des mers ou des pesticides.
À cet égard, s’il est effectivement nécessaire d’approfondir les études existantes – cela nous rappelle une fois de plus que la recherche a besoin de moyens financiers pour avancer plus vite –, l’amendement de nos collègues du groupe écologiste me semble quand même important, parce qu’il faut bien, à un moment donné, faire preuve de volontarisme. Nous voterons donc en sa faveur.
M. le président. L'amendement n° 975, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’usage des produits phytosanitaires dont le glyphosate entre dans la composition est interdit à compter du 1er janvier 2016. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le glyphosate, principal ingrédient entrant dans la composition du Roundup, produit par la société bien connue qu’est Monsanto, a été reconnu cancérigène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, l’agence spécialisée sur le cancer de l’OMS.
À cette même occasion, deux autres matières ont été reconnues par cette organisation comme cancérigènes probables : le malathion et le diazinon. Le malathion a encore très récemment été utilisé de façon exceptionnelle en Guyane. Quant au diazinon, il a été interdit sur le territoire français et dans de nombreux pays.
Cela étant, le glyphosate est la matière active d’herbicide la plus employée au monde. Or 2 000 tonnes de cette substance sont utilisées chaque année sous forme de Roundup par les particuliers, quand 8 500 tonnes le sont par les agriculteurs et les autres professionnels.
En France, en 2012, le professeur Gilles-Éric Séralini a montré que les rats exposés à du Roundup à faible dose développaient des cancers plus fréquemment que les rats témoins. Dans ses travaux, il a insisté sur le fait que les adjuvants ajoutés au glyphosate dans les formulations d’herbicides comme le Roundup augmentent de manière considérable la toxicité de cette matière active qu’est le glyphosate.
Il est donc nécessaire pour la santé des agriculteurs et des populations et pour la biodiversité de retirer du marché les produits composés par le glyphosate.
C'est l’objet de cet amendement, qui va au-delà de l'interdiction des produits désherbants contenant du glyphosate demandée à partir du 1er janvier 2016 par Ségolène Royal. En effet, dans les faits, ce que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l’énergie a annoncé n'est pas vraiment une interdiction.
Quant à nous, nous proposons une véritable interdiction de ces molécules herbicides, extrêmement dangereuses pour la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. L’interdiction des produits phytosanitaires dont le glyphosate entre dans la composition n’est malheureusement pas possible dans le contexte actuel, puisque l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate vient d’être renouvelée par l’Agence européenne pour l’environnement, après réexamen du dossier.
À défaut de retrait, la commission émettra donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 975 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Je propose, dans le cadre d’un projet de loi relatif à la santé, d’interdire des produits dont il est avéré qu’ils sont redoutables pour la santé humaine. Dès lors, vous comprendrez, monsieur le président, que je ne puisse que maintenir mon amendement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 975.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 bis C
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1321-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « distribution », la fin du 1° du I est supprimée ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le 2º du I ne s’applique pas aux eaux destinées à la consommation humaine provenant d’une source individuelle fournissant moins de 10 mètres cubes par jour en moyenne ou approvisionnant moins de cinquante personnes, sauf si ces eaux sont fournies dans le cadre d’une activité commerciale ou publique. » ;
2° L’article L. 1321-7 est ainsi modifié :
a) Au 2° du I, la référence : « 3° du II » est remplacée par la référence : « III » ;
b) Le II bis devient le IV.
M. le président. L'amendement n° 974, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les limites maximales en résidus tiennent compte de la problématique des phytosanitaires en formulations. » ;
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est inspiré par des remarques que des chercheurs nous ont adressées avec insistance sur ce que l’on appelle les « effets cocktail ».
À l’heure actuelle, les limites maximales de résidus sont définies sur la base d’une dose journalière admissible par molécule, sans tenir compte des effets cocktail, lesquels résultent de l’addition de petites doses de polluants différents mais très nombreux.
De récentes enquêtes ont montré, par exemple, que, au cours d’une journée, un enfant d’une dizaine d’années pouvait ingérer, par son alimentation, pas moins de 128 résidus chimiques différents. Aujourd'hui, les études prouvent que l’addition de nombreuses petites doses, qui peuvent sembler inoffensives lorsqu’elles sont prises isolément, se révèle dangereuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. D’une part, cette mesure semble relever davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif.
D’autre part, la commission pense, madame Archimbaud, que la rédaction de votre amendement manque de clarté et n’est pas vraiment adaptée à la définition des effets cocktail que vous venez de nous donner.
C’est pourquoi elle en sollicite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les études qui existent aujourd'hui ne permettent pas d’aboutir à des conclusions sur l’existence d’un véritable effet cocktail résultant de l’utilisation de différents produits phytosanitaires.
Il paraît donc difficile de prendre en considération ce facteur dans le cadre des limites maximales de résidus, lesquelles doivent d'ailleurs être définies à l’échelon européen.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 974 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 974 est retiré.
Je mets aux voix l'article 11 bis C.
(L'article 11 bis C est adopté.)
Article 11 bis D
(Non modifié)
Le titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre V est ainsi modifié :
a) À l’intitulé, les mots : « Pollutions atmosphériques » sont remplacés par le mot : « Air » ;
b) Sont ajoutés des articles L. 1335-3 à L. 1335-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 1335-3. – Tout propriétaire d’une installation ne relevant pas de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement mentionnées à l’article L. 511-1 du code de l’environnement et générant des aérosols d’eau est tenu de mettre à la disposition du public des installations satisfaisant aux règles d’hygiène et de conception fixées par le décret mentionné à l’article L. 1335-5 du présent code.
« Art. L. 1335-4. – L’utilisation d’une installation mentionnée à l’article L. 1335-3 peut être interdite par le représentant de l’État dans le département, sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé, si les conditions d’aménagement ou de fonctionnement sont susceptibles d’entraîner un risque pour la santé publique ou si l’installation n’est pas conforme aux normes prévues ou n’a pas été mise en conformité dans le délai fixé par l’autorité administrative compétente.
« Art. L. 1335-5. – Sont déterminées par décret en Conseil d’État les modalités d’application des articles L. 1335-3 et L. 1335-4, notamment :
« 1° Les règles d’hygiène et de conception auxquelles doivent se conformer les installations mentionnées à l’article L. 1335-3 ;
« 2° Les modalités de contrôle et de surveillance, les conditions d’interdiction d’utilisation des installations mentionnées à l’article L. 1335-4, ainsi que les conditions dans lesquelles les dépenses de contrôle sont mises à la charge du propriétaire de ces installations. » ;
2° Le chapitre VII est complété par un article L. 1337-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 1337-10. – Est puni de 15 000 € d’amende le fait de ne pas se conformer aux mesures d’interdiction mentionnées à l’article L. 1335-4. » – (Adopté.)
Article 11 bis E
(Non modifié)
Le chapitre VII du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Sanctions » ;
2° Au début, est ajoutée une section 1 ainsi rédigée :
« Section 1
« Sanctions administratives
« Art. L. 1337-1 A. – En cas d’inobservation des articles L. 1332-1 à L. 1332-4 et des articles L. 1332-6 à L. 1332-9, l’autorité administrative met en demeure l’exploitant ou, à défaut, le propriétaire d’y satisfaire dans un délai déterminé. Elle peut prescrire tous contrôles, expertises ou analyses nécessaires, les dépenses étant à la charge de l’exploitant ou du propriétaire.
« Si, à l’expiration du délai fixé, l’intéressé n’a pas obtempéré à cette injonction, l’autorité administrative peut :
« 1° L’obliger à consigner, entre les mains d’un comptable public, une somme correspondant à l’estimation du montant des travaux à réaliser, laquelle est restituée au fur et à mesure de leur exécution. À défaut de réalisation des travaux avant l’échéance fixée par l’autorité administrative, la somme consignée est définitivement acquise à l’État afin de régler les dépenses entraînées par l’exécution des travaux en lieu et place de l’intéressé. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine ;
« 2° Faire procéder d’office, en lieu et place de l’exploitant ou, à défaut, du propriétaire et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites ;
« 3° Suspendre, s’il y a lieu, l’exploitation des installations ou des ouvrages, l’exercice des activités jusqu’à exécution des conditions imposées. » ;
3° Est insérée une section 2 intitulée : « Sanctions pénales » et comprenant les articles L. 1337-1 à L. 1337-10 ;
4° La section 2, telle qu’elle résulte du 3° du présent article, est complétée par un article L. 1337-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 1337-11. – Est puni de 15 000 € d’amende le fait de ne pas se conformer à la mesure d’interdiction d’utilisation mentionnée à l’article L. 1335-2-2. »
M. le président. L'amendement n° 1196, présenté par M. Milon et Mmes Deroche et Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement vise simplement à supprimer une référence erronée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11 bis E, modifié.
(L'article 11 bis E est adopté.)
Article 11 bis F
(Non modifié)
I. – L’article 13 de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable est abrogé.
II. – L’article 13 de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable continue à s’appliquer aux produits pour lesquels une demande d’autorisation transitoire a été déposée, au titre du 2 du II du même article 13, avant le 12 novembre 2014 et qui n’ont pas fait l’objet d’une décision avant l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)
Article 11 bis
(Non modifié)
L’article L. 1311-7 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux santé environnement. Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans le domaine de la santé et de l’environnement. Ces plans régionaux s’appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions. Ils sont mis en œuvre par les services déconcentrés de l’État, les agences régionales de santé et les conseils régionaux, en association avec les autres collectivités territoriales. »
M. le président. L'amendement n° 293 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Longuet, D. Laurent, Laufoaulu, Lefèvre, Mouiller, Mandelli et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. Huré, Grand, G. Bailly, Joyandet, Morisset, B. Fournier, Houel et Raison, Mme Mélot, MM. de Raincourt, Laménie, Béchu, Vaspart et Houpert, Mme Estrosi Sassone, MM. Cornu, Vasselle et A. Marc, Mme Lamure, M. Pointereau et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales y participent par des actions spécifiques pouvant être intégrées au contrat local de santé.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. La territorialisation prévue par le projet de loi ne peut s’arrêter au niveau régional et les collectivités locales ne peuvent être seulement associées, car c’est de leur engagement que dépend la réussite des mesures environnementales favorables à la santé des populations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission est favorable à cet amendement, parce qu’elle souscrit à l’idée de ne pas laisser les collectivités territoriales spectatrices de ce qui pourrait se créer autour du dispositif des plans régionaux santé environnement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Imbert, votre demande, qui est tout à fait légitime, me semble d'ores et déjà satisfaite par la rédaction actuelle du texte. Néanmoins, par prudence, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11 bis, modifié.
(L'article 11 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11 bis
M. le président. L'amendement n° 976, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1311-6 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce plan prend en compte les agents physiques et chimiques en tant que facteurs de risque, quels que soient les sources, les voies et milieux d’exposition, et veille à prendre en compte certaines fenêtres d’exposition. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à compléter l’article L. 1311-6 du code de la santé publique qui a donné naissance au plan national santé environnement, ou PNSE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement paraît largement satisfait dans les faits, puisque le PNSE 3, qui couvre la période 2015-2019, prend en compte une grande variété d’agents physiques et chimiques, ainsi que les fenêtres d’exposition, notamment pour les perturbateurs endocriniens.
La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. À défaut de retrait, le Gouvernement émettra lui aussi un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 976 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 976 est retiré.
L'amendement n° 978, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La quatrième phrase du premier alinéa de l’article L. 111–6 du code de la recherche est complétée par les mots : « et à la recherche relative aux risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement sur la base du concept d’exposome ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. La question de la santé environnementale est indissociable du constat d’une épidémie mondiale de maladies chroniques dressé par l’OMS.
De ce point de vue, la santé environnementale est l’une des réponses à l’objectif de diminution des maladies chroniques affiché par le Gouvernement. C’est aussi une réponse à la crise budgétaire de notre système de santé.
Cet amendement vise, pour atteindre cet objectif, à garantir la place de la santé environnementale au cœur de la stratégie nationale de recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La recherche en matière de santé environnementale est essentielle, ainsi que nous l’avons souligné à plusieurs reprises.
Toutefois, il n'y a pas de raison de l’inclure dans l’article fixant le principe d’une stratégie nationale de recherche. En effet, son inscription à cet article impliquerait de mentionner dans ce dernier tous les domaines de recherche, à commencer par la recherche médicale, qui n’y est pas citée.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai déclaré que j’étais favorable à l’introduction dans le présent texte du concept d’exposome.
Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche poursuit des travaux de son côté et je ne doute pas qu’il œuvre sur ce sujet avec les chercheurs concernés.
J’estime qu’il n’appartient pas à un projet de loi relatif à la santé de satisfaire une demande qui concerne un autre ministère et d’autres acteurs.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 978 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 978 est retiré.
L'amendement n° 977, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 111-6 du code de la recherche est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il veille également à la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale de santé définie à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, notamment en matière de risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement participe de la même réflexion que le précédent : il fait suite aux auditions que Chantal Jouanno et moi-même avons menées sur la santé environnementale.
Sur la base des mêmes constats, il vise à garantir la cohérence entre la stratégie nationale de recherche et la stratégie nationale de santé pour que la place de la santé environnementale soit assurée.
Madame la rapporteur, j’ai apprécié que vous ayez proposé, en commission, de vous en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Au risque de ne pouvoir vous contenter, ma chère collègue, c’est un avis défavorable que la commission a émis sur votre amendement. En effet, il lui semblait difficile d’adresser une telle injonction au Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la rapporteur, je suis sensible au fait que vous ne souhaitiez pas délivrer d’injonction au Gouvernement ! (Sourires.)
Au reste, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. En effet, il me paraît souhaitable que les stratégies nationales de recherche et de santé convergent. Je ne saurais m’opposer à l’inscription dans la loi d’un complément utile !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Dans la mesure où le Gouvernement est d’accord, la commission ne peut que l’être aussi. (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Du moins, sur ce cas précis !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Évidemment, ma chère collègue !
En tout état de cause, si le Gouvernement ne considère pas que les dispositions de l’amendement lui adressent une injonction, la commission ne le pense pas davantage et émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi après l’article 11 bis.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 603 rectifié est présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau.
L'amendement n° 979 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1 % du budget de l'État consacré à la recherche est dédié à la santé environnementale.
La parole est à Mme Chantal Jouanno., pour présenter l’amendement n° 603 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement porte sur la question de la recherche en santé environnementale.
La santé environnementale se définissant par une exposition multifactorielle à de faibles doses sur le long terme, la recherche en la matière exige en général de faire des suivis de cohortes durant une longue période – c’est l’une des difficultés auxquelles cette recherche est confrontée.
Or, à l’occasion des auditions que nous avons menées dans le cadre de la mission qui nous a été confiée, à Aline Archimbaud et à moi-même, sur la santé environnementale, toutes les agences – toutes, j’y insiste – ont souligné qu’elles devaient actuellement faire face à de vraies difficultés de financement des cohortes, par exemple de la cohorte Esteban, ainsi qu’à une démobilisation et à une perte de structuration de la recherche française dans le domaine de la santé environnementale, alors même que, dans d’autres pays européens et aux États-Unis, au contraire, de plus en plus de moyens sont consacrés à ce dernier. D’ailleurs, notre attention a tout particulièrement été attirée sur le secteur des nanomatériaux, que nous n’avions pas identifié initialement comme un sujet de recherche.
Toutes les agences nous ont dit que les États-Unis ont mis en place des moyens de financement colossaux dans ce domaine, alors que la France et l’Union européenne en général ne disposent que de très peu de moyens.
C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement – si j’ai bien compris le sens de nos échanges précédents, il ne passera de toute façon pas la barre –, qui vise à ce que 1 % du budget de l’État consacré à la recherche soit dédié à la santé environnementale. Nous devons sanctuariser ces crédits sur le long terme, car le lancement de cohortes est extrêmement coûteux et l’arrêt de leur financement en cours de route revient à perdre totalement le bénéfice des recherches déjà entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 979.
Mme Aline Archimbaud. Je partage les arguments que vient de développer Chantal Jouanno. Les chercheurs qui ont lancé cette alerte sont très inquiets.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Nous sommes évidemment convaincus de la nécessité de financer la recherche en matière de santé environnementale.
Toutefois, exiger que 1 % du budget de la recherche soit consacré uniquement à ce chapitre nous semble un peu fort, notamment au regard de la situation financière de notre pays.
La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne me prononcerai pas sur le fond de votre demande, mesdames les sénatrices. Je suis d’ailleurs prête à admettre que les crédits actuellement attribués à la recherche en matière de santé environnementale devraient être augmentés.
Indépendamment de la question de savoir si cette augmentation est possible dans le cadre du budget du ministère chargé de la recherche, voire de mon ministère, je vous fais observer que cette disposition n’a absolument pas sa place dans ce projet de loi.
Nous sommes désormais extrêmement attentifs à ce que nulle mesure d’ordre strictement financier ne figure dans un texte législatif ordinaire. Les lois financières sont faites pour cela, notamment le projet de loi de finances.
Pour cette raison, et sans me prononcer sur le montant de 1 % que vous avancez ni méconnaître la portée de vos observations au fond, je suis contrainte d’émettre un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 979 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président. Nous reposerons la question lors de l’examen du projet de loi de finances.
Toutefois, nous ne proposons pas de dépenses supplémentaires. Nous voulons simplement qu’au moins 1 % du futur budget de la recherche, tel qu’il sera arrêté, soit fléché en faveur de la recherche en santé environnementale. Il ne s’agit donc pas d’une dépense nouvelle.
Ce fléchage qualitatif s’appuie sur les alertes qui ont été lancées. Les chercheurs en santé environnementale quittent la France, quittent notre continent, faute de financements suffisants.
Il s’agit d’un vrai problème : nous nous trouvons face à des risques émergents. On ne peut prendre de décisions sages sans connaître les effets des perturbateurs endocriniens ou les risques induits par les nanomatériaux.
M. le président. L'amendement n° 979 est retiré.
Madame Jouanno, l'amendement n° 603 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Non, je le retire, monsieur le président. Je crains toutefois que, au moment de l’examen du projet loi de finances, on ne nous dise qu’il n’est pas possible de réserver une partie du budget…
M. le président. Il faudra calculer le montant auquel correspond le 1 % en question…
La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Après en avoir discuté à l’instant avec Gilbert Barbier, je veux faire observer qu’attribuer 1 % du budget de la recherche – à budget constant, bien entendu – à la santé environnementale reviendrait à grever d’autant les autres budgets et les autres types de recherches. Voilà qui devient compliqué…
M. le président. Cela entraîne un effet d’éviction évident !
Mme Chantal Jouanno. Il ne s’agit que de1 % !
M. le président. L'amendement n° 603 rectifié est retiré.
Article 11 ter
(Non modifié)
I. – Le chapitre VI du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi rétabli :
« CHAPITRE VI
« Prévention des risques liés au bruit
« Art. L. 1336-1. – Les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – À la fin du second alinéa de l’article L. 211-11 du code de l’environnement, la référence : « et article L. 1336-1 » est supprimée.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par M. Adnot, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 11 ter.
(L'article 11 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 599 rectifié est présenté par Mme Jouanno et MM. Guerriau et Médevielle.
L'amendement n° 982 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 4 de la section 4 du chapitre Ier du titre VII du livre V du code de l’environnement est complétée par un article L. 571-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 571-16-... – L’aide à l’insonorisation couvre l’intégralité de la dépense d’insonorisation dans la limite d’un plafond défini selon des modalités fixées par décret.
« Les demandes doivent être présentées avant le 31 décembre de la cinquième année suivant celle de publication de la loi n° … du … relative à la santé.
« Les syndics de copropriété informent l’ensemble des copropriétaires de l’ensemble du dispositif au cours de la plus proche assemblée générale des copropriétaires et, au plus tard, avant le 31 décembre 2016 sous peine d’une amende de 1 000 euros et d’une indemnisation des copropriétaires finançant eux-mêmes ces travaux dans la limite des plafonds applicables localement. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 599 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement, assez classique, vise à consacrer l’obligation d’une aide à l’insonorisation en faveur des riverains d’aéroport.
Une disposition comparable avait été adoptée dans le cadre de la loi Grenelle. Il s’agit ici d’aller plus loin.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 982.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Outre le fait que nombre des dispositions proposées ne relèvent pas du domaine de la loi, une telle mesure poserait des problèmes d’application. En effet, le premier alinéa du dispositif prévoit une indemnisation intégrale des coûts liés à l’insonorisation dans la limite d’un plafond fixé par décret, mais le troisième vise les plafonds applicables localement.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 599 rectifié et 982.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 980, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 147-5 du code de l’urbanisme est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les zones A, B et C du plan d’exposition au bruit constituent une servitude d’utilité publique.
« La promesse de vente d’immeuble, le contrat préliminaire de réservation d’immeuble, le contrat de vente d’immeuble ou d’immeuble à construire, le contrat de location d’immeuble à usage d’habitation ou le contrat de location-accession à la propriété immobilière, ayant pour objet un bien immobilier situé dans l’une des zones de bruit définies par un plan d’exposition au bruit comporte une clause claire et lisible précisant la zone de bruit où se trouve localisé ledit bien, le nombre de survols quotidiens en arrivées et départs ainsi que le volume sonore sur la base d’une moyenne annuelle mesurée au niveau de la station de monitorage du bruit la plus proche au cours de l’année précédente.
« L’article L. 121-21 du code de la consommation est applicable aux actes juridiques mentionnés à l’alinéa précédent. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les zones A, B et C du plan d’exposition au bruit, le PEB, sont grevées d’une servitude d’utilité publique, afin que leur usage, par les aéronefs, puisse ouvrir droit à indemnités pour les propriétaires.
Les personnes envisageant de s’installer en qualité de locataire – ce qui est toujours possible, y compris en zones A ou B – et de propriétaire dans une zone du plan d’exposition au bruit d’un aéroport ne se rendent pas toujours compte des nuisances auxquelles elles vont être exposées.
Le PEB est un document d’urbanisme annexé au plan local d’urbanisme, aux plans de sauvegarde et de mise en valeur et aux cartes communales, documents dont les dispositions doivent être compatibles avec ses prescriptions. Toutefois, l’incidence du bruit aérien est difficile à appréhender, surtout si le bien à louer ou acheter, ou le terrain retenu pour la construction, a été visité à une heure où le trafic est réduit ou dans des conditions météorologiques minimisant l’incidence sonore des mouvements d’avion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Le lien avec le présent projet de loi lui semblant par trop indirect, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 981, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 147-5 du code de l’urbanisme est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« …° Les propriétaires des immeubles d’habitation situés dans la zone I d’un plan de gêne sonore d’un aéroport sur lequel le nombre de mouvements d’appareils commerciaux entre 22 heures et 6 heures est égal ou supérieur à vingt peuvent demander que l’aéroport en fasse l’acquisition. Cette demande est déposée au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la promulgation de la loi n° … du … relative à la santé.
« Les modalités de détermination du prix du bien, qui ne saurait être inférieur au prix d’un immeuble équivalent situé hors de la zone I du plan de gêne sonore, sont fixées par décret. La commune sur le territoire de laquelle le bien est situé peut le préempter dans les mêmes conditions.
« Aucun immeuble racheté dans les conditions prévues au présent article ne peut être destiné à une habitation permanente. Si aucune utilisation permanente n’a été trouvée dans le délai d’un an suivant l’acquisition du bien, il est démoli aux frais de l’acquéreur. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Aux termes de l’article L. 147-5 du code de l’urbanisme, dans les zones A et B des plans d’exposition au bruit, les constructions à usage d'habitation sont interdites, à l’exception des logements de fonction nécessaires aux activités industrielles ou commerciales admises dans la zone et des constructions directement liées ou nécessaires à l'activité agricole.
Ainsi, ces zones ne peuvent recevoir de nouveaux habitants. Cependant, si nul ne peut venir habiter en zones A ou B, nul non plus ne peut en partir, faute d’un texte prévoyant une juste et équitable indemnité.
En effet, seul l’article R. 571-85 du code de l’environnement – dont l’article R. 571-88 du même code restreint le champ d’application –, dans son troisième alinéa, prévoit une indemnisation.
Donc, en l’état actuel des textes, ce n’est que si l’immeuble est situé en tout ou partie en zone I du plan de gêne sonore et si le coût des travaux d’insonorisation est considéré comme excessif que son propriétaire peut exiger son rachat.
Pourtant, il n’est plus contesté aujourd’hui que des niveaux de bruit égaux ou supérieurs à 65 Lden – level day evening and night – ont une incidence directe sur la santé des populations. Il est aussi admis que le bruit perturbe le sommeil, ce qui peut emporter de graves effets sur la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, il est dix-neuf heures vingt-cinq ; avec l’accord du Gouvernement et de la commission, je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à vingt heures.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission y consent, monsieur le président.
Elle se réunira à vingt heures pour une quarantaine de minutes et nous reprendrons nos travaux en séance à vingt et une heures trente.
Article 11 quater A
Le titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Lutte contre les espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine
« Art. L. 1338-1. – Sous réserve des dispositions des articles L. 3114-5 et L. 3114-7, un décret, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique, du Conseil national de protection de la nature et du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, fixe la liste des espèces végétales et animales dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine et définit les mesures susceptibles d’être prises pour prévenir leur apparition ou lutter contre leur prolifération.
« Art. L. 1338-2. – Les infractions aux règlements pris en application du présent chapitre sont recherchées et constatées par les officiers et les agents de police judiciaire conformément au code de procédure pénale et par les agents mentionnés aux articles L. 1421-1 et L. 1435-7 du présent code, les agents mentionnés aux 1° à 7° du I de l’article L. 231-2 et à l’article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime, les agents de l’État agréés et commissionnés par le ministre de l’agriculture, les agents mentionnés à l’article L. 172-1 du code de l’environnement et les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Les procès-verbaux dressés par ces officiers et ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire.
« Art. L. 1338-3. – I. – Un arrêté des ministres chargés de la santé, de l’environnement et de l’agriculture peut limiter ou interdire l’introduction, le transport, l’utilisation, la mise en vente, la vente ou l’achat, sous quelque forme que ce soit, d’une espèce figurant dans la liste fixée par le décret mentionné à l’article L. 1338-1.
« II. – Les agents mentionnés à l’article L. 1338-2 du présent code et les agents mentionnés au 1° du I de l’article L. 215-1 du code de la consommation ont qualité pour rechercher et constater les infractions au I du présent article. À cet effet, ils disposent des pouvoirs définis au livre II du code de la consommation.
« Art. L. 1338-4. – En tant que de besoin, les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 623 rectifié, présenté par M. Cadic, Mme Billon et MM. Canevet, Guerriau et Lasserre, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il précise également le nombre de visites obligatoires à réaliser par un professionnel ayant obtenu le certificat individuel relatif à la distribution de certains types de produits biocides conformément à l’arrêté du 9 octobre 2013 relatif aux conditions d'exercice de l'activité d'utilisateur professionnel et de distributeur de certains types de produits biocides (certibiocide) et/ou ayant obtenu le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (certiphyto).
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. En première lecture, l’Assemblée nationale a introduit un chapitre VIII au titre III du code de la santé publique consacré à la lutte contre les espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine.
Face à la gravité du développement de certaines espèces, il convient de mettre en place des visites de prévention dans l’ensemble des lieux recevant du public. Ces visites seront assurées par des professionnels qualifiés disposant d’un certiphyto ou d’un certibiocide.
Cet outil préventif permettrait d’anticiper la prolifération de certaines espèces avant qu’elles ne deviennent un réel problème de santé publique, comme le sont devenus le moustique-tigre, vecteur de la dengue et du chikungunya, la punaise de lit, le frelon asiatique, ou encore le rat, vecteur de bactéries et de maladies pouvant se révéler mortelles.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 622 rectifié est présenté par M. Cadic, Mme Billon et MM. Canevet, Guerriau et Lasserre.
L'amendement n° 1154 est présenté par M. Labazée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La prévention relative à la prolifération des espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine dans les lieux recevant du public se matérialise par deux visites obligatoires par an effectuées par des professionnels ayant obtenu le certificat individuel relatif à la distribution de certains types de produits biocides conformément à l’arrêté du 9 octobre 2013 relatif aux conditions d'exercice de l'activité d'utilisateur professionnel et de distributeur de certains types de produits biocides (certibiocide) et/ou ayant obtenu le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (certiphyto).
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 622 rectifié.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vient en complément du précédent et vise à porter le nombre de visites annuelles à deux.
M. le président. L’amendement n° 1154 n’est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 621 rectifié ter est présenté par M. Cadic, Mme Billon et MM. Canevet, Guerriau et Lasserre.
L'amendement n° 1153 est présenté par M. Labazée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La prévention et la lutte contre la prolifération des espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine sont réalisées par des professionnels ayant obtenu le certificat individuel relatif à la distribution de certains types de produits biocides conformément à l’arrêté du 9 octobre 2013 relatif aux conditions d'exercice de l'activité d'utilisateur professionnel et de distributeur de certains types de produits biocides (certibiocide) et/ou ayant obtenu le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (certiphyto).
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 621 rectifié ter.
M. Olivier Cadic. Même si les professionnels sont capables de mettre en place des mesures alternatives de type environnemental, il convient d’encadrer dès aujourd’hui l’usage des produits chimiques pouvant être utilisés dans la lutte contre les espèces nuisibles, afin d’éviter tout incident domestique ou industriel grave pour la santé et l’environnement.
C'est la raison pour laquelle nous proposons que la prévention et la lutte contre les espèces nuisibles soient réservées aux professionnels disposant du certificat individuel relatif à la distribution de certains types de produits biocides ou ayant obtenu le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques.
M. le président. L’amendement n° 1153 n’est pas soutenu, non plus que l’amendement n° 1155, également présenté par M. Labazée.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 623 rectifié, 622 rectifié et 621 rectifié ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements en ce qu’ils visent à soumettre la loi aux exigences d’un arrêté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Cadic. Dans ces conditions, je les retire, monsieur le président.
Toutefois, chacun constate, à Paris, la prolifération des rats sur les quais et place de la Concorde.
Je suis heureux d’apprendre qu’il suffit d’un arrêté pour répondre à ce véritable problème de santé publique. Membre du groupe d’études « Tourisme et Loisirs », il me semblait utile d’attirer l’attention sur cette question.
J’appelle de mes vœux la mise en place d’un groupe de travail en concertation avec les professionnels. (Mme la ministre marque son approbation.)
M. le président. Les amendements nos 623 rectifié, 622 rectifié et 621 rectifié ter sont retirés.
L'amendement n° 1062, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1338-5. – Tout distributeur ou vendeur de végétaux susceptibles de porter atteinte à la santé humaine est tenu d’informer, préalablement à la conclusion de la vente, l’acquéreur des risques pour la santé humaine et, le cas échéant, des moyens de s’en prémunir. Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la consommation, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique et du Conseil national de la consommation, fixe la liste des végétaux concernées par ces dispositions et détermine, pour chacun d’eux, la nature de ces informations, le contenu et le format des mentions devant figurer sur les documents d’accompagnement des végétaux concernés.
« Art. L. 1338-6. – Les agents mentionnés au 1° du I de l'article L. 215-1 du code de la consommation et à l'article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime ont qualité pour rechercher et constater les infractions aux dispositions de l'article L. 1338-5 ainsi qu'aux mesures prises pour leur application. À cet effet, ils disposent des pouvoirs prévus au livre II du code de la consommation. »
…- Au premier alinéa de l’article L. 1312-1 du même code, après la référence : « L. 1337-1-1 », est insérée la référence : « L. 1338-2, ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend à compléter l’article L. 1338 du code de la santé publique par trois alinéas.
Il s’agit d’informer les consommateurs avant l’achat de certaines espèces végétales dangereuses pour la santé humaine. Ces dispositions visent les espèces végétales à pollen fortement allergisant pour l’homme et vendues dans le commerce dans un objectif ornemental, ainsi que les espèces végétales toxiques par ingestion et par contact.
Il est proposé d’inscrire dans le code de la santé publique des dispositions obligeant tout distributeur ou vendeur à informer le consommateur des effets sur la santé humaine pouvant être liés à ces espèces végétales.
Par ailleurs, cet amendement a pour objet de préciser et de spécifier les modalités de réalisation des contrôles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ces dispositions semblent relever des mesures réglementaires déjà prévues par l’article 11 quater, notamment de l’arrêté figurant au nouvel article L. 1338-3 qu’il est proposé d’insérer dans le code de la santé publique.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le fait est, madame la sénatrice, que certains végétaux vendus dans le commerce peuvent porter atteinte à la santé. C’est le cas, par exemple, d’arbres à pollen très allergisant, comme le bouleau ou le cyprès, ou de plantes ornementales à caractère toxique, comme les yuccas.
Aujourd'hui, ceux qui achètent ces plantes ou ces arbres ne reçoivent aucune information. Ils sont donc ignorants en la matière, ce qui est préoccupant. Une information préalable doit être développée, aussi bien en direction des particuliers que des collectivités, qui pourront ainsi prévoir des plantations différentes.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Gilles et Mouiller, Mme Cayeux, MM. D. Laurent, de Nicolaÿ, B. Fournier, Commeinhes, Charon, G. Bailly, Grand, Falco et Lefèvre, Mmes Deromedi, Hummel, Primas et Garriaud-Maylam, MM. Trillard et Adnot, Mmes Mélot et Lopez, M. Gournac et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L'article L. 3114-5 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret comporte un volet consacré à la mise en œuvre d’actions de sensibilisation de la population et d’information des professionnels de santé. Il tient compte des observations du Haut Conseil de la santé publique afin de mieux détecter les porteurs atteints. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Certaines maladies vectorielles peuvent constituer un véritable fléau. Il en est ainsi de la maladie de Lyme, qui progresse dans les zones humides, y compris dans les pays tempérés de la zone septentrionale tels que les États-Unis, le Canada, l’Europe.
La maladie de Lyme, détectée à temps, peut être traitée par voie d’antibiotiques. Toutefois, en l’absence d’une détection rapide, elle devient chronique, et le Haut Conseil de la santé publique, le HCSP, s’en est fait l’écho. Or l’infection entraîne, sans traitement, divers troubles pathologiques – dermatologiques, arthritiques, cardiaques, neurologiques et parfois oculaires – très handicapants. Ces symptômes rendent son diagnostic clinique assez incertain et le diagnostic sérologique, destiné à confirmer le diagnostic clinique, n’est pas satisfaisant, en raison du manque de fiabilité de certains tests utilisés, ce que confirme l’état des lieux effectué par le HCSP dans son rapport adopté le 28 mars 2014.
Il semble donc opportun de mieux prendre en compte les observations, voire les préconisations du Haut Conseil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement tend à préciser le contenu du décret prévu à l’article L. 3114-5 du code de la santé publique relatif aux maladies vectorielles. Toutefois, il paraît largement satisfait par le contenu du décret du 31 mars 2010, codifié à l’article R. 3114-9 du code de la santé publique.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je comprends parfaitement votre préoccupation concernant les maladies vectorielles dans leur ensemble, et plus particulièrement la maladie de Lyme.
Il existe en effet de nombreuses maladies vectorielles, face auxquelles nous devons nous positionner, comme le montrent les cas de dengue ou de chikungunya apparus sur le territoire métropolitain. En la matière, les enjeux deviendront de plus en plus importants, et pas seulement pour les territoires d’outre-mer.
Toutefois, j’estime, comme Mme la rapporteur, que vos préoccupations sont d’ores et déjà prises en compte par les dispositions applicables. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L’amendement n° 151 rectifié est-il maintenu, madame Deromedi ?
Mme Jacky Deromedi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 151 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 11 quater A, modifié.
(L'article 11 quater A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11 quater A
M. le président. L'amendement n° 1063, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le pourcentage maximal de graines d’ambroisie, Ambrosia artemisiifolia, dans la nourriture en mélange pour oiseaux est fixé par voie réglementaire.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement concerne l’ambroisie, à propos de laquelle mes collègues de la région Rhône-Alpes ont dû également recevoir des sollicitations.
L’ambroisie fait partie des plantes invasives qui se répandent progressivement sur l’ensemble du territoire. C’est une plante au pollen très allergisant. Elle est la cause de crises d’allergies cutanées et, surtout, des voies respiratoires. Elle déclenche des crises d’asthme chez certaines personnes.
Lors des moissons, des graines d’ambroisie se trouvent mélangées à la récolte et se retrouvent dans la nourriture pour oiseaux. De ce fait, ceux-ci sont un facteur important de dissémination de l’ambroisie. Aussi, pour limiter ce phénomène, il est proposé par cet amendement de fixer un taux maximal de graines d’ambroisie dans l’alimentation pour les oiseaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Une mesure spécifique, au sein du code de la santé publique, sur l’ambroisie dans la nourriture pour oiseaux est sans doute nécessaire, mais peut-être disproportionnée. Le lien de cette plante avec la santé humaine est par ailleurs indirect, et les dispositions prévues par l’article 11 quater A semblent de nature à autoriser les mesures nécessaires au niveau juridiquement adéquat.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1063 est-il maintenu, madame Archimbaud ?
Mme Aline Archimbaud. Je le retire, monsieur le président, car il s’agit d’un amendement d’appel.
Cela étant, cette plante est en train de se développer en région Rhône-Alpes, ce qui entraîne des difficultés. Au demeurant, je fais confiance au Gouvernement pour prendre des mesures en la matière.
M. le président. L’amendement n° 1063 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 147 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Calvet et Charon, Mmes Deromedi et Hummel, M. Houel et Mme Mélot.
L'amendement n° 397 rectifié est présenté par Mme Loisier et MM. Kern, Guerriau, Canevet, Cadic et Médevielle.
L'amendement n° 525 rectifié est présenté par Mmes Schillinger et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier et Riocreux, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Antiste, Cornano, J. Gillot, Karam, Mohamed Soilihi, Patient et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 723 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 983 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre 1er de la première partie du code de la santé publique est complété par un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Perturbateur endocrinien
« Art. L. 1181-… – Est défini comme perturbateur endocrinien toute substance ou mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien et induisant de ce fait des effets nocifs sur la santé d'un organisme intact, de ses descendants ou au niveau des (sous)-populations.
« Est qualifiée de substance ou mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien toute substance chimique d’origine naturelle ou artificielle qui peut générer un effet nocif résultant de son interaction ou interférence avec le fonctionnement des glandes endocrines. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 147 rectifié.
Mme Jacky Deromedi. Année après année, de nombreux tests montrent que les substances chimiques ayant des effets en tant que perturbateurs endocriniens sont présentes dans de très nombreux produits de consommation, tels que les cosmétiques, les jouets, les textiles et les matériaux en contact avec les aliments.
Les dernières études scientifiques suggèrent que l'exposition à ces produits chimiques pourrait expliquer l’apparition d'un nombre croissant de maladies graves et chroniques, notamment le diabète, les maladies cardiovasculaires, le cancer et l'infertilité. En particulier, l’exposition des enfants dès les premiers stades de développement à ces produits chimiques peut constituer un risque.
Si la Commission européenne a publié au mois de juin 2014 une feuille de route concernant les critères d’identification des perturbateurs endocriniens, des propositions ambitieuses tardent à voir le jour et il reste encore beaucoup à faire pour mieux protéger les consommateurs et l'environnement contre les effets nocifs de ces substances.
Cet amendement vise ainsi à introduire une définition du perturbateur endocrinien, sur la base de la définition donnée par l'Organisation mondiale de la santé. Il tend à permettre une régulation de ces substances, en prenant en compte le caractère potentiel de perturbateur endocrinien, alors même que les procédures actuelles d’autorisation des substances chimiques restent encore fondées sur les seuls aspects toxicologiques.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 397 rectifié.
M. Olivier Cadic. Il vient d’être remarquablement défendu !
M. le président. La parole est à Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 525 rectifié.
Mme Evelyne Yonnet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 723.
Mme Laurence Cohen. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 983.
Mme Aline Archimbaud. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ces amendements identiques anticipent sur les travaux de la Commission européenne, lesquels, il est vrai, ne semblent guère avancer du fait de l’action des industriels. Néanmoins, adopter une définition purement nationale des perturbateurs endocriniens exposerait la France à un risque contentieux non négligeable.
Il serait préférable que Mme la ministre nous indique comment la France agit à Bruxelles pour obtenir une définition commune des perturbateurs endocriniens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je partage l’analyse de Mme la rapporteur. Dans le cadre de la stratégie nationale relative aux perturbateurs endocriniens que nous avons mise en place, nous avons demandé l’adoption à l’échelon européen d’une définition harmonisée du caractère perturbateur endocrinien.
Indépendamment de l’observation que formulait Mme la rapporteur sur le fait que nous pourrions nous trouver exposés à des contentieux si nous adoptions une définition nationale, il paraît difficile d’anticiper la définition européenne. Par ailleurs, la définition proposée paraît trop vague et trop générale, et son adoption pourrait nous conduire à une situation d’incohérence.
Selon les travaux qui sont actuellement menés, il semble que nous puissions espérer l’adoption d’une définition européenne à la fin de l’année 2016. Certes, l’horizon n’est pas immédiat, mais il est identifiable.
Je vous demande donc, mesdames, monsieur les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Toutefois, pour montrer l’intérêt du Gouvernement pour cette stratégie, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne la série d’amendements suivante, qui tend à définir, au fond, une stratégie nationale d’identification des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien. Il s’agit d’une démarche différente, qui nous paraît répondre à votre préoccupation sans interférer avec la démarche européenne.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. La prise en compte des perturbateurs endocriniens a tout de même évolué considérablement, notamment à l’échelon européen. Ces substances font désormais partie de la liste CMR, visant les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Elles font l’objet de l’étude menée sur le règlement REACH au plan européen ayant permis de définir le terme CMR.
S’il est peut-être nécessaire d’apporter des précisions, les perturbateurs endocriniens sont bien répertoriés aujourd'hui. C’est la législation européenne qui détermine l’appartenance à ce groupe.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je retire l’amendement n° 723, conformément au souhait du Gouvernement.
La réponse apportée par Mme la ministre est importante. En effet, de nombreux travaux ont été menés – des rapports parlementaires notamment ont été produits – concernant les perturbateurs endocriniens. Nous sommes, les uns et les autres, soucieux des conséquences que ces substances peuvent avoir sur la santé.
Plusieurs éléments ont été évoqués sur les différents types de maladies. Pour ma part, je suis également très soucieuse des questions de puberté précoce ; il y a de plus en plus de cas.
Je sais que le Gouvernement est en alerte depuis longtemps sur le sujet. Je me réjouis qu’il nous ait annoncé son intention de soutenir les amendements dont nous débattrons dans quelques instants. Continuons de travailler et renforçons la vigilance sur les perturbateurs endocriniens dans les jouets ou matériaux. Car, en la matière, les conséquences sur la santé peuvent être très graves.
M. le président. L'amendement n° 723 est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 147 rectifié, madame Deromedi ?
Mme Jacky Deromedi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 147 rectifié est retiré.
L’amendement n° 397 rectifié est-il maintenu, monsieur Cadic ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 397 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 525 rectifié, madame Yonnet ?
Mme Evelyne Yonnet. Je le retire aussi, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 525 rectifié est retiré.
Et qu’en est-il enfin de l’amendement n° 983, madame Archimbaud ?
Mme Evelyne Yonnet. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 983 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 148 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Calvet et Charon, Mmes Deromedi et Hummel, M. Houel et Mme Mélot.
L'amendement n° 396 rectifié est présenté par Mme Loisier et MM. Kern, Guerriau, Canevet, Cadic et Médevielle.
L'amendement n° 526 rectifié est présenté par Mmes Schillinger et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier et Riocreux, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Antiste, Cornano, J. Gillot, Karam, Mohamed Soilihi, Patient et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 984 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail remet au Gouvernement un rapport sur l’identification des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien et mesure leurs effets cumulatifs. Ce rapport vise à formuler des recommandations en vue de :
- définir des critères visant à déterminer les propriétés de perturbateurs endocriniens en se fondant sur une analyse globale des risques ;
- diminuer les doses autorisées, voire interdire les substances nocives en cas de niveau de risque important, soit du fait des modalités d’utilisation particulières, soit du fait du profil de consommateurs vulnérables ;
- encadrer de manière réglementaire l’utilisation des mentions valorisantes par un étiquetage fiable.
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 148 rectifié.
Mme Jacky Deromedi. Année après année, de nombreux tests montrent que les substances chimiques ayant des effets en tant que perturbateurs endocriniens sont présentes dans de très nombreux produits de consommation, tels que les cosmétiques, les jouets, les textiles et les matériaux en contact avec les aliments.
Les dernières études scientifiques suggèrent que l’exposition à ces produits chimiques pourrait expliquer l’apparition d’un nombre croissant de maladies graves et chroniques, notamment le diabète, les maladies cardiovasculaires, le cancer et l’infertilité. En particulier, l’exposition des enfants dès les premiers stades de développement à ces produits chimiques peut constituer un risque.
Si la Commission européenne a publié au mois de juin 2014 une feuille de route concernant les critères d’identification des perturbateurs endocriniens, des propositions ambitieuses tardent à voir le jour, et il reste encore beaucoup à faire pour mieux protéger les consommateurs et l’environnement contre les effets nocifs des perturbateurs endocriniens.
Cet amendement tend ainsi à préparer l’instauration d’un cadre réglementaire ambitieux sur la base d’un rapport de l’ANSES qui doit permettre d’évaluer la nécessité de définir des critères visant à déterminer les propriétés de perturbateurs endocriniens en se fondant sur une analyse globale des risques, ainsi que l’effet cocktail dans l’évaluation de la toxicité des substances, de réduire efficacement l’exposition des humains aux perturbateurs endocriniens, de diminuer les doses autorisées, voire interdire les substances nocives en cas de niveau de risque important, du fait soit des modalités d’utilisations particulières, soit d’un profil de consommateurs plus vulnérables et, enfin, de garantir un étiquetage fiable.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 396 rectifié.
M. Olivier Cadic. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l'amendement n° 526 rectifié.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement a pour objet la publication d’un rapport de l’ANSES sur l’identification des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien.
Comme vous le savez, les perturbateurs endocriniens sont susceptibles de provoquer, même à très faibles doses, une grande variété d’effets, notamment sur le développement physiologique des individus exposés pendant la période intra-utérine. Ils sont également suspectés d’avoir une incidence sur la fertilité et d’être liés à l’augmentation du nombre de cancers dits « hormono-dépendants », principalement ceux du sein et de la prostate.
Aujourd’hui, on trouve des perturbateurs endocriniens non seulement dans l’eau et l’alimentation, mais aussi dans l’air et dans certains produits industriels, tels que les médicaments, les cosmétiques, les produits phytosanitaires, les jouets et les textiles.
Les dernières études scientifiques suggèrent que l’exposition à ces produits chimiques pourrait expliquer l’apparition d’un nombre croissant de maladies graves et chroniques, notamment le diabète, les maladies cardiovasculaires, le cancer et l’infertilité. En particulier, l’exposition des enfants dès les premiers stades de développement à ces produits chimiques peut constituer un risque.
Face à ce risque, il est nécessaire de définir des critères d’identification des perturbateurs endocriniens, de réduire l’exposition des humains à ces substances, de diminuer les doses autorisées et de garantir un étiquetage fiable.
Nous devons protéger les consommateurs et l’environnement contre les effets nocifs des perturbateurs endocriniens.
Cet amendement vise donc à préparer l’instauration d’un cadre réglementaire sur la base d’un rapport de l’ANSES, afin de prendre les mesures nécessaires pour la protection de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 984.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Compte tenu des propos de Mme la ministre, la commission émet un avis favorable sur ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 rectifié, 396 rectifié, 526 rectifié et 984.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 quater A.
L'amendement n° 986, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1313-10, il est inséré un article L. 1313-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1313-10-... – Lorsque l’agence a émis des recommandations spécifiques sur des substances à caractère perturbateur endocrinien ou reprotoxique concernant les femmes enceintes, les fabricants sont tenus de marquer d’un pictogramme « Déconseillé aux femmes enceintes » leurs produits contenant ces substances. » ;
2° L’article L. 5131-5 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les fabricants sont tenus de marquer leurs produits d’un pictogramme « Déconseillé aux femmes enceintes » sur les produits cosmétiques contenant des substances à caractère perturbateur endocrinien ou reprotoxique ayant fait l’objet de recommandations spécifiques aux femmes enceintes par l’agence mentionnée à l’article L. 1313-1. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Par cet amendement, nous proposons de marquer du pictogramme « Déconseillé aux femmes enceintes » les produits contenant des substances à caractère perturbateur endocrinien ou reprotoxique. Nous avons déjà abordé la question en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Comme je l’ai souligné à différentes reprises, un tel dispositif relève plutôt du domaine réglementaire.
Au demeurant, il n’est pas applicable en l’état. En effet, dans la mesure où il semble être d’application immédiate et sans seuil de présence des produits, il paraît contraire au droit de l’Union européenne. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Dès lors que nous n’avons pas de définition des perturbateurs endocriniens, il semble difficile de déterminer les produits auxquels le pictogramme s’appliquerait. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 986 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 986 est retiré.
L'amendement n° 987, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1313-10 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1313-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1313-10-…. – Avant le 1er janvier 2017, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, les représentants des secteurs professionnels concernés par l’utilisation de substances à caractère perturbateur endocrinien ou reprotoxique pour lesquelles l’agence a émis des recommandations de substitution, sont tenus d’adresser à l’agence un document de planification recensant les motifs liés à l’usage industriel de ces substances, les substituts envisagés, les coûts estimés et les difficultés identifiées pour entreprendre une démarche de substitution. L’agence peut accompagner, en tant que de besoin, les professionnels dans cette démarche. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les décisions de santé publique sur certaines substances jugées dangereuses nécessitent un travail en amont : mieux vaut éviter de prendre les industriels de court ; incitons-les plutôt à faire au préalable un état des lieux et à réfléchir à d’éventuels produits de substitution.
Car, faute d’un tel travail en amont, les propositions en faveur de la santé publique se heurtent à des arguments relatifs à la nécessité de ne pas mettre les professionnels en difficulté…
Au demeurant, un financement correct de la recherche en santé environnementale améliorerait sans doute également la situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Une telle mesure, qui relève plutôt de la procédure interne à l’ANSES, tend à accélérer les démarches de substitution recommandées par l’Agence elle-même, en prévoyant la transmission avant le 1er janvier 2017 d’un document de programmation des industriels.
Cependant, on peut s’interroger sur ce que l’ANSES fera de tels documents. En quoi ceux-ci accélèreront-ils effectivement la substitution ?
À mon sens, ce sont en réalité les avancées de la science qui permettront de proposer des produits de remplacement. Une telle anticipation dans le temps me semble donc difficile à envisager.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 987 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Je précise qu’il s’agit un amendement d’appel. Il arrive trop souvent que l’on nous oppose le risque de mettre les industriels en difficulté lorsque nous proposons de renoncer à l’utilisation de tel ou tel produit au nom de la santé publique. Et ce risque est bien réel si les pouvoirs publics n’ont pas envisagé en amont des produits de substitution avec les professionnels.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème de recherche. C’est aussi un problème d’investissements dans d’autres technologies. Cela demande du temps.
À mon sens, sans une telle démarche, on continuera à opposer santé et développement économique. Je maintiens donc mon amendement d’appel, et je suis certaine que mes collègues sont également sensibles à cette question.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Ma chère collègue, il faut éviter d’être restrictif. Vous indiquez que les perturbateurs endocriniens sont « reprotoxiques ». Mais je vous signale qu’ils sont également cancérogènes et mutagènes. Faisons attention à la terminologie employée. La reprotoxicité est une chose, mais il n’y a pas que cela dans les perturbateurs endocriniens. Je vous renvoie à la lecture d’un excellent rapport paru sur le sujet. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 988, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1313-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1313-... – Les campagnes d’information menées dans le cadre de la lutte contre les perturbateurs endocriniens, sur la base des recommandations de l’agence, comportent des messages de prévention et d’éducation sur les risques spécifiques lors du développement fœtal et de la petite enfance. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit de lancer des campagnes d’information, avec des messages de prévention et d’éducation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement semble satisfait en pratique, puisque le plan national santé environnement 2015-2019 mentionne les fenêtres d’expositions comme un axe d’action. La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 988 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 988 est retiré.
L'amendement n° 989, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5231-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des vêtements destinés à faciliter le sommeil des enfants comportant du phtalate de di-2-éthylhexyle, du phtalate de dibutyle, du phtalate de di-isononyle, du phtalate de diéthyle, du phtalate de di-isodécyle ou du phtalate de di-n-octyle. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement – un identique avait déjà été déposé à l’Assemblée nationale – vise à interdire les vêtements destinés à faciliter le sommeil des enfants comportant certains types de phtalates.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement a déjà été rejeté en commission. Son degré de précision relève plutôt du domaine réglementaire. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aline Archimbaud. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 989 est retiré.
L'amendement n° 990, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5231-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des textiles et vêtements destinés aux enfants comportant du phtalate de di-2-éthylhexyle, du phtalate de dibutyle, du phtalate de di-isononyle, du phtalate de diéthyle, du phtalate de di-isodécyle ou du phtalate de di-n-octyle. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. La directive 2005/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 interdit l’utilisation de six phtalates dans les jouets et articles de puériculture.
L’interdiction ne porte pas sur les textiles pour enfants, au motif que ce type de vêtement n’est pas destiné à faciliter le sommeil, ni à être mis à la bouche par un enfant. Or de nombreuses associations signalent la présence des phtalates dans ces articles, lesquels sont portés à la bouche par nos enfants.
Il convient, sans attendre la définition européenne sur les perturbateurs endocriniens, de répondre à ces lacunes juridiques concernant des substances déjà réglementées par l’Union européenne et d’harmoniser l’interdiction de ces six phtalates à tous les articles susceptibles d’être mis à la bouche par les enfants.
La France serait, à l’instar de sa démarche vis-à-vis du bisphénol A, pionnière. Ce serait une bonne chose.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement risque de mettre la France en infraction au regard du droit européen, puisque nous serions au-delà de ce qui est préconisé aujourd'hui en termes de définition européenne. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aline Archimbaud. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission demande l’examen par priorité, à l’article 11 quater, des amendements nos 378 et 645, ce dernier ayant été déposé par le Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d’une demande de priorité de la commission portant sur les amendements nos 378 et 645, à l’article 11 quater.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
9
Mise au point au sujet d’un vote
Mme Chantal Jouanno. Lors du scrutin public n° 248 portant sur l’amendement n° 1053 relatif à la taxation des fabricants de tabac, j’ai été comptabilisée comme ayant voté contre, alors que, ayant déposé le même amendement, je souhaitais voter pour.
M. le président. Acte est donné de votre mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
10
Demande d’avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux articles 56 et 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de M. Jean-Jacques Hyest, qu’il envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement d’Hubert Haenel.
Acte est donné de cette communication.
11
Décisions du Conseil constitutionnel relatives à quatre questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 17 septembre 2015, quatre décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- les dispositions de l’article 1er de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 (Suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A) (2015-480 QPC) ;
- les dispositions du IV de l’article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 (Amende pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l’étranger) (2015-481 QPC) ;
- les dispositions du tableau du a) du A du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes (Tarifs de la taxe générale sur les activités polluantes portant sur les déchets non dangereux) (2015-482 QPC) ;
- le a) du 3° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale (Règles d’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits des contrats d’assurance-vie « multi-supports ») (2015-483 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre IV du titre Ier, à l’article 11 quater.
Article 11 quater
(Non modifié)
L’article L. 5231-2 du code de la santé publique est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des jouets ou amusettes comportant du bisphénol A. »
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de nombreuses substances chimiques se retrouvent dans les plastiques, détergents, produits pharmaceutiques, parfums, etc. Les études américaines sur ce sujet ont recensé pas moins de 111 substances chimiques. Or ces dernières peuvent avoir des conséquences sur la santé des personnes et sur l’environnement.
Pensons, notamment, au bisphénol A, qui est un perturbateur endocrinien susceptible d’altérer le fonctionnement du système hormonal, et donc d’être à l’origine de certains cancers ou de troubles de la reproduction : il est désormais interdit dans tous les contenants alimentaires, depuis le 1er janvier 2015. Le Sénat avait montré la voie et engagé une première étape en interdisant le recours à cette substance chimique dans les biberons et autres objets à destination des tout-petits.
Certes, toutes les substances chimiques que l’on retrouve dans nos produits quotidiens ne présentent pas la même dangerosité. Toutefois, pour un bon nombre d’entre elles, les effets à moyen et à long terme ne sont pas assez connus, que ce soit sur l’environnement ou sur la santé.
C’est pourquoi il semble opportun que des études relatives aux dangers potentiels pour le sol, l’eau ou l’air, ainsi que pour la santé – développement de cancer, ménopause ou puberté précoces, dysfonctionnement du métabolisme, etc. – soient réalisées.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, dont la compétence s’étend aux cosmétiques, ainsi que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pourraient y apporter toutes leurs compétences.
Ces études permettraient au consommateur de disposer de renseignements fiables, lui qui est aujourd’hui confronté à une non-information, voire, pire, à une désinformation via les divers forums sur internet ou les rumeurs qui peuvent circuler.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l'article.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 11 quater provient d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale sur la présence de bisphénol A dans les jouets.
En janvier 2014, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, traditionnellement plutôt laxiste face aux perturbateurs endocriniens en général et au bisphénol A en particulier, a recommandé de réduire la dose journalière tolérable, la DJT, de 90 %, en la ramenant de 50 à 5 microgrammes par kilogramme de poids corporel et par jour. Cette position est insuffisante.
Le rapport Kortenkamp commandé par la Commission européenne, voté par le Parlement européen et présenté par son auteur devant la commission des affaires européennes du Sénat le 17 juillet 2013, nous éclaire : au cours des phases sensibles du développement de l’être humain - la période prénatale, la petite enfance et l’adolescence -, l’absorption, même à très faible dose, de substances perturbatrices endocriniennes peut sérieusement altérer l’homéostasie hormonale et donc modifier l’évolution normale des individus touchés, au détriment de leur santé et de celle des générations futures.
L’ANSES a proposé, dans son rapport de 2013, sur la base d’une mise en évidence de tumeurs mammaires chez les souris exposées pendant la gestation, une dose journalière admissible de bisphénol A de 25 nanogrammes par kilogramme de poids corporel et par jour, soit une DJA 160 fois plus faible que celle que recommande l’Autorité européenne de sécurité des aliments.
Pour la protection des populations, nous devons donc et nous pouvons agir sans attendre la définition de l’Union européenne sur les perturbateurs endocriniens, définition qui est sans cesse repoussée depuis 1999 et que nous attendons toujours - Mme la ministre a annoncé que nous l’aurions dès l’année prochaine.
C’est la raison pour laquelle, en attendant, mon collègue député Jean-Louis Roumégas avait proposé cette interdiction pure et simple du bisphénol A dans les jouets, afin de protéger nos enfants.
Je voulais vous rappeler ces éléments scientifiques avant d’examiner les amendements qui suivent, car certains d’entre eux prévoient la suppression de cet article dont l’adoption à l’Assemblée nationale a constitué une avancée majeure pour la santé publique.
M. le président. Je vous rappelle que les deux amendements nos 378 et 645 sont appelés par priorité. Ces deux amendements font l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 378, présenté par MM. Durain et Cabanel, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 645, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ne respectant pas la limite de concentration ou la limite de migration pour cette substance définies par arrêté des ministres chargés de la santé, de la consommation, de l’industrie et de l’environnement
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Comme l’a souligné à l’instant Mme Archimbaud, l’adoption de l’article 11 quater a constitué un moment important de la discussion du texte à l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’interdire la présence de bisphénol A dans les jouets ou les amusettes, c'est-à-dire ces petits objets que les enfants portent à la bouche.
Nous avons eu au Sénat un débat dans le passé sur la dangerosité du bisphénol A dans toute une série de produits, notamment les contenants alimentaires. Il a semblé nécessaire d’élargir le champ des interdictions afin que les enfants, qui sont particulièrement vulnérables, ne soient pas exposés à des perturbateurs endocriniens au travers de ces objets qu’ils manipulent beaucoup.
Depuis, cet article a été adopté. Il est apparu néanmoins que l’absence de seuil minimal de présence de bisphénol A constituait une difficulté pour l’application même de cet article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Marisol Touraine, ministre. En effet, non seulement nous ne nous donnons pas les moyens d’avoir un seuil de détection identifié, mais aussi il semble problématique d’imposer une interdiction sans s’assurer que cela correspond à un seuil de migration depuis l’objet vers l’enfant.
C’est la raison pour laquelle, à la lumière des données scientifiques, techniques et juridiques, nous nous interrogeons sur les valeurs limites de migration et de concentration du bisphénol A dans les jouets et amusettes.
Nous proposons donc de compléter l’article tel qu’il a été adopté en renvoyant à un arrêté des ministres chargés de la santé, de la consommation, de l’industrie et de l’environnement, pour la fixation de valeurs limites de migration et de concentration au-delà desquelles le bisphénol A serait interdit.
Telle est la proposition que le Gouvernement vous soumet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. La commission n’a pas eu le temps de se réunir depuis l’annonce, ce soir, de la censure par le Conseil constitutionnel d’une partie de la loi de 2012 sur le bisphénol A.
Néanmoins, cet amendement du Gouvernement est l’occasion pour la commission de dire que nous sommes favorables à une telle proposition et que nous la suivrons, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je n’ai pas évoqué la décision rendue par le Conseil constitutionnel cet après-midi, mais sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’elle conforte l’essentiel de la loi qui a été adoptée, notamment la possibilité d’interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires.
Le Conseil constitutionnel a simplement considéré qu’il n’était pas possible d’étendre cette interdiction à la fabrication sur le territoire national de tels contenants dans la mesure où d’autres pays que le nôtre n’ont pas adopté cette interdiction. Il faut donc que les industriels français puissent fabriquer ces produits afin de pouvoir les exporter.
En revanche, l’interdiction de la vente et de l’importation sur le territoire national est validée. L’amendement que nous venons de proposer pour les jouets et les amusettes s’inscrit donc dans cette démarche d’ensemble.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet amendement du Gouvernement vient rassurer une partie des acteurs concernés tout en mettant l’accent sur l’importance d’aller de l’avant.
À la différence d’autres dispositifs, comme les biberons, qui posent problème dès lors qu’ils sont chauffés, les jouets paraissent moins problématiques, d’autant que la sécurité du secteur est encadrée par un certain nombre de directives, notamment celle de 2009. De plus, le Gouvernement a pris récemment un arrêté au début de l’année 2015.
Quoi qu’il en soit, cet amendement apporte une réponse à de légitimes inquiétudes. Pour ma part, je m’y rallierai volontiers.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Mon intervention ira dans le même sens que celle de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne.
Il y a quelques années, quand nous avons discuté au Sénat du bisphénol A lors de l’examen de la proposition de loi de Gérard Dériot, les scientifiques affirmaient que le bisphénol A n’était pas dangereux en tant que tel, mais qu’une fois chauffé il pouvait devenir un perturbateur endocrinien. Nous l’avons donc interdit, car nous avons supposé que les biberons étaient chauffés de temps en temps.
Puis, l’interdiction s’est étendue aux boîtes contenant des produits alimentaires, étant rappelé qu’un vernis empêche les aliments d’être en contact direct avec le métal de la boîte.
Un problème se pose, dont les agriculteurs, en particulier les maraîchers, nous ont saisis il y a quelque temps : il n’existe pas encore de produit qui permette de remplacer le vernis comportant du bisphénol A. Les phtalates existent, mais il semblerait qu’ils ne soient pas encore bien efficaces.
Or, quand on fait des conserves, on met le produit à l’intérieur et on chauffe la boîte, et par conséquent on chauffe le vernis, lequel devient perturbateur.
Le problème n’est donc pas résolu de la conservation des produits pour l’industrie agroalimentaire.
En revanche, l’amendement n° 645 présenté par le Gouvernement satisfait les producteurs de jouets, d’après ce qu’ils nous ont dit. C’est pourquoi je vous demande de le voter.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J’avais moi-même déposé un amendement visant à supprimer cet article, car il me semblait que l’interdiction totale du bisphénol A dans les jouets n’était pas applicable sur le plan juridique et exposerait la France à des sanctions au niveau européen.
La proposition de Mme la ministre semble raisonnable et, par conséquent, je m’y rallierai.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Compte tenu de l’intervention de Mme la ministre, nous voterons avec plaisir l’amendement présenté par le Gouvernement. Il est tout à fait raisonnable et, en même temps, il ouvre des perspectives pour la recherche.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 30 rectifié bis, 225 rectifié ter et 895 rectifié n'ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 30 rectifié bis est présenté par M. Lefèvre, Mme Procaccia, MM. Gilles, Bouchet, Vasselle et Lenoir, Mme Deseyne, MM. César, Longuet, Charon et Mandelli, Mme Deromedi, M. Chaize, Mme Imbert, M. Raison, Mme Des Esgaulx, MM. G. Bailly, Chasseing, D. Laurent, Houel, Vaspart, Cornu, Laménie, Pillet, Doligé, Houpert, Mouiller et P. Leroy, Mme Primas, M. de Legge, Mme Duchêne, MM. Bizet et Carle, Mme Gruny et MM. de Raincourt, Husson et de Nicolaÿ.
L'amendement n° 225 rectifié ter est présenté par M. Cadic, Mme Billon et MM. Canevet, Delahaye, D. Dubois, Gabouty, Guerriau, Kern et Vanlerenberghe.
L'amendement n° 895 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix l'article 11 quater, modifié.
(L'article 11 quater est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11 quater
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 589 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, M. Médevielle, Mme Férat, M. L. Hervé, Mme Billon, M. Guerriau et Mme Laborde.
L'amendement n° 991 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5214–1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2020 sont interdites la fabrication, la vente, la mise en vente, l’exposition et l’importation de tout dispositif médical destiné aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu’à trois ans comportant du bisphénol A. »
L'amendement n° 589 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 991.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement reprend en partie la proposition n° 10 de la mission commune d’information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique. Il interdit la présence de BPA, c'est-à-dire de bisphénol A, dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, aux jeunes enfants et aux femmes enceintes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Nous avons déjà débattu de cet amendement à plusieurs reprises lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Le risque lié au bisphénol A dans ces dispositifs ne paraît pas avéré.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Indépendamment de l’argument avancé par Mme la rapporteur, il faut aussi prendre en compte le fait que nous ne disposons pas aujourd'hui de produits de substitution sûrs. Si nous interdisions le bisphénol, nous serions face à un véritable problème : nous ne pourrions plus utiliser des dispositifs médicaux pour les populations concernées.
En l’absence de solution de rechange, comme nous avons besoin de dispositifs médicaux pour les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans, je vous demande, madame Archimbaud, de retirer cet amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 991 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Je vous l’accorde, cet amendement n’est pas complet. En effet, il faudrait prévoir un calendrier. Je comprends bien qu’il est nécessaire de laisser du temps aux fabricants de ces produits pour qu’ils trouvent des solutions alternatives.
Cela dit, cette proposition n’est pas nouvelle. Je l’entends au Sénat depuis que j’y ai été élue. Un certain nombre de collègues qui sont à la fois sénateurs et médecins m’en ont déjà parlé.
Il y a là un vrai problème à propos duquel j’interpelle le Gouvernement. Nous devons trouver un moyen pour qu’une discussion s’engage dès maintenant avec les fabricants de ces dispositifs médicaux afin d’anticiper l’interdiction du bisphénol A. Sinon, celle-ci ne sera jamais possible. Il faudrait sans doute rédiger un sous-amendement qui tende à accorder deux ou trois ans de délai.
Si on ne prend aucune mesure d’anticipation, on n’avance pas. Il est nécessaire de commencer à réfléchir à d’autres technologies, sinon on repoussera toujours la solution au problème.
Encore une fois, je me souviens très bien que cette question a été posée ici à de nombreuses reprises. Nous la poserons de nouveau en projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou en projet de loi de finances, même si, j’en suis sûre, on m’opposera alors que c’est avant tout une question médicale.
L’anticipation est un vrai problème. Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable d’organiser une rencontre avec les fabricants de ces dispositifs médicaux pour établir avec eux un calendrier raisonnable, sur plusieurs années si nécessaire, le temps de trouver un produit de substitution ?
Je retire l’amendement, mais que pensez-vous de cette proposition, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est une suggestion intéressante. Nous verrons quelle forme elle peut prendre dans nos travaux.
M. le président. L'amendement n° 991 est retiré.
L'amendement n° 605 rectifié, présenté par Mmes Jouanno, Billon et Férat, M. L. Hervé et Mmes Laborde et Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quarter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre VII du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1171-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1171-… - Les pouvoirs publics prennent dans les cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la santé, toutes les mesures qui s’imposent pour interdire l’exposition des femmes enceintes, des femmes allaitantes et des enfants de moins de trois ans au bisphénol A. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 11 quinquies A
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 594 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Férat et M. Guerriau.
L'amendement n° 992 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application en France des règlements européens dits « cosmétiques », « biocides » et « alimentation » en matière d’étiquetage sur la présence de nanomatériaux dans les produits concernés.
L'amendement n° 594 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 992.
Mme Aline Archimbaud. L’association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies a relevé que l’application des règlements Cosmétiques, Biocides et Alimentation en matière d’étiquetage et de notification à la Commission est variable selon les entreprises : certaines tardent à se mettre en conformité au motif que la définition des règlements deviendrait obsolète avec la révision à venir de la définition d’un nanomatériau par la Commission européenne.
S’il convient d’accompagner les entreprises qui réclament davantage de clarté juridique, il est également nécessaire de faire respecter le droit à l’information des consommateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il s’agit, malgré nos recommandations, d’une demande de rapport. Nous appliquons donc la jurisprudence que vous connaissez, ma chère collègue.
Au surplus, les auteurs de cet amendement pointent une inégale application des normes par les entreprises. Or ce sujet ne relève pas d’un rapport mais des actions de contrôles des instances compétentes.
C’est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement vise à rétablir des dispositions adoptées à l’Assemblée nationale, aussi le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, l’article 11 quinquies A demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 11 quinquies A
M. le président. L'amendement n° 993, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quinquies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de dix–huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les nanomatériaux dans les produits non couverts par les règlements européens dits « cosmétiques », « biocides » et « alimentation », mais auxquels la population est pourtant, directement ou indirectement, largement exposée (textiles, détergents, peintures, produits phytosanitaires et vétérinaires, médicaments et dispositifs médicaux...). Ce rapport examine notamment leur nature et prévalence, mais également les risques qui y sont associés, les moyens pour la population de les identifier et de s’en protéger, ainsi que les actions et préconisations à mettre en œuvre par les pouvoirs publics.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les règlements Cosmétiques, Biocides et Alimentation ne couvrent qu'une petite partie de l'ensemble des produits contenant des nanomatériaux auxquels la population est pourtant, directement ou indirectement, largement exposée.
Je voudrais répondre par avance à l’argument que l’on va m’opposer : le Sénat ne veut pas demander de rapport, c’est trop compliqué et trop lourd. Or les chercheurs de différents instituts que nous avons auditionnés nous ont vivement alertés sur cette question, qui selon eux mérite vraiment un examen approfondi.
Madame la corapporteur, vous m’avez dit qu’il fallait agir plutôt que de produire des rapports. Toutefois, avant de passer à l’action, il faut bien faire un point et analyser la situation. C’est la première étape.
J’accorde que l’on peut renoncer à certains rapports, mais la question des nanomatériaux devrait être prioritaire.
Établir une règle générale sur les rapports ne me paraît pas opportun. Il faut plutôt établir des priorités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. L’ANSES a déjà mené d’importants travaux et agit en concertation avec les autres agences européennes sur ce sujet. Un rapport ne paraît donc pas nécessaire.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, sans quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 993 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1022 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quinquies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Il y a, selon le LEEM, 157 médicaments de médecine humaine, 8 médicaments de médecine vétérinaire et 65 dispositifs médicaux constitués d’éléments « nano ».
L’ANSES a pris position en faveur de l'encadrement des nanomatériaux selon la réglementation européenne. L’Agence est favorable à des mesures de restriction d’usage, voire d’interdiction pour certains nanomatériaux à classer comme « substances dangereuses », notamment les nanotubes de carbone, les nanoparticules d’argent, les nanoparticules de dioxyde de titane, les nanoparticules de dioxyde de silice, les nanoparticules d’oxyde de zinc, les nanoparticules d’oxyde de cérium, les nanoparticules d’oxyde d’aluminium, ainsi que les nanoparticules d’or.
En revanche, depuis un rapport de 2011 – peut-être est-ce à celui-ci que vous faisiez allusion, madame la rapporteur –, l’ANSM n'a plus communiqué sur l'utilisation des nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux, malgré l'existence du registre R-nano depuis 2013.
Or les publications concernant les effets néfastes des nanomatériaux sur la santé sont de plus en plus nombreuses et, sans information sur la présence de ces nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux, on ne peut pas prendre des précautions pour protéger les médecins, les personnels soignants ainsi que les patients contre leurs effets indésirables.
Nous vous proposons donc de voter cet amendement, qui tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Comme l’indique l’objet de l’amendement, la question relève des contrôles exercés par l’ANSM. Un rapport spécifique n’est donc pas nécessaire ; il conviendrait plutôt d’interroger directement l’Agence.
J’ai vérifié dans l’étude de l’ANSES que j’évoquais précédemment : c'est en mai dernier que cet organisme a produit un état des lieux des connaissances sur les enjeux sanitaires et environnementaux des nanomatériaux manufacturés.
Je n’irai pas jusqu’à dire que le rapport de l’ANSES est ma bible ou mon livre de chevet (Sourires.), mais je tiens à souligner que l’ANSES mène de nombreuses études sur ce domaine particulier, dont celle, très récente, que je viens de citer.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Mme la rapporteur vient de citer l’intéressant rapport de l’ANSES, mais celui-ci pourrait être actualisé de façon régulière. Il y a là un véritable enjeu : avoir une meilleure connaissance des nanomatériaux.
Pour ma part, j’émets un avis favorable sur cet amendement. J’ai bien entendu les arguments de Mme la rapporteur, mais il me semble que c’est un sujet sur lequel nous ne disposons pas d’autant d’éléments d’analyse que sur d’autres.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 quinquies A.
Article 11 quinquies
(Non modifié)
L’article L. 5232-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 5232-1. – Tout appareil portable permettant l’écoute de son par l’intermédiaire d’écouteurs ou d’oreillettes ainsi que tout écouteur ou oreillette mis sur le marché, détenus en vue de la vente, vendus ou distribués à titre gratuit sont conçus de façon à être sans danger pour l’audition de l’utilisateur dans des conditions normales d’utilisation ou d’utilisation raisonnablement prévisibles.
« Ces appareils portables sont accompagnés de messages à caractère sanitaire sur les risques liés à leur utilisation et sur la manière de prévenir ces risques.
« Les dispositifs qui ne sont pas conformes à ces obligations ne peuvent être commercialisés.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par arrêté. »
M. le président. L'amendement n° 1064, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer le mot :
son
par le mot :
sons
2° Remplacer les mots :
d’écouteurs ou d’oreillettes
par les mots :
d’un dispositif d’écoute
3° Remplacer les mots :
écouteurs ou oreillettes
par les mots :
dispositif d’écoute
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
Les dispositifs
par les mots :
Les appareils portables et dispositifs d’écoute
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le premier alinéa de l’article L. 5232-1-1 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « dispositif » est remplacé par les mots : « dispositif d’écoute » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « L’accessoire » sont remplacés par les mots : « Le dispositif d’écoute ».
… – À l’article L. 5232-1-3 du même code qui devient l’article L. 5232-3-1, le mot : « accessoire » est remplacé paragraphe les mots : « dispositifs d’écoute ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement a pour objet d’améliorer la lisibilité des dispositions du code de la santé publique par une harmonisation des termes employés.
Il convient de mettre le terme « son » au pluriel. Le terme « dispositif d’écoute » dispose déjà d’une définition réglementaire, qui vise les écouteurs, les casques et les oreillettes. Afin de rester en cohérence avec la terminologie existante et déjà utilisée, le terme générique de « dispositif d’écoute » est utilisé à la place des termes « écouteurs » et « oreillettes ».
Afin d’éviter les confusions, il est proposé au quatrième alinéa de remplacer le terme de « dispositifs » par les termes « appareils portables et dispositifs d’écoute », ceux-ci ne pouvant être commercialisés s’ils ne sont pas conformes.
Cette série de modifications doit permettre de clarifier la rédaction de l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement prévoit une harmonisation des termes employés dans l’article du code de la santé publique relatif au bruit.
La commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement sur cette proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis est favorable. Il est vrai que les termes utilisés sont assez variés. Or nous avons besoin de meilleurs repères et d’une harmonisation rédactionnelle.
Une des dispositions introduites par le projet de loi se rapportant aux enfants de moins de quatorze ans, il convient de la déplacer dans le chapitre regroupant les dispositions relatives aux objets concernant les nourrissons et les enfants et d’harmoniser les termes employés.
L’amendement vise à substituer le terme de « dispositif d’écoute », qui fait déjà l’objet d’une définition réglementaire, à ceux d’« écouteurs » et d’« oreillettes ». Cette harmonisation permet d’assurer la cohérence de l’ensemble.
Par ailleurs, il convient effectivement de mettre le terme « son » au pluriel, car les appareils portables permettent la diffusion, et donc l’écoute, de plusieurs sons.
Enfin, il paraît justifié, pour éviter toute confusion, de remplacer le terme « dispositifs » par les mots « appareils portables et dispositifs d’écoute », au quatrième alinéa.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11 quinquies, modifié.
(L'article 11 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11 quinquies
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 592 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Médevielle et L. Hervé, Mme Billon et M. Guerriau.
L'amendement n° 994 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au septième alinéa de l’article L. 1311-1 du code de la santé publique, les mots : « d’origine domestique » sont supprimés.
L'amendement n° 592 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 994.
Mme Aline Archimbaud. L’amendement vise à étendre à l’ensemble des causes de pollution atmosphérique, qu’elles soient d’origine domestique ou non, la possibilité pour le Gouvernement de fixer par décret des règles générales d’hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé.
Par conséquent, conformément à l’article L. 1311-2 du code de santé publique, le représentant de l’État dans le département ou le maire pourront prendre, par arrêté, des mesures particulières en vue d’assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement est satisfait en pratique par les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre la pollution de l’air.
Il ne faudrait pas qu’il soit considéré par le Conseil constitutionnel comme relevant de l’incompétence négative du législateur, qui se dessaisirait d’une partie de ses attributions.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis est plutôt favorable parce qu’il existe diverses sources de pollution de l’air à l’extérieur et à l’intérieur des bâtiments.
Les règles générales d’hygiène qui concernent la pollution à l’intérieur sont limitées aux sources d’origine domestique. Or on sait bien qu’il existe d’autres. Il me paraît donc cohérent d’élargir le champ d’application de ces dispositions.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 quinquies.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 602 rectifié est présenté par Mme Jouanno.
L'amendement n° 972 rectifié est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'usage du mercure dans les soins dentaires est interdit au 1er janvier 2017.
L'amendement n° 602 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 972 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Mon collègue Maurice Antiste a déjà évoqué cette question.
Le mercure est, pour l'OMS, l'une des dix substances les plus préoccupantes. C'est aussi la seule substance spécifique pour laquelle, en raison de son extrême toxicité mais aussi de ses propriétés de biopersistance et de bioaccumulation, le PNUE, le programme des Nations unies pour l’environnement, a mis en place une réglementation internationale, la convention de Minamata.
C'est enfin une substance reprotoxique, c'est-à-dire nuisible pour le fœtus, ce qui impose aux employeurs de trouver des alternatives afin de protéger la santé de leurs salariés.
L'amalgame dentaire constitue la première source d'exposition des Européens au mercure, et cela est encore plus vrai en France, où ce dispositif médical reste encore très utilisé. Les récents travaux de biosurveillance montrent que l'exposition des Français au mercure reste stable, alors que les pays d'Europe qui ont interdit ou drastiquement réduit l'usage des amalgames ont vu la contamination de leur population au mercure diminuer très significativement.
Pour des raisons environnementales, un rapport commandité par la Commission européenne et réalisé par le cabinet BIOIS, en 2012, recommandait une interdiction à l'horizon 2018.
Selon l'ANSM, l'amalgame dentaire est remplaçable dans tous ses usages par des matériaux d'obturation alternatifs, dont l'emploi n'entraînera aucun surcoût pour la sécurité sociale ou pour les patients.
Pour répondre aux exigences du droit du travail, mais aussi pour des raisons environnementales et de santé publique, il est nécessaire, selon nous, d’interdire le mercure dans les soins dentaires rapidement, à compter du 1er janvier 2017.
M. le président. L'amendement n° 1127 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Patient et Desplan et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 11 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1° de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « des frais de soins et de prothèses dentaires », sont insérés les mots : «, à l’exception de la pose d’amalgames dentaires contenant du mercure lorsqu’un autre matériau peut être utilisé ».
II. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2018.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps l'amendement n° 1128 rectifié bis.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 1128 rectifié bis, présenté par MM. Cornano et Desplan et Mme Jourda et ainsi libellé :
Après l’article 11 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lors d’un soin dentaire, le chirurgien-dentiste informe le patient sur l’existence d’alternatives aux amalgames dentaires contenant du mercure et sur les risques et bénéfices de chacun des matériaux disponibles.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jacques Cornano. Ces deux amendements sont relatifs aux amalgames dentaires au mercure.
Le premier amendement prévoit le non-remboursement des amalgames dentaires contenant du mercure. En effet, le mercure présente des risques à la fois pour la santé et pour l’environnement. Dès lors, en application du principe de précaution, ainsi que de la recommandation du 14 décembre dernier de l’ANSM, il est nécessaire de diminuer l’utilisation des amalgames à base de mercure dans le cadre du traitement des caries.
Le second vise à obliger les professionnels de santé à informer leurs patients de l’existence de solutions alternatives aux amalgames contenant du mercure et des risques et bénéfices des différents matériaux existants.
L’ANSM souligne la nécessité de renforcer l’information des patients en ce qui concerne les différents matériaux disponibles avant toute réalisation de l’acte conservateur. Pour cela, il faudra sensibiliser tant les professionnels de santé que les patients aux différents effets indésirables liés à l’utilisation de tel ou tel matériau d’obturation.
Une récente enquête de la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a abouti à des conclusions préoccupantes : de nombreux dentistes sont réticents à communiquer les prix des prothèses sur les devis remis aux consommateurs, alors qu’elles constituent un élément essentiel de l’information du consommateur.
Il est légitime que les patients puissent disposer de tous les éléments économiques et techniques. Cette information leur permettra de connaître en toute transparence les produits disponibles et, au vu des éléments qui leur auront été communiqués, de faire un choix éclairé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Madame Archimbaud, vous avez rappelé la convention signée par la France qui prévoit l’interdiction du mercure et des procédés qui utilisent ce produit. Par ailleurs, les industriels et les praticiens se sont engagés à utiliser des techniques de substitution. Il ne semble donc pas nécessaire d’anticiper sur les engagements internationaux de la France.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Cornano. Je retire les amendements nos 1127 rectifié bis et 1128 rectifié bis, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 1127 rectifié bis et 1128 rectifié bis sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 593 rectifié est présenté par Mme Jouanno et M. Guerriau.
L'amendement n° 956 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 40 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les agences régionales de santé assurent la promotion du métier de conseiller en environnement intérieur auprès du grand public et des prescripteurs. »
L'amendement n° 593 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 956 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Avec cet amendement, nous souhaitons promouvoir le métier de conseiller en environnement intérieur, afin de disposer de personnes formées qui puissent émettre des recommandations et suivre les patients.
Ainsi, nous pourrions avancer sur la question de la prise en charge des personnes présentant des allergies ou des pathologies respiratoires, tout en créant de nouveaux métiers et, par conséquent, des emplois, madame la ministre, mes chers collègues !
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cette proposition relève, selon nous, du domaine réglementaire. La commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Aline Archimbaud. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 956 rectifié est retiré.
L'amendement n° 866 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les produits alimentaires, qui sont composés d'une dose de 4-méthylimidazole supérieure à 29 microgrammes, le signalent au consommateur par un avertissement relatif à la toxicité sur leur emballage extérieur.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Certains produits alimentaires contiennent du colorant caramel, fruit de la réaction chimique obtenue par l’association de sucre, d’ammoniaque et de sulfites portés à haute température. Ce processus, qui permet de conférer aux produits concernés une couleur brun foncé, aurait également pour effet de créer une substance toxique, le 4-méthylimidazole.
D’après des études menées sur les rongeurs, cette substance provoque des cancers du poumon, du foie et de la thyroïde. Elle a été classée par le Centre international de recherche sur le cancer comme « cancérigène possible » chez l’homme.
C’est la raison pour laquelle, depuis janvier 2012, la Californie a décidé, pour cette substance, d’abaisser à 29 microgrammes la dose journalière admissible, alors qu’une canette de soda en contient jusqu’à 152 microgrammes.
Les deux leaders mondiaux du soda ont en conséquence décidé de modifier leur recette, pour éviter d’avoir à faire apparaître sur l’étiquetage de leurs produits un message d’avertissement tel que « produit contenant un composé cancérigène ».
Mais la recette n’a été modifiée que pour les États-Unis. Notre amendement tend donc à proposer un étiquetage spécifique sur les produits alimentaires contenant une dose de 4-méthylimidazole supérieure à 29 microgrammes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Vous proposez en fait que les industriels diminuent la quantité de colorant présente dans les boissons. J’invite le Gouvernement à nous donner son avis sur l’état de l’expertise européenne en ce domaine.
Nous demandons le retrait de cet amendement ; dans le cas contraire, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande également le retrait de cet amendement. S’il n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable.
Je ne conteste pas l’objectif ; seul le fondement juridique est en cause. L’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a en effet estimé, en 2011, que les concentrations maximales établies dans les colorants offrent « un niveau de protection suffisant », et que ces colorants ne présentent pas de risques pour la santé des consommateurs dans les conditions d’utilisation prévues par la réglementation européenne.
L’EFSA n’a pas réactualisé cette appréciation depuis 2011. Si nous votions votre amendement, nous serions donc en contradiction avec les dispositions européennes.
Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je ne comprends pas très bien votre logique, madame la ministre : dans certains domaines – l’alcool, parmi beaucoup d’autres exemples –, vous plaidez pour que la France soit à la pointe en matière de santé publique. Mais, s’agissant des colorants, qui constituent tout de même un problème majeur, vous nous demandez de nous aligner sur l’Europe.
Cette attitude ne me semble pas tout à fait compréhensible.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Certains de nos concitoyens, en écoutant nos débats, pourraient imaginer que les choses se décident un peu « à la tête du client », si j’ose dire – ou plutôt en fonction des sujets.
Mais la vérité, c’est que deux situations se présentent.
Dans certains cas, l’expertise est de niveau européen et détermine des normes précises qui doivent être respectées par les États membres ; dans d’autres cas – je pense, par exemple, à la directive européenne sur les produits du tabac –, les textes communautaires, s’ils lient les États quant aux objectifs à atteindre, les laissent libres quant aux modalités d’action, y compris s’ils souhaitent faire davantage.
Les concentrations maximales de colorant relèvent du premier cas, puisqu’il existe une expertise européenne qui fixe la référence applicable à tous les États membres. Je suis donc obligée de demander le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° 866 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Notre objectif est que les choses avancent, et pas que le débat se poursuive indéfiniment.
Mais je veux attirer votre attention, à titre d’exemple, sur les risques encourus par les citoyens français sur un territoire comme le mien, Saint-Martin. Des produits y entrent, qui contiennent des doses supérieures aux normes européennes, ce qui place certains de vos concitoyens, madame la ministre, mes chers collègues, dans la difficulté.
Quel est l’objectif des États-Unis ? Il consiste à durcir les normes applicables sur leur territoire, mais cela ne les empêche pas d’exporter des produits qui, quant à eux, sont soumis à des normes plus laxistes que celles qui s’imposent aux produits destinés à la consommation intérieure – c’est notamment le cas du poulet américain destiné à l’exportation, mais aussi du Coca, du Pepsi, et de beaucoup d’autres produits.
Nous concevions donc cet amendement comme une alerte vous incitant à protéger l’ensemble de votre population.
Aussi, monsieur le président – même si c’est à contrecœur – nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 866 rectifié est retiré.
Chapitre V
Informer et protéger les populations face aux risques liés aux accidents de la vie courante
Article 11 sexies
(Non modifié)
Le chapitre unique du titre VII du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1171-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1171-2. – Les accidents de la vie courante se définissent comme l’ensemble des traumatismes non intentionnels, à l’exception des accidents de circulation et des accidents du travail. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 11 sexies
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Micouleau, Cayeux, Deromedi et Deseyne, MM. Chatillon, Grand, Commeinhes, Mouiller, Pellevat et Vial, Mme Morhet-Richaud, MM. Laménie, Buffet, Bouchet, Charon, Revet, Luche, Calvet, Vasselle, Fouché, Danesi, Laufoaulu, de Nicolaÿ, Cambon, Falco, J.P. Fournier, Lemoyne, Mayet et Chasseing, Mme Duchêne, MM. Houel, B. Fournier et Doligé, Mmes Mélot, Estrosi Sassone et Lamure et M. Médevielle, est ainsi libellé :
Après l'article 11 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur la prévalence, la prévention, le dépistage et la prise en charge de la maladie coeliaque en France, et sur le niveau de connaissance des praticiens, et émet des recommandations de politique de santé publique en la matière.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. La maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, est l’une des maladies digestives les plus fréquentes, et toucherait même une personne sur cent, en France comme en Europe. Cette maladie provoque l’apparition de carences qui peuvent être importantes.
L’unique solution pour les malades consiste en un régime alimentaire sans gluten, strict et à vie. L’exclusion du gluten est le souci quotidien des malades, qui doivent se montrer vigilants dans le choix des denrées alimentaires courantes, et faire face, au quotidien, à des dépenses alimentaires accrues ainsi qu’à des démarches administratives conséquentes.
En l’absence de données françaises sur la prévalence de la maladie cœliaque et d’un état des lieux dressé par les praticiens sur toutes les dimensions de cette pathologie, il est impossible d’élaborer une politique de santé publique efficace.
Cet amendement vise donc à demander le dépôt, dans un délai de deux ans, d’un rapport faisant l’état des lieux et proposant des recommandations pour définir une politique de santé publique en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales ont décidé d’émettre un avis défavorable sur toutes les demandes de rapport, quel qu’en soit le sujet et quelle que soit leur origine politique.
Le total des demandes de rapport, dans la loi de santé telle qu’elle nous a été transmise par l’Assemblée nationale, s’élevait à plus d’une centaine – il faudrait faire le compte de toutes les demandes de rapport qui jalonnent nos textes de loi. Comme je l’ai dit hier, il arrivera sans doute un jour où le Président de la République devra nommer un ministre des rapports, afin que celui-ci puisse enfin traiter réellement toutes ces demandes. (Sourires.)
La maladie cœliaque, comme les maladies auto-immunes en général, est un sujet particulièrement intéressant ; nous émettons cependant un avis défavorable. Cet avis porte bien entendu sur la demande de rapport en elle-même, et pas sur la nécessité d’une connaissance de la maladie cœliaque – laquelle est par ailleurs bien connue des CHU, des facultés et des professeurs de médecine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande à Mme Morhet-Richaud de bien vouloir retirer son amendement.
J’ai eu l’occasion de dire hier, lorsque le sujet a été évoqué, que j’avais saisi la Haute Autorité de santé afin qu’elle actualise ses recommandations sur la maladie cœliaque. Vous pourrez donc disposer de ces informations sans qu’il soit nécessaire de produire un nouveau rapport.
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié est retiré.
L'amendement n° 724, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 11 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’année 2016 est déclarée grande cause nationale de prévention du suicide.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
« Chapitre VI
Lutter contre le fléau du suicide
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le suicide est un véritable fléau en France : son taux est l’un des plus élevés des pays de l’OCDE. Première cause de mortalité chez les moins de vingt-cinq ans, le suicide frappe aussi très durement les seniors, qui représentent 28 % des décès.
Au-delà du drame humain, les tentatives de suicide ont un coût très lourd pour la collectivité : une étude menée par l’unité de recherche en économie de la santé de l’Hôtel-Dieu à Paris a estimé à près de 5 milliards d’euros le « fardeau économique » du suicide et des tentatives de suicide pour l’année 2009 en France.
Face à ce qui reste un véritable fléau, avant tout humain, comparable à celui que représentaient les accidents de la route il y a trente ans – plus de 10 000 morts par suicide et plus de 200 000 tentatives de suicide chaque année –, il est encore nécessaire d’agir pour une véritable prise de conscience collective.
Trop souvent le suicide est perçu comme une fatalité, alors que ces morts sont évitables. La commission des affaires sociales a pu constater la réussite du Québec à l’occasion d’une mission, dont Catherine Deroche et mon collègue Dominique Watrin étaient membres : le Québec est passé d’un taux de mortalité par suicide de 22,2 pour 100 000 habitants en 1999 à un taux de 13,7 en 2010, ce qui montre qu’il est possible de faire reculer ce fléau.
C’est bien de santé publique dont il est question : notre amendement vise à intégrer ce sujet, qui en était exclu, dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, ce qui pourrait contribuer à sauver des milliers de vies.
L’année 2016 doit être l’occasion de mettre en place de nouveaux moyens d’action coordonnés, à l’instar de ce qui a été mis en œuvre au Québec – même si, comme l’a rappelé la mission dans le rapport que j’évoquais, tout n’est pas transposable d’un pays à l’autre. Les chantiers sont nombreux : développement de la recherche, amélioration de la formation des intervenants, mise en place d’une ligne d’intervention téléphonique, définition d’un outil commun d’évaluation de l’urgence suicidaire, création d’équipes mobiles se déplaçant à domicile et de places d’hébergement de crise adaptées, réseaux de sentinelles, postvention, également.
En faisant de l’année 2016 celle de la grande cause nationale de la prévention du suicide, les auteurs de cet amendement entendent favoriser une prise de conscience collective, sensibiliser et mobiliser l’ensemble du pays et inspirer des mesures concrètes et transversales permettant de diminuer nettement le nombre de tentatives de suicide.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Tout ce qu’a dit Mme David est exact : le suicide est un fléau, et il est en constante augmentation – non seulement chez les jeunes, où il est déjà d’un niveau très élevé, mais aussi chez les personnes du troisième et du quatrième âge. Déclarer la prévention du suicide grande cause nationale est une belle idée.
Nous nous fions à la sagesse de l’ensemble de nos collègues sénateurs, et nous aimerions entendre le Gouvernement sur ce sujet précis. Je suppose d’ailleurs que c’est à lui, et pas à nous, qu’il appartient de déterminer ces grandes causes nationales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Bien sûr, le suicide est un enjeu de santé publique tout à fait important. Les données sont préoccupantes dans toutes les catégories d’âge, selon des proportions qui varient d’ailleurs d’une région à l’autre. On pense naturellement au suicide des jeunes, mais le suicide des personnes âgées et très âgées devient un problème national.
Des programmes d’action ont été régulièrement mis en œuvre : l’un d’entre eux s’est achevé en 2014, auquel un nouveau programme lancé l’année dernière a succédé. Les résultats des actions menées ces dernières années sont en cours d’évaluation, et nous étudions toutes les pistes – modèles étrangers comme celui du Québec ou recommandations nationales – qui mériteraient d’être explorées.
Peut-on, dans le cadre de ce débat, demander l’instauration d’une grande cause nationale ?
Cela n’est pas possible parce que le principe de la grande cause nationale relève de l’appréciation exclusive du Premier ministre lui-même. Cela ne peut donc s’inscrire dans une loi.
Il appartiendra donc au Premier ministre, à la fin de cette année ou au tout début de l’année prochaine, de déterminer son choix pour 2016. Ainsi, comme M. le président de la commission l’indiquait, il n’appartient pas au Parlement d’adresser une injonction au Premier ministre quant au choix d’une grande cause nationale.
M. le président. Madame David, l’amendement n° 724 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Non, je vais le retirer, monsieur le président. En effet, j’ai bien entendu Mme la ministre ; si cela relève uniquement du Premier ministre, il n’y a pas d’intérêt à inscrire cette disposition dans le projet de loi dont nous sommes en train de débattre.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un sujet de santé publique, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, et que l’augmentation du suicide chez les personnes âgées doit être prise en compte. Nous examinerons bientôt un texte sur le vieillissement de la population ; peut-être sera-t-il alors à nouveau question du sujet.
Aussi je vous invite, madame la ministre, à tenter de convaincre M. le Premier ministre de réfléchir à l’idée de faire du suicide une grande cause nationale, car le mal-être grandit, tant chez les jeunes et les personnes âgées que chez les salariés ; le suicide apparaît alors, parfois, comme une fatalité et comme la seule solution ; il est donc nécessaire d’agir.
Pour l’heure, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 724 est retiré.
TITRE II
FACILITER AU QUOTIDIEN LES PARCOURS DE SANTÉ
Chapitre Ier
Promouvoir les soins primaires et favoriser la structuration des parcours de santé
Article 12
I à IV. – (Supprimés)
V. – Après l’article L. 1411-11 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1411-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-11-1. – Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours définis à l’article L. 1411-11 sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’un centre de santé ou d’une maison de santé.
« L’équipe de soins primaires contribue à la structuration des parcours de santé mentionnés à l’article L. 1411-1. Son projet de santé a pour objet, par une meilleure coordination des acteurs, la prévention, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. »
M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, sur l’article.
M. François Commeinhes. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, le système français de santé est un atout pour notre pays. Néanmoins, pour que ce système reste l’un des fondements de notre pacte social, il doit évoluer et s’adapter aux défis qui se posent à lui.
Or que constatons-nous à la lecture du projet de loi, sinon l’absence complète de réponse structurée face aux grands défis de santé que sont la désertification médicale, les contraintes budgétaires croissantes, le vieillissement de la population, le besoin d’une politique de prévention ambitieuse ou encore un cadre d’action pour une politique volontariste sur le handicap, et je ne suis pas exhaustif.
Au lieu de quoi, le Gouvernement répond par la mise en place d’un modèle standardisé de la médecine.
À l’article 12, il est projeté de développer les équipes de soins primaires, réunies dans des maisons de santé ou dans des communautés professionnelles de santé. Ce nouveau mode d’exercice de la médecine commence à se structurer mais reste marginal dans l’offre de soins sur le territoire. Dès lors, doit-on en faire un standard acté par la loi ?
En effet, à l’article 12 bis, ces nouveaux modes d’exercice sont déjà calqués sur un modèle unique, celui d’équipes de soins fermées, payées forfaitairement pour répondre aux besoins de la coordination, dont sont exclus tous les autres professionnels de santé libéraux assurant le parcours de soins de leur patient dans un mode de coordination non reconnu financièrement jusque-là.
Face aux défis, on préfère nous proposer l’étatisation progressive de la médecine en France,…
Mme Annie David. « Étatisation », carrément !
M. François Commeinhes. … ambition clairement exprimée à l’article 1er par la fameuse affirmation : « La politique de santé relève de la responsabilité de l’État ». Cela se traduit notamment par la montée en puissance des agences régionales de santé, à l’article 12 bis, et par la réduction du champ de la négociation conventionnelle, aux articles 39 et 40.
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, sur l’article.
M. Jacques Cornano. L’article 12 organise un service territorial de santé dans lequel le malade est au centre des préoccupations et qui lui assure une prise en charge coordonnée par des équipes pluridisciplinaires.
Pour faciliter ce parcours de soins, il serait souhaitable que, dans les territoires ultramarins, les professionnels de santé libéraux concluent des protocoles de coopération, et ce au profit du malade. Force est de constater que, à l’heure actuelle, peu de protocoles ont été conclus.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les articles du chapitre Ier du titre II, que nous abordons, concrétisent la réorientation de notre système, en donnant la priorité aux professionnels de proximité et en leur offrant des outils plus complets pour assurer la prise en charge que rendent nécessaires, entre autres, le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques.
Les propositions de notre commission et certains des amendements déposés m'amènent à formuler trois observations.
La première tient au texte adopté à l’Assemblée nationale : les articles 12, 12 bis et 38 sont le résultat des conclusions d’un groupe de travail, d’une large concertation et d’un accord des professionnels de santé eux-mêmes. Je m’interroge donc sur le bien-fondé, pour ne pas dire sur la légitimité d’une remise en cause de ces dispositions.
En outre, et c’est ma deuxième interrogation, la mise en œuvre de parcours de santé est un impératif unanimement partagé, et la structuration, qui est proposée, d’équipes de soins primaires dans le cadre de communautés professionnelles territoriales de santé est laissée à l’initiative des professionnels ; elle leur permet ainsi d’y associer tous les autres acteurs de la manière la plus transversale qui soit. Pourquoi alors vouloir revenir aux pôles, plus restreints, alors qu’ils peuvent s’intégrer et s’étoffer dans ces communautés ?
Je sais le dévouement extrême des professionnels de santé, qui comptent rarement leurs heures. Mais, si nous admettons tous, et c’est le cas, l’absolue nécessité de transformer notre organisation de santé, il est de la responsabilité de l’État et de la nôtre, législateur, d’encourager, d’accompagner et d’organiser cette mutation de l’exercice des soignants et des accompagnants.
La structuration adoptée à l’Assemblée nationale et que nous vous proposons de rétablir répond à cette nécessité, de manière très souple, et elle préserve la liberté du soignant et du patient.
Enfin, troisième observation, je ne ferai qu’évoquer les limites de la politique conventionnelle ; c’est aussi une question que la Cour des comptes a déjà abordée et que le discours permanent de victimisation, plutôt que de responsabilité, nourrit forcément.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 885 rectifié, présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1411-11-1. – Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours définis à l’article L. 1411-11 et le cas échéant, de médecins de deuxième recours définis à l’article L. 1411-12, choisissant d’assurer leurs activités de soins de proximité sur un territoire et sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’une maison de santé libérale pluriprofessionnelle ou d’un centre de santé.
« Elle peut participer en lien avec l’agence régionale de santé, les universités, les établissements de santé et autres acteurs de santé à la recherche en santé.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 12 institue des équipes de soins primaires, forme de coopération souple entre les professionnels de premier recours, organisée autour des médecins généralistes.
La question se pose dès lors de la place des médecins spécialistes de proximité. Le schéma proposé dans cet article semble les oublier, alors qu’ils sont partie prenante de la coordination des soins et au suivi de patients atteints de pathologies chroniques sur nos territoires.
C’est pourquoi notre collègue Michel Amiel propose d’introduire explicitement dans les équipes de soins primaires, en sus des médecins de premiers recours, les médecins de deuxième recours, reconnaissant ainsi le rôle fondamental du médecin de premier recours, mais donnant aussi toute sa place à la médecine libérale spécialisée de proximité.
L’amendement n° 1137 rectifié va dans le même sens, puisqu’il vise à inclure explicitement les spécialistes en matière de pathologie mentale.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Commeinhes, Mme Hummel, M. Houel, Mmes Mélot et Deromedi et MM. Charon et Calvet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
autour de médecins
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
traitants choisissant d’assurer leurs activités de soins dans le cadre conventionnel sur la base de parcours de santé qu’ils proposent aux patients
La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. Cet amendement a presque le même objet.
L’article 12 du projet de loi définissant l’équipe des soins primaires n’est pas acceptable en l’état. Cette définition, qui semble mettre le généraliste au centre du dispositif, traduit une vision rigide de ce praticien, considéré ici comme un simple « aiguilleur de santé », enfermé dans une fonction de premier recours. Tous les médecins à expertise particulière, ou MEP, qui ont investi dans leur formation en se spécialisant dans la médecine du sport, dans la nutrition ou la gériatrie, se retrouvent exclus de cette définition.
L’objectif majeur restant le développement des pratiques de coordination et l’incitation à la formation continue des médecins, il convient de réécrire cet article pour ne pas enfermer ces praticiens dans une vision fermée et restrictive des équipes de soins et des parcours de santé proposés aux patients.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Avant de vous donner l’avis de la commission sur ces deux amendements, je voudrais revenir rapidement sur ce qu’a dit M. Daudigny à propos de la large concertation à l’Assemblée nationale. Sans doute celle-ci a-t-elle eu lieu, mais nous en avons organisé une nous-mêmes, dans nos locaux, et nous avons reçu les médecins ; vous étiez d’ailleurs présent.
Je vous rappelle qu’à cette occasion les syndicats médecins ont tous, sans exception, indiqué qu’ils avaient accepté en désespoir de cause les propositions qui leur étaient faites à l’Assemblée nationale ; cela figure dans le rapport.
En ce qui concerne l’amendement n° 885 rectifié, l’objet de l’article 12 est précisément de créer une forme d’exercice en coopération spécifiquement dédiée aux professionnels de premier recours, autour du médecin généraliste. Les spécialistes de deuxième recours n’ont cependant pas été oubliés, mon cher collègue, puisqu’ils peuvent coopérer avec le premier recours dans le cadre des pôles de santé prévus par l’article 12 bis.
Nous souhaiterions donc que vous retiriez cet amendement, faute de quoi nous émettrions un avis défavorable, car il compromettrait, s’il était adopté, la lisibilité et l’équilibre de ces dispositions.
Quant à l’amendement n° 74 rectifié de notre collègue François Commeinhes, il remet en question la logique même des équipes de soins primaires, dans la mesure où le médecin traitant peut être un médecin spécialiste de deuxième recours.
Il ne paraît pas souhaitable de revenir sur l’organisation de ces équipes autour du médecin généraliste, dont il s’agit de réaffirmer clairement le rôle d’acteur de référence dans les soins primaires, d’autant que cet équilibre a été atteint dans le cadre du groupe de travail réuni sur ce sujet.
Je souligne tout de même que nous partageons les inquiétudes esquissées dans l’objet de l’amendement quant au statut et au rôle du médecin généraliste, qui ne peut pas être, vous l’avez dit, un simple « aiguilleur de santé » faisant face à des contraintes et à des tâches administratives croissantes.
Comme nous l’avons indiqué dans notre rapport, la nette désaffection dont souffre aujourd’hui la profession doit conduire à engager sans tarder une réflexion d’ampleur sur la profession de médecin généraliste.
Nous vous demandons donc de retirer votre amendement, mon cher collègue, sans quoi nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je veux rappeler en quelques mots la philosophie de cet article 12, car je ne peux pas laisser dire que cet article serait l’exemple même d’une volonté politique d’imposer un modèle unique d’exercice de la médecine et de la pratique des soins dans notre pays. Ce discours ne correspond à aucune réalité, ni au texte, du reste.
Précisément, les communautés professionnelles proposées par cet article sont instaurées à l’initiative des professionnels de santé, elles prennent la forme que souhaitent ces professionnels et elles répondent à des enjeux locaux, à des enjeux territoriaux.
On peut donc faire l’hypothèse que, dans une région, dans un département ou dans un territoire infradépartemental, les organisations retenues différeront de celles de la région, du département ou du territoire d’à côté, soit parce que des initiatives préexistent et qu’il faut leur trouver un prolongement, soit parce que, au contraire, il faut les inventer. Cette démarche part ainsi des besoins des territoires et des attentes des professionnels de santé eux-mêmes.
Je ne peux donc pas laisser dire que nous avons là une espèce de modèle étatique qui – à l’instar de la dictée qui avait lieu à la même heure dans tous les lycées de France sous Napoléon – instaurerait, dans tous les territoires, la même organisation des professionnels de santé.
M. Daudigny a parfaitement raison de souligner qu’il s’agit de mettre en place des parcours. Les défis que M. Commeinhes a évoqués sont précisément ceux que nous relevons : la nécessité de la coopération et de la coordination entre les professionnels, autour de patients souvent vieillissants, souffrant de pathologies chroniques et qui attendent d’être pris en charge de manière globale et non cloisonnée, comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous avons choisi l’expression de « communauté territoriale de professionnels de santé » à la suite d’échanges avec les professionnels. Elle nous paraît répondre à l’enjeu du moment et je regrette le choix de la commission de revenir au terme de « pôle », présent dans la loi HPST. Celui-ci est issu d’un certain état de la réflexion et de la mise en place de politiques, mais ne me semble plus conforme aux défis présents.
Pour en revenir aux amendements en discussion, proposer que les médecins spécialistes, c’est-à-dire les médecins de recours, intègrent les équipes de soins primaires me paraît tout de même un peu contradictoire !
Il ne s’agit pas de transformer le généraliste en « gare de triage », monsieur le président de la commission, mais d’en faire la colonne vertébrale de notre dispositif, le référent. Il devra évidemment nouer des contacts avec des professionnels spécialistes. C’est tout l’enjeu des communautés professionnelles territoriales !
Le médecin spécialiste, si les mots ont un sens, n’a rien à faire dans l’équipe de soins primaires ; en revanche, il a toute sa place dans les équipes territoriales des professionnels de santé, lesquelles résultent de la coopération entre des médecins généralistes, des kinésithérapeutes, des infirmières, des pharmaciens, des orthophonistes et, évidemment, des médecins de recours que sont les spécialistes.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Arnell, l’amendement n° 885 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 885 rectifié est retiré.
Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 74 rectifié est-il maintenu ?
M. François Commeinhes. Je vous faisais part de la perception des professionnels de terrain, mais, dans la mesure où le président Milon reconnaît la nécessité d’engager une réflexion sur ce sujet, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1202, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
mentionnés à l’article L. 1411-1
La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit plus exactement d’un amendement de conséquence, la commission ayant renommé « pôles » les communautés territoriales des professionnels de santé, conformément à sa logique.
Je regrette ce choix, mais il est cohérent d’en tirer les conséquences dans le texte. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat, malgré un avis défavorable de principe.
M. le président. Vous émettez donc un avis de sagesse contraint ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie Mme la ministre d’avoir évoqué un avis de sagesse « contraint ». Le groupe socialiste votera contre cet amendement, en se prononçant sur le fond plutôt que sur la forme.
Ce point a fait l’objet d’un large débat en commission, qui va se poursuivre dans l’hémicycle au cours des prochaines heures. Je l’avais dit dans mon propos liminaire, je tiens la position du président de la commission pour idéologique.
Pourquoi en rester aux pôles de santé, alors que le texte permet explicitement de les transformer très facilement en communautés professionnelles territoriales de santé ? Comme l’a très bien montré Mme la ministre, celles-ci découlent de la collaboration et de la concertation avec les acteurs des soins primaires locaux et offrent toute liberté d’organisation dans les territoires.
Je suis consciente que nos relations avec les communautés médicales pâtissent aujourd’hui d’un environnement particulier, je ne le conteste pas. Nous connaissons bien, nous-mêmes, ces périodes de campagne électorale, et je me refuse à tout dénigrement sur ce sujet.
Cette question me paraît très importante : il s’agit de l’organisation du système de santé, dont le médecin traitant, le généraliste, doit être le pivot, pour qu’enfin le parcours de soins du patient cesse de souffrir de l’organisation cloisonnée des professionnels de santé médicaux ou paramédicaux.
Il faut organiser ce parcours à partir du lien indissoluble entre le médecin généraliste et le patient.
Il est regrettable de s’arrêter à des mots – je ne veux pas dire à des postures – sans engager un débat de fond sur cette question primordiale. On connaît les enjeux ; on sait l’importance de l’organisation de notre système de santé et la force de notre protection sociale, qu’il convient de pérenniser alors que les déficits, même s’ils diminuent, restent élevés.
Il me semble donc déterminant d’adopter une approche qualitative de ces questions.
M. le président. L’amendement n° 1137 rectifié, présenté par MM. Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, en s’appuyant notamment sur le recours de proximité que constituent les équipes pluriprofessionnelles exerçant la mission de psychiatrie du secteur
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Au regard des propos de Mme la ministre et en citant un rapport de 2012 relatif à la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux, le président de la commission des affaires sociales rappelait que l’articulation entre psychiatrie et médecine générale était perfectible.
Comme pour tous les types de pathologies, les médecins généralistes se trouvent confrontés à une part importante de troubles mentaux. Cet amendement vise donc à inciter par la loi les équipes de soins primaires à coordonner leurs actions avec les spécialistes dans le domaine spécifique de la psychiatrie.
Même si cette proposition diffère sans doute de celles qui ont été précédemment défendues, pouvez-vous nous éclairer sur la spécificité que présenterait la psychiatrie ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. J’entends bien les propos de notre collègue. Toutefois, la coordination entre les équipes de soins primaires et les équipes pluriprofessionnelles de la psychiatrie de secteur est déjà prévue par l’alinéa 37 de l’article 13. Il semble donc inutile d’alourdir la rédaction de l’article 12 en y ajoutant cette précision.
Je vous propose le retrait de cet amendement, qui recevrait sinon un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La coordination avec la psychiatrie de secteur est un enjeu absolument fondamental de la territorialisation de nos politiques de santé, mais des dispositions spécifiques seront examinées un peu plus tard. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Arnell, l’amendement n° 1137 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1137 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le titre III du livre IV de la première partie est ainsi modifié :
a) La première phrase du c du 2° de l’article L. 1431-2 est complétée par les mots : « et elles apportent leur appui à la constitution des pôles de santé mentionnés à l’article L. 1411-11-2 » ;
b) Après l’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique, tel qu’il résulte de l’article 12 de la présente loi, il est inséré un article L. 1411-11-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-11-2. – Afin d’assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé mentionnés à l’article L. 1411-1, des professionnels de santé peuvent décider de se constituer en pôle de santé.
« Le pôle de santé est composé de professionnels de santé assurant des soins de premier ou de second recours au sens des articles L. 1411-11 et 1411-12, le cas échéant regroupés sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, ainsi que d’acteurs médico-sociaux et, le cas échéant, sociaux.
« Peuvent participer au pôle de santé les établissements de santé et les établissements et services médico-sociaux, ainsi que les groupements de professionnels déjà constitués sur son territoire d’action sous la forme de maisons de santé, de centres de santé, de réseaux de santé, de groupements de coopération sanitaire ou de groupements de coopération sociale et médico-sociale.
« Les membres du pôle de santé élaborent un projet de santé précisant en particulier son territoire d’action.
« Ce projet de santé est transmis pour information à l’agence régionale de santé. Il est compatible avec les orientations du projet régional de santé mentionné à l’article L. 1434-1.
« Les professionnels de santé participant au pôle de santé peuvent organiser entre eux une activité de télémédecine.
c) Le chapitre IV, tel qu’il résulte de l’article 38 de la présente loi, est complété par un article L. 1434-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-11. – Pour répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux mentionnés au III de l’article L. 1434-9 et sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires et des pôles de santé, l’agence régionale de santé peut conclure des contrats territoriaux de santé.
« Le contrat territorial de santé définit l’action assurée par ses signataires, leurs missions et leurs engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation. À cet effet, le directeur général de l’agence régionale de santé peut attribuer des crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8.
« Le contrat territorial de santé est publié sur le site de l’agence régionale de santé afin de permettre aux établissements de santé publics et privés, aux structures médico-sociales, aux professions libérales de la santé et aux représentants d’associations d’usagers agréées de prendre connaissance des actions et des moyens financiers du projet.
« Les équipes de soins primaires et les acteurs des pôles de santé peuvent bénéficier des fonctions des plates-formes territoriales d’appui à la coordination des parcours de santé complexes prévues à l’article L. 6327-2. » ;
2° Le chapitre III ter du titre II du livre III de la sixième partie est abrogé.
II. – Les regroupements de professionnels qui, avant la publication de la présente loi, répondaient à la définition des pôles de santé au sens de l’article L. 6323-4 du code de la santé publique disposent d’une période transitoire d’un an pour s’adapter aux dispositions du présent article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Nous nous trouvons face à deux propositions d’organisation territoriale de la santé, celle du Gouvernement et celle de la majorité sénatoriale, qui semblent s’opposer, ainsi que nous venons d’en être témoins. En réalité, elles nous paraissent très proches.
D’un côté, le Gouvernement propose de remplacer les pôles de santé par des communautés professionnelles territoriales de santé, afin de renforcer les coordinations entre les professionnels et de faciliter le parcours de soins des patients. Cette coordination se ferait toutefois sous la houlette des agences régionales de santé, les ARS, qui pourraient « susciter les initiatives de coopération ».
De l’autre, la droite sénatoriale entend conserver les pôles de santé introduits par la loi HPST de 2009 et les utiliser comme structures pour la coordination des professionnels de santé, tout en maintenant le rôle des ARS.
Nous percevons bien une volonté commune de coordonner les professionnels de santé sous la responsabilité des ARS. La différence nous semble donc réduite, puisqu’elle se résume à l’intitulé de la structure de coordination et au degré de contrôle des ARS, lesquelles restent en priorité des instruments de maîtrise et de réduction des moyens dans les territoires.
Il convient, à nos yeux, d’organiser les soins de proximité d’une tout autre manière, au plus près de la vie de nos concitoyens, au niveau des bassins de vie. Nous préconisons une organisation à l’échelle régionale, certes, mais qui s’accompagnerait d’une vision nationale. Elle s’appuierait donc sur les bassins de vie et ménagerait un rôle pour les médecins généralistes, mais également, comme le prévoit le texte, pour les centres de santé.
Ceux-ci devront bénéficier de moyens, tant financiers qu’humains, afin de mener à bien leurs missions très importantes, touchant non seulement à la médecine curative, mais également à la médecine de prévention, au dépistage et au suivi.
Pour que cela fonctionne, il faut cesser de faire des ARS des agences omnipotentes appelées à jouer un rôle essentiel. C’est pourquoi nous proposons, à l’inverse, la mise en place d’une démocratie sanitaire développée, en accordant un rôle accru aux élus, aux professionnels et aux populations, en faisant en sorte que leurs prises de position et leurs décisions soient reconnues.
Mais je vois que j’ai épuisé mes deux minutes trente, et je m’en tiens là, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 725, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, qui ne dépassera pas son temps de parole... (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Deux minutes trente, c’est bien court, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Mais je serai très brève, car, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous proposons, par cet amendement, la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Les pôles de santé, que nous avons rétablis, montent en puissance et, dans les territoires sur lesquels ils ont été créés, ont permis d’améliorer l’accès aux soins comme la coopération des professionnels.
L’objet de l’amendement se réfère à « une organisation alternative de la santé qui place la démocratie sanitaire au cœur des décisions ».
Il s’agit toutefois ici non pas de créer un dispositif qui associerait l’ensemble des acteurs de la santé, mais de proposer une formule d’organisation souple et lisible à destination des professionnels, sans lesquels rien ne peut se faire, au profit des patients comme des praticiens.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Au-delà des discussions sur les termes, présenter cet article comme la mise en place d’un dispositif où le pouvoir administratif des agences régionales de santé s’affirmerait dans toute sa dureté sans ménager une place à la démocratie sanitaire ne correspond pas à la réalité du texte.
Au-delà même des dispositions prévues dans cet article, le texte vise à réaliser une véritable construction, et innovante, en matière de démocratie sanitaire dans les territoires.
L’amendement n° 725 ne renvoie en aucun cas à la réalité de ce texte. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 465 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 649 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le titre III du livre IV de la première partie est ainsi modifié :
a) La première phrase du c du 2° de l’article L. 1431-2 est complétée par les mots : « et elles contribuent à la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé mentionnées à l’article L. 1434-11 » ;
b) Le chapitre IV, tel qu’il résulte de l’article 38 de la présente loi, est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Communautés professionnelles territoriales de santé
« Art. L. 1434-11. – Afin d’assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé mentionnés à l’article L. 1411-1 et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé mentionné à l’article L. 1434-1, des professionnels de santé peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé.
« La communauté professionnelle territoriale de santé est composée de professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de second recours, définis, respectivement, aux articles L. 1411-11 et L. 1411-12 et d’acteurs médico-sociaux et sociaux concourant à la réalisation des objectifs du projet régional de santé.
« Les membres de la communauté professionnelle territoriale de santé formalisent, à cet effet, un projet de santé, qu’ils transmettent à l’agence régionale de santé.
« Le projet de santé précise en particulier le territoire d’action de la communauté professionnelle territoriale de santé.
« À défaut d’initiative des professionnels, l’agence régionale de santé prend, en concertation avec les unions régionales des professionnels de santé et les représentants des centres de santé, les initiatives nécessaires à la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé.
« Art. L. 1434-12. – Pour répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux mentionnés au III de l’article L. 1434-9 et sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires et des communautés professionnelles territoriales de santé, l’agence régionale de santé peut conclure des contrats territoriaux de santé.
« Le contrat territorial de santé définit l’action assurée par ses signataires, leurs missions et leurs engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation. À cet effet, le directeur général de l’agence régionale de santé peut attribuer des crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8.
« Le contrat territorial de santé est publié sur le site de l’agence régionale de santé afin de permettre aux établissements de santé publics et privés, aux structures médico-sociales, aux professions libérales de la santé et aux représentants d’associations d’usagers agréées de prendre connaissance des actions et des moyens financiers du projet.
« Les équipes de soins primaires et les acteurs des communautés professionnelles territoriales de santé peuvent bénéficier des fonctions des plates-formes territoriales d’appui à la coordination du parcours de santé complexe prévues à l’article L. 6327-2. » ;
2° Le chapitre III ter du titre II du livre III de la sixième partie est abrogé.
II. – Les regroupements de professionnels qui, avant la publication de la présente loi, répondaient à la définition des pôles de santé au sens de l’article L. 6323-4 du code de la santé publique deviennent, sauf opposition de leur part, des communautés professionnelles territoriales de santé au sens de l’article L. 1434-11 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi.
La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l’amendement n° 465.
Mme Catherine Génisson. Je me suis déjà largement exprimée sur la nécessité de rétablir les communautés professionnelles territoriales de santé. Permettez-moi cependant un certain nombre de rappels.
Dans le cadre de la loi HPST, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ont été mises en place les agences régionales de santé, avec l’accord assez majoritaire, me semble-t-il, de l’ensemble des groupes politiques, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat.
Outre le fait qu’il incombe à l’État de garantir l’égal accès de l’ensemble de nos concitoyens à des soins de qualité, il nous semblait important de prévoir, conformément à une logique de déconcentration, une plus grande proximité de l’administration de la santé sur l’ensemble des territoires.
De plus, autre point important, les agences régionales de santé ne portaient pas uniquement la responsabilité de l’hospitalisation, elles étaient également responsables du secteur médical et de l’ensemble du secteur médico-social, ce qui englobait tout le suivi de nos concitoyens.
Permettez-moi de répondre à certains arguments qui ont été avancés.
Le texte initial du Gouvernement prévoyait un « service territorial de santé au public ». Un certain nombre de professionnels de santé, les médecins généralistes en particulier, s’étaient émus de ce terme, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, craignant une relation trop verticale avec l’agence régionale de santé et considérant, à juste titre, que l’initiative de la composition de ces communautés professionnelles territoriales de santé devait leur revenir. Ils estiment que les propositions doivent venir du terrain au regard de la diversité des professionnels de santé que vous avez décrite, madame la ministre.
En matière d’organisation de notre système de santé, ce rendez-vous est primordial. Je le répète, le médecin généraliste est le pivot dans un bassin de vie. En effet, comme cela a été souligné, les propositions diffèrent selon les bassins de vie.
Ma région, par exemple, présente un taux de prévalence des maladies cardiovasculaires et des maladies digestives, des pathologies très lourdes. La situation est sans doute différente ailleurs, où d’autres pathologies peuvent être plus prégnantes.
C’est pourquoi il importe de donner de la liberté et des responsabilités aux acteurs des territoires. Les communautés professionnelles territoriales de santé constituent un apport très important dans l’organisation de notre système de santé. Même s’il est normal, à un moment donné, que les agences régionales de santé examinent les propositions qui seront faites, elles n’auront pas la capacité – cela est bien précisé ! – d’imposer quoi que ce soit sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 649.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne puis qu’être favorable à l’amendement n° 465, qui est identique à l’amendement n° 649 du Gouvernement. Ces deux amendements visent à rétablir l’article 12 bis dans la rédaction résultant des travaux de l'Assemblée nationale.
Je tiens tout d’abord à remercier Mme Génisson des propos qu’elle a tenus, et je salue la perspective dans laquelle elle a inscrit les dispositions initialement proposées. Il me semble extrêmement important de dire et de redire que nous ne sommes pas dans un modèle administré, ni étatisé. Nous voulons au contraire donner à la médecine libérale et à l’offre de soins ambulatoire les moyens de répondre aux défis qui se présentent.
Je le dis avec beaucoup de franchise et de manière très directe, on ne peut pas répéter sur tous les tons, à longueur de discours, qu’il faut passer à une médecine de parcours, relever les défis de l’avenir, coordonner les professionnels de soins entre eux, permettre à la médecine libérale d’être plus forte par rapport à la médecine hospitalière et, dans le même temps, apporter pour seule et unique réponse le statu quo, ce qui devient rapidement de l’immobilisme.
Je le dis avec beaucoup de respect, d’amitié même, au président de la commission, faire vivre les groupements existants et les projets en cours et, là où il n’y a rien, laisser le vide s’installer, c’est une réponse décevante, une réponse par le vide, le statu quo et donc l’immobilisme.
Encore une fois, si la médecine libérale fonctionnait parfaitement et était apte à répondre aux défis de demain, alors votre réponse serait satisfaisante. Mais, s’il faut œuvrer pour rendre l’exercice médical et les professions de santé plus attractifs, s’il faut relever le défi des maladies chroniques, de la territorialisation, de l’organisation à l’hôpital, le statu quo n’est pas la bonne réponse, car il ne permet pas d’aller de l’avant.
Ce sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite l’adoption de deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Les modifications que nous avons proposées, et qui ont été adoptées par la commission des affaires sociales, étaient triplement motivées.
En premier lieu, il s’agissait de tenir compte des inquiétudes des professionnels de santé. Certes, la réécriture de l’article 12, qui a donné naissance à l’article 12 bis, a été faite au terme d’une concertation menée par un groupe de travail. Cependant, les professionnels que nous avons rencontrés, je le répète volontiers, ont clairement indiqué qu’il ne s’agissait, selon eux, que d’un pis-aller, qui donnerait naissance au mieux à une « usine à gaz », au pire, à une forme d’organisation ambulatoire administrée sous l’égide des ARS.
Considérant que la coopération ne se décrète pas, la commission des affaires sociales a modifié cet article, sur l’initiative de ses rapporteurs, pour rendre le dispositif entièrement facultatif.
Dans la rédaction qui nous est ici proposée, la reprise en main par l’ARS de la constitution d’une communauté professionnelle territoriale de santé serait automatique dès lors qu’il y aurait carence de la part des professionnels de santé. Nous considérons que la disposition proposée, en plus d’être inefficace – on ne fera pas travailler ensemble des gens qui n’ont pas souhaité le faire ! –, envoie un mauvais signal aux professionnels.
En deuxième lieu, la commission s’est également interrogée sur l’opportunité de déstabiliser l’environnement juridique des regroupements ouverts aux professionnels et de perturber la lisibilité si peu de temps après la mise en place des pôles de santé par la loi HPST. Pourquoi remettre en cause ce qui commence tout juste à monter en puissance et à fonctionner de manière satisfaisante ?
Nous avons ainsi jugé préférable d’en revenir à la dénomination « pôles de santé », qui est maintenant bien identifiée par les acteurs, et d’intégrer au présent article les dispositions de l’article L. 6323-4 du code de la santé publique qui les régit. Sont ainsi créés les pôles de santé renforcés.
Enfin, en troisième lieu, la rédaction proposée par la commission comporte plusieurs améliorations, s’agissant notamment de la composition des pôles de santé. Elle donne plus de souplesse aux conditions du regroupement et permet d’associer systématiquement les acteurs du secteur médico-social. Elle améliore également l’articulation avec les autres formes d’exercice en coordination ou en regroupement, qui sont explicitement prévues, et fait une place à la télémédecine dans cet exercice en regroupement.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 et 649.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 249 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 136 |
Contre | 207 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mme Catherine Génisson. Sénat conservateur ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1203, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
mentionnés à l'article L. 1411-1
II. – Alinéa 6
Remplacer le mot :
second
par le mot :
deuxième
La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de coordination. Nous verrons bien quelle sera l’interprétation de Mme la ministre !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 856, présenté par M. Labazée, Mme Génisson, M. Lorgeoux et Mme Espagnac, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et autres formes de coopération
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Cet amendement d’appel vise à promouvoir la recherche de souplesse dans l’organisation des communautés professionnelles territoriales de santé. J’ai à l’esprit une formule remarquable qui a vu le jour dans les Pays de la Loire, fondée sur des coopérations interprofessionnelles très approfondies.
M. le président. L’amendement n° 906, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
I – Alinéa 6
Après le mot :
primaires
supprimer la fin de cet alinéa.
II – Alinéa 7
Après les mots :
services médico-sociaux
insérer les mots :
, le cas échéant, les acteurs médico-sociaux et sociaux
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. L’alinéa 6 de l’article 12 bis fait obligation aux pôles de santé d’être constitués d’« acteurs médico-sociaux ». Or ce terme générique n’ayant pas de définition législative ou réglementaire précise, il se prête à toute interprétation sur les personnes physiques ou morales qu’il désigne.
Cet élément rendu obligatoire, sans définition claire, sera source d’une lourdeur très importante pour la constitution de nouveaux pôles, voire pour le maintien des pôles existants, qui devront se conformer à la loi dans un délai d’un an. Passé ce délai, la constitution ou l’existence même de ces pôles pourra être annulée du seul fait qu’ils n’obéissent pas à la loi.
En plus d’être inapplicable, cette disposition est en totale contradiction avec l’objectif de la commission des affaires sociales du Sénat consistant à privilégier le maintien et la constitution de pôles de santé et à ne pas compromettre leur existence ni leur montée en charge. Son maintien dans le projet de loi serait à l’évidence un coup de frein, et non un encouragement, pour les professionnels.
C’est pourquoi je propose de supprimer les acteurs médico-sociaux et sociaux de la liste des membres obligatoirement présents dans les pôles de santé, pour les intégrer dans la liste des acteurs qui peuvent y participer.
M. le président. L’amendement n° 1065, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
soins primaires,
insérer les mots :
de professionnels des services de santé mentionnés à l’article L. 1411-8,
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à permettre explicitement la participation aux pôles de santé des professionnels des services de protection maternelle et infantile, de santé scolaire et universitaire et de santé au travail. En effet, la participation aux futurs pôles de ces professionnels mentionnés à l’article L. 1411-8 du code de la santé publique serait gage d’une meilleure coordination des acteurs, et donc d’une plus grande efficacité des projets de santé, dans leurs domaines de compétence : l’enfance et la famille pour les professionnels de la PMI, les élèves et les étudiants pour les services de médecine scolaire et universitaire et les salariés pour les services de santé au travail.
M. le président. L’amendement n° 1073, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
et, le cas échéant, sociaux
par les mots :
et sociaux
II. – Alinéa 7
Après le mot :
services
insérer les mots :
sociaux et
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La substitution par la commission des affaires sociales des pôles de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé initialement prévues dans le projet de loi ne permettra pas une coopération ni une articulation suffisamment effectives entre les professionnels de santé et les acteurs sociaux et médico-sociaux.
Selon nous, en effet, la participation aux pôles des groupements de coopération sociale et médico-sociale, très peu présents localement, ne suffira pas à assurer une représentation des acteurs sociaux. Cette coopération est pourtant essentielle pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé et, plus largement, pour protéger et améliorer l’état de santé de la population ; elle est un impératif au moment où la progression de la précarité et de la pauvreté dans notre pays engendre non-recours ou difficultés d’accès aux soins et dégradation de l’état de santé de nombre de nos concitoyens. Elle est indispensable sur les territoires pour permettre la construction de diagnostics partagés et d’accompagnements pluridisciplinaires adaptés et cohérents pour les personnes confrontées à la précarité, en raison parfois d’un accident de la vie, qui peut être une maladie. Pour des personnes en situation de vulnérabilité, souffrant d’addictions ou de pathologies chroniques, il est important qu’un professionnel de santé puisse se coordonner avec un intervenant social qui soit un interlocuteur pour lui aussi bien que pour le patient, qu’il convient d’aider à améliorer sa situation sociale : cela aura des répercussions positives sur le suivi des soins et, plus largement, sur son état de santé.
M. le président. L’amendement n° 874 rectifié, présenté par MM. Amiel et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 1206, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
médico-sociaux,
sont insérés les mots :
les services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l'article L. 2112-1,
La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Cet amendement vise à prévoir la possibilité pour les services de PMI de participer aux pôles de santé.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 108 rectifié bis est présenté par MM. Commeinhes, Mayet et D. Robert, Mmes Mélot et Hummel et MM. Houel et Charon.
L’amendement n° 166 rectifié sexies est présenté par MM. Vasselle, Cornu, Cambon, Calvet, Laufoaulu, Trillard, Saugey, César, B. Fournier et G. Bailly, Mme Lopez, M. Dassault et Mme Gruny.
L’amendement n° 359 rectifié quater est présenté par MM. Mouiller et Mandelli, Mmes Cayeux et Deromedi et MM. de Nicolaÿ, Pellevat, Lefèvre, Bignon, Fouché, Morisset, Genest, Darnaud, Houpert et Husson.
L’amendement n° 492 rectifié est présenté par MM. Marseille, Maurey et Bockel.
L’amendement n° 726 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Après le mot :
élaborent
insérer les mots :
, en s’appuyant sur l’expertise des représentants d’usagers,
La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 108 rectifié bis.
M. François Commeinhes. Cet amendement vise à associer les représentants d’usagers à la définition des projets de santé par les pôles de santé. Ces derniers ont pour objectif d’assurer une meilleure coordination des acteurs. Le projet de loi prévoit notamment la possibilité d’y associer des acteurs médico-sociaux et sociaux, mais pas des représentants des usagers, alors même que ceux-ci détiennent une expertise intéressante des besoins de la population en matière de santé, qui pourrait enrichir le projet de santé.
M. le président. L’amendement n° 166 rectifié sexies n’est pas soutenu.
La parole est à M. Cyril Pellevat, pour présenter l’amendement n° 359 rectifié quater.
M. Cyril Pellevat. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 492 rectifié.
M. Hervé Maurey. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 726.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux positions que j’ai défendues tout à l’heure.
Qu’il s’agisse des communautés professionnelles territoriales de santé ou des pôles de santé, l’objectif est d’assurer une meilleure coordination des acteurs de soins de premier recours. Si le projet de loi prévoit bien la participation à ces structures des professionnels de santé de premier ou de second recours et la possibilité d’y associer des acteurs du secteur médico-social, il ne prévoit pas la participation de représentants des usagers, qui détiennent pourtant une expertise intéressante des besoins de la population en matière de santé.
Je rappelle qu’il existe dans chaque région un conseil régional de santé, chargé de contribuer à la définition et à la mise en œuvre des politiques régionales de santé. Ces organismes évaluent la qualité des actions de santé menées dans la région et le respect des droits des malades et des usagers. Lieux uniques de débat à l’échelon régional, ils concourent à la définition des priorités régionales en matière de santé publique et d’organisation des soins. Cette démarche nous paraît intéressante. Elle mérite d’être renforcée et améliorée ; pour cela, la totalité des acteurs doivent être représentés et associés aux prises de décision.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon et Calvet, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, D. Robert, P. Leroy, Malhuret, César, B. Fournier et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les besoins de santé de la population sont pris en compte dans la constitution de la communauté professionnelle territoriale de santé. L’analyse de ces besoins de santé et la composition des communautés qui en résulte font l’objet d’une publication sur le site internet de l’agence régionale de santé.
La parole est à M. François Commeinhes.
M. François Commeinhes. L’article 12 du projet de loi institue des communautés professionnelles territoriales de santé. Pour que le diagnostic territorial préalable à leur mise en œuvre soit exhaustif, les auteurs de cet amendement proposent de le compléter par une évaluation des besoins de santé de la population. La confrontation de ceux-ci aux insuffisances identifiées dans l’offre de services sanitaires et médico-sociaux permettra de déterminer précisément les objectifs concourant à l’amélioration de l'accessibilité, de la coordination et de la continuité des services de santé. Dans un souci de transparence, l’analyse de ces besoins et la composition des futures communautés professionnelles territoriales de santé seraient détaillées sur le site internet de l’agence régionale de santé, afin que tous les acteurs du territoire, usagers, professionnels et élus, puissent avoir accès à ces informations en temps réel.
M. le président. L’amendement n° 1074, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut d’initiative des professionnels, l’agence régionale de santé prend, en concertation avec les unions régionales des professionnels de santé et les représentants des centres de santé, et après consultation des conseils territoriaux de santé, les initiatives nécessaires à la constitution des pôles de santé.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement tend à réintroduire dans le projet de loi le rôle d’incitation à la formation de pôles de santé confié à l’agence régionale de santé en cas de carence des initiatives locales. Le texte de la commission ne comporte aucune disposition permettant d’organiser la coordination des acteurs de santé, sociaux et médico-sociaux lorsque les professionnels de santé ne se constituent pas en pôles de santé. Notre amendement vise à faire participer l’ensemble des acteurs chargés de l’amélioration de l’état de santé des populations et de la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé aux pôles de santé, lorsque ceux-ci auront été créés sur l’initiative de la seule agence régionale de santé.
Par ailleurs, les conseils territoriaux de santé devraient également être consultés par l’agence régionale de santé lors de la création des pôles de santé, afin que l’ensemble des acteurs du système de santé y soient associés, notamment ceux du secteur social et médico-social. Il s’agit d’un impératif alors que l’aggravation de la précarité et de la pauvreté dans notre pays engendre non-recours ou difficultés d’accès aux soins pour les personnes en situation de vulnérabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. L’amendement n° 856, outre que sa rédaction ne correspond pas à l’intention exposée dans son objet, nous a paru superfétatoire ; son adoption compliquerait inutilement l’article 12 bis, consacré aux pôles de santé. Par ailleurs, l’intention décrite dans l’objet de cet amendement est satisfaite par les alinéas 6 et 7 du même article, aux termes desquels les équipes de soins primaires comme les établissements de santé pourront participer aux pôles de santé. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, et y sera défavorable s’il est maintenu.
En ce qui concerne l’amendement n° 906, je tiens à souligner que nous sommes attachés à la présence des professionnels médico-sociaux au sein des pôles de santé, dans la mesure où cette participation pourrait être un moyen efficace de renforcer la coordination, qui fait souvent défaut, entre les sphères médicale et médico-sociale. Nous avons retenu la notion large d’acteurs sociaux et médico-sociaux afin de ne pas entraver la constitution de pôles de santé. Elle figurait d’ailleurs dans la rédaction initiale de l’article 12 bis : Mme la ministre nous apportera peut-être des précisions sur ce sujet. La commission est défavorable à l’amendement.
Afin de ne pas décourager les initiatives des professionnels de terrain en matière de coopération, il convient de ne pas multiplier les acteurs devant obligatoirement entrer dans la composition d’un pôle de santé, comme le proposent les auteurs de l’amendement n° 1065. Cette multiplication risquerait en effet de paralyser les possibilités de regroupement dans les cas où l’ensemble des acteurs prévus par la loi ne souhaiteraient pas se réunir. En outre, les services de santé scolaire et universitaire et de santé au travail constituent davantage des outils de prévention que des outils d’intervention en matière sanitaire.
Cependant, il semble intéressant que les services de la promotion maternelle et infantile, la PMI, puissent participer aux pôles de santé à titre facultatif. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
En conclusion, la commission demande le retrait de l’amendement n° 1065, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 1073.
Le I de son dispositif multiplie la liste des acteurs devant obligatoirement entrer dans la composition d’un pôle de santé, ce qui n’est pas opportun. Cela risque, en effet, de décourager les initiatives des professionnels de terrain en matière de coopération et de paralyser les possibilités de regroupement dans les cas où l’ensemble des acteurs cités par le texte ne souhaiteraient pas se rassembler.
S’agissant du II, la rédaction actuelle de l’alinéa 7 reprend celle qui est en vigueur pour les actuels pôles de santé, inscrite à l’article L. 6323-4 du code de la santé publique. Elle résulte de la volonté de limiter le périmètre de ces regroupements à la stricte sphère médicale et sanitaire. Il s’agit, je le rappelle, d’une formule visant à faciliter l’exercice en coopération des professionnels de santé.
Sur les amendements identiques nos 108 rectifié bis, 359 rectifié quater, 492 rectifié et 726, la commission émet également un avis défavorable. En effet, il ne paraît pas nécessaire de complexifier les conditions formelles de constitution des pôles de santé, faute de quoi on risque de décourager les initiatives de terrain.
Par ailleurs, les pôles de santé constituent des formes d’organisation et d’exercice en coopération souples destinées aux professionnels. Ils ne constituent pas le lieu d’intervention des associations d’usagers. Ces dernières sont, en revanche, associées à l’action des ARS dans le cadre défini à l’article 38.
S’il n’est pas retiré, la commission émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 43 rectifié.
Tout d’abord, cet amendement fait référence aux communautés professionnelles territoriales de santé, que la commission a remplacées par les pôles de santé renforcés.
Surtout, la préoccupation qui fonde cet amendement est déjà prise en compte au travers des alinéas 12 à 14 de l’article 12 bis, qui prévoient la possibilité, pour les ARS, de contractualiser avec les pôles de santé « pour répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux », ces contrats étant publiés sur le site de l’ARS. En revanche, en faire une obligation systématique pour la constitution des pôles de santé contribuerait à complexifier et à alourdir le processus.
Enfin, à défaut d’un retrait, la commission émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 1074. La mesure proposée, en plus d’être inefficace – on ne fera pas travailler ensemble des gens qui ne l’ont pas souhaité –, suscite l’opposition des professionnels. Dans leur ensemble, ceux-ci ont en effet rappelé leur crainte d’une suradministration de leur organisation, sous l’égide des ARS. Dès lors, le dispositif des pôles de santé doit rester entièrement facultatif et résulter de l’initiative des professionnels eux-mêmes : la mobilisation des acteurs de terrain ne saurait être imposée.
Quant à la « consultation des conseils territoriaux de santé », je rappelle que la commission des affaires sociales a souhaité supprimer ces conseils. En tout état de cause, cette consultation alourdirait encore le formalisme de la constitution des pôles de santé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme l’a dit Mme Génisson, l’amendement n° 856 est un amendement d’appel. Sa logique est bien partagée par le Gouvernement, puisqu’il s’agit de renforcer la coopération entre les communautés professionnelles territoriales de santé et des formes innovantes d’organisation des soins ou des prises en charge, à l’image de l’expérimentation qui a eu lieu dans la région Pays-de-la-Loire.
Cependant, la rédaction de l’amendement aboutirait, me semble-t-il, à l’effet inverse de celui qui est recherché, c’est-à-dire à davantage rigidifier les coopérations plutôt qu’à les ouvrir à des formes innovantes.
C’est pourquoi, madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, tout en reconnaissant qu’il faut évidemment favoriser au maximum les expérimentations et les coopérations innovantes.
Le Gouvernement émettra logiquement un avis favorable sur les amendements nos 906, 1065 et 1073, ceux-ci visant à réintroduire des dispositions qui figuraient dans la rédaction initiale de l’article 12 bis, que la commission a supprimées alors qu’elles étaient bien utiles !
Ainsi, l’amendement n° 906 vise à réintroduire la possibilité de coopérations avec des acteurs médico-sociaux ou sociaux, ce qui va évidemment dans le sens du texte que défend le Gouvernement : il s’agit de décloisonner les coopérations non seulement entre les professionnels de santé, mais aussi entre le secteur sanitaire, le secteur médico-social et le secteur social. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
De la même façon, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1065, qui tend à rétablir la mention des services de la PMI, des services de santé scolaire et universitaire et des services de santé au travail, que la commission des affaires sociales du Sénat a supprimée.
Il en va de même pour l’amendement n° 1073, qui a pour objet de mieux intégrer les acteurs sociaux aux pôles de santé.
Le Gouvernement s’interroge sur l’amendement n° 1206 de la commission, qui vise à permettre la participation des professionnels des services de PMI au travail des pôles de santé. Mesdames et monsieur les rapporteurs, il eût été beaucoup plus simple de maintenir le texte initial, plutôt que de réintroduire ses dispositions petit bout par petit bout… Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement : vous voilà pris au piège de vos contradictions ! (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)
En ce qui concerne les amendements nos 108 rectifié bis, 359 rectifié quater, 492 rectifié et 726, relatifs à la reconnaissance ou à la mise en place de l’expertise des représentants des usagers, je renvoie à l’article 38 du projet de loi, qui porte sur la démocratie sanitaire et définit la place des représentants des usagers. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
L’amendement n° 43 rectifié, qui vise à faire en sorte que la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé prenne en compte les besoins de santé de la population, dont l’analyse devra être publiée sur le site internet des ARS, correspond bien à l’esprit du projet de loi. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Enfin, si je comprends bien l’idée des auteurs de l’amendement n° 1074 de rétablir le rôle de l’ARS en cas de carence des initiatives locales, rendre la consultation obligatoire, comme il est proposé, me gêne, car tout l’esprit du texte repose sur le caractère incitatif et facultatif de la démarche. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l’amendement n° 856.
Mme Catherine Génisson. J’avais précisé qu’il s’agit d’un amendement d’appel mettant en exergue la qualité des travaux effectués par les professionnels de santé dans la région Pays-de-la-Loire en matière d’innovation. En quelque sorte, ils ont créé des communautés territoriales de santé un peu comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir… Je souhaite également insister sur le fait qu’ils ont particulièrement travaillé sur le sujet de la permanence des soins.
Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 856 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 906.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 1065 et 1073 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 1206.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié bis, 359 rectifié quater, 492 rectifié et 726.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 1074 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Ayant entendu les craintes de suradministration de l’organisation des professionnels de santé, ainsi que les réserves du Gouvernement à l’égard du caractère obligatoire de la consultation, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1074 est retiré.
L'amendement n° 190 rectifié, présenté par MM. Barbier et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les organisations représentatives de professionnels de santé et les ordres professionnels concernés sont associés à la conclusion de ces contrats.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à associer les organisations représentatives de professionnels de santé et les ordres professionnels à la conclusion des contrats territoriaux de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Monsieur Barbier, vous proposez que les organisations représentatives professionnelles et les instances ordinales soient associées à la conclusion des contrats territoriaux de santé. Je tiens à rappeler que ces contrats visent à associer les ARS aux professionnels rassemblés sous la forme d’équipes de soins primaires et de pôles de santé, selon une logique opérationnelle et d’allocation de moyens. Afin d’encourager le développement de telles formes de coopération et de tels contrats, il semble à la commission opportun de ne pas alourdir leur formalisme, dans la mesure où, ces équipes pouvant rassembler des professionnels très divers, le nombre d’organisations concernées pourrait être potentiellement très important.
Cela ne fait pas obstacle à la mission de surveillance des conditions d’exercice de la profession incombant aux ordres, qui pourront l’exercer au plan individuel.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Barbier, l'amendement n° 190 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 190 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 12 bis, modifié.
(L'article 12 bis est adopté.)
Article 12 ter A (nouveau)
I. – À l’article L. 4111-12 du code de la santé publique, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».
II. – Le chapitre préliminaire du titre III du livre premier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé de ce chapitre est ainsi rédigé : « Médecin généraliste de premier recours et médecins spécialistes de premier et deuxième recours » ;
2° Après l’article L. 4130-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4130-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4130-2. – Les missions du médecin spécialiste de premier ou de deuxième recours comprennent les actions suivantes :
« 1° Compléter la prise en charge du patient par la réalisation d’une analyse diagnostique et thérapeutique d’expertise, la mise en œuvre du traitement approprié ainsi que le suivi des patients, selon des modalités propres aux compétences de chaque discipline ;
« 2° Contribuer à la prévention et à l’éducation pour la santé ;
« 3° Participer à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions fixées à l’article L. 6314-1 ;
« 4° Contribuer à l’accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycles d’études médicales.
« Le médecin spécialiste de deuxième recours peut intervenir en tant que médecin correspondant, en lien avec le médecin généraliste, pour le suivi conjoint du patient et l’élaboration du projet de soins.
« Le médecin spécialiste de premier ou de deuxième recours intervient en coopération avec les établissements de santé et contribue à la prévention des hospitalisations inutiles ou évitables. »
M. le président. L'amendement n° 1204, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer la référence :
L. 4111-12
par la référence :
L. 1411-12
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
de ce chapitre
La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 ter A, modifié.
(L'article 12 ter A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12 ter A
M. le président. L'amendement n° 425 rectifié bis, présenté par M. Montaugé, Mme Yonnet, M. Courteau, Mme Khiari, M. F. Marc, Mme Bataille, MM. Labazée et Cabanel, Mme Monier et M. Delebarre, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au regard du schéma régional d’organisation des soins et de l’équipement constaté du territoire de santé en dispositifs d’accès aux soins de premier recours ou de spécialités, l’agence régionale de santé impulse auprès des parties prenantes concernées, au rang desquelles les collectivités territoriales, le projet d’équipement nécessaire et mobilise de façon pérenne les dispositifs prévus dans le « pacte territoire santé », pour la partie professionnelle en particulier.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Certains territoires souffrent d’un manque patent d’offre de soins, voire d’une absence d’offre. La population de ces secteurs ne peut rester à l’écart de toute offre médicale, l’accès aux soins étant un droit fondamental qui doit être garanti.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié, le 16 juin 2015, son neuvième Atlas de la démographie médicale en France, établi à partir des chiffres du tableau de l’Ordre au 1er janvier 2015. Cet atlas montre que le phénomène de désertification médicale risque de s’amplifier dans les années à venir. On observe en effet une importante augmentation du nombre des médecins retraités en l’espace d’un an : ils sont aujourd’hui 65 548 à être inscrits à l’Ordre national des médecins, contre 60 823 en 2014.
L’atlas met également en avant le vieillissement de la profession : l’âge moyen des médecins généralistes est de 52 ans, celui des médecins spécialistes est de 51 ans. Une disparité démographique importante est à noter : la tranche des moins de 35 ans ne représente que 6 % des effectifs de la profession, contre 23,5 % pour celle des plus de 60 ans.
L’objet de cet amendement est de conférer au pacte territoire-santé des outils efficaces afin de répondre à la problématique de la désertification médicale des territoires, en créant des dispositifs incitatifs. Il semble opportun que les parties concernées puissent en favoriser le déploiement prioritairement dans les secteurs peu ou non dotés d’une offre de soins de premier recours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Outre qu’il ne semble pas nécessaire de faire figurer ces dispositions dans la loi, la rédaction de cet amendement soulève plusieurs problèmes.
En premier lieu, la logique de l’amendement est déjà prise en compte par l’article 38 du projet de loi, qui prévoit un schéma régional de santé fixant pour chaque territoire les besoins et les objectifs en matière d’évolution de l’offre de soins. Les objectifs de ce schéma sont ensuite mis en œuvre par l’ARS. La rédaction de l’amendement est donc redondante de ce point de vue.
En second lieu, les outils du pacte territoire-santé peuvent être mobilisés sur un simple fondement réglementaire.
Enfin, la rédaction proposée, qui pose également plusieurs problèmes d’intelligibilité, fait référence au schéma régional d’organisation des soins, lequel disparaît en application des dispositions de l’article 38.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Mme Yonnet invoque la nécessité d’associer les collectivités territoriales, les ARS et l’ensemble des acteurs concernés pour engager des dynamiques visant à favoriser l’installation de professionnels de santé dans les zones peu denses afin de remédier à la désertification médicale. C’est précisément tout l’enjeu du pacte territoire-santé.
Même si je souscris à l’objectif qui est le vôtre, madame Yonnet, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, dans la mesure où il est déjà prévu que l’ARS puisse conclure des contrats territoriaux de santé avec les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles de territoire pour répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics régionaux définis à l’article 12 bis. De ce fait, l’ensemble des mesures que vous préconisez sont déjà inscrites dans le texte, même si ce n’est pas dans les termes que vous proposez.
M. le président. Madame Yonnet, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Evelyne Yonnet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 425 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 552 rectifié, présenté par Mme Imbert, MM. Retailleau et D. Laurent, Mme Cayeux, M. Pillet, Mme Morhet-Richaud, MM. A. Marc et Perrin, Mme Deromedi, MM. Charon et Bonhomme, Mme Deseyne, M. Fouché, Mme Giudicelli et M. Allizard, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport présentant des propositions pour rendre le contrat d'engagement de santé publique plus attractif.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport, ce qui ne fera peut-être pas plaisir à la commission ! (Sourires.)
Il s’agit de mieux faire connaître l’un des outils incitatifs à l’installation des jeunes médecins dans les zones où l’offre médicale est insuffisante, à savoir le contrat d’engagement de service public créé par la loi HPST portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et destiné aux étudiants et aux internes en médecine. Ce dispositif leur permet de bénéficier d’une allocation mensuelle à partir de la deuxième année des études médicales en contrepartie d’un engagement d’exercer pendant la durée de l’indemnisation ou pendant une durée minimale de deux ans dans une zone où l’offre médicale fait défaut. Cet outil doit, à notre avis, être rendu plus attractif. Afin que notre amendement ne soit pas déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, nous devons nous borner à demander la remise d’un rapport…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Nous examinons en moyenne dix demandes de rapport par jour depuis le début de la discussion de ce projet de loi… Quels que soient leurs signataires, la commission s’opposera à tous les amendements ayant cet objet. Tout à l’heure, en commission, certains de nos collègues, y compris des membres de l’opposition sénatoriale, ont jugé qu’ils étaient très nombreux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je comprends d’autant mieux votre demande qu’une telle disposition figurait à l’article 12 ter, qui a été supprimé par la commission des affaires sociales. Que voulez-vous que je vous dise ?… Je ne désespère pas que l’article 12 ter soit rétabli tout à l’heure. Dans l’immédiat, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous débattons ici d’un sujet que les élus des territoires ruraux ou de certaines zones urbaines connaissent bien, à savoir la désertification médicale.
Mme Yonnet a très bien posé le problème en citant des données issues de l’atlas publié par l’Ordre national des médecins. Certaines mesures incitatives ont déjà été mises en place, au travers de la loi HPST ou par vous-même, madame la ministre. Cela va dans le bon sens, mais les résultats restent encore très partiels, et je pense que des mesures structurelles devront être prises si l’on veut vraiment résoudre le problème.
Une piste pourrait être de différencier la rémunération des médecins selon qu’ils travaillent en zone sous-dense ou non. Je ne trouverais pas cela choquant. On pourrait par exemple instaurer une sorte de bonus pour les médecins qui acceptent d’exercer dans des territoires insuffisamment pourvus.
Peut-être faut-il également envisager la poursuite du relèvement du numerus clausus, engagé voilà quelques années, mais dont les effets n’apparaîtront que dans cinq, six ou sept ans. Il est un peu curieux de voir nombre de jeunes Français aller faire leurs études de médecine en Belgique ou en Roumanie, tandis que nous faisons appel à des médecins étrangers…
Dans l’attente de telles mesures structurelles, adopter l’amendement de Mme Imbert ne saurait nuire à la santé ! Cela pourrait au contraire nous donner l’occasion de travailler sur des pistes nouvelles pour renforcer les dispositions incitatives mises en place par vous-même, madame la ministre, ou par vos prédécesseurs.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis tentée de voter cet amendement, même s’il s’agit encore de demander un rapport.
Depuis que je suis sénatrice, j’entends parler de désertification médicale !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est le problème !
Mme Annie David. Un ancien collègue membre de la commission des affaires sociales, M. Juilhard, qui n’était pas de mon groupe, avait rédigé un rapport sur ce sujet. Depuis lors, d’autres rapports sur le même thème ont été publiés, mais nous butons toujours sur le même problème : comment inciter les médecins à s’installer dans les zones sous-denses ? Le rapport demandé permettrait peut-être d’ouvrir des pistes nouvelles à cet égard.
Une solution pourrait être de refuser le conventionnement aux médecins s’installant dans les zones denses, sauf s’ils remplacent un collègue partant à la retraite. Peut-être M. Maurey accepterait-il de soutenir une telle mesure, qui ferait sans doute réfléchir les médecins ? On pourrait également accorder un bonus aux médecins s’installant dans une zone sous-dense, ou du moins leur assurer des conditions d’exercice plus favorables que celles de leurs collègues établis dans des zones denses.
Concernant le relèvement du numerus clausus, il faut noter qu’un certain nombre d’étudiants en médecine, une fois leur diplôme en poche, choisissent une autre voie que la pratique de leur spécialité ; il conviendrait d’étudier cette question.
Madame la ministre, des solutions doivent être trouvées pour que l’on puisse enfin parler au passé des déserts médicaux. Ce rapport permettrait de faire un premier pas dans cette voie.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je propose que nous prolongions la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre l’examen de ce projet de loi.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je n’avais pas prévu d’intervenir maintenant, mais puisque Mme David m’a interpellé, je ne résiste pas à la tentation de lui répondre !
Comme le montrent toutes les études, la désertification médicale est, avec le numérique, le problème numéro un dans les territoires ruraux, ainsi que dans les zones périurbaines.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai !
M. Hervé Maurey. Je regrette d’ailleurs que l’on aborde une question aussi essentielle, qui mérite d’être étudiée avec beaucoup de sérieux, à plus de minuit, un vendredi matin. S’il y a une instance qui doit se pencher sur ce sujet, c’est bien le Sénat, qui, aux termes de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Je serais extrêmement marri que le présent projet de loi ressorte de cette assemblée sans avoir été marqué du sceau de la défense des territoires.
Cela a déjà été dit, l’Atlas de la démographie médicale en France qu’a publié l’Ordre des médecins nous apprend que l’on n’a jamais compté autant de médecins en France et que les déserts médicaux n’y ont jamais été aussi étendus, ce qui peut apparaître paradoxal.
Cela montre bien que nous devons donc envisager les choses selon une perspective nouvelle et que les mesures purement incitatives mises en place depuis vingt-cinq ans par les gouvernements successifs ne suffisent pas. À cet égard, je ne crois pas qu’un rapport de plus permettra de régler les problèmes. En tout cas, il est grand temps de faire preuve d’audace, de courage, afin de dépasser les conservatismes en la matière.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais à mon tour voler au secours de cet amendement.
Certes, il s’agit une nouvelle fois de demander un rapport et je comprends bien la réticence que peut susciter une telle requête. En l’espèce, toutefois, ce rapport doit permettre au Gouvernement de présenter des propositions pour rendre plus attractif le contrat d’engagement de service public, d’engager une réflexion si possible collective pour trouver des solutions en vue de la résorption des déserts médicaux. J’ajoute que l’article 40 de la Constitution nous oblige à procéder ainsi.
Les auteurs de cet amendement, auxquels je veux rendre hommage, tendent une perche au Gouvernement. Travaillons ensemble afin d’élaborer des propositions propres à rendre le contrat d’engagement de service public plus attractif.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Nous souhaitons conserver une médecine libérale. Pour ma part, je ne suis pas favorable à la coercition, car elle ne donnera rien. En revanche, par des mesures incitatives, dont un certain nombre ont été évoquées, notamment par M. Lemoyne, il est certainement possible d’encourager des médecins, jeunes ou moins jeunes, à s’installer dans des zones sous-dotées.
À cet égard, je défendrai tout à l’heure un amendement visant à rétablir l’article 12 ter, dont l’objet est de lutter contre la désertification médicale de nos campagnes et de nos banlieues. Même dans une petite ville comme la mienne, Dole, plus un seul médecin ne s’installe dans l’ancienne ZUP, où les conditions de vie et d’exercice n’ont pourtant rien de catastrophique. De fait, si l’on n’incite pas les médecins à s’installer dans les zones sous-denses, on courra à l’échec. Le conseil de l’Ordre des médecins a produit un très beau rapport, qui comporte des préconisations intéressantes. Espérons qu’il en sera tenu compte.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je rejoins les propos que vient de tenir M. Barbier.
Si j’ai émis un avis défavorable sur l’amendement n° 552 rectifié, c’est parce que l’article 12 ter du projet de loi initial, qui a été supprimé par la commission et dont M. Barbier et le Gouvernement proposeront le rétablissement par voie d’amendement, me paraît beaucoup plus complet.
Ainsi, madame David, cet article prévoyait notamment que le comité national chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre du pacte territoire-santé établisse un rapport annuel d’évaluation des actions engagées. Cela allait donc au-delà de ce que prévoit l’amendement de Mme Imbert.
L’article 12 ter inscrivait le pacte territoire-santé, qui existe depuis maintenant trois ans, dans la loi et affirmait l’objectif d’améliorer l’accès aux soins de proximité en tout point du territoire. Il assignait au pacte territoire-santé plusieurs missions, parmi lesquelles la promotion de la formation et de l’installation des professionnels de santé, l’accompagnement de l’évolution de leurs conditions d’exercice.
D’ores et déjà, on observe une hausse, certes encore insuffisante, du nombre d’installations dans les territoires sous-dotés. L’idée fondamentale, c’est de donner envie aux professionnels de santé d’aller s’installer dans ces zones, et non pas de les y contraindre. Quand on leur demande quelle est la meilleure façon de leur donner cette envie, ils répondent qu’il faut leur assurer des modes d’exercice correspondant à leurs attentes. L’exercice isolé dans un cabinet n’entre pas dans ce cadre, c’est pourquoi ce projet de loi comporte de nombreuses mesures relatives à la mise en place de coopérations, par le biais par exemple de maisons de santé, afin de répondre aux aspirations, en particulier, des plus jeunes.
J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur les mesures que nous mettons en place. Le Président de la République a lui-même annoncé le renforcement de certaines d’entre elles voilà quelques jours. Ainsi, nous nous sommes fixé l’objectif de 1 000 maisons pluridisciplinaires de santé à l’horizon 2017, contre 800 aujourd’hui, nous avons instauré et renforcé les contrats d’engagement de service public, qui consistent à accorder des bourses à des étudiants en contrepartie d’un engagement de s’installer dans un territoire sous-doté – on n’en comptait pratiquement aucun en 2012, il en existe 1 300 aujourd’hui et notre objectif est d’en signer 1 700 à l’horizon 2017 –, nous avons accéléré la mise en place des médecins correspondants du SAMU pour que les territoires isolés comptent des urgentistes de premier recours, si j’ose dire – ils étaient une centaine en 2012, ils sont près de 600 à ce jour et notre objectif est de porter leur nombre à 700 d’ici à 2017. Ce sont autant de mesures dont l’application est très concrètement évaluable.
Par ailleurs, nous entendons favoriser des modes d’exercice qui incitent des professionnels à s’installer. Je pense par exemple à la mise en place de maisons de santé à caractère universitaire, ce qui permettra à des internes ou à des chefs de clinique de venir exercer dans les territoires ruraux ou dans des zones urbaines difficiles. Leur présence créera un environnement favorable à l’arrivée d’autres professionnels de santé.
Le pacte territoire-santé prévoit donc toute une série d’actions et de mesures en faveur de nos territoires. Je regrette que l’article 12 ter ait été supprimé. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Les propos de Mme la ministre sont particulièrement intéressants, mais il ne s’agit en fait que de la mise en œuvre de différentes mesures figurant dans la loi HPST : je pense en particulier aux maisons de santé.
Par ailleurs, les mesures incitatives évoquées, qui s’adressent aux étudiants en médecine, ont été mises en place voilà six ou sept ans. Or, dix années d’études étant nécessaires pour former un médecin, il faudra donc encore attendre pour en mesurer les résultats. Quant au relèvement du numerus clausus réclamé par certains, il ne produirait d’effets que dans dix ans et, à cette échéance, on comptera très probablement trop de médecins… Toutes les propositions faites sont intéressantes, mais toutes ne donneront pas des résultats positifs. Certaines, au contraire, produiront même des effets négatifs à l’horizon de dix ou quinze ans.
Concernant l’article 12 ter, s’il ne figure plus dans le texte de loi, c’est parce que son dispositif a été mis en application dès 2012, par le biais de textes réglementaires, et qu’il continuera à s’appliquer sans qu’un texte de loi soit nécessaire pour cela. Dès lors, nous avons estimé qu’il n’était pas utile de l’inscrire dans la loi. C’est tout !
Pour ce qui concerne la lutte contre la désertification médicale, de nombreuses mesures incitatives ont déjà été mises en place : laissons-leur le temps de produire leurs effets. Je ne suivrai pas ceux qui prônent l’adoption de mesures coercitives, car c’est à mes yeux la plus mauvaise des solutions !
En commission, j’ai entendu Mmes Cohen et David affirmer que les médecins s’installent sous le soleil… Or le dernier Atlas national de la démographie médicale en France publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins fait apparaître que le nombre de médecins a considérablement diminué dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes, tandis qu’il a fortement augmenté en Alsace.
M. André Reichardt. Il y fait très beau !
M. Alain Milon, corapporteur. Le nombre d’installations n’est donc pas forcément corrélé à l’ensoleillement, même si des régions comme la Bourgogne ou le Nord-Pas-de-Calais connaissent également des difficultés. Comme l’a dit Mme la ministre, il faut prendre en compte les motivations des nouveaux docteurs en médecine : elles ne sont plus du tout d’ordre climatique. J’ai rencontré voilà deux jours le doyen de la faculté de médecine de Marseille et celui de la faculté de Nice : on constate une désertification médicale en cours dans les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, le nord du Var et le Luberon… Seulement 40 % des jeunes médecins sortant des facultés de médecine de Marseille ou de Nice s’installent en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
En revanche, depuis des années, nous votons des lois de financement de la sécurité sociale marquées par des déficits alors que, dans le même temps, les tarifs des actes des médecins, des chirurgiens, des gynécologues et obstétriciens n’augmentent pas : là est le vrai problème !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je ne remets pas du tout en cause l’exercice libéral de la médecine ; je suis même prêt à le défendre. Toutefois, il existe une différence importante entre l’exercice libéral de la médecine et celui d’autres professions : contrairement à ceux des architectes ou des notaires, par exemple, les revenus des médecins reposent pour une large part sur la solidarité nationale, le financement de la santé étant assuré en grande partie par des cotisations assises sur le travail ou par les impôts.
Au fond, toutes les difficultés que nous rencontrons actuellement reposent sur un fondement lointain, à savoir la charte de la médecine libérale de 1927, qui est née d’une réaction des médecins de l’époque contre le mouvement de création d’assurances sociales. Je ne peux résister au plaisir de citer l’honorable docteur Cibrié, qui, en 1927, écrivait que « le corps médical syndiqué refuse de collaborer aux assurances sociales telles que les établit le projet de loi voté par la Sénat »…
Peut-être faudrait-il maintenant négocier, penser et fonder une médecine libérale du XXIe siècle qui soit toujours fondée sur un principe de liberté, mais tienne compte du fait qu’elle est financée aujourd’hui essentiellement par des recettes issues de la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. J’observe que le débat semble être cantonné strictement à l’Hexagone. Je n’ai pas lu l’atlas publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins, mais je peux dire que les territoires situés outre-mer ne sont pas logés à meilleure enseigne que l’Hexagone en matière de désertification médicale. J’en dirai davantage lorsque nous aborderons l’article 12 ter.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 ter A.
L'amendement n° 1174 rectifié ter, présenté par Mmes Ghali, Khiari et Yonnet, MM. Antiste, Montaugé et Courteau, Mmes Bataille et Guillemot et M. Sutour, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les médecins et les spécialistes bénéficient d’une exonération de charges sociales et fiscales en cas de nouvelle implantation. L’État fixe par décret les conditions d’application de ces exonérations.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Ghali, qui ne pouvait être présente parmi nous ce soir mais qui est prête à rencontrer Mme la ministre pour discuter des propositions que nous allons présenter.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, l’hôpital public et les services des urgences sont, depuis de nombreuses années, la solution de repli pour les habitants en matière de santé. L’esprit du projet de loi de modernisation de notre système de santé vise à placer le médecin généraliste au cœur du parcours de santé, afin d’offrir au patient non plus seulement des soins de premier recours, mais aussi une démarche de prévention.
Des moyens importants sont mis à disposition des politiques de la ville, principalement en matière de rénovation urbaine. S’il est essentiel de repenser les territoires urbains, tous les projets perdent de leur sens si les questions de santé dans ces quartiers sont éludées, voire négligées. Il faudrait favoriser l’installation de nouveaux médecins généralistes et spécialistes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, selon un modèle de zones franches de santé. Cela nous semble indispensable pour réduire les déserts médicaux urbains et redonner de la cohérence au parcours de soins, afin de lutter, au cœur des grandes agglomérations, contre la fracture sociale en matière de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Si l’amélioration de la couverture médicale des zones sensibles constitue bien évidemment une préoccupation partagée par tous, il n’est pas certain que l’outil des exonérations de charges soit le plus approprié pour atteindre cet objectif.
Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2011, la Cour des comptes notait ainsi qu’« il existe en faveur des médecins dans les zones déficitaires une multiplicité d’aides financières, mais très peu connues des intéressés et loin d’être toutes évaluées. Quand elles le sont, [les méthodes encourues] se révèlent inefficaces, car ne répondant pas aux freins à l’exercice en zone démédicalisée exprimés par les médecins, à savoir l’isolement et la difficulté pour le conjoint d’y trouver du travail », entre autres choses.
En outre, la rédaction proposée ne répond pas au problème des déserts médicaux ne se situant pas en zone urbaine. L’adoption du dispositif aboutirait même à une rupture d’égalité entre territoires urbains et territoires ruraux.
C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Toute une série d’aides fiscales et sociales existent déjà, dont l’efficacité est sujette à interrogations. De plus, au-delà des exonérations fiscales et sociales de niveau national, il existe de nombreux dispositifs incitatifs financiers mis en œuvre dans les territoires, parfois sur l’initiative de collectivités.
Pour y voir clair, j’ai confié à l’Inspection générale des affaires sociales la mission de faire le point sur l’ensemble des dispositifs existants, des mécanismes d’exonération pratiqués, et d’en évaluer l’efficacité. J’attends donc la remise de ce rapport, qui doit intervenir vers la fin de l’année, pour éventuellement en tirer les conséquences.
Aujourd’hui, on a un peu le sentiment de se trouver face un « maquis » de dispositifs empilés les uns sur les autres, sans que la cible visée soit forcément atteinte ni que les professionnels soient toujours bien informés des exonérations dont ils bénéficient.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, madame Yonnet.
M. le président. Madame Yonnet, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Evelyne Yonnet. Dans notre ville de Seine-Saint-Denis, nous avons réussi à attirer un nouveau médecin, que l’agence régionale de santé a aidé en versant une certaine somme d’argent pour financer son installation et en lui garantissant le paiement de son loyer pendant six mois. Cela a marché : cette personne est maintenant bien intégrée dans le tissu social et s’est constitué une clientèle.
Je tiens à le souligner, la désertification médicale affecte également les zones urbaines confrontées à des difficultés importantes. En Seine-Saint-Denis, si la situation de la démographie médicale est satisfaisante à l’heure actuelle, elle sera beaucoup plus difficile dans dix ans, car nos médecins sont vieillissants.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 1174 rectifié ter est retiré.
Mes chers collègues, nous avons examiné 159 amendements au cours de la journée.
Mme Annie David. Ce n’est pas mal !
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 18 septembre 2015, à neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (n° 406, 2014-2015) ;
Rapport de M. Alain Milon, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 653, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 654, 2014-2015) ;
Avis de M. Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 627, 2014-2015) ;
Avis de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois (n° 628, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 18 septembre 2015, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART